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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 24

Le jeudi 30 mai 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 30 mai 1996
La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'inauguration des vols d'Icelandair à destination du Canada

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, après plusieurs années de négociations, Icelandair a finalement obtenu les droits d'atterrissage au Canada. Un protocole d'entente autorisant la compagnie Icelandair à assurer un service aérien international régulier à destination du Canada a été signé entre les deux pays en septembre 1995. C'est le premier protocole du genre à être conclu depuis l'introduction dans la politique fédérale de transport aérien de nouvelles dispositions concernant l'accès de transporteurs étrangers.

Ce mois-ci marque la mise en place de ces vols réguliers. Icelandair assurera tous les mardis et tous les jeudis des vols réguliers au départ de Halifax, en Nouvelle-Écosse, à destination de Reykjavik, la capitale islandaise.

Mardi dernier, le 21 mai, j'ai été, sur l'invitation de Icelandair, passager du vol inaugural assurant la liaison entre l'aéroport international de Halifax et Reykjavik, en Islande. Notre délégation se composait de personnalités de la communauté islandaise au Manitoba où se trouvent la majorité des Canadiens d'origine islandaise.

À part moi, notre groupe comprenait le ministre des Finances du Manitoba, l'honorable Eric Stefanson, le consul honoraire d'Islande au Manitoba, M. Neil Bardal, le président de l'Icelandic National League, M. Laurence Johnson, le juge Kristjan Stefanson, et M. et Mme Irvin Olafson.

Toute une série d'activités ont été organisées à notre intention à notre arrivée en Islande. Nous avons été accueillis par l'ambassadeur d'Islande au Canada, M. Einar Benedicktsson, et par le vice-président des ventes de la compagnie Icelandair, M. Steinn Logi Bjornsson. Nous avons rencontré le ministre des Affaires étrangères, M. Halldor Asgrimsson, nous avons visité Reykjavik, Thingvellir, lieu où se trouve le premier parlement islandais, qui est le plus ancien du monde occidental, et avons visité également l'archipel des Vestmannaeyjar.

Un dîner officiel a été donné en notre honneur par le premier ministre David Oddson à sa résidence, ainsi qu'un banquet organisé à notre intention par le président de la compagnie Icelandair et Eimskip, la compagnie de navigation, M. Hordur Sigurgestsson. Cet excellent accueil s'est accompagné de discussions au sujet de l'Islande, ainsi que des débouchés que ce nouvel accès au Canada offrira sur le plan des affaires, du commerce et du tourisme. Ce nouveau service d'Icelandair devrait entraîner une augmentation du tourisme, notamment en provenance de Scandinavie, dans les provinces maritimes, et donner lieu pour les deux régions à de nouveaux débouchés économiques dans les secteurs du transport maritime, de la pêche et du commerce.

Outre notre délégation, il y avait sur le vol des gens d'affaires canadiens qui ont pu ainsi se familiariser avec l'Islande et nouer des contacts dans le pays. Durant leur séjour à Reykjavik, ils ont organisé une foire commerciale pour promouvoir la Nouvelle-Écosse.

Les vols réguliers d'Icelandair au départ de Halifax apporteront une nouvelle dimension substantielle au développement des débouchés commerciaux pour le Canada atlantique. Ces vols aideront aussi à renforcer les relations entre le Canada et l'Islande, des relations nouées il y a longtemps grâce aux Islandais du Manitoba.

J'invite instamment les sénateurs à aller voir ce pays absolument unique et fascinant qui, malgré sa petite superficie et sa petite population, a non seulement fait des merveilles dans le secteur des pêches et dans celui des ressources humaines et naturelles, mais est le pays du monde à avoir le taux d'alphabétisation est le plus élevé.


AFFAIRES COURANTES

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, au cas où nous aurions une motion d'ajournement, je veux demander aux sénateurs la permission de revenir aux avis de motion du gouvernement plus tard aujourd'hui.

Je devrais expliquer, honorables sénateurs, que nous avons l'intention de proposer le projet de loi C-12 en premier lieu, en tant qu'initiative ministérielle. Un certain nombre de sénateurs souhaitent prendre la parole sur ce projet de loi. Nous passerons ensuite au projet de loi C-28. Si j'ai bien compris, il y a un certain nombre de sénateurs qui souhaitent prendre la parole sur ce projet de loi également.

Après des discussions, les deux côtés du Sénat se sont entendus pour que toutes les motions ayant trait aux projets deloi C-12 ou C-28 soient mises aux voix aujourd'hui à 17 h 30, au plus tard.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, mon collègue d'en face et moi-même avons examiné plus d'une fois cette question de l'ajournement, hier soir et encore ce matin. Il y a déjà un ordre du Sénat portant sur le projet de loi C-12, qui dit que nous devons le mettre aux voix au plus tard à 17 h 30 demain, à moins qu'il en soit décidé autrement. L'autre motion dont nous avons discuté hier soir limite le débat sur le projet de loi C-28 à six heures supplémentaires.

Par conséquent, il me semble que la manière la plus efficace d'expédier ces travaux serait de suivre ce qui a été établi par le sénateur Graham plutôt que de revenir demain pour tenir les votes. Six heures, c'est six heures. La procédure la plus efficace serait d'aborder ces questions l'une après l'autre.

D'après ce que je crois comprendre, nous nous sommes entendus pour que le projet de loi C-12 constitue le premier point à l'ordre du jour, sous la rubrique des affaires du gouvernement. Si l'on mène le débat à terme à cet égard, le vote sera remis à plus tard cet après-midi. Nous passerons ensuite au projet deloi C-28. Le débat de deuxième lecture se poursuivra jusqu'à la fin ou, au plus tard, jusqu'à l'expiration des six heures. Nous passerons alors aux autres articles de l'ordre du jour. On peut supposer que nous aurons terminé avec une bonne partie de l'ordre du jour. Quoi qu'il en soit, les votes concernant les projets de loi C-12 et C-28 se tiendront à 17 h 30, au plus tard.

Nous sommes d'accord pour revenir plus tard aujourd'hui aux avis de motion du gouvernement, sous la rubrique des affaires courantes, afin d'étudier la motion d'ajournement.

Banques et commerce

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart, au nom du sénateur Kirby, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à siéger à 11 heures aujourd'hui, le jeudi 30 mai 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Est-on d'accord, honorables sénateurs?

L'honorable Eymard G. Corbin: Pourrions-nous avoir une explication?

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, ni le sénateur Kirby, ni le sénateur Angus ne pouvaient être ici en ce moment. Le comité a prévu de rencontrer des représentants de l'Union Douanes-Accise. Les sénateurs se souviendront qu'il y a quelque temps, le ministère du Revenu national a fusionné deux de ses services, à savoir la sous-direction des douanes et de l'accise et la Direction de l'impôt. Je crois comprendre que le comité des banques et du commerce se propose de rencontrer aujourd'hui les représentants de ce syndicat, soit le président et quatre vice-présidents, qui sont à Ottawa pour décrire comment cette fusion fonctionne.

Ces gens, qui sont venus à Ottawa à la demande du comité, attendent d'être reçus par ce dernier; c'est pourquoi il est souhaitable que le comité soit autorisé à siéger en fin de matinée.

Son Honneur le Président: Est-on d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je donne préavis que, le vendredi 31 mai 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 15 h 30, le mardi 4 juin 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les transports

Marine Atlantique-L'augmentation des tarifs pour le bois destiné aux papeteries-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Ces derniers jours, on m'a dit qu'il y avait une grave situation dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse qui pourrait avoir des conséquences négatives sur l'économie de cette région. Depuis des années, les producteurs de bois pour la pâte à papier utilisent les services de Marine Atlantique pour transporter leur bois vers le Maine. Marine Atlantique a décidé d'augmenter ses tarifs de 73 p. 100.

Après discussions, Marine Atlantique a accepté de réduire son augmentation à 37 p. 100, ce qui est encore beaucoup trop pour les producteurs qui ont du mal à conserver leurs marchés et qui menace les emplois, des emplois dont a beaucoup besoin, dans l'industrie forestière, une industrie qui a des marges bénéficiaires extrêmement minces actuellement.

Les producteurs sont certainement prêts à absorber des augmentations raisonnables et ont même accepté que leur bois soit transporté sur une base non prioritaire, ce qui veut dire que les touristes et les denrées périssables comme le poisson auraient priorité pour l'espace. Cela a aussi été rejeté par Marine Atlantique. Elle préfère avoir de l'espace vide sur ses navires que d'accepter de conserver des choses en attente, alors que la liste d'attente est une pratique bien établie auprès des compagnies aériennes.

Ce que je voudrais savoir de la ministre, c'est si elle a l'intention d'intervenir dans cette question sérieuse et de parler à son collègue, le ministre des Transports, de sorte qu'il puisse avoir une discussion avec Marine Atlantique et la convaincre qu'elle fait fausse route.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je communiquerai dès aujourd'hui la question de mon honorable collègue au ministre.

Marine Atlantique-L'augmentation des tarifs pour le bois destiné aux papeteries-Son effet sur l'emploi en Nouvelle-Écosse

L'honorable Gerald J. Comeau: J'ai une question complémentaire. Je voudrais insister sur l'urgence du problème, car nous n'avons qu'un créneau très étroit. Actuellement, les navires ont de la place et il en sera encore ainsi pendant quelques semaines. À moins que Marine Atlantique ne reconnaisse son erreur, ce créneau va se fermer rapidement et il sera trop tard. J'invite la ministre à envisager cette question de façon urgente parce que quelque 60 000 habitants de Nouvelle-Écosse ont perdu leur emploi et cherchent du travail actuellement. Et ce nombre ne cesse de croître. Nous devons donc agir rapidement.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si mon collègue pouvait m'envoyer par écrit les faits qu'il vient de mentionner dans sa question d'aujourd'hui, je les transmettrai au bureau de mon collègue, le ministre des Transports.

La justice

L'enquête sur la vente d'avions Airbus à Air Canada- L'action civile en diffamation-L'invocation de la Loi sur la preuve au Canada-La position du gouvernement.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à l'adresse du leader du gouvernement au Sénat.

Selon l'Ottawa Citizen d'hier, le 29 mai 1996, le commissaire de la GRC, M. Murray, par une initiative très étrange, a assisté à une réunion du comité de rédaction de ce journal où il a déclaré que le gouvernement invoquerait la sécurité nationale en vertu de la Loi sur la preuve au Canada afin de ne pas avoir à répondre aux questions soulevées dans l'action civile intentée parM. Mulroney.

Dans un cas de sécurité nationale, qui touche généralement des aspects menaçant la sécurité du pays tels que des actes de subversion ou de terrorisme, ou encore la violence politique, il me semble que la décision d'invoquer cette loi ne relève pas uniquement du solliciteur général, du client en cause, M. Gray, mais du ministre de la Défense nationale, voire du Cabinet.

Pourriez-vous nous dire qui prend les décisions au nom du gouvernement du Canada dans cette affaire?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai lu le même article de l'Ottawa Citizen d'hier. De plus, j'ai relu le communiqué de presse que le commissaire Murray a fait distribuer lorqu'il a demandé une prolongation du délai de procédure.

Le commissaire Murray a fait valoir que les audiences pourraient avoir des conséquences sur le déroulement de l'enquête entreprise par la GRC et même le compromettre. Je ne les ai pas devant moi, mais dans les déclarations des juges concernant les deux cas où ce genre de prolongation a été refusée, tout laissait à penser que, si au cours des audiences les circonstances le permettaient, il était possible de recourir à d'autres mécanismes.

En définitive, c'est le tribunal qui décidera...

Le sénateur Lavoie-Roux: Eh bien, laissons le tribunal trancher.

Le sénateur Fairbairn: C'est le tribunal qui décidera si le recours à ces mécanismes est indiqué. Si, à un moment donné, on se rend compte qu'il y a conflit, ce sera au juge et au tribunal de décider de la voie à suivre.

Le sénateur Tkachuk: J'ai demandé qui prend ces décisions. Il doit sûrement y avoir quelqu'un qui est chargé de prendre ces décisions au nom du gouvernement du Canada.

Les défendeurs dans cette cause sont le solliciteur général et le gouvernement du Canada. C'est contre eux qu'est intenté le procès. D'autres peuvent être nommés comme défendeurs, mais, en réalité, c'est le gouvernement du Canada qui l'est. De toute évidence, c'est le solliciteur général qui doit mener le procès au nom du gouvernement du Canada.

Il ne s'agit pas simplement de la diffusion d'un communiqué, mais d'une réunion du comité de rédaction de l'Ottawa Citizen où ces questions ont été discutées.

Lorsqu'on décide de ne pas répondre à des questions pour des motifs de sécurité nationale, d'autres personnes, en plus du solliciteur général, ne devraient-elles pas participer à la prise de cette décision? Il y a peut-être le danger que cette affaire n'entraîne des actes de terrorisme ou de violence dans les rues. Il a peut-être consulté le ministre de la Défense ou le premier ministre lui-même.

Il doit sûrement y avoir quelqu'un qui est chargé de cela. Nous parlons d'une personne ou d'une autre, mais, tôt ou tard, le gouvernement devra dire que c'est le solliciteur général qui se charge de la situation et qui prend les décisions.

A-t-il pris cette décision de son propre chef, ou est-elle le fruit d'une consultation du Cabinet?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je n'ai pas pris part aux discussions qui ont eu lieu avec le comité de rédaction de l'Ottawa Citizen. J'ignore dans quel contexte elles se sont déroulées.

Le sénateur Doyle: Oh, oh!

Le sénateur Fairbairn: La déclaration qui a suscité l'intérêt du sénateur - et d'autres personnes, bien sûr - aurait été faite par M. Murray.

Nous n'avons pas l'intention d'aborder dans une action civile des aspects qui concernent l'enquête criminelle.

On ne peut pas décider à ce stade-ci d'invoquer la Loi sur la preuve au Canada, car rien ne s'est encore passé. Lorsque la cause sera entendue, si le déroulement des audiences du tribunal pose des difficultés pour l'enquête de la GRC, et même le juge a reconnu que cela risque de se produire, on présume que le tribunal devra alors en discuter. En fin de compte, ce sera au juge et au tribunal de trancher.

Le sénateur Tkachuk: J'ai une autre question complémentaire. Je voudrais éviter le jargon juridique. Si des avocats sont présents, je les prie de me venir en aide. Je cherche simplement à comprendre ce qui se passe.

Le procès est actuellement au stade de l'interrogatoire préalable. Quand un témoin du gouvernement canadien se voit poser une question à laquelle il ne veut pas répondre, il invoque la sécurité nationale et la Loi sur la preuve au Canada, de sorte que la question sera portée devant une cour de justice.

Le gouvernement a dû certainement appliquer une politique générale. On nous a dit que ni le gouvernement ni les ministres ne sont impliqués, et que seuls les bureaucrates prennent les décisions. Je ne le crois pas.

En octobre 1994, on a pu lire dans le Globe and Mail queM. Gray avait déclaré aux journalistes que la GRC avait obtenu un exemplaire du livre On the Take, de Stevie Cameron, aux fins d'examen. La GRC a confirmé ce fait et déclaré qu'elle ferait connaître sous peu sa décision concernant la tenue d'une enquête officielle. Il semble que M. Gray ait suivi ce dossier d'assez près pour savoir qu'un policier d'Ottawa s'était empressé d'aller chercher le livre On the Take dans une librairie. Ce policier aurait-il couru au bureau du ministre pour lui dire: «Monsieur le ministre, j'ai fait du bon travail aujourd'hui»? Lui aurait-il dit: «Je me suis procuré un exemplaire du livre On the Take et il y a des révélations intéressantes»? Ou encore: «Nous aussi, monsieur le ministre, nous regardons la télévision et nous travaillons fort»?

Honorables sénateurs, le solliciteur général s'intéresse vraiment beaucoup à ce dossier. Il a toujours su ce qui se passait. S'il est au courant que des policiers achètent des exemplaires du livre On the Take, c'est qu'il s'occupe du dossier et qu'il prend toutes les décisions. Je pose simplement la question suivante: est-ce le solliciteur général qui a pris cette décision et qui a établi la politique générale prescrivant aux témoins d'invoquer la Loi sur la preuve au Canada, ou est-ce que la décision a été prise par le Cabinet lui-même?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, mon honorable ami a déclaré au début de sa question qu'il ne croyait pas que des ministres n'étaient pas impliqués dans l'enquête et qu'ils ignoraient tout de l'enquête. C'est évidemment à moi qu'il dit cela, car c'est moi qui lui transmets ces renseignements, au mieux de ma connaissance et de mes capacités, l'information selon laquelle les ministres ne sont pas, aujourd'hui comme auparavant, impliqués dans l'enquête et qu'ils en ignorent la substance.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi pas?

Le sénateur Fairbairn: Mon honorable ami, comme d'autres, d'ailleurs, m'a dit qu'il ne croyait tout simplement pas les renseignements que je lui transmets. Je ne peux pas faire grand-chose pour le faire changer d'idée.

Quant à ce qui arrivera devant les tribunaux à Montréal, j'ai tenté de dire à l'honorable sénateur aujourd'hui que, comme lui, je n'ai pas assisté aux réunions du comité de rédaction de l'Ottawa Citizen. Je n'ai pas la moindre idée du contenu ou du contexte de la discussion dont il parle. L'endroit n'est pas approprié pour établir des hypothèses sur ce qui se passera devant le tribunal. C'est le tribunal qui décidera.

Pendant que le dossier progresse, le commissaire de la GRC déclare que, si jamais il y avait un conflit avec le déroulement de l'enquête, il serait disposé à invoquer certains articles de la Loi sur la preuve au Canada.

Je vois le sénateur Cogger qui hoche la tête.

Les deux dernières fois que la GRC a présenté à ce tribunal des motions de report, le juge les a rejetées pour diverses raisons et il a laissé entendre qu'à la reprise des procédures, la défense pourrait recourir, le cas échéant, à d'autres mécanismes. Dans ce cas - et c'est encore une hypothèse -, c'est le juge et le tribunal qui trancheront finalement.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai deux questions complémentaires. Tout d'abord, la GRC dit qu'elle se mettra sous la protection de la Loi sur la preuve au Canada. Comme le sénateur Fairbairn le fait remarquer - et j'espère que la GRC écoute -, il n'appartient pas à la GRC de décider si elle peut recourir à la Loi sur la preuve au Canada pour se défendre. C'est au juge qu'il appartient de décider si cette loi peut s'appliquer.

Comme le fait remarquer de l'Ottawa Citizen, on invoque habituellement la Loi sur la preuve au Canada pour bloquer un témoignage qui représente une menace pour la sécurité nationale. Cependant, on ne peut pas l'invoquer à la légère.

Je voudrais donc savoir quels aspects de l'affaire des Airbus ont une incidence sur la sécurité nationale?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je n'ai absolument aucune idée des questions sur lesquelles l'enquête a pu porter ou ne pas porter. On évoque, encore une fois, une situation hypothétique inspirée par des commentaires publiés dans un journal. À mesure que se déroulera l'audition de cette cause, il appartiendra au tribunal de décider, d'après l'interrogatoire, si les circonstances justifient le recours à cette loi.

Je ne peux absolument pas présumer de ce qui pourra arriver au cours du procès. Il serait imprudent et incorrect pour moi de le faire. C'est le domaine du tribunal. Nous sommes ici au Sénat. Ce qui se passe au tribunal se fait sous l'autorité d'un juge. Dans ce tribunal, le déroulement du procès a été jusqu'ici évidemment guidé par un juge. Il continuera d'en être ainsi. Je ne puis faire de commentaires sur le procès qui se déroule dans la salle du tribunal.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis heureux d'entendre la ministre dire que le Sénat ne doit pas s'immiscer dans des procédures judiciaires en posant trop de questions pertinentes.

Le sénateur Fairbairn: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suggère au leader du gouvernement au Sénat de relire ses propres propos. À mon avis, ils s'appliquent encore plus au projet de loi C-28.

De toute manière, à supposer que le gouvernement ne savait rien de cette enquête aux premières étapes, comment madame le ministre peut-elle toujours prétendre que le gouvernement ne sait pas, en ce moment même, où en est l'enquête? Nous nous sommes fait dire il y a quelques minutes que le gouvernement n'était au courant de rien, peu importe ce que nous pouvons penser, et qu'il n'est pas intervenu dans l'enquête. Comment est-il possible au leader du gouvernement au Sénat de prétendre cela alors que la GRC et le gouvernement du Canada sont codéfendeurs dans une poursuite à Montréal? Leurs avocats siègent côte à côte, échangent des idées et de l'information pour monter une défense commune. Comment est-il possible de prétendre que le gouvernement n'est pas au courant de l'enquête alors que ses représentants sont devant les tribunaux à Montréal, assis à côté des représentants de la GRC, en train de préparer une défense commune, dans une affaire qui découle de cette enquête?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ne peux que répéter, comme je l'ai fait pendant des mois, que les ministres ne sont pas au courant de l'enquête. Il serait déplacé, inacceptable et dangereux qu'ils le soient. C'est fondamental. Nous sommes les défenseurs dans une cause de diffamation à Montréal. L'affaire suit son cours devant les tribunaux. Le sénateur pense peut-être même que l'affaire se déroule à un bon rythme. Toutefois, nous ne pouvons pas et nous n'allons pas nous mettre en position d'intervenir sur le fond d'une enquête qui liée à la cause dont les tribunaux sont saisis. Tout se déroulera devant les tribunaux, sous l'oeil vigilant du juge.

Je suis désolée que les sénateurs ne croient pas les propos que j'ai tenus au Sénat, mais je vais continuer de dire la même chose. Je n'ai jamais prétendu, sénateur Lynch-Staunton, qu'on ne pouvait pas poser de questions au Sénat. Bien sûr qu'on le peut. Je dis simplement que je ne peux pas m'aventurer à prédire le déroulement d'une cause dont l'audition se poursuit. Je ne le peux tout simplement pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous pourrions peut-être tirer un point au clair pour ne pas sans cesse revenir sur les mêmes choses: faut-il déduire des propos de la ministre que le gouvernement du Canada a une politique de non-ingérence absolue dans toutes les enquêtes de la GRC partout au Canada? Est-ce la politique du gouvernement de se distancer le plus possible, de s'intéresser le moins possible et de ne pas se renseigner sur les enquêtes de la GRC?

Le sénateur Doody: À qui les policiers doivent-ils rendre des comptes?

Le sénateur Fairbairn: Sénateur Lynch-Staunton, c'est là une observation très générale.

Le sénateur Lynch-Staunton: Certes.

Le sénateur Fairbairn: Je vais certes réexaminer le hansard et la transmettre vos questions à qui de droit. Cependant, je ne ferai pas ici de déclaration générale concernant toute affaire faisant l'objet d'une enquête quelque part au Canada. Il est impossible que des ministres soient mêlés à la conduite d'une enquête de ce genre, l'influencent ou en parlent le moindrement. Nous ne participons pas à cette enquête. Je dirai aux sénateurs de l'opposition que c'est le jour où des ministres pourront se mêler d'enquêtes de ce genre que les Canadiens auront vraiment des raisons d'être inquiets et bouleversés.

Le sénateur Lynch-Staunton: Puis-je alors demander en quoi une enquête de ce genre libère le gouvernement de sa responsabilité de garder un oeil sur le travail des forces policières qui relèvent de sa compétence et de confirmer l'existence de ce droit de regard? En quoi cette enquête est-elle spéciale et tellement différente des autres? Certes, elle concerne des Canadiens que la GRC soupçonne d'avoir violé la loi, mais des enquêtes de ce genre ont lieu tous les jours. Les personnes en cause sont peut-être plus célèbres que la plupart des Canadiens qui font l'objet d'une enquête, mais la nature de l'enquête, qui est d'examiner des activités qui sont peut-être criminelles, n'a rien d'inusité pour la GRC; cela fait partie de ses fonctions normales. La GRC mène certes tout le temps des enquêtes du même genre. Le ministre compétent en est certes tenu informé.

Qu'est-ce que cette enquête a de spécial pour que le gouvernement semble ne vouloir absolument rien à voir avec elle?

Le sénateur Fairbairn: J'ai dit à mon collègue qu'il ne serait pas correct que des ministériels se mêlent d'enquêtes policières - non seulement celle-ci, mais d'autres aussi. Le sénateur m'a posé une question générale. Comme l'a dit hier le sénateur Murray, je ne dirige aucun portefeuille et je fais bien attention de ne pas faire dire quoi que ce soit à d'autres ministres. Je vais m'occuper donc d'obtenir une réponse opportune et sérieuse pour mon collègue. Je ne vais pas lui répondre n'importe quoi, car ce ne serait pas convenable.

Toutefois, je dirai et je continuerai de dire une chose, et c'est que les ministres ne doivent pas se mêler des enquêtes de la GRC. Cela ne rendrait pas service aux Canadiens, aux politiciens, ni à notre système judiciaire.

Une voix: Bravo!

L'enquête concernant la vente d'avions Airbus à Air Canada-La supervision des autorités policières-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. La ministre acceptera peut-être de commenter le principe fondamental qui est très bien exprimé dans le vieux dicton classique quis custodiet ipsos custodes, qui signifie «Qui garde ceux qui nous gardent?»

La politique du gouvernement actuel du Canada est-elle de ne pas superviser les autorités policières de notre pays?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au sénateur Lynch-Staunton, lorsqu'on me pose ce genre de questions, je préfère consulter mes collègues afin de pouvoir fournir une réponse réfléchie et appropriée. Il ne me revient pas de vous faire part de mes propres réflexions philosophiques ou de vous fournir des réponses catégoriques.

Naturellement, il existe dans le cadre de notre système des procédures très claires à suivre. Nous en sommes tous conscients. Ce que je veux dire aujourd'hui, en me fondant sur les renseignements dont je dispose, c'est qu'il n'incombe pas aux ministres de jouer un rôle actif...

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas ce que je dis. Ce n'est pas ce que je vous demande.

Le sénateur Fairbairn: ...quelconque dans les enquêtes dont il est question.

Le sénateur Kinsella: Croyez-vous personnellement, en tant que membre du gouvernement, ou collectivement avec vos collègues au Cabinet, que vous n'avez pas le devoir de superviser les activités policières au Canada?

Le sénateur Fairbairn: Je crois que le gouvernement du Canada a toujours la responsabilité de veiller à ce que le système de justice canadien fonctionne bien.

L'enquête sur la vente d'avions Airbus à Air Canada-Les facteurs entrant en ligne de compte dans la décision du ministre de demander le report du procès- La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: J'ai une question complémentaire à poser sur cette affaire puisque madame le leader du gouvernement au Sénat a dit qu'elle traiterait de quelques questions plus générales concernant la justice.

Comme j'ai une certaine expérience du système de justice, est-ce exact que vous avez dit que lorsque la GRC a consulté le ministre pour demander le report du procès civil, le ministre a pris sa décision en se fondant sur les déclarations de la GRC selon lesquelles elle avait besoin de plus de temps pour l'enquête? Est-ce exact?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir d'envoyer au sénateur une copie du communiqué dans lequel cela a été dit et souligné.

Le sénateur Andreychuk: Si c'est le cas, voici ce qui me préoccupe: est-ce que le ministre, en prenant sa décision, a fait son devoir qui consiste non seulement à ne pas s'engager dans la conduite active d'une enquête, mais encore à soupeser d'autres facteurs pour déterminer s'il fallait demander un report?

À mon avis, le ministre savait, à ce moment-là, qu'on risquait d'empiéter sur les droits d'un citoyen au point où sa réputation risquait d'être irrémédiablement ternie par les accusations qui ont été portées contre lui. A-t-il tenu compte du fait qu'il était dans l'intérêt public de continuer l'enquête, par opposition à faire entrer en ligne de compte d'autres considérations de justice qui relèvent clairement de la compétence du ministre?

J'admets certainement que les ministres provinciaux de la justice doivent soupeser les intérêts contraires des citoyens. Parfois, il s'agit d'intérêts collectifs et, parfois, d'intérêts individuels. Parfois, nous poursuivons une enquête et parfois, nous l'arrêtons au nom de principes plus importants et plus sérieux.

Voici ce qui me préoccupe: pourquoi le ministre n'a-t-il pas exercé son jugement en déterminant ce qui était dans l'intérêt du Canada et de la population du Canada et, notamment, des personnes en cause?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, le ministre a pris pleinement ses responsabilités, je n'en doute pas. Encore une fois, je vais envoyer au sénateur une copie du communiqué. C'est tout ce que je puis dire là-dessus.

Le sénateur Andreychuk: À ma connaissance, le seul facteur dont il a tenu compte est la poursuite de l'enquête. Je voudrais que cela soit confirmé ou infirmé parce que j'estime qu'il aurait invoqué d'autres principes s'il avait exercé correctement son jugement.

Le sénateur Fairbairn: Comme toujours, je vais voir quelle réponse appropriée à donner au sénateur, mais, comme je l'ai déjà dit, la situation a été exposée assez clairement dans le communiqué, et c'est ce qui a été fait. Je ne doute pas que le ministre responsable a agi de bonne foi dans le cadre de ses responsabilités.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période des questions est maintenant terminée.

Réponse différée à une question orale

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorable sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Thérèse Lavoie-Roux a posée au Sénat le 30 avril 1996 concernant la fermeture du Centre canadien de fusion magnétique.

Les ressources naturelles

La fermeture du Centre canadien de fusion magnétique-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Thérèse Lavoie-Roux le 30 avril 1996)

Point 1: C'est vrai que la fusion pourrait déboucher sur une technologie de production d'électricité à grande échelle.

Réponse:

Cependant, il faudra encore beaucoup de développement avant que la fusion puisse apporter quelque contribution que ce soit dans le domaine de l'énergie ou de l'environnement, et cela à la condition qu'une technologie commercialisable puisse être mise au point. Les travaux de développement seront très coûteux et s'échelonneront sur plus de 30 ans. Question de mettre les choses en contexte, rappelons que la prochaine étape du développement est le Réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), un projet conjoint du Japon, de l'Union européenne, de la Russie et des États-Unis qui coûtera 10 milliards de dollars à construire et 10 autres milliards de dollars à exploiter pendant sa durée de vie. Et il ne s'agit que d'un réacteur expérimental.

Point 2: Le gouvernement s'est engagé à financer le Tokamak de Varennes pendant 30 ans.

Réponse:

Aujourd'hui, le gouvernement ne s'est pas engagé à financer le Tokamak de Varennes pendant 30 ans. Le seul engagement qui existe est une entente entre trois parties: Énergie atomique du Canada limitée, Hydro-Québec et l'Institut national de la recherche scientifique. Aux termes de cette entente, l'une ou l'autre partie peut mettre fin à sa participation moyennant un préavis d'un ans.

Point 3: Comment le gouvernement justifie-t-il sa décision de mettre au rebut 15 années de travaux reconnus mondialement?

Réponse:

Le gouvernement fédéral est aux prises avec un grave problème de déficit. Il doit réagir à ce problème pour éviter qu'il devienne un fardeau onéreux pour les générations présentes et futures de Canadiens. De sévères coupures ont dû être faites dans tous les secteurs de l'administration publique fédérale, y compris dans le portefeuille des ressources naturelles. Le gouvernement doit maintenant concentrer ses dépenses de R-D énergétique vers des domaines de priorité qui peuvent produire des retombées à court terme et à moyen terme pour aider à réduire le déficit et la dette, créer des emplois et répondre aux préoccupations environnementales.

Comme son budget va en diminuant, le gouvernement ne pouvait plus continuer à appuyer le développement d'une technologie énergétique coûteuse et risquée comme la fusion, dont les avantages énergétiques et environnementaux ne se concrétiseront vraisemblablement pas avant la dernière moitié du siècle prochain. Ces ressources seraient utilisées à meilleur escient dans des domaines de priorité qui peuvent rapporter à brève et à moyenne échéance.

Point 4: Le gouvernement croit-il que c'est en annulant le projet de recherche sur la fusion magnétique qu'il favorisera la commercialisation de ce type de technologie?

Réponse:

Le gouvernement fédéral n'a pas annulé le projet. Celui-ci est cofinancé par trois parties: Énergie atomique du Canada (EACL), Hydro-Québec et l'Institut national de la recherche scientifique. La décision du gouvernement fédéral est de cesser de financer le projet. Si les autres parties souhaitent poursuivre leur participation, libre à elles de le faire. Le gouvernement fédéral leur donne un an, conformément à l'entente conclue avec EACL, pour trouver d'autres partenaires ou accroître leur contribution financière au projet.

Les résultats des travaux sur la fusion ne seront pas commercialisables avant au moins 30 ans, et ce à la condition qu'une technologie viable puisse être mise au point.

Point 5: On élimine le projet sans tenir compte ni des dépenses déjà consenties, ni des gens qui y travaillent, ni des conséquences d'une telle décision pour la recherche à long terme.

Réponse:

Le gouvernement fédéral n'élimine pas le projet. Hydro-Québec peut maintenir sa participation si la fusion fait partie de ses priorités pour la production d'électricité à long terme.

En cette période d'importantes compressions financières, le gouvernement fédéral ne peut se permettre d'appuyer tous les programmes de recherche, même s'ils sont valables. Les fonds doivent être dirigés vers les travaux de recherche valables qui peuvent nous aider sur les plans du déficit, de la création d'emplois et de l'environnement à court et à moyen terme. La fusion est un domaine de recherche valable, mais ses retombées pourraient ne pas se réaliser avant la dernière moitié du siècle prochain.

Affaires sociales, sciences et technologie

autorisation au comité de permettre
le reportage par les médias électroniques

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, si le comité est saisi du projet de loi C-12 aujourd'hui, il demandera au Sénat la permission d'autoriser la diffusion de ses travaux par les médias électroniques. Puisque le Sénat ne se réunira probablement pas demain ni lundi, je donne avis que, plus tard aujourd'hui, avec la permission du Sénat, nonobstant l'article 58(1)f) du Règlement, je propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à permettre la diffusion, par les médias d'information électroniques, de ses délibérations publiques sur le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, de manière à déranger le moins possible les travaux.

Honorables sénateurs, nous espérons tenir notre première séance lundi.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

La monarchie constitutionnelle du Canada

Avis d'interpellation

Permission ayant été accordée de revenir aux avis d'interpellation:

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 57(1) et (2) et 58(2) du Règlement, je donne avis que mercredi prochain, j'attirerai l'attention du Sénat sur la monarchie constitutionnelle du Canada, l'histoire du représentant du souverain au Canada, nommément le gouverneur général, le principe traditionnel et constitutionnel selon lequel, dans une monarchie contitutionnelle, le souverain ne pénètre pas dans la Chambre basse, et la présence de Son Excellence le Gouverneur général à la Chambre des communes le mercredi 29 mai 1996.

L'enfance maltraitée et négligée

Le décès de Sara Podniewicz-Avis d'interpellation

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 57(1) et (2) et 58(2) du Règlement, je donne avis que mercredi prochain, j'attirerai l'attention du Sénat sur le décès par négligence et mauvais traitements d'une enfant de six mois, Sara Podniewicz, nommée Sara Olson, causé par ses parents Lisa Olson et Michael Podniewicz, le 24 avril 1994 à Toronto, en Ontario, son autopsie, la condamnation de ses parents pour meurtre au deuxième degré, leur traitement de leurs autres enfants, ainsi que la conduite dans cette affaire de la Catholic Children's Aid Society, de la Canadian Mothercraft Society et du Service correctionnel du Canada.

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'assurance-emploi

Deuxième lecture

Permission ayant été accordée de passer à l'article no 4:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Forest, portant deuxième lecture du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-12 qui nous a été renvoyé par l'autre endroit pour que nous en fassions une étude attentive afin d'en déterminer les qualités et les défauts. Je tiens à souligner que ce projet de loi n'est pas sans qualités, qu'il n'est pas totalement mauvais. Cependant, il comporte certains défauts que le Sénat a la possibilité et le devoir de corriger. Nous devons faire tout notre possible pour améliorer le projet de loi C-12, afin qu'il serve les intérêts des Canadiens.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un projet de loi complexe qui aura des effets sentis sur la vie de centaines de milliers de citoyens ordinaires dans toutes les régions du Canada, notamment dans la mienne. Je demande aux honorables sénateurs de penser qu'il y a officiellement 145 000 personnes sans travail dans les seules provinces atlantiques. Pensez également que le taux de chômage dans cette région varie entre 10,7 p. 100, au Nouveau-Brunswick, et 19,7 p. 100, à Terre-Neuve. À l'intérieur même des provinces, le taux de chômage officiel atteint un sommet de 33,4 p. 100 dans certaines parties de Terre-Neuve. Dans ma ville, Saint John, 10,5 p. 100 des travailleurs sont officiellement sans travail. C'est mieux que dans d'autres parties de la région atlantique, mais ce pourcentage reste inacceptable.

Il ne faut pas non plus oublier, honorables sénateurs, que ces chiffres seraient bien plus élevés si on y incluait les milliers de gens qui ont renoncé à chercher du travail parce qu'il n'y en a pas. Si vous cessez de chercher un emploi parce qu'il n'y en a pas, vous n'êtes pas un chômeur pour Statistique Canada. Selon la même logique, j'imagine que l'on pourrait dire que la personne qui ne se nourrit plus parce qu'elle n'a plus rien à manger n'est pas une personne affamée.

Le gouvernement aime bien parler de tous les emplois qu'il a créés, mais le Canada atlantique a perdu 4 000 emploisdepuis novembre et le nombre de chômeurs y a augmenté de15 000 depuis le même mois.

Honorables sénateurs, j'ai donné des chiffres qui s'appliquent à une seule région du Canada pour vous donner une idée de l'ampleur des conséquences du projet de loi. Ce ne sont pas là uniquement des statistiques. Lorsque nous parlons du nombrede sans-emploi dans le Canada atlantique, nous parlons de145 000 êtres humains - de gens qui doivent se nourrir, se vêtir et se loger, eux ainsi que leurs familles. Il dépend de nous que le projet de loi C-12 ne leur rende pas la vie encore plus dure, à eux et aux autres personnes dans la même situation qu'eux ailleurs au Canada.

Étant donné la complexité du projet de loi et l'impact qu'il peut avoir sur la vie de tant de Canadiens, il peut être difficile, même dans les meilleures circonstances, d'en saisir toute la portée. Dans notre cas, cette tâche est compliquée davantage par la limite de temps qui a été imposée à cette Chambre pour l'étude de cette mesure, ainsi que par les restrictions imposées au comité relativement à la possibilité de voyager.

Cela étant dit, plusieurs dispositions de cette mesure législative suscitent déjà d'importantes préoccupations qui méritent l'attention du Sénat. Certains de mes collègues parleront d'autres aspects du projet de loi, mais j'ai choisi de concentrer mes remarques aujourd'hui sur les conséquences néfastes que le projet de loi C-12, sous sa forme actuelle, pourra avoir sur les jeunes, particulièrement les étudiants.

Honorables sénateurs, avant d'aborder de façon détaillée les dispositions de ce projet de loi qui touchent les jeunes Canadiens, je voudrais vous rappeler l'engagement pris par le gouvernement dans le dernier discours du Trône.

Les jeunes Canadiennes et Canadiens veulent avoir la chance de mettre leur talent et leur énergie à contribution. Ils méritent qu'on leur ouvre des horizons et le pays entier doit tendre vers ce but.

Cet engagement impressionnant et des plus nécessaires envers les jeunes Canadiens ne s'arrêtait pas là. Le discours du Trône disait aussi ceci:

Le gouvernement incitera le monde des affaires et du travail ainsi que les divers ordres de gouvernement à joindre leurs efforts pour aider les jeunes à trouver leur premier emploi.

Je crois qu'il convient aussi de rappeler au Sénat les paroles du nouveau ministre du Développement des ressources humaines, l'honorable Doug Young, qui a présenté le projet de loi C-12 à l'autre endroit. Il a dit ceci, comme le rapportait le Telegraph Journal du 6 février 1996:

Le Canada a un important défi à relever. C'est une question d'unité. C'est une question d'équité. C'est une question très vaste. Cette question est la suivante: que faisons-nous pour donner des chances à nos jeunes afin de soulager certaines de leurs frustrations? Cela va de la formation - voir à ce qu'elle soit mieux ciblée - jusqu'aux prêts aux étudiants et même jusqu'aux possibilités d'emplois... Les jeunes ont besoin de beaucoup d'attention.

Honorables sénateurs, je vous invite, à la lumière de ces engagements, à examiner de plus près le principe de l'assujettissement du premier dollar de rémunération, qui est l'une des principales composantes du projet de loi sur l'assurance-emploi, et ses effets sur les jeunes qui travaillent à temps partiel, principalement les étudiants.

En quelques mots, le projet de loi C-12 accorde la protection de l'assurance-emploi à tous les travailleurs qui occupent un ou plusieurs emplois assurables et travaillent 15 heures ou moins par semaine. Autrement dit, ces travailleurs, dont beaucoup sont des étudiants, devraient payer des cotisations d'assurance-chômage sur chaque dollar de gains dès la première heure de travail. En contrepartie, ils pourraient recevoir des prestations d'assurance- emploi en cas de mise à pied.

Honorables sénateurs, je suis sûre que de nombreux travailleurs à temps partiel se réjouiront de cette disposition du projet de loi, comme je le fais moi-même. Je parle principalement du nombre grandissant de travailleurs qui, parce qu'ils ne peuvent trouver d'emplois à temps plein ou pour d'autres raisons, occupent deux ou trois emplois à temps partiel représentant chacun moins de 15 heures de travail par semaine. Aux termes du projet de loi C-12, ces personnes seraient admissibles à une certaine forme de protection du revenu en cas de perte d'emploi et deviendraient également admissibles aux prestations d'assurance-emploi spéciales dans les cas de maternité, maladie ou obligation parentale. La raison première de l'assujettissement du premier dollar de gains semble donc louable.

Toutefois, cette mesure pourrait avoir des conséquences imprévues et tout à fait malheureuses. En effet, le projet deloi C-12 omet de faire une distinction importante et nécessaire. Il applique le même traitement aux travailleurs à temps partiel qui pourraient aisément être admissibles à la protection de l'assurance-emploi et qui sont susceptibles, en cas de perte d'emploi, de recevoir des prestations et aux autres travailleurs pour qui la protection obligatoire entraînera une baisse de leurs gains nets alors qu'ils auront peu de chance de recevoir un jour des prestations.

Le caractère universel du projet de loi ne correspond pas aux intérêts des travailleurs du second groupe, qui comprend de nombreux jeunes, principalement des étudiants, qui travaillent 15 heures ou moins par semaine dans la vente au détail, le tourisme, les services alimentaires et l'hébergement. Ces emplois à temps partiel sont d'une importance cruciale pour les étudiants. Ils leur permettent non seulement d'acquérir une expérience professionnelle précieuse, mais ils leur sont également nécessaires pour subvenir à leurs besoins financiers quotidiens. De nombreux étudiants du niveau secondaire comptent beaucoup sur ces emplois pour payer leurs études collégiales et universitaires.

Je souligne que la question de l'épargne est de plus en plus fondamentale, puisque le gouvernement fédéral a coupé les subventions à l'enseignement postsecondaire avec le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. C'est ainsi que les frais d'admission sont de plus en plus élevés. Qui plus est, l'honorable Doug Young, d'après ce même article du Telegraph Journal, a laissé entendre que les frais d'admission monteraient encore, parce qu'ils ne sont pas représentatifs de la valeur des études. Les emplois à temps partiel ne peuvent donc que devenir de plus en plus importants pour les étudiants.

Le gouvernement dira peut-être que le système actuel d'assurance-chômage fait du tort au marché du travail en exemptant des cotisations d'assurance-chômage les emplois de moins de 15 heures par semaine. Son argument, c'est que cela encourage les employeurs à organiser les horaires de travail de manière à limiter le nombre d'heures de travail de chaque employé. Ainsi, ils évitent eux-mêmes de payer leurs cotisations d'assurance-chômage.

Cependant, le fait est que, dans le secteur des services, qui regroupe la plus grande partie des emplois à temps partiel occupés par des étudiants, les horaires de travail sont souvent organisés de manière à ce qu'il y ait plus de personnel durant les heures les plus occupées. En gros, cela donne des quarts de travail où il y a beaucoup d'employés et permet une plus grande marge de manoeuvre pour les étudiants, qui peuvent ainsi choisir les quarts de travail qui ne créent pas de conflit avec leur horaire de cours et ne leur demandent pas plus de temps qu'ils ne peuvent en donner.

Avec des cotisations obligatoires au moindre revenu, les étudiants verraient leurs revenus baisser. Cela pourrait les encourager à travailler de plus longues heures pour combler la différence et mettrait leurs études en danger. Dans le cas des étudiants du secondaire, une telle situation pourrait même réduire leurs chances d'accéder au collège ou à l'université.

Tout cela est contraire à l'engagement qu'a pris le gouvernement de créer un climat favorisant l'épanouissement des jeunes Canadiens. Honorables sénateurs, je suis sûre que vous serez d'accord pour dire que le gouvernement du Canada devrait faire tout ce qu'il peut pour encourager les jeunes à poursuivre leurs études au-delà du secondaire ou, au moins, prendre garde de ne pas créer d'obstacles aux études.

Quel genre de protection auraient les étudiants qui travaillent en échange de leurs cotisations d'assurance-emploi? Pour être admissibles aux prestations, les nouveaux arrivants et ceux qui reviennent sur le marché du travail devraient, en vertu de cette loi, avoir accumulé au moins 910 heures de travail assurable dans les 52 semaines précédant le début de la période de prestations. C'est l'équivalent de 60,5 semaines de travail à temps partiel à 15 heures par semaine. C'est plus que la période de cotisation exigible.

Par conséquent, ces travailleurs devront d'abord se débarrasser de leur statut d'entrant ou de rentrant. Cela veut dire que pendant les 52 dernières semaines précédant leur période de référence de 52 semaines, il faudra qu'ils accumulent au moins 490 heures de travail assurable. C'est l'équivalent de 32.5 semaines de travail à temps partiel à raison de 15 heures par semaine. Des étudiants travaillant 15 heures par semaine devront en gros avoir travaillé pendant presque deux ans avant de pouvoir même espérer être admissibles à des prestations.

Et à ce moment-là, à quel niveau de prestations auront-ils droit? À des prestations négligeables. Leurs prestations hebdomadaires seront équivalentes à 55 p. 100 de 15 heures par semaine au salaire minimum.

Le projet de loi C-12 prévoit que les cotisations d'assurance- emploi seront remboursées aux travailleurs dont la rémunération assurable, ou la rémunération assurable moins les cotisations d'assurance-emploi, n'atteint pas 2 000 $ par an. Toutefois, cela ne s'appliquera pas à la majorité des étudiants. En effet, un étudiant travaillant 15 heures par semaine à 5 $ de l'heure gagne 3 900 $ par an.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, au premier abord, le projet de loi C-12 présente un certain nombre d'inconvénients pour les étudiants travaillant à temps partiel. Ils vont voir fondre leur maigre chèque de paye, ce qui risque de les encourager à travailler davantage, au détriment de leur éducation. Non seulement auront-ils du mal à devenir admissibles à l'assurance-emploi, mais en plus, ils n'auront qu'un accès limité aux prestations et ne seront pas, pour la plupart, admissibles au remboursement de leurs cotisations. À mon avis, ces raisons sont suffisantes pour que cette Chambre remette en question l'assujettissement à partir de la première heure de travail imposé par le projet de loi C-12.

Jusqu'à maintenant, nous n'avons étudié la question de l'assurance-emploi que du point de vue de l'étudiant, de l'employé. Il est tout aussi important de se placer du point de vue de l'employeur, car les personnes qui emploient des étudiants à temps partiel doivent elles aussi verser des cotisations en leur nom, ce qui alourdit le fardeau déjà considérable que constituent les charges sociales qu'ils doivent payer.

Le secteur des services dans lequel, comme je l'ai déjà dit, se trouvent concentrés de nombreux emplois à temps partiels occupés par des étudiants exige beaucoup de main d'oeuvre et, en tant que tel, sera durement touché par cette disposition du projet de loi C-12. Étant donné la nature hautement concurrentielle de ce secteur et la faible marge de profit dont jouissent les entreprises de service, ces dernières ne sont pas en mesure de faire passer aux consommateurs l'augmentation des coûts que représente des cotisations d'assurance-emploi accrues. Par conséquent, il est quasiment certain que pour compenser cette augmentation, ils réduiront leur budget consacré au personnel. Il en résultera un nombre inférieur de postes et une réduction des heures de travail et de la rémunération pour les employés restants.

Par exemple, l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a estimé que l'assurance-emploi calculée à partir du premier dollar gagné coûtera 35 millions de dollars à la seule industrie de l'alimentation et elle prévoit que cela mettra en péril de 5 000 à 10 000 emplois à temps partiel. Entre temps, le Conseil canadien du commerce de détail examine aussi la disparition possible d'un grand nombre d'emplois.

Honorables sénateurs, la disposition du projet de loi C-12 qui instaure l'assurance-emploi à partir du premier dollar gagné, menace directement ces emplois à temps partiel. Ceux-ci sont importants pour les étudiants de toutes les régions, car ils aident les étudiants du niveau secondaire à économiser en prévision de leurs études collégiales ou universitaires et permettent aux étudiants du niveau postsecondaire de payer leurs dépenses quotidiennes tout en poursuivant leurs études. Si le nombre de ces emplois diminue, plus d'étudiants seront forcés à modifier radicalement leurs plans et même à renoncer aux études supérieures.

Je crois qu'en élaborant le projet de loi C-12, le gouvernement n'a pas recherché cette situation déplorable. Après tout, elle est tout à fait contraire à l'importance qu'il accorde, à juste titre, à l'amélioration des possibilités d'éducation et d'emploi pour les jeunes Canadiens. Il semble plutôt que le gouvernement ait songé à l'augmentation des entrées dans la caisse de l'assurance- chômage, mais pas aux conséquences néfastes de cette disposition concernant l'assurance à partir du premier dollar gagné.

Heureusement, il n'est pas trop tard pour apporter des changements. Honorables sénateurs, nous devons profiter de l'occasion pour améliorer cet aspect important du projet de loi concernant l'assurance-emploi et le rendre plus avantageux pour nos jeunes, afin de leur assurer un meilleur avenir au Canada. Nous ne devons pas renoncer à cette possibilité qui nous est offerte d'améliorer le projet de loi C-12 pour tous les Canadiens et, dans ce cas, surtout pour les étudiants qui travaillent à temps partiel pendant 15 heures ou moins chaque semaine.

L'honorable Gerald J. Comeau: Je suis heureux d'avoir l'occasion de parler en deuxième lecture sur le projet de loi C-12, la Loi sur l'assurance-emploi. Honorables sénateurs, je dirais au départ que je n'appuie pas la mesure législative, et cela ne surprendra peut-être pas certains.

Le sénateur Taylor: Je suis surpris.

Le sénateur Comeau: Le sénateur Taylor est peut-être surpris, mais je suis sûr qu'il saura pourquoi je ne peux appuyer ce projet de loi lorsqu'il aura entendu mes observations montrant que les libéraux peuvent, en fait, changer de couleur, comme ils l'ont fait lorsqu'ils ont pris le pouvoir.

L'adoption du projet de loi C-12 marginalisera les plus vulnérables de notre société et leur nuira encore davantage. C'est pour ces personnes que notre régime d'assurance-chômage avait été mis sur pied, en 1940. Depuis lors, il y a eu de nombreuses modifications à la mesure.

Au départ, les propositions visaient à améliorer et à étendre la couverture des prestations d'assurance-chômage. Plus tard, on a fait des modifications pour préciser les exigences et pour que le régime soit mieux adapté au besoin des Canadiens.

En 1990, le gouvernement précédent a présenté le projet deloi C-21 qui, entre autres choses, allongeait la période ouvrant droit aux prestations d'assurance-chômage selon le taux de chômage dans la région. Cette mesure législative empêchait également les travailleurs de recevoir des prestations pendant sept à douze semaines s'ils quittaient leur emploi volontairement, étaient licenciés pour mauvaise conduite ou refusaient un emploi convenable.

La réaction à ces modifications législatives de la part de nos collègues d'en face fut féroce et soutenue.

Je voudrais citer un député qui, comme par hasard, est devenu ministre des Pêches, l'honorable Fred Mifflin. Il disait:

Le problème, c'est que nous prélevons de l'argent dans la caisse pour l'utiliser dans un autre secteur. Avec le projet de loi C-21, le gouvernement enlève une partie du filet de sécurité [...] de sorte que si vous tombez vous pourriez ne pas être rattrapés par le filet de sécurité. Vous pourriez passer à travers.

Cette citation vient de l'Evening Telegraph de St. John's, du19 septembre 1989.

Nous voici maintenant en 1996, et les énormes changements au Régime d'assurance-chômage que le gouvernement libéral essaie de faire adopter par le Parlement éclipsent largement le projet de loi C-21. Si M. Mifflin devait décrire les effets du projet de loi C-12 d'aujourd'hui en se servant des termes qu'il a utilisés pour le projet de loi C-21, il dirait quelque chose comme ceci: «Non seulement ce projet de loi enlève le filet de sécurité, mais il l'arrose d'essence et lui met le feu. Le filet part en fumée, sans qu'il y ait d'extincteurs aux alentours pour combattre l'incendie.»

Honorables sénateurs, l'hypocrisie est incroyable. Toutefois, je n'ai pas besoin de perdre mon temps à faire ressortir ce qui paraît évident à tous les Canadiens. Que ce soit la TPS, le libre- échange, l'ALENA, les hélicoptères ou l'assurance-chômage, ce parti est devenu un maître dans la promesse d'une chose à l'électorat et dans la réalisation du contraire une fois au pouvoir.

Ce dont je voudrais parler brièvement, c'est des conséquences de cette mesure législative sur ma région, le Canada atlantique. Contrairement à ce que prétend le gouvernement libéral, la plupart des chômeurs sont victimes des circonstances, ils ne sont pas chômeurs par choix. Ces circonstances vont des fluctuations économiques à une question qui m'est particulièrement familière, puisque que je viens de la région atlantique, le travail saisonnier.

Le projet de loi C-12 va réduire considérablement le montant des prestations versées aux travailleurs saisonniers. Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, les prestations d'assurance- chômage vont être réduites de 55 millions de dollars en 1997-1998 et de 85 millions de dollars d'ici l'an 2001-2002. Les nouvelles règles d'admissibilité vont être plus sévères à l'égard des travailleurs saisonniers. À moins d'être un Canadien à faible revenu, vous devrez consentir une diminution d'un point de pourcentage pour chaque période de 20 semaines où vous aurez touché des prestations. Dans notre région, où le travail saisonnier est encore une réalité, c'est malheureux, mais c'est ainsi. Vous voudriez bien occuper un emploi permanent, mais vous n'y pouvez rien. Cette mesure aura donc de graves répercussions.

Honorables sénateurs, on a apporté peu de modifications au projet de loi original quand il a été étudié à l'autre Chambre. Les députés se sont penchés sur le problème des interruptions d'emploi; il ne sera plus nécessaire d'effectuer des semaines consécutives de travail pour avoir droit à des prestations. Mais ce n'est qu'un tripatouillage pour arrondir les coins du projet de loi. Ce n'est pas ça qui va régler les problèmes que cette loi va causer à des milliers de Canadiens.

En examinant ce projet de loi, honorables sénateurs, j'ai été particulièrement troublé par le fait que, dans ses prévisions économiques et financières, le ministre des Finances, l'honorable Paul Martin, a signalé que le fonds de l'assurance-chômage avait enregistré cette année un excédent de 5 milliards de dollars. On s'attend à un autre excédent de 5 milliards de dollars l'an prochain. Au lieu de se servir de cet argent pour baisser les cotisations, le gouvernement libéral préfère le consacrer à la réalisation de ses objectifs de réduction du déficit. Que le gouvernement puise dans le fonds de l'assurance-chômage pour éponger son déficit, voilà qui est à proprement parler effroyable. Il faudrait plutôt réduire les cotisations afin d'accorder aux employeurs la latitude nécessaire pour créer des emplois au lieu de devoir verser dans ce régime de l'argent qui, de l'aveu même du gouvernement, n'ira pas à l'assurance-chômage mais servira à financer le déficit. Quand elle a témoigné devant le comité de la Chambre des communes, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a vivement condamné le gouvernement pour s'être servi du fonds de l'assurance-chômage pour accroître ses dépenses de programme.

Un autre grand point faible de ce projet de loi, c'est le nouveau supplément de revenu familial. Sous le régime de la loi actuelle, si un prestataire d'assurance-chômage a des personnes à sa charge et n'a qu'un faible revenu, il reçoit l'équivalent de non pas 55 p. 100, mais 60 p. 100 de ses gains hebdomadaires moyens. Or, sous le régime du projet de loi C-12, le gouvernement va créer un nouveau supplément à l'intention des prestataires ayant des personnes à leur charge et dont le revenu est inférieur à 26 000$. Essayer d'aider les gens dans le besoin par le truchement du régime d'assurance-chômage, c'est tout à fait insensé.

Il faudrait plutôt utiliser à cette fin la prestation fiscale pour enfants, pour que toutes les familles à faible revenu, et non seulement les prestataires de l'assurance-chômage, aient accès au régime. En fait, la Child Care Advocacy Association of Canada a fait valoir cet argument lorsqu'elle a comparu devant le comité de la Chambre. L'association a fait remarquer à ce moment-là - et je suis d'accord avec elle - que l'évaluation du revenu ou des besoins des ménages n'a pas sa place dans un régime d'assurance-chômage. Je ne sais pas comment le gouvernement a eu l'idée d'effectuer ce changement, mais j'estime que le comité devrait l'examiner plus longuement.

Honorables sénateurs, en terminant, je voudrais faire une brève observation. À mesure que le gouvernement avance dans son mandat, il devient de plus en plus évident que les Canadiens de la région de l'Atlantique ont été touchés plus durement que les autres par les décisions des libéraux fédéraux. Ils ont dû faire face à la fermeture de nombreuses bases militaires, à la suppression du Programme d'aide au transport des céréales fourragères, à la réduction des crédits d'impôt à la recherche dans la région de l'Atlantique et, tout récemment, à l'annonce que la nouvelle taxe de vente harmonisée coûtera auxNéo- Écossais 84 millions de dollars de plus par année. Ajoutons à cela les 7 milliards de dollars que Paul Martin a retranchés des transferts fédéraux au titre de la santé, de l'aide sociale et de l'enseignement postsecondaire.

La plupart des Canadiens de l'Atlantique voient très bien que, puisque les libéraux détiennent 31 des 32 sièges dans la région, l'absence d'opposition les laisse libres d'agir à leur guise, et ce projet de loi en est une illustration. Quelle autre explication peut-on donner à un geste aussi insensible à une époque où il y a 60 000 chômeurs en Nouvelle-Écosse, ce qui représente une hausse de 14 000 depuis décembre? À elles seules, ces mesures privent notre système d'assurance-chômage de 2,1 milliards de dollars. Si l'on ajoute à cela les coupes de 2,4 milliards du budget de 1994 et de 700 millions du budget de 1995, il reste bien peu d'argent dans un système conçu pour aider les plus démunis.

Contrairement à leurs promesses électorales visant la création d'emplois et l'élaboration d'un système d'assurance-chômage amélioré et plus équitable pour tous les Canadiens, les libéraux songent uniquement à mettre au point un vaste programme pour éliminer le déficit sur le dos des plus pauvres.

Honorables sénateurs, les libéraux ont créé deux classes de démunis très distinctes: les méritants et les non-méritants. Ce projet de loi fermera la porte aux pauvres qui, selon le gouvernement, ne méritent pas notre aide. Ce pays n'est certes pas celui dont je rêvais et j'espère que tous les sénateurs impartiaux se donneront la main pour corriger un plan aussi mal conçu.

J'ai hâte que ce projet de loi soit étudié au comité. Il est vraiment regrettable de constater que les libéraux n'avaient pas assez confiance dans leur mesure pour permettre au comité de se rendre dans les régions qui seront le plus gravement touchées. Espérons que les quelques témoins autorisés à comparaître pourront convaincre le comité d'envisager sérieusement des amendements significatifs, sinon de le rejeter carrément.

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, je veux parler aujourd'hui des répercussions que les modifications apportées au régime d'assurance-chômage auront sur les Canadiens vivant dans ma province, le Nouveau-Brunswick. Je dois cependant commencer par dire quelques mots au sujet de la profonde inquiétude que ce projet de loi a suscitée au Nouveau-Brunswick à cause du niveau presque sans précédent qu'elle a atteint. Cette profonde inquiétude a été exprimée au moyen de diverses activités de la part d'un large éventail de groupes et de particuliers de tous les coins de la province. Ce mouvement regroupait l'Assemblée législative du Nouveau- Brunswick, le premier ministre, les évêques de Bathurst, Edmunston et Saint John, de même que l'administrateur du diocèse de Moncton, le CTC, de nombreux groupes réunis sous l'égide de la Coalition des citoyens opposés aux changements à l'assurance-chômage, et de nombreux autres. En fait, on a vu un mouvement général qui a pratiquement explosé, réunissant divers éléments de la société du Nouveau-Brunswick qui n'auraient pas autrement trouvé une cause commune pour redresser un tort.

Honorables sénateurs, le fondement de cette cause commune a été décrit par le premier ministre du Nouveau-Brunswick dans la lettre qu'il a adressée en novembre au premier ministre pour réclamer des modifications au projet de loi C-12. Notre premier ministre écrivait:

[...] le projet de loi a des défauts rédhibitoires [...] il s'en prend délibérément à la région de l'Atlantique et de l'est du Québec, et sera perçu comme tel par les citoyens. Rien qu'au Nouveau-Brunswick, ces changements auront pour effet de priver notre économie d'environ 175 millions de dollars par année. On peut presque parler d'un désastre.

Je voudrais passer brièvement en revue les répercussions que le projet de loi aura sur le Nouveau-Brunswick: l'assurance- chômage coûte 800 millions de dollars par année dans notre province; de 40 000 à 50 000 Néo-Brunswickois produisent chaque mois une demande de prestations; environ 100 000 Néo- Brunswickois peuvent présenter une demande en une année.

Sans les changements, l'assurance-chômage aurait permis de verser 580 millions de dollars aux prestataires du Nouveau- Brunswick en 1997 et en 1998, mais avec les changements, les prestataires recevront 11 p. 100 de moins, soit 515 millions de dollars. En 2001 et 2002, sans les changements au régime dont nous sommes saisis, l'assurance-chômage aurait transféré630 millions de dollars, mais en vertu de la nouvelle loi, les prestataires recevront 15 p. 100 de moins, soit 533 millions de dollars.

À cause des modifications, honorables sénateurs, il y aura 5 000 Néo-Brunswickois de moins qui seront admissibles à l'assurance-emploi, bien que les partisans de la réforme prétendent que 3 000 qui ne sont pas admissibles pour l'instant le seront après les modifications. Il sera intéressant de suivre cette discussion.

Les modifications feront également diminuer les prestations nettes. Alors que les prestataires touchent maintenant 1,63 $ pour chaque dollar de cotisation, après les modifications ils ne recevront plus que 1,57 $ en 1997-1998 et 1,55 $ en 2001-2002. Les réductions seront de l'ordre de 19 p. 100 dans le secteur forestier, et de 18 p. 100 dans le secteur minier, la construction et l'agriculture.

Honorables sénateurs, il a été clairement établi dans les exposés de nombreux Canadiens du Nouveau-Brunswick et de la région de l'Atlantique, ainsi que par mes collègues, les sénateurs Murray, Phillips et Comeau ce matin ainsi que le sénateur Cohen, que ce projet de loi vise les victimes du chômage structurel. Dans le Canada atlantique, l'idée que nous sommes la cible du projet de loi C-12 est considérée comme une évidence. Cela ne fait aucun doute. C'est nous qui sommes visés. Une chose troublante, quand on est spécialement visé, c'est que cela est utilisé dans les cercles officiels à Ottawa comme justification pour protéger l'intégrité du régime d'assurance-emploi.

La règle d'intensité, par exemple, qui fera diminuer les prestations des réitérants, est sans doute la preuve que le gouvernement se montre intransigeant avec ceux qui, prétendument, exploitent le système. Selon la logique tordue du gouvernement fédéral et de ses conseillers, c'est une mesure proactive qui conférera une intégrité renouvelée au programme d'assurance-emploi, ce qui vaudra au programme un meilleur appui dans le public, sans doute parmi les capitaines d'industrie et les réformistes de l'Ouest. Honorables sénateurs, ce sera peut-être le cas.

Cela étant dit, les habitants du Canada atlantique ont cependant une tout autre perspective tant des gens qui exploitent le système que des intentions du gouvernement. Pour illustrer mes propos, permettez-moi de citer un extrait d'un débat qui a eu lieu à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, en février dernier, sur une motion où les élus provinciaux réclamaient des modifications au projet de loi C-12. Je vous citerai plus précisément un extrait du discours prononcé par le chef de l'opposition actuelle au Nouveau-Brunswick, qui fut ministre fédéral de l'Emploi à une certaine époque. Il a dit:

Des générations de travailleurs du Nouveau-Brunswick ont utilisé les prestations d'assurance-chômage comme source de revenu supplémentaire. Ils n'ont pas «fraudé» le système. Ils l'ont utilisé à cause de la nature de leur travail et de l'économie de leur région. On ne peut pas dire que les pêcheurs qui vivent le long de la baie de Fundy ou de la péninsule acadienne ont fraudé le système.

Examinons la situation de nos bûcherons.

Les gens à Ottawa se sont-ils jamais demandé pourquoi les ouvriers des usines de pâte et de papier de Bathurst, de Saint-Jean, d'Edmundston ou de Newcastle travaillent12 moins par année, à 25 $ ou 26 $ l'heure. [...] Les gens à Ottawa savent-ils pourquoi ces ouvriers peuvent travailler toute l'année dans les usines de pâte et de papier. [...]

C'est grâce au bûcheron qui se lève à 4 heures le matin pour aller couper des arbres dans les forêts du Nouveau- Brunswick. Le bûcheron cesse de travailler en décembre ou en janvier, pas parce que le temps est venu pour lui de se rendre en Floride, mais parce qu'il y a environ 10 pieds de neige et qu'il ne lui est plus possible d'abattre des arbres.

Il s'inscrit donc à l'assurance-chômage pour deux ou trois mois. Le travail de cet homme et sa contribution à notre économie dépassent la valeur qu'Ottawa veut bien lui reconnaître. La contribution du bûcheron à notre économie permet à des centaines d'habitants du Nouveau-Brunswick de travailler à plein temps.

Honorables sénateurs, l'emploi saisonnier est une réalité au Canada atlantique. Malheureusement, la réduction des prestations versées aux travailleurs saisonniers sera, elle aussi, une réalité qui découlera du projet de loi C-12. Pour bien situer cette mesure législative dans un contexte plus général, disons, comme le faisait remarquer le sénateur Murray, que moins de gens seront couverts par le programme et que ces gens devront travailler de plus longues heures pour toucher des prestations réduites pendant moins longtemps.

Honorables sénateurs, isoler la région canadienne de l'Atlantique est absolument inacceptable pour tout Canadien imbu de justice et surtout pour les Canadiens de l'Atlantique qui siègent ici et à l'autre endroit. Peu importe la région du Canada, ce projet de loi inacceptable devrait être dénoncé pour ce qu'il est, à savoir un pot-de-vin à peine déguisé pour quiconque n'appuie absolument pas un programme d'assurance-emploi, un point c'est tout.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-12 illustre une démarche à l'égard de l'élaboration de la politique publique qui m'inquiète depuis longtemps. Le projet de loi C-12 revient essentiellement à établir une politique dans le vide. Il s'agit d'une approche incohérente en matière de politique sociale, car le projet de loi ne peut pas refléter à lui seul les multiples pressions qui influencent notre société.

Je veux parler plus précisément de changements démographiques, notamment pour ce qui concerne la composition et le régime de travail de la famille, le vieillissement de la population, l'arrivée de nouveaux immigrants et les changements économiques mondiaux qui se traduisent par une restructuration des économies de l'Atlantique et du Canada, la réduction des dépenses publiques, les problèmes que sont la violence familiale, l'analphabétisme, et cetera.

Pour avoir été ministre provincial chargé de réformer la politique de la santé et des programmes sociaux, je sais que la réponse du gouvernement à ces pressions est inégale et non coordonnée, qu'elle ne tient habituellement pas compte des champs de compétence fédéraux et provinciaux et qu'elle résulte souvent dans un double emploi ou un échec complet. C'est en ce sens que je regrette beaucoup que le gouvernement n'ait pas eu l'autorité d'entreprendre un examen global des programmes sociaux du Canada. Il rate l'occasion d'établir en collaboration avec les provinces un ensemble intégré de programmes sociaux. C'est triste, mais le projet de loi C-12 va dans la direction opposée et représente la destruction petit à petit de notre filet de sécurité sociale.

Les modifications de l'assurance-emploi devraient au moins découler d'une réforme globale de notre filet de sécurité sociale par les gouvernements fédéral et provinciaux. Beaucoup trop de programmes font double emploi et les systèmes de soutien de tous les programmes sociaux ont besoin d'être coordonnés. En travaillant à la pièce, on risque de perdre de vue le contexte global.

Je devrais peut-être laisser aux évêques catholiques du Nouveau-Brunswick le dernier mot à ce sujet. Dans leur lettre au caucus des sénateurs d'en face - et quand vous avez assisté à la réunion de ce caucus, vous vous souvenez que cette lettre vous a été présentée -, les évêques catholiques du Nouveau- Brunswick ont écrit ceci:

Les gouvernements ne doivent pas compromettre le système de sécurité sociale qui a bien servi la population pendant des décennies. Au contraire, ils devraient prouver qu'ils déploient des efforts d'imagination et de créativité pour rendre les programmes plus efficaces.

Honorables sénateurs, mon intervention sera brève. Cependant, je suis vraiment étonnée d'entendre les remarques de certains de mes collègues parce que je me souviens des interventions hystériques qu'ont faites de nombreux sénateurs d'en face lors du dépôt au Sénat d'un autre projet de loi qui proposait des changements modestes au régime d'assurance- chômage. Je me souviens du président du comité spécial qui s'opposait énergiquement au projet de loi. Je souhaiterais que certains sénateurs d'en face montrent maintenant autant d'énergie à protéger les Canadiens de l'Atlantique et de ma province qui seront lésés par l'adoption de ce projet de loi.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si personne d'autre ne veut prendre la parole, je vais mettre la motion aux voix.

L'honorable sénateur Rompkey, appuyé par l'honorable sénateur Forest, propose: Que le projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Projet de loi sur certains accords concernant l'aéroport international Pearson

Deuxième lecture-Motion d'amendement-Report du vote

Permission ayant été accordée de passer à l'article no 5:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Davey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 et de l'aéroport international Lester B. Pearson.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Robertson, que le projet de loi C-28 ne soit pas maintenant lu pour la deuxième fois, mais qu'il soit renvoyé à la Chambre des communes pour étude en bonne et due forme.

L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, depuis deux ans, il a semblé, à l'occasion, que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles était engagé dans des efforts surhumains pour tenter de produire un libellé qui puisse entrer dans le cadre du projet de loi C-22 du gouvernement. Des modifications ont été proposées par suite de la comparution des constitutionnalistes. Le comité spécial a passé des mois à examiner les accusations d'abus scandaleux des privilèges d'une charge publique.

L'un après l'autre, page par page, les dossiers ont été examinés. Enfin, toutes les questions ayant été tirées au clair et des modifications raisonnables ayant été proposées, le gouvernement nous a renvoyé le projet de loi sans la moindre modification, outre son titre. C'est maintenant le «projet deloi C-28». En tant que tel, ce dernier a acquis une certaine célébrité parce que le gouvernement a décidé d'invoquer la clôture pour le renvoyer au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Pourquoi? Pour que le gouvernement puisse le transformer à sa guise.

Si les sénateurs en doutent ou s'ils se demandent à la guise de qui, je voudrais leur rappeler ce que le sénateur Kirby nous a dit quand il a présenté le projet de loi C-28 la semaine dernière. À la page 358 des Débats du Sénat du 15 mai, on peut lire ceci:

[...] nous allons présenter ces amendements [...]

À la page 357, l'honorable sénateur Kirby fait allusion ainsi aux amendements:

[...] que les sénateurs libéraux sont disposés à proposer [...]

Le sénateur Kirby ajoute que ces amendements:

[...] sont des amendements du gouvernement, appuyés par le gouvernement.

Honorables sénateurs, cette procédure n'aurait suscité aucune contestation si les amendements avaient été le résultat d'un nouvel examen par un comité de la Chambre des communes. Nous n'empêcherions pas le renvoi à un comité du Sénat si les nouveaux amendements avaient été intégrés au projet deloi C-28, s'il s'était vraiment agi d'un nouveau projet de loi et non pas d'une magouille comme nous y ont habitués les ministères responsables de l'affaire Pearson. Ils n'ont jamais renoncé à leur intention de faire croire à tout le monde que le gâchis de Pearson résulte de la volonté des conservateurs d'accorder des faveurs à leurs amis.

Il y a une chose qu'il ne faut pas perdre de vue: ni les membres du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ni l'opposition au Sénat n'ont, à quelque moment que ce soit, ni où que ce soit, défendu les intérêts de l'un ou l'autre de leurs amis ou connaissances liés aux contrats de Pearson.

Le comité et le parti ont utilisé plusieurs voies pour arriver à une seule chose: obtenir la garantie que ceux qui ont des motifs de grief puissent exercer le droit de recourir aux tribunaux, d'être entendus et jugés impartialement, comme peuvent le faire tous les Canadiens. Honorables sénateurs, ce droit doit empêcher le gouvernement en poste de fixer des règles et d'imposer une grille d'indemnisation limitant la marge de manoeuvre du pouvoir judiciaire.

Faire le contraire, comme c'était le cas avec le projet deloi C-22 et comme c'est toujours le cas avec le projet deloi C-28, constitue l'ultime outrage au tribunal. Dicter aux tribunaux et au Canada les services et les pertes qui peuvent donner droit à des indemnisations et ceux qui ne le peuvent pas, c'est vicier le processus judiciaire avant même qu'il ait été enclenché. Persister dans cette voie quand des questions connexes sont déjà devant les tribunaux, c'est proclamer: «Le pouvoir c'est le droit, et il n'y a plus de justice».

Le sénateur Kirby, de toute évidence imperméable à tout ce qui a été dit pendant les mois qu'ont duré le débat et l'étude en comité du projet de loi C-22, a pris la parole le 15 mai dernier pour déclarer:

Le gouvernement préférerait que le projet de loi soit adopté sous sa forme initiale, comme il a été adopté par les représentants élus de l'autre endroit, pas une, mais trois fois.

Le sénateur Kirby admet que nos vis-à-vis ont des «préoccupations d'ordre constitutionnel» et, en termes vagues, équivoques et fumeux, il offre des amendements informes qui, dit-il, «vont éliminer toutes les préoccupations d'ordre constitutionnel». En fait, il a dit que le gouvernement était prêt à déployer beaucoup d'efforts pour répondre absolument et complètement à ces préoccupations. Cependant, lorsque le sénateur Kinsella a demandé au sénateur Kirby où il pourrait voir ou entendre ces amendements, le sénateur Kirby a fait marche arrière et a répondu qu'il les verrait en temps et lieu. Il a dit que, lorsque le projet de loi serait renvoyé au comité, les amendements seraient présentés immédiatement. Le comité qu'il accuse d'avoir bloqué l'étude du projet de loi C-22 est maintenant son refuge, le projet de loi C-28 étant sur le point de passer à cette prochaine étape.

Est-ce qu'on se moque de notre système, comme le craint le sénateur Kinsella? On nous demande d'approuver, en principe, des changements qui n'ont jamais été vus par un comité de l'autre endroit, qui n'ont jamais été publiés, qui n'ont jamais été examinés et approuvés par les innombrables citoyens que les ministériels disent avoir de leur côté, et qui n'ont jamais été révélés au Sénat.

Le sénateur Lynch-Staunton, interrogeant le sénateur Kirby lors de cette première journée de débat, a conclu son intervention en ces termes:

Ne nous accusez plus jamais de nous préoccuper de l'indemnisation du consortium. Ce qui nous préoccupe, c'est le droit de présenter une demande d'indemnisation.

C'est là, honorables sénateurs, la seule question dont nous sommes saisis. C'est le message qui devrait être envoyé à l'autre endroit pour une étude adéquate, comme l'a dit notre chef de l'opposition.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, le sénateur Doyle m'a pavé la voie tout juste comme je le voulais. J'aurai beaucoup à faire en dix minutes, mais je ferai de mon mieux.

À la page 349 du hansard du 15 mai, le sénateur Kirby déclare, dans le même discours que citait le sénateur Doyle:

Ainsi, je suis heureux d'annoncer aujourd'hui qu'au comité, les membres ministériels du comité seront, une fois de plus, prêts à proposer une série d'amendements qui refléteront le désir du gouvernement de tenir vraiment compte des critiques formulées contre le projet de loi C-22. Nous sommes disposés à proposer ces amendements, s'ils s'imposent pour apaiser les craintes de nos vis-à-vis. Je crois...

Lorsqu'il a parlé contre le projet de loi C-22, le sénateur Lynch-Staunton a précisé très clairement que ses collègues et lui-même n'essayaient pas de s'opposer à la décision politique du gouvernement d'annuler les accords sur l'aéroport Pearson, même s'il a répété à maintes reprises, avec raison, que ses collègues et lui préféreraient que la décision soit différente. Le sénateur Lynch-Staunton a dit clairement très souvent que sa seule préoccupation était de veiller à ce que le projet de loi soit constitutionnel.

À ce moment, le sénateur Lynch-Staunton l'interrompt et dit: «La primauté du droit.» Le sénateur Kirby poursuit:

Je suis heureux de dire au sénateur Lynch-Staunton et à tous les autres sénateurs que chacune des critiques d'ordre constitutionnel qui ont été soulevées contre le projet deloi C-22 sera examinée et qu'on y répondra d'une manière satisfaisante par des amendements que les membres libéraux du comité sont disposés à présenter en comité.

Je n'entends pas débattre encore une fois la question de savoir si les vifs propos qu'a tenus le sénateur Lynch- Staunton étaient justifiés, bien que je ne puisse m'empêcher de souligner qu'un certain nombre de juristes fort respectés qui ont témoigné devant le comité ont dit très clairement que non. Cependant, il ne s'agit plus de cela.

Le sénateur Kirby déclare alors:

D'abord, les articles 3, 4 et 5 du projet de loi, qui...

J'essaie de respecter la limite de dix minutes. Le sénateur Kirby déclare:

Je suis heureux de signaler que ces amendements régleraient aussi tout à fait l'objection que le sénateur Lynch-Staunton a présentée la semaine dernière en cette enceinte. Son principal argument contre le projet deloi C-28, au moment où il a présenté son premier rappelau Règlement, il y a deux semaines, était quel'article 3 déclarait que les accords Pearson n'avaient jamais existé.

Le sénateur Kirby propose un amendement qui éclaircit ce point. Il déclare:

Enfin, honorables sénateurs, en ce qui concerne les articles 9 et 10 du projet de loi C-28, l'ancien projet deloi C-22, qui interdisent toute compensation et donnent au ministre toute discrétion concernant le versement des sommes qu'il estime indiquées, sauf au titre des profits non réalisés et des sommes versées pour lobbyisme, les membres libéraux du comité sont prêts à proposer un amendement qui aura pour effet d'éliminer ces articles. Cela répondra à la troisième et dernière des objections originales du sénateur Lynch-Staunton.

Ce qui est stupéfiant, c'est que lorsque le sénateur Kirby a commencé à parler à la page 349, avant de faire référence aux amendements dont je viens de parler, il avait commencé par dire ce qui suit:

Cependant, nous savons tous ce qui s'est produit durant la période où le comité des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié ce projet de loi. Tout d'abord, la majorité conservatrice au comité, puis celle au Sénat, ont adopté des amendements qui auraient enlevé toute substance au projet de loi.

À quels amendements le sénateur Kirby fait-il référence? Hier, en essayant de nous aider au sujet d'un rappel au Règlement, le sénateur Stewart a déclaré ce qui suit:

Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton dit que cette motion d'étude du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture lui pose un problème parce qu'il y a une possibilité, une probabilité, devrais-je dire, que des amendements soient proposés à l'étape de l'étude en comité.

Comme je le disais, on attend actuellement du Sénat qu'il approuve le principe du projet de loi. Comme le sénateur le sait, aucun amendement ne peut être proposé à l'étape de l'étude en comité qui entrerait en contradiction avec le principe du projet de loi. La perspective qu'il nous présente - qu'on ait éventuellement un projet de loi entièrement différent, même s'il a été approuvé en principe aujourd'hui - n'est guère possible. Le comité n'aura pas le droit d'adopter des amendements qui entreraient en contradiction avec le principe du projet de loi.

Après avoir entendu le sénateur Kirby dire qu'il essaie d'apaiser nos craintes et vraisemblablement de rendre le projet de loi tout à fait constitutionnel, si cela n'équivaut pas à modifier le projet de loi - et le sénateur Kirby a dit plus tôt que nos amendements auraient privé le projet de loi de toute substance - à quoi, dans ce cas, serviront les amendements qu'il a proposés?

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, lorsque John A. Macdonald décrit le Sénat comme l'endroit où il envoyait les projets de loi pour les laisser «décanter», je comprends par là voir s'ils «vieilliront bien». Or, ce n'est pas le cas du projet de loi C-28, qui décante ici depuis deux ans, sous une forme ou sous une autre. Au début, il a suscité de longues discussions au sein de notre caucus lorsqu'est venu le temps de s'entendre sur une façon de procéder pour étudier une mesure qui nous paraissait franchement odieuse.

Après tout, notre parti venait d'être décimé lors des élections de 1993 et le public était prêt à croire le pire à notre sujet. Une véritable industrie artisanale s'était créée autour de nous. Des émissions et des documentaires nous étaient consacrés. Des chroniqueurs ont écrit des ouvrages comme On the Take, de Stevie Cameron, dont la thèse de chicanerie repose en grande partie sur l'affaire de l'aéroport Pearson. Dans Above the Law, M. Paul Palango a fait allusion à d'autres affaires douteuses. Lui comme les autres avaient cependant un intérêt personnel à voir jeter le discrédit sur les actions du gouvernement conservateur. Après tout, c'est comme ça que l'on détruit des réputations et que l'on vend des livres.

À nos yeux, le projet de loi initial symbolisait l'urgence de prouver que les détracteurs avaient tort. Il s'agissait d'un projet de loi inconstitutionnel. Toutefois, nous jugions que les accusateurs, agissant au nom des gens d'en face, devraient aller devant les tribunaux et témoigner sous serment pour prouver leurs accusations de manipulation et de favoritisme politique, ce qui impliquerait l'existence d'un complot de nature criminelle. C'est facile à dire dans le feu d'une bataille politique, quand on est en campagne, mais des règles différentes s'appliquent en présence d'un juge, des règles qui forceraient même l'ancien ministre des Transports, M. Doug Young, à projeter l'image d'un homme civilisé plutôt que celle du rustre grossier qu'il nous donne, à nous et au grand public.

À prime abord, il semblait un peu étrange de présenter un tel projet de loi; après tout, si les accusations formulées par les libéraux durant la campagne de 1993 et réitérées plus tard dans le rapport Nixon étaient exactes, si la preuve était faite devant les tribunaux que quelque injustice avait été commise dans l'adjudication du contrat, que le processus était corrompu et que des normes et des règles morales ou autres avaient été enfreintes, alors le contrat serait nul. Mais non, le gouvernement a décidé de présenter un projet de loi énonçant et exerçant, à bon droit, le droit d'annuler le contrat, mais il a compliqué les choses en refusant d'appliquer la procédure normale, contrevenant ainsi à la constitution que nous sommes ici pour défendre.

Il existe en common law un concept séculaire appelé la preuve de faits similaires. Si un particulier a l'habitude d'agir d'une certaine façon qui dénote un modèle de comportement, une ligne de conduite, la preuve d'un tel comportement peut servir à obtenir sa condamnation. Si quelqu'un commet une agression et que la victime dit qu'il ne s'est rien passé, mais que six autres personnes affirment soudain que le suspect les a agressées elles aussi dans des circonstances similaires, alors le ministère public peut se servir de ces témoignages pour prouver que la prétendue agression a vraiment eu lieu.

Alors que ce projet de loi «décantait» en cette Chambre, il nous a fourni les premières preuves d'un modèle de comportement et d'une ligne de conduite que nous n'avons pas tout de suite reconnus. Nous pensions que c'était inhabituel, mais il s'avère que cela symbolisait la façon dont le gouvernement allait gouverner le pays. Le gouvernement a ensuite présenté la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, une autre tentative visant à employer des moyens constitutionnels pour réaliser ce qu'il ne pouvait pas faire en respectant la loi et en se conduisant correctement. C'était une tentative flagrante visant à protéger les circonscriptions des nouveaux députés libéraux de l'Ontario en affirmant que la province de la Colombie-Britannique n'avait pas besoin d'être adéquatement représentée parce qu'il y avait des députés à protéger en Ontario. C'était une tentative flagrante visant à manipuler les limites des circonscriptions électorales de ce pays.

Le gouvernement a ensuite présenté le projet de loi C-68 sur l'enregistrement des armes à feu, en utilisant les pouvoirs du Parlement pour effacer sa promesse aux autochtones d'établir un processus constitutionnel relatif à leurs droits de chasser et de porter des armes. Il a rédigé un projet de loi ne faisant pas de distinction entre les criminels et les citoyens respectueux de la loi. La notion d'application régulière de la loi était de nouveau en jeu, ainsi que les pouvoirs de l'État.

Le projet de loi C-28, l'ancien C-22, symbolisait un comportement, mais il y a d'autres surprises. Avec un milliard de dollars en poche, Paul Martin a conclu une entente afin d'étendre l'application de la TPS, au lieu de l'éliminer, comme le premier ministre l'avait promis. Il a ensuite fait des excuses collectives à la télévision, des excuses que le premier ministre lui-même n'a pas faites. Il a expliqué ensuite qu'«éliminer la taxe» voulait dire en fait «harmoniser la taxe». Outre ce modèle de comportement, il y a quelque chose d'un peu plus odieux, d'un peu plus sournois et c'est que si vous racontez plusieurs fois la même histoire, les gens finiront peut-être par y croire.

Il y a eu abus de pouvoir dans tous ces cas. Ce même comportement du gouvernement s'est traduit par la visite d'un sous-ministre adjoint chez un juge pour l'exhorter à accélérer les procédures relativement à une cause susceptible de placer le gouvernement dans l'embarras. Imaginez, un sous-ministre adjoint ayant une petite conversation au sujet d'un procès mettant en cause le gouvernement fédéral. Pendant ce temps là, dans le même ministère, un autre bureaucrate transmettait avec, je pense, le consentement, l'approbation et la connaissance du ministre de la Justice, du solliciteur général et peut-être même du bureau du premier ministre, une lettre au gouvernement suisse portant qu'un ancien premier ministre était un vulgaire criminel. Cette lettre était accompagnée d'une preuve, à savoir la bande vidéo d'un programme de télévision préparé par une société et un réseau d'État.

Lors de la campagne électorale, les libéraux avaient dit qu'ils allaient renégocier l'Accord de libre-échange, alors qu'en fait ils l'ont non seulement endossé, mais ils ont élargi sa portée. Il ne s'agissait pas d'une promesse en l'air. En effet, leur ancien chef, John Turner, avait dit que le combat des libéraux contre le libre-échange était le combat de sa vie. Les libéraux ont eu des années pour étudier l'accord. Ils ont décidé de l'exploiter à des fins politiques. Cette hypocrisie était fascinante à observer pour la plupart d'entre nous, parce que nous savions fort bien que les libéraux n'avaient jamais eu l'intention de renégocier cet accord.

Le projet de loi C-28 ne représente plus uniquement une mesure législative. Il reflète un abus de pouvoir et illustre la façon dont le gouvernement libéral essaie de gouverner notre pays. Des amendements seraient préparés par le gouvernement et l'on s'attend à ce que nous les adoptions, mais nous ne les avons pas vus. Il existe deux projets de loi parallèles: celui que nous voyons et celui que nous ne voyons pas. Même si nous n'aimons pas celui que nous voyons, le gouvernement nous assure que nous serons favorablement impressionnés par celui que nous ne voyons pas. Tout cela dans le contexte d'un recours possible à la force de la clôture.

Pendant l'enquête sur l'aéroport Pearson, d'anciens conseillers du premier ministre, les Nixon, Crosbie et Goudge - on croirait qu'il s'agit d'un groupe rock - témoignaient en insistant sur le taux de rendement exorbitant que les promoteurs toucheraient. De leur côté, les représentants et conseillers des ministères des Transports et de la Justice rédigeaient des documents pour expliquer combien peu les promoteurs toucheraient. Après tout, ceux-ci vont devoir prouver leur point de vue à un juge, tandis que les conseillers du premier ministre n'auront qu'à témoigner sous serment devant un groupe de sénateurs.

Le gouvernement a continué en adressant une requête aux tribunaux pour empêcher que certains rapports soient remis au Sénat, soit les rapports de l'analyse financière concernant l'entente sur les transports, dont j'ai déjà parlé. Le premier avocat général du ministère de la Justice, Ivan Whitehall, avait avancé comme argument qu'il était tout à fait inapproprié que les sénateurs aient ces rapports, à cause de la longue tradition parlementaire de ne pas intervenir dans les affaires qui sont devant les tribunaux. L'audace de sa déclaration est un autre exemple du comportement du gouvernement, et cela a dû choquer la juge qui entendait cette affaire dans l'ombre du projet de loi C-28.

Rappelons-nous aussi de ce qui s'est passé en 1994, quand Doug Young, le ministre des Transports de l'époque, avait prétendu que les conservateurs avaient eu tort d'agrandir l'aéroport et qu'une entente aurait pu être conclue en six mois avec les autorités aéroportuaires de Toronto. Il avait dit que Pearson avait encore une grande capacité, et des sénateurs d'en face avaient défendu le même argument au moment de l'enquête sur l'aéroport Pearson. On disait qu'il n'y avait ni urgence ni nécessité de revitaliser et d'agrandir l'aéroport.

Honorables sénateurs, en 1995, 22,5 millions de passagers ont transité par l'aéroport Pearson. Leur nombre a annulé les effets du ralentissement causé par la récession et la guerre du Golfe. C'est 1,5 million de personnes de plus qu'il n'y en a eu au cours de la période de pointe de 1989-1990, quand 21 millions de passagers avaient transité par cet aéroport.

Que prévoit-on pour 1996? Le rythme actuel montre une augmentation du nombre de passagers de 13,78 p. 100 en 1995. Pour remettre les choses dans le contexte, c'est le genre d'augmentation qu'on peut prévoir dans les pays où les aéroports sont rares, comme en Thaïlande ou en Malaisie. À ce rythme, l'aéroport accueillera bientôt 26 millions de passagers, et c'est la limite maximale, d'après les témoignages des spécialistes entendus lors de notre enquête. Honorables sénateurs, l'aéroport Pearson a atteint sa pleine capacité.

Le gouvernement conservateur a argué que la meilleure période pour aménager efficacement l'aéroport Pearson était celle où le volume de passagers était moins important. Durant l'enquête, tous les experts nous ont dit que nous devrions le faire avant que nous n'arrivions à la capacité maximum car il est alors très difficile de faire des travaux de réparation sur les pistes, les couloirs, les aérogares et c'est très gênant pour les voyageurs. Il est alors plus difficile de faire les choses efficacement et aussi plus difficile de les faire en toute sécurité. Il n'y a pas de doute que ça aurait coûté beaucoup moins cher à l'époque.

Honorables sénateurs, nous sommes maintenant en 1996, et mes collègues et moi nous demandons pourquoi aucune entente n'a été conclue avec la Toronto Airport Authority. Honorables sénateurs, il n'y a pas d'entente parce qu'il y en fait il y en a une - mais qu'elle n'a pas été annoncée. Une fois l'entente annoncée, les documents deviennent publics. Et rappelez-vous ce qu'on nous a promis - ils négocieraient une meilleure entente car celle négociée par les conservateurs était exorbitante. Ils ont suggéré que les conservateurs récompensaient leurs amis. Honorables sénateurs, il sera intéressant de voir l'entente finale. La raison pour laquelle ils n'ont pas signé et conclu l'entente est que cela porterait un coup dévastateur au contentieux dont sont actuellement saisis les tribunaux à Toronto.

Une autre chose que je trouve drôle, c'est que le nom de Bronfman n'ait jamais été prononcé par les sénateurs libéraux de l'autre côté. C'est toujours ce conservateur, Don Matthews. Ce n'est jamais Agra Industries ou l'autre demi-douzaine de compagnies qui faisaient partie du groupe Paxport. Don Matthews est «ce conservateur» qu'ils haïssent et sur lequel ils crachent leur venin. Ils ont, sans aucun repentir, tout fait pour détruire un homme et seulement un homme - pas les partenaires de Paxport, pas Paxport et les partenaires T1-T2, mais seulement Don Matthews. C'est sur lui qu'ils ont toujours reporté leur attention.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Tkachuk, je regrette de vous interrompre, mais je dois vous rappeler qu'aux termes de l'alinéa 40(2)c), votre temps de parole est limité à dix minutes. Vos dix minutes ont expiré.

Le sénateur Tkachuk: Je suis désolé, je pensais que je disposais de 15 minutes.

Son Honneur le Président: La permission de poursuivre est-elle accordée à l'honorable sénateur Tkachuk?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, immédiatement après l'annulation du contrat par le gouvernement libéral, Charles Bronfman et Jean Chrétien ont joué au golf ensemble, en Floride, en décembre 1993. M. Bronfman doit avoir un sens de l'humour formidable. De quoi ont-ils parlé sur ce terrain de golf en Floride? Après tout, il ne faisait aucun doute qu'ils allaient devenir adversaires.

Une autre affaire a fait jour récemment. En 1991-1992, Revenu Canada a reçu une demande anonyme requérant une décision concernant le transfert des actifs d'une fiducie familiale, ainsi que les implications de ce dernier du point de vue fiscal. Cela s'est passé en 1991-1992, sous le gouvernement conservateur. Certains membres des médias devraient peut-être se renseigner un peu mieux là-dessus; en effet, il s'agissait d'une demande anonyme faite par Revenu Canada qui cherchait à obtenir une décision concernant le transfert de certains actifs, du Canada dans un autre pays; voici la façon dont ça se passe: disons qu'il y a dix ans, vous avez acheté une action pour un dollar; cinq ans plus tard, elle vaut 1 000 $. Votre gain en capital est de 999 $. Si vous vouliez transférer cet argent à l'étranger, l'État vous demanderait de payer un impôt sur vos gains en capital avant de procéder au transfert.

Voilà ce dont il s'agissait. La demande était plutôt compliquée car elle portait non seulement sur la réalisation de gains en capital, ou sur le transfert de ces derniers, mais aussi sur les actifs d'une fiducie familiale.

En ce qui concerne la décision de 1991-1992, Revenu Canada aurait semble-t-il statué avec des réserves sur un cas hypothétique. Le ministère aurait refusé d'écrire une lettre au sujet de ce cas hypothétique sans y ajouter des réserves. Il est évident que la lettre renfermait des réserves justement parce qu'il s'agissait d'un cas hypothétique.

Le sénateur Taylor: Quel est le lien avec le projet deloi C-28?

Le sénateur Tkachuk: J'y arrive, sénateur.

En 1994, Charles Bronfman a commencé à transférer des biens d'une valeur de deux milliards de dollars à l'extérieur du Canada sans aucune conséquence fiscale. Cette demande aurait été présentée à Revenu Canada au cours des quatre premiers mois de 1995. Il est certain que cela a dû susciter un certain intérêt à Revenu Canada, il s'agissait de recettes fiscales potentielles de quelque 700 millions de dollars après tout, soit plus que toute l'affaire de l'aéroport si l'on calcule le tout d'après un taux d'imposition moyen de 37,5 p. 100. Revenu Canada n'était pas obligé de respecter la décision de 1991-1992 et Charles Bronfman devait être très sûr de lui pour retirer du Canada, en un seul coup, tous ses biens d'une valeur de deux milliards de dollars. Il serait très intéressant de savoir ce qui s'est passé sur ce terrain de golf en Floride en décembre 1993.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-28 est bien plus qu'une tentative visant à esquiver la vérité par des moyens inconstitutionnels. C'est un symbole du comportement, de l'abus de pouvoir du gouvernement. Ce projet de loi rappelle à notre parti la duplicité du présent gouvernement; il montre à quel point les membres de ce gouvernement manquent à leur devoir d'assurer l'application régulière de la loi. Il témoigne de leur façon de faire des affaires, de gouverner le pays et de se comporter.

En termes humains, que nous oublions trop souvent, il se trouve dans une salle d'audience à Toronto, 60 boîtes de documents et autres pièces déposés en preuve. Toutefois, dans ces boîtes se trouvent les espoirs et les rêves d'hommes d'affaires, d'architectes, de dessinateurs, d'ingénieurs, de conseillers en aéroport, de comptables, d'experts financiers, de détaillants, de commis, de personnel d'aéroport, de spécialistes de la mise en marché et de milliers d'actionnaires des compagnies publiques en relations avec Paxport. Il y a dans ces boîtes une masse de puissance cérébrale et de créativité, de gens qui espéraient qu'après des milliers d'heures de travail et30 millions de dépenses, ils participeraient à quelque chose d'intéressant, qu'ils feraient partie de Pearson International, qu'ils feraient partie d'un consortium d'exportation qui vendraient à l'étranger l'expertise canadienne.

Tout cela est maintenant réduit à 60 boîtes de papier, soumises à des juges et des avocats, ainsi qu'à un gouvernement qui a un programme destructeur, un programme qui entraînera des difficultés pour les voyageurs à Pearson International, qui réduira la sécurité, et tout cela pour remplir une fausse promesse et ajouter aux milliards promis pour l'annulation des hélicoptères et de la TPS.

Le projet de loi C-28 ne mérite pas d'être adopté par le Parlement. Il n'est pas digne de cet endroit et, s'il est adopté, il restera une pierre au cou du gouvernement libéral.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre part à ce débat, notamment parce que je trouve que le projet de loi C-28 est une mesure aussi offensante que le projet de loi C-22. Je suis d'avis que, lorsque l'histoire se penchera sur cet épisode, le gouvernement au pouvoir n'en sortira pas grandi, bien au contraire. On verra alors de quoi il s'agissait vraiment, à savoir une manoeuvre purement politique qui ne visait qu'à attiser le cynisme que le public manifestait à l'égard de ceux d'entre nous qui consacrent leur vie à la politique.

Honorables sénateurs, le 2 février 1996, notre collègue, le sénateur Bryden, a lu à la Chambre une lettre qu'il avait adressée au rédacteur en chef du Globe and Mail, mais qui n'a jamais été publiée. Il se lamentait sur la situation et blâmait le journal d'avoir adopté une attitude qu'il jugeait partiale dans cette affaire. À bien y penser, le Globe and Mail a peut-être tout simplement voulu éviter au sénateur l'embarras que n'aurait pas manqué de lui susciter sa malencontreuse lettre.

Permettez-moi de vous citer quelques extraits de la lettre du sénateur Bryden. Erreur no 1:

[...] les accords de l'aéroport Pearson ont rapporté aux promoteurs des profits de 200 à 250 millions de dollars supérieurs à ce qu'exigeaient les taux de rendement en vigueur. [...] C'était très généreux à l'endroit des promoteurs.

Comme rectification, je signale que les études effectuées par le gouvernement du Canada montrent maintenant que, compte tenu du taux de rendement prévu dans les accords de l'aéroport Pearson, le consortium pourrait avoir perdu de 170 à190 millions de dollars.

Honorables sénateurs, le gouvernement lui-même admet que ces accords étaient loin d'être le pactole qu'évoque avec force détails notre collègue, le sénateur Bryden.

La lettre du sénateur Bryden contient la déclaration suivante, qui constitue l'erreur no 2:

[...] les promoteurs ont touché des millions de dollars en contrats entre parties ayant des liens de dépendance. Ces ententes visaient des services de construction, de gestion [...] et de consultation.

J'apporterai la rectification suivante: à la salle d'audience à Toronto, le gouvernement a appris l'existence de deux contrats entre parties ayant des liens de dépendance: un avec Allders pour l'exploitation de deux boutiques hors taxes à l'aéroport, et l'autre avec Bracknell pour la prestation de services de construction.

Le sénateur Bryden néglige de mentionner que les fonctionnaires du gouvernement connaissaient ces deux contrats avant la conclusion des accords et, ce qui est plus important, que ces contrats devaient, aux termes de l'accord Pearson, avoir une juste valeur marchande. Le comité spécial du Sénat chargé d'enquêter a entendu ces témoignages, mais je crois que le sénateur Bryden était absent à ce moment-là, aidant, et avec raison, son ami Frank McKenna à conserver son poste.

Sa lettre contient une troisième erreur, qui est la suivante:

Un de ces contrats, signé pendant la campagne électorale, constituait une promesse ferme de verser 3,5 millions de dollars à une société dirigée par Don Matthews [...]

Honorables sénateurs, je vous signale qu'on a déclaré sous serment devant le comité d'enquête du Sénat et devant un tribunal de Toronto qu'aucun contrat n'avait été signé avec une société dirigée par Don Matthews.

Je signale enfin l'erreur no 4:

Des bénéfices excessifs, des accords de coulisse, des lobbyistes zélés, des pressions politiques - voilà comment le plus grand et le plus rentable aéroport du Canada s'est retrouvé entre les mains d'un groupe de promoteurs du secteur privé [...]

Honorables sénateurs, 25 hauts fonctionnaires et deux anciens ministres ont déclaré sans équivoque et sous serment que le processus était juste, que l'accord était avantageux pour le contribuable, et qu'ils n'avaient subi absolument aucune pression politique défavorable.

Quant aux «lobbyistes zélés», je ne sais pas au juste si le sénateur Bryden est préoccupé parce que des experts-conseils étaient effectivement engagés dans l'accord, ce qui justifiait son annulation, ou simplement parce qu'ils auraient dû être indolents et s'ennuyer.

Le sénateur Bryden dit également d'un ton plein de sous-entendus:

Le premier ministre Mulroney était très engagé dans ce dossier.

Je devrais ajouter pour l'honorable sénateur que l'ancien premier ministre s'est occupé lui aussi de l'ALENA, de la guerre du Golfe, de l'Accord de libre-échange canado-américain, de la dissolution de l'apartheid en Afrique du Sud et, oui, de l'unité nationale. Je peux toutefois comprendre pourquoi l'honorable sénateur se préoccupe tant du fait que l'ancien premier ministre était tenu au courant de cette question nationale d'une importance vitale - un projet de réfection de 750 millions de dollars concernant l'aéroport canadien le plus achalandé et le plus important sur le plan économique.

Je peux comprendre sa consternation à cet égard, étant donné la conduite de son propre chef, l'actuel premier ministre, qui, par exemple, la veille du référendum québécois, a laissé Sheila Copps - quelle farce! - en charge pendant qu'il allait se faire photographier à New York avec, entre autres, plusieurs des plus éminents dictateurs du monde. Il n'y pas de danger qu'il se salisse les mains. M. Chrétien a plutôt tendance à garder ses distances.

Oui, nous connaissons tous trop bien la tendance du premier ministre Chrétien à garder ses distances. Il paraît que, quand il n'était qu'un petit consultant auprès de Lang Michener, au cours d'une réunion avec un certain Jack Matthews, un des principaux responsables du projet, M. Chrétien n'a jamais discuté de la question terriblement importante et lourde de conséquences de la rénovation de l'aéroport le plus achalandé du Canada. C'est ce que j'appelle garder ses distances.

Le premier ministre a de nouveau montré sa tendance à ne rien entendre et à ne rien voir lorsqu'il est allé jouer au golf en Floride avec M. Charles Bronfman, qui possède 65 p. 100 des actions de l'aéroport Pearson, trois jours après l'annulation de l'accord Pearson - trois jours, honorables sénateurs -, etM. Chrétien continue d'insister qu'il ne sait rien.

Je devine qu'il a acquis sa tendance à garder ses distances durant son séjour à Gordon Capital, où il est devenu millionnaire en deux ans - en faisant Dieu sait quoi. Toutefois, je suis sûr que le sénateur Bryden, un simple avocat de campagne, ne s'intéresse pas à tout cela.

Il ne faut pas oublier que l'actuel premier ministre possède aussi un côté moins distant. Nous l'avons tous vu l'hiver dernier lorsqu'il a agressé un citoyen canadien qui exprimait ses vues sur le chômage. J'imagine que ce citoyen était consterné par la façon dont le premier ministre garde ses distances vis-à-vis de la création d'emplois. Il suffit de se plaindre d'une attitude distante pour obtenir une attitude beaucoup moins distante - mais je m'éloigne du sujet et je m'en excuse.

Comme je vous l'ai expliqué, ce que disait le sénateur Bryden dans sa lettre n'étais pas tout à fait exact. Mais ce n'est pas entièrement sa faute. Depuis deux ans, le gouvernement a fait tout son possible pour cacher la vérité au sujet des accords concernant l'aéroport Pearson. Ce n'est que maintenant que, par quelque heureux hasard, notre patience est récompensée et que commencent finalement à faire surface des bribes de vérité.

Ce n'est pas d'hier que le gouvernement libéral camoufle les faits, cache la vérité. Il n'y a pas si longtemps, un de nos recherchistes du Sénat a présenté une petite demande de renseignements sur ce qu'il en coûtait aux contribuables Canadiens de faire rouler la Chevrolet de M. Chrétien. À le voir aller, certains d'entre nous se sont demandé s'il n'avait pas fait installer un régulateur de vitesse. Notre recherchiste a-t-il reçu l'information qu'il cherchait? Pas tout à fait. M. Roger Boisvenue a cependant reçu plusieurs appels de la GRC, qui a planté une voiture de police devant son domicile pour surveiller ses allées et venues et celles de sa familles 24 heures sur 24.

Environ six mois plus tard, toujours pas de réponse, mais le véhicule de la GRC est parti. Quant à nous, nous songeons à présenter une nouvelle demande de renseignements, surtout que M. Chrétien en serait, à ce qu'on dit, à sa troisième voiture, sans compter les deux qui sont restées sur l'aire de trafic en Égypte.

Enfin, le sénateur Bryden se donne beaucoup de mal pour exprimer son mécontentement devant le fait que, au terme de trois années de discussions et de négociations, ces accords ont été sanctionnés en pleine période électorale. Il n'en fallait pas plus, à son avis, pour justifier l'annulation du contrat. Par conséquent, je me demande si l'un ou l'autre de nos collègues d'en face ont consulté les premiers ministres, Mme Callbeck et M. McKenna, au sujet de l'annulation en instance du projet de raccordement fixe.

Le bon sénateur de Port Elgin connaît probablement tous les détails du projet, comme le jour où il a été ratifié et les retombées économiques qu'il a rapportées aux gens de la région visée. Est-ce par hasard qu'il est resté muet? On penserait que, du temps où elle était députée d'arrière-ban au sein de l'opposition libérale, la première ministre Callbeck devait être dans ses petits souliers à entendre les fleurs de rhétorique qui fusaient de toutes parts au sujet de la valeur des promesses et des engagements des gouvernements précédents. Soit dit en passant, je suis certain qu'elle a dû se faire beaucoup de mauvais sang pour le centre de traitement de la TPS de Summerside, ou peut-être pas.

Pour revenir au raccordement fixe et au manque d'attention qu'il a soulevé, il faudrait tenir pour acquis que cela faisait partie d'une autre catégorie pour les libéraux. Le premier ministre Chrétien a peut-être clairement défini cette catégorie quand il a dirigé la mission commerciale d'Équipe Canada en Inde. Il a déclaré:

Les gouvernements ont pour tradition de respecter les engagements de leurs prédécesseurs.

Le premier ministre a fait cette petite observation au pied levé, quand on lui a demandé s'il craignait que l'imminente élection d'un nouveau gouvernement en Inde remette en cause la multitude de contrats pour lesquels il se félicitait.

J'ai fait trois ou quatre voyages en Inde, mais je ne me considère pas comme un spécialiste du pays. Je devine pourtant qu'un changement important est survenu dans le paysage politique, c'est-à-dire depuis la défaite du parti politique qui dominait - certains diraient le parti qui gouvernait - depuis l'indépendance du pays. Je me demande ce que dirait le premier ministre, si le nouveau gouvernement indien résiliait les contrats, annulait les ententes, déclarait que les engagements légaux et exécutoires n'étaient jamais entrées en vigueur ou légiférait sans tenir compte des résultats de difficiles négociations? Il dirait peut-être: «Bien sûr, l'Inde est un pays très peuplé et le Canada est si petit. Je ne peux même pas dire au premier ministre de la Saskatchewan ce qu'il doit faire, comment pourrais-je le faire avec le premier ministre de l'Inde?»

Par contre, il peut y avoir une autre explication à la décision d'annuler les accords de l'aéroport Pearson. Les libéraux ont peut-être été simplement bernés - autrement dit, victimes du système parlementaire d'opposition -, comme ils l'ont été dans le cas de la TPS, du libre-échange, du déficit ou de la réforme de l'assurance-chômage. Ils devaient s'opposer au projet de l'aéroport Pearson. C'est notre système qui le veut, pensent-ils. Dans l'opposition, on s'oppose. On ne demande pas d'explication. On attaque impulsivement.

Voilà ce qu'ils ont fait, honorables sénateurs, et ils ont été victimes de l'opposition. Les Canadiens paient les pots cassés.

En terminant, je tenais à dire au sénateur Bryden qu'en y repensant bien, il est peut-être heureux que le Globe and Mail n'ait pas fait paraître sa lettre. Étant donné que c'était sûrement une excellente intervention, il fera une autre tentative.

Enfin, en tant que membre de la société Diefenbaker, je voudrais citer le très honorable monsieur qui a déjà déclaré:

Les libéraux sont les soucoupes volantes de la politique. On n'arrive pas à les comprendre et on ne les voit jamais deux fois au même endroit.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, le projet de loi C-22 a été envoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles durant la première session du Parlement actuel. Des spécialistes du droit constitutionnel ont été invités à comparaître devant le comité pour exprimer leurs vues quant à la constitutionnalité de cette mesure. Tous, sauf un, en sont venus à la conclusion que le projet de loi C-22 violait la primauté du droit et qu'il était par conséquent ultra vires et inconstitutionnel. Ces spécialistes étaient tous d'accord que la primauté du droit, dont il est fait mention dans le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982, n'était pas respectée. Un expert a été plus nuancé dans ses propos, mais il a quand même convenu que la primauté du droit faisait partie de notre système. L'accès aux tribunaux est un principe fondamental de la primauté du droit. Tous les juristes au Canada estiment que cet accès constitue l'un des fondements de notre démocratie parlementaire.

Le projet de loi C-28 est de même nature que le C-22. L'an dernier, le projet de loi C-22 a été jugé inconstitutionnel par des spécialistes. Le projet de loi C-28 déposé cette année est tout aussi inconstitutionnel que l'était le projet de loi C-22 l'an dernier.

C'est une façon facile pour le gouvernement de se débarrasser de tout ce dossier épineux: il dit qu'il va proposer des amendements importants et pertinents. De tels amendements ne sont pas difficiles à rédiger. En fait, certains ont été proposés l'an dernier. Il faut absolument rétablir l'accès aux tribunaux. Il ne suffit pas de dire que des amendements pourraient être proposés aux audiences du comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Il va de soi que l'opposition peut présenter de tels amendements, mais ceux-ci pourraient être rejetés. En ce sens, le gouvernement est le seul, grâce à sa majorité à la Chambre et au Sénat, à pouvoir corriger la situation.

[Français]

Je dois dire, en conclusion, que la tradition veut que le Parlement manifeste beaucoup de prudence quand une affaire est devant les tribunaux. Je pense que les décisions des orateurs et des présidents sont très claires sur la question. Les cours ontariennes sont déjà saisies du problème dans une certaine mesure.

Notre système judiciaire au Canada est fort et indépendant. La meilleure solution dans la présente matière m'apparaît être, pour le Parlement du Canada, de ne pas intervenir dans cette affaire ou, s'il le souhaite vraiment, il doit intervenir dans sa législation et laisser libre cours à l'accès aux tribunaux.

Je n'ai qu'une préoccupation, celle que l'on applique à la lettre les principes juridiques. La résiliation d'un contrat est possible, je ne nie pas cela, mais l'on doit en assumer les conséquences et, au besoin, l'on doit en assumer les dommages.

Dans une démocratie, l'on peut faire bien des choses, bien sûr, mais à la base de tout, il y a le principe de la primauté du droit.

[Traduction]

Les auteurs de notre Charte des droits et libertés ont eu raison de consacrer dans notre Constitution le principe de la règle du droit.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, comme vous pouvez le comprendre, je me suis fait beaucoup de réflexions au sujet de toute la question de l'aéroport Pearson au cours des longs mois et même des années qu'ont duré les discussions. Ce fut un long processus qui s'est étiré sur quatre ans et qui s'est terminé par l'annonce de l'accord, vers la fin d'août 1993.

Pour que tout soit bien clair, permettez-moi un rappel chronologique. Le 18 août 1989, le gouvernement de l'époque a annoncé une stratégie aéroportuaire pour le sud de l'Ontario prévoyant notamment l'aménagement de pistes et la modernisation des aérogares 1 et 2. Le 17 octobre 1990, le gouvernement a annoncé qu'il tenterait d'obtenir la participation du secteur privé pour les aérogares 1 et 2. Le 11 mars 1992,17 mois plus tard, le gouvernement a publié une demande officielle de propositions, invitant le secteur privé à financer la modernisation des aérogares 1 et 2. Le 17 juillet 1992 marquait la fin du délai de réponse à la demande de propositions; la date avait été reportée.

À l'été de 1992, une équipe d'évaluation a été chargée d'examiner les propositions. Le 7 décembre 1992, on annonçait que, d'après le rapport du comité d'évaluation, Paxport avait présenté la proposition qui, globalement, était la meilleure et que, sous réserve de certaines conditions, les négociations débuteraient. Le 1er février 1993, Paxport et ATDC, ou Air Terminal Development Corporation, fusionnaient, et les négociations se sont poursuivies pendant de longs mois.

Le 27 août 1993, le Conseil du Trésor donnait son approbation et, le 30 août, l'annonce était faite.

On peut difficilement parler d'une transaction signée au beau milieu de la nuit ou négociée à la dernière minute. Comment se fait-il que, au Canada, on puisse se permettre une pareille parodie? Comment peut-on traiter les droits des autres avec autant de désinvolture? Personne ne s'est donc soucié de notre réputation internationale?

Je dois dire que j'ai trouvé très amusant de lire ce qui suit dans l'Ottawa Sun, le 14 janvier 1996:

C'est une lapalissade que de dire que les hommes politiques racontent toujours de petites blagues lorsqu'ils sont à l'étranger.

Jean Chrétien ne s'en est pas privé au cours de sa tournée asiatique, à Bombay, lorsque les journalistes de l'endroit l'ont interrogé.

Le premier ministre de l'Inde venait de déclencher les élections et un journaliste indien voulait savoir si des accords commerciaux avec le Canada risquaient d'être menacés si le gouvernement perdait les élections.

Sans manifester le moindre embarras, Chrétien a proféré l'énormité suivante: «Cela n'aura aucun effet. Les gouvernements ont pour tradition de respecter les engagements des gouvernements précédents.»

Cette perle ne sera peut-être pas tellement prisée par les promoteurs de l'aéroport Pearson et les fabricants de l'hélicoptère EH-101.

Ce n'était pas une décision bien réfléchie. On n'a consacré aucune étude préliminaire sérieuse à cette question. Il n'est nulle part fait mention de l'aéroport Pearson dans le désormais tristement célèbre livre rouge, mieux connu maintenant sous le nom de petit livre blanc. Non, empruntant une tactique employée par Preston Manning, le premier ministre a suivi la vague, pour ainsi dire, vers le 6 ou le 7 octobre 1993 et, au milieu de la campagne électorale de 1993, il s'est enfoncé sans vergogne dans la rhétorique, en se répandant en désinformation et en faussetés pures et simples, de façon insouciante et irresponsable.

Une fois élu, il a été confronté au problème de se sortir de ses excès de campagne électorale. Il s'est tourné vers son bon ami et partisan et, oserais-je dire, copain, Robert Nixon. Je crois vraiment que M. Chrétien et M. Nixon cherchaient un moyen de se sortir de ce pétrin, car, d'après les témoignages entendus devant notre comité, les responsables de la Pearson Development Corporation ont été stupéfaits d'apprendre que le gouvernement voulait annuler les ententes. Ce n'est pas étonnant.

Je cite un passage d'un article paru le 29 octobre 1993 dans le Globe and Mail:

M. Chrétien a annoncé hier qu'il a confié à Robert Nixon, ancien trésorier de l'Ontario, la tâche d'examiner «tous les facteurs» relatifs à la privatisation de l'aéroport international de Toronto. Il a ajouté que M. Nixon allait faire rapport de ses conclusions d'ici 30 jours.

Dans une entrevue ultérieure, M. Nixon a dit qu'il pourrait se produire un «accord des volontés» entre le nouveau gouvernement libéral et le consortium d'entreprises qui administrera l'aéroport.

«Il se pourrait très bien que la chose s'arrange sans qu'on ait à recourir à des mesures draconiennes pour changer la situation», a dit M. Nixon.

Interrogé quant à la possibilité d'annuler la privatisation, M. Nixon a bien précisé qu'il préférerait éviter d'annuler l'entente. «Il est difficile de s'aventurer dans cette voie, parce que cela nous obligerait à envisager des scénarios sûrement plus pénibles que ce que nous avions prévu au départ. Les gens n'aiment pas se mêler des contrats déjà signés. Je ne crois pas d'ailleurs qu'ils devraient le faire, à moins d'avoir une très bonne raison.»

M. Chrétien a le «pouvoir moral» de persuader le consortium de modifier l'entente pour offrir à la population de meilleures garanties et de meilleurs avantages, a ajouté M. Nixon.

«Nous avons une personne qui détient un nouveau mandat extrêmement fort», a-t-il dit. «Il pourrait très bien dire: «Je voudrais que cela se fasse différemment.» Il me semble qu'un consortium serait mal avisé de ne pas tenir compte de l'opinion du chef de gouvernement. Le gouvernement détient un certain nombre de pouvoirs.»

Dieu qu'il avait raison.

Pendant la campagne électorale, M. Chrétien a affirmé que l'accord de privatisation était une «mauvaise affaire» et que son instinct lui dictait de s'y opposer. Il a également menacé de faire adopter une loi visant à annuler l'entente. Hier cependant, M. Nixon n'a pas semblé accordé tellement d'intérêt à une telle possibilité.

«Au lieu d'adopter des mesures législatives très sévères, ce qui serait peut-être mal vu, on pourrait peut-être trouver un terrain d'entente», a-t-il déclaré.

Cela est tiré, je le rappelle, d'un article du Globe and Mail rédigé par Geoffrey York et publié le 29 octobre 1993.

Toutefois, c'est John Nunziata qui a flairé quelque chose de suspect et qui a pris les devants, en faisant publiquement des menaces voilées si jamais l'accord Pearson n'était pas annulé.

L'engagement de M. Chrétien, qui a promis de maintenir l'intégrité du gouvernement, sera rudement éprouvé, mais j'ai grande confiance qu'il abolira l'accord, justement par souci d'intégrité.

C'étaient les propos de John Nunziata, rapportés dans le Globe and Mail du 27 novembre 1993.

Je suis convaincu que l'accord est mort. Je suis convaincu que [M. Chrétien] écoutera ce qu'a à lui dire le caucus de Toronto, qui s'oppose carrément à cet accord.

John Nunziata, The Toronto Star, le 29 novembre 1993.

Il y a au sein de notre parti des gens très puissants qui cherchent à faire accepter la chose.

John Nunziata, The Ottawa Sun, le 29 novembre 1993.

De toute évidence, les déclarations de M. Nunziata ont causé certains soucis et problèmes à M. Chrétien, à M. Nixon et au cabinet du premier ministre, comme le confirment certains propos rapportés par le Globe and Mail dans son édition du30 novembre 1993.

John Nunziata parle trop, il agit trop vite.

La source: le cabinet du premier ministre.

Je pourrais discourir longuement sur l'hypocrisie de toute cette affaire et sur l'hypocrisie du gouvernement et de M. Chrétien. Je pourrais signaler que, au cours de la dernière décennie, toutes les grandes politiques publiques - l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, l'ALENA, la réforme de la fiscalité, la TPS, la modification de la Constitution, l'Accord du lac Meech, et l'affaire de la société distincte, pour n'en nommer que quelques-unes qui sont toutes le fait de l'ancien gouvernement progressiste conservateur de Brian Mulroney - ont fait l'objet de critiques véhémentes et vicieuses de la part des libéraux et de Jean Chrétien qui, maintenant qu'ils forment le gouvernement, les reprennent toutes à leur compte. Ils ont, en fait, complètement viré capot.

C'est dommage que les accords sur l'aéroport Pearson aient été annulés si vite. Il est malheureux que les menaces de John Nunziata aient entraîné une décision irresponsable. Si les libéraux avaient attendu encore deux ou trois mois, ils auraient été aussi pour la privatisation de Pearson et nous serions maintenant à la veille d'avoir à Toronto des installations modernes et magnifiques au lieu de subir le marasme actuel. Nous aurions peut-être même des hélicoptères.

Mais, bien sûr, la question en est une ici d'honnêteté et d'intégrité. Le premier ministre Chevrolet, qui est désormais le premier ministre Buick Roadmaster, devait sauver la face.

 

Le compte rendu est clair sur le rôle que le premier ministre Chrétien a personnellement joué dans l'affaire de l'aéroport Pearson. Nous savons déjà ce qui s'est produit au cours de la campagne électorale de 1993 et comment la vente a été annulée en décembre 1993. Nous connaissons tous le projet de loi draconien, pour employer les mots de M. Nixon. Nous avons essuyé le plus gros des attaques brutales du ministre Young. Toutefois, nous aurions tort de nous en faire, car rares sont les Canadiens que Doug Young n'a pas insultés.

Nous, de ce côté-ci du Sénat, savions à quoi nous avions affaire, la formidable machine de propagande de M. Chrétien et du Parti libéral. Nous savions qu'on nous prêterait des intentions et des gestes ignobles, mais les libéraux ont oublié quelque chose. Ils croyaient que nous allions trembler devant leurs tactiques brutales - ce n'était pas un cadeau, comme disait Doug Young - que nous allions battre en retraite, que nous serions démoralisés au plan politique. Nous étions démoralisés, mais cela ne nous a pas empêchés d'agir de façon responsable pour protéger les droits des Canadiens.

Ils ont aussi pensé que nous serions au coeur d'un scandale à l'échelle du pays. Comme vous le savez sans doute, le premier ministre a dit que nous allions mijoter dans notre propre jus. Les libéraux se sont drôlement trompés. Ils n'ont jamais pensé que le rôle du premier ministre dans toute cette affaire serait dévoilé et contesté. Comme je l'ai dit personnellement à maintes reprises à propos de tout le dossier de l'aéroport Pearson, je ne crains pas la vérité; c'est la déformation de la vérité qui me fait peur.

De ce côté-ci, nous avons résisté aux insultes et aux faussetés proférées à notre endroit parce que nous pensions que la vérité finirait par triompher et qu'aucun gouvernement ne devrait pouvoir bafouer les droits de ses citoyens.

Selon John Nunziata, ce qui était en jeu à l'époque, c'était l'honnêteté et l'intégrité. Il a certainement découvert la vérité, quoique un peu tard, n'est-ce pas?

Quel rôle M. Chrétien a-t-il joué dans tout cela? Il a été établi clairement, sous serment, que le rôle du premier ministre dans le dossier de l'aéroport Pearson a été très différent de ce qu'on a voulu faire croire à la population. J'ai une chronologie détaillée du rôle joué par M. Chrétien; j'en reparlerai plus tard au cours du débat. Il suffit de dire qu'il y a des témoignages sous serment qui sont étayés par des faits et qu'il incombe au premier ministre d'expliquer au Parlement et au Canada le rôle qu'il a véritablement joué.

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, je prends la parole pour traiter du projet de loi C-28 qui, selon le sénateur Kirby, est identique à celui qui l'a précédé, le projet de loi C-22, qui est mort au Feuilleton par suite de la prorogation du Parlement le 2 février 1996.

À la page 349 des Débats du Sénat du 15 mai, le sénateur Kirby a dit que le projet de loi C-22, sans amendement, était légal, constitutionnel et qu'il entrait dans le champ de compétence du Parlement. Par voie de conséquence, bien que le sénateur Kirby ne l'ait pas dit expressément, il s'ensuit que le gouvernement est d'avis que le projet de loi C-28, puisqu'il est identique au projet de loi C-22, est également, dans son libellé actuel, légal, constitutionnel et qu'il entre dans le champ de compétence du Parlement.

À la page 356, le sénateur Kirby a dit:

[...] le gouvernement préférerait nettement que le projet de loi C-28 soit adopté sous sa forme actuelle. C'est ce que préférerait le gouvernement.

Puis, faisant allusion à certaines propositions d'amendement au projet de loi C-28, dont il a refusé de communiquer le libellé aux sénateurs de l'opposition, il a dit:

Voilà, honorables sénateurs, ce que feraient les amendements qui, comme je l'ai dit, pourraient être proposés au comité, et ils seront proposés si les sénateurs d'en face tiennent à ce qu'ils le soient.

Je n'ai pas dit que nous allions nécessairement proposer des amendements. J'ai dit catégoriquement que, si vous insistiez, nous en proposerions.

Par conséquent, à cette étape de nos travaux, il nous incombe, à nous sénateurs de l'opposition, d'étudier le projet de loi C-28 dans son libellé actuel, soit identique à celui du projet de loi C-22 précédent.

Comment le gouvernement a-t-il justifié l'adoption du projet de loi C-22? Nous devons le faire parce que la même justification doit être trouvée pour l'adoption du projet de loi C-28.

Je ne vais pas répéter tous les points qui ont été soulevés par les sénateurs siégeant de côté-ci qui ont pris la parole avant moi sur cette affaire. Je n'ai pas entendu tous leurs discours, mais je suis convaincu que je serais d'accord sur la plus grande partie de ce qu'ils ont dit, voire la totalité. Je vais, toutefois, faire ressortir un certain nombre d'arguments pertinents que le gouvernement a avancés pour tenter de justifier l'adoption du projet de loi C-22 et faire des observations sur chacun d'entre eux.

Les voici: premièrement, les contrats concernant l'aérogare de l'aéroport Pearson sont inadéquats; deuxièmement, le lobbying a été excessif et est allé au-delà du concept acceptable de la consultation; troisièmement, il existait une convention qui a empêché la première ministre Campbell d'autoriser la conclusion de la transaction le 7 octobre 1993, 18 jours avant les élections fédérales; et quatrièmement, la suprématie du Parlement.

Je vais aborder ces points dans l'ordre, après quoi je contesterai certains propos tenus par le sénateur Kirby dans les débats ainsi que sa déclaration selon laquelle le projet de loi C-28, sans amendement, est légal, constitutionnel et entre pleinement dans le champ de compétence du Parlement.

Le gouvernement affirme que les contrats de Pearson n'étaient pas «valables». Ce sont les mots que l'infâme Robert Nixon a utilisés lorsqu'il a formulé son avis politique au sujet de ces contrats vers le 29 novembre 1993. Dans sa lettre au premier ministre, qui remonte à la même date, il fait allusion à son rapport d'examen de 14 pages, auxquelles s'ajoute une annexe de quatre pages. Le sens qu'il donnait au mot «examen» a été contesté. Il sait maintenant qu'un examen est une évaluation critique, que le qualificatif «critique» exige l'exercice de jugement et qu'un «critique» est une personne qui exprime une opinion raisonnée. M. Nixon a reconnu qu'il n'avait pas fait un examen, mais qu'il avait plutôt donné un avis politique à son bon ami le premier ministre.

Pourtant, lorsque le gouvernement a été poursuivi devant les tribunaux pour rupture des contrats, de nombreux mois après la signature des documents, pas un mot n'a été dit de la nullité des contrats. En fait, l'avocat du gouvernement a dit l'inverse.

Je vous lis un extrait de la transcription de l'interrogatoire préalable d'un haut fonctionnaire du gouvernement, M. Barbeau, lors du procès sur la rupture des contrats concernant l'aéroport Pearson. Il y a eu un échange entre avocats. L'avocat de Paxport, M. Slaght, a demandé:

[...] ces contrats n'étaient-ils pas inacceptables du point de vue des intérêts de la Couronne?

L'avocat du gouvernement, M. Sgayas, a dit:

Je m'interroge sur la pertinence de cette question. L'État n'avance aucun argument portant sur la valeur des contrats et ne présente aucun argument, se rapportant à ces contrats ou à autre chose, visant à en contester la valeur.

N'est-il pas étrange que quelques mois plus tôt, le gouvernement, en s'appuyant principalement sur la valeur des contrats, ait annulé une transaction de plusieurs millions de dollars et que, lorsqu'il a été poursuivi pour rupture de ces contrats, que le ministre de la Justice avait déclaré valables, le gouvernement a choisi de ne pas en contester la validité?

À mon avis, le gouvernement n'a pas contesté la validité des contrats parce qu'il savait à ce moment-là, et il le sait certainement aujourd'hui, qu'ils sont parfaitement valables et que, en plus, ils représentent une excellente affaire pour le gouvernement du Canada, pour les citoyens de Toronto et pour l'ensemble de la population du Canada.

 

Deuxièmement, le lobbying était excessif et est allé bien au-delà du concept acceptable de la consultation. Encore une fois, j'utilise les termes employés par M. Nixon.

Il est évident qu'un certain nombre de lobbyistes ont eu un rôle à jouer dans l'octroi de ce contrat, mais le travail a été fait de façon professionnelle et n'était aucunement excessif pour un contrat de cette ampleur. Selon les témoignages entendus, un nombre beaucoup plus grand de lobbyistes sont intervenus au sujet du contrat relatif à l'aérogare 3 à l'aéroport Pearson, dont l'ampleur était beaucoup moindre. La déclaration faite parM. Nixon et par d'autres à l'effet que le lobbying était allé bien au-delà du concept acceptable de la consultation est carrément fausse. Les sénateurs d'en face, qui ont entendu les témoignages, le savent fort bien.

Troisièmement, il existait une convention qui empêchait la première ministre Kim Campbell d'autoriser que le contrat soit signé le 7 octobre 1993, 18 jours avant les élections fédérales.

Il n'existait simplement pas de telle convention à ce moment-là pas plus qu'il n'en existe une maintenant. Il ne s'agit pas de déterminer si une telle convention devrait exister ou non, ou s'il y en avait une à l'époque même s'il n'y en a pas maintenant.

Tous les experts, sauf un - qui a été embauché par le gouvernement pour donner son opinion -, étaient d'avis qu'une telle convention n'existait pas. Le 15 mai 1995, j'ai posé plusieurs questions au ministre de la Justice devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Le procès-verbal de la séance du comité indique ceci:

Le sénateur Jessiman: Les libéraux ont soutenu que la signature du contrat le 7 octobre 1993 n'était pas valide, à cause de certaines coutumes et traditions. Êtes-vous d'accord ou pensez-vous que la signature du contrat était valide?

M. Rock: Je pense que la signature du contrat était valide.

Le sénateur Jessiman: Le gouvernement a admis devant les tribunaux, n'est-ce pas, qu'il a résilié un contrat valide?

M. Rock: Oui, et le tribunal a constaté que le contrat était valide.

Le sénateur Jessiman: En effet. Le tribunal l'a constaté et votre avocat était d'accord. Le tribunal n'a pas eu à rendre de décision.

M. Rock: Oui.

Lorsque j'ai posé la question, je croyais que le contrat avait été signé le 7 octobre 1993. Nous avons constaté qu'il y avait plusieurs contrats, en fait une multitude de documents. Si ma mémoire est fidèle, quelque 110 documents devaient être rédigés et signés et 90 p. 100 d'entre eux avaient été signés le7 octobre 1993.

Il importe également de rappeler que le 30 octobre 1993, soit plusieurs jours avant le déclenchement des élections, aucun politicien n'avait pris quelque décision que ce soit concernant le libellé des 110 documents. L'entente avait été conclue en juillet et il avait été convenu que les politiciens n'avaient que deux choses à faire après cette date: premièrement, faire approuver l'entente par le Conseil du Trésor - ce qui a été fait à la fin d'août avant le déclenchement des élections; et, deuxièmement, signer tous les documents qui devaient l'être le 7 octobre 1993 ou vers cette date.

En juillet, les avocats ont convenu du 7 octobre 1993 comme date limite. Le 6 octobre, la première ministre a essentiellement autorisé que soient rendues publiques les principales ententes, qui avaient déjà été signées quelques jours plus tôt par les deux parties, et a confié à un haut fonctionnaire la signature de quelques autres documents de moindre importance.

Comme je l'ai dit plus tôt, tous les universitaires, à l'exception de celui qui a été payé par le gouvernement pour lui donner une opinion, ont reconnu que l'entente était valide et exécutoire et qu'il n'existait aucune convention.

Je vais maintenant donner les noms des professeurs que j'ai consultés. Il y a eu d'abord M. Wayne Mackay, de l'Université Dalhousie; M. Douglas Schmeiser, de l'Université de la Saskatchewan; M. Dale Gibson, de l'Université de l'Alberta;M. Patrick Monahan, de Osgoode Hall; M. W.H. McConnell, de l'Université de la Saskatchewan et M. Ken Norman, de la faculté de droit de l'Université de la Saskatchewan. Le comité a également entendu un certain nombre de représentants du Barreau canadien, nommément M. Gérald Shapur, M. Martin Mason et Mme Joan Bercovitch. Toutes ces personnes ont reconnu qu'il n'y avait pas de convention.

Je voudrais maintenant parler de la souveraineté du Parlement. Les sénateurs de l'autre côté affirment que le Parlement est souverain. Honorables sénateurs, il l'est effectivement. Mais depuis l'adoption de la Déclaration canadienne des droits, puis de la Charte des droits et libertés, le Parlement a perdu une partie de sa souveraineté. Je voudrais citer deux articles de la Déclaration des droits.

Son Honneur le Président: J'hésite à vous interrompre, sénateur Jessiman, mais votre temps est écoulé. Le sénateur veut-il demander la permission de poursuivre?

Le sénateur Jessiman: J'en ai encore pour dix minutes.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Jessiman: Merci, honorables sénateurs.

L'article 1 de la Déclaration canadienne des droits dit ceci:

Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe:

a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens...

Je signale que ça dit «individu». Donc, si l'une des parties est un individu, elle sera protégée en vertu de cet article.

L'alinéa 2e) ne parle pas d'«individu». Je vais lire le préambule, puis l'alinéa e).

2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits,...

Et le gouvernement a choisi de ne pas se soustraire à la Déclaration des droits. Il aurait pu, mais il ne l'a pas fait. L'article se poursuit ainsi:

[...] doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations.

Je signale que cet article ne parle pas d'«individu», mais de «personne». Une personne a été définie comme pouvant désigner une société. On considère généralement que cet article de la Déclaration canadienne des droits s'applique aux sociétés.

Venons-en maintenant à la Charte. L'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés dit ceci:

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

 

Au moment de la promulgation et de l'adoption de la Charte, il y a eu un tas de discussions sur la question de savoir si les droits patrimonieux devaient figurer dans la Charte. Il a été conclu de ne pas les faire figurer.

En fait, le Parti réformiste est en train de présenter dans l'autre chambre un projet de loi à cet effet. Quand la Charte a été présentée pour la première fois, c'était certaines provinces qui ne voulaient pas que les droits patrimonieux soient protégés, pas le gouvernement fédéral. À l'époque, la position du gouvernement fédéral était que les droits patrimonieux devraient être protégés.

Il est étrange qu'un gouvernement - et c'était un gouvernement libéral à l'époque - pense que ce devrait être le cas. Aujourd'hui, le gouvernement libéral essaie - j'espère qu'il n'y arrivera pas - de retirer leurs droits aux parties à la réalisation de ce contrat, dont le ministre de la Justice a dit qu'il était valide et exécutoire, et de ne leur payer absolument rien en vertu de cette mesure législative telle que conçue. C'est ce que le gouvernement est prêt à leur payer - à moins que les plaignants ne se rendent aux exigences du ministre lui-même, qui est non seulement le procureur mais aussi le juge et le jury. Ils n'obtiendront rien à moins qu'ils ne se plient aux exigences. Ils ne reçoivent rien du tout à moins qu'ils ne consentent à cela.

Ça ne sera pas valide aux yeux d'un tribunal. Il ne faut pas être avocat pour le savoir. C'est injuste. À mon avis, quiconque prétend que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, est valable en justice, ne s'y connaît guère en matière de droit ou d'équité.

Le sénateur Kinsella: Et ne respecte ni le droit ni l'équité.

Le sénateur Jessiman: J'aimerais dire quelques mots sur les propos tenus par le sénateur Kirby. Si on lit une partie de ce qu'il a dit, on se demande: «Mon Dieu, il est d'accord pour leur accorder tout ce qu'ils demandent, pourquoi donc ne l'adoptent-ils pas?» À la page 353 des Débats du Sénat, on peut lire:

Honorables sénateurs, nous sommes prêts à proposer des amendements...

Remarquez bien qu'il dit «nous». Il poursuit:

[...] qui résoudront de façon satisfaisante chacune des préoccupations d'ordre constitutionnel soulevées par les témoins et par les sénateurs d'en face.

À la lecture de ces propos, on pourrait se demander pourquoi ils continuaient à s'y opposer.

Mais si on retourne à la page 352, on s'aperçoit qu'il ne parle pas de ce projet de loi mais d'un projet d'amendement à un projet d'amendement. Lorsque le projet de loi nous est revenu la deuxième fois sans amendement, de ce côté-ci de la Chambre, nous avons proposé quelques amendements. Ce n'était pas des amendements mais des projets d'amendements. Du côté du gouvernement, on a contré avec d'autres projets d'amendements. Les projets d'amendements du gouvernement - proposant ce qu'il voulait et veut toujours ajouter au projet de loi - absoudraient le gouvernement de toute responsabilité en matière de dommages-intérêts exemplaires, punitifs et majorés. Autrement dit, le gouvernement ne veut pas être responsable de ce genre de dommages-intérêts.

Puis le sénateur Kirby explique ce que le gouvernement propose. Il dit que les investisseurs pourront demander des dommages-intérêts, mais pas dans ces trois catégories. Pourquoi le gouvernement a-t-il peur d'accorder des dommages-intérêts dans ces trois catégories? Je sais pourquoi. Si le gouvernement est poursuivi relativement à cette transaction - ce qui n'est pas exclu, le tribunal ne pourra accorder ces dommages-intérêts - et si les investisseurs sont privés de futurs bénéfices, ce qui est l'effet de ce projet de loi, ils ne seront pas compensés pour les fonds qu'ils ont dépensés et qu'ils doivent aux lobbyistes. Je suppose et je pense qu'un tribunal accordera ce genre de dommages-intérêts.

Pourquoi ces dommages-intérêts sont-ils accordés? Les dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ont une fonction de dissuasion et de punition, contrairement à l'indemnité. Le tribunal ne les accorde pas au plaignant simplement parce que le juge pense que ce dernier a droit à un certain montant; le juge les accorde s'il estime qu'il faut dissuader les gouvernements comme celui-ci de refaire la même chose un jour. C'est pour cela qu'on accorde ces dommages-intérêts. Si le gouvernement ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de répréhensible, alors il ne devrait pas faire cette exception.

Que dire des dommages-intérêts majorés? Ils sont une forme d'indemnisation, mais ils visent des causes tangibles comme le désarroi et l'humiliation d'un accusé confronté à un comportement insultant. Si jamais le gouvernement s'est montré plus insultant lors d'une transaction, je ne sais pas quand cela s'est produit.

Je n'ai que deux autres points, honorables sénateurs.

Pour que le projet de loi C-28 revienne ici, il a fallu qu'il se produise quelque chose entre la prorogation et maintenant. S'il va en comité, et j'espère qu'il n'y ira pas, je veux savoir quelles ententes il y a eues. On me dit maintenant qu'il a dû y avoir une entente entre le présent gouvernement et le gouvernement de Kim Campbell pour qu'un projet de loi revienne ici après la prorogation. C'est-à-dire que, s'il y a une entente entre les deux côtés de la Chambre, je ne sais pas si on s'est entendu sur ce projet de loi en particulier. Il y a bien un accord quelconque à ce sujet, mais je ne l'ai pas encore vu. Toutefois, s'il n'y a pas d'entente antérieure, alors ce projet de loi ne nous est pas soumis de façon convenable.

Deuxièmement - et je ne peux pas dire que «je n'ai pas eu le temps» puisque je suis au courant depuis des semaines, mais je n'ai pas posé la question - ce projet de loi doit être certifié conforme à la Charte des droits du Canada. Il est vrai que le projet de loi C-22 portait cette mention. Mais le projet de loi qui est devant nous maintenant n'est pas le même. Je ne sais pas s'il a été approuvé.

Après tous ces témoignages de juristes, y compris des représentants de l'Association du barreau canadien qui ont comparu devant nous au moins deux fois, nous disant que c'était inconstitutionnel, comment un ministre de la Justice peut-il avoir le culot d'approuver un tel document?

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je serai bref car nos points de vue sur ce projet de loi ont été maintes fois exprimés, non seulement durant le débat, mais aussi au cours des deux dernières années environ. Je veux cependant déplorer le fait que le gouvernement refuse de rendre publics les amendements qu'il accepte de présenter lors d'une prochaine étape. Je le déplore parce que le projet de loi comporte 12 articles. Le premier est le titre abrégé, le deuxième renferme les définitions, les articles 3 à 10 inclusivement contiennent la substance du projet de loi et les articles 11 et 12, quoique importants, ne se rapportent pas au contenu du projet de loi.

Le sénateur Kirby nous a dit que le gouvernement avait l'intention de proposer des amendements qui modifieraient considérablement le contenu du projet de loi, soit les articles 3, 4, 5, 7, 8, 9, et 10, et qui contrediraient pour la plupart ce qui se trouve maintenant dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Je ne parlerai que des éléments principaux.

 

L'accès aux tribunaux, qui était refusé, sera maintenant accordé. Les contrats qui devaient être déclarés nuls et non avenus seront reconnus et les dommages-intérêts qui ne devaient pas être réclamés pourront l'être. Il s'agit d'une véritable énigme. La situation est inhabituelle. Comment expliquer qu'on présente un projet de loi pour obtenir une approbation de principe alors qu'on a déjà annoncé que le principe sera violé si jamais ce projet de loi est renvoyé au comité. Comme je l'ai déjà dit, et comme d'autres l'on déclaré aussi, une telle façon d'agir est sans précédent.

C'est encore plus exceptionnel qu'un projet de loi nous soit renvoyé après avoir été approuvé à trois reprises, sous cette forme, par la Chambre des communes. Et ce n'est pas tout, puisque qu'on nous a dit ensuite que notre Chambre sera priée de changer le projet de loi du tout au tout et de le renvoyer sous une forme et un libellé tout à fait différents de ce que la Chambre des communes a approuvé à trois reprises. Tel est l'objet de l'amendement: renvoyer le projet de loi à la Chambre pour étude.

Je voudrais que les honorables me supportent patiemment pendant je formule quelques réflexions sur le but qui se dissimule derrière l'amendement. Je ne vais pas m'étendre sur les raisons qui ont déjà été invoquées lors du débat de deuxième lecture.

Honorables sénateurs, au fil des ans, la Chambre des communes est devenue moins à la hauteur du processus législatif et exécutif de ce pays. Ces propos ne se veulent pas irrévérencieux, mais c'est un fait que l'on ne constate pas sans tristesse, surtout après l'impressionnant hommage rendu aux anciens parlementaires hier. Quand le Président de la Chambre a demandé aux parlementaires de chacune des législatures qui se sont succédé depuis la Seconde Guerre mondiale de se lever et de prendre la parole, je suis sûr que je n'étais pas le seul à me rappeler d'importants événements et leurs acteurs. Ce fut un honneur pour nous tous de nous rappeler du chemin que nous ont tracé les parlementaires qui nous ont précédés et de nous rappeler les responsabilités qui sont les nôtres. Malheureusement, la capacité de s'acquitter de ces responsabilités devient de plus en plus difficile à la Chambre des communes.

Tout d'abord, le pouvoir est concentré de plus en plus au Bureau du premier ministre et au Cabinet, à mesure que légiférer par décret devient la règle plutôt que l'exception. Dans notre forme de gouvernement parlementaire, le pouvoir exécutif doit faire partie intégrante de l'assemblée législative et, en théorie, tel est toujours le cas; mais, en fait, le pouvoir exécutif s'éloigne de la Chambre pour se retrancher au Cabinet et au Bureau du premier ministre, car un nombre croissant de lois sont formulées en des termes délibérément généraux, ce qui permet de les appliquer par voie de règlements rédigés par l'exécutif, qui ne sont habituellement examinés que superficiellement.

Ensuite, depuis 1982, le pouvoir judiciaire interprète les lois comme il comprend la Charte, et pas toujours comme le législateur l'entend.

Bref, honorables sénateurs, le Parlement n'est plus l'autorité suprême au sens où on l'a toujours compris. Involontairement ou non, il a cédé une grande partie de son autorité au pouvoir exécutif, qui recourt de plus en plus à des décrets, et aux tribunaux, qui interprètent la Charte, et ces interprétations ne coïncident pas toujours avec celles du législateur.

L'intention du législateur constituait autrefois un critère important pour comprendre et interpréter l'objet des lois. Si je souligne tout cela, c'est que, si une institution devrait être consciente et respectueuse de l'intention du législateur, c'est bien le Sénat du Canada.

À trois occasions, le législateur a approuvé la mesure que nous avons devant nous. Ce que propose le sénateur Kirby fait carrément fi des voeux exprimés trois fois déjà par la Chambre, sans lui donner le moindre avis. Il s'agit ni plus ni moins d'un comportement offensant pour la Chambre des communes, en ce sens qu'il rend le gouvernement complice de sa propre perte d'importance.

Il est normal que tous les projets de loi d'intérêt public importants émanent de la Chambre des communes. Pour des raisons que lui seul connaît, le gouvernement libéral souhaite déroger à cette règle tacite en présentant ici une mesure qui, le gouvernement en est pleinement conscient, va finir par avoir une forme et un contenu diamétralement opposés à ceux du projet de loi C-28, sans compter qu'elle ira directement à l'encontre de la volonté exprimée à trois reprises par la Chambre des communes.

Nous comptons parmi nous de très éminents anciens membres de l'autre endroit. Je crois qu'ils s'inquiéteraient de voir leurs anciens collègues et la Chambre qu'ils ont servie avec tant d'ardeur être traités aussi cavalièrement. Je crois que, par acquis de conscience, ils réfléchiraient avant de rejeter cet amendement du revers de la main, car celui-ci dépasse largement la portée du projet de loi. Plus qu'une simple tactique dilatoire, cet amendement s'attaque au mode de fonctionnement même du Parlement.

Il appartient à la Chambre des communes de faire part de ses désirs au Sénat, et à ce dernier d'y donner suite, en donnant aux Communes avis et conseils, en lui proposant des changements et en la mettant en garde contre les écueils constitutionnels qui peuvent se présenter.

Honorables sénateurs, en renvoyant le projet de loi C-28 à la Chambre des communes, nous donnerons au gouvernement la chance de débattre ses amendements là où il aurait dû le faire et où il convient de le faire au départ, faisant ainsi preuve de respect pour le rôle des élus, contrairement à ce qui arriverait si l'on procédait comme le sénateur Kirby insiste pour qu'on le fasse.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable sénateur Davey, appuyé par l'honorable sénateur Forest, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

L'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Robertson, propose ensuite la modification suivante: Que le projet de loi ne soit pas lu une deuxième fois maintenant mais qu'il soit renvoyé à la Chambre des communes pour que la Chambre en fasse une étude judicieuse.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Conformément à l'accord intervenu plus tôt, le vote aura lieu à 17 h 30.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je pourrais peut-être dire un mot à ce sujet.

Après discussion, il a été convenu plus tôt que, d'après le Règlement, le vote devrait se tenir à 17 h 30. Toutefois, nous avons mutuellement convenu que le vote aura lieu à 16 h 45.

À ce propos, nous proposons de lever la séance maintenant et de la reprendre à 14 heures.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Nous pourrions peut-être reprendre la séance à14 h 15.

Le sénateur Graham: Cela nous conviendrait. Nous pourrions reprendre à 14 h 15. Cependant, nous reviendrions alors au Feuilleton et nous suivrions l'ordre du jour tel qu'il apparaît.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, nous sommes toujours prêts à accéder aux désirs de nos collègues. Des arrangements ont été pris aujourd'hui afin que nos collègues qui avaient d'autres affaires importantes à régler n'aient pas à venir ici demain. Dans la mesure où nous pouvons les laisser partir ce soir, les arrangements pris plus tôt ne serviraient pas à grand-chose s'ils ne peuvent pas partir. Je suis le dernier à penser que notre horaire devrait dépendre de l'heure des vols, mais c'est une réalité. Nous avons donc convenu qu'un vote à 16 h 45 sur toutes les questions relatives à ce projet de loi serait approprié.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que le vote se tienne à 16 h 45 et qu'on fasse sonner le timbre à 16 h 30. Je crois aussi comprendre que le Sénat doit s'ajourner à loisir pour revenir à 14 h 15.

Le sénateur Berntson: Je voudrais faire une mise au point, honorables sénateurs: que je sache, nous ne nous sommes pas entendus sur la durée de la sonnerie. Je suggérerais de compléter le programme des travaux prévus au Feuilleton. Les whips pourraient peut-être se réunir plus tard aujourd'hui et, selon nos progrès dans le déroulement des travaux prévus au Feuilleton, nous pourrons déterminer la durée de la sonnerie qui serait nécessaire pour que tous les honorables sénateurs puissent être ici à 16 h 45. Deux choses me préoccupent: d'abord, je ne voudrais pas qu'il n'y ait pas de sonnerie; et deuxièmement, je ne voudrais pas que la sonnerie interrompe indûment le déroulement des travaux prévus au Feuilleton.

Son Honneur le Président: En vertu du Règlement, le timbre doit sonner pendant 15 minutes à moins que le Sénat n'en décide autrement. Par conséquent, à moins qu'on ne fasse une autre proposition et qu'on ne s'entende, je n'ai pas d'autre choix.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, la règle d'une sonnerie de 15 minutes ne me pose pas de problème. Je dis simplement que nous pourrions peut-être donner 30 minutes à nos collègues si nos travaux progressent plus rapidement que prévu.

Le sénateur Graham: Si les honorables sénateurs le désirent, nous pourrions laisser sonner le timbre pendant une heure. Si nous terminons les travaux prévus au Feuilleton à 15 h 45, nous pourrions avoir une sonnerie d'une heure. Une fois que nous aurons terminé nos travaux, nous pourrions interrompre la séance jusqu'à l'appel de la Présidence, tout en sachant que le timbre sonnerait jusqu'à 16 h 30, au plus tard, comme l'exige le Règlement, et que le vote se tiendrait à 16 h 45.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, mon collègue sera-t-il d'accord pour que la sonnerie ne dure pas moins d'une demi-heure? Nous avons des collègues à l'édifice Victoria et éparpillés un peu partout ailleurs.

Le sénateur Graham: Très volontiers. Nous voulons satisfaire les besoins de tous les honorables sénateurs de sorte qu'ils puissent être assurés de pouvoir voter.

Son Honneur le Président: Est-on d'accord pour que la sonnerie débute à 16 h 15?

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, je ne veux pas être en désaccord avec la décision unanime du Sénat, car on y prend bien souvent d'excellentes décisions. Cependant, j'habite loin sur la côte est et je sais qu'à 17 heures, tous les vols ont quitté la province pour la journée. Au lieu de laisser sonner le timbre pendant une heure, il serait peut-être préférable de tenir le vote une heure plus tôt de sorte que ceux d'entre nous qui habitent très loin, que ce soit dans l'Ouest ou dans l'Est, puissent rentrer chez eux pour retrouver leur femme et leur famille. Il serait peut-être plus commode pour tout le monde de tenir le vote une heure plus tôt. Le leader du gouvernement et le chef de l'opposition devraient tenir compte de leurs collègues qui habitent plus loin qu'Ottawa, Montréal et Toronto.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Sénat s'ajourne à loisir et la séance reprendra à 14 h 15. Je quitte maintenant le fauteuil.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

 

Le Sénat reprend sa séance.

 

Examen de la réglementation

Présentation du deuxième rapport du comité mixte permanent

Permission ayant été accordée de revenir à la période prévue pour la présentation des rapports des comités permanents ou spéciaux:

L'honorable P. Derek Lewis, co-président du comité mixte permanent d'examen de la réglementation, présente le rapport suivant:

Le JEUDI 30 mai 1996

En conformité avec l'ordre de renvoi prévu àl'article 19 de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C.(1985), c. S-22, le comité mixte permanent d'examen de la réglementation a l'honneur de présenter son

 

DEUXIÈME RAPPORT

(Rapport no 58)

1. Le 3 octobre 1991, le gouverneur en conseil a modifié le Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (DORS/91-567) en vertu de l'article 261 de la Loi sur les sociétés par actions. Cette modification prévoit le versement de droits relatifs à une rectification des certificats délivrés en vertu de la Loi.

2. Cette modification a été enregistrée et est entrée en vigueur le 3 octobre 1991. A l'occasion d'un échange de correspondance entre le ministère responsable (à l'époque le ministère de la Consommation et des Corporations) et les conseillers juridiques du comité mixte, il s'est avéré que les droits imposés le 3 octobre 1991 n'ont pas été perçus avant le 8 juin 1992. C'est ce que confirme la directrice de la Direction générale des corporations dans une lettre datée du 8 mars 1993:

la Direction générale des corporations n'a pas mis en vigueur l'application des droits relatifs à une rectification avant le 8 juin 1992 parce que sa clientèle n'avait pas été avisée de la modification. La Direction générale n'avait pas été mise au courant de l'entrée en vigueur des droits relatifs à une rectification avant le début de 1992. Il nous fut impossible d'aviser immédiatement notre clientèle de la modification. Nous avons cru qu'il était préférable d'aviser notre clientèle, avant de rejeter leur demande de rectification parce que les droits prescrits n'étaient pas inclus, parce qu'elle transige avec la Direction générale depuis 17 ans en tenant pour acquis qu'aucun droit n'est exigible pour une rectification.

Le comité comprend difficilement comment une direction générale relevant du ministère qui a parrainé un changement au règlement puisse rester ignorante de l'entrée en vigueur de ce changement pendant des mois. Mais ce que le comité estime plus inquiétant encore, c'est que des fonctionnaires aient pu croire que la situation décrite ci-haut les justifiait de ne pas appliquer une mesure légale adoptée en bonne et due forme.

3. En décidant de ne pas percevoir pendant une période de huit mois les droits prescrits par le Règlement, les fonctionnaires responsables ont non seulement manqué à leur devoir d'appliquer fidèlement la loi, mais ont aussi prétendu à une autorité supérieure à celle du gouverneur en conseil. L'adoption par ce dernier de la modification DORS/91-567 reflétait une décision à l'effet qu'il était dans l'intérêt public d'imposer des droits pour la délivrance de certificats rectifiés et ce dès le 3 octobre 1991. Il est tout à fait stupéfiant que des fonctionnaires se soient arrogé le droit de modifier la décision du gouverneur en conseil, laquelle décision avait force de loi, et aient décidé que les droits ne devaient être imposés que plus tard.

4. On pourrait penser que les explications données par la directrice de la Direction générale des corporations ont une certaine valeur; or, il convient de souligner que des mesures appropriées avaient en fait été prises afin d'informer les personnes visées par la modification de l'intention d'imposer des droits pour la délivrance de certificats rectifiés. En effet, les Projets de réglementation fédérale de 1989 et de 1990 présentaient une description claire de la modification. Un projet de modification a par la suite été publié dans la partie I de la Gazette du Canada du1er décembre 1990 et les intéressés ont été invités à formuler leurs observations. Il n'est donc pas possible, à la lumière de ces faits, de convenir que la nécessité d'informer les intéressés de l'imposition des droits justifie le défaut des fonctionnaires d'appliquer le Règlement en vigueur.

5. La conséquence juridique de la situation décrite dans les paragraphes précédents est que les personnes qui ont obtenu un certificat rectifié entre la date d'entrée en vigueur de l'amendement et le 8 juin 1992, date à laquelle les fonctionnaires du ministère ont mis en application la mesure, sont légalement en dette envers la Couronne. L'article 78 de la Loi sur la gestion des finances publiques entraîne possiblement une autre conséquence juridique pour les personnes qui n'ont pas perçu les droits prescrits:

Les percepteurs ou receveurs de fonds publics qui, du fait de leur malversation ou de leur négligence, occasionnent des pertes pécuniaires à Sa Majesté sont responsables des fonds perdus, lesquels sont recouvrables auprès d'eux comme s'ils les avaient effectivement perçus ou reçus.

6. La remise par le gouverneur en conseil des droits payables qui n'ont pas été versés avant le 8 juin 1992 constitue une façon simple de rétablir la situation et de dégager toutes les parties de toute responsabilité légale. Une telle remise dégagerait de leur responsabilité à l'égard de la Couronne les personnes ayant obtenu un certificat rectifié pendant cette période et déchargerait aussi indirectement les fonctionnaires d'une éventuelle responsabilité en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le pouvoir de remise que confère l'article 23 de la Loi sur la gestion des finances publiques ayant déjà été utilisé dans des situations semblables, suggestion en a été faite au ministère responsable.

7. Dans une lettre datée du 25 janvier 1994, l'avocate générale principale intérimaire du ministère de l'Industrie a informé le comité que:

la Chef de la section de l'examen corporatif a jugé que le gouvernement devait d'abord et avant tout informer plus adéquatement les clients de cette nouvelle pratique. [...] Dans cette ère d'habilitation où les gestionnaires sont encouragés à prendre les mesures appropriées dans le meilleur intérêt des contribuables, la personne concernée s'est autorisée (à tort, nous en convenons tous), à prendre une décision boiteuse d'un point de vue strictement légal, mais probablement justifiable d'un point de vue administratif. Aussi, compte tenu du peu d'argent que cela implique, je ne crois pas qu'un décret de remise soit ici nécessaire.

Le comité est surpris de constater qu'un conseiller juridique préconise sérieusement qu'une pratique illégale puisse néanmoins être justifiée dans une perspective de bonne administration publique. Du point de vue des membres du comité mixte, la pratique qui n'est pas fondée en droit n'est jamais justifiable d'un point de vue administratif. Le comité n'accepte pas non plus l'argument de la modicité des sommes visées. Des fonctionnaires chargés de percevoir certains droits ont manqué à leur devoir de sorte que des contribuables se retrouvent involontairement et injustement endettés envers la Couronne. Telle est la situation qu'un décret de remise corrigerait, et le montant en question ne change en rien la situation. Par ailleurs, en pratique, le comité constate que l'on adopte régulièrement, quand il le faut, des décrets de remise visant des petits montants.

8. Le comité recommande que le gouvernement prenne en considération l'adoption d'un décret en conformité avec l'article 23 de la Loi sur la gestion des finances publiques afin que toute personne ayant obtenu un certificat rectifié avant le 8 juin 1992 jouisse d'une remise des droits payables en vertu du Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral.

Une copie du numéro pertinent des Procès-verbaux et témoignages (fascicule no 5, deuxième session, trente- cinquième législature) est déposée à la Chambre des communes.

Respectueusement soumis,

 

Les co-présidents,
P. Derek Lewis, Ghislain Lebel

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Lewis, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

 

Transports et communications

Présentation et impression en annexe
du rapport du comité

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatrième rapport du comité sénatorial permanent des transports et des communications, portant sur la demande d'autorisation de budget pour l'étude spéciale des communications au Canada.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat de ce jour.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudions-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Bacon, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

[Traduction]

 

Énergie, environnement
et ressources naturelles

Présentation et impression en annexe du deuxième rapport du comité

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le deuxième rapport du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Le rapport traite de notre demande de budget pour l'année financière 1996-1997 relativement à l'étude des questions qui peuvent être soulevées concernant l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat pour qu'il fasse partie du compte rendu permanent du Sénat.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Ghitter, et nonobstant l'alinéa 58(1)g) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

 

Projet de loi sur le ministère des travaux publics et des services gouvernementaux

Troisième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Poulin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois.

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, j'aimerais formuler quelques remarques relativement au projetde loi C-7.

J'appuie la décision du gouvernement de fusionner le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et d'ainsi réaliser des économies au niveau des coûts touchant le personnel et l'administration. Je suis tout à fait en faveur d'une prestation de services plus rationnelle et plus efficace.

Toutefois, comme bien d'autres, je suis préoccupée par les dispositions du projet de loi qui ouvrent la porte à une concurrence accrue, pour l'obtention de contrats de travail, entre le nouveau ministère et le secteur privé. L'alinéa 10(2)c) et le paragraphe 16(b) du projet de loi C-7 donnent au gouvernement la possibilité d'élargir indûment son rôle dans l'économie, au moment même où celui-ci insiste sur le besoin de créer des emplois dans le secteur privé et de réduire la taille de l'administration publique.

Mon collègue, le sénateur Stratton, vous a déjà entretenu de la nécessité de créer un climat de confiance entre le gouvernement et l'entreprise privée, ainsi que de la façon dont ce projet de loi mine cette confiance. L'importance de cette question de confiance est mise en évidence par les propos qu'a tenus la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Celle-ci a déclaré ce qui suit au comité sénatorial permanent des finances nationales, le 1er mai 1996:

Il n'est certainement pas dans nos intentions de faire concurrence au secteur privé.

Son prédécesseur a fait la même observation en public et par écrit à de nombreuses reprises. Pourtant, madame le ministre et son gouvernement refusent d'envisager quelque amendement que ce soit à ces deux articles du projet de loi pour prévenir toute concurrence avec le secteur privé. Le ministre a laissé son sous-ministre justifier ces deux articles.

Le 8 mai, le sous-ministre a fait la réponse suivante à notre comité permanent des finances nationales:

Pourquoi jugeons-nous que c'est nécessaire? Tout d'abord, à notre avis, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Deuxièmement, les chiffres indiquent que nous n'allons pas prendre d'expansion. Troisièmement, nous sommes en mesure de voir quels travaux doivent être confiés à des entrepreneurs.

Voilà des arguments bien ténus, c'est le moins qu'on puisse dire, pour refuser de modifier deux articles qui vont à l'encontre des intentions officielles du ministre et d'assurances maintes fois réitérées.

Honorables sénateurs, le comité sénatorial permanent des finances nationales a entendu de nombreux témoins: Ordre des architectes de l'Ontario, Canadian Environmental Industry Association, Conseil canadien des techniciens et technologues, Association des ingénieurs-conseils du Canada et Association canadienne des entreprises de géomatique. Tous ces témoins se sont opposés au libellé actuel de ces deux articles. Certains accepteraient volontiers l'aide de Travaux publics et Services gouvernementaux pour décrocher des marchés de service dans d'autres provinces, mais verraient d'un mauvais oeil une concurrence accrue de la part du ministère pour les marchés au Canada ou à l'étranger.

Ces témoins ont élevé beaucoup d'objections précises contre ces dispositions du projet de loi C-7. Je pourrais en citer plusieurs, mais je me contenterai de deux préoccupations exprimées par l'Ordre des architectes de l'Ontario:

Tout d'abord, le gouvernement a clairement énoncé une politique de rationalisation et de réduction des effectifs. L'expansion du rôle du gouvernement, en concurrence directe avec le secteur privé, est aux antipodes de cette politique.

Deuxièmement, une répartition peu précise des coûts directs et indirects pourrait donner à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada un avantage injuste. Les coûts, y compris les frais généraux, que nous devons absorber dans le secteur privé sont vraiment des frais d'exploitation et nous ne pouvons ni les oublier, ni les minimiser, ni les absorber ailleurs.

Bref, on craint sérieusement que le projet de loi C-7 n'ouvre la voie encore plus grande à la concurrence entre le ministère et le secteur privé et que cette concurrence ne soit déloyale.

Des entrepreneurs et des groupes d'industriels de Terre-Neuve et du Labrador, ma province, m'ont communiqué leurs préoccupations à l'égard du projet de loi C-7. Ils partagent les craintes que des témoins ont exprimées au comité sénatorial permanent des finances nationales. L'essence de leur propos ressort exactement d'une lettre que le Board of Trade deSt. John's a adressée, le 30 avril 1996, au président de ce comité et dont voici un extrait:

Il doit être bien précisé dans ce projet de loi que le gouvernement fédéral ne doit pas concurrencer le secteur privé. Permettre au secteur public de concurrencer le secteur privé ne fera que nuire à la croissance économique, à la création d'emploi, à l'efficacité gouvernementale et à la compétitivité des entreprises canadiennes. [...] Si les ministères fédéraux ont suffisamment de jeu pour prendre des contrats privés, il conviendrait peut-être de rationaliser le gouvernement.

Dans cette optique, honorables sénateurs, j'exhorte le gouvernement à reconsidérer ces deux articles du projet deloi C-7. Efforçons-nous ensemble de modifier le projet deloi pour qu'il reflète ce que la ministre et son prédécesseur ont préconisé.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

 

Projet de loi d'exécution du budget de 1996

Deuxième lecture

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le le projet deloi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 6 mars 1996, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je prends la parole pour témoigner mon appui à cette importante mesure législative, le projet de loi C-31, la Loi sur la mise en oeuvre du budget de 1996, dont nous faisons l'étude aujourd'hui.

Le budget de 1996 a renforcé et prolongé les mesures prises en vertu de la stratégie exhaustive exposée dans les budgets de 1994 et de 1995. Ensemble, ces budgets aident les Canadiens à assurer leur avenir dans un certain nombre de secteurs clés.

Premièrement, assurer notre avenir financier: les objectifs financiers du gouvernement seront atteints ou dépassés dans les années à venir, grâce à des réductions soutenues des dépenses et des programmes fédéraux. Le budget de 1996 réaffirme l'engagement du gouvernement à l'égard de l'équilibre budgétaire.

Deuxièmement, repenser le rôle de l'État: d'autres mesures sont prises afin de définir un rôle plus judicieux pour le gouvernement fédéral, compte tenu de la mondialisation de l'économie.

Troisièmement, assurer l'avenir des programmes sociaux pour le siècle prochain: les mesures que le gouvernement a adoptées visent à rétablir la confiance dans le régime de sécurité de la vieillesse et à garantir un système sûr, stable et croissant de soutien fédéral aux soins de santé, à l'enseignement postsecondaire et à l'aide sociale.

[Traduction]

Ces objectifs sont plus que de vagues promesses; ce sont des engagements fermes que viennent appuyer des mesures concrètes, comme le projet de loi dont nous sommes saisis.

Le projet de loi C-31 renferme essentiellement des dispositions visant à atteindre deux grands objectifs, soit à «repenser le rôle de l'État» et à «préserver les programmes sociaux du Canada». Permettez-moi d'élaborer à ce sujet et de décrire certaines des propositions clés.

Premièrement, que veut-on dire par «repenser le rôle de l'État»? La réponse me semble claire et nette. On veut créer une administration publique aux activités mieux centrées et plus abordables qui fait vraiment progresser les principales priorités d'une économie productive et créatrice d'emplois, au sein d'une fédération canadienne moderne.

Honorables sénateurs, les Canadiens nous ont transmis un message très clair: le gouvernement doit relever les défis que posent la mondialisation, les tensions financières, les nouvelles technologies de l'information et les changements démographiques. Les Canadiens veulent des services et des programmes assurés de la manière la plus efficace et efficiente possible et à un coût abordable.

Pour appuyer ces objectifs, le gouvernement a effectué un examen fondamental de tous les programmes et les services. Permettez-moi d'ajouter que, depuis la Deuxième Guerre mondiale, aucun gouvernement ne s'est engagé dans un examen aussi poussé.

Au cours de cet examen, le gouvernement a analysé l'ensemble des grandes activités et des principaux programmes fédéraux pour réévaluer ce que nous faisons, comment nous le faisons et comment nous pourrions le faire encore mieux. Le but visé était d'assurer des services appropriés, adaptés aux besoins, accessibles et abordables. Le gouvernement met actuellement en place les résultats de l'examen.

À mesure que nous poursuivons sur cette lancée, nous devons cependant accorder une attention égale à la fonction publique fédérale. Force nous est de reconnaître que des changements s'imposent également dans la fonction publique en vue de la transformer en une institution moderne et dynamique.

Cela m'amène à parler du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, le C-31. Les initiatives que propose cette mesure législative visent à poser certaines de ces «assises», grâce auxquelles la fonction publique fédérale pourra adopter de nouvelles façons de faire et une nouvelle structure organisationnelle.

Ces initiatives, honorables sénateurs, reprennent trois thèmes clés: d'autres modes de prestation des services, la rémunération et les négociations collectives et la réforme des pensions.

J'aborderai en premier lieu les autres modes de prestation des services et d'exécution des programmes. Il s'agit de la création d'entités de services, d'organismes de service spéciaux et d'autres mécanismes organisationnels. La création de NAVCAN, aux fins de la prestation d'un système de contrôle de la circulation aérienne, en est un exemple.

[Français]

Dans le budget, le ministre des Finances, M. Martin, a annoncé l'intention d'adopter des orientations semblables en créant un organisme unique d'inspection des aliments, une Agence des parcs et une commission nationale du revenu. Nous prendrons d'autres dispositions du genre, au cas par cas, dans le cadre de notre examen continu des moyens optimaux de dispenser les services aux Canadiens.

La création de tels organismes touche les fonctionnaires qui travaillent dans ces secteurs. Nous devons veiller à ce qu'ils reçoivent un traitement juste et équitable.

C'est pourquoi le gouvernement a rencontré les syndicats de la fonction publique plus tôt cette année. J'ai le plaisir de vous dire que nous avons conclu des ententes avec la plupart d'entre eux sur les dispositions transitoires qui s'appliqueront aux employés qui se joindront aux autres structures de prestation de services.

Les modifications que nous déposons aujourd'hui nous permettront de mettre en oeuvre des modalités équitables pour tous les employés touchés par ces transferts. Grâce à elles, nous pourrons également appliquer des modalités améliorées pour les membres des syndicats signataires des ententes mentionnées.

[Traduction]

Par exemple, dans le projet de loi C-31, des modifications sont proposées au Code canadien du travail et à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique afin d'instaurer des «droits de successeur», c'est-à-dire la capacité de maintenir l'assujettissement à une convention collective et la représentation syndicale lorsque des employés passent d'un emploi à la fonction publique à un emploi auprès d'un autre employeur du ressort fédéral. En outre, nous présentons des changements qui faciliteront la transition vers les autres structures de prestation des services et le fonctionnement de ces dernières. Nous voulons nous assurer que ces organismes soient dotés, dès le départ, des outils dont ils ont besoin pour fonctionner efficacement.

Par exemple, nous proposons de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques afin de nous permettre d'avoir recours aux crédits pluriannuels. Si ces modifications sont approuvées, nous pourrons les appliquer aux trois nouveaux organismes, lorsqu'une telle souplesse est justifiée et appropriée. Je dois toutefois préciser qu'il s'agit seulement d'une disposition habilitante et que le Parlement conservera le droit d'établir quand et si les crédits pluriannuels conviennent à ces trois nouveaux organismes ou à d'autres.

Passons maintenant à une autre question, c'est-à-dire la rémunération et les négociations collectives dans la fonction publique, puis, plus tard, chez les employés de la Chambre des communes et du Sénat.

Vous vous souviendrez que la Loi sur la rémunération du secteur public, déposée en 1991, restreignait les négociations collectives. Les salaires des fonctionnaires ont été gelés pendant cinq des six années au cours desquelles cette loi a été en vigueur. Cette loi expirera en février 1997, et les négociations collectives pourront reprendre avec les fonctionnaires.

Dans le projet de loi C-31, il est également proposé que le recours à l'arbitrage exécutoire pour le règlement des litiges dans les négociations collectives soit suspendu pendant trois ans. Cela répond à la nécessité de la discipline pour que le gouvernement puisse atteindre ses objectifs fiscaux. Nous ne pouvons prendre le risque que des arbitres indépendants, qui n'ont pas de comptes à rendre au Parlement, accordent des augmentations salariales qui dépassent les capacités du cadre financier.

[Français]

L'arbitrage exécutoire continuera de s'appliquer dans le cas des employés de la Chambre des communes, du Sénat, de la Bibliothèque du Parlement et du Service canadien du renseignement de sécurité. Il en est ainsi parce que les lois qui les régissent interdisent les grèves et prévoient le recours à l'arbitrage exécutoire. Cependant, les arbitres devront tenir compte des règlements salariaux conclus avec des groupes professionnels comparables de la fonction publique pour lesquels le Conseil du Trésor est l'employeur.

Nous demandons également le pouvoir de modifier la Loi sur la rémunération du secteur public, afin de rétablir les augmentations d'échelon et la rémunération au rendement pour les employés qui y avaient droit avant qu'elles ne soient suspendues lorsque le gouvernement a adopté le gel des salaires.

Le projet de loi conférerait aussi le pouvoir d'accorder une augmentation de 2,2 p. 100 aux militaires de rang des Forces armées canadiennes. Cette mesure corrigera la disparité des salaires qui existait avant le gel des salaires entre les membres des forces armées et les fonctionnaires.

[Traduction]

Il y a aussi la question de la réforme des pensions. Celle-ci vise à offrir aux particuliers et aux groupes d'employés une plus grande transférabilité conformément aux normes fixées par la Loi sur les normes de prestation de pension. Nous proposons notamment de réviser la Loi sur la pension de la fonction publique pour que les droits acquis à la pension des employés soient protégés et puissent être transférés dans le cas où les employés passeraient à des organisations nouvelles ou privatisées. Ce mécanisme de transférabilité sera amélioré par des dispositions relatives à l'acquisition des droits et au blocage des cotisations, applicables pendant deux ans.

Je vais maintenant parler du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Pour la vaste majorité des Canadiens, la préservation de l'ensemble des programmes sociaux du Canada est une priorité. Pour aider à atteindre cet objectif, le projet de loi dont nous sommes saisis modifie la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cette modification offrira un financement sûr et stable, pendant cinq autres années, de ce qu'on appelle désormais le TCSPS, ou transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Permettez-moi de rappeler au Sénat la genèse de ce programme de transfert. Dans son budget de 1995, le gouvernement a remplacé le Régime d'assistance publique du Canada, ou RAPC, et le Financement des programmes établis, ou FPE, par un nouveau transfert, le TCSPS. Ce transfert unique et consolidé représente une nouvelle approche plus souple et plus réfléchie à l'égard des relations fiscales fédérales-provinciales. Il donne aux provinces une plus grande souplesse pour concevoir et administrer leurs propres programmes tout en protégeant les programmes sociaux sur lesquels les Canadiens comptent et qu'ils soutiennent.

Cette année, le budget prévoit une prolongation du cadre de financement du TCSPS jusqu'en 2002-2003 et il établit une formule prévoyant au moins une augmentation de ce transfert durant les dernières années. Aux termes du projet de loi dont nous sommes saisis, le total des sommes allouées sera fixé à25,1 milliards de dollars par année pour 1998-1999 et 1999-2000, montant équivalant à celui qui est déjà prévu pour l'année prochaine.

Il est clair que nous sommes fermement résolus à soutenir les provinces dans des sphères d'activités nationales capitales comme la santé, l'éducation et l'aide sociale pour ceux qui en ont réellement besoin. Ainsi, malgré la réduction soutenue des dépenses fédérales des programmes, le total des sommes versées aux provinces en vertu du TCSPS ne diminuera pas au cours de cette période.

En fait, pour l'exercice qui commencera en avril 2000 et jusqu'en 2002-2003, on prévoit une hausse des montants au titre du TCSPS. On prévoit que le total des sommes allouées en vertu du TCSPS dépassera de 2,3 milliards de dollars le montant établi pour le prochain exercice, soit 1997-1998.

Le projet de loi accorde aux Canadiens une garantie additionnelle à toute épreuve en fixant le seuil minimum des transferts au-delà de 11 milliards de dollars. Le projet de loi propose également une nouvelle formule de répartition du TCSPS entre les provinces. L'évolution du transfert actuel a créé des écarts grandissants au chapitre du financement par habitat. Ces écarts sont en grande partie imputables au plafond que le gouvernement précédent avait imposé à l'aide financière accordée à certaines provinces en vertu du Régime d'assistance publique du Canada.

Je crois que les Canadiens acceptent que les provinces plus riches ne reçoivent pas autant d'aide que les moins favorisées. Par ailleurs, les Canadiens tiennent à une politique pondérée et équitable. Le projet de loi à l'étude met ces valeurs en pratique. En vertu de la nouvelle formule de répartition, dont l'entrée en vigueur s'échelonnera sur cinq ans, les écarts du financement par habitat diminueront de moitié. Aux yeux d'une personne raisonnable, cet arbitre reconnu en droit depuis des siècles, cela constitue certainement un compromis acceptable.

Cette solution a été retenue parce que le gouvernement a été incapable de parvenir à un consensus sur la répartition pendant les consultations avec les provinces. Tous les gouvernements ont cependant reconnu qu'il fallait prendre une décision. Aucun ne voulait prolonger davantage les retards et l'incertitude. C'est pourquoi nous avons retenu cette approche. Nous croyons qu'elle constitue une solution réaliste et responsable.

Je signale aux honorables sénateurs que l'implantation graduelle et la durée, sur une période de cinq ans, du mécanisme de financement du TCSPS laissent non seulement aux provinces le temps de s'ajuster, mais leur donnent également la meilleure garantie possible en matière de planification.

Je voudrais maintenant parler des modifications contenues dans le projet de loi C-31, le projet de loi sur l'assurance-emploi, qui feront en sorte que le niveau de protection correspondra davantage au salaire moyen dans l'industrie en 1996. En vertu de cette proposition, le maximum des gains assurables est réduit à 750 $ par semaine, comparativement à 845 $ en vertu de la loi actuelle. Les gains hebdomadaires maximums tombent de465 $ à 413 $ par semaine. Ces mesures permettront d'économiser 200 millions de dollars dans la deuxième moitié de cette année et réduiront les charges sociales au titre de l'assurance-chômage et le fardeau fiscal des travailleurs canadiens.

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que cette mesure est régressive. S'ils examinent le programme d'assurance-emploi dans son ensemble, les honorables sénateurs constateront qu'il est très progressif. Les cotisants à faible revenu ont tendance à retirer beaucoup plus de prestations qu'ils ne paient de cotisations, alors que les travailleurs qui ont des revenus plus élevés ont tendance à payer davantage qu'ils ne reçoivent.

 

En outre, je fais remarquer que les prestataires admissibles à la prestation pour personne à charge de 60 p. 100 avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'assurance-emploi ne subiront pas de réduction du taux. Pour avoir droit à ce taux, les prestataires doivent avoir des personnes à charge et afficher des gains moyens de 422,50 $ par semaine ou moins.

Ce projet de loi modifiera également la Loi sur la sécurité de la vieillesse en allongeant le délai de résidence exigé avant qu'un nouvel arrivant au Canada ait droit au supplément de revenu garanti ou à l'allocation de conjoint. Cela n'est que logique. Aux termes de la loi actuelle, des immigrants ont pu toucher toutes ces prestations après seulement un an de résidence au Canada. En resserrant les critères d'admissibilité, on rendra le système plus équitable et on allégera le fardeau des contribuables canadiens.

Cependant, ceux qui sont déjà entrés au Canada ne seront pas pénalisés. Les personnes qui touchent actuellement des prestations, ou qui ont obtenu le statut d'immigrant reçu avant le jour du budget et qui deviendront admissibles aux prestations avant le 1er janvier 2001, ne seront pas touchées.

[Français]

Honorables sénateurs, enfin il y a dans le projet de loi C-31 une mesure qui ne découle pas directement du budget, mais d'une annonce faite le mois dernier par le ministre des Finances.

Cette disposition prévoit le paiement d'environ 960 millions de dollars aux provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick, de Terre-Neuve-Labrador à titre d'aide à l'adaptation, pour compenser leurs pertes initiales de recettes dans le cadre du nouveau régime intégré de taxes sur la valeur ajoutée qu'elles ont convenu de mettre en place avec le gouvernement.

Le versement de cette somme sera étalé sur quatre ans, et il est conforme à la pratique bien établie, qui est de fournir une aide quand des initiatives fédérales entraînent des changements structurels importants pour les provinces.

D'après la formule d'aide prévue dans ce projet de loi, nous partagerons le coût de l'harmonisation avec toutes les provinces qui voient leurs recettes diminuer de plus de 5 p. 100 par rapport au rendement actuel de leur taxe sur les ventes au détail.

Outre les trois provinces déjà mentionnées, cela s'appliquerait à l'Île-du-Prince-Édouard, au Manitoba et à la Saskatchewan si elles décidaient de s'harmoniser. Cependant, cela ne s'appliquerait pas à la Colombie-Britannique, à l'Alberta ni à l'Ontario, et ce, pour une excellente raison: leurs recettes ne diminueraient pas suffisamment pour déclencher l'application de la formule d'aide.

Le Québec, bien entendu, est déjà harmonisé pour l'essentiel. Mais je dois souligner - en particulier en raison des commentaires faits par le gouvernement provincial - que le Québec n'aurait pas droit à une aide à l'adaptation aujourd'hui, pas plus qu'il n'y aurait eu droit en 1990, lorsqu'il a signé son protocole d'entente avec Ottawa. Cela s'explique par la meilleure raison au monde. En effet, la province a gagné de l'argent avec l'harmonisation.

Les chiffres le démontrent. Les recettes annuelles que le Québec a tirées de la taxe de vente au cours des exercices 1990-1991 à 1995-1996 ont été supérieures en moyenne de 12 p. 100 à leur niveau antérieur à l'harmonisation, en 1989-1990. Ces chiffres sont tirés des documents budgétaires du Québec.

Pour revenir au projet de loi C-31, nous sommes absolument persuadés que, étant donné les avantages qui découleront de l'harmonisation, le coût total assumé par le gouvernement fédéral est un investissement responsable et raisonnable.

D'après la formule, les gouvernements fédéral et provinciaux se partageront de façon à peu près égale les coûts d'adaptation sur quatre ans. Il s'agit assurément d'une méthode équitable. L'aide prendra fin après la quatrième année, alors que les provinces auront eu amplement le temps de s'adapter.

Comme l'a déclaré le ministre des Finances, notre gouvernement a toujours respecté le principe voulant que les gens et les gouvernements doivent être capables de planifier et de s'adapter aux changements structurels et, lorsqu'il le fallait, nous avons été disposés à aider ceux et celles qui subissent initialement des coûts d'adaptation. Par exemple, une aide a été versée aux provinces en raison des pertes de recettes qu'elles ont subies lors de l'importante réforme fiscale de 1972.

J'ajouterais que chacun des budgets de notre gouvernement prévoyait une forme ou une autre d'aide à l'adaptation. L'an dernier, par exemple, nous avons prévu des ressources pour faciliter l'adaptation rendue nécessaire par l'élimination des subventions aux provinces de l'Ouest en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, comme nous l'avons fait pour le Québec et les provinces de l'Atlantique dans le cas des subventions au transport des marchandises dans la région de l'Atlantique. Aujourd'hui, nous suivons une politique conforme à ces précédents.

Je tiens à souligner que cette aide à l'adaptation ne mettra pas en danger la réalisation de nos objectifs en matière de déficit. Leur réalisation est assurée.

[Traduction]

Honorables sénateurs, étant donné la vaste portée de cette mesure législative, il y a certains éléments que je n'ai pas pu aborder même si je parle depuis déjà assez longtemps. Toutefois, j'ai touché à ce que je considère comme étant les éléments les plus importants du projet de loi C-31.

Je vais terminer en revenant sur la question de repenser le rôle de l'État. À mesure que nous nous approchons du prochain siècle et du prochain millénaire, les gouvernements ont un défi de taille à relever. Nous pouvons évoluer et changer pour devenir un gouvernement plus efficace, plus responsable, plus attentif aux besoins de la population et plus prudent dans sa façon de dépenser l'argent des contribuables, ou nous pouvons essayer de maintenir le statu quo et continuer de perdre de la crédibilité, de l'influence et de la pertinence.

Les mesures législatives comme le projet de loi C-31 montrent que le gouvernement continue de prendre les mesures nécessaires pour évoluer et pour améliorer sa capacité de servir les Canadiens.

Je n'ai aucune hésitation à prier les sénateurs d'appuyer ce projet de loi avec vigueur et confiance.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, la Loi d'exécution du budget de 1996 dont nous sommes saisis, le projet de loi C-31, porte exécution de plusieurs mesures exposées dans le budget de 1996 de Paul Martin en matière de dépenses et de gestion, sauf pour les dispositions spéciales concernant la TPS - qui n'a pas été vraiment éliminée, qui a été seulement remplacée, selon que vous écoutez ce que dit le premier ministre, le ministre des Finances, Sheila Copps ou M. Nunziata.

Le sénateur De Bané a dit que tout cela était une tentative du gouvernement du Canada afin d'améliorer l'appareil de l'État et cette mesure législative austère prévoit les moyens que le gouvernement a l'intention d'employer pour y parvenir. Sa revue des programmes n'est pas en vérité une revue, mais simplement une coupe dans l'ensemble des programmes, sans nouvel établissement des priorités en ce qui concerne les programmes qui étaient en place avant que ce gouvernement n'arrive au pouvoir. Il a réussi à réduire substantiellement le déficit en se déchargeant sur les provinces des questions de santé, d'aide sociale et d'éducation.

Nous en sentirons l'effet, entre maintenant et 1999, les provinces essayant de se débattre avec le financement des universités, des soins de santé et de l'assistance sociale. Beaucoup de provinces se sont déjà plaintes à nous et au gouvernement du Canada du fait qu'elles auront du mal à remplir leur engagements.

Si nous applaudissons le principe de vouloir réduire le déficit, de le maîtriser, nous n'applaudissons pas la méthode employée par le gouvernement à cette fin.

 

Comme d'habitude, avec un gouvernement libéral, il y a beaucoup de stratagèmes utilisés. Il dira peut-être que telle ou telle mesure fiscale est impossible, mais nous savons qu'il peut accumuler des bénéfices supérieurs aux dépenses de plus de500 millions de dollars dans la caisse d'assurance-chômage. En même temps, il coupe dans les prestations d'assurance-chômage de ceux qui en ont le plus besoin.

Il y a un certain nombre d'enjeux en cause. L'un d'eux est la négociation collective et l'indemnisation des employés de la fonction publique. Les primes de retraite anticipée et les indemnités de départ ont coûté quelque 2 milliards de dollars aux contribuables. En même temps, le gouvernement libéral oublie les promesses qu'il a faites aux fonctionnaires avant les élections. Encore une fois, comme il n'est pas capable de tenir ses promesses, il dédommage les fonctionnaires touchés. Les seuls qui ont souffert de ce changement de programme ont été les contribuables.

Après avoir affirmé leur foi dans les négociations collectives, les libéraux les ont suspendues pour deux ans. Ils ont promis une loi protégeant les dénonciateurs, mais ils n'ont rien fait. Ce n'est pas ainsi qu'ils devaient «Repenser le rôle de l'État».

En vertu de l'assurance-emploi, le maximum des gains assurables a été réduit de 815 $ à 750 $ par semaine, mais le maximum des prestations hebdomadaires a aussi chuté de 438 $ à 413 $ pour les périodes de prestations ayant commencé en 1996.

Les modifications que les libéraux ont apportées au programme d'assurance-chômage vont bien plus loin que ce qu'ils dénonçaient avant les élections. En même temps, ils perçoivent 5 milliards de dollars de plus qu'il n'en faut pour administrer le programme.

À mon avis, les éléments de ce projet de loi qui ont trait au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux sont ce qu'il y a de plus grave au nombre des compressions draconiennes que les libéraux ont faites dans les programmes qu'ils prétendaient défendre au-delà de tout, soit les soins de santé et l'éducation. Les transferts sont inférieurs de plusieurs milliards à ce qu'ils auraient été en vertu des programmes qui étaient en vigueur au moment où les libéraux ont été élus. Encore une fois, on s'est déchargé d'une bonne partie du déficit fédéral sur le dos des provinces, où l'on devra augmenter les impôts. Le seul autre choix des provinces serait de réorganiser leurs objectifs pour respecter leurs engagements, tout comme le gouvernement fédéral aurait dû le faire.

Pendant qu'ils remettent le gouvernement sur le bonne voie, leur programme fait en sorte que le gouvernement est en train de s'effondrer devant leurs yeux. C'est le chaos au ministère de la Défense nationale. Parcs Canada n'a pas de politique. Le ministère des Transports tire son financement des droits d'utilisation. Le ministère des Affaires indiennes est à la dérive. Le système judiciaire est en péril d'un océan à l'autre.

La partie la plus exécrable de ce projet de loi réside dans les dispositions qui permettent l'avènement de l'harmonisation de la TPS. Le 23 avril 1996, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont accepté de fusionner leur taxe de vente avec la TPS, créant ainsi une nouvelle taxe de 15 p. 100. Comme les recettes des provinces auraient diminué, Ottawa a convenu de leur offrir en compensation une somme de 961 millions de dollars sur quatre ans. Si c'est vraiment ça la nouvelle version de la TPS, je m'étonne que les autres provinces ne se bousculent pas au portillon. Toutefois, nous savons d'expérience et d'après les commentaires de certains ministres des Finances que les autres provinces n'accepteront l'harmonisation que si elles reçoivent elles aussi une tonne d'argent du ministre des Finances pour les dédommager de l'argent qu'elles perdront et sans doute des voix qu'elles perdront si elles adoptent la nouvelle version harmonisée de la TPS.

Le projet de loi dont nous sommes saisis entérine les promesses que le gouvernement libéral n'a pas tenues au sujet de la TPS et du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Je ne sais pas quoi dire d'autre au sujet de ce projet de loi. C'est une mesure législative bien terne. Il y a toutefois des questions importantes qui donneront lieu à des débats amusants, tant au Sénat à l'étape de la troisième lecture qu'au comité.

Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne veut commenter le projet de loi, je vais mettre la motion aux voix.

(L'honorable sénateur De Bané, appuyé par l'honorable sénateur Hervieux-Payette, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois.)

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur De Bané, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des Finances nationales.)

 

Le comité spécial du Sénat sur la Société
de développement du Cap-Breton

présentation et impression du premier rapport du comité

L'autorisation de revenir en arrière ayant été accordée:

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton concernant son budget.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs.

Des voix: D'accord.

(Pour le texte du rapport, se reporter aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Quand ce rapport sera-t-il étudié, honorables sénateurs?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, l'étude du rapport est placée à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

 

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du sixième rapport du comité

L'honorable Colin Kenny, président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, dépose le sixième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration concernant les budgets des comités sénatoriaux pour l'exercice 1996-1997.

Son Honneur le Président: Quand ce rapport sera-t-il étudié, honorables sénateurs?

(Sur la motion du sénateur Kenny, l'étude du rapport est placée à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

 

projet de loi sur la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gigantès, appuyé par l'honorable sénateur Grafstein, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, on m'a demandé, en ma qualité de nouveau membre du comité sénatorial permanent des banques et du commerce pour ce côté-ci de la Chambre, de dire quelques mots au sujet du projet de loi C-19. Je serais négligent si j'omettais de critiquer sévèrement le calendrier législatif du gouvernement ou plutôt l'absence de calendrier.

Ce projet de loi porte sur la mise en oeuvre de l'accord sur le commerce intérieur intervenu entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Le seul problème, c'est que cet accord est entré en vigueur en juin 1994. En effet, vous avez bien entendu honorables sénateurs, en juin 1994. Devons-nous en conclure que le ministre de l'Industrie méprise à ce point le Sénat et ses pouvoirs qu'il ne se préoccupe pas de savoir à quel moment les projets de loi lui seront présentés? Ou peut-être le ministre ne considère-t-il pas l'abolition des obstacles au commerce intérieur comme une priorité pour son ministère et lui-même.

J'ai bien hâte de voir ce projet de loi renvoyé au comité sénatorial permanent des banques et du commerce, car je pourrai alors discuter de la date de sa présentation. Je suis certain que le sénateur Stewart participera activement à cette discussion.

Les obstacles au commerce entre les provinces du Canada et entre le gouvernement fédéral et les provinces pourraient faire perdre des sommes importantes aux entreprises, aux travailleurs et aux consommateurs canadiens.

C'est l'Association des manufacturiers canadiens, je crois, qui a évalué à environ 7 milliards de dollars par année le coût de ces obstacles pour les Canadiens. C'est justement à cause de ce fardeau pour l'économie canadienne que le précédent gouvernement progressiste-conservateur a travaillé d'arrache- pied afin qu'un accord entre toutes les parties permettent d'éliminer ces obstacles.

Il est incroyable de voir que, à cette époque de notre histoire, il existe encore des obstacles au commerce intérieur, alors que le Canada, en sa qualité de nation commerçante, est partie à l'ALÉ et à l'ALENA et est membre de l'Organisation mondiale du commerce et que même les collègues libéraux d'en face ont finalement entérinés ces accords et cette participation, Dieu merci.

Normalement on devrait donc applaudir à la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui et déclarer qu'il s'agit d'une grande réalisation. Cependant, en examinant de plus près le projet de loi et l'Accord sur le commerce intérieur qu'il met en oeuvre, on découvre que bien peu de progrès ont été réalisés dans l'abolition de ces obstacles régressifs.

Premièrement, l'accord vise par-dessus tout à prévenir l'établissement de nouvelles barrières commerciales. Le principe fondamental sur lequel repose l'accord n'est pas l'élimination des barrières commerciales existantes, mais plutôt un engagement énoncé à l'article 101, savoir que les provinces n'établiront pas de nouvelles barrières au commerce intérieur.

Je crois que l'accord est foncièrement mauvais parce qu'il n'impose ni ne reconnaît l'obligation d'éliminer les barrières commerciales existantes.

Même ce principe limité, à savoir l'engagement à ne pas établir de nouvelles barrières, est érodé en raison des exceptions que l'on trouve au paragraphe 101(4) de l'accord. Le principe qui veut que l'on n'établisse pas de nouvelles barrières est assujetti:

a) au besoin d'une divulgation complète de renseignements, de lois, de règlements, de politiques et de pratiques qui pourraient empêcher l'existence d'un marché intérieur ouvert, efficace et stable;

b) au besoin d'exceptions et de périodes de transition;

c) au besoin des exceptions nécessaires pour atteindre les objectifs de développement régional au Canada;

d) au besoin d'assurer des mécanismes administratifs de vérification et de règlement des différends qui sont accessibles, rapides, crédibles et efficaces; et

e) au besoin de tenir compte de l'importance des objectifs en matière d'environnement, de la protection des consommateurs et des normes de travail.

Ma foi, honorables sénateurs, même moi qui ne suis pas avocat, je pourrais conduire un camion dans les dédales de cet accord.

Même les règles relatives à l'octroi de marchés qui figurent à la partie 4 de l'Accord sur le commerce intérieur peuvent admettre des exceptions si elles sont imposées à des fins de développement régional et économique.

Jetons un coup d'oeil sur l'article 404 de l'accord sur le commerce. Il permet aux gouvernements provinciaux de se dérober aux obligations d'un traitement égal quand elles poursuivent des «objectifs provinciaux légitimes». Cela a sans doute été réclamé par certaines provinces. En somme, les barrières au commerce intérieur peuvent subsister si l'on peut démontrer que:

a) la mesure vise à réaliser un objectif légitime;

b) la mesure ne vise pas à nuire indûment l'accès des personnes, des biens, des services ou des investissements d'une partie qui réalise l'objectif légitime;

c) la mesure n'est pas plus restrictive que nécessaire sur le plan commercial pour réaliser cet objectif légitime;

d) la mesure ne crée pas une restriction déguisée au commerce.

Par conséquence, les provinces peuvent ériger des barrières si elles poursuivent des objectifs légitimes. La disposition traitant des définitions de l'accord, l'article 200, énumère sept objectifs légitimes.

Cela donne essentiellement toute latitude aux provinces pour agir comme bon leur semble en ce qui concerne les barrières au commerce. De plus, l'accord contient toute une gamme d'exceptions qui entretiendront des distorsions commerciales. Ce n'est évidemment pas un accord qui aura un grand impact sur les barrières au commerce intérieur.

Cela m'amène au projet de loi dont nous sommes saisis et sur lequel je voudrais poser quelques questions fondamentales. Qu'est-ce que cet accord et ses lois d'application accomplissent, étant donné les exceptions et les échappatoires qu'ils renferment? Pourquoi le gouvernement ne retourne-t-il pas à la case départ pour améliorer ces dispositions? Pourquoi le projet de loi C-19 ne prévoit-il pas le dépôt au Parlement d'un rapport annuel sur les progrès réalisés aux termes de l'Accord sur le commerce intérieur? Pourquoi l'article 5 du projet de loi C-19 interdit-il de contester devant les tribunaux des mesures de rétorsion prises par le gouvernement fédéral?

L'article 6 dit:

6. Il est entendu que la présente loi n'a, ni par ses mentions expresses, ni par ses omissions, pour effet de porter atteinte au pouvoir du Parlement d'adopter les dispositions législatives nécessaires à la mise en oeuvre d'une disposition de l'Accord ou à l'exécution des obligations contractées par le gouvernement du Canada aux termes de l'Accord.

Cela signifie-t-il que le gouvernement fédéral peut, aux termes de cet accord, légiférer dans des sphères de compétence provinciales? L'article 9 du projet de loi accorde au gouvernement fédéral de vastes pouvoirs de rétorsion contre les provinces. Pourquoi peut-il exercer ces pouvoirs sans en aviser le Parlement, ni sans obtenir son approbation?

Honorables sénateurs, voilà seulement quelques-unes des questions qui me viennent à l'esprit en ce moment. J'ai hâte qu'on discute de ce projet de loi et de l'Accord sur le commerce intérieur au comité. J'espère qu'un grand nombre d'entre vous participeront aux audiences et aux discussions portant sur ce projet de loi, car j'estime qu'il nuit au plus haut point aux perspectives et à la création d'emplois dans notre pays. Le Canada ne deviendra un grand pays commerçant que si nous supprimons les obstacles au commerce intérieur.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Murray: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois, avec dissidence.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gigantès, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

 

Projet de loi sur le programme de protection des témoins

Adoption du rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-13, loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites, avec une proposition d'amendement), présenté au Sénat le 28 mai 1996.

L'honorable Sharon Carstairs propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, avant de vous demander de passer à la troisième lecture du projet de loi sur lequel porte le rapport, j'aimerais faire quelques observations au sujet de l'amendement que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a apporté au projet de loi.

 

L'amendement vise le paragraphe 9(1) du projet de loi et a pour but de permettre au commissaire de la GRC de mettre fin à la protection d'un témoin qui participait au programme de protection, et je cite ici le texte initial du projet de loi, «dans le cas où, à son avis» le témoin de s'acquitte pas de ses obligations aux termes de l'accord de protection. On supprime donc les mots «dans les cas où, à son avis» pour les remplacer par «dans les cas où il est démontré que».

Aux yeux des membres du comité, des deux côtés, le libellé initial risquait fort de rendre difficile la révision de toute décision rendue pour de tels motifs, puisque tout ce que le commissaire était tenu de faire était de se former une opinion éclairée, selon laquelle le témoin ou le bénéficiaire avait manqué à ses obligations. Même si l'on présume que le commissaire fonderait sa décision sur des faits, il n'était absolument pas obligé de le faire. Le comité avait l'intime conviction qu'en amendant le projet de loi de façon à prescrire explicitement la nécessité pour le commissaire de démontrer que le témoin avait fourni des renseignements erronés ou contrevenu à ses obligations, il rendait plus sûr le processus de radiation des bénéficiaires et beaucoup plus claires les dispositions du projet de loi.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter quelques mots à ce que le sénateur Carstairs a dit au sujet du travail accompli par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Depuis mon arrivée ici il y a à peine huit mois, j'ai été impressionnée par la qualité des débats et des discussions que j'ai observées au sein de ce comité. C'est moi qui ai parrainé le projet de loi C-13, et je dois avouer que la discussion qui a mené à l'adoption de ce rapport et de cet amendement par le comité était intéressante et bien informée.

Dans la meilleure tradition du Sénat, notre comité a attiré l'attention du gouvernement sur une préoccupation relative à un projet de loi particulier. Cela s'est fait de manière tout à fait impartiale, simplement parce que le comité voulait des lois rédigées de façon claire et uniforme qui permettent d'atteindre les objectifs énoncés.

Honorables sénateurs, on s'est inquiété du libellé d'une certaine disposition portant sur le pouvoir du commissaire de la GRC d'exclure un bénéficiaire du programme de protection des témoins. Le comité a demandé des explications aux fonctionnaires, qui n'ont pas réussi à le convaincre que le libellé était celui qu'il fallait.

De toute évidence, le gouvernement demande au commissaire d'assurer une gestion équitable du programme. La question consiste alors à demander de quelle façon octroyer ce pouvoir au commissaire, autrement dit ce pouvoir de retirer la protection à un témoin qui ne respecte pas sa partie de l'entente, sans modifier sa responsabilité à l'égard de la gestion équitable du programme. Je ne suis pas avocate et encore moins légiste, honorables sénateurs, mais j'ai été convaincue au comité que cette disposition n'a pas à être réexaminée pour voir si son libellé correspond au but visé par le gouvernement.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier spécialement le sénateur Gigantès pour son initiative et à féliciter tous les membres du comité pour s'être engagés à remplir leur mandat d'une façon excellente.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Milne, propose que le rapport soit adopté maintenant.

Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

 

Troisième lecture

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié une troisième fois?

L'honorable Lorna Milne: Avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)b), je propose que le projet de loi soit maintenant lu une troisième fois.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs le permettent-ils?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

 

Énergie, environnement et ressources naturelles

Adoption du deuxième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport que le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (budget - étude sur l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles) a présenté plus tôt dans la journée.

L'honorable Ron Ghitter propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

 

L'unité nationale

La création d'un comité spécial-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyée par l'honorable sénateur Lynch- Staunton:

Qu'un comité spécial du Sénat soit formé pour examiner, afin d'en faire rapport, la question de l'unité canadienne, plus précisément la question de la reconnaissance du Québec, la formule d'amendement et le pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines provinciaux;

Que le comité soit composé de douze sénateurs, dont trois constituent un quorum;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que les documents et témoignages recueillis par le comité spécial du Sénat sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, au cours de la première session de la trente-cinquième législature soient réputés avoir été envoyés au comité constitué aux termes de la présente motion;

Que le comité soit autorisé à siéger pendant les séances et les ajournements du Sénat;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le15 décembre 1996; et

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé devant cette Chambre.-(L'honorable sénateur Gigantès).

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, j'aimerais dire simplement un mot sur l'importance de la motion présentée par le sénateur Beaudoin. Cette dernière touche à la situation politique et constitutionnelle du Canada.

Je voudrais simplement rappeler aux honorables sénateurs la situation qui a prévalu au Québec au moment du dernier référendum. Les initiatives prises par l'honorable premier ministre du Canada pour donner suite ou tenir compte des résultats référendaires au Québec n'ont pas connu dans l'opinion publique québécoise l'écho qu'espérait sans doute entendre le très honorable premier ministre du Canada. Je crois que tous les honorables sénateurs sont conscients de la gravité de la situation.

En fin de semaine dernière, un sondage d'opinion publique publié au Québec indiquait que 59 p. 100 de la population québécoise voterait OUI à la question référendaire telle que posée. Ce pourcentage était autour de 50 p. 100 l'automne dernier.

Si nous faisons une distinction oiseuse entre les Québécois selon leur origine, près de 69 p. 100 des Québécois francophones diraient OUI. C'est donc dire que les actions prises par le gouvernement depuis le référendum pour essayer de diminuer les pressions ou pour affaiblir les forces souverainistes n'ont pas obtenu l'écho que souhaitait sans doute obtenir le premier ministre du Canada. La motion sur la société distincte ou sur le droit de veto et toutes les initiatives du gouvernement canadien par l'entremise du plan B - les débats sur la partition du territoire ou même l'appui que le gouvernement canadien a apporté à l'avocat Guy Bertrand -, n'ont pas donné les résultats escomptés.

À tort ou à raison, soit les bonnes intentions des initiatives prises par le très honorable premier ministre du Canada, il faut constater que huit mois après le référendum, les menaces qui pèsent sur l'unité canadienne sont encore plus lourdes et présentes qu'elles ne l'étaient au moment de la campagne référendaire.

Quand nous songeons à l'émoi causé par le résultat référendaire dans l'ensemble du Canada, je pense que tous les sénateurs, et plus particulièrement le Sénat, devraient être très conscients de leur rôle et de la contribution qu'ils peuvent apporter à ce débat.

Compte tenu de l'expérience extraordinaire de tous les membres de cette Chambre, je verrais mal que, compte tenu de la gravité de la situation, le Sénat ne puisse pas prendre une initiative pour apporter une contribution à la sauvegarde de l'unité de notre pays. Nous avons dans chacun de nos milieux des connaissances des régions, des populations et des dirigeants.

La motion formulée par le sénateur Beaudoin et appuyée par le sénateur Lynch-Staunton ne touche pas que la question québécoise en tant que telle.

Elle touche aussi à l'une des dimensions importantes du maintien de l'unité canadienne. Le problème constitutionnel ou politique auquel doit faire face le Canada est beaucoup plus large que cela. Nous convenons très bien que notre régime fédéral tel que nous le pratiquons depuis longtemps a procuré à notre pays et à l'ensemble des régions, y compris le Québec, d'immenses avantages. Il a certainement été un facteur de progrès pour les collectivités canadienne et québécoise.

Nous devons tenir compte des phénomènes actuels de mondialisation. L'importance du rôle que le Canada doit jouer sur le plan international, le dynamisme que doit comporter son économie et l'attachement que les Canadiens portent au filet de la sécurité sociale doivent être réévalués dans une perspective d'une amélioration du fonctionnement de notre fédéralisme canadien.

 

Nous pourrions examiner avec intérêt la préoccupation partagée non seulement par le Québec, mais aussi par d'autres régions du Canada, l'Ouest, les Maritimes, l'Ontario ou ailleurs. Il y a chez les Canadiens une volonté, via leurs gouvernements provinciaux, de s'assurer qu'ils ont la capacité de définir pour eux-mêmes, dans l'espace politique canadien, leur propre projet et modèle de société.

Cela s'adresse directement à la façon dont l'on conçoit les objectifs et ambitions auxquels nous sommes en droit de nous attendre dans le domaine de l'éducation, de la santé, des services sociaux, de l'aide et du soutien à la création artistique et culturelle. Ce sont des préoccupations que les Canadiens partagent.

La question qui est posée ne touche pas simplement le Québec. Par exemple, la motion du sénateur Beaudoin fait référence au pouvoir spécifique de dépenser du gouvernement fédéral. Est-ce dans l'intérêt du Canada et de l'ensemble de ses régions que nous continuions d'avoir la même façon de procéder quant à la réalisation des objectifs dans le domaine de l'éducation? Est-ce que chacune des entités politiques des gouvernements provinciaux, et particuièrement celui du Québec, ne devraient pas voir reconnue clairement et sans entrave la liberté de déterminer ses propres choix dans ces domaines? Est-ce que les gouvernements provinciaux du Canada, qui sont des gouvernements responsables, ne pourraient pas accepter de la même manière de convenir d'une façon libre et adulte de normes et de standards canadiens auxquels nous sommes en droit de nous attendre en tant que Canadiens, au lieu de se les voir imposer par le gouvernement fédéral ou la bureaucratie fédérale?

Je pense que les gouvernements des provinces de chacune des régions du Canada sont maintenant suffisamment adultes pour agir comme les gouvernements européens le font dans la Communauté économique européenne dans tous les domaines, que ce soit l'éducation, la culture, la main-d'oeuvre, l'environnement, les normes et les standards, qui sont de sens commun, mais ne sont pas imposés par aucune autorité politique.

Voilà des pistes de changement et d'évolution de notre régime fédéral qui rencontreraient, à mon point de vue, les préoccupations et les espoirs de l'ensemble des Canadiens. Elles auraient le très grand mérite d'indiquer aux Québécois qu'ils peuvent obtenir une reconnaissance formelle non seulement de ce qu'ils sont, mais de la contribution unique qu'ils apportent à l'identité canadienne.

Les fédéralistes et les porte-parole fédéralistes au Québec pourraient avoir un discours cohérent qui s'appuie sur les réalisations du passé, mais qui ouvrirait des portes d'avenir, pour bien démontrer aux Québecois qu'en continuant de partager l'expérience canadienne avec l'ensemble de nos concitoyens, ils auraient la garantie et la certitude d'avoir la liberté de définir leur propre modèle de société.

À mon avis, cela réussirait beaucoup plus que tous les aspects qui ont été invoqués au titre du plan B. Par exemple, la partition relève toujours d'arguments qui sont sans doute réels, mais qui relèvent d'arguments de peur et qui ne font que faire reculer l'option canadienne dans l'esprit et le coeur des Québecois.

La proposition du sénateur Beaudoin convie les sénateurs à travailler à l'unité du Canada. S'il y a une place où nous pouvons en discuter d'une façon sereine et sans aucune partisanerie, mais avec une ambition commune et un idéal que nous partageons tous, c'est bien au Sénat. Nous avons une contribution à apporter. C'est avec plaisir et dans ce sens-là que j'invite le Sénat à approuver l'initiative du sénateur Beaudoin, qui me semble s'inscrire dans une continuité de la volonté et de l'espoir de l'ensemble des Canadiens de sauvegarder l'unité de notre pays.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je suis très content de constater que le sénateur Rivest citait presque mot à mot le discours du Trône et aussi celui du Très honorable Jean Chrétien, premier ministre du Canada, prononcé le 13 mai à Montréal. C'est exactement la direction que veut prendre le gouvernement fédéral. Il est en train de travailler avec les gouvernements provinciaux pour préparer la rencontre qui aura lieu en juin. Cette dernière vise une plus grande décentralisation et une diminution du rôle du fédéral dans différentes juridictions provinciales. Tout cela est en train de se faire. Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je veux noter que puisque le sénateur Gigantès a pris la parole, le temps qu'il a utilisé sera déduit de la période de 15 minutes normalement allouée. Il était entendu d'ailleurs que la motion demeurait au nom du sénateur Gigantès à l'ordre du jour.

[Traduction]

 

Les pêches et les océans

L'impact sur la Colombie-Britannique du plan de pêche au saumon du ministre Mifflin-Report du débat

L'honorable Pat Carney, ayant donné avis, lemardi 28 mai 1996:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'absence d'études d'impact entreprises par le gouvernement du Canada sur les conséquences du plan de pêche au saumon du ministre Mifflin sur les communautés côtières de la Colombie-Britannique, qui craignent pour leur existence si on les prive de leurs flottes de pêche résidentes.

- Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui - si je peux avoir l'attention de cette Chambre...

Son Honneur le Président: À l'ordre.

Le sénateur Carney: Aujourd'hui, j'aimerais faire part au Sénat des préoccupations du Coastal Communities Network, en Colombie-Britannique, qui s'est réuni à Campbell River le week-end dernier pour discuter du plan Mifflin, c'est-à-dire le plan de pêche au saumon proposé par le ministre des Pêches et des Océans. Ces communautés craignent que ce plan ne compromette leur existence en les privant de leurs flottes de pêche résidentes.

Cette question est importante. On parle ici d'une zone de25 000 kilomètres carrés où vivent à peu près un demi-million de personnes qui craignent pour leur existence économique et qui n'ont jamais été consultées relativement à ce plan. On imagine l'importance que ces gens accordent à cette question. En fait, les témoignages entendus dans l'autre endroit confirment ce que ces résidents savent, que ce plan a été présenté de façon arbitraire par le ministre, le 24 mai, sans que les communautés touchées ne soient consultées, et sans que ne soient faites des études d'impact sur l'environnement et sur l'emploi.

Cette question sera abordée de nouveau à Nanaimo le 8 juin de la semaine prochaine par la Pacific Salmon Alliance, qui représente toutes les diverses entreprises et tous les habitants de la côte qui luttent contre ce plan.

Je tiens à bien préciser une chose, honorables sénateurs. Tout le monde reconnaît qu'il faut réduire l'effort de pêche sur la côte, car la conservation et la préservation de la ressource doivent avoir la priorité. Comme les gens de la côte est le savent, les meilleurs artisans de la conservation sont les pêcheurs eux-mêmes, car ils savent que leur gagne-pain en dépend. Or, le plan Mifflin, visant à concentrer le plus gros de l'effort de pêche dans la moitié de la flotte, ne contribuera en rien à la conservation. Si l'on concentre le même effort de pêche dans la moitié de la flotte, on pêchera encore la même quantité de poisson. Cela ne contribuera en rien à la conservation. Le problème tient au fait que le plan concentrera la flotte dans les grandes zones urbaines comme celle de Vancouver et dans les grands navires et le secteur le plus riche de l'industrie de la pêche. Cela ne pourra que nuire aux localités côtières comme Sointula, Alert Bay, Port Hardy et Bella Coola.

 

Pour vous donner une idée du tort que ce plan pourrait causer, je vous ferai part de certains chiffres qui me viennent de Alert Bay, un important port d'attache de la flotte de pêche. Greg Wadhams, un conseiller autochtone dans la région, calcule qu'environ 60 senneurs sont exploités à partir de cette localité. Environ 70 p. 100 d'entre eux sont exploités par des autochtones. Douze de ces navires on déjà été perdus ou le seront bientôt, et il calcule que cette petite localité pourrait perdre jusqu'à 80 p. 100 de sa flotte de senneurs.

Bien sûr, l'énorme perte d'emplois que cela représente frappera directement entre un tiers et la moitié des familles d'Alert Bay et nuira indirectement aux petites entreprises qui dépendent du revenu provenant de la pêche, puisqu'il n'y a pas grand-chose d'autre à faire à Alert Bay. Ce coin de l'île de Vancouver a une population d'environ 2 500 habitants. On craint que beaucoup de gens devront faire appel à l'aide sociale ou quitter la localité. Voilà le genre de problème auquel sont confrontés les gens habitant tout le long de la côte.

J'ai écrit aujourd'hui au ministre pour lui faire part des graves inquiétudes que m'inspire le plan Mifflin, et lui signaler qu'il est particulièrement navrant qu'il n'y ait pas eu d'études de faisabilité et que, à moins de mesures rapides, le plan aura des effets catastrophiques sur certaines parties de la côte de la Colombie-Britannique.

Un des experts en la matière, Don Cruikshank, est un transformateur de Port Hardy. Ce n'est pas un bureaucrate. Il travaille dans le secteur des pêches. Il a conseillé les ministres des Pêches depuis Roméo LeBlanc jusqu'au ministre actuel. Selon lui, le ministère des Pêches et des Océans ne s'est pas préoccupé des localités côtières dans son plan. Le ministère dit que son mandat est de s'occuper du poisson et de la pêche, pas des personnes. Il a présenté son plan sans même savoir qui détenait les permis. Ceux-ci sont loués, et le ministère ne sait pas qui les détient, ni où habitent ceux qui pratiquent la pêche. Cela ne l'a pas empêché de présenter un plan qui aura des conséquences catastrophiques, avec seulement quelques semaines d'avis.

Peter Pearse, consultant du gouvernement et de la Commission royale des pêches, convient qu'il faut de toute urgence s'occuper de la stratégie à long terme pour les localités côtières, mais qu'on ne l'a pas fait.

Je voudrais répondre à une question qu'on me pose souvent: «Pourquoi cela vous intéresse-t-il?» Tout le monde sait que la côte change. Nous nous inquiétons tous des changements qui s'en viennent. Des changements se produisent sur la côte, comme dans d'autres régions du Canada, et ils ne sont pas toujours positifs.

L'un de mes endroits préférés sur la côte est un vieux village autochtone qui s'appelle Mamalilaculla. Je ne sais pas si d'autres sénateurs ont déjà visité l'endroit. Il est situé dans le groupe d'îles qu'on appelle l'archipel de Broughton. J'y suis allée pour la première fois il y a six ans, en compagnie du conservateur du musée de Campbell River, musée qu'a subventionné le gouvernement conservateur pendant qu'il était au pouvoir. Tous ceux qui s'intéressent comme moi aux milieux où vivent les hommes comprendront qu'il fut une époque où Mamalilaculla était l'équivalent kwakiutl du paradis terrestre. Il était riche en tout. Il donnait accès aux stocks d'eulakane de Knight Inlet, de même qu'aux stocks de saumon et de flétan. Les arbustes chargés de fruits poussaient bien sous un soleil éclatant.

Cependant, personne ne vit plus à cet endroit. Il s'agissait d'un village autochtone. Il n'y avait donc pas de blancs, notamment parce que de nombreux bateaux de pêche aux filets maillants ont été endommagés dans les eaux peu profondes qui protégeaient les canots des autochtones et que, lorsque la technologie a évolué, les pêcheurs et leurs familles ont quitté Port Hardy. L'été dernier, lorsque nous avons longé la côte en voilier, les seules personnes que nous avons aperçues à Mamalilaculla étaient des kayakistes américains qui tentaient de se frayer un chemin entre les arbustes et qui trébuchaient sur les totems qui sont toujours là.

Vous verrez un autre exemple de ce genre de changement si vous remontez la côte au-delà de Swanson Bay. Au tournant du siècle, Swanson Bay était une petite ville prospère d'au moins un millier d'habitants qui vivait de la fabrication de la pâte à papier. Elle avait tout ce qu'il fallait pour cette industrie: la forêt, une source hydroélectrique, un lac en amont de la ville, un port en eau profonde. Il n'y reste plus aujourd'hui que des cheminées en ruines envahies par la végétation. Cape Scott, au nord de l'île Vancouver, est une autre localité disparue. En 1913, il y avait200 personnes dans la petite ville et un millier dans les environs. Aujourd'hui, on y trouve surtout des campeurs.

Le changement est parfois pour le pire, parfois pour le mieux. Lorsque je suis allé la première fois à Port McNeill, la ville se composait tout au plus d'un hôtel avec bar, d'un magasin -et pas de trottoirs - installés à même le versant de la colline. C'était le début du peuplement. De la même manière, la première fois que je suis allé à Gold River, la petite ville issue d'un camp de bûcherons, des bungalows longeaient les fossés parce que les loisirs étaient inexistants. On a construit les maisons avant d'aménager la ville. Aujourd'hui, ces localités sont de petites villes en pleine croissance.

Ces localités sont nées de la politique gouvernementale. Qu'on le veuille ou non, la commission Sloan, en Colombie- Britannique, a décrété en 1955 que les ressources forestières de la région devaient servir au bien-être social et économique des localités de la région. Cette politique de répartition des ressources a prévalu et, petit à petit, les camps flottants ont été ramenés à terre et les camps de bûcherons remplacés éventuellement par des maisons unifamiliales, des centres commerciaux et des écoles.

Le problème, avec le plan Mifflin, c'est que personne ne peut en prévoir l'incidence sur les localités côtières. C'est ce que nous voulons savoir. On s'entend à peu près pour dire que le plan va paralyser les localités si on les prive de leur flottille de pêche et que l'on concentre les efforts à Vancouver.

C'est un projet tellement surprenant qu'on se demande comment il se fait qu'Ottawa ne comprenne pas le message. Comment le gouvernement peut-il élaborer à Ottawa un plan susceptible d'avoir de telles répercussions, et ce, sans faire d'étude d'impact? Je vis dans les Îles du Golfe et, après avoir réfléchi à la question et m'être entretenue avec des habitants de Campbell River, je constate que, s'il en est ainsi, c'est que la plupart des Canadiens, certainement ceux qui vivent à l'extérieur de la Colombie-Britannique, ne savent même pas que nous avons une collectivité côtière. Ils examinent le pont Lions Gate et le mont Grouse et ils ne s'imaginent pas que des gens vivent le long des 25 000 kilomètres de côte.

L'île Saturna, l'île du Golfe où je vis, est à 18 minutes du fleuve Fraser en avion. On peut la voir de certaines parties de Vancouver, et je parie qu'il n'y a pas 1 p. 100 de la population de Vancouver qui a déjà pris un traversier pour se rendre dans les îles du Golfe, si ce n'est pour aller en bateau jusqu'à Victoria. Les habitants des agglomérations urbaines ne pensent à la côte que s'ils sont pêcheurs, plaisanciers ou campeurs, auquel cas ils considèrent les localités côtières comme des endroits de loisirs. Ils ne les considèrent jamais comme des endroits où l'on travaille.

L'attitude de la population à l'égard des phares pourvus de personnel en témoigne. Je sais que bien des sénateurs pensent que je ne peux faire de discours au Sénat sans mentionner les phares pourvus de personnel. Ils pensent que c'est là une idée romantique qui est chère au sénateur Carney et à d'autres qui songent avec nostalgie aux wagons de queue. Nous, les défenseurs des phares pourvus de personnel, parlons en vain de nos amis et parents qui sont morts sur la côte, mais nous n'obtenons aucune sympathie d'Ottawa. En fait, la situation est un peu paradoxale, car le premier ministre de la Colombie- Britannique, Glen Clark - qui a été réélu cette semaine -a écrit au premier ministre du Canada vendredi dernier pour lui rappeler ses réserves au sujet de l'automatisation. Il a écrit ceci:

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a proposé des solutions de rechange valables à l'automatisation et il incombe au gouvernement fédéral de répondre positivement. Par conséquent, je vous demande de prendre immédiatement des mesures et d'ordonner à la Garde côtière de cesser tout travail lié à l'automatisation.

Il a aussi proposé de discuter de la question à la Conférence des premiers ministres.

Le premier ministre de la troisième province en importance au Canada présente une demande dont il n'est pas tenu compte. La Garde côtière, malgré la lettre adressée au premier ministre du Canada, a poursuivi, avec ses pics de démolisseur, l'automatisation et la profanation des phares, dont un qui avait été déclaré lieu historique à West Vancouver. Il a déjà été déclaré lieu historique et, malgré cela, on procède cette semaine à la démolition et au remplacement de ce lieu historique.

Il faut poser la question, comme les habitants de la Colombie-Britannique l'ont fait: si le premier ministre du Québec demandait au premier ministre du Canada de lui céder la responsabilité sur une question touchant un lieu historique national considéré comme important du point de vue de la sécurité maritime, la Garde côtière brandirait-elle son pic de démolisseur, ou y aurait-il même une réponse de la part du gouvernement fédéral?

Des voix: Quelle honte!

Le sénateur Carney: Les honorables sénateurs peuvent glousser tant qu'ils veulent, mais c'est comme cela que les habitants de la Colombie-Britannique réagissent parce qu'ils pensent que leur voix n'a jamais été entendue à Ottawa. Le bureau du premier ministre du Canada ne daigne pas répondre aux demandes de leur premier ministre.

Il y a une solution de rechange au problème de la pêche. Nombre de collectivités côtières s'entendent sur ce qu'il faut faire. Quatre problèmes importants peuvent être réglés, et rapidement.

D'abord, nous devons décider quelle devrait être la taille de la flotte de pêche. Quelle taille faut-il fixer? Nous, en Colombie-Britannique, n'avons jamais décidé quelle devrait être la taille de la flotte. Ensuite, nous devons décider de quelle manière nous allons répartir la récolte entre les pêcheurs autochtones et les pêcheurs non autochtones. C'est une importante question pour nos collègues du Parti réformiste à l'autre endroit. Par ailleurs, nous devons décider comment répartir la récolte entre les pêcheurs sportifs et les pêcheurs commerciaux, ce qui peut se faire assez rapidement. Enfin, nous devons décider de la répartition des permis de pêche. Qui détient les permis maintenant et qui devrait les détenir?

Selon Don Cruikshank et d'autres membres de l'industrie, ces questions-là peuvent se régler très rapidement. Il y a un consensus autour d'une solution de rechange au plan Mifflin. Les pêcheurs veulent que le gouvernement mette un terme au concept du confinement à un secteur particulier. En vertu de ce concept, les pêcheurs sont confinés à des secteurs particuliers le long de la côte.

Il faut comprendre, honorables sénateurs, qu'on ne sait pas où se trouve le poisson le long de la côte. Le poisson ne va pas là où les fonctionnaires veulent qu'il aille. Il se déplace comme il veut le long de la côte depuis l'Alaska jusqu'au sud. Habituellement, les pêcheurs commencent près de l'Alaska et descendent vers le sud. Avec le plan Mifflin, les pêcheurs doivent décider à l'avance où ils pêcheront le long de la côte. S'ils veulent changer de zone, ils doivent acheter le permis d'un autre bateau. Cela est extrêmement coûteux.

Par exemple, les pêcheurs qui veulent couvrir toute la côte, doivent acheter deux permis parce que la côte est divisée en deux zones. Dans le cas des flottes de petits bateaux, il faut trois permis parce qu'il y a trois zones. Si vous voulez pêcher avec une combinaison de filet maillant et de ligne traînante, ce qui est courant sur la côte, il vous faut cinq permis. La valeur marchande de ces cinq permis est évaluée entre 250 000 $ et 500 000 $.

Les pêcheurs n'ont pas les moyens de se les payer. Si vous vivez à Pender Harbour et que vous avez un bateau de pêche polyvalent, vous n'avez pas 500 000 $ - il vous manquera probablement 499 000 $. Les pêcheurs n'ont pas autant d'argent. Ainsi, seulement 5 p. 100 de la flotte a opté pour le concept du cumul des permis, principalement parce que la plupart des pêcheurs n'ont pas les moyens d'y participer.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, mais je dois interrompre l'honorable sénateur. Il lui reste une minute.

Le sénateur Carney: Merci, Votre Honneur.

J'ai parlé à beaucoup de gens. Il y a un consensus sur le rachat des permis pour réduire le nombre de navires. Cependant, si le concept de cumul des permis pouvait être mis sur les tablettes tant que nous n'aurons pas trouvé les réponses aux questions, y compris à la question de savoir où vous voulez concentrer l'effort de pêche, nous pourrions alors trouver une solution sur laquelle tous s'entendent.

Quant à l'amiral Mifflin, qui, selon ce qu'on m'a dit, tient mordicus à garder le cap, ce que confirment ses communiqués de presse, je n'ai qu'un conseil à lui donner. Il est tiré d'une magnifique histoire qui circule sur la côte et qui, m'a-t-on dit, a été authentifiée par la marine américaine. J'ai ici la transcription présumée d'une conversation radio enregistrée l'automne dernier entre un navire de la marine américaine et un interlocuteur canadien au large de la côte de Terre-Neuve. Voici:

Premier navire: Veuillez modifier votre cap de 15 degrés vers le nord pour éviter une collision.

Deuxième navire: Je vous recommande de modifier VOTRE cap de 15 degrés.

Premier navire: Ici le capitaine d'un navire de la marine américaine. Modifiez votre cap.

Deuxième navire: Non. Je répète, modifiez VOTRE cap.

Premier navire: Il s'agit d'un porte-avion de la marine américaine, un très gros navire. Modifiez votre cap immédiatement.

Deuxième navire: Ici, c'est un phare. À vous.

À mon avis, l'amiral Mifflin s'est placé dans une situation où, s'il ne change pas de cap et ne modifie pas l'orientation de son plan pour tenir compte de ses répercussions sur les collectivités côtières et les gens qui y habitent, il file droit vers les rochers, entraînant le gouvernement et le plan avec lui.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je sais que le temps de parole du sénateur Carney est expiré. Toutefois, je me demande si elle pourrait répondre à une question.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stewart: Je voudrais savoir si le sénateur Carney peut expliquer pourquoi on a adopté la politique à laquelle elle s'oppose. Je pose cette question parce que certaines des remarques qu'elle a faites seront rapportées sur la côte est avec, évidemment, les variations qui s'imposent à cause des différences dans la nature des pêches.

Croit-elle que la politique à laquelle elle s'oppose est adoptée parce que les bureaucrates partent du principe selon lequel les grandes sociétés ont l'argent et peuvent acheter les permis pour faire la pêche sur toute la côte, ce qui crée une concentration? Est-ce que cela fait partie de l'explication? Ou, comme le diraient certains pêcheurs de la côte est lorsqu'ils s'opposent à ce que font ceux qu'ils appellent «les pêcheurs du canal Rideau», c'est-à-dire les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans, est-ce l'influence des très grandes sociétés que le ministère écoute simplement parce qu'elles sont grandes et qu'elles ont les moyens de se faire entendre? Y a-t-il une explication possible pour justifier ce qu'elle perçoit comme une mauvaise politique?

Le sénateur Carney: Sénateur Stewart, si je connaissais la réponse à cette question, je ne serais pas au Sénat. J'administrerais le secteur des pêches en Colombie-Britannique.

Je tiens à signaler que nous ne savons pas pourquoi le MPO a pris cette décision à part le fait qu'il a dit que son mandat concernait les poissons et non les gens. Il est responsable des poissons. C'est plus facile de gérer les pêches dans un bureau à Ottawa que dans un bureau à Alert Bay, où l'on a fermé le bureau des pêches même si c'est là que la flotte est située.

Il a été mentionné sur la côte que, si on veut être efficace, on peut prendre le nombre permis de poissons avec cinq grands bateaux. Notre réponse à cela, c'est que nous voulons protéger nos localités côtières. Par conséquent, nous devons décider comment nous voulons répartir les prises entre les localités, les engins et les divers secteurs de l'industrie. Je sais que cela peut se faire.

Pourquoi les bureaucrates ont choisi de ne pas tenir compte du facteur humain est une question que le sénateur devra poser aux bureaucrates eux-mêmes. J'espère que le comité permanent des pêches pourra inviter les localités qui n'ont jamais été consultées à venir à Ottawa pour exprimer leur point de vue sur la question. On devrait demander au MPO pourquoi il a introduit ce plan sans faire les études d'impact nécessaires. On ne peut pas construire une piste de ski dans ce pays sans faire une évaluation environnementale. Essayez donc d'ériger une clôture à Banff sans une évaluation environnementale. Le MPO a introduit ce plan sans tenir compte du facteur humain. Je crois que le comité sénatorial devrait chercher à savoir pourquoi.

L'honorable Gerry St. Germain: Très brièvement, je voudrais appuyer madame le sénateur Carney à ce sujet parce que je crois qu'il faudrait faire quelque chose. Les habitants de la Colombie-Britannique protestent à cor et à cri au sujet de cette mesure.

Je ne blâme pas le ministre autant que le ministère lui-même. Honorables sénateurs, le ministère des Pêches et des Océans, qui est responsable des pêcheries de l'Atlantique, a attendu qu'il n'y ait plus de poisson pour agir. S'il avait pris des mesures bien avant l'épuisement des stocks, nous aurions peut-être encore des pêcheries sur cette côte.

Cela n'a rien à voir avec l'esprit de parti parce que les deux partis ont vu venir les choses. La question est la suivante: les fonctionnaires savent-ils vraiment ce qu'ils font?

Les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans conseillent de toute évidence le ministre Mifflin dans le cas actuel. Nous ne pouvons pas le blâmer; il vient tout juste d'entrer en fonctions. Je suis convaincu que les plans qui existent actuellement étaient en place longtemps avant sa nomination à ce portefeuille. J'ai entretenu des rapports avec le ministère des Pêches et des Océans en tant que ministre et en tant que député. Je connais bien cette attitude hautaine que les fonctionnaires adoptent parfois à l'endroit de ceux d'entre nous qui «n'y connaissent rien». Or, nous faisons subitement face à un manque de poisson sur la côte est et aux effets dévastateurs qui en résultent pour l'économie et les familles. Ne commettons pas deux fois la même erreur.

Le sénateur Carney a défendu la cause des habitants de la Colombie-Britannique aussi bien qu'on puisse le faire.

Le sénateur Carney: Mieux que la plupart ne l'auraient fait.

Le sénateur St. Germain: Espérons que le gouvernement écoutera. Nous devons consulter immédiatement les communautés touchées et agir rapidement. J'exhorte le sénateur Comeau et le comité des pêches à ouvrir immédiatement une enquête.

Je ne me fie pas tellement à ce que le premier ministre de la province a déclaré avant les élections. Je préférerais entendre ce qu'il dit maintenant, au lendemain des élections. Je suis sûr qu'il est tout aussi préoccupé que nous, mais nous avons entendu beaucoup de discours en Colombie-Britannique jusqu'au soir des élections.

J'invite tous les sénateurs à nous appuyer. Je fais cette demande non pas en tant que progressiste conservateur, mais en tant que résident de la Colombie-Britannique. Ne répétons pas les erreurs du passé en nous fiant uniquement au ministère des Pêches et des Océans. Malheureusement, le ministère s'est trompé dans le passé. Il est temps d'agir immédiatement et de prendre les mesures qui s'imposent dans l'intérêt des habitants et des pêcheurs de la Colombie-Britannique et de tous ces grands Canadiens venus de partout dans le monde dans la plus belle province canadienne pour nous aider au sujet des pêcheries.

Le sénateur Carney: Votre Honneur me permettra-t-elle de répondre à une question? Le sénateur s'interroge au sujet de la position du premier ministre provincial après les élections.

J'ai parlé au premier ministre de cette question vendredi et je puis donner l'assurance aux honorables sénateurs qu'il entend prendre la gestion des pêcheries au gouvernement fédéral. Je lui ai suggéré de s'inspirer du modèle appliqué par le gouvernement conservateur dans la négociation de l'Accord atlantique concernant les ressources pétrolières et gazières au large des côtes. On se souviendra que la Cour suprême avait déclaré que la compétence dans ce domaine appartenait au gouvernement fédéral. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve avaient les mains liées. À la différence des ressources continentales de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, la cour avait reconnu la compétence fédérale à l'égard de cette ressource.

Nous avions négocié un accord avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse qui prévoyait que la ressource serait gérée comme si elle appartenait aux provinces. Personne ne s'est jamais plaint, ni Terre-Neuve ni la Nouvelle-Écosse.

J'ai discuté de cette idée avec le premier ministre, son sous-ministre, le syndicat et d'autres. Le premier ministre de la province abordera probablement la question de la gestion et du contrôle des pêches au cours de la prochaine conférence des premiers ministres.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Carney, je n'ai pas voulu vous interrompre pendant votre discours. Je croyais que vous vouliez poser une question, ce qui est permis.

Le sénateur Carney: Je répondais.

Son Honneur le Président: Je rappelle à madame le sénateur qu'elle n'a toutefois pas le droit de faire un second discours sur le même sujet.

Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour dire qu'aucun précédent n'a été établi et que l'honorable sénateur Carney avait été autorisée à répondre?

Des voix: D'accord.

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, puis-je poser une question?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois vous prévenir qu'il reste environ une minute. À 16 h 15, je dois mettre fin à la discussion.

Le sénateur Spivak: Cette question s'adresse au sénateur Carney ou au sénateur St. Germain et vient d'une personne originaire d'une province des Prairies. Quel impact ont sur la conservation les filets maillants par rapport aux senneurs? La question de la conservation des stocks est une question qui m'intéresse, à l'instar de tous les Canadiens, même ceux des Prairies.

Le sénateur Carney: Les filets maillants sont des votes. Les Canadiens voteront pour le parti ou les politiciens qui conserveront les stocks de manière à préserver leurs ressources. Les pêcheurs sont les principaux agents de la protection des stocks dans notre pays, car ce sont eux qui capturent le poisson et qui dépendent du poisson pour leur survie.

Si vous en doutez, demandez aux pêcheurs ce qu'ils pensent des prises accessoires et comment, en vertu des règlements actuels, ils capturent du poisson qu'ils ne peuvent utiliser et qu'ils tuent dans le processus.

Son Honneur le Président: Sénateur Carney, je regrette de vous interrompre, mais, en vertu du Règlement, je n'ai pas le choix.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, avant qu'il ne soit 16 h 15, je veux présenter la motion no 31 inscrite au nom du sénateur Ghitter.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois avoir le consentement unanime à cette fin, parce que, selon le Règlement, je dois maintenant mettre un terme à toute discussion. Y a-t-il consentement unanime pour que je ne voie pas l'heure?

Des voix: D'accord.

 

Énergie, environnement
et ressources naturelles

Autorisation accordée au comité de retenir des services

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition), au nom du sénateur Ron Ghitter, conformément à l'avis du mardi 28 mai 1996, propose:

Que le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été déférés; et

Que le comité soit autorisé à se déplacer à travers le Canada et à l'étranger aux fins de tels examens.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

 

Projet de loi sur certains
accords concernant l'aéroport international Pearson

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Davey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 et de l'aéroport international Lester B. Pearson.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Robertson, que le projet de loi C-28 ne soit pas maintenant lu pour la deuxième fois, mais qu'il soit renvoyé à la Chambre des communes pour étude en bonne et due forme.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est maintenant 16 h 15. Le vote aura lieu à 16 h 45.

Convoquez les sénateurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Robertson:

Que le projet de loi ne soit pas lu maintenant pour la deuxième fois, mais qu'il soit renvoyé à la Chambre des communes pour étude plus approfondie.

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Andreychuk
Angus
Atkins
Beaudoin
Berntson
Buchanan
Carney
Charbonneau
Cochrane
Cogger
Cohen
Comeau
DeWare
Di Nino
Doody
Doyle
Forrestall
Ghitter
Jessiman
Johnson
Kelleher
Kelly
Keon
Kinsella
Lavoie-Roux
LeBreton
Lynch-Staunton
MacDonald (Halifax)
Meighen
Murray
Nolin
Ottenheimer
Phillips
Rivest
Roberge
Robertson
Rossiter
Simard
Spivak
St. Germain
Stratton
Tkachuk-42

 

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Adams
Austin
Bacon
Bonnell
Bosa
Bryden
Carstairs
Cools
Corbin
Davey
De Bané
Fairbairn
Forest
Gigantès
Graham
Haidasz
Hébert
Hervieux-Payette
Kenny
Kirby
Landry
Lawson
Lewis
Losier-Cool
MacEachen
Marchand
Milne
Molgat
Pearson
Perrault
Petten
Pitfield
Poulin
Prud'homme
Riel
Robichaud
Rompkey
Roux
Stanbury
Stewart
Stollery
Taylor
Watt
Wood-44

 

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Aucune

 

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur la motion principale.

(L'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Davey, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois.)

(La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Adams
Austin
Bacon
Bonnell
Bosa
Bryden
Carstairs
Cools
Corbin
Davey
De Bané
Fairbairn
Forest
Gigantès
Graham
Haidasz
Hébert
Hervieux-Payette
Kenny
Kirby
Landry
Lawson
Lewis
Losier-Cool
MacEachen
Marchand
Milne
Molgat
Pearson
Perrault
Petten
Pitfield
Poulin
Prud'homme
Riel
Robichaud
Rompkey
Roux
Stanbury
Stewart
Stollery
Taylor
Watt
Wood-44

 

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Andreychuk
Angus
Atkins
Beaudoin
Berntson
Buchanan
Carney
Charbonneau
Cochrane
Cogger
Cohen
Comeau
DeWare
Di Nino
Doody
Doyle
Forrestall
Ghitter
Jessiman
Johnson
Kelleher
Kelly
Keon
Kinsella
Lavoie-Roux
LeBreton
Lynch-Staunton
MacDonald (Halifax)
Meighen
Murray
Nolin
Ottenheimer
Phillips
Rivest
Roberge
Robertson
Rossiter
Simard
Spivak
St. Germain
Stratton
Tkachuk-42

 

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Aucune

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, le projet de loi est renvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

 

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'alinéa 58(1)h), je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au mardi 14 juin 1996, à 14 heures.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de siéger en même temps
que le Sénat

L'honorable Mira Spivak, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 15 h 30 le mardi 4 juin 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 4 juin 1996, à 14 heures.)


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