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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 29

Le mardi 11 juin 1996
L'honorable Gerald R. Ottenheimer, Président pro tempore


LE SÉNAT

Le mardi 11 juin 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

Le Programme d'échange de pages
avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter deux pages de la Chambre des communes qui ont été choisis pour participer au programme d'échange avec le Sénat pendant la semaine du 10 au 14 juin.

Jolanta Scott, de Victoria, en Colombie-Britannique, étudie à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa et se spécialise dans les études canadiennes. Je lui souhaite la bienvenue.

Adrian Gamelin, de Saskatoon, en Saskatchewan, poursuit des études à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa. Il se spécialise en histoire. Je lui souhaite la bienvenue.

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'influence croissante des groupes d'intérêts spéciaux

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai été malheureusement incapable d'être ici la semaine dernière à cause d'un rendez-vous chez le médecin. Autrement, j'aurais été aux côtés des six autres sénateurs qui ont voté contre le projet de loi C-33, même si cela ne pouvait faire aucune différence.

Le projet de loi C-33 est un autre exemple de cette tendance troublante qui en vient à dominer beaucoup de domaines de la politique canadienne, et je parle du pouvoir qu'ont maintenant les groupes d'intérêts spéciaux. Les groupes d'intérêts spéciaux sont en train de détruire la trame de notre organisation en tant que pays, parce qu'ils défendent égoïstement leurs propres intérêts sans rien faire pour améliorer le sort de nos concitoyens ou de la patrie. Le Canada n'a pas été bâti par des gens qui réclamaient constamment plus de droits ou d'avantages, il a été bâti par des hommes et des femmes qui ont acquis ces droits à force de labeur.

Le pouvoir et l'influence dont jouissent les groupes d'intérêts spéciaux au Canada sont beaucoup plus grands que ne le justifie le nombre de personnes qu'ils représentent. Aujourd'hui, en tant que politiques, nous devons plus que jamais aller au-delà de ce que nous disent ces groupes d'intérêts spéciaux et leurs sondeurs pour nous adresser directement aux Canadiens. Il est tout aussi important que, sur les affaires d'importance nationale, nous mettions de côté nos intérêts régionaux pour défendre les intérêts du pays. Bien que nous soyons ici pour représenter les intérêts de nos électeurs, notre responsabilité première est de servir le Canada.

Nous n'avons pas réussi à régler la crise de l'unité nationale, parce que certains groupes font passer leurs intérêts propres avant les intérêts supérieurs du pays. Ainsi, plutôt qu'un compromis et de la compréhension mutuelle, nous avons récolté de la méfiance et du ressentiment. Tout le monde veut sa part du gâteau. C'est pourquoi nous avons failli perdre notre pays et je crains fort que, si cette tendance se maintient, nous finissions par perdre la bataille.

Lors des élections fédérales de 1988, j'ai donné mon appui à l'Accord de libre-échange. Je savais que ma position pouvait me coûter mon siège au Parlement, mais j'étais convaincu que cet accord servait les intérêts supérieurs du pays. J'ai perdu ces élections, mais je peux dire avec fierté que j'ai fait ce qu'il fallait dans l'intérêt du pays. Je crois que l'histoire m'a donné raison sur ce point.

Le débat sur la décriminalisation des drogues illicites est une autre illustration du pouvoir des groupes d'intérêts spéciaux. Devons-nous croire que les Canadiens et le Canada sortiront meilleurs d'une telle transformation? Aussi fou que cela puisse me paraître, des groupes d'intérêts spéciaux ont déjà réussi à en convaincre certains de mes collègues en cette enceinte. Je n'ai pas d'intention malveillante en disant cela, parce que je sais que les sénateurs sont des gens intelligents et qu'ils feront toujours passer les intérêts supérieurs du pays avant toute autre chose, mais cela prouve simplement ce que j'avance: ces groupes d'intérêts spéciaux ont beaucoup de pouvoir et une grande capacité de persuasion.

Au cours des années où j'ai travaillé au sein de la police des stupéfiants, à Vancouver, j'ai pu constater les terribles conséquences qu'ont ces drogues qui ne sont pas censées créer de dépendance pour ceux qui ne peuvent plus s'en passer. J'ai vu des vies ruinées et des morts à cause de l'usage de ces drogues. Si mes collègues ne me croient pas, je les invite à venir voir le centre-ville de Vancouver. Je leur montrerai des enfants qui n'ont pas plus de 14 ans et qui vivent dans la rue et mendient pour pouvoir se payer de la drogue. Les groupes d'intérêts spéciaux sont en faveur de la décriminalisation, mais ils ne vous parleront pas de ce qui se passe dans la rue, car leur objectif est de faire du Canada le paradis de la drogue en Amérique du Nord.

 

Je suis dégoûté et fatigué des personnes qui, dans notre société, essaient de gagner de l'argent au détriment des autres. Rien n'est donné dans ce monde, tout se gagne. La plupart des droits dont nous jouissons aujourd'hui, y compris le droit à la liberté et le droit à la démocratie, sont l'aboutissement d'une lutte. Les gens qui disent que c'est leur droit d'avoir quelque chose sans l'avoir gagné ne se rendent pas compte du prix qu'il a fallu payer pour obtenir ces droits. Des milliers de gens courageux - hommes et femmes - ont sacrifié leur vie pour veiller à ce que les Canadiens puissent jouir de certains droits fondamentaux. Si nous avons des droits, c'est grâce à d'autres qui les ont obtenus pour nous. Honorables sénateurs, en cédant continuellement aux groupes d'intérêts spéciaux, nous nuisons moralement à l'unité de notre pays, nous la compromettons.

L'honorable Ron Ghitter: L'honorable sénateur me permet-il de lui poser une question?

Le sénateur St. Germain: Certainement. Je n'ai pas peur de défendre les principes en lesquels je crois.

Son Honneur le Président pro tempore: À l'ordre. À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous fais remarquer, sinon pour aujourd'hui, du moins pour l'avenir, que le Règlement du Sénat stipule expressément que les questions sont interdites durant la période réservée aux déclarations de sénateurs.

Des voix: C'est honteux.

Le sénateur Ghitter: Je ne ferai donc pas exception à la règle aujourd'hui.

 

Les Nations Unies

Le rapport de l'UNICEF sur le progrès des nations-
Les observations sur les femmes

L'honorable Landon Pearson: J'ai eu le privilège d'assister ce matin à Toronto au lancement du rapport de l'UNICEF intitulé Progrès des nations, espèce de bulletin scolaire annuel dans lequel cet organisme décrit les progrès accomplis par les pays par rapport aux engagements qu'ils ont pris lors du Sommet mondial pour les enfants tenu en octobre 1990.

J'aimerais simplement vous en citer un court passage. Cette année, le rapport porte surtout sur le problème de la mortalité et de la morbidité maternelles et reconnaît la grande souffrance que ce phénomène représente non seulement pour les femmes, mais aussi pour les enfants. Voici ce qu'on peut lire dans le rapport de l'UNICEF:

Les premières évaluations depuis dix ans indiquent que près de 600 000 femmes meurent chaque année au cours de leur grossesse ou en couches.

Pour chaque femme qui meurt, une trentaine subissent des lésions, ou sont atteintes d'infection ou d'invalidité qui ne sont généralement ni traitées ni déclarées et qui souvent deviennent chroniques et débilitantes et sont la source d'humiliation et de douleur.

Il n'est donc pas exagéré de dire que la question de la mortalité et de la morbidité maternelles, escamotée par la conspiration du silence qui l'entoure, constitue la tragédie la plus négligée de notre époque.

Cette section du rapport se termine par la citation suivante tirée de l'oeuvre d'Aldous Huxley, qui a beaucoup écrit sur la souffrance humaine:

Les cris de douleur et de peur se propagent dans l'air à une vitesse de onze-cent pieds par seconde. Après trois secondes, ils sont parfaitement inaudibles.

Il est temps de les amplifier.

 


AFFAIRES COURANTES

les institutions financières

Présentation du rapport du comité banques et des commerce au sujet de la demande budgétaire du comité

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatrième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui traite de sa demande budgétaire pour l'exercice financier 1996-1997 et de l'examen par le comité de l'état actuel du système financier du Canada.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Kirby, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

 

Projet de loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur

Rapport du comité

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le cinquième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui rend compte de l'examen du projet de loi C-19, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

 

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 47(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, le mercredi 12 juin 1996, à 13 h 30.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Ernesto Zedillo Ponce de Leon,
Président des États-Unis du Mexique

Allocution aux parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes-Impression en annexe

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que l'allocution de son Excellence Ernesto Zedillo Ponce de Leon, président des États-Unis du Mexique, prononcée le 11 juin 1996 devant les parlementaires des deux Chambres, le discours d'ouverture du très honorable premier ministre du Canada, ainsi que les discours prononcés par le Président du Sénat et le Président de la Chambre des communes, soient imprimés en annexe aux Débats du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Pour le texte des discours, voir l'annexe, p. 654)

 

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation accordée au comité de siéger
en même temps que le Sénat

L'honorable Sharon Carstairs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à15 h 30, le mercredi 12 juin 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Expliquez-vous!

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous présentons cette motion pour permettre l'étude du projet de loi du sénateur Murray, le projet de loi S-8, et du projet de loi C-8 sur le contrôle des stupéfiants.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, nous avons déjà adopté une motion prévoyant que nous siégerons demain, à 13 h 30. Comme je l'ai dit à maintes reprises, nous siégeons à 13 h 30, le mercredi, pour permettre au Sénat d'ajourner à environ 15 heures et aux comités de vaquer à leurs affaires.

La motion du sénateur Carstairs présuppose que, même si nous nous réunissons à 13 h 30, nous n'allons pas nécessairement ajourner vers 15 heures. Je ne critique pas sa motion. Je pense qu'elle a raison, étant donné la pratique qui semble s'établir. Toutefois, j'estime que c'est une occasion de rappeler aux honorables sénateurs que notre décision de siéger à 13 h 30, le mercredi, avait un but, celui d'ajourner vers 15 heures pour que les comités puissent poursuivre leurs travaux.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Stewart. C'est toujours ce qu'on avait envisagé.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, les sénateurs Stewart et Prud'homme ont bien raison, sauf que, à cette époque de l'année, nous devons turbiner comme dans une fabrique de saucisses et il y a encore du travail à faire à la Chambre. Il est courant de dépasser 15 heures, même si nous siégeons à 13 h 30.

Le sénateur Stewart: Et même lorsque les comités ont du travail.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le commerce international

Le changement de politique par rapport
à une publication préélectorale-
La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, mes questions s'inspirent d'un document intitulé «Cahier d'information», qui a été publié à l'occasion de la visite au Canada du président du Mexique. On y trouve quatre pages sur les avantages de l'ALENA. Je souligne que le document n'a pas été préparé par la GRC, mais plutôt par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et que, de ce fait, il y a tout lieu de le considérer comme un document officiel du gouvernement.

La raison pour laquelle j'aborde cette question en présence des sénateurs, c'est que le premier ministre nous exhorte sans cesse à lire le livre rouge si nous voulons comprendre la politique du gouvernement libéral. C'est ce qu'il a fait quand il a expliqué pourquoi la TPS, moyennant un changement de nom, n'est plus la TPS, et le premier ministre de citer la page 20 du livre rouge.

Suivant son conseil, honorables sénateurs, j'ai consulté le livre rouge pour voir où en est la politique du Parti libéral relativement à l'ALENA puisque, selon le premier ministre, le livre rouge demeure valable.

Le sénateur Perreault: C'est une bonne lecture.

Le sénateur Doody: À condition d'être un amateur de fiction.

Le sénateur Lynch-Staunton: À la page 21, le sénateur Perrault s'en souviendra sans doute, on peut lire ceci:

En 1988, les libéraux étaient opposés au traité de libre-échange canado-américain, parce qu'il était très imparfait.

Nous sommes en 1996. Le livre rouge, écrit en 1993, est toujours valable et pourtant voici ce qu'on peut lire à la page 10 d'un document officiel du gouvernement intitulé «Cahier d'information»:

Fait plus important encore, l'ALENA et son prédécesseur, l'Accord de libre-échange canado-américain, ont contribué à créer une économie plus ouverte qui a stimulé la productivité et la spécialisation au sein des industries, dans des secteurs tels que les articles électriques et électroniques, les produits chimiques, les outils et les boissons.

Le document officiel du gouvernement dit encore ceci:

Cela a amélioré la compétitivité...

Il s'agit de l'ALENA et de son prédécesseur, l'Accord de libre-échange canado-américain...

...des exportations canadiennes de biens et services à un point tel qu'elles génèrent aujourd'hui 37 p. 100 du produit intérieur brut et qu'elles constituent un des moteurs de l'expansion économique et de la création d'emplois.

Et cela grâce à l'ALENA et à son prédécesseur, l'ALE. Or, on nous dit de consulter le livre rouge qui disait que l'ALE était mauvais pour le Canada.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Ne devrions-nous pas rejeter en bloc le livre rouge et cesser de prétendre que la politique du Parti libéral qu'il décrit reste toujours aussi valable? Il a déjà rempli sa mission, qui était de duper la population canadienne durant les élections. On peut à coup sûr s'en départir.

Le sénateur Doody: Il devrait mériter le prix Pulitzer de la fiction!

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur sait que, avant de confirmer l'ALENA, le Canada a fait quatre ou cinq rajustements que les sénateurs d'en face tournent en dérision.

Depuis l'adoption de ce projet de loi et de ce traité, le Canada s'est efforcé de mieux servir les intérêts du pays dans ses exportations et dans ses relations d'affaires avec les partenaires de l'ALENA. Cela ne va aucunement à l'encontre de l'esprit du livre rouge.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Fairbairn: Les honorables sénateurs d'en face peuvent toujours rire. En vertu de l'ALENA, le premier ministre a rigoureusement cherché des options, en collaboration avec les Mexicains et les Américains, et a été un des chefs de file dans les efforts déployés pour étendre la zone commerciale, notamment à d'autres parties de l'Amérique du Nord, à l'Amérique du Sud et, plus particulièrement, au Chili.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je laisse aux honorables sénateurs le soin de décider s'ils voient une similitude entre le fait que les libéraux ont condamné l'accord de libre-échange en 1988, puis dans leur livre rouge en 1993, pour le porter ensuite aux nues dans une publication gouvernementale, moins de trois ans plus tard.

Le sénateur MacEachen: Ce sont les deux négociateurs qui ont rédigé cette publication.

Le sénateur Lynch-Staunton: Jusqu'à nouvel ordre, c'est la politique officielle des libéraux.

À la page 22 du livre rouge, on peut lire:

[...] les conservateurs n'ont pas su, comme le Mexique, protéger les ressources énergétiques nationales.

Le Sénat a tenu un débat mémorable sur cette question.

Le document officiel du gouvernement - non pas une note de la GRC, mais bien un document des Affaires étrangères et du Commerce international - dit à la page 11:

Les efforts du Mexique pour libéraliser les échanges, en particulier dans le secteur énergétique, ouvrent de nouvelles possibilités pour les exportateurs canadiens.

Honorables sénateurs, le livre rouge de 1993 signale que, dans le secteur énergétique, les conservateurs ont fait de nombreuses concessions au Mexique et aux États-Unis en obtenant très peu en retour, alors qu'un document officiel que le gouvernement fait paraître cette semaine porte aux nues l'accord avec le Mexique, en particulier dans le secteur énergétique.

La ministre peut-elle expliquer comment elle concilie le livre rouge, qui est la bible du gouvernement, avec le document officiel des Affaires étrangères et du Commerce international?

Le sénateur Oliver: C'est impossible.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'est-ce que nous sommes censés croire à cet égard? Lequel des deux documents? Je vous invite à nouveau à nous dire d'oublier le livre rouge et à nous supplier d'éviter d'y faire allusion à l'avenir.

 

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je répète ce que j'ai dit plus tôt: sur la question de l'ALENA, le gouvernement a pris des mesures pour améliorer les conditions auxquelles nous avons adhéré à l'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelles mesures?

Le sénateur Fairbairn: L'une d'elles portait sur le secteur énergétique.

Le sénateur Berntson: Parlez-nous en.

Le sénateur Fairbairn: J'espère que le sénateur ne jettera pas son exemplaire du livre rouge, parce qu'il peut y trouver des messages très importants.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je m'en garderai bien, car nous allons l'utiliser aux prochaines élections. Ce sera un instrument très précieux.

Le sénateur Fairbairn: Le gouvernement en place s'est empressé d'approuver ces messages, en commençant notamment par la recommandation concernant l'alphabétisation.

Le sénateur Perrault: Vous ne lisez pas l'édition révisée.

Le sénateur Oliver: La version intégrale, non retouchée.

Le sénateur Lynch-Staunton: Au cours de la campagne électorale, les libéraux citaient sans cesse le livre rouge. À propos de l'ALENA, le futur premier ministre déclarait dans le livre rouge et dans ses discours électoraux qu'une fois élus, les libéraux renégocieraient l'ALENA et iraient jusqu'à le résilier s'il le fallait. Cela figure dans le livre rouge. Ils se disaient prêts à le résilier s'il était impossible de le réviser de manière satisfaisante.

Une voix: Cela veut dire l'abandonner.

Le sénateur Lynch-Staunton: Aujourd'hui, le président du Mexique, devant les deux Chambres réunies, s'est adressé au premier ministre pour le féliciter - et je reprends les mots de l'interprète - de s'être fait le «champion» de l'ALENA et de s'être chargé de le mettre en oeuvre.

J'ai l'impression qu'on avait mal informé le président du Mexique et qu'il songeait en réalité à Brian Mulroney, car c'est grâce à ce dernier que le gouvernement libéral peut aujourd'hui se vanter de s'être fait le champion des avantages de l'ALENA.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Bryden: Ramenez-nous Brian! Ramenez-nous Brian le populiste!

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, oui, excellent.

Le sénateur Bryden: Ramenez-nous Brian! Tout le monde souhaite le retour de Brian.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je sais maintenant ce que le premier ministre Trudeau voulait dire quand il disait, en parlant des parlementaires d'arrière-ban, qu'ils ne font rien d'autre qu'interrompre les orateurs.

Le gouvernement croyait-il vraiment qu'il pourrait renégocier l'ALENA à ses conditions ou, sinon, résilier l'accord de libre-échange? Comment M. Chrétien pouvait-il se faire le champion d'un accord qu'il menaçait en même temps d'abandonner à moins qu'on n'y apporte les modifications qu'il exigeait? Pouvez-vous concilier les deux choses pour moi?

Le sénateur Fairbairn: Oui, je le peux, honorables sénateurs.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Fairbairn: J'apprécie la question de mon collègue car j'ai remarqué, pendant la cérémonie de ce matin, qu'il avait sursauté sur son siège lorsque le président Zedillo a fait cette allusion au cours de son discours.

Le sénateur Doody: C'était un tic!

Le sénateur Bolduc: Même le sénateur Stollery a applaudi.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je le répète, en décembre 1993, le gouvernement du Canada a négocié avec les États-Unis au sujet des améliorations qu'il souhaitait voir apporter à l'accord. Comme mes honorables collègues le savent, elles avaient été énoncées très clairement à l'époque.

Depuis que l'accord est entré en vigueur, le premier ministre a cherché à revigorer le processus en l'élargissant à d'autres pays de notre hémisphère de sorte que nous puissions, espérons-le, accueillir bientôt le Chili au sein du groupe.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question. La ministre nous exposera-t-elle les modifications qui ont été apportées à la loi de mise en oeuvre de l'ALENA? À ma connaissance, la loi que nous avons adoptée au Sénat et celle qui a reçu la sanction royale sont exactement les mêmes.

Le sénateur Murray: Il n'y en a eu aucune.

Le sénateur Lynch-Staunton: Aucune modification n'a été apportée à la loi de mise en oeuvre qui a été présentée par le gouvernement Mulroney. Elle a été adoptée au Sénat et elle a reçu la sanction royale après l'élection du gouvernement libéral.

Pour clarifier les choses, j'ai ici le texte de la version française du discours de M. Zedillo:

C'est pourquoi je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à monsieur le premier ministre Jean Chrétien...

Je croyais qu'il rendrait hommage à Brian Mulroney, mais il a dit le premier ministre Chrétien.

...pour la clairvoyance et la détermination...

Des voix: Bravo!

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela nous a échappé.

...avec lesquelles il a mené à bien, ici au Canada, l'application de l'Accord.

Le sénateur Doody: De la flexibilité.

Le sénateur Bolduc: Cher collègue, il a été éclairé par le sénateur MacEachen.

Le sénateur Perrault: Vous faites preuve de sectarisme. Ne vivons pas dans le passé.

Le sénateur Doody: Attendez le volume II.

Le sénateur Berntson: Vous devrez procéder à une autre révision du livre rouge.

Le sénateur Doody: La danse du sombrero mexicain.

Le sénateur Fairbairn: Les honorables sénateurs savent que, après l'élection du président Clinton lui-même, des améliorations ont été apportées à l'ALENA.

Le sénateur Lynch-Staunton: Lesquelles?

Le sénateur Fairbairn: Les améliorations demandées par le Canada avaient trait au travail et à l'environnement, aux subventions et au dumping, à l'eau et à l'énergie.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela n'est pas dans l'accord.

Le sénateur Fairbairn: Ce sont les ententes sur ces améliorations qui nous ont permis de ratifier le traité.

Le sénateur Berntson: Entre qui l'accord a-t-il été conclu?

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est juste. Il y a des lettres.

Le sénateur Fairbairn: Comme mon ami le sénateur Perrault l'a dit...

Le sénateur Lynch-Staunton: Ils ne sont pas parties au traité.

Le sénateur Fairbairn: ...j'invite les sénateurs à envisager la conclusion d'une entente commerciale encore plus vaste qui comprendra plusieurs pays de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale, à commencer par le Chili.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais vous étiez tous contre le libre-échange. S'agit-il d'une conversion soudaine? C'est incroyable.

 

La santé

Le retard dans la présentation du projet de loi concernant la publicité sur le tabac-
La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, à propos du non-respect de ses guides d'orientation et de ses manifestes, il est bien évident que l'industrie du tabac fait fi de son code d'éthique en matière de publicité.

La Société canadienne du cancer a dressé une liste de90 exemples d'infractions commises par les trois principaux fabricants: panneaux d'affichage à proximité des écoles, dans les commerces, affiches et panneaux sans mise en garde au sujet de la santé, publicité sociétale dissimulant des marques de commerce déposées. Ces infractions au code d'autoréglementation sont survenues depuis que la Cour suprême a annulé la Loi réglementant les produits du tabac et que l'industrie a recommencé la publicité qu'elle promettait d'autoréglementer.

De toute évidence, l'autoréglementation ne fonctionne pas. Le ministre de la Santé le reconnaît, mais il ne dit pas ce qu'il entend faire à ce sujet. Son prédécesseur avait promis une nouvelle loi réglementant les produits du tabac pour ce printemps. Selon le Citizen d'Ottawa du 28 mai, le ministre actuel a dit qu'il ne veut pas s'écarter de sa ligne de conduite en raison d'un échéancier particulier.

Ma question à madame le leader du gouvernement au Sénat est la suivante: Peut-elle nous dire ce qui retarde au juste la présentation de ce projet de loi attendu depuis longtemps? Peut-elle aussi nous dire ce que le ministre de la Santé est prêt à faire pour éviter les retards?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne puis donner à mon honorable collègue une réponse à la première partie de sa question. Cependant, elle doit savoir que le ministre de la Santé s'intéresse très activement et résolument à cette question. Comme il l'a dit à la Chambre des communes l'autre jour, il est sur le point de terminer ses consultations et il espère saisir prochainement le Parlement d'une série de propositions globales.

Le sénateur Spivak: Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous donner l'assurance qu'un projet de loi sera présenté et qu'il sera très sévère à l'égard de la publicité sur les cigarettes qui est destinée aux jeunes? C'est là le problème fondamental.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je voudrais m'entretenir avec le ministre de la Santé pour connaître exactement sa ligne de conduite et pour savoir ce que je peux utilement communiquer à ma collègue.

[Français]

 

La conférence des premiers ministres

L'unité nationale-Inscription à l'ordre du jour-
La position du gouvernement

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, le très honorable premier ministre du Canada a convoqué les premiers ministres des provinces pour une rencontre la fin de semaine prochaine.

Rappelons-nous qu'au cours de la campagne référendaire, le très honorable premier ministre du Canada a promis aux Québécois et à l'ensemble des Canadiens des changements constitutionnels majeurs pour sauvegarder l'unité canadienne. Les résultats référendaires ont menacé d'une façon terrible l'unité du pays, puisque le résultat référendaire a été quasi 50-50.

Les mois ont passé et voilà que nous apprenons que, contrairement à ce que pensait entre autres M. Daniel Johnson, le chef du Parti libéral du Québec, l'échéance d'avril 1997 amènerait le gouvernement canadien à proposer les changements constitutionnels réclamés par les Québécois et par les Canadiens de très nombreuses régions du Canada.

Le premier ministre du Canada a déclaré que le dossier constitutionnel de la prochaine rencontre des premiers ministres sera strictement une formalité, dans le but de mettre de côté l'échéance de l997.

La question que se posent les Québécois et l'ensemble des Canadiens est la suivante: quand le premier ministre va-t-il réaliser la gravité de la situation et répondre aux attentes non seulement des Québécois, mais de l'ensemble des Canadiens? Celles-ci se sont manifestées lors d'une initiative de recherche et de réflexion dans le monde universitaire et dans le milieu des affaires pour obtenir un réel changement constitutionnel. Nous nous engageons vers l'échéance de l997 et que nous propose-t-on?

Le leader du gouvernement estime-t-il que le gouvernement du Canada va réduire le nombre des souverainistes québécois et atténuer la déception de l'ensemble des Canadiens des autres régions qui veulent de réels changements constitutionnels?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Rivest sait, comme nous tous, que beaucoup des engagements pris par le premier ministre pendant la dernière partie de la campagne référendaire ont été tenus par le Parlement. Il y a eu des offres sur d'autres engagements, par exemple, très récemment, sur la formation de la main-d'oeuvre.

La conférence des premiers ministres qui aura lieu dans une semaine environ sera principalement axée sur des questions qui sont nettement dans l'intérêt du Québec et du reste du Canada. Il s'agit des questions fondamentales que sont l'économie, le commerce, la création d'emplois, l'avenir des programmes sociaux et le renouvellement global du gouvernement au Canada.

Le premier ministre a déclaré qu'il y aurait une discussion sur la conférence constitutionnelle en avril 1997, ce qui s'explique sans doute en partie par le fait que certains premiers ministres ont soulevé des questions à ce propos. Le sujet a été inscrit à l'ordre du jour pour clarifier les choses au sujet du processus.

Comme le sait l'honorable sénateur, le premier ministre de la Saskatchewan, M. Romanow, a laissé entendre que les activités des dernières années pourraient rendre inutile la réunion de 1997. Le premier ministre aimerait avoir une discussion à ce sujet avec les premiers ministres des provinces pour clarifier la situation.

Je voulais également souligner au sénateur que le ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, a fait une grande tournée au Canada pour s'entretenir avec ses homologues et avec des premiers ministres. Il a fait des déclarations publiques à maintes reprises sur le renouvellement de la fédération et sur la place du Québec au sein du Canada.

[Français]

 

L'unité nationale

La création d'un comité spécial-
La position du gouvernement

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Nous connaissons maintenant le contenu de l'ordre du jour de la prochaine conférence constitutionnelle.

Je me réjouis de voir que le réexamen de la formule d'amendement est inscrit à l'ordre du jour.

[Traduction]

Le ministre Stéphane Dion a déclaré hier:

Il est peu probable qu'ils s'entendent...

Il fait référence aux premiers ministres.

...sur la nature de la nouvelle formule de modification, mais nous pourrions nous entendre sur la nécessité de mettre sur pied un processus pour trouver une formule de modification qui sera plus acceptable pour tous les Canadiens.

Cela étant dit, ne pensez-vous pas qu'un comité spécial du Sénat serait le bon moyen, en 1996, d'étudier de façon plus approfondie cette question très importante et complexe? Ne croyez-vous pas qu'il est urgent de faire quelque chose dès maintenant à cet égard?

Le sénateur Berntson: Je suis d'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez raison.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon collègue et moi avons eu de nombreuses conversations sur cette question. Je lui ai dit directement, et je crois l'avoir dit également au Sénat, que mes collègues de ce côté-ci ont certaines hésitations à adopter une motion visant la création d'un tel comité immédiatement.

Le sénateur Berntson: Quelles hésitations?

Le sénateur Fairbairn: Compte tenu des remarques faites par certaines personnes au sujet de la conférence des premiers ministres, il serait peut-être bon d'attendre de connaître l'issue des discussions. Je ne rejette pas la motion de mon collègue; je lui dis simplement qu'il y a des discussions en cours qui ne touchent pas directement le gouvernement, mais qui touchent les sénateurs de cette Chambre.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, c'est le ministre Dion qui a dit qu'il était nécessaire de mettre sur pied un processus pour trouver une formule de modification. Dans ma province, ce sujet revêt une grande importance depuis la tenue de la première conférence fédérale-provinciale sur la Constitution moderne en 1927. Il est essentiel que le pouvoir législatif se mette au travail sur cette question - le gouvernement, bien sûr, mais aussi le pouvoir législatif réunissant le Sénat et la Chambre des communes, ou le Sénat seul, selon les circonstances.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ne conteste certainement pas les remarques de mon collègue - je les respecte évidemment au plus haut point - ni l'intérêt qu'il porte à cette question. J'ai simplement essayé de faire comprendre au sénateur qu'il y a certaines difficultés à régler, ce que nous sommes en train de faire.

 

La Conférence des premiers ministres

L'ordre du jour-Le but de l'inclusion de la question constitutionnelle-La position du gouvernement

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, le premier ministre semble avoir changé d'avis à ce sujet.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, non.

Le sénateur Doody: Jamais.

Le sénateur Murray: D'après un journaliste, il dit ce qui suit dans sa lettre, en faisant allusion aux réunions qui ont entouré l'Accord du lac Meech et l'Accord de Charlottetown:

On n'est pas absolument certain que ces réunions ont permis d'assumer entièrement l'obligation prévue dans la Constitution de 1982.

S'il n'en est pas certain, qu'en pense le ministre de la Justice? Il est question d'une disposition de la Constitution de 1982 précisant qu'une conférence des premiers ministres doit être tenue dans un délai de 15 ans afin de discuter de la formule de modification. Selon un argument, celui du premier ministre Romanow, qu'on s'est déchargé de cette obligation avec les réunions entourant l'Accord du lac Meech et celui de Charlottetown.

Je pensais que le premier ministre Chrétien estimait que ces réunions ne déchargeaient pas le gouvernement de cette obligation parce que je l'ai entendu dire à plusieurs reprises, depuis qu'il est arrivé au pouvoir, qu'il était obligé de convoquer une réunion sur la formule de modification pour 1997.

Ce serait intéressant de savoir. Il prétend maintenant qu'il n'en est pas sûr. Le gouvernement du Canada qui doit organiser la réunion est assurément tenu de dire quelle est sa position à cet égard.

Ma deuxième question est peut-être plus importante. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle confirmer que l'on a mis la question à l'ordre du jour de la réunion de ce mois-ci dans le but d'éviter de devoir tenir une réunion pour avril 1997? Est-ce là le but visé par le gouvernement?

Le sénateur Berntson: On le dirait assurément.

Le sénateur Murray: Un fonctionnaire fédéral aurait dit ceci:

M. Chrétien et les premiers ministres des provinces pourraient clore la réunion de la semaine prochaine en disant: «Nous avons rempli nos obligations constitutionnelles. Il n'y a rien d'autre à faire.»

Autrement dit, une simple allusion à cette question dans l'ordre du jour permettrait de remplir l'obligation.

Est-ce l'objectif du gouvernement d'éviter de convoquer une réunion sur la formule de modification avant avril 1997?

Le sénateur Lynch-Staunton: M. Chrétien en était l'auteur également.

 

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne lirai pas entre les lignes de la lettre dont mon honorable collègue a cité un passage aujourd'hui; il s'agit d'une lettre adressée par le premier ministre à...

Le sénateur Murray: Auriez-vous une objection à déposer la lettre?

Le sénateur Fairbairn: Je l'ai fait.

Le sénateur Murray: Pardon.

Le sénateur Fairbairn: J'ai déposé toutes les lettres hier soir, selon la requête du sénateur Forrestall. Elles sont toutes consignées. Ce qui ressort de la lettre, c'est que le gouvernement a l'intention de discuter de la question de la formule de modification parce que le premier ministre doit remplir son obligation. L'article 49 de la Constitution l'exige. L'objet de la discussion à la réunion des premiers ministres sera de connaître avec plus de précision les opinions de ces derniers.

 

L'unité nationale

motion portant création d'un comité spécial-
La position du gouvernement

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et fait suite à la question du sénateur Beaudoin. Madame le leader avait répondu en disant que des sénateurs de son parti avaient des réserves au sujet de la proposition visant à aller de l'avant avec le comité de la Constitution proposé par le sénateur Beaudoin.

Madame le leader du gouvernement partage-t-elle ces réserves? Examinons-les. Serait-elle disposée à tenir un vote sur la motion aujourd'hui?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Non, honorables sénateurs. Je n'ai pas l'intention de révéler le contenu des discussions qui pourraient avoir lieu au sein de notre caucus, pas plus que ces gens-là ne le feraient de leur côté.

Le sénateur Gigantès a prononcé un discours la semaine dernière...

Le sénateur Lynch-Staunton: Il a dit qu'il parlait en son nom personnel.

Le sénateur Fairbairn: Effectivement, et tous les sénateurs de ce côté-ci du Sénat sont prêts à faire valoir leur point de vue personnel s'ils ont des préoccupations au sujet de ce genre de questions. Je les invite d'ailleurs à le faire. Le sénateur Gigantès a pris la parole au Sénat. Si d'autres veulent en faire autant, je respecterai leur décision.

Le sénateur Lynch-Staunton: Tenons un vote libre.

Le sénateur Fairbairn: Je respecte leur droit de prendre la parole au Sénat, s'ils le désirent.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais ils ne le font pas.

Le sénateur Fairbairn: Le sénateur Gigantès l'a fait.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'était la semaine dernière.

Le sénateur Fairbairn: Nous verrons, sénateur.

 

La défense nationale

La possibilité d'achat de sous-marins britanniques-
La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et a trait aux observations que sa collègue de l'autre endroit, Mme Mary Clancy, députée de Halifax, a formulées la fin de semaine dernière et à diverses autres occasions au sujet de l'acquisition par le Canada de sous-marins britanniques excédentaires.

Même si le gouvernement a fait clairement savoir qu'il avait remis à plus tard toute décision concernant l'achat de ces quatre sous-marins britanniques, Mme Clancy semble déterminée à continuer d'essayer de persuader ses collègues de faire cet achat.

La ministre pourrait-elle nous dire à quoi sa collègue, Mme Clancy, veut en venir? N'est-ce pas plutôt insensible de sa part de créer de faux espoirs chez nos militaires des deux côtes en leur laissant croire qu'on pourrait obtenir ces sous-marins? Comme des responsables lui ont dit que l'achat des sous-marins n'était pas pour bientôt, ne serait-il pas plus profitable pourMme Clancy de consacrer ses efforts à convaincre ses collègues que le gouvernement devrait aller de l'avant avec l'achat d'hélicoptères embarqués pour la recherche et le sauvetage?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu les propos de la députée de Halifax, Mme Clancy, parlementaire très dévouée à son travail et très énergique. Elle exprime ses idées. À ma connaissance, le ministre de la Défense nationale a fait savoir qu'aucune décision n'avait été prise sur cette question.

 

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le temps alloué à la période des questions est écoulé.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Prolongation, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission de prolonger de cinq minutes est accordée, d'accord?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président pro tempore: Permission de prolonger indéfiniment?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois comprendre que le sénateur Forrestall a une question complémentaire et que madame le leader du gouvernement est prête à y répondre.

L'honorable Marcel Prud'homme: Le sénateur Forrestall a une question complémentaire, et j'ai moi aussi une question sur le même sujet. S'il est autorisé à la poser, j'espère que je le serai aussi, autrement il n'y aura pas de fin à ce débat.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, pour éviter toute ambiguïté par la suite, divers sénateurs demandent la permission de poser d'autres questions.

Or, si je comprends bien, la permission est refusée. Est-ce bien cela?

Une voix: C'est cela.

Son Honneur le Président pro tempore: Il semble que j'ai raison.

Le sénateur Comeau: Vous allez le payer.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement, le sénateur Comeau vient de faire une remarque que je ne peux pas laisser passer.

J'ai choisi d'accepter un bon nombre de questions complémentaires. Même après que le temps prévu pour la période des questions ait été terminé, j'ai dit que j'allais accepter de répondre. Si d'autres dans la Chambre ne sont pas d'accord, avec cela, parfait, mais je trouve que la remarque «vous allez le payer», est regrettable. Ce n'est pas l'attitude que j'ai à l'égard de la période des questions. Plus que toute autre chose, j'ai essayé d'être généreuse.

Des voix: Bravo!

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma remarque ne s'adressait pas à la ministre. Elle s'adressait aux sénateurs de son caucus qui ne sont pas d'accord pour entendre deux ou trois questions de plus que nous voulions poser pendant la période des questions d'aujourd'hui. Lorsque nous avons demandé le consentement unanime, il a été refusé par ses collègues.

Cette Chambre ne devrait pas devenir l'esclave du Règlement. Le Règlement est là pour nous aider plutôt que pour nous compliquer la vie et empêcher les sénateurs de poser quelques questions de plus. J'ai une question à poser que je considère extrêmement importante, mais les sénateurs de l'autre côté ont dit non.

Ma remarque n'était pas dirigée contre la ministre qui, en toutes occasions, nous a donné maintes chances de poser nos questions. Je l'en remercie. Ma remarque était dirigée vers ses collègues auxquels elle devrait parler, car nous n'étions pas en train d'essayer d'abuser du temps réservé à la période des questions. Ce n'était pas notre intention. Notre intention n'était pas d'abuser de la situation, mais simplement de poser quelques questions de plus. C'est ce que ses collègues ont refusé.

Son Honneur le Président pro tempore: Bien que la question ait été soulevée comme un rappel au Règlement, je pense qu'il n'y a pas de décision à prendre. Il s'agit simplement d'une différence d'opinion. Les honorables sénateurs ont eu l'occasion d'exprimer leur point de vue.

 


ORDRE DU JOUR

[Français]

 

Projet de loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Troisième lecture-Motions en amendement-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Poulin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture sur le projet de loi C-7, qui vise la mise sur pied du nouveau ministère en constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois.

Je désire ajouter ma voix à celle des sénateurs Stratton et Cochrane. Je n'ai certainement pas l'intention de reprendre tous les arguments soulevés récemment par mes deux collègues. Je souhaite, par contre, ajouter à leurs commentaires certaines remarques et vous proposer quelques amendements qui pourront mieux refléter l'intention du Parlement face à un projet de loi qui, tout en étant à la fois nécessaire, est plein de sens à plusieurs égards. Il soulève par contre certains problèmes qu'il s'agit de corriger.

Il existe effectivement, comme l'a dit le sénateur Stratton, un problème de confiance grave entre ce ministère et plusieurs représentants de la communauté, à la fois du génie conseil du domaine de l'architecture et d'à peu près tous les services reliés de près ou de loin à la construction immobilière au Canada.

Lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi, nous avons entendu des représentants de ces diverses industries. Ce problème de confiance, honorables sénateurs, est réel. Nous devons en être préoccupés. Nous devons trouver une solution honorable, à la fois pour les représentants de ce nouveau ministère et pour ceux de ces industries qui, je tiens à vous le rappeler, composent un des fleurons de l'industrie canadienne à l'étranger.

Je n'aurai qu'à vous mentionner les noms de AGRA Monenco, SNC Lavallin, Carlos Ott architecte qui a, entre autres, dessiné le nouvel Opéra de la Bastille à Paris, pour ne nommer que ceux-là.

Ces membres de l'entreprise privée canadienne sont des ambassadeurs éloquents du savoir-faire canadien. Il n'est certainement pas dans l'intention de ce Parlement ni du gouvernement de s'opposer à l'essor international et encore moins à l'essor national de ces entreprises florissantes.

La ministre, lors de son passage devant le comité des finances au moment de l'examen de ce projet de loi, a ajouté, et je cite:

Il y a un point sur lequel je tiens à être claire: mon ministère ne devrait prendre aucune mesure pour concurrencer les membres de son association.

Elle faisait référence, honorables sénateurs, à l'Association des ingénieurs-conseils du Canada qui, par la voix de son président M. Franche, a manifesté par des exemples éloquents les raisons de ce manque de confiance.

Le nouveau ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dans la foulée des mesures de compressions budgétaires, doit à la fois réduire ses ressources et maintenir la qualité de ses services. Nous ne pouvons qu'être de tout coeur avec la ministre et les fonctionnaires de son ministère pour continuer dans cette voie qui avait été tracée par le précédent gouvernement. Nous croyons que cette voie est la meilleure à suivre.

Il y a des limites à la recherche de ressources additionnelles, et c'est pourquoi le ministère s'est engagé, je dirais presque, subrepticement, à chercher des mandats à l'extérieur des services gouvernementaux canadiens traditionnels.

Les témoins ont déposé devant le comité sénatorial permanent des finances nationales plus de 125 lettre d'appui, manifestant leur opposition à cette possibilité que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux puisse offrir ces services et concurrencer le secteur privé canadien. Ils ont raison d'être préoccupés. En effet, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, cela en étonnera plusieurs, fait de la publicité pour ses services dans des revues spécialisées et même sur Internet. Ces services sont offerts non seulement aux Canadiens, mais aussi aux étrangers.

Le ministère se place en compétition directe vis-à-vis des entreprises canadiennes, à la fois en territoire canadien et à l'étranger. Honorables sénateurs, cela est inacceptable. Pour illustrer mon point de vue, j'attire votre attention sur le plan de dépenses du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour le présent exercice financier. Nous pouvons lire à la page 2-16, au chapitre du Programme des services immobiliers:

En vue de satisfaire aux exigences des clients en matière de lieux de travail abordables et productifs et de services professionnels, le Programme est en voie de se positionner comme une entreprise commerciale.

À la page 2-25 du même document, nous pouvons lire, sous la rubrique «Repositionnement»:

Les SI sont déterminés [...]

...et je vous souligne le mot «déterminés»...

[...] à se repositionner à titre de conseillers experts reconnus dans le domaine immobilier. Le but des SI est double: être perçu comme l'organisme qui peut fournir à ses clients une gamme complète de services immobiliers avec la même réceptivité, le même contrôle et la même connaissance de la culture de l'entreprise dont ils profitent actuellement grâce à leurs spécialistes internes en immobilier mais à un coût sensiblement moins élevé [...]

Voici le passage qui me préoccupe grandement, et je désire vous en faire part. Je cite:

[...] être perçu comme un «conduit» du secteur privé vers de nouveaux débouchés commerciaux et un partenaire important plutôt qu'un concurrent.

Honorables sénateurs, nous avons entendu des représentants de l'entreprise privée qui offrent déjà ces services. Nous leur avons demandé s'ils voulaient que Travaux publics Canada soit un partenaire. Les témoins nous ont répondu qu'ils voulaient être capables d'avoir des pouvoirs, d'avoir accès aux ressources humaines qualifiées du ministère, pour ajouter aux propositions que ces entreprises font à l'étranger dans le but d'obtenir des contrats.

Par contre, ces entreprises n'attendent pas après le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour découvrir de nouveaux débouchés. Selon eux, le rôle du ministère ne devrait pas être de trouver de nouveaux débouchés. Le ministère devrait plutôt les épauler par l'adjonction dans les différentes propositions des ressources humaines appropriées.

Je désirerais, honorables sénateurs, vous proposer quatre amendements. L'un de ces amendements est plutôt secondaire, il s'agit d'une correction. Le projet de loi C-7 est un projet de loi qui a été reconduit dans la présente session et lors de la transcription littérale du projet de loi, une erreur s'est glissée. Il s'agit d'une correction et je vous la lirai in extenso tout à l'heure.

Il y a aussi un amendement qui m'apparaît, comme Canadien français, quelque peu déplorable. Dans la version anglaise du projet de loi, nous retrouvons une définition de «ministre», mais nous ne la retrouvons pas dans la version française. À ce que je sache, et à la lecture du projet de loi, vous verrez que l'on fait référence au «ministre» à plus d'une dizaine d'endroits, sans pour autant définir qui est ce ministre.

Enfin, je proposerai deux amendements substantiels qui visent à limiter les pouvoirs du ministre, à contrecarrer - et je pèse bien mes mots - ses efforts de repositionnement et à l'empêcher de concurrencer directement le secteur privé.

 

Motions d'amendement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Par conséquent, je propose, appuyé par l'honorable sénateur LeBreton:

Que le projet de loi C-7, au lieu de passer immédiatement en troisième lecture, soit amendé, à l'article 2, page 1, par l'adjonction, après la ligne 12 du texte français uniquement, de ce qui suit:

« « ministre » S'entend du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.»

Je propose ce deuxième amendement:

Que le projet de loi C-7, au lieu de passer immédiatement en troisième lecture, soit modifié, à l'article 10, page 4, par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit:

« chef du Canada, si les dépenses, les services ou les travaux visent à l'achèvement d'un ouvrage public.»

Je propose le troisième amendement:

Que le projet de loi C-7, au lieu de passer immédiatement en troisième lecture, soit modifié, à la page 5, par:

a) substitution, à la ligne 28, de ce qui suit:

«16. (1) Le ministre peut exercer toute activité»:

b) substitution, aux lignes 37 et 38, de ce qui suit:

«tions ou des personnes, au Canada, qui le lui demandent.»;

c) adjonction, après la ligne 38, de ce qui suit:

«(2) L'alinéa (1)b) n'autorise pas le ministre à fournir des services de génie ou d'architecture.»

Je propose le quatrième amendement:

Que le projet de loi C-7 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié par substitution, à la ligne 22, page 23, de ce qui suit:

«62. En cas de sanction du projet de loi C-8»

[Traduction]

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur, non pas sur ses amendements, mais sur l'ensemble de ses remarques.

Si j'ai bien compris, le sénateur Nolin a parlé de concurrence avec le secteur privé et a dit qu'à son avis le ministère serait en concurrence avec le secteur privé, en quelque sorte.

Le sénateur Nolin: C'est exact.

Le sénateur Robertson: Le sénateur Nolin peut-il m'expliquer cela de nouveau?

Le sénateur Nolin: Les représentants de nombreuses associations professionnelles, regroupant les ingénieurs et les architectes par exemple, nous ont dit que Travaux publics Canada était actuellement en concurrence directe avec le secteur privé, non pas dans le cas de services fournis aux ministères et autres organismes fédéraux, mais au secteur privé et autres acheteurs.

En outre, Travaux publics Canada fait de la réclame pour ses services dans des revues spécialisées et même sur l'Internet. Le ministère a l'intention manifeste de concurrencer le secteur privé.

 

Recours au Règlement

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement.

Certains amendements ont été proposés. La présidence devrait certainement lire ces amendements devant le Sénat. Je m'élève contre cette façon de saisir le Sénat de toute une série d'amendements en même temps. Je crois qu'il faut présenter un amendement à la fois, en débattre, puis présenter l'amendement suivant. Il se trouve maintenant qu'un sénateur pose des questions au sénateur qui venait de parler, avant même que la présidence n'ait lu les amendements au Sénat. Nous ne suivons pas la procédure normale dans ce cas.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, la présidence peut présenter tous les amendements, pourvu que je puisse continuer à poser mes questions au sénateur relativement aux remarques qu'il a formulées avant d'énoncer ses amendements.

Le sénateur Corbin: Je ne m'oppose pas à ce que le sénateur pose des questions.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, le point soulevé visait à déterminer si un sénateur peut présenter d'un seul coup toute une série d'amendements. Je ne m'oppose pas aux propositions d'amendement, mais je me demande s'il n'aurait pas mieux valu que le sénateur Nolin propose un amendement, puis qu'un autre sénateur propose les amendements subséquents. De cette façon, le Sénat saurait, à chaque moment durant son étude du projet de loi, de quel amendement exactement il était en train de discuter.

Le sénateur Corbin: À moins que l'on convienne de procéder autrement.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, la seule motion dont nous sommes actuellement saisis, c'est celle portant troisième lecture. Le sénateur Nolin a parlé, puis le sénateur Robertson lui pose des questions. On nous a signalé qu'il y a peut-être d'autres motions.

Le sénateur Stewart: Le sénateur ne les a pas proposées.

Le sénateur Berntson: Mais si!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, étant empêché par d'autres obligations, j'arrive à la Chambre au milieu de la discussion. Cependant, je crois que le sénateur Nolin a proposé les amendements. N'est-ce pas?

Le sénateur Nolin: Oui.

Son Honneur le Président: Je vois un comotionnaire en la personne de l'honorable sénateur LeBreton. Je suppose que les amendements ont été proposés mais pas encore présentés au Sénat.

Si quelqu'un veut poser des questions au sénateur Nolin à propos de son discours, il peut le faire maintenant. Une fois que les amendements ont été présentés au Sénat, on peut certes faire des discours, mais pas poser des questions au sénateur Nolin.

Je crois savoir que nous avons jadis accepté qu'on propose une série d'amendements. À ce que je sache, aucune règle ni aucun précédent n'interdisent au sénateur Nolin de procéder ainsi. Néanmoins, cela pose un problème aux honorables sénateurs qui n'ont pas encore vu les amendements.

 

Franchement, cela représente un problème pour le Président, puisque je n'ai aucun moyen de savoir si les amendements sont recevables.

Sauf erreur, le sénateur Tkachuk entend proposer l'ajournement du débat dès que les amendements seront lus. Voudrait-on que je lise ces amendements? Le sénateur Tkachuk pourrait alors ajourner le débat. Nous pouvons examiner ces amendements pour voir s'ils sont conformes et les honorables sénateurs pourront juger de leur incidence.

Le sénateur Robertson: Puis-je poser d'autres questions?

Son Honneur le Président: Oui. Si l'honorable sénateur a d'autres questions à poser au sénateur Nolin, le moment convient parfaitement.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, pour poursuivre ma première interpellation, je présume que le sénateur Nolin participait aux auditions du comité quand ce projet de loi a été étudié.

Le sénateur Nolin: Oui.

Le sénateur Robertson: Y a-t-il eu un commentaire de la part de la ministre ou du gouvernement, selon lequel cette possibilité de concurrencer le secteur privé s'étendrait à d'autres ministères du gouvernement ou s'y appliquerait également?

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, nous avons posé la question à deux ministres. D'abord, nous avons posé la question au président du Conseil du Trésor avant même l'étude du projet de loi C-7. Il a répondu: «Non, la politique de notre gouvernement ne consiste pas à livrer concurrence au secteur privé.» Nous avons aussi posé la question à la ministre des Travaux publics. Elle a dit ce que je viens de lire: «Un ministère ne livre pas concurrence au secteur privé.»

Comme nous le savons, il arrive qu'un ministre dise une chose et que le ministère en dise une autre. Même si la ministre répète indéfiniment que le ministère n'a pas pour politique de livrer concurrence et qu'il n'entend pas le faire, la loi est la loi et le ministère a le droit de concurrencer. La ministre n'a pas dit que l'idée était de répandre cette attitude ni de changer d'attitude. Personne n'a modifié le Budget des dépenses principal; c'est écrit noir sur blanc. Le gouvernement veut revoir le mandat du ministère et sa façon de concevoir la prestation de services. Il convient que nous amendions le projet de loi pour que le ministère ne livre pas concurrence à un segment très solide de la base industrielle du Canada.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, pour faire suite aux observations du sénateur Nolin, je crois que nous devons vider cette question d'une manière ou d'une autre. Peut-être pourrions-nous entendre le témoignage du ministre au Sénat? Je songe au ministère du Solliciteur général. Par exemple, dans un établissement situé à Renous, dans ma province, le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent afin d'engager du personnel pour le travail du bois et la fabrication de produits finis. Tout ce qu'il a été possible de faire jusque tout récemment, c'est louer un bâtiment pour entreposer les produits, car il est interdit de les vendre et même de les donner à d'autres ministères, parce que ce serait livrer concurrence au secteur privé.

Le gouvernement va-t-il concurrencer le secteur privé, oui ou non? Il faudrait peut-être nous donner une réponse claire à ce sujet. Je vais me rendre à l'entrepôt et voir ce qu'il en est.

Il semble que le ministère des Travaux publics ne puisse pas être en concurrence avec le secteur privé. Il est impossible de vendre les produits des serres des prisons parce que ce serait faire concurrence au secteur privé. Que se passe-t-il donc? Si cela se fait dans un ministère, c'est que nous sommes en présence d'une politique fédérale entièrement nouvelle sur les transactions entre les ministères et le public.

J'ignore qui répondra à ces questions, mais quelqu'un doit répondre.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je ne prétends pas répondre à la place du gouvernement, mais je puis en tout cas vous dire ce que j'ai demandé à la ministre et ce que son sous-ministre a répondu. Il s'agit d'un témoignage convaincant. J'ai posé la question parce que le sous-ministre affirmait catégoriquement la position de son ministère en disant que la totalité des travaux de construction était confiée au secteur privé.

J'ai ensuite demandé au sous-ministre pourquoi l'escalier situé devant le Parlement et qui mène du Sénat à l'Édifice de l'Est avait été refait par son ministère et non par le secteur privé. Il s'agit bien d'un travail de construction. Il a répondu: «Je ne le savais pas.»

Il existe un problème. C'est un manque de confiance. Ils ne se font pas confiance les uns aux autres, mais ils doivent collaborer.

Si le gouvernement veut que les entreprises canadiennes tentent d'arracher des contrats pour construire le métro d'Ankara ou de Bangkok, il doit montrer au monde entier qu'elles font du bon travail pour l'État canadien. Il faut que les entreprises et le gouvernement collaborent et se fassent confiance, ce qui n'est pas le cas actuellement. Tel est le message que nous ont livré ces témoins au comité.

Le gouvernement a-t-il pour politique de ne pas livrer concurrence? Nous avons posé la question au président du Conseil du Trésor, et il a été incapable de répondre.

Le sénateur Robertson: Il vaut la peine de surveiller la situation.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Nolin, appuyé par l'honorable sénateur LeBreton, propose:

Que le projet de loi C-7 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié dans la version française, par adjonction, après la ligne 12 de ce qui suit:

« «ministre» S'entend du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.».

Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Nolin, appuyé par l'honorable sénateur LeBreton, propose:

Que le projet de loi C-7, au lieu de passer immédiatement en troisième lecture, soit modifié, à l'article 10, page 4, par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit:

« chef du Canada, si les dépenses, les services ou les travaux visent à l'achèvement d'un ouvrage public.».

Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Nolin, appuyé par l'honorable sénateur LeBreton, propose:

Que le projet de loi C-7, au lieu de passer immédiatement en troisième lecture, soit modifié, à la page 5, par:

a) substitution, à la ligne 28, de ce qui suit:

«16.(1) Le ministre peut exercer toute activité »;

b) substitution, aux lignes 37 et 38, de ce qui suit:

«tions ou des personnes, au Canada, qui le lui demandent.» ;

c) adjonction, après la ligne 38, de ce qui suit:

«(2) L'alinéa (1)b) n'autorise pas le ministre à fournir des services de génie ou d'architecture.»

Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Nolin, appuyé par l'honorable sénateur LeBreton, propose:

Que le projet de loi C-7 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié par substitution, à la ligne 22, page 23, de ce qui suit:

«62. En cas de sanction du projet de loi C-8»

[Traduction]

Honorables sénateurs, je le répète, comme la présidence n'a reçu aucun préavis de ces amendements, il lui est impossible de déterminer s'ils sont recevables ou comment ils s'intègrent au projet de loi.

 

Je suis cependant disposé à accepter la motion d'ajournement de l'honorable sénateur Tkachuk, étant entendu que nous devrons examiner ces amendements.

Cela étant entendu, est-on d'accord pour que l'honorable sénateur Tkachuk propose l'ajournement?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

 

Terre-Neuve

Les changements dans le système scolaire-
La modification de la Constitution-La motion d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fairbairn, appuyée par l'honorable sénateur Stanbury:

Attendu que l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée,

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification dela Constitution du Canada par proclamation deSon Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

 

ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION
DU CANADA

1. La clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada figurant à l'annexe de la Loi sur Terre-Neuve est abrogée et remplacée par ce qui suit:

«17. En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, le texte qui suit s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.

Dans la province de Terre-Neuve et pour ladite province, la Législature a le pouvoir exclusif d'édicter des lois sur l'enseignement, mais:

a) sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c), sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école; les droits des catégories de personnes qui se sont regroupées par un accord conclu en 1969 pour constituer un système scolaire unifié sont assimilés à ceux dont jouit une catégorie de personnes en application de la présente clause;

b) sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles:

(i) toute catégorie de personnes visée à l'alinéa a) a le droit de créer, maintenir et faire fonctionner une école soutenue par les deniers publics,

(ii) la Législature peut approuver la création, le maintien et le fonctionnement d'une école soutenue par les deniers publics, qu'elle soit confessionnelle ou non;

c) toute catégorie de personnes qui exerce le droit prévu au sous-alinéa b)(i) conserve le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école ainsi que d'y régir les activités académiques touchant aux croyances religieuses, la politique d'admission des étudiants et l'affectation et le congédiement des professeurs;

d) les écoles visées aux alinéas a) et b) reçoivent leur part des deniers publics conformément aux barèmes fixés par la Législature sur une base exempte de différenciation injuste;

e) si elles le désirent, les catégories de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause ont le droit d'élire une proportion d'au moins deux tiers des membres d'un conseil scolaire et une de ces catégories a le droit d'élire le nombre de membres de cette proportion qui correspond au pourcentage de la population qu'elle représente dans le territoire qui est du ressort du conseil.»

Titre

2. Titre de la présente modification : Modification constitutionnelle de année de la proclamation (Loi sur Terre-Neuve).

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella: Que la motion ne soit pas adoptée maintenant, mais renvoyée au comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots à ce sujet. Je sais qu'on discute du renvoi d'une résolution au comité plutôt que de la deuxième lecture d'une mesure, aussi vais-je tâcher de formuler mes réflexions sous forme de questions que le comité devrait examiner.

Une chose qui me préoccupe, c'est le principe fondamental d'après lequel on modifie la Constitution quand une minorité est en cause. Il me semble qu'on n'a pas besoin d'une Constitution si la majorité domine toujours. Une Constitution a pour raison d'être de protéger les droits de la minorité. Si une majorité de50 p. 100 plus une voix l'emporte n'importe quand, on n'a pas besoin de constitution. Une majorité de 50 p. 100 plus une voix à l'assemblée législative pourrait adopter toutes les mesures qu'elle voudrait.

Le comité devrait examiner, entre autres, la question de savoir si une protection existe pour un groupe minoritaire quand une majorité de 50 p. 100 plus une voix peut faire disparaître cette protection.

Il me semble que, si l'on veut modifier la Constitution pour ce qui concerne les droits de la minorité, on devrait tenir un référendum pour le groupe minoritaire visé et non pour toute la population. Si une modification proposée touchait aux droits des francophones ou des écoles ou de presque tout groupe qui a des droits spéciaux dans notre société, il semblerait logique de sonder l'opinion du groupe en question, et non de la population en général. Je voudrais que le comité se penche là-dessus.

Lorsqu'elle a présenté cette résolution, notre leader a dit que la clause 17 avait été modifiée en 1987 pour les Assemblées de la Pentecôte. Elle a aussi parlé d'une modification qu'on a apportée en 1993 au Nouveau-Brunswick concernant le statut de langue officielle. La motion dont nous sommes saisis n'a rien à voir avec la langue, mais si un processus similaire a servi, en fait, à modifier le statut de langue officielle du Nouveau-Brunswick, ne pourrait-on pas imaginer le contraire, à savoir une modification constitutionnelle qui modifie ou supprime un droit de la minorité de langue officielle? Autrement dit, si l'on peut modifier la Constitution pour accorder un droit à un groupe - ce qui semble être la chose à faire, de l'avis de tous - il me semble qu'on peut aussi, à l'inverse, modifier la Constitution pour priver un groupe d'un droit.

Comme on peut le lire à la page 563 des Débats du Sénat du6 juin, à peu près au milieu de la page, le sénateur Fairbairn a cité la clause 17 comme ceci:

[...] écoles recevront leur part desdits deniers conformément aux barèmes établis à l'occasion par la Législature, sur une base exempte de différenciation injuste, pour les écoles fonctionnant alors sous l'autorité de la Législature.

Qui décidera qu'une base est exempte ou non de différenciation injuste? Je voudrais que le comité fouille bien cette question. Beaucoup des injustices qui ont été commises dans le passé contre des minorités l'ont été par des Parlements et des groupes qui croyaient appliquer une règle juste. Très souvent, la règle est formulée de façon à paraître équitable, mais se révèle fort discriminatoire à l'égard d'un groupe donné.

Dans l'Ouest, on se sert des impôts fonciers pour financer l'éducation - une mesure rétrograde, à mon avis, qui fait néanmoins partie du système. Une des raisons pour lesquelles on se sert des impôts fonciers pour financer l'éducation en Alberta et, dans une moindre mesure, dans d'autres provinces, c'est que, lorsque le système d'éducation a été établi dans l'Ouest après la question du Manitoba, les parents et d'autres intervenants du secteur ne faisaient pas confiance au Parlement. Ils décidèrent de financer les écoles à même leurs impôts fonciers afin de ne pas avoir à craindre que le Parlement adopte une loi néfaste.

Je crois comprendre que les écoles ne sont pas financées à partir des impôts fonciers à Terre-Neuve. Tout le financement des écoles provient directement du gouvernement central. Par conséquent, les impôts fonciers ne servent pas à contrebalancer les décisions de l'assemblée législative; l'assemblée législative est l'autorité suprême en matière de financement de l'éducation. Par conséquent, tout préjudice attribuable à la façon dont l'assemblée législative distribue l'argent ne peut être réparé par les impôts fonciers. De plus, comme les propriétaires fonciers et les parents n'ont pas à financer directement les écoles, ils ont moins tendance à s'intéresser au système scolaire.

Cela m'inquiète un peu. Je sais que l'assemblée législative est toujours censée être l'autorité suprême, mais il devrait peut-être y avoir un organisme de surveillance ou quelqu'un comme un ombudsman, qui pourrait donner son avis sur ces questions, avis qui ne lierait pas l'assemblée législative, mais qui lui signalerait que ses décisions en matière de financement ne sont peut-être pas équitables. J'aimerais que le comité se penche sur cette question.

L'autre question qui me préoccupe a trait à la tendance moderne - je parle, ici, plus en tant que philosophe - au fait que nous semblons nous diriger davantage vers un modèle d'éducation monolithique dans l'espoir de produire un peu comme General Motors. L'usine devient de plus en plus grande, nous avons de plus en plus d'enseignants, des écoles de plus en plus immenses, et cela est censé nous aider à fabriquer un meilleur produit. Je ne pense pas toutefois que nous possédions de preuves à cet égard. Je voudrais que le comité examine aussi cet aspect de la question.

Le fait est qu'il faut essayer d'accroître l'efficacité du système d'éducation. Il n'est pas certain que nos grandes usines d'aujourd'hui produisent des élèves plus instruits que ne le faisaient les anciennes écoles de rang et la philosophie pluraliste de l'époque. Peut-être nous dirigeons-nous dans la mauvaise direction. Au XXIe siècle, nous voudrons un système où l'on enseignera aux enfants comment penser et approfondir les choses plutôt que le système actuel qui produit des plombiers, des soudeurs et des ingénieurs. Autrement dit, l'éducation de l'avenir pourrait consister moins à inculquer une formation pratique aux élèves et davantage à leur montrer à penser.

Notre civilisation, avec ses inventions, que ce soit en cybernétique, en informatique ou en d'autres domaines, progresse si vite que nous devons d'abord apprendre aux élèves comment penser, ce qui pourrait se faire dans des établissements plus petits plutôt que dans de grandes usines. La raison d'être de cette motion semble être l'établissement d'un système plus grand, plus efficient, ce qui n'est peut-être pas la meilleure façon d'aborder l'éducation.

J'entends sans cesse l'analogie des autobus scolaires surchargés et des autobus scolaires pas assez chargés. J'ai souvent vu cela dans des régions que j'ai représentées pendant20 ans. Je ne suis pas convaincu que nous devrions tenter de nous débarrasser d'un système pluraliste. En d'autres termes, ce système est-il si mauvais? Les gens disent sans cesse qu'il y a sept ou huit systèmes différents. Et alors? Pendant de nombreuses années, au Royaume-Uni, il y a eu une multitude d'écoles dites publiques, qui étaient en réalité des écoles privées au sein du système public. Rien ne prouve, par conséquent, qu'un système d'éducation monolithique garantissant que tous les élèves vont et viennent efficacement dans un seul gros autobus constitue nécessairement un bon système d'éducation.

 

L'une des raisons de l'existence du Sénat est la protection des droits des minorités. C'est une des raisons, je suppose, pour lesquelles nous sommes nommés plutôt qu'élus. S'il est une chose qui pourrait convaincre la génération actuelle et les générations futures de l'utilité du Sénat, c'est la position qu'il prend sur la défense des droits des minorités, qu'elles soient religieuses, raciales, homosexuelles ou autres. La majorité peut prendre soin d'elle-même.

J'ai l'impression que la question qui a été posée à la population de Terre-Neuve et du Labrador était aussi compliquée que celle de M. Bouchard sur la souveraineté-association, voire davantage. Je ne crois pas que chacune des minorités a pu décider si elle voulait renoncer à ses droits. Nous interprétons globalement les résultats comme une volonté de changement. Je ne pense pas que les droits des minorités devraient être enlevés à celles-ci au moyen d'une question posée à l'ensemble de la population. Le comité pourrait peut-être envisager la possibilité de tenir un référendum dans chaque minorité sur la question de savoir si celle-ci accepte de renoncer à ses droits en échange de ce qui est offert, plutôt que de poser une question globale à tout le monde.

L'honorable Gerald R. Ottenheimer: Honorables sénateurs, je veux tout d'abord féliciter les autres sénateurs qui ont participé au débat. La question a été abordée avec sérieux, et c'est tout à l'honneur de cette institution et de ceux qui en font partie. Honorables sénateurs, il est évident, et cela risque de le devenir encore plus, qu'il s'agit d'une question à propos de laquelle les gens peuvent sincèrement et honnêtement avoir des opinions qui diffèrent, mais qu'ils défendent avec autant de conviction.

Il n'est pas fréquent que le Sénat ou toute assemblée législative doive se prononcer comme on nous demande de le faire. J'ai travaillé au sein d'assemblées législatives pendant une trentaine d'années. J'ai passé la majeure partie de ce temps à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, dans l'opposition, au sein du parti ministériel et, brièvement, à la présidence. Je suis au Sénat depuis environ huit ans et j'y ai représenté le parti ministériel comme celui de l'opposition. Je ne me souviens pas d'avoir déjà été saisi d'une telle question. Il y a eu d'autres modifications constitutionnelles qui visaient à conférer des droits, mais la question dont nous sommes actuellement saisis est quelque peu différente.

Il est essentiel que nous dégagions clairement les effets précis de la motion. Les deux côtés du Sénat ont convenu que la question devait être renvoyée au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Le comité devra étudier différentes questions, mais il est capital qu'il aille au fond des choses.

Même ceux qui préconisent la modification admettent qu'elle aura des effets sur les droits des minorités. C'est évident. Il est également évident que les minorités touchées n'ont pas donné leur consentement. Deux groupes minoritaires terre-neuviens seront touchés. La mesure aura des conséquences sur les droits des minorités accordés en 1949 par le renvoi constitutionnel des conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada et par le renvoi constitutionnel de 1987, lorsque les droits de l'une des minorités, qui risquaient d'être modifiés sans le consentement de cette minorité, ont été confirmés et appuyés à l'unanimité par le Sénat.

Il faut que tous sachent sans l'ombre d'un doute de quoi il retourne. Bien sûr, on peut parler d'éducation, de la qualité de l'éducation, du transport scolaire et du nombre idéal d'écoles et de conseils scolaires. On peut comparer le système scolaire de Terre-Neuve à celui de l'Ontario ou d'ailleurs. On peut, et peut-être le doit-on, se pencher sur un certain nombre d'autres questions connexes intéressantes. Cependant, le coeur de la question, ce sont les droits des minorités et la motion vise à modifier les droits de deux groupes minoritaires sans leur consentement.

Il y a une question essentielle que ce comité sénatorial doit se poser et que nous tous, collectivement et individuellement, devons nous poser, et c'est la suivante: dans quelles circonstances convient-il de modifier les droits des minorités consacrés dans la Constitution sans le consentement de ces minorités? C'est la question que nous devons nous poser. C'est ce sur quoi, j'espère, le comité saura nous conseiller.

Y a-t-il des circonstances où il convient de modifier les droits des minorités, reconnus dans la Constitution, sans le consentement de ces minorités? Peut-être que oui; je ne sais pas. S'il y en a, je voudrais bien savoir lesquelles. Je ne crois pas que nous puissions jouer avec les droits des minorités consacrés dans la Constitution. Nous devons savoir quelles sont ces circonstances.

J'ai lu très attentivement les discours prononcés par le ministre de la Justice à la Chambre des communes et par le sénateur Fairbairn au Sénat lors de la présentation de cette modification.

Je me demande si le gouvernement et ceux qui prônent l'adoption de cette modification, reconnaissant qu'elle touche les droits des minorités, ne devraient pas nous dire quelles sont les circonstances où ils estiment qu'il convient de modifier les droits des minorités. Il est difficile de trouver, dans les discours des représentants du gouvernement dans les deux Chambres, cette information, ce jugement de valeur, cette approche et cette philosophie en ce qui concerne les droits des minorités.

 

J'ai essayé de le faire, mais ce n'est qu'un effort personnel et une interprétation personnelle, et je ne veux pas donner ma propre interprétation aux initiatives venant d'autres personnes. Il sera important et même nécessaire que nous examinions cette question précise.

Lorsqu'on examine la philosophie du gouvernement ou la raison qui le pousse à prôner l'adoption de cette résolution dans les discours prononcés par les ministres dans les deux Chambres - et je regarde d'abord celui prononcé à la Chambre des communes par le ministre de la Justice dans le hansard du vendredi 31 mai 1996 -, on peut trouver certains indices. Un certain nombre de questions périphériques sont mentionnées, puis on laisse entendre qu'il faut procéder par induction pour essayer de répondre à la question concernant les circonstances où il convient pour le gouvernement d'agir.

Voici ce qu'a dit le ministre de la Justice:

Nous avons examiné la clause 17 actuellement en vigueur et les modalités d'organisation et d'administration qu'elle prévoit relativement aux écoles confessionnelles de Terre-Neuve. Nous avons tenu compte du fait que les modalités sont surannées et qu'elles datent d'une époque depuis longtemps révolue.

Je n'insinue pas que le ministre dit que c'est le cas, mais c'est en partie le raisonnement qu'il tient. Dans un certain sens, c'est un peu comme au tir. On vise différentes cibles et l'objectif principal, c'est-à-dire la modification des droits des minorités sans consentement, est peut-être évoqué sous le couvert de circonstances dans lesquelles un changement doit être fait. Les modalités sont-elles vraiment «surannées» et datent-elles vraiment «d'une époque depuis longtemps révolue»? Les Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada ont été modifiées en 1949...

Le sénateur Murray: Et en 1987.

Le sénateur Ottenheimer: ...et en 1987 pour ajouter une autre minorité et ces modifications ont été adoptées à l'unanimité au Sénat. Personne n'a dit: «Ce sont des modalités complètement surannées. Nous faisons cela provisoirement. Nous reconnaissons les pentecôtistes et nous reconnaissons leurs droits dans la Constitution, mais provisoirement». On avance l'argument que ce sont des mesures surannées et qu'elles datent d'une époque depuis longtemps révolue, mais même si cela remonte à 1949, ce n'est pas une époque si lointaine. Ou alors, nous sommes tous «surannés»! L'article 93 de la Constitution remonte à 1867. Est-ce suranné? Date-t-il d'une «époque depuis longtemps révolue» et sa valeur ou son intégrité s'en trouve-t-elle par conséquent amoindrie? Est-ce la date ou la base sur laquelle les droits d'une minorité ont été reconnus dans la Constitution qui détermine la pérennité d'une telle mesure?

Le fait que le ministre estime que les modalités sont surannées et qu'elles datent d'une époque depuis longtemps révolue, ne veut pas dire grand-chose. Il s'agit en fait d'une déclaration ambiguë. Si 1949 et 1987 sont des époques depuis longtemps révolues, que dire des gens dont les droits ont été reconnus dans la Constitution en 1987 et qui vont en être privés neuf ans plus tard? On ne peut pourtant pas dire que la reconnaissance constitutionnelle s'était faite dans un tollé de protestations; tout le monde estimait que c'était juste et bien. Non seulement les Terre-Neuviens, mais aussi les Canadiens, doivent certainement se demander: que signifie l'inscription des droits d'une minorité dans la Constitution? Est-elle sacro-sainte?

Le ministre a ajouté:

Nous avons pris en considération les arguments que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a fait valoir à propos du coût et de la qualité de l'éducation, en conformité des conditions prévues dans l'accord constitutionnel de 1949. Nous avons aussi examiné d'autres questions, outre les coûts et la modernité du système scolaire.

Le ministre faisait référence à la qualité de l'éducation à Terre-Neuve. On est amené à conclure que quelque chose fait en sorte que la qualité de l'éducation à Terre-Neuve est sensiblement différente ou moindre qu'ailleurs au Canada.

Le ministre a par la suite ajouté qu'après les changements constitutionnels,

[...] les circonstances à Terre-Neuve et au Labrador seront grosso modo comparables à celles d'autres provinces canadiennes en matière d'écoles confessionnelles.

Dans quelle mesure est-il nécessaire ou souhaitable que les conditions soient grosso modo comparables à celles d'autres provinces canadiennes? Le chroniqueur du Globe and Mail de Toronto écrivait il y a quelques jours que si ces changements sont apportés, le système d'éducation à Terre-Neuve ressemblera davantage au système d'éducation de l'Ontario.

L'éducation relève des provinces. Terre-Neuve avait un système d'éducation avant son entrée dans la Confédération. On a fait preuve d'une certaine condescendance au sujet des mesures à prendre à son endroit.

On me permettra de lire un extrait du discours de la députée de Mississauga-Ouest à la page 3296 du hansard du 3 juin 1996:

Des craintes injustifiées au sujet d'un avenir incertain ne devraient pas nous empêcher de voir la situation actuelle. Les enfants de Terre-Neuve et du Labrador, quelle que soit leur religion, ont désespérément besoin de notre soutien avant qu'un changement vraiment efficace ne se produise. Aucun petit enfant de six ans ne devrait être obligé de voyager pendant des heures en autobus, en passant devant trois ou quatre écoles, pour se rendre à celle qui l'acceptera. Tous les enfants de Terre-Neuve devraient pouvoir fréquenter l'école la plus proche de chez eux et bénéficier d'un enseignement de qualité.

L'éducation est une matière de responsabilité provinciale à Terre-Neuve comme dans toute autre province. Nous n'acceptons pas d'être un protectorat du gouvernement canadien dans ce domaine. L'usage international voulait qu'un peuple qui était considéré comme ne s'occupant pas suffisamment de ses propres affaires...

 

Son Honneur le Président: J'ai le regret, sénateur, de vous dire que les 15 minutes dont vous disposiez sont écoulées. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Ottenheimer: Oui.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Ottenheimer: Nous n'acceptons pas le statut de protectorat quant à l'éducation. Nous n'acceptons pas que les préoccupations des habitants de Terre-Neuve, y compris des enseignants, des conseils scolaires et des Églises, n'aient pas la même valeur que les préoccupations de leurs homologues des autres provinces.

Ce n'est pas une question d'éducation. Néanmoins, puisqu'on a en a fait si grand cas, j'en parlerai. Dans de nombreux domaines - ratio élèves-maître, programme d'enseignement, et délivrance de brevets d'enseignant -, le gouvernement de Terre-Neuve a un contrôle total, le même contrôle que les autres gouvernements.

Récemment, un accord-cadre est intervenu sur lequel je reviendrai plus tard, car on m'a dit que certains éléments de l'accord ne sont pas aussi solidement «encadrés» qu'ils l'étaient. Cet accord prévoyait, en ce qui concerne le transport par autobus des écoliers, qu'il y aurait un système de transport scolaire - autant que je sache, cela tient; qu'il y aurait une réduction du nombre de conseils scolaires qui serait ramené de 27 à 10 - autant que je sache, cela tient; que la majorité de ces conseils seraient interconfessionnels.

Si les participants ont relevé des problèmes dans ces domaines qui ont fait l'objet d'un accord substantiel, si d'autres discussions et d'autres négociations sont nécessaires, alors il faut examiner ces problèmes et avoir d'autres discussions et d'autres négociations. D'un point de vue bureaucratique, c'est très gentil qu'un gouvernement dise qu'il y a eu assez de discussions et de négociations, qu'il a traité avec l'autorité, qu'il a été décidé que les choses se feraient ainsi et que c'est ainsi qu'elles se feront. Cependant, à notre époque, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Nous ne pouvons examiner cette question d'un point de vue bureaucratique. Nous devons l'examiner d'un point de vue socio-politique, du point de vue de la société et du point de vue de la diversité des opinions des habitants de ce pays et des diverses provinces.

Cela ne veut pas dire que les habitants de Terre-Neuve, les participants au système d'éducation de Terre-Neuve, les Églises de Terre-Neuve et le gouvernement de Terre-Neuve n'ont pas la capacité, la bonne volonté et la détermination nécessaires pour concevoir un système qui fonctionne. Ce système peut ne pas être parfait du point de vue de tout un chacun. Je ne parle pas de perfection objective, que l'on n'atteint que rarement, ou de ce que le gouvernement pourrait considérer comme idéal ou encore de ce que certaines minorités pourraient considérer comme idéal. Il est probable qu'aucun de ces groupes n'obtiendra satisfaction à toutes ses demandes. Je ne veux pas laissser entendre non plus que les habitants de Terre-Neuve sont moins sensibles aux besoins, que les responsables de l'éducation dans cette province, y compris les Églises, sont moins sensibles aux besoins ou moins conscients de leurs responsabilités, qu'ils s'acquittent moins bien de leurs responsabilités envers le public que leurs homologues ailleurs au Canada. Je ne pourrais pas accepter cela. Cela signifierait qu'il existe une lacune inhérente dans le caractère de Terre-Neuve et des responsables de son système d'éducation, une lacune qui empêche ces gens de parvenir à un accord pratique et de s'acquitter de leurs responsabilités envers le public.

Je ne pourrais pas accepter cela davantage que je n'accepte le fait que, pour améliorer le système d'éducation de Terre-Neuve, il faut que le Parlement du Canada nie les droits des minorités ou les modifie sans leur consentement.

Notre province est égale aux autres sur le plan des pouvoirs qu'elle possède et des responsabilités qu'elle assume.

J'apprécie la patience des honorables sénateurs, et j'essaierai de résumer les autres points que je veux faire valoir. Comme beaucoup d'entre nous, je me laisse emporter quand il est question d'éducation.

L'élément fondamental qui nous occupe consiste à savoir dans quelles circonstances, le cas échéant, les droits des minorités prévus par la Constitution peuvent être modifiés sans leur approbation. Après avoir relu le discours de la ministre, j'ai constaté que certains éléments n'avaient qu'une valeur accessoire. Je dirais que la qualité de l'éducation est importante en soi, mais que, dans ce contexte, ce n'est pas de cela qu'il est question, ni du caractère suranné du système, ni de l'idée que ces modifications rapprocheraient notre système du système canadien ou transcanadien.

L'élément clé est donc le précédent. Je crois que c'est le point dont le comité tiendra compte. La réponse à ma question est-elle qu'une mesure de la sorte est permise si elle ne crée aucun précédent qui pourrait avoir un impact sur les autres provinces en matière de droits à la confessionnalité ou de droits linguistiques? Est-ce que c'est ce qu'on présume?

Le leader du gouvernement au Sénat a déclaré:

La clause 17 garantit les droits de plusieurs groupes minoritaires qui forment ensemble plus de 95 p. 100 de la population de la province. Contrairement à ce qu'on voit dans les autres provinces, il n'y a pas de groupe confessionnel majoritaire à Terre-Neuve et au Labrador.

Malgré tout le respect que je dois à la ministre, je crois que cette déclaration commande quelques commentaires. De tous les gens dont les droits seront touchés, 7 p. 100 sont des pentecôtistes et 37 p. 100 sont des catholiques romains. Ces deux groupes représentent donc 44 p. 100 du total. Il y a peut-être 4 ou 5 p. 100 de la population qui n'appartient à aucune religion. Il reste donc 51 p. 100 des gens. Il y a quelque temps, plusieurs confessions, soit les Églises anglicane, unie et presbytérienne et l'Armée du Salut, se sont rencontrées et ont convenu librement de consolider leurs efforts et de créer le conseil scolaire intégré.

Il faut environ 51 p. 100 pour constituer une majorité. Je le souligne, car la définition de ce qu'est une majorité varie. En Ontario, on peut manifestement dire que les catholiques romains sont minoritaires et les protestants majoritaires. Cependant, on peut aussi répartir les autres entre les Églises méthodiste, anglicane, presbytérienne, l'Armée du Salut et ainsi de suite et affirmer alors que toutes ces religions sont minoritaires. Tout cela dépend du point de vue.

Peu importe que l'on considère ou non comme des minorités ceux qui ne s'opposent pas à cette violation des droits des minorités, cela ne change rien au fait que deux minorités voient leurs droits aliénés sans leur consentement.

 

Ensuite, le ministre de la Justice disait que, indépendamment des circonstances particulières de Terre-Neuve et du Labrador, certaines personnes craignent que, si nous donnons suite à cette affaire, nous n'établissions un précédent d'intervention du gouvernement national, en collaboration avec le gouvernement provincial, dans la participation des confessions à l'éducation dans une province, un précédent qui mettrait en danger l'enseignement religieux ailleurs. Il montrait ensuite que la situation de Terre-Neuve est unique.

Les deux phrases du ministre de la Justice qui suivent ont été citées par le leader du gouvernement au Sénat:

Pour pouvoir parler de précédents, il faudrait que les faits et les principes en cause soient les mêmes. Je voudrais dire qu'il serait difficile de trouver un jour dans une autre province des principes et un contexte identiques.

Honorables sénateurs, un contexte identique est possible, mais des principes identiques, je ne sais pas.

Lorsque l'on parle de précédent, il faut se demander si c'est un précédent en termes de droits confessionnels dans d'autres domaines de compétence ou si cela toucherait aussi les droits des minorités linguistiques. J'ai déjà dit que ceux-ci étaient protégés par la Charte. Il y a une façon particulière de les modifier mais, comme le sénateur Murray le faisait remarquer lors du débat du premier jour, certaines de ces questions sont proches des droits linguistiques. En ce qui concerne leur exercice, ils dépendent d'ententes bilatérales.

Honorables sénateurs, la question est celle-ci: est-ce dans un certain contexte qu'il est permis de modifier les droits des minorités sans leur consentement, pourvu que cette modification ne crée pas de précédent pour les droits confessionnels dans d'autres domaines de compétence ou à l'égard des droits des minorités linguistiques ou de leur application dans une province en particulier? C'est une considération importante. La population des autres provinces du Canada voudrait savoir dans quelle mesure une telle modification pourrait influer sur leurs droits confessionnels. Les personnes appartenant à des minorités linguistiques voudraient savoir dans quelle mesure elles pourraient être touchés par un accord bilatéral qui influerait sur l'exercice - non pas la formulation théorique - de leurs droits linguistiques de minorité.

Honorables sénateurs, il est important que la population canadienne sache l'impact éventuel d'un tel précédent. Mais, à mon avis, on ne peut pas s'arrêter à ce seul critère. Même s'il est établi - et je doute que cela puisse être établi hors de tout doute raisonnable - qu'on ne saurait affecter, sans leur consentement, les droits des minorités de Terre-Neuve sans affecter ceux des autres, droits qui ont été inscrits dans la Constitution, serait-ce que les droits des Terre-Neuviens soient moins valables et aient moins besoin d'être protégés que les droits des minorités d'ailleurs?

J'espère que le comité se penchera sur la question. Son avis nous sera peut-être précieux.

De quoi s'agit-il? Si j'ai raison de dire que cela concerne les droits des minorités et que la modification de la clause 17 va affecter, sans le consentement de la minorité de Terre-Neuve, les droits des minorités inscrits dans la Constitution, eh bien, je trouve que c'est une question légitime.

Dans quelles circonstances cela peut-il être fait? Si on répond que cela peut se faire et que le gouvernement du Canada saisit le Parlement de cette résolution pour diverses raisons, il faut savoir que ce n'est pas pour assurer la qualité de l'éducation. Nous ne sommes pas un protectorat. Les Terre-Neuviens qui s'occupent de l'enseignement ont autant le sens des responsabilités que n'importe qui d'autre ailleurs. Ce n'est donc pas pour cette raison. Ce n'est pas davantage parce que le système est suranné. 1949 et 1987, ce n'est pas si loin que ça.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas de se demander si cette proposition va affecter d'autres provinces, là n'est pas la question. Même si elle n'affecte pas les autres, même si elle ne touche que les minorités de Terre-Neuve, les droits de cette minorité ne peuvent et ne doivent pas être subordonnés aux répercussions que ce changement pourrait avoir ailleurs.

Honorables sénateurs, il nous faut des réponses à ces questions. Dans quelles circonstances le gouvernement du Canada estime-t-il qu'il peut toucher, sans leur consentement, les droits des minorités qui sont inscrits dans la Constitution?

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Ottenheimer voudrait-il répondre à une question?

Le sénateur Ottenheimer: Certainement.

Le sénateur Bryden: La question porte sur la déclaration du sénateur selon laquelle ce qu'on entend par minorité est une question de choix. Ma question concerne les 4 p. 100 ou 5 p. 100 de personnes dont l'honorable sénateur a parlé - celles qui n'ont pas droit à des systèmes d'enseignement confessionnel à Terre-Neuve. Si une famille musulmane, juive ou autochtone ne fait partie d'aucune des confessions de Terre-Neuve, comment ses droits à l'enseignement seront-ils protégés? Croyez-moi, je ne veux pas revenir au point de départ, mais comment sont protégés les gens qui, en toute bonne foi, ne veulent pas que la conscience de leurs enfants soit touchée par la religion au cours de leurs années formatrices? Comme la religion est protégée, ne devrions-nous pas, à un moment donné, songer à présenter une modification comme celle de 1987 pour protéger, par exemple, la poignée de juifs qui habitent Terre-Neuve, afin de leur accorder le même droit que les pentecôtistes ont obtenu en 1987?

Le sénateur Ottenheimer: La question du sénateur est intéressante et valable. De toute évidence, il y a probablement des athées et des agnostiques parmi les 3 ou 4 p. 100 de Terre-Neuviens qui ne font pas partie de la confession chrétienne. Ils composent peut-être la plus grande part de ces 4 p. 100. Il y a des familles juives à Terre-Neuve. Il y a également quelques familles musulmanes et, aussi, je crois, quelques familles hindoues et bouddhistes. Terre-Neuve n'a jamais été une région où l'immigration était très forte. C'est plutôt le contraire qui s'est produit. Tout ce que je peux répondre au sénateur, c'est que cela n'a jamais posé de problème par le passé.

 

Il n'y a pas un enfant à Terre-Neuve à qui l'on ait refusé l'instruction à cause de sa religion ou du fait que ses parents étaient agnostiques ou non chrétiens. Je suis d'avis que la plupart des enfants fréquentent tout simplement l'école du voisinage. Il n'est pas question ici d'un grand nombre de personnes, mais bien d'une forte proportion d'un petit nombre de personnes qui habitent un milieu urbain. Ces gens choisissent l'école où ils veulent envoyer leurs enfants. Je n'ai jamais entendu dire qu'une école de Terre-Neuve avait refusé un enfant à cause de son appartenance ou de sa non-appartenance à une religion. J'ignore si cela s'est déjà produit.

Depuis des décennies, des familles juives s'instruisent dans la province et, depuis quelque temps, c'est probablement le cas d'un grand nombre de familles agnostiques et d'un petit nombre de familles musulmanes ou hindouistes. Il n'y a jamais eu de problème et j'imagine mal qu'un problème survienne. On comprend que ces élèves sont exemptés de l'enseignement religieux ou des activités de la pratique religieuse.

À Terre-Neuve, des centaines d'enfants vivent dans un endroit où il n'y a pas d'école de leur confession. Ils fréquentent alors une école intégrée. Des centaines d'enfants de confessions différentes vivent dans des endroits où il n'y a pas d'école intégrée ni d'école confessionnelle appropriée. Ils fréquentent alors les écoles catholiques romaines ou anglicanes, ou encore celles de l'Armée du salut. Il est toujours entendu que ces élèves n'ont pas à prendre part à l'enseignement religieux ou à la pratique de la religion. Cette exemption est également accordée aux enfants dont les parents sont agnostiques ou de foi non chrétienne.

Cela n'a jamais soulevé le moindre problème. Nous reconnaissons qu'il faut respecter aussi ces droits.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire du genre devinette à poser à l'honorable sénateur. Combien de personnes d'une confession ou d'une minorité religieuse faut-il pour constituer une minorité reconnaissable? Le sénateur Beaudoin essaiera peut-être lui aussi de résoudre ce problème.

Si une famille musulmane s'adressait à la Cour suprême en invoquant la Constitution pour faire respecter ses droits dans la situation telle qu'elle se présente actuellement, sans aucune modification, il serait intéressant de voir comment le tribunal réagirait. Le sénateur Ottenheimer a dit que jamais un élève ne s'était vu refuser un service religieux ni n'avait été obligé d'y participer, mais il y a toutes sortes de lois qui disent que le fait même de retirer un enfant de son milieu habituel pour qu'il ne participe pas à une classe de religion peut être considéré discriminatoire en soi.

C'est peut-être une question pour la forme. L'honorable sénateur est libre d'y répondre ou non.

Comme vous le savez, je représentais autrefois l'association des enseignants de Terre-Neuve. Vous avez peut-être raison de dire que jamais un élève ne s'est vu refuser un service religieux, mais il est certainement vrai que des conseils scolaires ont refusé d'embaucher ou de garder à leur emploi des enseignants qui n'adhéraient pas à la religion du conseil scolaire.

Le sénateur Ottenheimer: Pour commencer par la fin, oui, cela est déjà arrivé. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec ça. Cela est arrivé, mais cela s'est vu également dans d'autres coins du pays que Terre-Neuve.

Quant à la première partie de la question, aucune disposition de la loi actuelle n'interdit au gouvernement de Terre-Neuve d'établir des écoles publiques ou, si vous préférez, neutres, sans absolument aucune affiliation à quelque confession que ce soit. Rien ne l'interdit.

Je suppose que si le nombre des élèves était suffisant pour qu'il y ait une école viable, on pourrait très bien avoir une école publique neutre pour les gens qui n'adhèrent pas aux autres religions. Même si leur nombre est faible, leurs droits n'en sont pas moins importants. Les droits n'ont rien à voir avec l'arithmétique.

Encore une fois, je suppose que la seule réponse que je puisse donner, c'est que si cette famille s'adressait aux tribunaux, ces derniers devraient évidemment définir en quoi consistent exactement ses droits. Les autres parties, qu'il s'agisse de l'État ou d'autres conseils scolaires, devraient agir en se conformant à la décision des tribunaux. Cela n'est jamais arrivé.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si le sénateur Rompkey prend la parole, son intervention mettra fin au débat.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à féliciter le sénateur Ottenheimer qui a prononcé un discours très bien réfléchi. Il a soulevé de nombreuses questions. Je suis sûr que nous ne nous entendrons pas sur certaines réponses qui lui seront fournies, mais je le félicite pour son discours réfléchi.

Plus je siège au Sénat, plus je suis impressionné non seulement par le niveau des interventions, mais aussi par le ton des débats. Je tenterai de respecter ces critères.

Je sais que les sénateurs étudient cette question très attentivement. Sur ce point, je partage l'avis du sénateur Ottenheimer. Je sais que tous les sénateurs examinent de près cette question, comme il se doit d'ailleurs. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif, et non une simple Chambre d'enregistrement.

Personne ne s'attend à ce que le Sénat adopte les projets de loi à l'aveuglette, même si la mesure législative provient d'une province et si l'éducation est un domaine de compétence provinciale. À mon avis, les parlementaires ne devraient jamais entériner automatiquement des mesures législatives sans s'arrêter pour y réfléchir. Nous avons tous des positions. J'espère que nous pourrons convaincre la majorité des sénateurs de voter en faveur de ce projet de loi, que je considère très important. Je dirais même qu'il est urgent.

Je comprends également que les sénateurs veuillent examiner par le menu ce projet de loi. Je suis heureux de savoir que la mesure législative sera renvoyée à un comité. J'espère que le comité pourra entendre toutes les parties, tous les points de vue, et tenir des discussions approfondies.

Les sénateurs peuvent avoir du mal à comprendre à quel point le système de Terre-Neuve est unique, comme le sénateur Ottenheimer nous l'a déjà signalé. Aucune autre région du pays n'a le même système d'administration des écoles que Terre-Neuve. À ma connaissance, aucune autre région n'a eu par le passé ou n'a à l'heure actuelle un système similaire. Ce que je veux dire, c'est que chacune des confessions religieuses a le droit d'administrer des écoles et d'obtenir à cette fin des fonds publics, droit qui est consacré dans la Constitution et dans la loi. Ailleurs, il se peut que les confessions religieuses aient le droit d'administrer des écoles, mais je ne crois pas qu'elles aient le droit, garanti dans la Constitution, de puiser dans les fonds publics à cette fin. Voilà le droit qui est modifié.

Le sénateur Ottenheimer demande quels droits on modifie. Est-il acceptable de modifier des droits sans le consentement des intéressés? Laissons un instant la question de côté pour préciser quels droits sont modifiés et quels droits ne le sont pas.

Voyons d'abord les droits auxquels rien n'est changé. Il est important que la clause 17 figure dans le compte rendu:

17. a) sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c), sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics;

Voilà ce que dit la clause 17.

 

toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école...

L'alinéa a) parle simplement des activités et de la pratique religieuses, qui demeureront un droit, de toute évidence.

Je ne suis pas juriste, mais on me dit que le libellé del'alinéa 17 b) est correct.

Voici ce passage:

b) sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles:

i) toute catégorie de personnes visées à l'alinéa a) a le droit de créer, maintenir et faire fonctionner une école soutenue par les deniers publics...

Il y a toujours eu des écoles catholiques à St. John's, et il me semble que cette clause dit qu'il y aura encore à l'avenir des écoles catholiques à St. John's, et que les catholiques auront le droit de faire fonctionner ces écoles. Ils auront non seulement le droit à la pratique religieuse, mais aussi le droit de recevoir des fonds publics pour leurs écoles. Voilà ce qui est dit. Ce droit est maintenu.

Quel droit disparaît? Le droit automatique de toute Église à faire appel de la même manière aux fonds publics. Ce droit disparaît, il est changé. Je ne crois pas qu'il existe ailleurs au Canada. Nulle part ailleurs une Église chrétienne n'a automatiquement le droit de faire appel aux fonds publics. Voilà ce qui change.

Je veux faire part de mon expérience personnelle aux sénateurs. Avant de décider, dans un moment de faiblesse, de briguer les suffrages, j'étais directeur des études. J'étais directeur d'école au Labrador et directeur des études au Labrador, et je travaillais pour un conseil scolaire qui relevait du système intégré. Celui-ci se composait de l'Armée du Salut, de l'Église unie et de l'Église anglicane. Ces trois Églises, ces trois confessions religieuses chrétiennes, décidèrent de mettre leurs ressources en commun pour former un collectif et fonctionner comme une unité. Si je voulais construire une école au Labrador, je ne m'adresserais pas au gouvernement de Terre-Neuve, mais bien au comité de l'enseignement confessionnel, à St. John's, qui représente l'Église anglicane, l'Armée du Salut et l'Église unie, et je lui demanderais de l'argent pour construire une école.

Honorables sénateurs, sur la côte du Labrador, dans la localité de Hopedale, il y a à l'heure actuelle une école qui, à mon avis, est une honte et devrait être immédiatement remplacée. Il s'agit d'une école principalement inuit, et cela soulève un autre point intéressant. Si le conseil intégré avait besoin d'argent pour remplacer cette école, il lui faudrait s'adresser non pas au gouvernement, mais au comité de l'enseignement confessionnel dirigé par les Églises, à St. John's.

On ne touche pas au droit d'avoir des célébrations religieuses ni même d'exploiter des écoles confessionnelles à même les fonds publics, là où le nombre le justifie. On remplace le droit de regard automatique des Églises chrétiennes sur les fonds publics par un certain droit de regard du gouvernement.

Je voudrais parler d'un exemple plus récent de ce que j'entends par double emploi et par le recours automatique aux deniers publics, et cela concerne le financement des écoles de Gander Bay, à Terre-Neuve. En 1993, après avoir découvert que deux écoles intégrées de la région de Gander Bay étaient contaminées par des champignons toxiques, les autorités ont décidé de les fermer; le conseil scolaire consolidé NOVA a alors décidé de construire une nouvelle école pour remplacer les deux écoles fermées. Certes, les sénateurs Taylor et Ottenheimer ont dit que deux écoles valaient peut-être mieux qu'une, mais, cela étant dit, quelle mesure a été prise? Le coût de construction de la nouvelle école était évalué à 3,5 millions de dollars. Étant donné que le conseil d'éducation intégré avait déjà engagé ses fonds pour l'exercice 1993-1994, le ministre de l'Éducation a cherché à obtenir l'approbation d'un engagement anticipé de fonds pour ce projet prélevés sur le budget de l'exercice 1994-1995. Afin de pouvoir verser 3,5 millions de dollars au conseil scolaire intégré pour cette urgente construction, le gouvernement a dû engager un total de 6,2 millions de dollars. Les 2,7 millions de dollars supplémentaires ont été versés aux conseils catholique romain et pentecôtiste, conformément à leur proportion respective de la population, tel que le prévoit la loi.

Ainsi, la loi prévoit qu'il faut répartir également les fonds publics - l'argent des impôts - entre les confessions, et telle était la situation pas plus tard qu'en 1993.

C'est cela, honorables sénateurs, que l'on propose de changer. En effet, on veut maintenant donner au gouvernement le pouvoir de dépenser les deniers publics d'une manière rationnelle, d'une manière responsable.

D'aucuns disent que les droits des minorités seront touchés. Je dois donc poser la question: qu'est-ce qu'une minorité? Le sénateur Bryden a, à juste titre, nommé certaines minorités qui, de toute évidence, n'ont pas été protégées par la loi à Terre-Neuve. Je suis allé à une école anglicane à St. John's, à Terre-Neuve, une école de garçons. Il y avait des élèves juifs à cette école. Je suppose qu'on me prendra pour une sorte de personnage vieux jeu sorti d'un lointain passé, comme le sénateur Ottenheimer l'a dit, mais je dois parler selon mon expérience. Ma femme est allée à une école gérée par l'Église Unie, et il y avait des élèves juifs là aussi. Ces élèves juifs ont dû devenir presque anglicans ou membres de l'Église Unie ou d'une autre confession pour être admis à l'école. L'entrée ne leur a pas été refusée, certes, mais je suis porté à penser que les parents de ces enfants n'auraient peut-être pas choisi ces écoles s'ils avaient eu le choix. Je ne sais pas la taille des populations musulmane ou hindoue à l'heure actuelle à Terre-Neuve, mais il est possible qu'elle soit égale au nombre de membres de la religion adventiste du septième jour, par exemple, dont les droits sont actuellement garantis par la Constitution. Je ne sais pas combien il y a d'adventistes du septième jour, mais ils jouissent de droits dont sont privés les musulmans, les hindous et les juifs.

Qui forme la minorité? Je pense que si l'on additionne les membres de toutes les églises, l'Église anglicane, l'Église unie, l'Église de l'Armée du Salut, l'Église catholique romaine et l'Église pentecôtiste, ils ne sont pas minoritaires; ils sont majoritaires à Terre-Neuve. Ensemble, ils représentent 94 p. 100 de la population, ils ont tous des droits et ils en auront tous en vertu de la Constitution. Je pense que les 55 p. 100 de la population qui ont voté lors du référendum étaient répartis entre tous ces groupes confessionnels.

Qu'est-ce qu'une minorité? En quoi cela a-t-il des répercussions sur les droits des minorités? Je crois que les droits des groupes confessionnels chrétiens seront encore reconnus en vertu de la nouvelle Constitution et qu'ils ne seront pas beaucoup touchés.

Pour ce qui est des répercussions sur les autres parties du Canada, je pense qu'il faut évaluer objectivement chaque cas. En l'occurrence, Terre-Neuve demande de modifier l'administration du système d'éducation dans cette province, en vertu de l'article 43, la seule disposition qu'on peut invoquer lorsqu'une question ne concerne qu'une province et le gouvernement fédéral. C'est ainsi qu'il faut procéder en vertu de notre Constitution. Si Terre-Neuve ne peut se prévaloir de cette disposition et que les autres provinces ne peuvent s'en prévaloir non plus, il est alors vrai que la Confédération nous paralyse.

Voilà donc ce dont il est question. Les Conditions de l'union de Terre-Neuve sont claires et uniques, comme je l'ai signalé.

Une autre province pourrait soumettre une demande semblable, mais il faudrait alors évaluer celle-ci objectivement. Nous ne pouvons certainement pas rejeter la proposition de Terre-Neuve de crainte que d'autres provinces ne soumettent dans l'avenir des propositions semblables, assorties de conditions différentes et fondées sur d'autres conditions d'union.

 

Je dirai qu'il faut étudier le mérite de chaque cas. Nous devons évaluer le bien-fondé de la requête de Terre-Neuve. Si le Manitoba nous soumettait une requête semblable, il faudrait en évaluer le mérite, la même chose serait vraie d'une requête du Québec ou d'une autre province. Je ne crois donc pas que, en adoptant la motion, nous créerions un précédent pouvant s'appliquer ailleurs.

Quant à la question de savoir s'il serait possible d'arriver aux mêmes fins par un accord négocié ou d'autres moyens, cela fait l'objet de discussions depuis des générations à Terre-Neuve et au Labrador. On a tenté d'arriver à une entente avec les groupes confessionnels, mais sans succès. Je voudrais lire la dernière déclaration du ministre de l'Éducation de Terre-Neuve sur l'entente, parce que je crois qu'elle est importante.

Une entente avait été négociée par l'ancien premier ministre, et je crois que le premier ministre actuel a tenté lui aussi d'en négocier une. Tout le monde aurait préféré éviter le processus suivi actuellement s'il avait été possible de faire autrement. De toute évidence, tout politicien préfère un accord négocié à des troubles publics.

La dernière déclaration du ministre de l'Éducation est la suivante:

Vous avez demandé un rapport sur l'état de l'entente entre le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et les représentants des groupes confessionnels...

Il aurait dû dire avec les «groupes chrétiens».

...sur la réforme et la réorganisation du système scolaire de la province.

Je peux vous affirmer catégoriquement qu'il n'y a aucune entente.

Après près de trois ans de discussions, le gouvernement et les représentants des groupes confessionnels ont été incapables de parvenir à s'entendre sur la restructuration du système scolaire, ce qui avait été recommandé en 1992, dans le rapport de la commission royale sur l'éducation. Par conséquent, au printemps de 1995, le gouvernement a décidé de demander à la population de se prononcer sur une modification à la condition 17, afin de pouvoir mettre en oeuvre les plans de restructuration. Un référendum a eu lieu en septembre 1995.

Je rappelle aux sénateurs que non seulement il y a eu un référendum et un vote unanime à l'assemblée législative provinciale, mais aussi des élections provinciales au cours desquelles le premier ministre, qui appuie cette mesure, a été élu à la forte majorité. Je ne dis pas que c'était l'élément principal de la plate-forme électorale libérale, mais il en faisait partie. Tous ceux qui auraient voulu en discuter au cours de la campagne auraient certainement pu le faire. Nous avons eu des élections et le peuple a parlé. Il a élu le premier ministre qui appuie cette démarche. La lettre se poursuit ainsi:

À la suite des élections générales de 1996, j'ai ordonné aux hauts fonctionnaires du ministère de l'Éducation d'engager d'autres discussions préliminaires avec les représentants des organismes confessionnels pour évaluer la possibilité de procéder à une réforme de l'enseignement pour l'année scolaire 1996-1997. Après plusieurs jours de discussions, on a établi un cadre qui deviendrait, espérais-je, la base d'une entente portant sur la réorganisation de l'administration des conseils scolaires.

Ce cadre qui a été accepté par les dirigeants de tous les organismes confessionnels [...] ne contenait que deux points sur lesquels ils étaient d'accord:

1. la création de dix conseils scolaires interconfessionnels.

2. la création d'une commission provinciale de construction d'écoles.

Le cadre contenait plusieurs points qui ne sont pas encore réglés alors que c'est essentiel pour pouvoir réaliser les réformes de l'enseignement de la province. Il s'agit des points suivants:

la teneur de paramètres provinciaux régissant les fermetures et les fusions d'écoles, ainsi que la construction de nouveaux établissements.

la désignation d'écoles confessionnelles ou interconfessionnelles; et

un processus pour déterminer la préférence des parents en ce qui concerne la désignation des écoles.

On ne s'est pas mis d'accord avec les organismes confessionnels sur ces divers points. Depuis lors, il est clair qu'une solution négociée n'est pas possible étant donné que, malgré leur intervention dans l'établissement du cadre, les dirigeants de plusieurs églises en voie d'intégration ont retiré publiquement leur appui et rejeté l'idée d'une réforme et d'une réorganisation de l'administration des conseils scolaires [...] En bref, aucun accord satisfaisant pour toutes les parties n'a été conclu et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador estime qu'une entente négociée n'est pas possible.

Voilà la situation, selon le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador.

C'est la question qu'il faut régler. Nous n'avons d'autre recours que de modifier la Constitution et de permettre au gouvernement de Terre-Neuve d'administrer ses écoles de façon rationnelle et responsable pour épargner 25 millions de dollars par année en éliminant les dédoublements que cause le maintien des droits des confessions et consacrer ces 25 millions de dollars à la véritable éducation des enfants.

Je suis d'accord avec le sénateur Ottenheimer pour dire que nos écoles et nos gens ne sont pas pires ou mieux que n'importe où ailleurs au pays, mais il n'en reste pas moins que, selon les statistiques, nous avons le plus haut taux d'analphabétisme au Canada. Le leader du gouvernement au Sénat saura certainement que c'est le cas. Le chiffre est d'environ 43 p. 100. Ce sont là les statistiques officielles. C'est malheureux, mais c'est la réalité. N'est-il pas préférable de consacrer ces 25 millions de dollars à la véritable éducation des enfants au lieu d'avoir un dédoublement des écoles? L'éducation revêt une importance capitale dans notre province aujourd'hui. Elle est plus importante qu'elle ne l'a jamais été.

Nous avons connu une crise dans le secteur des pêches. Vous êtes tous au courant. Il y a des possibilités qui s'offrent à nos gens, mais ils ne pourront pas obtenir les emplois disponibles s'ils n'ont pas les compétences requises. J'ai déjà soulevé ce point à propos de la construction de Churchill Falls. À ce moment-là, nos gens n'ont pas obtenu les emplois parce qu'ils n'avaient pas les compétences requises. Cela revient essentiellement à la question de l'éducation. Je ne veux pas que la même chose se produise de nouveau. Il est préférable d'investir nos ressources dans la véritable éducation que dans le dédoublement des écoles.

Terre-Neuve veut simplement être sur un pied d'égalité avec les autres provinces. Nous voulons un système scolaire comme celui des autres. Nous voulons un système d'administration comme celui des autres, qui donnera des chances égales aux majorités et aux minorités. C'est tout ce que nous demandons.

Je suis heureux que cette question soit renvoyée à un comité. J'espère que les délibérations du comité offriront l'occasion d'entendre tous les points de vue. J'ai certainement l'intention de voter en faveur de la motion. J'encourage tous les sénateurs à réfléchir à la question, et j'espère qu'ils en viendront à la même conclusion que moi.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, les orateurs précédents ont fixé la qualité du débat à un niveau tellement élevé que je m'y engage avec crainte. Je dois évidemment donner raison aux sénateurs Rompkey, Ottenheimer et aux autres au sujet du caractère unique et des complexités du système ou, devrais-je plutôt dire, des systèmes d'éducation de Terre-Neuve.

Il y a quelques années, je me suis rendu en Pologne en tant que membre d'une délégation dirigée par le sénateur Hébert. J'ai observé, dans le bureau du ministre polonais de l'Éducation, le sénateur Petten expliquer à ses interlocuteurs polonais le système d'éducation confessionnelle de Terre-Neuve. Je n'ai pas tout compris les explications en anglais. On peut donc facilement s'imaginer ce que ce devait être en polonais.

L'honorable William J. Petten: Si je puis me permettre d'intervenir brièvement, je ne sais pas à quoi l'honorable sénateur fait référence. Il est vrai que nous sommes allés en Pologne ensemble. Nous faisions partie d'une excellente délégation et j'ai beaucoup appris au sujet de la Pologne, mais j'ai parlé de pêche, et non d'éducation.

Le sénateur Murray: Et voilà! Mon collègue parlait de pêche, et moi je croyais qu'il parlait d'éducation.

En quelques mots, honorables sénateurs, en dépit de l'appel éloquent du sénateur Rompkey que nous venons d'entendre, il serait difficile sinon impossible de me persuader de voter pour cette résolution compte tenu du faible taux de participation des électeurs et de la faible majorité qui s'est prononcée en faveur de cette résolution au cours du référendum de Terre-Neuve.

 

L'honorable sénateur demande ce qu'est une minorité. Selon lui, les divers groupes confessionnels de Terre-Neuve représentent 96 p. 100 de la population de la province. Les catholiques et les pentecôtistes, qui sont minoritaires, semblent de toute évidence s'opposer à la résolution présentement à l'étude. Cette résolution repose sur le principe voulant qu'on modifie les droits d'une minorité sans son consentement et, en fait, en dépit de son opposition.

Si jamais l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick nous soumettait une résolution, en vertu de l'article 43, touchant les droits constitutionnels des francophones dans cette province, je voterais contre à moins qu'on ne me convainque que la population acadienne a donné son consentement. De même, si une résolution touchant les droits des Franco-Manitobains nous était soumise par le Manitoba en vertu du même article, je voterais contre à moins qu'on ne me prouve que les francophones de cette province l'appuient.

[Français]

Honorables sénateurs, si, un jour, une résolution de l'Assemblée nationale du Québec touchant certaines dispositions de l'article 133 de l'Acte constitutionnel de 1867 se trouvait devant nous - certaines dispositions s'appliquent uniquement au Québec -, le critère selon lequel je prendrais ma dévision serait de savoir si la minorité anglophone du Québec serait d'accord ou non.

Si, un jour, une résolution de l'Assemblée nationale du Québec visant à modifier ou à abolir le système confessionnel du Québec se trouvait devant nous, le critère selon lequel je jugerais et déciderais serait de savoir si la minorité protestante, dont les droits acquis devaient être protégés par l'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867, serait d'accord ou non.

[Traduction]

Si, un jour, nous étions saisis d'une résolution de Queen's Park, du gouvernement de l'Ontario, visant à changer le système des écoles confessionnelles dans cette province, le critère sur lequel je me fonderais serait de savoir si la minorité catholique de cette province, dont les droits sont censés être protégés en vertu de l'article 93, appuient ou non le changement.

Pour moi, c'est clair. C'est une question de droits des minorités. Si les droits des minorités sont inscrits dans la Constitution, c'est pour les mettre à l'abri d'une action unilatérale de la majorité. Vous ne devriez pas, vous ne devez pas les modifier sans le consentement de la minorité touchée.

Le sénateur Beaudoin a bien fait hier soir d'attirer notre attention sur ce qui s'est passé en Saskatchewan et en Alberta quand, il y a quelques années, la Cour suprême a dit à ces provinces qu'elles pouvaient unilatéralement abandonner le caractère bilingue qui faisait pourtant partie de leur législation lorsqu'elles se sont jointes à la Confédération. Elles n'ont pas hésité à le faire sur la base de la décision de la Cour suprême. Il y a eu dans ce pays bien d'autres exemples au fil des ans. Le cas de la Saskatchewan et celui de l'Alberta, dont j'avais parlé à l'époque au nom du gouvernement alors en place, nous montrent la fragilité des droits des minorités dans ce pays. Nous avons peut-être connu de grands moments en ce qui concerne les droits des minorités, mais dans certaines régions du Canada, certains moments les plus honteux de notre histoire ont à voir avec cette même question des droits des minorités - tant linguistiques que confessionnels. Je pense que nous le savons tous.

En 1984, honorables sénateurs, la question des droits des Franco-Manitobains a été examinée par l'assemblée législative de cette province et par le Parlement du Canada. Sans vous repasser toute l'histoire de cette question, en 1984, l'Assemblée législative du Manitoba a été saisie d'une résolution qui avait l'appui général en tous cas de la minorité francophone. Un sous-amendement a été proposé qui aurait réduit les droits que l'Assemblée législative du Manitoba était sur le point de confirmer. À la Chambre des communes, on a posé des questions à ce sujet au premier ministre Trudeau pendant la période des questions. Son discours n'était pas préparé. On lui a posé des questions à ce sujet le 21 février 1984.

Permettez-moi de vous lire seulement un paragraphe de sa réponse:

Nous avons hésité à intervenir dans l'affaire manitobaine parce que les principaux intéressés désiraient, je crois, lui trouver une solution proprement manitobaine. Il ne faut pas perdre de vue que tout projet de modification constitutionnelle devra aboutir ici. Je puis affirmer sans équivoque que notre parti n'accepterait pas que l'intention visée par la résolution de mai dernier soit modifiée sans l'assentiment des Franco-Manitobains.

Voilà donc, honorables sénateurs, le principe que j'invoquerais pour les Franco-Manitobains ou les catholiques et les pentecôtistes qui s'opposent au traitement qu'on leur réserve à Terre-Neuve.

Je suis très heureux d'apprendre que la question sera renvoyée au comité, qui pourra discuter de la spécificité et de la complexité du système scolaire de Terre-Neuve.

Je rappelle au Sénat que nous avons six mois pour terminer cette étude et que l'horloge s'est mise en marche dès que cette résolution a été adoptée à la Chambre des communes. Rien ne nous oblige à hâter l'étude de cette question. Je crois qu'elle a été étudiée à toute vapeur à la Chambre des communes.

Le sénateur Kinsella: C'est scandaleux!

Le sénateur Murray: Pendant que nous étudions l'amendement de notre collègue le sénateur Doody, qui demande le renvoi au comité, je voudrais proposer un sous-amendement pour permettre la diffusion des délibérations à la télévision, le déplacement du comité à Terre-Neuve et au Labrador et la présentation du rapport au plus tôt à la fin du mois de septembre prochain.

 

Motion d'amendement

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Robertson:

QUE la motion soit modifiée en outre par l'adjonction des mots suivants:

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux;

Que le comité soit autorisé à se rendre à Terre-Neuve et au Labrador afin d'entendre des points de vue sur l'amendement proposé à la Constitution;

Que le comité présente son rapport au plus tôt le30 septembre 1996; et

Que si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport est terminé, le comité soit autorisé à le déposer auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été présenté à cette Chambre.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Marcel Prud'homme: Le sénateur Murray accepterait-il une brève question? Il a mentionné Terre-Neuve et le Labrador dans son amendement, parce que, bien entendu, c'est le nom de la province. Est-ce à dire que nous pourrons ou que nous devrons nous rendre à Terre-Neuve et au Labrador?

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, cette décision appartiendra au comité, sous la direction du sénateur Rompkey.

(Sur la motion du sénateur Graham, le débat est ajourné.)

 

[Français]

 

Le discours du Trône

Adoption de l'adresse en réponse

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bacon, appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'Elle a prononcé lors de l'ouverture de la deuxième session de la trente-cinquième législature. (8e jour de la reprise du débat.)

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, je ne m'en tiendrai qu'à un aspect du discours du Trône. Lors du discours du Trône, le gouvernement manifeste toujours de la bonne volonté et fait un effort pour nous donner les grandes orientations qu'il a l'intention de prendre pour les quatre prochaines années. Ce sont généralement des propos relativement vagues. Je m'appuierai, pour discuter du rôle de l'État, sur un document qui a été préparé par le Conseil du Trésor, intitulé «Repenser le rôle de l'État».

Je dois dire en passant que ce document est un effort louable de la part du président du Conseil du Trésor, M. Massé, et du gouvernement. Le gouvernement s'est fixé quatre grands objectifs: clarifier son rôle et ses responsabilités par rapport aux provinces; veiller à ce que les ressources soient alliées aux grandes priorités - nous avons de moins de moins de ressources, il est important de les allouer là où elles sont les plus efficaces; donner suite à l'exigence posée par les citoyens d'avoir un meilleur gouvernement; enfin, un gouvernement plus accessible. Il est difficile de s'opposer à de tels principes. Finalement, le gouvernement s'engage à réduire le coût de l'État, étant donné les dépenses gouvernementales, les déficits actuels et l'ampleur de la dette.

Pour réaliser ces objectifs, le gouvernement fédéral tentera de préserver son rôle et de centrer celui-ci pour renforcer l'union économique; pour améliorer l'union sociale ou la solidarité; pour établir des partenariats avec le secteur privé, étant donné l'importance du régime de marché dans notre société; pour maintenir ou renforcer l'identité canadienne; pour prôner les valeurs canadiennes, et, finalement, pour assurer la souveraineté du pays sur la scène internationale.

Ce sont cinq secteurs dans lesquels le gouvernement veut cibler davantage ses rôles. Pour ce faire, le gouvernement a établi six critères pour examiner ses programmes. Ce sont de bons critères.

Le premier critère est celui de l'intérêt public. On doit se demander si le programme ou l'activité continue de servir l'intérêt public. Deuxièmement, le rôle du gouvernement: y a t-il un rôle légitime et nécessaire pour le gouvernement dans le domaine des programmes en question ou de l'activité?

Troisièmement, le critère du fédéralisme; le rôle actuel du gouvernement est-il approprié ou faut-il le transférer aux provinces, et demander aux provinces de nous transférer certains de leurs rôles? Cela aussi est possible. Nous parlons toujours de rendre des pouvoirs aux provinces, mais il y a peut-être certains secteurs où le contraire pourrait se faire.

Le quatrième critère est celui du partenariat: quelles activités ou programmes pourrait-on transférer en tout ou en partie au secteur privé ou au secteur bénévole? Cela aussi est important car dans notre société, nous avons oublié le bénévolat. Il s'agit pourtant d'un élément très important.

Le cinquième critère est celui de l'efficacité: poursuit-on le programme et comment peut-on améliorer son efficacité?

Finalement, il y a le critère de la capacité financière: le gouvernement peut-il aujourd'hui se permettre de jouer un rôle dans 600 ou 700 différents programmes?

Compte tenu de ces critères, le gouvernement a procédé à une revue de programmes de l'ensemble des activités du gouvernement fédéral. Les gouvernements précédents ont fait des efforts dans ce sens. Nous reconnaissons tous que, de 1988 à 1993, le gouvernement fédéral de l'époque a joué un rôle important dans ces différents domaines. Le gouvernement actuel, qui avait combattu ces initiatives pendant les élections, s'est finalement orienté dans la même voie. Depuis, le gouvernement s'est orienté sur cette voie, que ce soit pour le libre-échange ou la fiscalité. Le gouvernement est aujourd'hui bien heureux de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA.

Qu'a fait le gouvernement depuis le discours du Trône? Je le reconnais, il faut donner au gouvernement son dû: nous sommes dans l'opposition, mais il faut quand même le reconnaître lorsqu'il fait de bonnes choses. Il faut le dire. Le gouvernement a fait un effort pour recentrer ses activités dans le domaine du transport. Je dois dire que je suis d'accord avec les orientations du gouvernement au niveau des opérations du transport, où il s'est donné un rôle pour la planification et la surveillance de la sécurité. Cela me paraît être en accord avec les temps modernes et la philosophie que notre parti a prônée et dont s'inspire le gouvernement.

Deuxièmement, dans le domaine de l'agriculture, le gouvernement, suite à l'Accord de libre-échange et à d'autres pressions internationales, particulièrement à l'occasion du GATT, a décidé qu'il fallait modifier notre rôle.

Finalement, le régime de subventions s'est modifié, notamment dans le domaine du transport et pour les biens agricoles. Cependant, il y a encore des problèmes majeurs.

Nous ne sommes pas les pires. Je lisais récemment dans l'Économiste que les Suisses sont les champions du protectionnisme agricole. Les taux de protectionnisme sont de l'ordre de 350 et 400 p. 100. Les Japonais se situent autour de 320 p. 100 pour certains produits, particulièrement pour le riz. Cela m'a surpris.

Il est assez intéressant de voir que nous privilégions a un certain protectionnisme agricole, étant donné qu'il fait froid au Canada et que la culture n'est pas facile. Nous sommes un peu plus protectionnistes que les Américains, mais moins que les Européens, et particulièrement les Scandinaves, les Autrichiens et les Suisses, qui sont les champions du protectionnisme, malgré ce que l'on a tendance à penser. À ce niveau, ils font exception à la règle du libre marché.

Le gouvernement a posé des gestes à ce niveau. Je ne dis pas qu'il a tout fait. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Le gouvernement a diminué certaines subventions à l'industrie, sur lesquelles je suis d'accord. Les entreprises qui fonctionnent bien n'ont pas besoin de béquilles, et celles qui en ont besoin sont à la veille de tomber de toute façon. Je n'ai jamais cru aux banques fédérales et aux aides gouvernementales dans le domaine du crédit.

Nous avons un système bancaire au Canada. Nous vivons dans un régime de concurrence, et à mon avis, les meilleurs juges du crédit sont les gérants de banque? Lorsqu'ils prêtent5 000 dollars, puis que le client les remet, ils lui prêtent10 000 dollars, ainsi de suite. C'est de cette façon que se bâtit le crédit. Il y a des collègues qui ne sont pas d'accord, mais je dis ce que je pense.

Le gouvernement n'a posé des gestes que sur 30 p. 100 du budget. Il a étudié son programme d'examen. Cela représente 30 p. 100 du budget. Pour les 70 p. 100 qui restent, il est passé à côté.

Les fonctionnaires nous ont présenté un excellent rapport sur la défense. Le sénateur MacEachen et d'autres ont produit un rapport conjoint. C'est bien dans l'ensemble, sauf que c'est vague.

Le gouvernement a fait cet examen de programmes et en a conclu que sur 30 p. 100 des programmes, il y avait des choses à faire. Il a l'intention de maintenir ses activités dans ce domaine, je ne l'en blâme pas. Le gouvernement joue dans ce secteur un rôle honnête, mais on ne touche pas aux 70 p. 100 qui représentent le domaine fondamental, celui de l'union sociale.

L'union sociale est un domaine très complexe qui recouvre une variété considérable d'activités. Pour en énumérer quelques-unes, il y a la langue, la culture, les communications, l'éducation, la formation ou le perfectionnement professionnel de la main-d'oeuvre, le travail et le placement, la famille, la santé et les services sociaux, la sécurité du revenu, l'assistance sociale et l'assurance-chômage.

Nous avons eu droit à beaucoup d'exercices de la part deM. Axworthy lorsqu'il était ministre du Développement de ressources humaines. Soit dit en passant, je n'aime pas le titre du ministère. Le Développement des ressources humaines, cela veut dire la formation du monde, et j'ai toujours pensé que cela était du domaine provincial. Je n'ai jamais aimé l'idée que le gouvernement fédéral s'occupe de ce secteur. En tout cas, c'est un titre, et on ne le discutera pas.

J'y reviendrai plus tard. Aujourd'hui, je m'en tiendrai seulement aux autres secteurs.

Dans les autres secteurs, l'effet global des activités du gouvernement l'amène précisément, selon ses propres documents, à diminuer ses dépenses dans le domaine de l'économie. Le gouvernement investira moins dans ce secteur, mais s'engage au même niveau dans la défense et la politique étrangère, et prévoit dépenser davantage dans le domaine social.

Nous avons donc un gouvernement qui va mettre plus d'argent dans le secteur social. Cela définit bien les libéraux, qui sont des socio-démocrates qui s'ignorent. Ils ont une croyance ferme dans la capacité du gouvernement de répartir l'argent des Canadiens indépendamment de l'activité du marché. Ce n'est pas un blâme, je sais que le marché ne répartit pas toujours l'argent d'une façon parfaite, c'est-à-dire qu'il y a des besoin de gens qui ne sont pas satisfaits par la redistribution du marché.

Dans le domaine de l'union économique, je crois qu'au lieu de remettre des pouvoirs aux provinces dans ce secteur, on devrait éliminer les barrières discriminatoires aux échanges introduites par les provinces ou par le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral impose des barrières sous forme de tarifs, de subventions, de lois, de règlements, de conventions ou autrement.

Ainsi, il y a beaucoup de législations provinciales et fédérales qui, dans une perspective où on déciderait de modifier la Constitution, auraient moins de restrictions. Ceci ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas des activités qui seraient maintenues. Je pense aux activités liées aux caractéristiques spécifiques de notre fédération canadienne, par exemple l'existence de provinces et de régions moins favorisées, l'équité sociale traditionnelle qui caractérise les Canadiens et le problème de la francophonie.

Il y a certains éléments, comme la péréquation, que nous pourrions conserver. Le problème est de savoir jusqu'où la péréquation doit aller. Est-ce que l'on doit avoir une péréquation comme celle que l'on a présentement ou si l'on pourrait la modifier? À mon avis, il faut qu'il y ait un régime de péréquation pour établir une certaine équité nationale. Ce régime vise un certain transfert entre les régions les plus riches et les régions plus pauvres.

Il faut admettre qu'il doit y avoir un certain effort de la part du gouvernement pour transférer les fonds nécessaires pour assurer les services publics essentiels, comme la justice, les services de protection, les soins de santé, l'enseignement élémentaire et secondaire et l'aide sociale aux plus démunis. Autrement dit, il faut faire des efforts pour réaliser une certaine équité nationale.

Il y a une deuxième dimension à l'union sociale, soit l'équité sociale à l'intérieur des régions en question. Même à l'intérieur des régions riches, il y a des gens plus pauvres, et vice versa. Le gouvernement fédéral doit-il intervenir à ce titre? Il s'agit d'une question dont je vais traiter plus tard.

Si je me dissocie de la perspective constitutionnelle ou philosophique du gouvernement fédéral dans le domaine de l'union sociale, c'est précisément sur cet aspect. Je suis d'accord avec les attitudes que le gouvernement fédéral prend vis-à-vis l'union économique. J'irais même plus loin que le gouvernement dans certains domaines que je viens de mentionner. En bon nationaliste québécois, mais en nationaliste raisonnable, je prône une certaine décentralisation du système par rapport à ce que l'on a connu depuis l'après-guerre.

Là où je ne suis pas d'accord avec le gouvernement, c'est lorsque celui-ci nous dit qu'un gouvernement fédéral en bonne posture financière sera mieux à même de répartir les ressources entre les particuliers, les familles, les régions et les générations et de s'assurer que les gens dans le besoin seront protégés par des régimes de sécurité sociale. Je suis d'accord là-dessus, mais je ne crois pas que c'est la responsabilité principale du gouvernement fédéral de voir à cela.

Il faut lier cela aux aspects culturels de ces questions. Je cite mes paroles:

Les services sociaux dans toute leur diversité surgissent naturellement du fond culturel d'une société et de son évolution.

Comment expliquer autrement, par exemple, l'apport considérable et diversifié des communautés religieuses au Québec?

Pour prendre un cas de chez nous, il n'y a personne qui peut comprendre notre système, il se comprend par les gens. Il faut vraiment avoir vécu la situation pour comprendre le rôle joué par les communautés religieuses dans la province de Québec.

Il y a la mise sur pied, par exemple, des divers réseaux actuels d'institutions pour les personnes âgées ou la jeunesse délinquante. C'est une juridiction assez claire, à laquelle le système de péréquation doit aider à pourvoir, mais sans normalisation ni utilisation du pouvoir fédéral de dépenser, ni accord ad hoc entre gouvernements.

Il est d'un sain fédéralisme, selon moi, que chaque province réponde à sa manière à ce type de besoin, en réconciliant selon sa culture propre la dose étatique et privée de la charité.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période de 15 minutes est écoulée. La permission de continuer est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

 

Le sénateur Bolduc: C'est sur cet aspect qu'il y aura lieu de bien examiner les propositions sur le rééquilibrage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces.

J'ai vu récemment que la Conférence 2000 a traité de cette question. Ils ont insisté sur l'union sociale. Il y a une question de nuance. Cela n'est pas trop clair dans les documents libéraux jusqu'à présent.

Je pense que les libéraux gardent une vision assez centralisatrice des choses dans ce secteur. Cela m'inquiète, parce que nous ne réglerons pas le problème de cette façon. Je crains que cela n'attise des conflits comme dans le passé et que cela ne balkanise le pays.

Sur les questions de politiques internationales, je ne veux pas aller trop loin, sauf pour dire que c'est un domaine où il faudra reprendre le débat plus tard, parce que la politique fédérale continue la tradition passée, qui est une tradition de discrétion administrative.

Pensons qu'un organisme aussi important que l'Agence canadienne de développement international dépense trois milliards de dollars par année, qu'il n'y a même pas une loi statutaire du Parlement pour créer cet organisme et qu'il vient d'un arrêté en conseil. Il me semble que cela n'a aucun sens. Je ne sais pas si quelqu'un a déjà songé à cela? Imaginez-vous, un organisme qui dépense trois milliards par année depuis 35 ans! Je n'en suis pas là, mais il n'existe aucune base statutaire. Il n'y a aucun critère sur la redistribution des ressources. Il y a des politiques internes, mais elles changent souvent.

J'ai eu l'occasion de lire beaucoup de documents sur les études qui ont été produites à ce sujet. Un de ces jours, il faudra étudier cela comme il faut. Quant aux autres questions, j'y reviendrai à une autre occasion.

(La motion est adoptée, et l'Adresse en réponse au discours du Trône est adoptée.)

(Sur la motion de l'honorable B. Alasdair Graham, il est ordonné que l'Adresse soit grossoyée et présentée àSon Excellence le Gouverneur général par Son Honneurle Président.)

[Traduction]

 

Projet de loi sur certains accords concernant l'aéroport
international Pearson

Étude du rapport du comité-Recours au règlement- Ajournement du débat sur la motion d'adoption
dans l'attente de la décision du Président

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, avec des propositions d'amendement et des observations), présenté au Sénat le10 juin 1996.

L'honorable Sharon Carstairs propose: Que le rapport soit adopté.

 

Recours au Règlement

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Mon rappel au Règlement est une conséquence de la devinette que posait la présentation à cette Chambre du message de la Chambre des communes.

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a outrepassé son autorité et ses pouvoirs en étudiant le projet de loi C-28. Les honorables sénateurs constateront que l'article 90 du Règlement du Sénat dit:

Un comité permanent est autorisé à faire enquête et rapport sur toute question que le Sénat lui soumet de temps à autre...

Honorables sénateurs, le projet de loi C-28 a été adopté en deuxième lecture par le Sénat et a été renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude.

Cela fait, nous constatons que l'article 75 du Règlement dit:

Le débat sur le principe du projet de loi a lieu d'habitude à la deuxième lecture.

Le principe du projet de loi C-28, tel qu'il a été débattu et adopté par le Sénat, est que les accords relatifs à la demande de propositions pour le projet de réaménagement des aérogares à l'aéroport international Lester B. Pearson, ou les négociations suivant cette demande, sont réputés n'être jamais entrés en vigueur et n'avoir aucune valeur légale. Le projet de loi C-28 interdit certaines actions ou autres poursuites contre Sa Majesté du chef du Canada en relation avec ces accords.

Honorables sénateurs, le principe du projet de loi C-28 est également d'autoriser le ministre des Transports à conclure, sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil, des ententes en vue du versement de sommes liées à l'application du projet de loi C-28. Le principe véritable du projet de loi C-28, que la Chambre a adopté en deuxième lecture, est clairement défini dans le sommaire, à la page 1a du projet de loi.

Le comité a essayé de présenter des amendements allant à l'encontre du principe du projet de loi C-28 touchant les effets des accords. Le projet de loi C-28 déclare que ces accords ne sont pas entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique. Or, le comité, par le truchement de son amendement, déclare que les accords avaient un effet juridique jusqu'au 15 décembre 1993. En définitive, il est manifeste, à première vue, que le projet de loi adopté par le Sénat à l'étape de la deuxième lecture et que le projet de loi renvoyé par le comité avec cet amendement constituent non seulement des contre-positions contraires mais également, honorables sénateurs, des contre-positions contradictoires.

Au chapitre des obligations et des droits, le Sénat, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-28, a adopté le principe selon lequel les engagements, droits et intérêts découlant des accords sont déclarés par le projet de loi C-28 ne pas avoir d'effet, alors que l'amendement du comité contredit ce principe et déclare que ces obligations et ces droits ont un effet jusqu'au 15 décembre 1993.

En outre, à l'égard de l'article 7, le projet de loi C-28 tel qu'adopté en deuxième lecture par le Sénat ne prévoyait aucune responsabilité civile, alors que l'amendement du comité en prévoit.

Aucune condition, honorables sénateurs, n'est imposée à l'étape de la deuxième lecture d'un projet de loi ou de l'adoption du projet de loi C-28 en deuxième lecture. Nous ne pouvions pas prévoir les amendements à l'étape de la deuxième lecture.

Néanmoins, les honorables sénateurs se rappelleront que le sénateur Kirby a fait référence à des amendements dans son discours «Dick and Jane», pour reprendre ses termes. À lapage 206 de la sixième édition du Beauchesne, on dit clairement:

Le principe de la pertinence d'un amendement vaut pour toutes les propositions du genre. En deuxième lecture, les amendements ne doivent pas [...] anticiper sur des amendements qui pourront être présentés en comité.

Par conséquent, le comité doit examiner le projet de loi C-28 qui a été adopté par le Sénat en se fondant sur les principes qui sous-tendaient le projet de loi que nous avons examiné ici à l'étape de la deuxième lecture. Il n'a pas le pouvoir d'aller plus loin.

 

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles était chargé d'examiner le projet de loi C-28 comme le Sénat l'avait adopté à l'étape de la deuxième lecture. Le comité était lié par la décision du Sénat d'appuyer, à sa deuxième lecture, le principe du projet de loi C-28.

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n'a pas le pouvoir d'amender le projet deloi C-28 de manière à en saper le principe. Le rapport du comité qui a été déposé hier soir au Sénat tente d'amener le comité à exercer un pouvoir qu'il ne possède manifestement pas.

Honorables sénateurs, je vous renvoie à la page 486 de la21e édition de l'ouvrage d'Erskine May:

Un comité est lié par la décision de la Chambre, lors de la deuxième lecture d'un projet de loi, d'en appuyer le principe. Par conséquent, il ne devrait pas amender le projet de loi de manière à en saper le principe.

On peut lire en outre ceci, à la page 491 de cet ouvrage de Erskine May:

1) Un amendement est irrecevable s'il ne se rapporte pas à l'objet du projet de loi ou s'il en dépasse la portée...

Je me réjouis de voir notre collègue, le sénateur Stewart, parmi nous, honorables sénateurs. Le sénateur Stewart nous a déjà dit que l'ouvrage de Erskine May était descriptif. Je me reporte aux Débats du Sénat du 29 mai, à la page 466:

[...] on attend actuellement du Sénat qu'il approuve le principe du projet de loi. Comme le sénateur le sait, aucun amendement ne peut être proposé à l'étape de l'étude en comité qui entrerait en contradiction avec le principe du projet de loi. La perspective qu'il nous présente...

Il parlait du sénateur Lynch-Staunton.

...- qu'on ait éventuellement un projet de loi entièrement différent, même s'il a été approuvé en principe aujourd'hui - n'est guère possible. Le comité n'aura pas le droit d'adopter des amendements qui entreraient en contradiction avec le principe du projet de loi.

On n'a pas besoin d'en dire davantage. Je tiens cependant à faire remarquer que le résumé que le sénateur Stewart faisait des règles à ce sujet se trouve également confirmé dans l'ouvrage de Beauchesne, au commentaire 689, page 212:

1) Le vote de la Chambre en faveur du principe du projet de loi, lors de son adoption en deuxième lecture, lie le comité. Il ne doit pas, par conséquent, proposer des amendements qui portent atteinte à ce principe.

Je soutiens que le rapport que nous avons reçu du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est lui-même irrecevable tant par rapport au mandat que par rapport à la procédure. Les amendements apportés par le comité sont incompatibles avec le principe du projet de loi tel qu'approuvé à l'étape de la deuxième lecture. C'est inacceptable.

Le rapport du comité comporte des amendements qui équivalent à une négation du projet de loi ou à une annulation du principe du projet de loi tel qu'approuvé à l'étape de la deuxième lecture. Ils sont par conséquent inadmissibles. Je le répète, ils sont inadmissibles et, par conséquent, le rapport du comité l'est également.

Honorables sénateurs, les amendements proposés à un projet de loi après la deuxième lecture doivent être compatibles avec le principe du projet de loi tel qu'approuvé à l'étape de la deuxième lecture. La règle générale à cet égard est établie dans tous les ouvrages faisant autorité en la matière, et notamment au commentaire 698 de la sixième édition de l'ouvrage de Beauchesne:

Il est interdit au président du comité de recevoir un amendement...

L'auteur énonce une série de motifs, que je ne citerai pas tous. Ainsi:

1) Un amendement est irrecevable s'il ne se rapporte pas au projet de loi, s'il en dépasse la portée, s'il s'inspire ou dépend d'amendements déjà rejetés.

2) Un amendement ne doit pas aller à l'encontre ou s'écarter des dispositions du projet de loi adoptées jusque-là par le comité, ni contredire une décision que le comité a rendue au sujet d'un amendement antérieur.

Le cinquième cas prévu au commentaire 698 est le suivant:

(5) Il est interdit au président du comité de recevoir un amendement s'il équivaut à un rejet du projet de loi, ou contredit son principe consacré en deuxième lecture.

Et ainsi de suite, honorables sénateurs. Je ne veux pas citer tous les cas.

Les motifs les plus souvent invoqués pour juger un amendement irrecevable est qu'il dépasse la portée d'un projet de loi ou contredit son principe.

Honorables sénateurs, pour nous aider et aider Son Honneur dans cette affaire, j'attire votre attention sur un débat qui a eu lieu ici, le 21 novembre 1973, et sur le jugement qu'a alors rendu le président du comité plénier, l'honorable sénateur Alan Macnaughton. Le sénateur Argue avait proposé un amendement.

Le président avait alors été appelé à juger de la recevabilité d'un amendement groupé que l'on proposait d'apporter à un certain projet de loi C-2, tendant à modifier le Code criminel (peine capitale). Le président avait cité la Parliamentary Procedure de Bourinot:

Bien qu'un comité ait plein pouvoir de modifier, jusqu'au point d'annuler, les dispositions du bill, il ne peut insérer un article changeant le principe affirmé par la deuxième lecture.

Le président Macnaughton avait ensuite cité ce qui était alors la 8e édition de la Parliamentary Practice de Erskine May, à la page 497:

La fonction d'un comité qui étudie un projet de loi est de parcourir le texte du projet de loi article par article et, au besoin, mot par mot, en vue d'y apporter les amendements qui semblent de nature à le rendre plus acceptable en général. Les règles de recevabilité des amendements sont expliquées en détail aux pages 507 à 510. Mais il ne faut surtout pas oublier les pouvoirs généraux dont dispose un comité et les limites qu'il doit respecter.

(1) Le comité est lié par la décision du Sénat d'accepter en deuxième lecture le principe du projet de loi et ne doit donc pas modifier le projet de loi de façon à détruire ce principe.

Le président, le sénateur Macnaughton, a ensuite donné l'exemple du Parliamentary Elections Bill de 1880 et s'est inspiré de ce que dit Erskine May à la page 509 de la 18e édition.

La portée du [projet de loi] se bornant à l'abrogation d'un article d'une loi, un amendement qui proposait le maintien ou l'extension de cet article fut déclaré irrecevable. Le président a déclaré que le comité avait plein pouvoir de modifier, même d'annuler, les dispositions d'un projet de loi, mais qu'il ne pouvait y insérer un article qui prenait le contre-pied des principes que le projet de loi, dans son libellé à l'étape de la deuxième lecture, cherchait à affirmer...

Honorables sénateurs, à la page 1182 des Débats du Sénat du 21 novembre 1973, on peut lire ceci:

L'honorable M. Grosart: J'invoque le Règlement, monsieur le Président [...]

Le Sénat ayant adopté le principe du projet de loi, il va à l'encontre du Règlement, je crois, de discuter actuellement de la question...

 

À la page 1191, le président, le sénateur Macnaughton, rend la décision suivante:

Donc, étant donné que le principe du projet de loi a été approuvé en deuxième lecture, le deuxième amendement proposé, demandant l'abolition totale de la peine capitale, est contraire au principe général du projet de loi et est, à mon avis, irrecevable.

Honorables sénateurs, il est intéressant de voir ce qui s'est passé par la suite. La décision du sénateur Macnaughton, président du comité plénier, a été maintenue par le Sénat statuant en appel. Parmi ceux qui ont voté en faveur de la décision rendue par le président se trouvaient notamment les sénateurs Graham, Stanbury, Perrault et Riel, qui siègent encore au Sénat de nos jours.

En général, honorables sénateurs, outre les précédents que nous pouvons trouver et citer, on utilise trois critères dans le domaine de la procédure parlementaire pour déterminer l'admissibilité d'un amendement. Un amendement doit, premièrement, avoir rapport à l'objet du projet de loi; deuxièmement, être conforme au principe du projet de loi; et troisièmement, ne pas dépasser les limites du projet de loi.

Je crois avoir démontré que le comité a tenté de proposer des amendements au projet de loi C-28 qui ne sont pas compatibles avec le principe du projet de loi, qui ne vont pas simplement à l'encontre de ce principe, mais qui sont en totale contradiction avec celui-ci et qui devraient donc être clairement jugés irrecevables au regard de la procédure. Ils ne satisfont certainement pas au deuxième critère.

Le Président est toujours dans une position délicate lorsqu'il doit se prononcer sur de tels rappels au Règlement, mais il s'agit d'une question grave. La difficulté s'est posée parce que le gouvernement a voulu présenter un projet de loi contenant les amendements dont il est fait état dans le rapport du comité. Cela aurait dû être fait à l'autre endroit, et nous aurions dû recevoir un projet de loi acceptable. On n'a tenu aucun compte de la procédure parlementaire, et inévitablement, quand on commence à naviguer en eaux inconnues, on rencontre des écueils. C'est exactement ce qui se produit. Nous avons été placés dans une impasse. Le Président est aux prises avec un dilemme. Le comité aussi.

Je vous invite donc à une réflexion sérieuse, car si le Président et le Sénat devaient accepter le rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, cette décision aura pour effet de bloquer le projet de loi C-28, qui ne pourra donc demeurer au Feuilleton.

Je demande au Président de se prononcer sur ce recours au Règlement et, en rendant sa décision, de prendre en considération les trois questions suivantes. Premièrement, les amendements proposés par le comité sont-ils acceptables au regard de la procédure ou inacceptables parce qu'ils sont à première vue contraires au principe du projet de loi adopté par le Sénat à l'étape de la deuxième lecture? Deuxièmement, si le rapport du comité et les amendements qu'il propose sont adoptés par le Sénat, cela n'aura-t-il pas pour effet de bloquer le projet de loi et d'empêcher qu'il figure au Feuilleton pour le débat à l'étape de la troisième lecture? Troisièmement, le rapport devrait-il être renvoyé au comité pour qu'il examine ces problèmes de procédure?

Je remercie les honorables sénateurs de l'attention qu'ils ont accordée à cette question.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous sommes saisis, bien sûr, du rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles chargé d'étudier le projet deloi C-28. Permettez-moi de rappeler son historique.

Le rapport a été adopté par le comité après délibération entre tous les membres présents, tant libéraux que conservateurs. Il renferme les amendements proposés par les sénateurs libéraux aussi bien que les observations des sénateurs conservateurs membres du comité.

Aucun membre du comité ne s'est opposé à la procédure utilisée pour parvenir au rapport définitif.

Quand le comité a procédé à l'étude article par article du projet de loi, des amendements ont été proposés et adoptés. Le compte rendu des délibérations montre qu'à la fin de l'étude article par article et après que le comité eut accepté d'adopter le projet de loi ainsi modifié, le sénateur Lynch-Staunton a dit ceci:

Madame la Présidente, avant que vous mettiez fin aux travaux, je tiens à réitérer de nouveau que les sénateurs de ce côté-ci n'ont pris position ni d'un côté ni de l'autre sur les amendements. Nous n'avons pas voté ni pour ni contre. Nous nous sommes abstenus. Je tiens à ce que cela soit précisé pour les raisons déjà données. Je voudrais que ces raisons figurent dans le rapport. Il peut arriver, quand il n'y a pas unanimité, que les observations de la partie dissidente soient ajoutées au rapport. J'ai une très courte déclaration à faire inclure dans votre rapport. Elle se lit comme suit:

Cette déclaration à laquelle il fait allusion se trouve dans les Débats du Sénat, à la page 584.

Le sénateur Lynch-Staunton n'a formulé aucune objection au processus d'étude article par article utilisé et a tenté de convaincre le comité d'ajouter dans son rapport les observations dissidentes des sénateurs conservateurs membres du comité.

Après tout cela, compte tenu en partie de l'insistance du chef de l'opposition, le whip de l'opposition, un membre de la direction du parti d'en face, invoque maintenant le Règlement à propos, notamment, de ce qui s'est passé au comité, sous le regard vigilant de son chef. À mon point de vue, cela me semble quelque peu bizarre. Au comité, les amendements ont été adoptés.

Le sénateur Berntson: Cela ne change pas le Règlement.

Le sénateur Graham: Les observations ont été adoptées, et le rapport a été déposé au Sénat.

Le sénateur Berntson: Cela ne change pas les règles.

Le sénateur Graham: Du point de vue de la procédure, rien ne pourrait être plus clair et plus correct.

Je tiens aussi à rappeler aux sénateurs une décision de 1990 dans laquelle le Président avait dit que les difficultés que peuvent susciter les questions de procédure au comité devraient être réglées par le comité lui-même et non par le Sénat. Le4 octobre 1990, le Président de l'époque a rendu la décision suivante:

De plus, un bon nombre des points soulevés semblent porter sur des questions de règlement et de procédure de comité. Sur cette question, Beauchesne est très clair. Voici le commentaire 608: «Les difficultés que peuvent susciter les questions de procédure au comité doivent être réglées par celui-ci, non par la Chambre.»

Aucune difficulté sur le plan de la procédure n'a même été soulevée au comité, et il n'y a certes eu aucune discussion à ce sujet.

À mon avis, le sénateur Kinsella se trompe quant au principe du projet de loi C-28. Je crois qu'il confond les détails du projet de loi avec le principe.

Le principe est d'annuler les accords, d'indemniser les parties pour les dépenses raisonnables engagées, mais de ne pas indemniser les parties pour les profits perdus ou les frais versés aux lobbyistes. C'est ce que fait le projet de loi C-28 sous sa forme originale et c'est ce qu'il fera aussi si les amendements sont adoptés. À mon avis, le sénateur Kinsella parle des détails concernant l'application de ce principe et non du principe lui-même.

Ces amendements, honorables sénateurs, ont leur origine dans les propositions que le gouvernement a faites aux sénateurs d'en face il y a plus d'un an pour essayer de répondre à leurs prétendues préoccupations constitutionnelles. Ces propositions comprenaient la disposition qui permettrait à toutes les parties intéressées d'aller devant les tribunaux. À ce moment-là, au lieu de se plaindre que les amendements proposés étaient irrecevables, mes amis d'en face s'étaient plaints qu'ils n'allaient pas assez loin, qu'il aurait dû y avoir encore plus d'amendements.

Je trouve pour le moins étrange que l'opposition, une fois qu'elle a finalement obtenu les amendements qui, selon le professeur Monahan, éliminent tout sujet de préoccupation d'ordre constitutionnel grave, protestent maintenant de leur irrecevabilité. Ce sont pourtant les amendements que l'opposition réclamait.

De plus, ces amendements ne modifient en rien le principe du projet de loi.

 

Dès le départ, la position du gouvernement a été qu'il était prêt à rembourser aux promoteurs du réaménagement de Pearson les dépenses raisonnables encourues, mais qu'il refusait que l'argent des contribuables serve à rembourser des frais de lobbying ou à remplacer des profits perdus. Les amendements ne changent rien au principe. La seule différence, c'est que ce n'est plus le ministre qui déterminera quelles dépenses sont remboursables, mais ce sont les tribunaux.

Le sénateur Lynch-Staunton: Un détail négligeable.

Le sénateur Graham: Juste au cas où certains l'auraient oublié, c'est ce que mes vis-à-vis réclament depuis le début. C'est là un amendement qu'ils réclament depuis le tout début. Cet amendement ne change rien au principe du projet deloi C-28. Il n'en altère pas l'intégrité, mais il confirme le raisonnement qui le sous-tend ainsi que son objectif.

Si ces amendements sont irrecevables, le Sénat se verra dans une situation délicate au moment d'étudier d'autres projets de loi puisqu'il y aura un précédent pouvant être invoqué chaque fois qu'un amendement sera proposé.

Je reconnais toute l'importance du projet de loi, mais il faut admettre qu'il est peut-être plus important que le Sénat puisse jouer un rôle pertinent et utile dans le processus législatif. D'où les amendements que le comité a proposés au projet de loi C-28. C'est une tradition et une pratique que le rappel au Règlement du sénateur Kinsella détruirait s'il était accueilli favorablement.

Je ne connais aucun précédent, en tout cas, aucun précédent récent, de contestation de la recevabilité des amendements proposés à un projet de loi par un comité. J'admets que je n'ai pas eu l'occasion de faire des recherches très poussées sur la question, mais je ne connais aucune situation semblable. Je me souviens de discussions sur la recevabilité d'amendements proposés à l'étape de la deuxième ou de la troisième lecture, mais c'est la première fois, à ma connaissance, que la recevabilité d'amendements proposés par un comité est contestée.

Pour les motifs que j'ai déjà mentionnés, je soutiens que le rapport a été soumis selon les règles au Sénat et que les amendements et les observations qu'il contient ont été soumis au Sénat selon les règles et doivent être pris en considération.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, si le sénateur Graham se reportait à la transcription intégrale des délibérations du comité à l'étape de l'étude article par article, il constaterait que dès le début, au moment où le sénateur Bryden allait présenter le premier amendement au nom du gouvernement, j'ai demandé si les amendements seraient identiques, mot pour mot, à ceux qui avaient été distribués au comité quelque temps auparavant et on m'a répondu par l'affirmative. J'ai alors dit que nous ne nous opposions pas aux amendements comme tels, mais que nous n'étions pas prêts à leur accorder notre appui parce que nous estimions qu'ils allaient à l'encontre du principe du projet de loi. Si nous avions fait un recours au Règlement à ce moment-là, il n'aurait de toute évidence pas été appuyé compte tenu de la répartition des voix au sein du comité, soit sept contre cinq. Le recours au Règlement aurait donc été inutile.

Pour renforcer le point de vue exprimé au tout début, au moment où l'étude article par article débutait, nous avons demandé, et le comité a accepté de bonne volonté, que cette position soit exprimée dans la conclusion. Cette position est celle que nous avons maintenue depuis l'étape de la deuxième lecture, à savoir que les amendements proposés par le gouvernement sont contraires au principe du projet de loi C-28.

Il n'y a pas de contradiction dans la position adoptée par le sénateur Kinsella ni dans la position énoncée au début de l'étude article par article et confirmée dans les observations incluses dans le rapport du comité.

Le sénateur Graham n'a de toute évidence pas suivi le débat sur les projets de loi C-22 et C-28, sinon il n'aurait pas pu soutenir sérieusement que les amendements n'allaient pas complètement à l'encontre du principe du projet de loi. Le sommaire du projet de loi en explique le principe dans les termes suivants:

Le texte vise les accords qui découlent de la demande de propositions en vue du réaménagement des aérogares à l'aéroport Lester B. Pearson ou des négociations qui ont suivi.

Il déclare que ces accords ne sont pas entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique. Les amendements déclarent les contrats en vigueur jusqu'au 15 décembre; il y a donc une contradiction totale entre ce que le gouvernement a voulu faire pendant deux ans et les amendements dont le comité a été saisi.

Le sommaire ajoute:

[...] il empêche d'intenter certaines actions ou autres procédures contre Sa Majesté du chef du Canada à l'égard des accords.

Le projet de loi original ne permettait pas d'avoir recours aux tribunaux. Il prévoyait même que toute poursuite en justice déjà intentée concernant les accords devait être déclarée nulle et non avenue. Les amendements permettent un recours limité aux tribunaux, notamment pour les poursuites intentées avant la présentation du projet de loi, qui peuvent être menées à bonne fin. C'est le sens des amendements, honorables sénateurs.

Pour donner plus de poids à l'argument du sénateur Kinsella, je veux porter l'article 7 à l'attention de mes collègues. Dans le projet de loi original, l'article 7 s'intitulait «Immunité». L'amendement proposé change le titre pour «Responsabilité». L'ensemble des changements, en teneur et en importance, montre que ce projet de loi a été changé à tel point que ce n'est plus le même que lorsqu'il a été accepté en deuxième lecture.

Dans le projet de loi original, l'article 7 débutait ainsi:

Aucune action ou autre procédure, au titre notamment de la restitution ou des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité contractuelle ou délictuelle, ne peut être intentée [...] contre Sa Majesté, [...] si elle est liée...

suivent six éléments qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer ici.

Il est donc assez clair que tout ce qui a trait aux accords ne peut faire l'objet de contestations judiciaires.

Le projet de loi original parlait d'immunité, alors que le nouveau parle de responsabilité. L'article 7 du nouveau projet de loi commence par «Aucune action ou autre procédure [...] ne peut être intentée [...] si elle est liée...», et c'est suivi des mêmes six éléments.

C'est un autre exemple flagrant de violation du principe du projet de loi. L'un des principes fondamentaux était l'interdiction de saisir les tribunaux de ces affaires, mais les amendements établissent qu'on peut intenter des poursuites à certaines conditions.

Le pouvoir discrétionnaire du ministre, qui est une chose à laquelle nous nous opposions, fait partie de l'essence du projet de loi et par conséquent du principe qui a été accepté; le recours aux tribunaux était interdit, le montant des réclamations limité et laissé à l'entière discrétion du ministre, les plaignants ayant30 jours pour accepter l'offre de ce dernier, faute de quoi ils risquaient de ne rien avoir. C'était draconien. Cela disparaît complètement. On ne fait plus mention du pouvoir discrétionnaire du ministre. Il est par conséquent extraordinaire de prétendre que si les amendements étaient adoptés, cela aurait pour effet de rendre ce projet de loi similaire au projet de loi original, pour ce qui est du principe.

Comme l'a dit le sénateur Kinsella, le gouvernement est aux prises avec un problème qu'il a lui-même créé. Il espérait, et il espère encore, sans aucun doute, qu'en nous imposant des amendements avec l'aide d'une majorité docile, il pourrait renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes deux ou trois jours avant les vacances d'été et le faire adopter à toute vapeur. Le gouvernement aurait dû suivre la procédure prescrite. Il aurait dû se rendre compte qu'il avait produit un projet de loi nouveau et qu'il devait donc lui refaire passer les étapes à la Chambre des communes où il aurait dû faire l'objet d'un débat, être modifié et enfin renvoyé en cet endroit. Je puis vous assurer que s'il avait procédé de la sorte, nous ne ferions pas un recours au Règlement, comme nous sommes en train de le faire et que nous ne nous opposerions pas à cette procédure qui est une violation grossière de la procédure établie des deux Chambres du Parlement.

 

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, il est dit clairement dans Beauchesne qu'un comité doit étudier le texte d'un projet de loi article par article et mot par mot au besoin, afin d'y apporter tous les amendements qui pourraient le rendre plus généralement acceptable. Je répète, plus «généralement acceptable». La seule chose que le comité ne doit pas faire est de trahir le principe adopté à la deuxième lecture. Voilà le fond du débat actuel: quel est le principe du projet de loi C-28?

Le sénateur Berntson: Elle vous a abandonné, sénateur Graham.

Le sénateur Carstairs: Le principe de ce projet de loi est clair. Ce n'est pas, comme le suggère le sénateur, que le contrat doit être annulé, mais plutôt que la responsabilité de l'État doit être limitée. Les amendements modifient la limite de cette responsabilité, mais ils ne modifient pas le principe adopté à l'étape de la deuxième lecture, soit que la responsabilité devrait être limitée.

Ce qui s'est passé au comité, honorables sénateurs, est très clair. Nous avons eu de nombreuses journées de discussions sur le projet de loi C-28. Jamais on n'a soulevé d'inquiétudes, en dépit du fait que des amendements avaient été proposés dès le premier jour, de sorte que les membres du comité sachent exactement ce qui était acceptable. Pendant tout ce débat aucun recours au Règlement n'a jamais été soulevé au comité. La procédure n'a jamais été contestée jusqu'à maintenant.

Nous avons débattu du projet de loi, nous en avons discuté, nous avons eu des témoins, nous avons entendu des témoignages très clairs. Nous avons finalement terminé avec le témoignage du professeur Monahan qui a admis que, même s'il était d'avis que le projet de loi C-22 était inconstitutionnel, le projet de loi C-28 tel que modifié par le comité...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Carstairs, j'hésite à vous interrompre, mais il est maintenant 18 heures. Je crois qu'il y a une entente voulant que je ne vois pas l'horloge. Par conséquent, vous pouvez continuer.

Le sénateur Berntson: Nous nous sommes entendus pour ne pas voir l'horloge tant qu'il serait question du recours au Règlement.

Le sénateur Carstairs: M. Monahan, lors de son dernier témoignage devant le comité, a convenu qu'à son avis, le projet de loi C-28 était légal et constitutionnel et que les tribunaux du pays seraient de cet avis. Les amendements ont ensuite été adoptés par suite d'une étude article par article. Il n'y a eu aucun recours au Règlement ou objection.

Honorables sénateurs, si les sénateurs d'en face avaient voulu formuler des objections, ils l'auraient fait à l'étape de l'étude en comité, bien avant le renvoi du projet de loi à la Chambre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourrais-je poser une question au sénateur Carstairs? Madame le sénateur a dit qu'elle a l'impression que le principe du projet de loi est maintenu, en dépit des amendements, parce que l'idée d'une immunité limitée a été retenue. Peut-elle expliquer ce qu'elle entend par «immunité limitée»? Y a-t-il un montant d'argent de prévu? Où en est-il question dans le projet de loi pour que je puisse saisir son argument?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, dès les tout premiers instants du débat sur cette mesure législative, le principe était clair: le gouvernement déposait devant cette Chambre et devant l'autre Chambre une disposition qui reconnaissait une immunité limitée. Autrement dit, il y avait des aspects où le gouvernement estimait qu'il n'y avait pas lieu de parler d'immunité; c'était le cas, par exemple, des honoraires de lobbyistes.

Le sénateur Lynch-Staunton: De combien d'argent s'agit-il? Le gouvernement a-t-il un montant en tête?

Le sénateur Carstairs: Le sénateur Lynch-Staunton sait fort bien que nous ne parlons pas ici de dollars et de cents, mais plutôt de catégories.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'estime que nous devrions tous être reconnaissants au sénateur Kinsella de son analyse minutieuse des pouvoirs d'un comité. Si je comprends bien, le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a examiné le projet de loi C-28, en a amendé certains articles, et en fait maintenant rapport au Sénat avec ces amendements.

Cet après-midi, le sénateur Kinsella conteste la pertinence du rapport que le comité a fait de ce projet de loi. Il n'y a pas grand-chose à dire à cet égard pour l'instant, mais permettez-moi de décrire, en mes propres termes, la situation telle que je la perçois.

Je pense que le sénateur Kinsella avait raison lorsqu'il a parlé du caractère recevable d'un amendement. Tout d'abord, pour qu'un amendement soit recevable, il doit être conforme au principe du projet de loi.

Quel est le principe du projet de loi? Si les honorables sénateurs ont suivi les interventions du sénateur Lynch-Staunton, ils conviendront tous, à mon avis, que le sénateur Lynch-Staunton est entré dans les détails du projet de loi, dont certains sont très importants, et qu'il a donné à ces détails la qualité de principe.

L'article 3 du projet de loi initial dit:

Il est déclaré que, par application de la présente loi, les accords...

Il s'agit des accords concernant les aérogares de l'aéroport Pearson.

...ne sont pas entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique.

En terminant, je rappelle que le principe qui sous-tend ce projet de loi consiste à mettre de côté ces accords et, en même temps, comme le sénateur Carstairs vient de le mentionner, à définir la responsabilité de l'État face à l'application de cette clause. À mon avis, l'article 3, tel qu'amendé, ne change rien à ce principe.

L'article 3 amendé est le suivant:

Il est déclaré que, par application de la présente loi,les accords n'ont aucun effet juridique après le15 décembre 1993.

En d'autres termes, le principe reste intact et les accords sont mis de côté. Comme le sénateur Carstairs l'a fait remarquer, le projet de loi limite ensuite la responsabilité du fait que les accords ont été mis de côté.

Dans la mesure où le principe est concerné, il semble que les accords sont recevables.

Deuxièmement, les amendements sont-ils pertinents? D'après moi, il n'y a pas le moindre aspect des amendements qui ne porte pas sur les accords concernant l'aéroport Pearson. Ces amendements se rapportent en tous points à ces accords. Le deuxième critère est donc respecté.

Troisièmement, les amendements respectent-ils la portée du projet de loi? En d'autres termes, est-ce qu'ils apportent une question superflue? Je n'en vois aucune. J'étudie tous ces amendements et je constate que chacun d'entre eux - en fait, chaque mot qu'ils renferment - porte sur la ou les questions dont traite le projet de loi. Dans le rapport du comité, il n'y a pas la moindre question qui n'était pas dans la première version du projet de loi, tel qu'approuvé par le Sénat à l'étape de la deuxième lecture.

 

Cette discussion est importante, honorables sénateurs. Comme je l'ai dit au début, nous devons être reconnaissants envers l'honorable sénateur Kinsella, qui l'a commencée. Elle est importante en raison d'un argument que le sénateur Graham a fait valoir. Si je ne m'abuse, il a dit que nous devions prendre garde, en traitant de la recevabilité des amendements, de ne pas définir trop étroitement le principe d'un projet de loi, de ne pas tenir compte des détails du projet de loi, en définissant son principe, au point de restreindre les pouvoirs du Sénat. Le gouvernement va renvoyer des projets de loi de la Chambre des communes au Sénat et, les gouvernements étant ce qu'ils sont, ils seront heureux de dire qu'un comité sénatorial a peu de latitude pour amender un projet de loi du gouvernement. Je pense que nous devons résister à la propension du gouvernement à limiter le pouvoir du Sénat.

Honorables sénateurs, nous devons tenir compte des amendements que nous avons apportés au principe, mais nous ne devons pas permettre que le principe soit défini en détail et de façon exhaustive. À la limite, il risquerait d'être défini à tel point qu'on ne puisse plus rien changer à l'essence du projet de loi. Nous devons veiller à ce que notre interprétation du principe ne soit pas large et exhaustive au point de vraiment limiter les pouvoirs du Sénat. C'est là un point très important, je crois.

Honorables sénateurs, je dis cela comme remarque incidente de ce que je veux vraiment faire valoir, à savoir que les amendements sont vraiment conformes au principe du projet de loi et ne dépassent pas la portée de celui-ci. Par conséquent, j'estime que le projet de loi dont il est fait rapport par le comité est correct et recevable.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je suis ravi que le sénateur Stewart ait cité les articles 3 et 4 pour soutenir le principe du projet de loi, car, en fait, c'est auxarticles 3 et 4 que se trouve la violation la plus grossière. Dans le projet de loi C-22 original, l'article 3 se lit comme ceci:

Il est déclaré que, par application de la présente loi, les accords ne sont pas entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique.

Autrement dit, les contrats n'existent pas.

L'article 4 renforce cette idée en ces termes:

Il demeure entendu que sont déclarés inexistants, par application de la présente loi, tous les engagements, droits, titres, intérêts, domaines et obligations prévus par les accords, ainsi que la responsabilité qui y est liée.

Autrement dit, non seulement les contrats n'existent plus, mais ils n'ont jamais existé au premier chef. C'est ce que l'on constate en lisant les articles 3 et 4 du projet de loi original.

L'article 3 du projet de loi C-28, tel qu'amendé par le comité, est ainsi libellé:

Il est déclaré que, par application de la présente loi, les accords n'ont aucun effet juridique après le 15 décembre 1993.

Autrement dit, le gouvernement affirme tout d'abord qu'il n'y a jamais eu de contrats, puis il dit qu'il y en a eu jusqu'au15 décembre 1993. On les a enterrés, puis tout à coup, on les a déterrés et ils ont continué d'exister jusqu'au 15 décembre.

L'article 4 amendé répète l'article 4 du projet de loi C-28, mais ajoute:

[...] n'ont aucun effet juridique après le 15 décembre 1993.

Dans les amendements, les contrats et tout ce qui a rapport à ceux-ci sont en totale contradiction avec le projet de loi original, car les contrats et les questions qui en découlent sont déclarés être légaux jusqu'au 15 décembre 1993.

Pourquoi le 15 décembre 1993, honorables sénateurs? C'est une date qui a été choisie arbitrairement et qui coïncide plus ou moins avec la date de la rupture des accords par le gouvernement. Comme nous l'a dit un témoin qui a comparu devant le comité, la date véritable était le 3 décembre. Les deux parties ont convenu que, le 3 décembre 1993, les contrats ont été annulés. Une partie a rompu les contrats; l'autre a été placée devant ce fait accompli. Par conséquent, elle a intenté une action en justice contre la partie contrevenante. La date du 15 décembre prolonge la durée des contrats de 12 jours, car ils ont été annulés le 3 décembre.

Le point principal que je voulais soulever, honorables sénateurs, c'est que le gouvernement a dit initialement, dans deux articles, non seulement que les accords étaient nuls et non avenus, mais encore qu'ils n'avaient jamais existé. Maintenant, le gouvernement nous demande de bien vouloir accepter le fait qu'il n'a pas changé de position. Cependant, soit dit en passant, les contrats ont bel et bien existé quelques jours avant la date où le gouvernement les a annulés.

Honorables sénateurs, le gouvernement ne peut gagner sur les deux tableaux. Les articles 3 et 4 sont le fondement de l'argument selon lequel il y a eu violation flagrante du principe que nous avons accepté à la deuxième lecture.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, je suppose que j'ai autant le droit que le sénateur Lynch-Staunton de prendre la parole une seconde fois.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je croyais qu'on pouvait le faire sur un recours au Règlement.

Le sénateur Stewart: Le sénateur Lynch-Staunton met à juste titre l'accent sur le fond de la question, c'est-à-dire la signification de l'article 3, en tenant compte de l'article 4. D'après ce que je peux voir, le but de l'article 3 est d'annuler les accords. Des objections ont été formulées contre la manière de procéder prévue dans le projet de loi qui a été présenté au Parlement. Il s'agissait de déclarer que ces accords ne sont jamais entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique. Des objections ont été formulées contre cette technique. Par conséquent, l'article a été modifié de façon à annuler les accords, mais à une date précise, c'est-à-dire le 15 décembre 1993. Dans les deux cas, les accords ont été annulés et c'est le but du projet de loi, tout en reconnaissant la responsabilité du gouvernement à la suite de l'initiative proposée au Parlement.

Je suppose que je n'arriverai pas à convaincre le sénateur Lynch-Staunton, mais bien une personne qui ne s'est pas engagée dans cette affaire aussi profondément qu'il ne serait disposé à le reconnaître.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Stewart signale une préoccupation générale importante qui concerne les règles à suivre pour éviter d'entraver l'analyse critique du projet de loi, que la Chambre doit entreprendre, et pour faire des amendements visant à l'améliorer. En ce sens, honorables sénateurs, c'est un exemple classique de violation de la logique aristotélique.

Le sénateur Gigantès: Minute!

Le sénateur Stewart: Attendez qu'Aristote s'asseye.

Le sénateur Kinsella: Comme l'a signalé le sénateur Stewart, le libellé du projet de loi saisit les principes énoncés auxarticles 3 et 4, à savoir que les accords n'ont aucun effet juridique.

L'amendement concernant l'article 3 essaie de reconnaître que les accords ont un effet légal jusqu'au 15 décembre 1993. Nous n'avons pas affaire à quelque chose de concret, mais à quelque chose d'inexistant. Dans le projet de loi, on part du principe que ces accords n'existent pas; grâce à l'amendement, on reconnaîtra qu'ils existaient jusqu'au 15 décembre 1993.

 

C'est un exemple classique de contradiction, pas d'opposition, mais de contradiction. J'estime que cela va à l'encontre du principe adopté par cette Chambre à l'étape de la deuxième lecture.

Je ne reproche pas au Sénat ni à mes collègues d'en face d'avoir été mis de force dans cette situation. On nous a présenté un projet de loi en nous avertissant d'emblée qu'il ne s'agit pas vraiment du projet de loi. C'est là l'énigme. C'est ce qui arrive.

Son Honneur le Président: Il me semble que ces arguments sont analogues. Si vous avez de nouveaux arguments à avancer, je suis disposé à les écouter.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'espère que c'est un nouvel argument parce qu'il a été noté, mais nous n'y avons pas répondu. Il s'agit de la question de la responsabilité. Le projet de loi initial ne prévoyait pas de responsabilité limitée et les amendements le confirment.

En fait, le projet de loi initial ne prévoit pas la moindre responsabilité. Le gouvernement n'a pas à payer un cent. Sa seule responsabilité est celle dont il décide lui-même. Tout ce que les parties lésées pourraient faire, si on les prive de tout recours devant les tribunaux, c'est présenter des réclamations au ministre, aux conditions du gouvernement, et celui-ci pourrait décider de leur légitimité, du montant à verser ou pas - que ce soit 30 millions ou de 50 c. ou rien du tout -; le réclamant n'aurait aucun recours en justice.

Le projet de loi initial ne prévoit donc absolument aucune responsabilité. Il accorde seulement au ministre le pouvoir de décider de lui-même de donner suite aux réclamations et de fixer unilatéralement le montant dans un délai qu'il aura choisi de façon irrévocable. En fait, c'est «à prendre ou à laisser», alors que les amendements acceptent une certaine forme de responsabilité, ou du moins le recours devant les tribunaux. On a complètement changé de ton.

J'ai terminé, Votre Honneur.

Son Honneur le Président: Je remercie tous les honorables sénateurs qui ont participé à cette discussion intéressante. Je prendrai la question en délibéré.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 12 juin 1996, à 13 h 30.)


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