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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 30

Le mercredi 12 juin 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 12 juin 1996

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les langues officielles

La Loi sur la langue au Québec-La nécessité
de protéger les droits de la minorité

L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, la police de la langue est de retour au Québec. Le gouvernement du premier ministre Lucien Bouchard a présenté le projet de loi 40, loi sur l'affichage, qui autorise l'emploi de l'anglais sur les affiches pourvu que la grosseur du lettrage anglais soit la moitié de celle du lettrage français. Jusqu'à maintenant, les lettrages pouvaient être de grosseur égale. Ce ne sera plus le cas, a dit Lucien Bouchard.

Le gouvernement du Québec dépensera 5 millions de dollars pour ramener des bureaucrates armés de rubans et de règles à mesurer. Ces bureaucrates auront le pouvoir d'examiner tout document, d'en faire des copies, de prendre des photos et d'exiger des renseignements pertinents. Les violations de la loi sur l'affichage commercial entraîneront des amendes de 50 $ à 4 000 $, en vertu de la Charte de la langue française.

Honorables sénateurs, les gens d'affaires sont inquiets; les Canadiens en général sont inquiets. C'est une intrusion dans leur vie quotidienne et une entrave à leur moyen de subsistance. C'est inacceptable de dépenser 5 millions de dollars pour avoir des inspecteurs qui peuvent descendre dans un commerce à toute heure du jour, avoir accès un peu partout, vérifier les certificats de francisation et mesurer la hauteur des lettres sur les affiches. Le Québec dépense 5 millions là-dessus alors qu'il ferme des hôpitaux et impose des compressions dans d'autres services essentiels.

Le même Lucien Bouchard, quand il était secrétaire d'État, avait affirmé, en 1998, devant le comité des langues officielles, qu'il refusait d'accepter la prétention du Québec que le gouvernement provincial avait le dernier mot sur les questions de langue au Québec, en particulier sur le sort des anglophones du Québec. On dirait maintenant que M. Bouchard prétend que ces mêmes droits relèvent de la compétence de la province de Québec.

Lorsque, le 19 juillet 1988, il a comparu devant le comité spécial du Sénat au sujet du projet de loi C-72, Loi concernant le statut et l'usage des langues officielles du Canada, M. Bouchard a reconnu ce qui suit:

Le gouvernement fédéral est investi de la responsabilité nationale et générale de protéger et de promouvoir les droits des minorités en ce qui concerne les deux langues officielles.

Honorables sénateurs, nous avons la responsabilité de protéger et de promouvoir les langues des minorités. Cette mesure législative, honorables sénateurs, nuit aux droits des minorités au Québec.

Dans un discours qu'il a prononcé le 11 mars 1996 à l'intention de la communauté anglophone du Québec à Montréal, il a dit:

En tant que souverainiste, et que premier ministre du Québec, je crois avoir la responsabilité de réaffirmer notre engagement solennel de préserver les droits de la communauté anglophone...

Il a souvent dit qu'on ne pouvait à la fois protéger et promouvoir le français et respecter les droits de la minorité anglophone.

Honorables sénateurs, à mon avis, la protection et la promotion du français de la manière proposée par M. Bouchard ne permettent pas de respecter les droits de la minorité anglophone dans la province de Québec. En agissant ainsi, M. Bouchard manque à sa responsabilité de préserver les droits de la communauté anglophone.

Honorables sénateurs, il existe d'autres façons de promouvoir le français et de veiller à la préservation de la culture française. Nous avons le devoir envers les anglophones et les allophones du Québec de protéger leurs droits. Nous ne devons pas permettre cette atteinte à leurs droits sans avoir examiné la question.

 

Les relations entre le Canada
et les États-Unis

La politique de commerce international

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, il y a quelques mois à peine, le gouvernement a fait adopter un projet de loi pour mettre fin à la publication d'éditions dédoublées du magazine Sports Illustrated au Canada. Bon nombre de sénateurs de ce côté de la Chambre, dont moi, avaient alors prévenu le Sénat que le gouvernement des États-Unis s'opposerait à une telle mesure. En fait, le sénateur Kelleher a présenté au comité une lettre dans laquelle le ministre du Commerce avisait la ministre du Patrimoine canadien de cette possibilité.

 

Comme nous le savons, les États-Unis ont déposé une plainte officielle à ce sujet auprès de l'Organisation mondiale du commerce. Par cette mesure contre le magazine Sports Illustrated, les Canadiens ne se sont pas faits d'amis au sein du Département d'État et du Département du Commerce américains. Le gouvernement fédéral subit maintenant les contrecoups de son manque de vision, car il essaie d'obtenir des Américains certaines concessions quant à l'application de la loi Helms-Burton. Bientôt, les dirigeants d'entreprises canadiennes seront sous le coup d'une interdiction d'entrer aux États-Unis. Les États-Unis présenteront sous peu, au gouvernement du Canada, la liste des personnes qui ne pourront traverser la frontière parce que leurs entreprises font du commerce avec Cuba.

Honorables sénateurs, tout ceci semble se produire alors que le gouvernement canadien demeure en retrait, comme un observateur et non un participant. Si le gouvernement du Canada avait poursuivi une politique commerciale conséquente face aux États-Unis, il aurait réussi à obtenir, de la part du gouvernement américain, certaines exemptions quant à l'application de la loi Helms-Burton.

 

L'environnement

La fissuration des gazoducs et des oléoducs
par corrosion sous contrainte

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est rendu, la semaine dernière, à Calgary où des fonctionnaires de l'Office national de l'énergie, entre autres, l'ont renseigné sur les questions de production énergétique et de transport de combustible, notamment sur les pipelines et l'environnement. Je suis certaine que vous en entendrez parler davantage plus tard.

À l'heure actuelle, les Manitobains s'intéressent tout particulièrement à la question de la sécurité des pipelines. Les fonctionnaires de l'Office national de l'énergie nous ont dit très franchement que la fissuration par corrosion sous contrainte était l'un des deux gros problèmes qui se posaient à eux en ce qui concerne la sécurité du réseaux transcanadien de pipelines. Ils ont entrepris une enquête, l'automne dernier, sur la fissuration par corrosion sous contrainte, phénomène qui se manifeste par l'apparition sur la surface extérieure des canalisations en acier d'une série de petites fissures qui, à la longue, se rejoignent et provoquent la rupture de la canalisation.

Le jour même où l'office tenait sa première audience sur le sujet, à Calgary, en avril dernier, il apprenait la première rupture importante d'un pipeline dans l'histoire du Canada sur le territoire d'un grand centre urbain. Malheureusement pour les habitants de St. Norbert, près de Winnipeg, au Manitoba, à la suite de cette rupture, une boule de feu de 40 mètres s'est élevée dans les airs et a mis feu à une maison en bordure de rivière. Trois enquêtes sont maintenant en cours. On pense qu'un défaut de soudure pourrait être à l'origine de cet accident. Toutefois, on n'a pas écarté la possibilité que la fissuration par corrosion sous contrainte soit également un facteur.

On croit que ce phénomène est dû à la contrainte, à la corrosion sous l'effet de l'eau ou du sol, à la pression à l'intérieur des canalisations, et au genre de canalisation et d'enduit utilisé. La canalisation qui a éclaté est l'une des six existant dans cette région. Elle n'est toujours pas réparée parce que la section qui a explosé passe sous la rivière La Salle et que le niveau des eaux est encore extraordinairement élevé - presque six mètres au-dessus de la normale. Trans-Canada Pipeline a bien sûr était obligé de fermer cette ligne.

Un autre facteur que les enquêteurs envisagent, c'est la contrainte causée, cette année, par un hiver extrêmement rigoureux et des inondations de printemps. Les Manitobains savent très bien qu'ils ont connu des conditions climatiques extrêmes l'hiver dernier et ce printemps. Bien peu associeraient ce phénomène à ce que nous appelons le réchauffement de la planète ou plus exactement les changements climatiques. Pourtant, des variations extrêmes et des chutes de neige abondantes dans les Prairies sont précisément ce que les météorologues ont prédit du fait de l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Les chutes de neige records dans les Prairies et les inondations de printemps au cours des deux dernières années sont conformes aux prédictions sur les conséquences des changements climatiques. L'Office national de l'énergie nous a dit que le nombre d'incidents signalés sur les conduites est passé de 47 en 1990 à 80 l'an dernier.

Ce que veulent les Manitobains, c'est que les résultats de l'enquête leur confirme plusieurs choses. Tout d'abord, que la cause de la rupture a été déterminée avec précision; deuxièmement, que les cinq autres conduites qui se trouvent dans la région sont absolument sûres ou, en cas de doute, que des mesures appropriées ont été prises; et troisièmement, et cela s'applique à toutes les conduites ailleurs au Canada, qu'une évolution climatique qu'on ne prévoyait pas il y a 30 ans, lorsque la majorité des conduites ont été posées, est maintenant prise en considération par l'Office national de l'énergie, le Bureau de la sécurité des transports et les sociétés d'exploitation des oléoducs et des gazoducs.

Il y a environ 23 000 kilomètres de gazoducs au Canada et quelque 16 000 kilomètres d'oléoducs. Nous devrons être assurés qu'ils sont absolument sécuritaires, quelle que soit l'évolution de notre climat. De même, nous avons besoin de savoir que les conduites proposées dans le nord seront conçues pour résister à des changements considérables du climat. Nous espérons que l'incident de St. Norbert n'est pas comme le canari que l'on utilisait dans les mines de charbon.

 

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Le système audio-
La sensibilité des microphones au Sénat

Son Honneur le Président: Avant de passer au prochain point à l'ordre du jour, je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que lorsqu'ils utilisent des documents, ils devraient éviter de toucher aux microphones, qui sont extrêmement sensibles. Cela déclenche un bruit très fort dans les écouteurs, même si ce n'est qu'une feuille.

 


AFFAIRES COURANTES

Affaires étrangères

Autorisation accordée au comité de siéger
en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 15 h 15 aujourd'hui, le mercredi 12 juin 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

L'enquête sur la vente des avions Airbus
à Air Canada-La possibilité d'un règlement à l'amiable dans l'action en libelle diffamatoire-
La position du gouvernement

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier soir, Neil MacDonald, du réseau anglais de la Société Radio-Canada, nous a appris que les avocats du gouvernement fédéral essayaient de parvenir à un accord à l'amiable avec l'ancien premier ministre Mulroney dans le cadre de sa poursuite touchant les allégations faites au sujet de pots-de-vin qu'il aurait reçus relativement à la vente d'avions Airbus. Dans son reportage, M. MacDonald a cité une source gouvernementale anonyme selon laquelle les avocats du gouvernement négociaient avec M. Mulroney et pourraient conclure une entente dans les 24 à 48 heures.

Voici donc ma question: le gouvernement essaie-t-il de régler cette question à l'amiable?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout ce que je peux dire à mon honorable collègue, c'est que les avocats poursuivent leurs discussions dans cette affaire. Le ministre de la Justice a déclaré publiquement que nous étions prêts à discuter d'une entente, mais rien n'est imminent.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu dire que le ministre de la Justice avait déclaré qu'il était prêt à en discuter.

Quoi qu'il en soit, dans le même reportage au réseau anglais de la Société Radio-Canada - et on l'a répété dans la Gazette de Montréal d'aujourd'hui - on précise que le ministre de la Justice, M. Allan Rock, a dit à la Société Radio-Canada qu'il n'était au courant d'aucune proposition d'entente précise. On peut donc se demander: les avocats du gouvernement ont-ils fait une offre générale de règlement, oui ou non?

Le sénateur Fairbairn: Pas à ma connaissance, honorables sénateurs. Je le répète, les avocats des deux côtés dans cette affaire communiquent régulièrement entre eux. Je suis au courant de cette nouvelle, qui a fait beaucoup de bruit hier soir. On me dit simplement aujourd'hui que les échanges se poursuivent de façon régulière et qu'il n'y a rien d'imminent. C'est tout ce que je peux dire.

 

La possibilité que l'action en diffamation ne mine l'enquête sur la vente d'avions Airbus à Air Canada-
La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Votre Honneur, en guise de question complémentaire, je suis ahuri d'entendre la ministre dire que les avocats du gouvernement seraient disposés à discuter d'un règlement, car, en cas de règlement, l'enquête serait terminée et - je ne veux pas me lancer dans les hypothèses - cela montrerait que le gouvernement a abandonné la partie.

 

Le sénateur Stewart: Non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous dites que non, mais il demeure que, lorsqu'on conclut un règlement à l'amiable, c'est qu'on sait qu'on ne gagnera rien en portant sa cause devant les tribunaux.

Des voix: Non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi le gouvernement voudrait-il même songer à conclure un règlement, puisque, en agissant ainsi, il s'immiscerait dans le déroulement de l'enquête? C'est une façon de dire à la GRC: «Nous n'avons que faire de votre enquête. Nous ignorons comment elle a commencé. Nous ne savons aucunement qui a écrit la lettre ou comment elle est parvenue en Suisse. Nous n'avons absolument rien à voir là-dedans. Soit dit en passant, nous sommes prêts à conclure un règlement avec le plaignant.» Le gouvernement intervient donc directement dans l'enquête et coupe l'herbe sous les pieds de la GRC.

Les sénateurs d'en face hochent la tête, mais je demande à la ministre d'expliquer comment l'aveu que le gouvernement est disposé à conclure un règlement aidera à poursuivre une enquête prétendument indépendante sur des activités criminelles auxquelles, selon la GRC, l'ancien premier ministre s'est livré.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Le sénateur tient des propos extrêmement hypothétiques. Je n'ai pas dit que le gouvernement propose un règlement. J'ai tâché d'examiner la question aujourd'hui et je peux seulement dire au sénateur, comme je l'ai dit au sénateur LeBreton, que rien ne permet de penser qu'il y aura du nouveau sous peu à cet égard. Autant que je sache, le gouvernement n'a fait aucune proposition de règlement. Des avocats discutent à Montréal en prévision de la cause, et c'est là où en sont les choses en ce moment.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si les collègues de la ministre cessaient de m'interrompre, je pourrais peut-être lui poser ma question. Elle est très simple : comment le gouvernement peut-il, comme la ministre l'a fait il y a quelques instants, se dire prêt à discuter d'un règlement - ce sont ses propres mots -, alors que cela nuirait au déroulement d'une enquête? Vous pourriez laisser l'enquête suivre son cours normal. Si vous faites cela, vous serez au diapason de ce que vous avez dit dans le passé.

Or, nous apprenons qu'un arrangement est possible et que le gouvernement engagerait des discussions en ce sens. Quelle sera la réaction de la GRC si elle apprend qu'un arrangement hors cour est possible, alors qu'elle fait des pieds et des mains pour porter cette affaire devant les tribunaux?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, il y a une poursuite pour libelle devant les tribunaux à Montréal. Chez les avocats, une enquête est actuellement en cours. Je n'ai aucun commentaire à faire sur l'enquête ou sur les rumeurs et les spéculations que l'on a entendues aux bulletins de nouvelles d'hier soir.

J'ai dit que des conversations entre avocats ont lieu quotidiennement à Montréal. Il n'y a absolument rien d'imminent et, à l'heure actuelle, le gouvernement n'a aucune proposition à faire.

[Français]

 

Les affaires étrangères

La visite du premier ministre français au Canada-
La reconnaissance du fait français hors Québec

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur les commentaires que le premier ministre de la France, M. Alain Juppé, a tenus lors de son passage au Québec.

Nous apprenons, d'après les reportages dans les journaux, que le premier ministre français est venu dangereusement près d'appuyer les séparatistes du Québec.

Est-ce que le premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, a eu l'occasion de signaler d'une voix ferme au premier ministre français que le fait français s'étend au-delà des frontières de la province de Québec?

En appuyant la cause des séparatistes, le premier ministre français n'est-il pas en train d'abandonner et de rejeter les communautés francophones et acadiennes d'un bout à l'autre du Canada?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la rencontre des premiers ministres de la France et du Canada, qui a eu lieu à Ottawa, a été très satisfaisante. Je crois que le premier ministre a effectué une visite agréable au Canada. Il en a profité pour réaffirmer le lien d'amitié entre la France et le Canada ainsi que le partenariat économique et politique de nos deux pays. Au cours de la conférence de presse qu'il a donnée, à Ottawa, le premier ministre français a déclaré que nos relations excellentes ne renfermaient aucun irritant et que la France n'avait pas à prendre position face à la situation intérieure canadienne.

 

La justice

L'enquête sur la vente d'avions Airbus à Air Canada-
La possibilité d'un règlement à l'amiable du procès
en diffamation-Les propos du premier ministre

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.

J'ai entendu madame le leader dire que le ministre de la Justice avait indiqué qu'il était disposé à discuter d'un règlement à l'amiable du procès à Montréal. Elle aurait ajouté qu'il n'y avait pas d'accord précis ou imminent, mais que les discussions se poursuivaient entre les avocats.

Ce que je viens de dire est-il exact? Madame le leader a-t-elle dit cela?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Oui.

Le sénateur St. Germain: La ministre a toujours soutenu que le ministre de la Justice, le solliciteur général, le cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé n'étaient pas impliqués du tout dans cette enquête. À ce moment-ci, sont-ils tenus au courant de l'évolution de la question et collaborent-ils avec la GRC ou avec d'autres dans l'enquête?

Le sénateur Fairbairn: Absolument pas.

Le sénateur St. Germain: Dans ce cas, comment la ministre peut-elle expliquer ce que le premier ministre a dit hier à propos de la nouvelle selon laquelle des avocats tenteraient d'en arriver à un règlement à l'amiable dans l'affaire entourant les accusations portées contre Brian Mulroney? Comment le premier ministre peut-il affirmer aux Canadiens que le gouvernement ne cherchait pas à conclure un règlement à l'amiable s'il n'est pas au courant de ce qui se passe? Pour faire pareille affirmation, il doit savoir ce qui se passe. Comment peut-il affirmer qu'il n'y a pas de négociations en cours ni quoi que ce soit en marche alors qu'il est tenu entièrement à l'écart de cette affaire? Il a affirmé catégoriquement que le gouvernement n'essayait pas de conclure un règlement à l'amiable. Dites-moi donc comment il peut le savoir.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, il y a un procès en diffamation d'une part, et une enquête de l'autre. Les deux sont complètement séparés. L'enquête est menée par la GRC, qui l'a effectuée et qui continue de le faire. Il y a par ailleurs un procès en instance devant les tribunaux de Montréal, et il s'agit du procès en diffamation. Il s'agit de deux choses tout à fait séparées.

Comme je l'ai dit, comme vous l'avez dit et comme le premier ministre l'a dit, il n'existe aucune proposition de règlement. Pour ma part, j'ignore sur quel fondement peut bien reposer ce qu'on a entendu hier soir à la télévision. Je dis simplement que les avocats échangent des propos entre eux au cours de la préparation du procès, et le premier ministre doit avoir tout à fait raison de dire ce qu'il a dit.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat a affirmé catégoriquement que le ministre de la Justice s'était déclaré disposé à discuter d'un règlement. Elle affirme également que les deux questions sont séparées. Je ne vois pas comment elles peuvent l'être, car le procès en diffamation résulte de l'enquête. Si l'on sait ce qui se passe d'un côté, on doit savoir ce qui se passe de l'autre. Je ne vois pas comment les deux peuvent être séparés.

Madame le leader du gouvernement au Sénat maintient-elle toujours que le cabinet du premier ministre, le Bureau du Conseil privé, le solliciteur général, le ministre de la Justice et le premier ministre ignoraient tout de cela et qu'il ne s'agissait pas d'un raid pour tâter le terrain ni d'une chasse aux sorcières?

Le sénateur Fairbairn: Absolument, sénateur.

Le sénateur Lynch-Staunton: Un cas fortuit!

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question que l'honorable sénateur Balfour a posée au Sénat le 12 décembre 1995 au sujet de la vente des avions Airbus à Air Canada; la réponse à une question que l'honorable sénateur Balfour a posée au Sénat le 12 décembre 1995 au sujet de la connaissance que certains ministres avaient de certaines choses relativement à la vente des avions Airbus à Air Canada; et la réponse à une question que l'honorable sénateur Carney a posée au Sénat le 29 mai 1996 au sujet de l'imposition du plan Mifflin sans faire les études nécessaires.

 

La justice

Le fondement de la déclaration concernant la non-ingérence politique dans les enquêtes policières-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable R. James Balfour le 12 décembre 1995)

Il est bien établi en droit au Canada que les corps de police et le Procureur général exercent leurs responsabilités respectives en toute indépendance. Cette indépendance exige que les décisions soient prises sans considération des avantages ou des désavantages qu'elles peuvent avoir pour le gouvernement, ou pour toute formation ou parti politique. Par conséquent, il serait inapproprié qu'un ministre intervienne dans les décisions de la police concernant une enquête.

La principale autorité canadienne au regard de ce principe est le regretté professeur John Edwards alors de l'Université de Toronto. Dans un article où il traite de «La charge de Procureur général - De nouveaux niveaux d'attente publique et imputabilité», il écrit:

Parmi les critères principaux en vertu desquels la justice d'un pays est jugée par l'opinion publique, il y a l'équité et l'impartialité dans le traitement des affaires criminelles, l'absence de préjugé ou d'influence politique chez ou sur ceux qui exercent les pouvoirs de police ou intentent les poursuites judiciaires, et l'intégrité et la compétence professionnelles dans l'ensemble du système.

Le principe a été énoncé succinctement par l'honorable Roy McMurtry alors qu'il était Procureur général de l'Ontario:

Il est fondamental, dans notre système de répression des infractions à la loi, que les corps de police soient indépendants de tout contrôle politique direct. Ils ne sont pas au service des ministres de la Couronne individuellement, ni même du gouvernement en entier ...

... en fin de compte, l'indépendance de tout contrôle politique dans les cas individuels est la marque distinctive de l'indépendance fondamentale de l'agent et de l'officier de police dans notre droit.

 

La vente des avions Airbus à Air Canada-Les allégations concernant un complot visant à escroquer le gouvernement fédéral-La connaissance qu'en avaient certains ministres-Demande de précisions

(Réponse à la question posée par l'honorable R. James Balfour le 12 décembre 1995)

La demande d'entraide judiciaire dans l'affaire des Airbus a été faite au gouvernement suisse le 29 septembre 1995. La demande doit être approuvée par un fonctionnaire du Groupe d'assistance internationale du ministère de la Justice, au nom du ministre de la Justice. Le ministre de la Justice a eu connaissance de la demande le 4 novembre 1995.

 

Les pêches et les océans

L'imposition du plan Mifflin sans faire les études nécessaires-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Pat Carney le 29 mai 1996)

Le programme de rachat est conçu de façon à permettre aux pêcheurs d'abandonner volontairement la pêche du saumon. Il n'y a aucune intention de faire disparaître les plus petits commercants ou de nuire aux collectivités côtières - l'objectif est d'être équitable et de permettre à ceux qui souhaitent quitter l'industrie d'être en mesure de le faire en bénéficiant d'un dédommagement. Rien ne nous indique qu'un pourcentage anormalement élevé de pêcheurs commerciaux autochtones aient présenté des demandes.

Le programme ne cible pas un secteur d'engins ou une catégorie de longueur de bateau en particulier. Au contraire, tous les secteurs d'engins doivent participer aux modifications annoncées pour la pêche du saumon et tous peuvent participer au programme de rachat, qui reflète les recommandations du rapport de la table ronde.

Un comité indépendant de réduction de la flottille, présidé par Jim Matkin, fera l'examen des demandes et recommandera au Ministère d'accepter ou non les offres. Des précisions sur la composition des demandes seront fournies ultérieurement.

Il n'y avait pas lieu de procéder à une évaluation environnementale car les activités prévues par le plan ne sont pas visées par la réglementation adoptée en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Le Plan de revitalisation de la pêche du saumon de la côte Ouest aura sans doute des incidences sur le marché du travail en C.-B. En ce qui concerne les renseignements demandés pour le 8 juin, il faut noter que les effets sur l'emploi ne seront connus qu'à la fin du programme de rachat du MPO.

En ce qui a trait aux études d'incidences sur l'emploi, le Ministère collaborera étroitement avec Développement des ressources humaines Canada (DRHC) et l'industrie de la pêche afin de garantir le respect des besoins de la transition. DRHC est le ministère du gouvernement canadien chargé des programmes de l'Assurance chômage et du Programme du marché du travail (aide à la recherche d'emploi et information sur le marché du travail). L'une des principales responsabilités de DRHC consiste à aider les individus et l'industrie à s'adapter aux besoins et exigences toujours en évolution du marché du travail.

Dans les collectivités où l'industrie de la pêche représente une partie appréciable du marché du travail, les évaluations nécessaires seront faites et les besoins d'emplois seront comblés par les programmes de DRHC afin d'aider les pêcheurs et les travailleurs à terre à trouver des emplois de remplacement.

Les centres locaux des ressources humaines du Canada aident déjà les personnes touchées en offrant:

Les avantages de l'AC (personnes admissibles);

Une aide à la recherche d'un emploi;

Des renseignements sur le marché du travail.

En vertu de la nouvelle loi sur l'AE, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain, les travailleurs admissibles pourront se prévaloir de mesures d'adaptation actives telles:

Des subventions salariales ciblées - subventions accordées à un employeur qui souhaite embaucher des personnes admissibles afin de leur fournir un emploi et de leur permettre d'acquérir de l'expérience;

Le travail indépendant - aide au revenu permettant de démarrer sa propre entreprise;

Le partenariat de création d'emploi - aide permettant d'obtenir un emploi de par des activités d'acquisition d'expérience et de développement du marché du travail qui sont liées aux plans de développement économique locaux;

Les mesures actives d'AE offertes à toute personne ayant eu une demande d'AC ou d'AE au cours des trois années antérieures.

Les prestations de soutien du revenu de l'AE continueront d'être offertes aux personnes admissibles.

Service d'adaptation de l'industrie (SAI)

DRHC procède actuellement à la conclusion d'une entente de service d'adaptation de l'industrie avec la United Fishermen and Allied Workers Union (UFAWU), le Conseil de l'industrie de la pêche commerciale (CIPC) et la Direction des programmes d'adaptation des services de formation professionnelle du ministère provincial de l'Éducation. Cet accord a pour objet la création d'un service de transition d'emploi parrainé par l'industrie et adapté aux besoins des personnes déplacées de l'industrie. Le ministère des Pêches et des Océans a été invité à participer à ce service.

 

Dépôt de réponses aux questions
au Feuilleton

Le ministère de la Diversification économique de l'Ouest-L'achat de véhicules-Demande de précisions

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 36 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

Les pêches et les océans-L'exportation du poisson
de fond de la Nouvelle-Écosse aux États-Unis-
Les dispositions de l'ALENA

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 63 inscrite au Feuilleton par le sénateur Comeau.

 

Le commerce international-Les précisions
sur les zones franches des Amériques

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 90 inscrite au Feuilleton par le sénateur Oliver.

 


Projet de loi sur le programme de protection des témoins

L'acceptation par les Communes
des amendements du Sénat

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message informant le Sénat qu'elles ont adopté les amendements qu'il a apportés au projet de loi C-13, Loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Poulin tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton: Que le projet de loi ne soit pas lu une troisième fois maintenant, mais qu'il soit modifié:

1. à l'article 2, page 1, dans la version française, par adjonction, après la ligne 12, de ce qui suit:

« "ministre" S'entend du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.»;

2. à l'article 10, page 4, par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit:

«chef du Canada, si les dépenses, les services ou les travaux visent à l'achèvement d'un ouvrage public.»;

3. à l'article 16, page 5, par

a) substitution, à la ligne 22, de ce qui suit:

«16. (1) Le ministre peut exercer toute activité»;

b) substitution, aux lignes 37 et 38, de ce qui suit:

«tions ou des personnes, au Canada, qui le lui demandent»;

c) adjonction, après la ligne 38, de ce qui suit:

«(2) L'alinéa (1)b) n'autorise pas le ministre à fournir des services de génie ou d'architecture.»

4. à l'article 62 par substitution, à la ligne 22, page 23, de ce qui suit:

«62. En cas de sanction du projet de loi C-8».

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le comité des finances nationales a entendu des témoignages qui montrent de façon convaincante que le projet de loi C-7 doit être amendé. Les préoccupations soulevées par les témoins du secteur privé qui ont comparu devant le comité se résument à un point clé: les architectes, ingénieurs et autres membres de professions libérales craignent que les articles 10 et 16 du projet de loi ne mettent le gouvernement en concurrence avec eux pour des marchés non seulement au Canada, mais également à l'étranger. Le gouvernement minimise ces inquiétudes, prétendant qu'il n'entend pas concurrencer le secteur privé. Il refuse d'amender le projet de loi pour éviter que cela ne se produise. Comme le gouvernement prétend ne pas vouloir concurrencer le secteur privé, on aurait pu croire qu'il n'aurait aucune difficulté à accepter de mettre cet engagement par écrit.

La difficulté, bien entendu, comme les témoins l'ont fait remarquer, c'est que le ministère concurrence déjà le secteur privé et est à la recherche de contrats. Le fait que le secteur privé veuille que l'engagement de non-concurrence soit donné dans le projet de loi en dit long sur la confiance qu'on fait au gouvernement. Et le refus du gouvernement d'accepter des amendements en dit long sur son attitude.

Nous avons entendu d'abord la ministre, l'honorable Diane Marleau, qui nous a dit ceci:

Nombre des amendements qui ont été apportés à la Chambre des communes l'ont été délibérément pour calmer les craintes exprimées, pour montrer que nous n'avons pas du tout l'intention de concurrencer le secteur privé.

Ces craintes ont-elles été calmées? Non. La ministre elle-même a ajouté qu'il ne valait pas la peine d'apporter d'autres modifications au projet de loi, car, à son avis, cela ne contribuerait en rien à rétablir la confiance. Elle a dit, et je cite:

[...] il y a un manque de confiance et il faut rétablir cette confiance. Peu importe le nombre de règles ou d'articles qu'on ajoutera, cela ne donnera rien tant que nous n'aurons pas rétabli cette confiance et que nous n'aurons pas montré, comme nous allons le faire, que nous sommes vraiment sérieux.

Cela ne donne rien, honorables sénateurs. Pierre Franche, de l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, nous a dit ceci:

Oui, il y a de la méfiance; lorsqu'on nous dit: «Nous ne voulons pas concurrencer le secteur privé, mais nous voulons les pouvoirs requis conformément aux articles 10 et 16», nous sommes inquiets, car, monsieur le président, les ministres, les hauts fonctionnaires et les gouvernements changent.

M. Franche a ajouté ceci:

Si les honorables membres de ce comité veulent rétablir la confiance, j'estime que la première chose à faire est de modifier ce projet de loi. Cela va nous aider à faire un bon bout de chemin.

Il a proposé un amendement qui ajouterait une restriction légale aux pouvoirs du ministère en lui interdisant de concurrencer directement le secteur privé.

Dale Craig, de l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, a parlé du passage de l'article 16 qui permet à Travaux publics d'essayer de décrocher des contrats non seulement au Canada, mais encore à l'étranger. M. Craig a dit ceci:

L'idée que le personnel du gouvernement se rende à l'étranger pour essayer de décrocher pour le gouvernement des contrats auxquels participera peut-être ou peut-être pas le secteur privé, mais ayant la liberté de le faire conformément à la mesure législative, ne nous réjouit pas du tout, car le simple fait que le pouvoir est prévu signifie qu'il peut être exercé tôt ou tard.

Nous dépensons beaucoup d'argent pour essayer de décrocher les mêmes contrats, dans certains cas, et pour essayer d'établir des relations, et nous croyons que le secteur privé devrait avoir la préséance.

Il a poursuivi ainsi:

Croyez-moi, le secteur privé va cerner des possibilités de répondre aux besoins d'autres gouvernements... Nos contrats vont nous permettre de découvrir ces possibilités. Et nous reviendrons promptement vers le gouvernement lorsque s'imposeront la crédibilité des relations de gouvernement à gouvernement ou la compétence que ne possède pas le secteur privé.

Honorables sénateurs, peut-être y aurait-il plus de confiance si le gouvernement commençait à écouter les personnes qui sont touchées par ce projet de loi et s'entretenait avec elles avant de faire quoi que ce soit.

M. Craig nous a dit:

Je conviens que la collaboration est souhaitable comme mode de fonctionnement. Le problème, à mon avis, c'est que le projet de loi modifie les pouvoirs que détient Travaux publics depuis environ 120 ans. On ne nous a pas consultés au préalable. On nous a plutôt mis devant un fait accompli et on nous a demandé, je dirais même ordonné, d'accepter cette mesure.

Comme personne n'a été au préalable consulté au sujet des modifications apportées à la loi, il est normal que nous craignons quelque peu qu'il n'y ait abus de pouvoir.

Ce n'est pas tout. M. Hart, de l'Association canadienne des industries de l'environnement, a déclaré:

C'est d'autant plus incompréhensible que notre industrie devra bientôt concurrencer directement le gouvernement qui a tant appuyé sa croissance et sa prospérité [...]

M. Hart a dit que son organisme ...

[...] s'oppose vigoureusement aux deux articles du projet de loi qui touchent directement, à notre avis, à la concurrence équitable dans le secteur privé.

M. Hart a poursuivi en donnant des exemples de la façon dont Travaux publics a déjà commencé à concurrencer le secteur privé, comme nous l'a fait remarquer le sénateur Nolin hier. Son association a offert de collaborer avec le gouvernement pour modifier la formulation des dispositions qu'elle trouve déplaisantes.

Le gouvernement a fait savoir qu'il ne modifierait pas le projet de loi, parce qu'il ne fera pas concurrence au secteur privé. Il est disposé toutefois à signer un protocole d'entente, précisant qu'il n'entrera pas en concurrence avec le secteur privé, admettant par le fait même que le projet de loi lui donnera le pouvoir de concurrencer le secteur privé. Autrement, pourquoi le gouvernement aurait-il besoin de signer un protocole d'entente?

Tony Griffiths, de l'Ordre des architectes de l'Ontario, de l'Institut royal d'architecture du Canada, nous a donné six raisons pour lesquelles nous devrions modifier le projet de loi afin d'empêcher Travaux Publics de faire concurrence au secteur privé. Premièrement, cela est contraire aux mesures gouvernementales de rationalisation et de réduction des effectifs. Deuxièmement, un calcul moins que précis des coûts réels, tant directs qu'indirects, confère au gouvernement un avantage injuste. Les coûts, y compris les frais généraux, que doivent assumer les entreprises privées correspondent au fond aux dépenses que l'on doit engager pour faire des affaires et ne peuvent être oubliés, écartés ou absorbés autrement.

La troisième raison, c'est que cela irait à l'encontre de la politique de réduction du déficit du gouvernement parce que les contribuables subventionnent indirectement le ministère et qu'il y aurait une perte de recettes. Nous savons tous que les fonctionnaires ne comprennent pas les coûts associés au fonctionnement de leur ministère. Il y a deux ans, des représentants de Communications Canada ont comparu devant le comité des finances nationales. Ils ne comprenaient même pas la notion de capitalisation du matériel. Ils n'arrivaient pas à comprendre que le fait qu'on leur fournisse tout ce matériel gratuitement constituait un coût lié à la concurrence dans le secteur privé.

La quatrième raison concerne les risques. Je vais encore une fois citer un témoignage:

[...] les risques que comporte la prestation de services professionnels sont de deux ordres: il y a les risques auxquels on s'expose habituellement en exploitant toute entreprise et ceux auxquels on s'expose grandement lorsqu'on fournit des services professionnels au public.

Nous, les architectes, sommes de petits entrepreneurs et nous acceptons et tentons de gérer les risques auxquels nous sommes exposés à ce titre. Si nous réussissons mal à le faire, nous devons cesser nos activités. À quels risques commerciaux comparables un ministère s'expose-t-il lorsqu'il est en concurrence avec nous? Les deniers publics sont toujours disponibles en dernier recours.

M. Griffiths a rejeté l'argument du gouvernement selon lequel le projet de loi est une bonne mesure parce qu'il permet au secteur privé d'utiliser les ressources du ministère ou de travailler en quelque sorte en partenariat.

Nous avons aussi entendu Charles Brimley, du Conseil canadien des techniciens et technologues. Il a dit ceci:

À notre avis, il est faux de prétendre que Travaux publics et Services gouvernementaux pourrait devenir un partenaire du secteur privé, puisque cela suppose que le gouvernement peut être un partenaire sur un pied d'égalité avec le secteur privé.

 

Il a ensuite soulevé une sixième réserve, celle de l'agrément professionnel, ce qui a étonné bien des membres du comité. En embauchant du personnel qui n'est peut-être pas reconnu par des organismes professionnels, le ministère des Travaux publics pourrait très bien se faire offrir des services en contravention des lois provinciales. Nous ne savions pas que les ingénieurs à l'emploi de ministères trouvent insupportable de faire un chèque à l'ordre de l'Association des ingénieurs-conseils ou qu'ils s'attendent à ce que le gouvernement payent leur cotisation. Par conséquent, la plupart des ingénieurs du gouvernement ne font pas partie de l'Association des ingénieurs-conseils. Les architectes au service du gouvernement ne sont pas membres de leur association professionnelle non plus.

Au comité, le sénateur Stratton a proposé un amendement qui aurait réglé certains des problèmes qui ont été soulevés. Les membres du comité représentant le gouvernement ont, évidemment, voté contre cet amendement. L'amendement du sénateur Stratton aurait eu pour effet de supprimer les mots «à l'étranger» de l'article 16 du projet de loi, ce qui aurait empêché le gouvernement de concurrencer le secteur privé pour des marchés publics.

En terminant, honorables sénateurs, je voudrais vous signaler pourquoi nous ne faisons pas confiance au gouvernement pour la façon dont il a saisi le Sénat de ce projet de loi. Le gouvernement ne comprend tout simplement pas ce qu'il fait quand il dit qu'il va privatiser ses services et les affermer. Il dit qu'il va affermer ses services parce qu'il n'y a pas assez de travail dans un ministère donné et qu'il veut être juste envers les fonctionnaires. Évidemment, nous voulons tous être justes. Cependant, s'il n'y a pas assez de travail, il n'y a pas assez de travail.

Ce que le gouvernement va faire d'ici un an, c'est affermer les services gouvernementaux. Dans les parcs nationaux, nous en avons un bon exemple. Les services d'entretien des parcs nationaux vont être donnés à contrat. Les employés se verront offrir un contrat de cinq ans. Tous les frais généraux de cette entreprise de services seront payés. Évidemment, cette entreprise de services va entrer en concurrence directe avec les entreprises du secteur privé qui exercent déjà leur activité dans ce secteur. Ces dernières feront face à une concurrence injuste de la part d'employés du gouvernement à contrat pour cinq ans et dont les frais généraux sont complètement épongés par le gouvernement. Il serait inique que ces entreprises soient forcées de fermer leurs portes pour que les employés du gouvernement puissent continuer de travailler. J'estime que ce n'est pas juste parce que cela perturbe le marché. Il n'est pas étonnant que tous les ingénieurs, les architectes et toutes les personnes touchées par ce projet de loi croient que le gouvernement va les concurrencer dans le secteur privé.

En adoptant l'amendement proposé par le sénateur Nolin, nous pourrions instaurer un climat de confiance. Cependant, le gouvernement refuse. Je sais pourquoi il refuse. C'est parce qu'il y aura concurrence avec le secteur privé et qu'il a peur de ses syndicats. Il n'a pas le courage de faire ce qui doit être fait. Il préfère voir une petite firme d'architectes de Saskatoon ou de Winnipeg, ou une firme d'ingénieurs d'Edmonton faire faillite que de voir des emplois quitter Ottawa. Je ne crois pas que ce soit juste.

Par conséquent, je demande à tous les honorables sénateurs d'appuyer cet amendement.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent. Je déclare la motion rejetée.

(La motion d'amendement est rejetée à la majorité.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur la motion principale, portant troisième lecture du projet de loi. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent. Je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

 

Projet de loi de mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur

Troisième lecture

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-19, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, soit lu une troisième fois.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'ai un point à soulever concernant ce projet de loi. Je demande aux sénateurs d'examiner deux dispositions de cette mesure législative. La première est l'article 11, qui dit ceci:

Le gouvernement du Canada, conformément à l'annexe 1603.3 de l'Accord, paie sa quote-part du budget annuel de fonctionnement du Secrétariat visé à l'article 1603 de l'Accord.

Ensuite, je demande aux sénateurs d'examiner l'article 14. La première partie de cet article autorise le gouverneur en conseil à faire certaines nominations. Puis, la deuxième partie dit ceci:

Le gouverneur en conseil peut fixer la rémunération et les indemnités des personnes visées au paragraphe (1).

Ces deux dispositions ont attiré mon attention lors de l'étude en comité. J'ai posé au témoin du ministère de la Justice une question ou deux à ce sujet. J'ai mentionné les deux passages de la loi, et j'ai ensuite posé la question suivante:

Ai-je raison de supposer que ce sont là des dépenses législatives qui ne seraient pas incluses dans le processus budgétaire annuel?

M. Von Finckenstein, du ministère de la Justice, a donné la réponse suivante:

Lorsque cette mesure législative entrera en vigueur, les dépenses prévues à l'article 11 deviendront des dépenses législatives.

Le sénateur Stewart: Donc, elles ne seraient pas incluses dans les crédits devant faire l'objet d'un vote?

M. Von Finckenstein: Non.

L'échange au sujet de l'article 14 a été moins précis. Toutefois, je suppose que, si j'avais insisté, M. Von Finckenstein aurait donné la même réponse, c'est-à-dire que ces dispositions constituent une autorisation législative en bonne et due forme à l'égard de ces dépenses.

 

Cela m'a fait penser à un autre projet de loi, celui qui créait l'APECA. Ce projet de loi contenait une disposition qui disait que le président devait recevoir une rémunération établie par le gouverneur en conseil. Les libéraux ont adopté la position selon laquelle cela n'autorisait pas la dépense nécessaire pour payer ce salaire. La question a été soulevée au comité des finances nationales, le 23 juin 1988. Voici ce que le témoin avait à dire:

M. McPhail: Je parlais du Budget des dépenses.

Le sénateur MacEachen: Oui, et votre argent vient du Budget des dépenses, pas de ce projet de loi.

M. McPhail: Oui.

Je ne tiens pas à trop généraliser au sujet du processus parce qu'il va peut-être varier avec le temps, voire pendant la même période. Le processus d'établissement d'une dépense législative, à ne pas confondre avec une dépense à inclure dans le budget des dépenses annuel, comporte deux étapes. La première est une disposition autorisant le gouvernement à verser une rémunération, ce qui n'est pas en soi une affectation de crédits. Il serait nécessaire de prévoir un deuxième article ou une disposition supplémentaire dans l'article en question pour faire l'affectation. Le pouvoir exécutif aurait en main l'argent nécessaire pour faire face aux obligations qu'il a contractées à la suite des nominations qu'il a faites ou des effectifs qu'il a engagés.

Honorables sénateurs, il est possible que ce projet de loi suive un bon modèle juridique. Par contre, le pouvoir exécutif peut très bien être parti du principe qu'un article autorisant la nomination d'une personne et le versement d'un salaire à cette personne constituent une affectation de crédits.

Il faut savoir ce qui se passe dans ce cas-ci parce que les frais qui sont identifiés comme des dépenses législatives ont tendance à augmenter. Si elles affectent effectivement des crédits, toutes ces petites dispositions font augmenter les dépenses législatives totales et réduisent par conséquent le contrôle qu'a le Parlement sur les dépenses publiques.

Je ne suis pas en train de protester contre la motion, mais je demande à madame le leader du gouvernement au Sénat de faire le nécessaire pour obtenir une réponse. Peut-être ma question pourra-t-elle être réglée par le ministère de la Justice ou par le Conseil du Trésor. Peut-être le sera-t-elle par le Bureau du Conseil privé. Il s'agit peut-être d'un problème tellement compliqué que l'intervention de tous les trois sera nécessaire. Il faut que nous sachions si un projet de loi rédigé de cette façon entraîne effectivement une affectation de crédits.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je transmettrai volontiers les commentaires et les recommandations du sénateur Stewart aux diverses autorités, comme il l'a demandé.

Son Honneur le Président: Un autre honorable sénateur désire-t-il parler du projet de loi C-19?

Sinon, l'honorable sénateur Graham propose, appuyé par l'honorable sénateur MacEachen, que le projet de loi soit lu une troisième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

 

Régie interne, budgets et administration

Adoption du septième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budget du comité des affaires étrangères) présenté au Sénat le 10 juin 1996.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), au nom du sénateur Kenny, propose: Que le rapport révisé soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport révisé est adopté.)

 

L'enseignement postsecondaire

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Bonnell, attirant l'attention du Sénat sur l'état déplorable de l'enseignement postsecondaire au Canada.- (L'honorable sénateur Berntson).

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Bernston, cette affaire est inscrite sous votre nom. Cédez-vous la parole à l'honorable sénateur Robichaud?

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Je lui cède la parole.

L'honorable Louis J. Robichaud: Honorables sénateurs, je suis très heureux de prendre la parole au sujet de l'interpellation du sénateur Bonnell sur l'état déplorable de l'éducation postsecondaire au Canada.

Je n'ai aucune hésitation à appuyer les cinq principes d'éducation supérieure proposés par le sénateur Bonnell. Je reconnais tout à fait que l'éducation postsecondaire devrait être financée par des fonds publics; qu'elle devrait être accessible à toute personne qui désire poursuivre des études et qui en a la capacité; que les étudiants devraient pouvoir se déplacer d'une province à l'autre; que notre système d'enseignement supérieur devrait être universel et les cours suivis dans un établissement d'enseignement devraient être aisément transférables à n'importe quel autre établissement au Canada. La politique de l'éducation du Canada devrait s'appuyer sur ces cinq importants principes.

On ne saurait trop insister sur l'importance des universités pour le bien-être économique, le développement culturel et la stabilité du Canada. Il suffit d'un moment de réflexion pour se rendre compte de l'influence que les universités exercent sur la société canadienne. Elles s'acquittent d'un grand nombre de tâches et d'activités importantes, notamment l'enseignement, la recherche et les services. L'enseignement dispensé par les universités permet de former des ressources humaines hautement qualifiées dans le cadre de programmes menant à des diplômes et de cours sans crédits pour relever les compétences professionnelles et satisfaire le goût d'apprendre de chacun.

On compte des milliers d'étudiants diplômés un peu partout au Canada. Par ailleurs, d'innombrables personnes ont pu suivre des cours individuels à l'université ou par le truchement de la télévision. Il est bien connu que les diplômés universitaires risquent moins de se retrouver au chômage ou de dépendre de l'aide sociale que n'importe qui d'autre. Ils ont plus de chances de faire des salaires élevés et de payer, de ce fait, plus d'impôts.

 

Si les affaires publiques nous ont appris quelque chose depuis 50 ans, c'est bien que le fait d'investir dans l'éducation postsecondaire est le meilleur moyen de combattre le chômage et de faciliter le développement économique régional.

La recherche fondamentale, qui dépend principalement des universités au Canada, produit également des résultats imprévisibles qui deviennent des sources essentielles de progrès plus pratiques de la compréhension. D'autre part, la recherche appliquée engendre la connaissance nécessaire à la conception de produits, à l'élaboration de politiques, à l'évaluation des pratiques et à la prévision des résultats. À peu près tous les progrès scientifiques et technologiques majeurs des 50 dernières années en Occident trouvent leur origine dans les travaux d'universitaires et de facultés universitaires.

Le service facilite la solution de problèmes, l'analyse de programmes et l'amélioration des conditions dans notre société en mettant les connaissances universitaires au service d'intérêts communautaires. Quand je repense aux années où j'ai occupé les fonctions de premier ministre du Nouveau-Brunswick, je suis fier de ce que mes collègues et moi-même avons été capables d'accomplir. Nos décisions de réorganiser nos collèges et universités et d'établir l'Université de Moncton comptent parmi nos plus grandes réalisations.

D'un océan à l'autre, un bon nombre de Canadiens sont heureux du miracle économique qui se produit actuellement au Nouveau-Brunswick. Il n'y a aucun doute que la direction de Frank McKenna, sa vision et son dynamisme sont pour beaucoup dans ce miracle. Toutefois, le premier ministre McKenna serait le premier à signaler la présence des remarquables universités de la province et leur contribution fondamentale dans l'élaboration de ce miracle économique.

D'importants développements sont maintenant en voie de réalisation dans la région de Fredericton, en informatique et en génie. Si l'on examine la situation de près, on découvre que l'existence de l'Université du Nouveau-Brunswick compte en effet pour beaucoup dans cet avènement. Les Universités Mount Allison et St. Thomas ont également joué un rôle important, non seulement au sein de la collectivité immédiate, mais aussi dans l'ensemble de la province et du Canada et même dans les pays en développement et dans la société en général.

Les économistes s'intéressent de plus en plus près à la montée de l'entreprenariat acadien, pour tenter de trouver la formule magique qui pourrait s'appliquer ailleurs, mais la formule est simple et évidente, c'est l'Université de Moncton. Les entrepreneurs acadiens, pratiquement jusqu'au dernier, m'ont dit que l'Université de Moncton leur avait donné les connaissances, la confiance et les compétences nécessaires pour créer de nouvelles activités économiques et les administrer.

Permettez-moi d'expliquer plus concrètement quelle importance a l'Université de Moncton dans les régions acadiennes.

[Français]

L'université est composée de trois centres universitaires, soit le Centre universitaire de Moncton, situé dans la ville de Moncton, le Centre universitaire Saint-Louis-Maillet, à Edmundston et le Centre universitaire de Shippagan, situé à Shippagan. Chacun de ces centres constitue un facteur des plus importants au développement de leur région spécifique.

Ensemble, les trois constituantes emploient plus de 1 300 personnes sur une base régulière, pour une masse salariale directe de 52 millions de dollars. En comptabilisant les dépenses des employés dans la région, celles des étudiants et des visiteurs, ainsi que les achats de biens et services effectués dans la province, on estime à 85 millions de dollars les retombées directes de l'Université de Moncton. Il ne s'agit toutefois que de l'apport immédiat. Ces sommes dépensées dans chacune des régions contribuent à faire rouler l'économie régionale par le biais du multiplicateur, tant au chapitre de l'emploi que du côté des revenus.

En se basant sur un multiplicateur approprié, nous estimons à 192 millions de dollars les retombées directes et indirectes des trois campus sur la province. Au chapitre de l'emploi, leur présence assure de l'emploi, de près ou de loin, à plus de 3 000 personnes. Cette contribution de l'Université de Moncton est d'autant plus importante qu'elle se répète d'année en année, entraînant ainsi un effet cumulatif dont l'ampleur suit le rythme d'expansion de chacun des centres.

L'impact d'une telle institution déborde néanmoins le cadre strictement économique. En dépit de sa courte existence, l'Université de Moncton a formé plus de 30 000 diplômés dans un nombre considérable de domaines. Il s'agit d'une ressource inestimable et surtout précieuse dans le contexte de la nouvelle économie, qui fait de plus en plus appel au capital humain.

En fait, je crois que c'est surtout grâce à l'Université de Moncton que l'on a vu surgir une communauté francophone, confiante et vibrante au Nouveau-Brunswick. Il serait d'ailleurs peu exagéré de dire que, sans la création de l'Université de Moncton en 1963, l'Acadie n'intéresserait maintenant plus que les historiens et les folkloristes.

L'Université de Moncton a attiré les jeunes francophones d'un bout à l'autre de la province et d'ailleurs. Ils sont venus de petits villages obscurs, tels que Saint-Charles, Maisonnette, Saint-Jacques ou Pubnico. Ils ont acquis de nouvelles connaissances, et bien plus encore. Ils ont pris conscience de leur identité acadienne. Finie l'incertitude quant à leur patrimoine, leur culture, leur langue ou leur capacité de contribuer au développement de leur province et de leur pays. Ils ont commencé à prendre leur destin en main avec confiance, et très peu d'entre eux ont eu à le regretter.

Aujourd'hui, nos écoles primaires et secondaires, qu'elles soient situées en milieu urbain ou en milieu rural, sont toutes dotées de professeurs hautement qualifiés qui ont, pour la plupart, étudié à l'Université de Moncton. Bon nombre d'Acadiens occupent des postes clés dans la fonction publique provinciale et fédérale, dans de grandes multinationales à l'étranger et dans de petites et moyennes entreprises chez eux.

D'autres sont actifs au sein d'importantes organisations provinciales et nationales, comme la Fédération des francophones hors Québec. D'autres encore se sont lancés en affaires, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Un nombre impressionnant de ces Acadiens qui ont réussi ont fréquenté l'Université de Moncton.

Dans un laps de temps relativement court, on a assisté à la transformation d'un peuple menacé d'extinction, manquant de confiance en lui-même et dépourvu des compétences nécessaires pour survivre dans le monde moderne. L'Université de Moncton a joué un rôle de premier plan à cet égard: elle a ni plus ni moins conduit la société acadienne à une reconnaissance politique, culturelle et économique.

Quiconque connaît l'histoire de l'Acadie sait ce que signifie pour les Acadiens d'avoir, à l'approche du XXIe siècle, une université dynamique qui ne cesse de croître et de s'améliorer, se taillant une réputation toujours plus solide à l'échelle nationale et sur la scène internationale.

Nous constatons qu'en plus de ses fonctions universitaires officielles, l'université sert la collectivité de diverses autres façons. Bon nombre de ses activités dans les domaines du théâtre, de la musique, de l'art, des conférences publiques, de l'éducation permanente et des sports sont ouvertes au public. Leur accessibilité aux habitants des environs et de la province contribue à améliorer grandement la qualité de la vie de la collectivité ainsi desservie.

Enfin, en nous fondant sur les données et les statistiques disponibles, ainsi que sur la connaissance du fonctionnement des économies de marché, il est facile de conclure que l'université a un impact économique considérable et positif sur les régions de Moncton, Shippagan et Edmundston.

Cet impact économique est toutefois un sous-produit des activités de l'université. Le but d'une université n'est pas d'enrichir, par ses dépenses, les habitants de la région où elle est établie, mais plutôt d'améliorer la qualité de la vie par la découverte et la diffusion de connaissances, ainsi que par la conservation de la culture et de la civilisation. A ce titre, les quelque 30 000 diplômés issus de l'Université de Moncton depuis sa fondation constituent un apport des plus significatifs en vue de la réalisation de ces objectifs.

[Traduction]

Maintenant, vous comprendrez pourquoi j'appuie avec beaucoup d'enthousiasme l'interpellation du sénateur Bonnell. Les universités jouent un rôle crucial à de nombreux égards: culturel, économique et politique. Elles expliquent les nouveaux développements dans ma province et aussi pourquoi le Canada est en train de s'imposer comme leader dans les nouvelles industries du savoir.

 

Le gouvernement du Canada a un rôle important à jouer afin d'appuyer nos universités. S'il ne le joue pas, le coût pour les entreprises, pour l'emploi, pour l'acquisition de nouvelles connaissances et, en fin de compte, pour le Canada, sera prohibitif.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Si c'est d'accord, honorables sénateurs, la motion reste inscrite au nom du sénateur Bernston.

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Bernston, le débat est ajourné.)

 

Le Code criminel du Canada

L'article 43-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Sharon Carstairs ayant donné avis, le mercredi 5 juin 1996:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'article 43 du Code criminel du Canada.

- Honorables sénateurs, l'article 43 du Code criminel du Canada stipule ce qui suit:

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

Je crois que chacun de nous a déjà vu un parent donner une claque à son enfant. Bon nombre d'entre nous ont vu des compagnons recevoir une punition physique à l'école ou, du moins, ont ressenti le malaise qui leur serrait le coeur lorsqu'ils savaient ce qui attendait un élève convoqué au bureau du directeur. Certains d'entre nous ont déjà éprouvé un sentiment d'injustice en voyant que l'enfant convoqué au bureau ou effectivement puni était innocent, ou encore, que la punition était beaucoup trop sévère par rapport à la faute.

Certains d'entre vous ne savaient peut-être pas que cet article du Code criminel existe encore. Si vous le saviez, avec les années, peut-être avez-vous cru qu'il n'était là que pour la forme. Je me demande quels sont ceux qui ont examiné les jugements des tribunaux fondés sur cet article du Code criminel.

Honorables sénateurs, permettez-moi de relater un cas qui s'est produit au Manitoba. Un père a frappé son propre enfant, qui est tombé dans l'escalier; il lui a arraché une poignée de cheveux et les policiers ont été appelés. Ils ont porté une accusation. Le père a été reconnu coupable de voies de fait et a interjeté appel. Dans sa décision, le juge de la Cour d'appel a invoqué l'article 43 du Code criminel et déclaré que le père n'était pas coupable de voies de fait. Le principal argument du juge fut que le père avait enlevé son soulier et qu'il avait frappé et poussé l'enfant vers le bas de l'escalier avec son pied seulement. Le juge a ensuite ajouté que cette punition était bien peu de chose comparativement à la discipline qui lui avait été imposée dans sa propre famille.

Pensons également au cas de cette mère de l'Île-du-Prince-Édouard qui avait enchaîné sa fille adolescente pour l'empêcher de quitter la maison. Selon un reportage de la SRC à la radio, la police avait refusé de porter une accusation parce qu'elle trouvait que la conduite de la mère serait considérée «raisonnable» aux termes de l'article 43 du Code criminel.

Citons également le cas de cet enseignant en Colombie-Britannique qui avait frappé un garçon de 13 ans sur la tête avec un marteau. Il a été acquitté en 1993 après que l'article 43 ait été invoqué.

Honorables sénateurs, je pourrais continuer à vous raconter des histoires horribles de traitements abusifs d'enfants qui n'ont pas été punis parce que le recours à la force contre les enfants est autorisé par le Code criminel, le document même qui est censé fixer les normes de comportement acceptable dans notre société.

Bien sûr, les châtiments corporels étaient autrefois la norme pour punir les infractions criminelles, mais nous avons décidé, en tant que société, que nous devrions abandonner ce modèle et que nous devrions arrêter de fouetter les criminels. Pourquoi? Parce que nous nous étions aperçus que cela ne donnait rien. Nous trouvions également que c'était inhumain. Mais, d'une façon ou d'une autre, nous semblons penser encore que ça marche avec les enfants et que, dans leur cas, c'est humain.

On a fait beaucoup de recherches sur le châtiment corporel et sur ses effets et, dans l'ensemble, ils sont négatifs. Les études montrent qu'il entraîne des lésions chez les enfants, voire leur mort. Il contribue au degré de violence et d'agression dont souffre notre société; il contribue à la délinquance juvénile; et, par-dessus tout, il normalise la violence comme façon de résoudre les conflits.

 

Honorables sénateurs, la démarcation entre la discipline et les mauvais traitements est très floue. Dans son livre Child Abuse: Implications for Child Development and Psychopathology, D.A. Wolfe déclare:

[...] les mauvais traitements peuvent être fonction de la mesure dans laquelle un parent a recours à des stratégies négatives et inappropriées pour discipliner son enfant.

Honorables sénateurs, en 1989, le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Avant cette convention, en vertu du droit international, un enfant était un objet qu'il fallait protéger et dont il fallait s'occuper. La convention a modifié cette perception en reconnaissant que les enfants ont des droits en tant que personnes. Elle reconnaît leurs droits à la liberté d'expression, d'association, d'assemblée et de religion, ainsi que le droit à la vie privée. Le Canada a été critiqué au niveau international, depuis 1989, parce qu'il n'a toujours pas abrogé l'article 43 du Code criminel qui est considéré comme étant en contravention de la Convention des Nations Unies.

Honorables sénateurs, l'abrogation de l'article 43 se heurtera sans doute à l'opposition de certains parents qui vont craindre d'être traités comme des criminels, parce qu'ils infligent des punitions corporelles à leurs enfants. Il faudrait donc trouver une solution de rechange à la criminalisation. Accompagnée de mesures d'éducation, pour renseigner les parents sur la nouvelle loi et sur les techniques de discipline autres que les punitions corporelles, l'abrogation de l'article 43 pourrait s'effectuer efficacement.

La Suède, le Danemark, la Finlande, l'Autriche et la Norvège sont des pays qui ont tous aboli les punitions corporelles, mais l'exemple le plus inspirant pour les Canadiens est peut-être celui de la Suède. Les punitions corporelles des enfants ont été interdites en Suède en 1979, et cette mesure s'est accompagnée, à cette époque-là, d'un vaste programme d'éducation. On a interdit les punitions corporelles en Suède parce que l'on estimait que les enfants étaient des personnes autonomes, ayant droit à la même protection contre les punitions physiques ou la violence que celle que les adultes tiennent pour acquis.

Honorables sénateurs, la loi suédoise n'a jamais visé à criminaliser les parents. En fait, la modification apportée au Code parental ne prévoit pas de peines. Les infractions à la loi restent dans le domaine du Code pénal et des peines ne sont administrées que dans les cas patents d'agression. La loi est considérée comme une directive que les parents doivent suivre, mais surtout comme un moyen de modifier les attitudes en ce qui concerne l'utilisation de la force pour élever les enfants. Son but est d'éduquer plutôt que de punir les parents.

En Suède, au moment d'apporter des modifications législatives en ce sens, on a mené une série d'enquêtes nationales pour évaluer l'ampleur de l'appui au châtiment corporel. Dans chaque cas, on demandait au sondé si, à son avis, le châtiment corporel était quelquefois nécessaire pour des fins d'éducation. De 1965 à 1968, la proportion des personnes qui estimaient qu'il était nécessaire était passée de 53 à 42 p. 100. En 1991, cette proportion avait baissé à 35 p. 100. En 1994, seulement 11 p. 100 des Suédois étaient en faveur du châtiment corporel comme moyen d'éduquer un enfant. Dans l'intervalle, soit de 1965 à 1971, la proportion des Suédois qui étaient d'avis qu'il fallait éduquer les enfants sans recourir au châtiment corporel avait encore augmenté, passant de 35 à 60 p. 100.

La commission suédoise des droits de l'enfant a fortement recommandé qu'une campagne d'éducation publique accompagne l'adoption de la mesure législative, et le ministère de la Justice a donc financé une grande campagne en ce sens. Ce fut la campagne la plus exhaustive et la plus onéreuse de toute l'histoire de la Suède. Une brochure illustrée de 16 pages expliquant le bien-fondé de la loi et proposant des solutions de remplacement au châtiment corporel a été remise à tout foyer ayant un jeune enfant. De plus, la brochure a été distribuée dans les cabinets de médecin et dans les garderies. Il existait des

traductions dans toutes les langues parlées par les immigrants. Pendant deux mois, on a imprimé des renseignements sur la loi sur les boîtes de lait afin que la question puisse être débattue entre parents et enfants au moment des repas.

À l'issue de la campagne, en 1981, soit à peine deux ans après l'adoption de la mesure législative, 99 p. 100 des Suédois connaissaient la loi, selon un degré de connaissance qui n'a été égalé par aucune étude portant sur une loi, effectuée dans tout autre pays industrialisé. Le succès à long terme de cette loi est en grande partie attribuable aux efforts de sensibilisation qui se poursuivent aujourd'hui.

Comme le rapport de la Commission sur les droits des enfants était le plus court rapport d'une commission qui ait jamais été imprimé dans l'histoire de la Suède, il est utilisé dans les écoles pour enseigner aux enfants comment une loi est rédigée. La loi figure également dans le programme de cours de neuvième année portant sur le développement de l'enfant. On discute de la loi avec les nouveaux parents au cours de leurs premières visites dans des cliniques de santé et on met l'accent sur cette loi dans les cours de sensibilisation des parents, qui sont offerts à tous les futurs parents. Ces mesures permettent d'offrir directement aux enfants et aux parents des renseignements au sujet de la loi et renforcent son rôle de prévention.

Comme je l'ai dit plus tôt, un sondage national mené en 1994 révèle que seulement 11 p. 100 des Suédois appuient actuellement le recours au châtiment corporel. Pour élever leurs enfants, les Suédois choisissent de plus en plus des méthodes qui ne demandent pas l'usage d'une force physique. Dans la culture suédoise, la norme est désormais de rejeter le châtiment corporel comme solution pour élever les enfants.

Un des effets les plus manifestes de la loi, c'est que les autorités chargées de l'aide sociale peuvent dorénavant intervenir beaucoup plus tôt dans les familles en difficulté. La clarté de la loi a éliminé les débats et les différends non résolus au sujet de ce qui constitue ou non de l'abus et permet aux employés des services d'aide à l'enfance de disposer de lignes directrices non ambiguës. L'absence de sanctions en cas de transgression de la part des parents permet de modifier le comportement des parents à l'aide de mesures de soutien et de sensibilisation, au lieu de mesures d'intervention, après qu'ils ont fait du mal à un enfant. Honorables sénateurs, la Suède a donné l'exemple à la communauté internationale sur ce chapitre.

Ce n'est pas un sujet nouveau au Canada. En 1976, le rapport du comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes, intitulé «L'enfance maltraitée et négligée», recommandait un réexamen de l'article 43. En 1980, le rapport du comité sénatorial permanent de la santé, du bien-être et des sciences, intitulé «L'enfant en péril», faisait de même. En 1981, le rapport du comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes, intitulé «Programme national d'action», recommandait l'abrogation immédiate de l'article 43. En 1984, dans son rapport, la Commission Badgley a recommandé de réexaminer le Code criminel dans ce domaine. En 1989, le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et a reconnu le droit des enfants en tant que personnes qui ont droit à la liberté d'expression, d'association, d'assemblée et de religion, ainsi qu'au respect de leur vie privée. Ce ne sont que quelques-uns des rapports qui ont recommandé qu'on réexamine et abroge l'article 43.

Honorables sénateurs, il est temps de réexaminer l'article 43 et nos attitudes face à cette disposition. Les honorables sénateurs peuvent-ils dire comment nous pouvons souscrire au châtiment corporel de nos enfants, qui, nous ne cessons de le dire, sont notre ressource la plus précieuse, alors que nous avons reconnu que la violence faite aux adultes était inacceptable? Nous souscrivons maintenant à des lois qui prévoient une tolérance zéro face à la violence conjugale. Je crois que nous appuyons cela. Nous avons supprimé le châtiment corporel dans la plupart de nos écoles. Nos détenus n'y sont plus assujettis non plus. Pourquoi l'avons-nous donc conservé pour nos enfants?

Honorables sénateurs, il est temps d'envisager l'abrogation de l'article 43 du Code criminel du Canada et l'établissement d'un programme d'éducation fondé sur le modèle suédois afin d'aider les parents à trouver d'autres moyens de discipliner leurs enfants que le châtiment corporel.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

 

La cité parlementaire

La désignation de la salle 160-S
«Salle des peuples autochtones»

L'honorable Orville H. Phillips, conformément à l'avis du mercredi 5 juin 1996, propose:

Que la salle du comité 160-S soit désignée sous le nom de «Salle des peuples autochtones», afin d'honorer les peuples autochtones du Canada et de commémorer leur apport à la culture canadienne.

-Honorables sénateurs, en mai 1993, j'avais présenté une motion pour que la salle 160-S soit désignée «salle des peuples autochtones». Nous avions choisi cette salle en raison de son décor. La motion avait été modifiée et renvoyée au comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Malheureusement, par suite de la dissolution du Parlement, cette motion n'avait pu être adoptée. Cette année, avec l'arrivée du printemps, saison du renouveau, la question a resurgi. J'espère que nous pourrons bientôt la mener à terme.

En proposant cette motion, j'ai souligné que le nom de la salle du Commonwealth, qui était jadis le fumoir des députés, commémore notre lien avec la communauté anglophone. La salle que les sénateurs utilisaient comme fumoir porte maintenant le nom de salon de la Francophonie, afin d'honorer et de reconnaître notre lien avec la communauté francophone, non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

Au cours d'une visite en Nouvelle-Zélande, j'ai visité la cité parlementaire. J'ai été très heureux de constater qu'il y avait une salle des Maoris. Les Néo-Zélandais sont très fiers de cette salle qui rappelle l'histoire de chefs maoris qui ont servi à leur Parlement. J'ai été étonné d'apprendre que des Maoris ont fait partie du Cabinet néo-zélandais bien avant qu'un autochtone ne soit membre du Cabinet canadien.

Honorables sénateurs, nous sommes sur le point d'inaugurer une nouvelle salle pour les réunions de comité. Je considère qu'il convient tout à fait d'honorer et de reconnaître nos peuples autochtones en désignant cette salle sous le nom de «salle des peuples autochtones».

Je souligne à l'intention de mes collègues autochtones que les francophones et les anglophones ont eu droit à une salle qui avait déjà servi à d'autres fins. Cette salle est toute neuve. J'espère que vous en profiterez pour la décorer selon votre art, afin de rappeller aux générations à venir la contribution que les peuples autochtones ont faite au Canada.

Des voix: Bravo!

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, je ne suis pas vraiment en faveur de cette motion, car la salle 160-S se trouve dans ce que je considère comme le sous-sol, ce qui ne constitue pas une grande attraction touristique. Les touristes viennent ici tous les jours pour visiter la Chambre des communes et le Sénat, qui se trouvent au deuxième étage. Ils passent par l'entrée principale et montent l'escalier pour arriver au deuxième étage. Or, pour accéder à cette salle, il faut descendre l'escalier pour arriver au sous-sol. Je le répète, cela ne me semble pas très intéressant pour les touristes.

Je préférais la motion initiale visant à désigner la salle 256-S sous le nom de «salle des peuples autochtones». C'est dans cette salle que le comité des peuples autochtones avait l'habitude de se réunir.

Je ne sais pas qui a conçu le décor de cette nouvelle salle ni de quoi elle aura l'air. A-t-elle un décor autochtone? À cause de son décor, la salle 256-S mérite bien d'être désignée sous le nom de «salle des peuples autochtones».

J'ai cherché la salle hier, mais je n'ai même pas réussi à la trouver. Je pense que l'accès en est encore interdit à cause des travaux de rénovation. J'aurais au moins aimé voir de quoi elle a l'air avant qu'on ne lui donne cette désignation.

Les autochtones ont vécu dans ce pays longtemps avant l'arrivée des Européens, et je n'aime pas l'idée de les reléguer au sous-sol. Une fois que j'aurai vu la salle, je pourrai peut-être approuver la motion.

L'honorable Len Marchand: Honorable sénateur, j'ai appuyé la motion du sénateur Phillips. J'ignorais que mon ami, le sénateur Adams, prendrait la parole. Je connais ses sentiments et j'avais l'habitude de les partager. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai appuyé la motion initiale visant à désigner la salle 256-S sous le nom de «salle des peuples autochtones».

Les Canadiens connaissent bien l'histoire de nos peuples. Nous avons l'habitude d'être relégués à l'arrière de l'autobus ou au sous-sol, au lieu d'occuper une place importante.

 

J'ai pu jeter un bon coup d'oeil à la nouvelle salle et à son décor. Je ne veux pas être à couteaux tirés avec mon bon ami le sénateur Adams. Aussi, j'estime raisonnable qu'on lui donne satisfaction. Nous devrions peut-être attendre un peu avant d'adopter la motion. Le sénateur Adams pourra alors constater que la nouvelle salle est tout à fait convenable et qu'elle n'est pas située au sous-sol. En réalité, elle se trouve au rez-de-chaussée. On y accédera par l'entrée principale des édifices parlementaires. Ce sera l'une des meilleures salles de comité de la colline.

Je tiens à donner au sénateur Phillips et à tous mes collègues l'assurance que tous les autochtones, les Inuit, les Métis et les Indiens, peuvent travailler ensemble et faire de cette salle l'une des plus extraordinaires de la colline. Il y a, parmi les nôtres, des artistes de toutes les régions du pays qui ont créé des oeuvres sans pareil. Nous veillerons à ce que leur art ait sa place dans cette salle et nous espérons tous qu'il dépeigne une partie de notre réalité historique. Nous pouvons le faire et nous le ferons.

La semaine dernière, je parlais avec le ministre des Affaires indiennes des endroits sur la colline du Parlement qui dépeignent la réalité autochtone. Il a dit: «Bon sang, il n'y a rien de tel ici.» C'est la vérité. Il y a très peu d'art autochtone sur la colline du Parlement.

Si les honorables sénateurs jettent un coup d'oeil à leur gauche en entrant dans la salle du Commonwealth, ils verront un totem en argilite qui a été sculpté par Rufus Moody, en 1967. C'est le ministre des Affaires indiennes de l'époque, l'honorable Arthur Laing, qui l'a offert au Parlement. Cela demeure un des plus grands totems d'argilite jamais sculptés. C'est une splendeur. De l'autre côté de la pièce, vous verrez une grande sculpture inuit. Elle a aussi été offerte au Parlement par l'honorable Arthur Laing.

J'espère que nous pourrons régler cette question à la satisfaction du sénateur Adams et de tous et adopter la motion le plus rapidement possible. Je sais que la création de cette salle inspire beaucoup de bons sentiments. Je pense qu'il nous faut agir pendant que le fer est chaud. Allons de l'avant et réglons cette question.

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je me réjouis de pouvoir dire quelques mots sur ce sujet que le comité de la régie interne a étudié brièvement. Nous avons entamé un processus de consultation sur le nom à donner à cette salle. Toutefois, il vaut beaucoup mieux consulter les sénateurs au Sénat. Tout le monde a ici l'occasion d'exprimer son opinion au cours de la discussion.

Je tiens à appuyer les observations qui viennent d'être présentées. Il vaudrait mieux qu'une décision soit prise plus tôt que tard sur ce sujet, car plus vite on trouvera un nom à cette salle, plus vite on l'aménagera. On pourra lui donner un thème et un look qui se marient bien à son nom.

Cela ne me dérange pas que le présent débat ait empiété sur notre processus de consultation. Personne ne pourra se plaindre de ne pas avoir été consulté puisque nous aurons discuté ici. Si le Sénat ne voit pas d'objection à baptiser cette salle «salle des peuples autochtones», c'est fantastique. Cela donnera aux gens qui travaillent à la décoration de la salle la possibilité de l'aménager à temps.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais appuyer les observations des sénateurs Phillips et Marchand. On a fait du 21 juin la journée des peuples autochtones en reconnaissance de leur rôle et de leur place dans l'histoire du Canada et dans la société d'aujourd'hui. Par conséquent, il importe que le Sénat fasse également savoir à tous qu'il croit que les peuples autochtones sont une composante importante de notre société. Ainsi, le comité des peuples autochtones saura que nous, les parlementaires, avons l'intention de prendre au sérieux nos responsabilités à l'égard des peuples autochtones.

En ce qui concerne les observations du sénateur Adams, je n'ai jamais pensé qu'il y avait une différence entre les étages de cet édifice, qu'il s'agisse du premier, du deuxième ou du cinquième. Je sais qu'il arrive que les sénateurs aient des discussions sur la grandeur des bureaux ou de leur emplacement; cependant, j'espère que tous ont le même respect pour tous les locaux du Parlement.

Quand j'étais membre du comité de la régie interne, le sénateur Kenny m'a convaincu que cette salle constituerait une des importantes salles de réunion. Peut-être qu'en la choisissant comme salle des peuples autochtones, nous en ferons une importante salle de réunion. Elle deviendra peut-être la salle où tous les comités voudront se réunir.

J'espère que nous adopterons cette motion le plus rapidement possible pour faire comprendre clairement à tous que nous appuyons les peuples autochtones, ce qui, d'après moi, est très important pour ces derniers à l'heure actuelle.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, j'ai eu l'occasion de discuter avec les sénateurs Marchand et Adams, de même qu'avec mes collègues de ce côté-ci. J'appuie la motion sans réserve. La seule chose que je voudrais dire, c'est que si nous l'adoptons, j'espère que nous ferons très bien les choses.

Les sénateurs Adams, Watt et Marchand devraient examiner les plans. Ils devraient pouvoir les commenter. De cette manière, nous serons fiers d'avoir une «salle des peuples autochtones» sur la colline et, en plus, ce sera quelque chose dont ils seront fiers parce qu'ils sont eux-mêmes de la colline. Ils en seront fiers lorsque, par exemple, des habitants du Keewatin ou des Micmacs viendront visiter Ottawa.

Je renoncerais même au remplacement du tapis du Sénat si cela pouvait faire en sorte que cette salle soit ce qui se fait de mieux.

L'honorable Walter P. Twinn: Honorables sénateurs, je tiens à vous exprimer ma gratitude pour l'honneur que vous nous faites en nous dédiant une salle spéciale. Je crois parler au nom de tous les honorables sénateurs en disant cela. Lorsque j'y entrerai, j'espère que j'y obtiendrai une triple majorité.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je tiens moi aussi à exprimer mon soutien sans réserve à cette initiative. Je remercie le sénateur Phillips de l'avoir pilotée et de nous l'avoir soumise.

On m'a dit que le Parlement de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande avait une salle dédiée aux aborigènes. Je crois qu'il était temps que le Parlement du Canada en ait une, lui aussi.

J'ajoute ma voix à celle du sénateur Bryden pour demander que la salle soit décorée avec à-propos et avec goût, dans un style où on reconnaîtra les peuples autochtones du Canada. J'appuie cette motion de tout coeur.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois vous faire savoir que, si l'honorable sénateur Phillips prend la parole maintenant, son intervention mettra fin au débat sur la motion.

Le sénateur Phillips: Je remercie tous ceux et celles qui ont appuyé la motion. Je tiens à faire remarquer à mon collègue, le sénateur Adams, que la salle ne se trouvera pas au sous-sol. Si vous ne me croyez pas, je vous amènerai visiter ce sous-sol. Vous verrez qu'il y a une nette différence entre les deux niveaux.

Honorables sénateurs, j'aimerais que nous mettions la motion aux voix dès aujourd'hui, si cela est possible, parce que le 21 juin, qui marque le début de l'été, a été déclaré la journée des peuples autochtones. J'avais pensé qu'il serait indiqué de tenir une cérémonie à cette occasion pour nommer la pièce Salle des peuples autochtones. Par conséquent, honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer la motion aujourd'hui.

(La motion est adoptée.)

 

Le budget des dépenses de 1995-1996

Renvoi au comité des finances nationales
des documents relatifs au budget reçus
au cours de la dernière session

L'honorable David Tkachuk, conformément à l'avis du jeudi 6 juin 1996, propose:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le comité sénatorial permanent des finances nationales au cours de son étude du Budget des dépenses de 1995-1996, lors de la première session de la trente-cinquième législature, lui soient déférés.

(La motion est adoptée.)

 

Le comité spécial du Sénat sur la Société
de développement du Cap-Breton

Autorisation accordée au comité
de reporter la date du rapport final

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), au nom du sénateur Rompkey, conformément à l'avis du 10 juin 1996, propose:

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 6 juin 1996, le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 28 juin 1996 et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion de son rapport final, et ce, jusqu'au 6 juillet 1996;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 


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