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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 32

Le mardi 18 juin 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 18 juin 1996

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'une délégation parlementaire de Roumanie. La délégation, dirigée par le président du Sénat, M. Oliviu Gherman, est également composée de Mme Gherman, du sénateur Cancescu, du sénateur Secara, du sénateur Popa et du sénateur Sava, ainsi que de Son Excellence, le chargé d'affaires de Roumanie. Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Ontario

Les résultats de l'élection partielle dans Hamilton-Est- Félicitations à Sheila Copps

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'aimerais attirer l'attention du Sénat sur les résultats de l'élection partielle dans la circonscription de Hamilton-Est, qui ont été annoncés hier soir.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Lynch-Staunton: D'excellents résultats, en effet: 70 p. 100 contre 50 p. 100.

Le sénateur Milne: Mme Copps a facilement remporté l'élection en obtenant plus de 46 p. 100 des voix dans une course mettant en lice 13 candidats. Beaucoup feront valoir queMme Copps avait obtenu 67 p. 100 des voix en 1993, mais il faut se rappeler qu'en 1984 et 1988, elle avait obtenu 38 p. 100 et49 p. 100 des voix respectivement. En fait, il est relativement rare au Canada qu'un candidat obtienne 50 p. 100 des suffrages. La plupart gagnent avec plus ou moins 40 p. 100 des voix, comme nous le savons tous.

Je félicite Sheila Copps pour la confiance que son électorat lui a témoignée.

 

Je profite de l'occasion pour présenter une brève analyse des résultats. Je n'ai pas les chiffres officiels, mais je pense que les données que j'utilise suffiront à corroborer mes dires. Depuis l'arrivée du Parti réformiste, les observateurs se sont lancés dans de nouveaux calculs. Comme les oracles du Moyen-Âge qui examinaient les entrailles d'animaux pour en déduire des chiffres mystiques ayant des pouvoirs spéciaux, les grands pontes aiment à additionner le vote populaire en faveur des candidats réformistes et conservateurs. La plupart du temps, cet exercice sert à démontrer que les libéraux auraient dû être défaits et que c'est seulement parce que le vote a été divisé que le candidat libéral s'en est tiré gagnant.

On veut faire entendre que les électeurs ont fait subir un dur coup au libéralisme et, par conséquent, que la formule du succès pour les prochaines élections générales serait de plaire aux électeurs de la droite et d'adopter des politiques de droite. À première vue, je trouve que cette analyse est boiteuse. Prenons pour exemple le Parti réformiste qui, malgré un nouvel élan après son dernier congrès, s'est classé en quatrième position, loin derrière les autres, le jour du vote, au point que le candidat perdra son dépôt.

Quand même, poussons l'analyse jusqu'au bout suivant la méthodologie de ces prophètes de malheur. Comment se fait-il que je n'aie jamais entendu ces mêmes observateurs faire ce calcul en additionnant les votes des libéraux et des néo-démocrates? Je crois que cet exercice démontrerait que la majorité des Canadiens, dans presque toutes les circonscriptions, est profondément libérale.

Des voix: Bravo!

Une voix: Répétez cela, on ne vous a pas entendue.

Le sénateur Milne: Examinons la situation de Hamilton-Est sur ce point. Les chiffres provisoires que je possède montrent que le vote se divise ainsi: libéraux, 46 p. 100; néo-démocrates, 26 p. 100; conservateurs, 14 p. 100; réformistes, 10 p. 100. Si l'on revient à ce chiffre mystique que les observateurs ont utilisé pour démontrer la tendance vers la droite des Canadiens, on constate que 24 p. 100 des électeurs ont choisi cette option. Par contre, si l'on fait la même analyse en combinant les votes accordés au centre-gauche, on voit que 72 p. 100 des gens ont donné leur appui à des candidats plus à gauche. En tout cas, c'est une majorité écrasante. Avec notre système uninominal majoritaire à un tour, c'est une majorité absolument incontestable.

Honorables sénateurs, le libéralisme est bien vivant au Canada. Les Canadiens sont des libéraux. N'allons pas croire...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Milne...

Le sénateur Milne: ... les devins qui voudraient dire le contraire.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, j'ai une déclaration absolument non sectaire à faire. Je suis très heureux que le candidat conservateur ait battu le candidat réformiste. Je dirais à mes collègues d'en face: vous êtes beaucoup plus agréables et beaucoup plus faciles à vivre qu'ils ne le sont, et je suis heureux qu'il en soit ainsi.

 


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, mercredi 19 juin 1996, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Louis J. Roberge présente le projet de loi S-10, Loi modifiant le Code criminel (organisation criminelle).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Roberge, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dujeudi prochain, le 20 juin 1996.)

 

L'Assemblée de l'Atlantique Nord

Dépôt du premier rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN, qui a représenté le Canada à la troisième visite annuelle de la Commission politique de l'Assemblée de l'Atlantique Nord des parlementaires de l'OTAN, qui a eu lieu à Moscou du 9 au 12 avril 1996.

 

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La trente-septième réunion annuelle tenue en Alaska- Dépôt du rapport de la section canadienne

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la délégation canadienne à la trente-septième réunion annuelle du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, qui s'est tenue en Alaska du 10 au13 mai 1996.

 

L'Assemblée de l'Atlantique Nord

Dépôt du deuxième rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 34(1) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN, qui a représenté le Canada à la session de printemps 1996 de l'Assemblée de l'Atlantique Nord des parlementaires de l'OTAN, qui s'est tenue à Athènes, en Grèce, du 16 au20 mai 1996.

 

Affaires étrangères

Autorisation au comité de siéger
en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 16 heures aujourd'hui, le mardi 18 juin 1996, même si le Sénat siège à ce moment là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Privilèges, Règlement et procédure

Autorisation au comité de siéger
en même temps que le Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure soit autorisé à siéger à 16 heures aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les pêches et les océans

La survie des ports de pêche des Maritimes-
Demande de précisions sur le rapport du consultant-
La position du gouvernement

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, on apprenait hier dans les médias que le gouvernement avait engagé les services du professeur Savoie, de l'Institut canadien de recherche sur le développement régional. Comme le savent les honorables sénateurs, le professeur Savoie enseigne à l'Université de Moncton. Il entretient des liens étroits avec l'APECA depuis sa création. Selon les médias, le rapport du professeur Savoie dit que certains ports de pêche des Maritimes sont dans une situation désespérée et devraient être abandonnés. Ce rapport a été remis au gouvernement il y a plus d'un an, mais ce dernier n'en a dit mot, préférant garder le silence. Pourquoi?

 

Le sénateur Bernston: Très curieux.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais être très franche; je ne sais rien du rapport dont parle le sénateur et je vais me renseigner à ce sujet.

Le sénateur Phillips: Madame le leader semble avoir beaucoup en commun avec certains membres de la famille royale qui ne lisent pas les journaux. Il y a plusieurs mois, je lui ai demandé un exemplaire du protocole d'entente sur ce qu'on appelle le marché de l'harmonisation. Elle ne me l'a toujours pas donné, mais comme j'ai trouvé ce que je voulais sur l'Internet, elle peut oublier ma demande.

Je demanderais toutefois que l'on prenne aujourd'hui les dispositions nécessaires pour que le rapport du professeur Savoie soit distribué aux sénateurs car je pense qu'il aura des répercussions importantes sur le projet de loi C-12. Il est essentiel que nous ayons ce rapport pour pouvoir étudier comme il faut le projet de loi C-12.

Je voudrais également savoir si le gouvernement a pour politique d'abandonner non seulement certains ports de pêche de l'Atlantique, mais toute la région atlantique?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, la réponse à la dernière partie de la question du sénateur Phillips est «absolument pas». En fait, ce gouvernement est très dévoué à la cause du Canada atlantique et particulièrement résolu à l'aider à surmonter les difficultés qu'il traverse depuis quelques années en raison de la crise dans le secteur des pêches. C'est la raison d'être de la SPFA et des nombreuses autres mesures qui commencent à avoir un certain effet sur l'emploi dans le Canada atlantique. Le sort de cette région nous tient très à coeur.

Je vous ai dit la vérité lorsque j'ai admis ne rien savoir des reportages parus dans la presse ou du rapport lui-même. Le sénateur pourrait peut-être m'en envoyer un exemplaire. Je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour lui donner satisfaction.

 

Le rapport sur l'initiative gouvernementale-
L'impact sur le Canada Atlantique-
La politique du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le rapport dont parle le sénateur Phillips est absolument critique et ses implications sont cruciales pour les pêcheurs à temps partiel de la région atlantique. La semaine dernière, nous avons appris la triste situation des pêcheurs à temps partiel, en particulier des pêcheurs de mollusques, à West Prince, dans l'Île-du-Prince- Édouard, près de Alberton. Ils ne peuvent pas travailler l'hiver. Leur travail consiste en journées très longues et très pénibles, mais est hautement saisonnier.

Ma question est complémentaire: lorsque la ministre aura obtenu des exemplaires de ce rapport, est-ce qu'elle pourrait nous en distribuer de sorte que nous puissions voir à ce qu'il soit au moins partiellement distribué avant que nous soyons forcés d'étudier le projet de loi sur l'assurance-emploi?

Deuxièment, est-ce qu'elle pourrait également se renseigner sur l'attitude du gouvernement sur les points suivants: combien des recommandations faites par le professeur Savoie ont été considérées par le gouvernement, activement ou autrement? Est-ce que le gouvernement envisage, comme réponse finale, la «disparition progressive» des collectivités rurales et éloignées qui se livrent à la pêche, et l'encouragement, en contre-partie, du transfert des pêcheurs saisonniers dans d'autres parties du Canada où ils pourront trouver un emploi durable? Est-ce sa politique?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais d'abord essayer de trouver le rapport et ensuite fournir tout renseignement que je peux à son sujet. De toute évidence, j'hésite à répondre aux questions basées sur un rapport que je ne connais pas.

Toutefois, comme je l'ai dit au sénateur Phillips, la politique du gouvernement fédéral au cours des dernières années a été d'appuyer autant que faire se peut la région de l'Atlantique et ceux de ses habitants qui sont le plus gravement touchés par la crise dans le secteur des pêches.

En ce qui concerne les politiques qui vont à l'encontre de cet objectif, je dirais que, d'une façon générale, le gouvernement ne les fait pas siennes. Plus précisément, je ne peux pas répondre à ces questions.

Le sénateur Forrestall: Comme le projet de loi sur l'assurance-emploi sera débattu ici aujourd'hui ou demain, il nous reste peu de temps pour régler cette question critique du rapport. Est-ce que la ministre n'a pas d'inquiétude au sujet de la compétence de son personnel ou du personnel ailleurs au gouvernement au sujet du rapport? Nous savions tous l'objet de cette étude et nous savions qu'il allait y avoir un rapport. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir les meilleurs renseignements possibles? Ce rapport a coûté 128 000 $, si je ne m'abuse.

C'est inacceptable que la ministre nous donne la même réponse jour après jour. Bien entendu, nous admettons qu'il y a des sujets dont elle ne peut pas avoir connaissance. Toutefois, le projet de loi sur l'assurance-emploi n'est pas une bagatelle. Ce n'est pas un petit projet de loi que nous allons étudier, adopter puis oublier dès le lendemain. Nous parlons ici de la vie de milliers de gens. Il me semble que leader du gouvernement au Sénat devrait mieux se tenir au courant. Il me semble que le ministre des Pêches et des Océans ou le ministre responsable de l'APECA auraient pu veiller à ce que ce rapport soit mis à la disposition du personnel de la ministre pour qu'il la tienne informée et qu'elle soit préparée à répondre aux questions légitimes des sénateurs de l'île et des autres sénateurs de la région atlantique.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, j'essaie toujours de faire de mon mieux pour répondre aux questions soulevées dans cette Chambre pendant la période des questions. Comme mon collègue le sait, je dois dépendre d'un grand nombre de sources dans tout le gouvernement pour être au courant et ces sources ont aussi leurs responsabilités. Je pense qu'elles font un bon travail, tout comme mon personnel. Je ferai ce que je peux pour obtenir plus de renseignements concernant ce dossier pour mon honorable collègue.

 

La Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique-
Les commentaires du consultant-
La position du gouvernement

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, si je peux paraphraser, le leader a déclaré que la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique représentait une bonne initiative. Pendant que vous cherchez de plus amples renseignements pour nous, n'oubliez pas que le professeur Savoie a employé, à l'égard de la SPA, des termes beaucoup moins favorables que ceux de la ministre.

J'aimerais bien obtenir une évaluation de la SPA faite par le ministère des Pêches et des Océans, ou tout autre responsable de cette stratégie. Cette évaluation devrait faire figurer dans une annexe ou mentionner quelque part les motifs pour lesquels le professeur Savoie a fait ces commentaires défavorables au sujet de la SPA. J'aimerais bien les connaître.

 

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): J'ajouterai cela à ma liste de recherches, honorables sénateurs.

 

Élections Canada

La limitation de la publicité électorale-
La décision de la Cour d'appel de l'Alberta-
La possibilité d'un appel devant la Cour suprême
du Canada-La position du gouvernement

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, la question que je pose à la ministre concerne la loi, adoptée sous le gouvernement Mulroney, qui limite la publicité électorale. Comme la ministre le sait sans doute, la Cour d'appel de l'Alberta a rendu, au début du mois, une décision dans laquelle elle qualifie cette loi de «déraisonnablement inconstitutionnelle».

Le gouvernement du Canada songe-t-il à interjeter appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada? Le gouvernement tiendra-t-il compte du fait que cette décision de la Cour d'appel de l'Alberta, si elle n'est pas contestée, pourrait constituer un précédent en vertu duquel les lois référendaires du Québec pourraient aussi être considérées comme déraisonnablement inconstitutionnelles?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le ministre de la Justice étudie actuellement cette décision de la Cour d'appel de l'Alberta. Je m'informerai auprès de lui pour obtenir une réponse aux questions posées.

 

L'alphabétisation

L'harmonisation des taxes de vente provinciales avec
la taxe sur les produits et services-L'effet sur le prix des livres et imprimés-La position du gouvernement

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, comme le leader du gouvernement à la Chambre n'est pas sans le savoir, les taux d'analphabétisme au Canada atlantique sont dans l'ensemble de 20 p. 100 supérieurs à la moyenne nationale. La ministre sait-elle qu'un groupe, la Don't Tax Books Coalition, estime que le gouvernement a violé sa promesse de ne plus soumettre les livres à la TPS? Est-ce que la ministre, qui est chargée spécialement de l'alphabétisation, estime que le prix majoré des livres est un obstacle à l'alphabétisation et souscrit à l'engagement de son parti, qui a été exprimé avec tant de passion lors des congrès du Parti libéral et dans les tracts de propagande du Parti libéral, à savoir qu'on ne devrait pas taxer les livres?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis au courant de la vigoureuse manifestation qu'a menée en Nouvelle-Écosse au cours du week-end la coalition qui a fait connaître ses vues, comme d'autres ailleurs le font.

Il va de soi que le gouvernement se préoccupe beaucoup d'alphabétisation et c'est ce qui explique que presque immédiatement après les élections, il a pris des mesures de nature à réaliser un certain nombre d'engagements en matière de financement de programmes d'alphabétisation. Il a fait encore davantage en établissant une responsabilité ministérielle en la matière et, tout récemment, en créant un Office de la technologie d'apprentissage qui oeuvrera en association avec le Secrétariat national à l'alphabétisation.

J'ai dit à plusieurs reprises au Sénat que la TPS sur les livres m'a beaucoup déçue. Toutefois, le processus visant à introduire les changements qui ont été prévus dans le protocole d'entente conclu avec les trois provinces de l'Atlantique en vue de l'harmonisation des taxes est basé sur l'assiette de la TPS. Nul doute que s'engageront de vigoureuses discussions sur le sujet partout dans le pays et au Parlement.

Le sénateur DeWare: Honorables sénateurs, est-ce que le gouvernement a commandé des études dans les domaines visés?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, à ma connaissance, aucune étude n'a été faite à l'échelle nationale. Quoi qu'il en soit, le le gouvernement du Canada est le chef de file des pays membres de l'OCDE à cet égard. Il a mené la première enquête internationale sur l'alphabétisation chez les adultes, où le Canada est comparé avec plusieurs autres membres de l'OCDE. Cette étude a été publiée au mois de décembre. Dans le cadre de cette étude ont été effectuées des enquêtes sur diverses questions dans les régions du Canada et auprès de groupes d'intérêts spéciaux. Les résultats de ces enquêtes seront progressivement rendus publics à compter de l'automne. J'informerai mon honorable collègue quand ces résultats seront connus.

 

Le Grand Toronto

Le réaménagement des terrains de l'ex-BFC Downsview- Le rôle du ministre de la Défense-
La position du gouvernement

L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Tard l'année dernière, le président du Conseil du Trésor et le ministre de la Défense nationale ont signalé, pour votre gouverne et la mienne, les projets du gouvernement pour le réaménagement de terrains qui comptent parmi les plus convoités en région urbaine, au Canada.

Madame le leader du gouvernement au Sénat n'est pas sans se rappeler les questions que j'ai posées au nom d'électeurs de Toronto qui s'inquiétaient des versions contradictoires qui circulaient sur ce qui allait advenir en fin de compte des terrains de l'ex-BFC Downsview.

Nous supposons maintenant que le gouvernement est allé de l'avant, par l'entremise de son comité sur les terres de la BFC Downsview, comité formé exclusivement de députés libéraux, qui a décidé de l'utilisation qu'on allait faire de ces terrains, et a eu recours aux services de la Société immobilière du Canada sous contrat avec le ministère de la Défense nationale, pour administrer la participation à ce projet.

Ma première question porte sur le choix du ministre de la Défense nationale comme le dernier arbitre du gouvernement dans ce que nous supposons être une entreprise entièrement civile.

De ce côté-ci, nous reconnaissons peut-être qu'il est sage de conserver ces terres à perpétuité, en fiducie, mais pourquoi confier cette tâche au ministre de la Défense, qui est déjà tellement occupé ailleurs à essayer de sauver d'autres fiducies dont il est chargé? Pourquoi avoir choisi le ministre de la Défense nationale pour le charger d'un projet qui est presque entièrement civil?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me renseignerai auprès du président du Conseil du Trésor afin d'obtenir une réponse complète pour mon honorable collègue. Le ministre de la Défense nationale est un député de la ville de Toronto et a certaines responsabilités en la matière. J'obtiendrai une réponse plus complète que cela pour mon honorable collègue.

 

La justification de la mise en oeuvre hâtive du projet- La position du gouvernement

L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, lorsque nous avons demandé des renseignements, on nous a dit que la Société immobilière du Canada avait lancé officiellement, le15 avril dernier, des appels de propositions au sujet des projets de réaménagement. La date limite de dépôt des propositions est le 26 juin, la date limite de l'examen interne est le 31 juillet et la date de l'annonce des achats définitifs est le 31 août.

 

Voici ma question complémentaire: pourquoi, après un départ si lent, a-t-on fixé un délai aussi serré pour un des plus importants projets de réaménagement immobilier à Toronto d'ici la fin du siècle?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je conviens avec le sénateur que ce projet est extrêmement important. Je suis sûre que le gouvernement voudra, avec la consultation de bien d'autres, en planifier l'aboutissement avec grand soin. Je vais ajouter la question complémentaire du sénateur à la liste que je transmettrai à mon collègue.

Le sénateur Doyle: Honorables sénateurs, compte tenu du fait que ce réaménagement a été lancé et sera observé par un comité de députés libéraux locaux, qui ont manifestement des préoccupations sectaires, est-ce qu'on défend les intérêts du pays en choisissant ceux qui utiliseront les terres pendant que le Parlement ne siège pas et qu'il n'y a personne pour répondre à nos questions?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je tâcherai de transmettre également cette question.

 

Dépôt de réponses à des questions
INSCRITES au Feuilleton

Défense nationale-L'achat de véhicules-
Demande de précisions

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 14 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

Défense nationale-Le fonctionnement de véhicules- Demande de précisions

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 32 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 


Le programme d'échange de pages
avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant d'appeler l'ordre du jour, je vous présente les deux pages de la Chambre des communes qui ont été choisis pour participer au programme d'échange avec le Sénat cette semaine.

[Français]

Colette Lavallée, de la ville d'Edmondton, en Alberta, est inscrite à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa. Sa spécialisation est en communication. Je vous souhaite la bienvenue au Sénat, Colette.

[Traduction]

Martin Thompson est originaire d'Aurora, en Ontario. Il étudie actuellement en psychologie à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa. J'ignore si le rôle de page au Parlement facilite les études en psychologie, c'est peut-être le cas. Soyez les bienvenus au Sénat.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi d'exécution du budget de 1996

Troisième lecture

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 6 mars 1996, soit lu une troisième fois.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, nous avons étudié le projet de loi C-31 au comité. Il s'agit en quelque sorte d'un projet de loi omnibus. La partie la plus fascinante des explications a porté sur le transfert de fonds aux provinces maritimes, afin de faciliter l'harmonisation de la taxe à laquelle procédera le gouvernement.

Au cours de l'étude du projet de loi en comité, Barry Campbell, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, a comparu devant notre comité. En ma qualité de président du comité, je l'ai interrogé sur la TPS et l'harmonisation, puisque l'affectation d'un milliard de dollars aux trois provinces atlantiques est prévue dans le projet de loi, selon le libellé suivant: «pour versement aux provinces à titre d'aide en vue de faciliter leur participation à un régime intégré de taxe à la valeur ajoutée.» Le témoignage intéressera peut-être les honorables sénateurs.

Bien sûr, le secrétaire parlementaire était accompagné de fonctionnaires, dont Samy Watson, directeur général de la Direction de la politique de l'impôt, au ministère des Finances. Je lui ai demandé:

Pourquoi le gouvernement tient-il tant à procéder à l'harmonisation dans les trois provinces atlantiques? Quel est l'objectif des provinces? Ont-elles demandé cette harmonisation?

M. Watson: Il y a plusieurs points à considérer, monsieur le président. Depuis deux ans et demi, le gouvernement participe à des négociations multilatérales, bilatérales et régionales. Oui, les provinces ont montré beaucoup d'intérêt envers l'harmonisation pour des raisons économiques.

C'est une politique qui a été mise en oeuvre immédiatement après les élections, une politique qui fait l'objet de négociations depuis deux ans et demi, et bien avant que les comités de la Chambre des communes et du Sénat n'aillent consulter les Canadiens au sujet du genre de taxe qu'ils voulaient.

Après que j'eus demandé quelles étaient les raisons économiques, M. Watson a poursuivi:

Les droits tarifaires diminuent dans le monde. L'économie mondiale devient plus mondialisée. Un des grands déterminants à l'heure actuelle en matière de commerce international et d'exportations est le prix, car on n'a pas beaucoup de droits tarifaires. Dans le cas d'une taxe de vente au détail, on a ce qu'on appelle l'application en cascade de la taxe, une expression plutôt poétique. L'exemple qu'on utilise habituellement est celui du rondin, qui est vendu et sur lequel la taxe est imposée. Le rondin est vendu à une scierie, qui le débite en pièces de bois auxquelles s'applique une taxe à ce niveau-là également. Ces pièces de bois servent à fabriquer des meubles. La taxe entre dans le prix de chaque produit. Quand ce produit arrive chez le consommateur, il comporte déjà plusieurs niveaux de taxe.

Une taxe sur la valeur ajoutée élimine ces niveaux de taxe, de sorte que la taxe est imposée uniquement au dernier niveau. C'est le système qu'ont adopté de nombreux pays industrialisés...

Nous sommes plus compétitifs tant pour les produits importés que pour les produits nationaux ici au Canada. Le Canada devient également plus compétitif sur les marchés internationaux. Voilà pourquoi les provinces s'intéressent à ce système de taxe de vente.

J'espère que les honorables sénateurs d'en face écoutent bien, car cet argument en faveur de la TPS est aussi bon que n'importe quel autre argument qu'ils auront l'occasion d'entendre.

M. Campbell, cependant, a dit:

Je tiens à rappeler qu'on a invité toutes les provinces à examiner la possibilité d'harmoniser la taxe de vente.

Il a ensuite tâché de clarifier cette réponse.

En réponse à d'autres questions, M. Campbell a tâché d'expliquer davantage la position du gouvernement. Je lui ai posé la question suivante:

L'élément moteur de l'argument en faveur de l'harmonisation est la compétitivité. La taxe sur les ventes des fabricants, qui a été éliminée quand la TPS est entrée en vigueur, faisait exactement ce que les trois provinces de l'Atlantique veulent maintenant que leur propre taxe accomplisse. Est-ce exact?

M. Watson: Oui, si je comprends bien ce que vous dites. Les taxes de vente au détail qui existent présentement ressemblent beaucoup à la taxe sur les ventes des fabricants que la TPS a remplacée.

Le président: Tous les coûts des intrants ont été enterrés sous cette taxe. Quand on expédiait un produit de fabrication, cela représentait un désavantage pour le fabricant qui exportait. Les trois provinces de l'Atlantique voulaient bénéficier de l'avantage de la TPS en harmonisant leur taxe pour les mêmes raisons.

M. Watson: Oui. Ce sont des raisons identiques. Il n'y a que deux autres raisons qu'on puisse ajouter. La première est celle des économies sur le plan administratif...

En ce qui concerne la seconde raison, je ne veux pas lui mettre des mots dans la bouche.

Ces deux taxes s'appliqueront comme une seule. Les entreprises n'auront à traiter qu'avec un seul percepteur.

J'ai alors demandé:

Sur les plans théorique et économique, mais pas nécessairement sur le plan politique, il est certain qu'une taxe à la valeur ajoutée a un très grand avantage, par rapport à une taxe plus en amont, comme la taxe fédérale sur les ventes des fabricants.

M. Watson: C'est juste.

Le sénateur De Bané: Du point de vue du producteur, pas du consommateur.

Le président: Parlons-en, justement. Je viens de poser la question. C'est un changement de politique du gouvernement fédéral au sujet de la TPS.

En d'autres termes, vous avez invité les provinces à profiter des avantages de la taxe à la valeur ajoutée par rapport à la taxe sur les ventes des fabricants ou aux points d'impôt. N'est-ce pas un changement dans la politique du gouvernement libéral, par rapport à celle qu'il défendait lorsque le gouvernement conservateur a implanté la TPS?

M. Campbell: Je n'ai pas apporté mon exemplaire du livre rouge, mais lorsque j'ai frappé à des milliers de portes pendant la campagne de 1993, j'ai dit clairement, au sujet de la TPS, que nous devrions en remplacer les recettes, et que nous la remplacerions par une mesure qui produirait des recettes équivalentes, serait plus facile à administrer, et plus facile d'application pour le contribuable.

Il ne fait pas de doute que M. Campbell fait preuve d'une agilité extrême.

Le président: C'était exactement la politique deM. Wilson, n'est-ce pas?

M. Campbell: En ce qui concerne l'harmonisation?

Le président: Exactement.

M. Campbell: Mais il n'a pas pu l'appliquer.

Le président: Je demande s'il avait pour politique d'harmoniser la taxe de vente dans tout le Canada.

M. Campbell: Je crois que, à l'époque, il a essayé d'obtenir l'harmonisation, mais il a échoué.

Je tenais à ce que tous les sénateurs entendent ce témoignage, car j'ai été très étonné de la franchise dont M. Campbell a fait preuve, après avoir essayé de se faufiler dans les échanges sur le livre rouge que les libéraux ont utilisé tout au long de la campagne de 1993, et malgré la démission de Sheila Copps. Malgré ce qui est arrivé à Sheila Copps à Hamilton, le gouvernement libéral ne dit toujours pas la vérité au sujet des déclarations faites pendant la campagne de 1993.

Même si les électeurs de Hamilton-Est ne semblent pas avoir tout à fait compris, je suis persuadé que les Canadiens savent ce qu'on leur a promis durant la dernière campagne électorale.

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, dans le cadre du débat sur le projet de loi C-31, je m'en tiendrai à trois points. Le premier portera sur les dispositions qui suspendent l'arbitrage exécutoire comme mécanisme de règlement des conflits de travail à la fonction publique fédérale.

Le gel des salaires des fonctionnaires prendra fin bientôt et les dispositions salariales feront l'objet de renégociation. Comme les employés s'attendront à une augmentation après plusieurs années de gel et que le gouvernement continuera de lutter contre la dette et le déficit, des conflits risquent d'éclater lorsque les parties patronales et syndicales se retrouveront face à face à la table des négociations.

En général, les contrats se négocient de l'une de deux façons. Il y a d'abord la négociation, qui mène parfois à la grève. Puis, il y a l'arbitrage exécutoire, où une tierce partie est chargée de régler le conflit.

J'aimerais que l'arbitrage exécutoire soit utilisé le plus possible. Ce mécanisme sert à régler les conflits sans faire vivre à la population et aux fonctionnaires toute l'angoisse qu'accompagnent la possibilité d'une grève et les perturbations provoquées par une grève. Personne ne sort gagnant d'une grève, ni les fonctionnaires qui perdent leur salaire, ni la population qui ne peut obtenir les services dont elle a besoin.

Toutefois, ce projet de loi suspend l'arbitrage exécutoire pendant une période de trois ans, à quelques exceptions près. On nous dit que le gouvernement agit ainsi parce qu'il ne veut pas confier le contrôle des salaires à des tierces parties qui n'ont pas de comptes à rendre et pourtant, il fait des exceptions pour les employés du Service canadien du renseignement et de la sécurité et les employés du Parlement qui n'ont pas droit de grève.

Aux termes de ce projet de loi, les arbitres ne doivent pas leur accorder d'augmentations de salaire supérieures à celles accordées aux fonctionnaires. Je ne comprends pas pourquoi les mêmes directives ne pourraient s'appliquer à tous les fonctionnaires désireux de régler leur conflit de travail au moyen de l'arbitrage. Tant qu'il existe des directives visant à protéger le budget du ministre, où est le problème?

Honorables sénateurs, Steve Hindle, de l'Institut professionnel de la fonction publique, a dit ceci:

La suppression de cette option [...] va susciter une confrontation inutile et miner l'équilibre et l'équité du régime de négociation collective.

[...] le projet de loi suppose qu'un partenariat est impossible si les deux camps ont les mêmes droits face à une tierce partie.

Il laisse entendre sans preuve que la négociation collective conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la responsabilité financière ne peuvent pas coexister. Il dit que le gouvernement ne croit dans le partenariat et la négociation collective que lorsqu'il peut être sûr que les jeux sont faits d'avance contre l'autre camp.

M. Hindle a ajouté ceci:

L'histoire des décisions arbitrales dans la fonction publique ne démontre pas qu'il s'agit d'un processus sauvage qui ne tient pas compte de la situation financière du gouvernement.

Honorables sénateurs, y a-t-il quelqu'un du côté du gouvernement qui puisse produire la moindre preuve à l'encontre de la prétention de M. Hindle voulant que les arbitres tiennent bien compte de la situation financière du gouvernement?

Nous avons entendu un témoignage similaire de la part deM. Bill Krause, de l'Association des employés des sciences sociales, qui nous a dit que le gouvernement:

[...] cherchait à restructurer le cadre de la négociation collective de telle sorte que celle-ci soit inutilement conflictuelle aux dépens des fonctionnaires et au détriment des services à la population.

Je me demande quant à moi si le gouvernement ne cherche pas plutôt à provoquer une grève de façon à avoir l'air sévère en adoptant une loi de retour au travail pour des fonctionnaires déjà démoralisés. Je ne crois pas pour ma part que l'on devrait dire à des professionnels compétents que la seule façon d'obtenir un règlement, c'est de viser la grève. Sans jeu de mots, ce n'est tout simplement pas professionnel.

Je me permets de rappeler aux sénateurs d'en face les différences qu'il y a entre les promesses que leurs collègues ont faites aux fonctionnaires avant les dernières élections et ce qui en est, en fait, transpiré.

Après avoir dit qu'ils tenaient à la négociation collective, ils ont rendu non pertinents pour deux ans tant la négociation collective que l'arbitrage. Après avoir dit qu'il vaudrait mieux que des modifications au programme d'adaptation de la main-d'oeuvre fassent l'objet de négociations, ils l'ont modifié unilatéralement l'an dernier et ils proposent de le modifier encore avec l'adoption de ce projet de loi.

Ils ont promis de présenter une loi pour protéger les personnes qui dénoncent des méfaits, mais il n'ont pas tenu cette promesse. Ils ont promis de charger un comité des communes d'examiner les problèmes de la fonction publique et de présenter chaque année un rapport, mais ils ne l'ont pas fait.

Pour terminer mes observations sur cette partie du projet de loi, j'exhorte le gouvernement à examiner les dispositions qui suppriment l'option de l'arbitrage exécutoire, qui est à la fois inutile et peu souhaitable.

[Français]

Je voudrais dire un mot aussi sur le Transfert canadien en matière de santé et de prgramme sociaux. Il va y avoir un changement assez important dans les pourcentages de droits égaux par habitant. Au Canada, on sait, par exemple - le ministre nous a fourni d'un tableau là-dessus - que la situation actuelle donne l'équivalent de 106 p.100 pour Terre-Neuve, 110 p. 100 pour le Québec, 92 p. 100 pour l'Alberta et 96 p. 100 pour l'Ontario. Dans la nouvelle répartition, pour les années 2002 et 2003, ce sera à peu près 103 p. 100 pour Terre-Neuve - je mentionne ici quelques provinces - 105 p. 100 pour Québec, 98 p. 100 pour l'Ontario et 96 p. 100 pour l'Alberta.

Je ne veux pas faire de commentaires partisans. Je sais qu'il est difficile de trouver une formule de calcul, mais je note simplement qu'il va y avoir une diminution en ce qui concerne ma province.

En terminant, je voudrais protester énergiquement contre la forme, sinon le contenu de cette législation. Voici un projet de loi qui nous arrive deux à trois jours avant la fin de la session, comme d'habitude, et qui est l'équivalent d'une législation omnibus. Dans la même loi, il y a huit lois qui seront modifiées relativement au service public. Ce sont huit lois différentes.

La Loi sur le transport sera modifiée, la Loi sur l'assurance-chômage, la Loi sur la santé, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le Régime d'assistance publique, la Loi sur la radiocommunication, la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants et, finalement, la taxe sur les produits et services. Une seule législation modifie toutes ces lois.

Le sénateur Prud'homme: Un fourre-tout.

Le sénateur Bolduc: Cette façon de procéder est très mauvaise. Je demande aux fonctionnaires du ministère de la Justice de se réveiller, puis de faire un effort pour nous présenter plusieurs projets de loi modifiant un groupe de lois. Il serait acceptable, par exemple, d'avoir un «package» pour la fonction publique, cela peut avoir un sens. Avec ce projet de loi, il s'agit presque de la sauce Heinz avec 57 variétés.

[Traduction]

L'honorable John G. Bryden: Le sénateur voudrait-il répondre à une question?

Le sénateur Bolduc: Mais certainement.

Le sénateur Bryden: En ce qui concerne l'arbitrage dans la fonction publique et la responsabilité financière du gouvernement, le sénateur sait-il que, dans les questions d'arbitrage liées aux intérêts, car c'est de cela qu'il s'agit, l'un des critères dont l'arbitre ne peut tenir compte est la capacité de payer de l'employeur?

[Français]

Le sénateur Bolduc: Je ne peux pas répondre à cela, sénateur Bryden. Il y a déjà dans la loi, et ce depuis 20 ans, des paramètres qui rendent l'arbitrage obligatoire. Je ne vois aucun problème.

[Traduction]

Le sénateur Bryden: En guise de question complémentaire, le sénateur sait-il que, dans le projet de loi, la capacité d'aller en arbitrage était laissée à la discrétion de l'agent de négociation?

L'histoire des négociations collectives dans la fonction publique de 1967 à tout récemment montre que les syndicats puissants, comptant de nombreux membres et efficaces choisissent les négociations, la conciliation et le droit de grève, alors que les petits syndicats optent plutôt pour le processus d'arbitrage obligatoire. Dans ce dernier cas, l'arbitre peut ou doit la plupart du temps - il ne s'agit pas seulement du secteur public, mais de tous les cas d'arbitrage - choisir le résultat obtenu par le syndicat le plus puissant et l'appliquer aux plus petits syndicats.

Le sénateur Bolduc: Je serais d'accord avec le sénateur s'il s'agissait de secteurs industriels ou d'une industrie comme le tabac, mais ce n'est pas le cas maintenant. Il est maintenant question d'employés des postes qui exercent des fonctions très particulières et d'employés de bureau ou d'administrateurs inférieurs du gouvernement, aussi bien que de professionnels comme des ingénieurs, des architectes, des comptables, et cetera. Je ne vois aucun problème.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, savez-vous pourquoi les travailleurs du secteur privé recommandent à leurs collègues du secteur public de recourir à l'arbitrage obligatoire, alors qu'eux-mêmes se battent pied à pied pour ne pas être tenus par la loi à faire la même chose?

Le sénateur Bolduc: Dans le secteur privé, c'est très logique. C'est une bonne chose que les travailleurs de ce secteur aient le droit de grève, car cela met de la pression des deux côtés. Les coûts sont un facteur, tout comme les profits ou les pertes. Cependant, dans le secteur public, nous n'avons pas ces mêmes critères. Tout est fondé uniquement sur ce que j'appellerais un rapport de force. C'est tout simplement stupide de faire cela dans le secteur public.

Quand c'est arrivé au Québec en 1964, j'étais contre. J'ai conseillé le gouvernement, et j'ai dit que j'étais contre. Le chef syndical de l'époque, M. Marchand, a dit: «Donnez-nous le droit de grève, et nous serons très raisonnables.» Le Parlement a accordé le droit de grève à ces travailleurs; cinq semaines ou, peut-être, deux mois plus tard, les infirmières de l'hôpital Sainte-Justine de Montréal se sont mises en grève. L'année suivante, en 1965, il y a eu une grève générale des infirmières à Montréal.

Le sénateur Bryden: Il n'y a pas de concurrence dans le secteur public, mais comme j'ai travaillé dans ce secteur pendant très longtemps...

Le sénateur Bolduc: Moi aussi.

Le sénateur Bryden: ... bien des gens le considèrent comme un panier toujours plein et rempli à volonté par les contribuables.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Graham, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, propose que le projet de loi soit maintenant lu une troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

 

La Loi sur le Conseil canadien des normes

Mesure modificative-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Conseil canadien des normes.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

Projet de loi sur certains accords concernant l'aéroport
international Pearson

Mise aux voix et adoption de la motion d'attribution
de temps

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le jeudi 13 juin 1996, propose:

Que, conformément aux dispositions de l'article 39 du Règlement, en ce qui concerne le projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, une seule période de six heures de débat de plus, au total, soit réservée pour disposer à la fois des étapes du rapport et de la troisième lecture dudit projet de loi;

Qu'au moment où le débat tirera à sa fin ou lorsque le temps prévu pour le débat sera écoulé, selon le cas, le Président interrompe au besoin les travaux dont est saisi le Sénat et mette aux voix sur-le-champ et successivement toutes les questions nécessaires pour disposer des étapes du rapport et de la troisième lecture dudit projet de loi; et

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément aux dispositions du paragraphe 39(4) du Règlement.

- Honorables sénateurs, je propose cette motion en vous exhortant à l'adopter afin que le Sénat puisse rendre une décision finale sur le projet de loi C-28.

Au cours du débat sur la motion, j'espère qu'aucun de nos vis-à-vis n'alléguera que le gouvernement ou des sénateurs de ce côté-ci agissent avec une hâte excessive ou sans avoir laissé le temps de tenir un débat sérieux sur le projet de loi.

Je rappelle à tous les honorables sénateurs les paroles prononcées par le sénateur Nolin le 28 mai dernier, lors du débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-28. À la page 438 des Débats du Sénat, on lit:

[...] nous examinons ce projet de loi depuis déjà deux ans et demi.

Il est vrai que nous avons été saisis de ce projet de loi il y a deux ans et que deux ans représentent une période d'une longueur respectable pour toute assemblée législative.

Le sénateur Berntson: Et vous ne l'avez pas encore corrigé.

Le sénateur Graham: Lorsque le sénateur Nolin a parlé d'un examen qui durait depuis deux ans et demi, il faisait allusion, comme nous le savons tous, au fait que le projet de loi C-22, présenté lors de la dernière session, est devenu le projet deloi C-28 au cours de la présente session.

Le sénateur Berntson: Le sénateur MacEachen a déclaré que nous reprenions tout dès le départ.

Le sénateur Graham: Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a déclaré le 27 mai 1996, à l'étape de la deuxième lecture:

Le projet de loi C-28 reprend textuellement le contenu du projet de loi C-22.

Il s'agit de projets de loi identiques portant sur les mêmes accords...

Le sénateur Lynch-Staunton: Et qu'en est-il des accords?

Le sénateur Graham: ... signés durant la même campagne électorale et visant à céder le contrôle du même aéroport au même groupe de personnes.

Comme le projet de loi C-22 a été présenté par le gouvernement au début de 1994, des faits nouveaux se sont produits depuis ce temps. Rien n'est statique, bien sûr.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comme le rapport du comité MacDonald.

Le sénateur Graham: Les sociétés T1T2 Limited Partnership et 2922797 Canada Incorporated ont intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral pour rupture de contrat. Le tribunal a jugé qu'il y avait effectivement eu rupture de contrat de la part du gouvernement, et un procès est maintenant en cours pour déterminer si des dommages-intérêts devraient être versés et, le cas échéant, quel devrait en être le montant.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il est temps.

Le sénateur Graham: Les demanderesses réclament plus de 600 millions de dollars en dommages-intérêts pour les dépenses engagées et les gains manqués.

Le sénateur Berntson: Et vous ne croyez pas que le juge sera raisonnable.

Le sénateur Graham: Ce sont là les faits importants qui sont survenus depuis que le projet de loi C-22 a été déposé.

La semaine dernière, au comité, le sénateur Lynch-Staunton a laissé entendre que ces faits nouveaux changeaient tellement le contexte de ces projets de loi qu'il serait inopportun pour le Parlement d'adopter le projet de loi C-28 à ce moment-ci. Il a dit ceci:

 

Ce que je trouve très difficile à accepter, c'est l'adoption d'une mesure législative ayant une incidence sur un procès déjà en cours.

Il a comparé cette situation à un événement sportif.

La partie est déjà commencée un certain temps. Une des équipes n'est pas satisfaite des règles du jeu et veut demander à l'arbitre de les changer en sa faveur.

Le sénateur Berntson: L'arbitre porte les mêmes couleurs.

Le sénateur Graham: Je tiens à assurer au sénateur Lynch-Staunton que, chronologiquement, les choses se sont passées à l'inverse. Il n'y a aucun problème du point de vue constitutionnel. Patrick Monahan, de l'Osgoode Hall Law School, a également fait de son mieux pour apaiser les craintes du sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Lynch-Staunton: Depuis quand citez-vous une autorité que vous rejetez depuis deux ans?

Le sénateur Graham: Le professeur Monahan a dit ceci:

De façon générale, je suis porté à être du même avis que le ministre sur ce point parce que, s'il était vrai que le Parlement ne pouvait pas adopter une mesure législative portant sur une question dont les tribunaux sont saisis ou qui fait l'objet d'un procès, une personne qui n'aimerait pas une mesure législative présentée à la Chambre des communes ou au Sénat n'aurait qu'à courir au tribunal pour entreprendre des procédures judiciaires et dire ensuite: «Vous ne pouvez pas légiférer sur cette question parce qu'elle fait l'objet de procédures judiciaires.»

Le sénateur Lynch-Staunton: Lisez toute la citation, pendant que vous y êtes.

Le sénateur Graham: Le professeur Monahan a également mentionné ce qui suit:

Pour être juste envers le gouvernement, le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes bien avant que des poursuites ne soient intentées.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est exact.

Le sénateur Berntson: Sinon, il n'y aurait pas de poursuites en justice.

Le sénateur Graham:

Les poursuites en justice ont été intentées après le dépôt du projet de loi.

Il continue:

Somme toute, j'estime - et je suis là uniquement pour vous donner mon opinion - que le tribunal ne dirait pas que ce n'est pas conforme à la Constitution.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une citation partielle.

Le sénateur Graham: Il est clair, d'après le témoignage deM. Monahan, que les événements que j'ai décrits n'ont pas provoqué de changements importants de la situation ou n'ont pas modifié le pouvoir du Parlement d'examiner ce projet de loi. Par conséquent, lorsque le sénateur Nolin déclare que nous examinons ce projet de loi depuis deux ans et demi déjà, il a parfaitement raison, bien qu'il aie légèrement exagéré - involontairement, j'en suis sûr - la longueur de la période depuis laquelle nous sommes saisis du projet de loi sur l'aéroport Pearson.

À mon avis, une période de deux ans est suffisante pour permettre à un corps législatif, de quelque pays que ce soit, de régler un problème dont il a été saisi.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est l'opinion des libéraux.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, nous sommes membres d'un corps législatif qui a été créé pour examiner des projets de loi. Nous sommes des législateurs et pas des juges, des commissaires, des consultants ou des conseillers. Notre rôle principal consiste à examiner, puis à adopter, modifier ou rejeter des projets de loi. Aucune mesure, sauf une modification de la Constitution, ne peut devenir la loi du pays sans notre approbation expresse. Ce pouvoir, qui est d'ordre constitutionnel, est considérable, mais il est assorti de responsabilités énormes.

Si nous refusons de nous prononcer sur une mesure qui nous est présentée, si nous prétendons que deux années de débat, d'audiences, de témoignages et d'études ne nous suffisent pas pour pouvoir rendre une décision définitive, que penser de notre capacité d'assumer de ces responsabilités?

Honorables sénateurs, j'estime que le projet de loi C-28 mérite l'approbation du Sénat, avec ou sans propositions d'amendement. Ce que j'ai dit dans le cadre du débat sur cette motion n'est pas pour vanter les mérites du projet de loi, mais plutôt pour défendre un processus qui nous permettra finalement de nous acquitter de nos responsabilités, au bout de deux ans. Honorables sénateurs, en vous exhortant d'appuyer cette motion, je ne vous demande pas d'appuyer immédiatement le projet de loi proprement dit, mais plutôt de reconnaître que nous devrions tous avoir l'occasion d'exprimer une bonne fois pour toute nos opinions sur les amendements qui ont été recommandés par notre comité et sur le projet de loi proprement dit.

Honorables sénateurs, il existe un terme emprunté assurément à la procédure parlementaire qui fait maintenant partie du vocabulaire courant de ceux qui ont connu des malheurs dans leur vie privée; il s'agit du terme clôture. Les gens veulent clore le chapitre pour pouvoir poursuivre leur chemin.

Dans le même ordre d'idées, j'estime que le Sénat a besoin de la clôture sur le projet de loi concernant l'aéroport Pearson pour pouvoir, peu importe le résultat final, poursuivre sa tâche et avoir l'esprit libre pour faire face aux défis et aux responsabilités qui l'attendent.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, le sénateur Graham me permettrait-il de lui poser une question?

Le sénateur Graham: Bien sûr.

Le sénateur MacDonald: Honorables sénateurs, j'estime qu'on nous a très bien exposé le problème. Cependant, pour que nous sachions exactement de quoi il s'agit, le sénateur pourra-t-il, puisqu'il y a fait allusion, nous dire en gros quels sont les dommages-intérêts réclamés par la demanderesse?

Le sénateur Graham: Je ne peux malheureusement pas.

Le sénateur Forrestall: C'est hors de propos.

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Graham a eu raison de terminer en disant qu'une personne qui a vécu des choses malheureuses souhaite clore le chapitre et poursuivre son chemin.

Honorables sénateurs, je me rappelle quelques incidents dans lesquels les sénateur Graham était impliqué. C'est évident qu'il a subi une forme quelconque de traitement psychologique depuis, car il s'est fermé l'esprit et est passé à autre chose. Je ne suis pas sûr de ne pas préférer la tournure d'esprit qu'il avait avant.

Le cas sans doute le plus similaire à la situation actuelle concernait le débat sur le projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi sur les brevets. Les honorables sénateurs se souviendront que les supporters du gouvernement représentaient alors une faible minorité au Sénat. Les libéraux, qui constituaient l'opposition, nous ont souvent rappelé que nous étions minoritaires, qu'ils détenaient la majorité et que cette Chambre leur appartenait. Peut-être pensaient-ils que le Sénat appartenait automatiquement aux libéraux. Quoi qu'il en soit, on nous a souvent fait cette remontrance.

J'aimerais que les honorables sénateurs se rappellent le cas du projet de loi C-22. L'honorable sénateur Bonnell y était tout à fait opposé.

Il y avait bien entendu un comité itinérant. Cela allait de soi à l'époque, bien que cette pratique semble aujourd'hui démodée. En tout cas, le comité a fait rapport du projet de loi au Sénat avec des amendements et le projet de loi a été renvoyé à la Chambre des communes. L'autre endroit nous a envoyé un message nous informant que les amendements étaient inacceptables. De nouveaux amendements furent rédigés et de nouveau renvoyés à la Chambre des communes.

 

Le projet de loi est revenu une seconde fois au Sénat et nous avons alors entendu les uns après les autres les discours des sénateurs, notamment ceux des sénateurs Frith, MacEachen, Graham et Fairbairn. Ils nous ont tous parlé du pouvoir du Sénat. Ils n'ont pas parlé de responsabilité, mais seulement de pouvoir. Heure après heure, je les écoutais depuis mon siège réclamer presque en pleurant la création d'un comité mixte pour régler le différend.

Le sénateur Graham a joint sa voix à cette demande. Je l'ai attentivement écouté parler aujourd'hui et s'il a fait une suggestion en ce sens, elle m'a échappé.

L'autre importante manifestation d'opposition a eu lieu à l'occasion du débat sur la TPS. Je sais que les libéraux voudraient bien imposer la clôture sur cette question. Je trouve passablement étrange qu'un aussi grand nombre de manifestants acharnés dans ce débat aient maintenant accédé à d'autres fonctions. Je pense aux anciens sénateurs Roméo Leblanc, Frith et Fairbairn. Je me souviens que j'étais ici durant l'un des discours de huit heures et demie de madame le sénateur Fairbairn, à l'époque où elle essayait de figurer dans le livre Guinness des records. Pour les libéraux, cela n'était pas de l'obstruction; c'était l'exercice du pouvoir du Sénat.

Il y en a d'autres qui occupent aujourd'hui des postes différents par rapport à cette époque. Je me demande souvent à quel point leur accession à de nouvelles fonctions est une récompense pour avoir bien servi le parti. Je suppose que la plupart d'entre nous avons accédé au Sénat pour cette raison. Toutefois, je trouve choquant que quiconque ait pu être récompensé pour avoir participé à cet épisode scandaleux que fut le débat sur la TPS.

L'opposition a dénoncé le comportement du gouvernement dans le débat sur l'aéroport Pearson. Honorables sénateurs, nous avons adopté un comportement respectable et parlementaire. Personne n'a agité de cloches, dansé dans les corridors ou soufflé dans des sifflets. Nous avons respecté le Règlement. Quand le Parlement respecte le Règlement, il faudrait y penser à deux fois avant d'imposer la clôture.

Le fait qu'une personne de l'autre endroit ait demandé au Séant d'adopter cette mesure d'ici la fin de la semaine ne justifie pas qu'on prenne cette mesure aujourd'hui. Je pense parfois que nous, de notre côté, devrions nous comporter davantage comme les libéraux l'ont fait quand ils étaient dans l'opposition, peut-être qu'alors on nous respectera davantage.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'examiner les raisons pour lesquelles les règles ont été changées. Ces changements ont déjà été expliqués au sénat. Quand les changements proposés par les conservateurs sont entrés en vigueur, ceux-là même qui s'étaient conduits de façon inadmissible en ce qui concerne le projet de loi C-22, et de façon aussi répugnante durant le débat sur la TPS, ont critiqué les règles. Le sénateur MacEachen a dit qu'à l'heure où la Russie devenait une démocratie, le Canada devenait une dictature. Même le sénateur Haidasz s'est mis de la partie, alors qu'il est très rare qu'il se mêle à un argument de cette nature. Il n'a pas été très efficace, du reste, puisqu'il n'est pas arrivé à convaincre ses collègues de ce côté-là. De toute évidence, ils ne l'ont pas écouté.

Pourquoi les libéraux ont-ils changé à ce point? Pourquoi un tel renversement de leur politique? Je peux comprendre qu'ils adoptent la politique des conservateurs. Ils ont adopté la TPS et l'entretiennent. Ils veulent la changer et l'améliorer. En fait, le ministre des Finances l'entretient bien plus souvent que je ne donne d'engrais à mes roses. Toutefois, il est temps qu'ils réfléchissent à ce que sera leur politique.

Son Honneur le Président: Sénateur Phillips, je regrette de vous interrompre, mais les 10 minutes qui vous étaient allouées sont écoulées. En vertu de notre Règlement, seules 10 minutes sont allouées à ce débat.

Le sénateur Phillips: Merci, Votre Honneur. J'avais l'impression que j'avais 15 minutes. Je voudrais demander la permission de conclure.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Phillips: Mon collègue, le sénateur Grimard, m'a fait parvenir récemment une liste de points au sujet du Sénat. Un point qui me plaît particulièrement est que le Sénat est la soucoupe dans laquelle sont versées pour les laisser refroidir les mesures législatives un peu trop chaudes qui nous viennent de la Chambre des communes.

Je demande aux honorables sénateurs de laisser le temps à cette mesure législative de refroidir dans la soucoupe qu'est le Sénat.

 

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont pour la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, les whips ont convenu que le timbre sonnerait pendant une heure. Le vote aura lieu à 16 h 30.

 

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Adams, Anderson, Austin, Bacon, Bonnell, Bosa, Bryden, Carstairs, Cools, Corbin, Davey, De Bané, Fairbairn, Forest, Gauthier, Gigantès, Grafstein, Graham, Haidasz, Hays, Hébert, Hervieux-Payette, Kirby, Landry, Lewis, Losier-Cool, Lucier, MacEachen, Maheu, Marchand, Milne, Pearson, Petten, Poulin, Prud'homme, Riel, Rizzuto, Robichaud, Rompkey, Roux, Sparrow, Stanbury, Stewart, Stollery, Taylor, Watt, Wood, Pitfield-48

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Carney, Cochrane, Cogger, Cohen, DeWare, Doody, Doyle, Forrestall, Grimard, Jessiman, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, MacDonald (Halifax), Murray, Nolin, Oliver, Ottenheimer, Phillips, Roberge, Roberston, Rossiter, Spivak, Stratton, Tkachuk-34

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

 
Aucune

Étude du rapport du comité-Motion d'amendement- Report du vote

Permission ayant été accordée de passer à l'article no 1, rapports de comités:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, portant adoption du neuvième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, avec amendements et observations), présenté au Sénat le10 juin 1996.

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, en proposant l'adoption de ce rapport, je voudrais faire quelques commentaires au sujet des amendements au projet de loi C-8, Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et attirer votre attention sur les recommandations que votre comité a cru nécessaire d'annexer à ce rapport.

Bon nombre des amendements sont d'ordre technique et visent simplement à corriger des erreurs de rédaction ou de numérotation, à harmoniser les versions anglaise et française et à apporter des modifications corrélatives à d'autres lois.

Honorables sénateurs, je ne veux pas prendre trop de votre temps pour revoir avec vous chacun de ces amendements, mais je tiens à expliquer certains d'entre eux...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Carstairs, si je peux vous interrompre, je crois que la motion à l'étude est la première à l'ordre du jour sous la rubrique «Rapports de comités», et qu'elle se rapporte au projet de loi C-28.

Le sénateur Prud'homme: Personne n'a relevé l'erreur.

Son Honneur le Président: Je crois que l'honorable sénateur parle du projet de loi C-8.

 

Ce que le greffier a appelé, c'est la reprise du débat sur le neuvième rapport du comité sénatorial permanent des affaires législatives et constitutionnelles sur le projet de loi C-28, qui avait été ajourné à la demande de l'opposition. La parole devrait être au sénateur Lynch-Staunton.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Oui. Je cède la parole au sénateur Carstairs.

Son Honneur le Président: Si personne ne désire parler, la question soumise au Sénat est l'adoption du rapport du projet de loi C-28. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter le rapport?

L'honorable Lowell Murray: Non.

Des voix: Non.

Des voix: D'accord.

L'honorable Noël A. Kinsella: J'invoque le Règlement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai pas voulu donner la permission que l'on étudie le rapport la semaine dernière, parce que nous voulions qu'il soit analysé et étudié, et c'est ce que nous avons fait. Nous voudrions entendre le président défendre son rapport maintenant et nous l'expliquer. C'est un rapport du gouvernement et une proposition du gouvernement. Ce n'est pas à nous de lancer le débat. C'est au gouvernement de lancer le débat et nous répondrons en conséquence.

Son Honneur le Président: Y a-t-il un sénateur du gouvernement qui désire parler de cette question? S'il n'y en a pas, je vais entendre n'importe quel sénateur qui désire en parler maintenant.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dans la négative, nous demandons l'ajournement du débat.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le sénateur Carstairs a parlé à l'étape du rapport jeudi dernier.

Le sénateur Austin: C'est exact.

Le sénateur Graham: L'ajournement a été proposé par le sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Bonnell: Troisième lecture!

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, êtes-vous prêts à vous prononcer?

Des voix: Oui.

Le sénateur Kinsella: J'ai quelque chose à dire.

J'estime que le leader adjoint du gouvernement a décrit correctement la marche à suivre pour le débat sur cette question et je crois que le droit de décider de l'ajournement nous appartient et que nous allons en disposer au moment voulu.

Le sénateur Bonnell: Vous disposez de six heures!

Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur Bonnell a raison, nous disposons de six heures.

Le sénateur Gigantès: Il ne reste plus maintenant quecinq heures 55 minutes!

Le sénateur Kinsella: Nous sommes à l'étape du rapport du projet de loi C-28.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il y a eu un peu de confusion et je m'excuse de compliquer encore davantage la situation. Je croyais que la reprise du débat sur le projet de loi C-28 était mise en délibération. Le sénateur Carstairs commençait à en parler. J'ai alors cru comprendre que le projet de loi C-8, dont le débat avait été ajourné à ma demande, était mis en délibération. En raison de la confusion, je demande au Président: où en sommes-nous exactement? Je suis prêt à passer à l'étude du projet de loi C-28 quand le moment sera venu.

Son Honneur le Président: La motion dont le Sénat est saisi porte bien sur l'adoption du rapport concernant le projet deloi C-28. À la demande de l'honorable sénateur Graham, leader adjoint du gouvernement, nous sommes passés à l'étude de cette question qui est le premier article sous la rubrique «Rapports des comités».

Le sénateur Carstairs, qui avait la parole, a abordé l'article suivant inscrit au Feuilleton.

Le sénateur Doody: Veuillez à ce que cela figure au compte rendu.

Son Honneur le Président: J'ai donc interrompu madame le sénateur pour m'assurer que nous nous penchons bien sur le bon article à l'ordre du jour.

Honorables sénateurs, je suis disposé à entendre n'importe quel sénateur qui souhaite intervenir au sujet du projet deloi C-28.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je tiens à nouveau à demander à Votre Honneur, ainsi qu'à mes collègues, de bien vouloir m'excuser de ne pas avoir suivi les délibérations avec autant d'attention que j'aurais dû le faire.

Le sénateur Berntson: C'est très confus.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il y en a encore beaucoup qui se demandent encore pourquoi nous persistons tant à nous opposer à ce projet de loi par tous les moyens possibles, mis à part de voter contre.

Selon certains, c'est comme si nous étions obsédés par le projet de loi Pearson et que nous avions perdu de vue son objectif. Ceux qui prétendent cela changent cependant rapidement d'avis lorsqu'on leur explique le véritable objectif de ce projet de loi et les raisons de nos objections.

Le projet de loi C-28 est une sorte de forme pervertie de revanche politique, la poursuite d'une campagne électorale qui consistait avant tout à calomnier le bilan du gouvernement conservateur durant neuf ans, ainsi que de ses membres, en particulier Brian Mulroney.

Heureux de voir comment la déformation des faits et les demi-vérités ont contribué à une victoire électorale convaincante, les ennemis libéraux travaillant en coulisse ne voient aucune raison de ne pas poursuivre la campagne de diffamation une fois leur parti arrivé au pouvoir, surtout étant donné que cela peut aider à cacher le fait que toutes les principales mesures législatives adoptées par les libéraux jusqu'à maintenant ne viennent que compléter les mesures entreprises par les conservateurs. Ils espèrent également faire oublier ainsi aux Canadiens que le livre rouge, qu'on a brandi avec tant de fierté durant la campagne électorale de 1993, repose maintenant au-dessus de la pile des promesses libérales non tenues.

Le projet de loi C-22 était censé être une solution expéditive et ferme, mais les choses ne se sont pas passées comme on l'avait prévu, au contraire, et ironiquement, cela est dû aux sénateurs conservateurs, eux qui étaient censés s'opposer le moins au projet de loi C-22. Après tout, n'était-ce pas leur parti qui avait conclu ce qu'on décrivait alors comme le plus grand vol dans l'histoire du Canada? Ils ont été les premiers à s'élever avec véhémence contre le fait qu'on niait de façon sans précédent un droit fondamental dans le projet de loi C-22.

C'est la question qui nous préoccupe depuis le début, non pas l'annulation de contrats, ni le montant des indemnités réclamées, mais le fait qu'on niait à des Canadiens innocents le droit de présenter ces réclamations devant une tierce partie.

Le gouvernement soutient que ses amendements répondent à ces objections et à d'autres, du moins sur les plans juridique et constitutionnel. Peut-être bien, mais même le gouvernement n'en est pas satisfait. Pas plus tard que le 15 mai dernier, deux ans après la première lecture du projet de loi C-22 à la Chambre, le sénateur Kirby, un parrain du projet de loi, a dit:

Il est évident que le gouvernement préfère que ce projet de loi soit adopté sous sa forme initiale.

Pour souligner ces propos, il a ajouté un peu plus tard:

J'ai dit plusieurs fois, et je vais le répéter encore très lentement pour qu'il n'y ait aucune confusion, que le gouvernement préférerait nettement que le projet deloi C-28 soit adopté sous sa forme actuelle. C'est ce que préférerait le gouvernement.

Nous avons donc la confirmation que le gouvernement ne croit pas en ses propres amendements, qu'il est toujours favorable à un déni de la primauté du droit - il déclare que, non seulement les accords Pearson sont annulés, mais qu'ils n'ont jamais existé, que seules des demandes d'indemnisation autorisées par le gouvernement seront évaluées par ce dernier, et qu'il y accédera ou non à son entière discrétion, selon les conditions qu'il aura fixées.

Si le fait de s'élever contre un projet de loi aussi draconien découle d'une obsession, je suis ravi de plaider coupable. En fait, je fais campagne pour protéger d'innocents Canadiens contre un gouvernement arrogant qui cherche à les priver de leurs droits fondamentaux et qui est convaincu qu'il peut encore marquer des points politiques en invoquant les mêmes motifs qu'il avait avancés pour justifier le projet de loi lorsqu'il a été déposé pour la première fois il y a deux ans.

Ces motifs étaient peut-être justifiés au début de 1994, mais aujourd'hui, on a prouvé qu'ils relèvent tous d'une pure invention.

Par exemple, où est le rapport Nixon? Il y a longtemps qu'il est passé par la déchiqueteuse, le comité Macdonald ayant autorisé ses auteurs à l'y laisser, avec leurs propres témoignages. Où sont les bénéfices perdus? Deux experts indépendants, engagés par le ministre de la Justice après des mois d'évaluation professionnelle approfondie des accords Pearson, en sont arrivés à la même conclusion chacun de leur côté: le taux de rendement, que le gouvernement avait qualifié maintes fois de «trop généreux», aurait entraîné des pertes d'environ 180 millions de dollars pendant la durée du contrat, soit 37 ans.

Où sont passés les millions de dollars versés en honoraires aux lobbyistes - les 30 millions de dollars dont faisait état le Toronto Star d'hier? Selon les témoignages faits sous serment devant le comité MacDonald, un million de dollars ont été payés aux lobbyistes en quatre ans. Mais ce n'est pas tout.

Il n'est plus nécessaire d'avoir un projet de loi C-22 ou C-28, mais si le gouvernement insiste, c'est parce qu'il est victime de sa propre obsession - qui consiste à poursuivre et à pénaliser tout intéressé avec cruauté pour se faire du capital politique.

Pour que tous les sénateurs sachent parfaitement bien sur quoi on leur demande de se prononcer et comment une mauvaise décision permettrait au Parlement d'aller là où l'on a jamais demandé à un Parlement d'aller, je crois qu'il vaut la peine de rappeler de nouveau le fil des événements.

 

Le projet de loi C-22 donne suite à un rapport de Robert Nixon, un loyaliste de Chrétien, dans lequel il a conclu que le gouvernement n'avait pas d'autre possibilité que d'annuler les accords concernant l'aéroport Pearson, puisqu'ils étaient totalement mauvais: le processus de sélection et d'attribution des contrats, les modalités des accords, y compris le taux de rendement aboutissant à des profits excessifs, les relations qu'entretenaient en politique ceux à qui les contrats étaient accordés et les activités des lobbyistes. En 14 pages et en moins d'un mois, M. Nixon a convaincu le gouvernement que l'unique solution consistait à annuler les accords, dont la conclusion avait pris des années.

Pour le gouvernement, c'était le moment idéal. Au cours de la campagne électorale, au moyen d'insinuations et d'allégations non fondées, il avait réussi à convaincre un bon nombre de Canadiens qu'un gouvernement déjà impopulaire avait signé un accord quelques jours avant les élections afin que ses partisans aient droit à des profits sans précédent, aux dépens des contribuables.

Le rapport Nixon a commodément conféré une légitimité ou plutôt, comme on a pu le constater, une version libérale de la légitimité, au discours électoral, et le projet de loi C-22, qui interdisait les recours aux tribunaux, laissait au ministre des Transports une entière discrétion dans l'évaluation des réclamations de qui il jugeait bon et déclarait que les contrats non seulement étaient annulés, mais n'avaient même jamais existé, a été présenté dans un climat d'approbation générale, car il était considéré comme un juste retour des choses pour ceux qui avaient tenté de profiter de la plus grande filouterie de l'histoire canadienne, pour reprendre les propos de l'ancien ministre des Transports.

Les trois partis officiellement reconnus à la Chambre s'en sont donné à coeur joie, éreintant les gouvernements Mulroney et Campbell et s'efforçant à qui mieux mieux de vilipender quiconque avait été mêlé aux accords Pearson. Toute inquiétude quant aux conséquences des dispositions du projet de loi était écartée du revers de la main. Ce qui comptait, c'était les gains politiques que chacun pouvait tirer de l'affaire; et il était facile de le faire aux dépens d'un parti politique qui venait d'essuyer une cuisante défaite. C'est ainsi que les brutes s'en prennent au plus faible.

Une fois la partie de plaisir terminée aux Communes, on s'attendait que le Sénat avaliserait simplement la décision. La majorité conservatrice laisserait sûrement passer le projet de loi sans dire un mot, d'autant plus qu'il s'agissait de contrats qui, nous disait-on, avaient beaucoup contribué au revirement brutal de sa fortune politique.

J'épargnerai aux sénateurs le rappel des événements qui se sont passés après cela jusqu'à la présentation du projet deloi C-28. Je me contenterai de résumer les événements entourant la présentation du projet de loi C-22 en rappelant à mes collègues le climat politique de l'époque que le gouvernement libéral avait créé à force d'insinuation et de manipulation, ce qui avait amené les gens à accepter généralement le projet de loi, dont le Parlement n'avais jamais rien vu de semblable, de près ou de loin.

Maintenant, deux ans après la présentation du projet deloi C-22, nous sommes saisis du projet de loi C-28, qui reprend mot pour mot le projet de loi C-22. Là se termine cependant la similarité. On n'entend plus proférer les accusations de remplir les poches des amis, de les faire profiter une dernière fois de l'assiette au beurre, d'opérer une dernière razzia sur le trésor public; on n'entend plus parler de contrat immoral, de cloaque d'intrigues et de manipulations. On n'entend plus parler non plus du rapport Nixon, qui est tellement embarrassant pour ses auteurs et ses maîtres, démoli par la malhonnêteté intellectuelle et la partisanerie aveugle dont il a fait preuve en voulant donner de la crédibilité aux calomnies que le cabinet du premier ministre répandait gaiement. Le gouvernement ne cherche plus à rester à l'écart des tribunaux à la suite de ses arguments pathétiques tant au plan juridique qu'au plan logique, comme le gouvernement s'en est lui-même rendu compte quand il a décidé de ne pas interjeter appel devant la Cour suprême.

Disparu également est le ministre des Transports, qui ne pouvait pas trouver le temps de comparaître devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour défendre le projet de loi C-28. Son prédécesseur salivait chaque fois qu'il était question du projet de loi C-22. Le ministre actuel, et parrain du projet de loi, reste silencieux, et à juste titre, car il lui est impossible d'utiliser en faveur du projet de loi C-28 la même argumentation que celle qu'on avait exploitée en faveur du projet de loi C-22, car elle est devenue absolument discréditée.

Que voyons-nous à la place? Croyez-le ou non, voici maintenant qu'on dit aux sordides conservateurs, qui n'avaient d'autre but, en paralysant l'adoption du projet de loi C-22 durant deux ans, que d'aider leurs amis à profiter de la manne aux dépens des contribuables, que leurs critiques sont acceptées pour ce qu'elles ont toujours été depuis le début, à tel point que le gouvernement a proposé de répondre, comme le ministre de la Justice l'a dit la semaine dernière devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, à chacune des questions juridiques et constitutionnelles que certains honorables sénateurs ont soulevées. Pour le signaler, il a déclaré à la fin de son exposé:

Je soutiens que les modifications que nous proposons dans les amendements que le gouvernement est prêt à appuyer répondent à chacune des questions juridiques et constitutionnelles soulevées par les honorables sénateurs et les experts qui ont comparu devant le comité.

Fait assez révélateur, c'est le ministre de la Justice qui a été envoyé pour défendre les amendements proposés à un projet de loi parrainé par un de ses collègues, pas parce qu'il est responsable des questions de légalité et de constitutionnalité, mais bien parce que le gouvernement ne voulait pas que la décision sous-tendant le projet de loi C-28 ne soit débattue, décision qui avait été au coeur du débat sur le projet de loi C-22, où les questions de légalité et de constitutionnalité avaient été totalement délaissées.

Le président du comité a donné le ton dès la première rencontre au sujet du projet de loi C-28, en insistant pour que les audiences portent essentiellement sur la légalité et la constitutionnalité du projet de loi. Le ministre de la Justice a, de son propre aveu, été pris par surprise lorsque la question de l'indemnisation a été soulevée, même si c'est lui qui l'a, par mégarde, abordée le premier. Quel contraste par rapport aux audiences sur le projet de loi C-22.

À l'époque, le gouvernement se faisait grandiloquent. Aujourd'hui, il cherche à s'esquiver, à cacher le véritable objet du projet de loi C-28, en proposant des amendements dans lesquels il ne croit même pas.

J'imagine que nous devrions être reconnaissants envers le gouvernement pour les miettes qu'il lance dans notre direction, surtout après les paroles grossières qui ont été prononcées et les allusions vulgaires qui ont été faites en notre endroit ces derniers mois. Toutefois, j'ai du mal à accepter le fait que les réserves exprimées par les sénateurs de notre côté puissent expliquer cet extraordinaire revirement, qui me semble extrêmement suspect, compte tenu, je le répète, des propos tenus par le sénateur Kirby.

Pour ma part, j'accueillerais plus volontiers le raisonnement du gouvernement si les préoccupations exprimées par nombre d'entre nous à l'égard d'autres questions ne s'étaient pas heurtées au mépris et au ridicule. Je songe aux objections que nous avions concernant le projet de loi C-69, que le gouvernement tenait à adopter pour échapper à son obligation constitutionnelle d'entreprendre et de terminer une révision le plus tôt possible après le dernier recensement décennal. Je songe au fait que le premier ministre est d'avis que les citoyens naturalisés n'ont pas la même liberté de parole que les Canadiens de naissance. Je songe au fait que le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Pêches ont dit ici même que, quoiqu'en décide la Cour internationale de La Haye, le Canada devrait saisir des bateaux de pêche étrangers au-delà de la limite des 200 milles et ne pas tenir compte de la décision de la cour. Je songe à la députée ministérielle de Hamilton-Est qui, par son manque de scrupules, a souillé la réputation de tous les députés. Je songe à la façon dont le gouvernement a gêné les efforts conservateurs et favorisé ses propres partisans, l'an dernier, au cours de l'enquête sur l'aéroport Pearson. Je songe au fait que l'enquête sur la Somalie se heurte au même genre de réponses évasives. Je songe à la tolérance gouvernementale et à la condamnation publique des atteintes aux droits de la personne. Je songe à l'inconvenance avec laquelle s'est conduit un haut fonctionnaire du ministère de la Justice en s'entretenant en privé avec le juge en chef de la Cour fédérale pour se plaindre de la lenteur d'une affaire. Je songe évidemment à la lettre écrite à un gouvernement étranger par un avocat-conseil principal du ministère de la Justice, sur du papier à correspondance officielle du ministère de la Justice, accusant des Canadiens d'activités criminelles alors qu'aucune accusation du genre n'a été porté dans le pays en question.

Ces préoccupations et d'autres ont été maintes fois soulevées par des sénateurs et ont été habituellement rejetées, négligées ou écartées. Ce qui est alarmant, c'est que ce ne sont pas des incidents isolés et qu'une tendance se dessine depuis deux ans et demi vers un mépris pour la règle de droit, pour la présomption d'innocence, pour les obligations constitutionnelles, pour la compassion envers les faibles et les persécutés. Le projet deloi C-28 reflète cette tendance.

Il reste que les amendements proposés par le gouvernement ne découlent pas des préoccupations que nous avons exprimées, mais qu'ils sont rendus nécessaires par des événements survenus après la présentation du projet de loi C-22. Depuis le tout début, nos préoccupations sont les mêmes. Le gouvernement aurait pu y réagir il y a des mois. Il le fait maintenant parce que, si le Parlement adoptait le projet de loi C-28 sans amendement, il nierait deux décisions de tribunaux qu'il a déjà reconnues et ferait avorter un procès où il a accepté d'être un défendeur.

En outre, il a admis avoir rompu des contrats: les mêmes que le projet de loi C-28 déclare nuls et non avenus et qu'il déclare, en plus, n'avoir jamais existé. Il doit maintenant admettre, même si ce n'est qu'en privé, que tous les experts constitutionnels réputés, sauf quelques-uns, ont clairement et sans réserve déclaré que le projet de loi C-28 était anticonstitutionnel. Cela justifie, en soi, des amendements. La reconnaissances des contrats et la participation aux audiences du tribunal font bien ressortir l'urgence des amendements.

 

Ce sont là les véritables préoccupations du gouvernement. Dire qu'il donne suite à nos préoccupations est une tactique maladroite de camouflage de la situation embarrassante où il s'est lui-même placé.

Pendant l'étude article par article en comité, nous avons déclaré clairement que nous étions contre l'idée d'amender le projet de loi à ce moment-ci. Et j'insiste sur les mots «à ce moment-ci». Puisqu'il serait pratiquement impossible de rendre ce projet de loi plus acceptable, tout amendement ne peut que l'améliorer. Je suis le premier à reconnaître que les amendements proposés par le gouvernement lèvent beaucoup d'objections par trop familières à ceux qui ont suivi le débat.

Si ces amendements avaient été proposés à un autre moment, j'ose dire que beaucoup de sénateurs de ce côté-ci auraient eu de sérieuses réserves quant à l'opportunité de les rejeter. Il est évident que l'annulation des contrats n'était pas dans l'intérêt public. Si cela n'était pas arrivé, plus de 300 millions de dollars auraient été dépensés sur deux ans et demi pour la rénovation des aérogares 1 et 2, et des milliers d'emplois auraient été créés.

Nous n'avons jamais contesté le droit du Parlement d'annuler ces contrats, mais nous nous demandons certainement si c'est une sage décision. Si le gouvernement avait d'abord tenté de renégocier les contrats mais sans succès, l'annulation aurait pu être présentée comme une décision d'affaires, mais cette renégociation n'a même jamais été envisagée. Certaines caractéristiques de ces accords que M. Nixon et le gouvernement trouvent inacceptables existent dans les accords avec les administrations aéroportuaires locales. Pourtant, à ma connaissance, le gouvernement n'a jamais essayé de renégocier ces accords, encore moins de les annuler.

La décision d'annuler les accords de l'aéroport Pearson était une décision à caractère purement sectaire. Le fait de critiquer ces accords durant la campagne électorale a peut-être permis aux libéraux de gagner quelques votes, mais leur annulation après les élections coûtera à tous les Canadiens des centaines de millions de dollars qu'il faudra dépenser pour moderniser l'aéroport Pearson, somme que l'entreprise privée était prête à investir à un certain moment sans aucun risque pour les contribuables.

Quant aux amendements, comme je l'ai dit à une autre occasion, ils auraient pu bénéficier d'un appui conditionnel, mais pas aujourd'hui. Pourquoi? Parce qu'il est tout à fait inacceptable d'adopter une mesure législative, quelle qu'elle soit, qui aurait une incidence directe sur une affaire en cours, particulièrement une affaire dans laquelle le gouvernement est un défendeur. C'est une contestation sans précédent de l'indépendance de la magistrature. C'est une intrusion dans une procédure judiciaire en cours.

Pour reprendre les mots du sénateur Kirby, laissez-moi vous donner un exemple clair. Pensez à une équipe qui, pendant que la partie se déroule, changerait unilatéralement les règles du jeu au désavantage de l'adversaire. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Graham, dans ses remarques en faveur de l'attribution de temps, a découvert que Patrick Monahan, un témoin que le gouvernement avait ridiculisé auparavant, était devenu très utile pour appuyer les arguments du gouvernement. Le gouvernement n'a pas tenu compte des préoccupations constitutionnelles pendant deux ans. Et voilà que, dans une autre de ses volte-face extraordinaires, il se sert d'arguments purement constitutionnels pour justifier le projet de loi modifié, comme le sénateur Kirby l'a fait plus tôt.

C'est malheureusement une chose de citer et c'en est une autre de citer de façon sélective. Je voudrais rectifier l'impression que le sénateur Graham a laissée au sujet de l'exposé queM. Monahan a fait devant le comité, avec sa citation sélective.

Pour lui, ce n'était pas tellement une question de constitutionnalité et de légalité d'une situation législative susceptible d'avoir une influence sur un procès en cours. C'était plutôt une question de principe ou d'opportunité, une question de respect envers les autorités judiciaires. Le débat que nous tenons sur cette question doit aller au-delà des considérations constitutionnelles étroites.

M. Monahan a déclaré ceci à propos de l'opportunité pour le Parlement d'agir de cette façon:

Je ne suis pas en faveur de limiter les dommages que les tribunaux peuvent accorder. Je ne pense pas qu'il faille les empêcher de faire normalement leur travail et d'accorder ce qu'ils considèrent comme des dommages suffisants.

J'estime que dans notre société, il importe que tous les citoyens aient la possibilité d'intenter des poursuites contre un gouvernement. C'est ce qui distingue notre société libre de bien d'autres sociétés dans lesquelles les tribunaux n'ont pas le droit d'agir autrement que ne le souhaitent les autorités. C'est une valeur précieuse que nous devons préserver. Je n'aime pas beaucoup les restrictions prévues dans ce projet de loi.

La question n'est donc pas de savoir si le projet de loi C-28 est légal et constitutionnel, mais plutôt de savoir s'il est approprié, s'il est juste et s'il sert les intérêts de notre société. La réponse se trouve dans les déclarations de M. Monahan.

Le gouvernement du Canada demande au Parlement d'adopter un projet de loi qui vise à imposer des conditions pour permettre de conduire un procès déjà en cours de façon à favoriser le défendeur, alors que celui-ci est le gouvernement lui-même.

Nous avons entendu des témoignages selon lesquels le Parlement peut fixer des conditions avant le début d'un procès. Nous avons même entendu dire que s'il est mécontent du verdict, le Parlement peut le modifier. L'intervention du Parlement avant et après un procès est une chose; son intervention pendant un procès serait du jamais vu. Agir ainsi à la demande et dans l'intérêt de l'une des parties serait une chose encore jamais vue et ce serait tout simplement inacceptable.

 

Motion d'amendement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): C'est pourquoi je propose, appuyé par le sénateur Oliver, que l'amendement suivant soit annexé au rapport:

Que le rapport ne soit pas adopté immédiatement, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu'il l'examine de plus près en lui donnant l'instruction de ne pas aller de l'avant tant que les poursuites judiciaires relatives à certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson ne sont pas terminées.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Lynch-Staunton, je vous signale que le paragraphe 39(7) du Règlement dit:

On n'ajourne pas un ordre du jour auquel on a fixé un temps précis, et on n'y admet ni amendement ni motion autre que tel sénateur soit entendu sur-le-champ.

Conformément à ce paragraphe du Règlement, je ne peux accepter cette motion qui est certainement une «motion autre». Celle-ci n'est pas un amendement, mais bien une autre motion.

L'honorable Noël A. Kinsella: Sauf votre respect, je pense que Son Honneur a mal interprété le paragraphe 39(7). Celui-ci porte qu'aucun amendement ne peut être apporté relativement à la période de temps fixée pour notre étude. Si on le lit de façon littérale, le paragraphe fait allusion à un ordre du jour auquel on a fixé un temps précis.

L'ordre du jour dont il s'agit, du moins si je me fie à ce qu'on dit à la page 6 du procès-verbal manuscrit, est celui-ci:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur tendant à l'adoption du neuvième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles...

Nous reprenons le débat. Tel est l'ordre du jour. Leparagraphe 39(7) porte qu'aucun amendement ne peut être apporté à cet ordre du jour et qu'on ne peut modifier la période de temps fixée. Ce paragraphe ne dit pas que nous ne pouvons discuter de la question de fond. Autrement, à quoi servirait un débat? Cet amendement concerne le fond de la question dont nous discutons, et toutes ces considérations doivent être examinées conformément au délai de six heures fixé.

 

À la fin de ces six heures, toutes les questions doivent être mises aux voix pour disposer des étapes du rapport et de la troisième lecture. Le fait que l'on dise «toutes les questions» suppose qu'il y aura plus d'une question aux deux étapes. Je vous rappelle que cette motion d'attribution de temps ne vise pas seulement une étape, mais bien celle du rapport et celle de la troisième lecture. Par conséquent, l'expression «toutes les questions» englobe toutes les modifications de fond qui peuvent être faites à l'étape du rapport ou à celle de la troisième lecture.

L'amendement proposé par le sénateur Lynch-Staunton est recevable et conforme au Règlement.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, la motion proposée par le sénateur Graham, c'est-à-dire la motion d'attribution de temps qui a été adoptée plus tôt et dont le libellé est normal, permet que des amendements soient proposés. Cette motion dit:

[...] au moment où le débat tirera à sa fin ou lorsque le temps prévu pour le débat sera écoulé...

...c'est-à-dire six heures...

... le Président interrompe au besoin les travaux dont est saisi le Sénat et mette aux voix sur-le-champ et successivement toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape du rapport et de l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi...

Il me semble que le fait d'adopter une motion d'attribution de temps n'exclut pas la possibilité de proposer un amendement à l'étape du rapport ou à celle de la troisième lecture, à condition que le débat prenne fin dans le délai de six heures prévu dans la motion, et que le vote sur tout amendement et sur la motion principale se tienne après cette période de six heures.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que la partie clé du paragraphe 39(7) du Règlement est que «aucun amendement n'est admis» quand on a fixé un temps précis à un ordre du jour. Nous avons fait cela. Cela a été adopté.

Par conséquent, le Règlement s'applique à la séance et prévoit ceci:

On n'ajourne pas un ordre du jour auquel on a fixé un temps précis et on n'y admet ni amendement ni motion autre que tel sénateur soit entendu sur-le-champ.

Je trouve la disposition parfaitement claire, et je laisse le soin à Votre Honneur de rendre une décision à ce sujet.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, pour réitérer ce que mes collègues ont déjà dit, je dirais que j'estime que leparagraphe 39(7) du Règlement du Sénat, qui se trouve à lapage 45, dit clairement «ni amendement» et qu'il s'applique à mon avis à la motion présentée par mon collègue d'en face, puisqu'il s'agit d'attribution de temps. Dans ce cas-ci, l'attribution de temps était de six heures, sauf avis contraire. Elle est de six heures parce qu'il n'y avait pas d'avis contraire.

L'amendement ne porte absolument pas sur le temps ou l'attribution de temps. Il porte sur le fond du débat, c'est-à-dire sur les accords concernant l'aéroport Pearson, et pas sur l'attribution de temps. L'attribution de temps était de six heures et elle est effectivement de six heures. Nous voterons dans six heures ou, avec l'accord de tous, à 17 h 30, voire plus tôt.

Honorables sénateurs, à mon avis, cet amendement est parfaitement recevable parce qu'il ne modifie nullement l'attribution de temps dont mon collègue a parlé quand il a présenté sa motion. Cela n'a pas changé du tout.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avant qu'une décision soit rendue, je voudrais demander à quoi cela sert de tenir un débat si les sénateurs doivent s'en tenir strictement à l'ordre du jour et qu'ils n'ont pas l'occasion de faire des suggestions pour l'améliorer. Nous pourrions tout aussi bien arrêter le débat immédiatement. Il ne sert à rien de tenir un débat sur un certain point si celui-ci ne peut pas être contesté par le biais d'un amendement.

Le but de l'opération est de s'assurer que l'on respecte le temps attribué au débat, c'est-à-dire six heures en l'occurrence. C'est ce que dit l'ordre du jour. Cependant, il ne dit pas qu'on ne peut avoir recours à des moyens parlementaires pour convaincre notre auditoire qu'il faut apporter certaines modifications à la motion ou au rapport, en l'occurrence, et que c'est conforme au Règlement.

Le sénateur Berntson: Votons. C'est l'ultime solution.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je demande à Votre Honneur de respecter cela.

Le sénateur Kinsella: Il y a autre chose. J'espère que les services du greffier ont noté le moment où le Président a soulevé cette observation, car cela déroge à la limite de six heures que la majorité nous a imposée pour l'étude de cette affaire inscrite à l'ordre du jour.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je désire joindre ma voix à celles de mon chef, de mon whip et de mon chef adjoint.

Au paragraphe 39(7) du Règlement, les mots «sans amendement» renvoient à un nombre d'heures précis qui a été attribué. De fait, une fois qu'un certain nombre d'heures a été attribué, il est impossible de l'amender en vue de l'écourter ou de l'allonger. C'est précisément le but de l'attribution de temps.

Sauf tout le respect que je vous dois, votre décision précédente n'est pas justifiée car en langage courant, les mots «sans amendement» renvoient à la période de temps attribuée.

L'honorable Gerald R. Ottenheimer: Honorables sénateurs, le second paragraphe de la motion inscrite à l'ordre du jour stipule:

Qu'au moment où le projet de loi tirera à sa fin ou lorsque le temps prévu pour le débat sera écoulé, selon le cas, le Président interrompe au besoin les travaux dont est saisi le Sénat et mette aux voix sur-le-champ et successivement toutes les questions nécessaire pour disposer des étapes du rapport et de la troisième lecture dudit projet de loi...

À ma connaissance, il n'y a ou ne peut y avoir aucune question, mis à part la question principale, dont il serait nécessaire de disposer avant la tenue du vote, sauf un amendement.

Le sénateur Kinsella: Cela nous y invite.

Le sénateur Ottenheimer: Autant que je sache, il n'y a rien d'autre, sauf un amendement, qui tombe dans la catégorie des «questions nécessaires pour disposer des étapes du rapport et de la troisième lecture dudit projet de loi». Autant que je sache, si cela ne veut pas dire des amendements, alors cela ne veut rien dire parce que rien d'autre ne correspond à la notion. Évidemment, par «questions», on n'entend pas le fait d'interroger un autre sénateur. Il s'agit de questions à trancher, c'est-à-dire sur lesquelles il faudra se prononcer. La seule possibilité que l'on puisse envisager est un amendement.

 

Si on applique le raisonnement inverse, un amendement est donc une question. Je ne crois pas que l'on puisse, dans cet ordre, interpréter le terme «questions» autrement que comme un amendement. Par conséquent, le Sénat ayant adopté cette motion, il a approuvé, accepté, validé, légitimé le fait qu'il faudra se prononcer sur une question à la fin de ces six heures.

En adoptant cette motion, il me semble que le Sénat reconnaît qu'il faudra se prononcer sur une question quelconque avant de disposer de la motion principale à la fin de la période de six heures. Peu importe ce que dise le paragraphe 39(7) du Règlement du Sénat, le Sénat est maître de sa propre procédure et, lorsqu'il a voté l'autre jour, il a adopté une motion autorisant la proposition et le débat d'un ou de plusieurs amendements dans la mesure où la Chambre se sera prononcée sur toutes les questions nécessaires pour disposer de cette étape dans un délai de six heures. Voilà comment j'interpète la chose.

L'honorable Richard J. Stanbury: Honorables sénateurs, j'ai beaucoup de respect pour mes collègues de l'autre côté. Peut-être que je ne lis pas bien l'ordre du jour, mais j'ai l'impression que nous venons de voter sur une motion inscrite au Feuilleton. Résultat, nous sommes maintenant assujettis à une attribution de temps. Toutefois, ce que nous examinons, ce n'est pas l'ancienne motion que nous avons adoptée, mais le point no 1 inscrit sous la rubrique «Rapports de comités», c'est-à-dire:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs...

et ainsi de suite.

Le paragraphe 39(7) du Règlement stipule:

On n'ajourne pas un ordre du jour...

C'est-à-dire, le point no 1, inscrit à la rubrique «Rapports des comités».

Suit un bout de phrase presque entre parenthèses:

...auquel on a fixé un temps précis,...

Nous avons vu cette question. Nous avons déjà précisé le temps attribué. Si on laisse de côté cette parenthèse, le paragraphe se lit de la façon suivante:

On n'ajourne pas un ordre du jour [...] et on n'y admet ni amendement ni motion autre que tel sénateur soit entendu sur-le-champ.

Dans la version anglaise, «the same» ne peut que modifier le sujet de la phrase, «an order of the day». Or, l'ordre du jour est le point no 1, que le sénateur Carstairs a présenté et auquel le sénateur Lynch-Staunton a répondu.

J'ai beaucoup de mal à voir à quoi, dans la version anglaise, «the same» pourrait faire référence si ce n'est à l'ordre du jour, quand on dit:

[...] the same shall not be adjourned and no amendment thereto...

C'est l'ordre du jour.

...nor other motion, except that a certain Senator be now heard or do now speak, shall be received.

Je ne vois pas la moindre raison à opposer une objection.

Le sénateur Ottenheimer: Si l'analyse que fait le sénateur Stanbury du paragraphe 39(7) du Règlement est juste, je maintiens que la motion adoptée par le Sénat est un peu différente de ce que prévoit précisément le paragraphe 39(7). Le Sénat a exercé son droit d'adopter une motion d'une manière un peu différente de ce que dit le paragraphe 39(7). Il a adopté une motion ayant le même effet quant à l'attribution de temps en prévision du vote final, c'est-à-dire six heures de débat, mais prévoyant - contrairement à ce que voudrait le paragraphe 39(7) selon l'interprétation du sénateur, soit qu'il n'y ait aucun amendement - qu'il puisse y avoir un amendement, puisqu'il dit:

[...] mette aux voix sur-le-champ et successivement toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape du rapport et de l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi...

Il est aussi possible que l'objet de la motion, pour laquelle le leader adjoint du gouvernement avait donné avis et qui a été adoptée par le Sénat, ne soit pas identique à celui du paragraphe 39(7) du Règlement, mais qu'il vise simplement à préciser que les amendements sont recevables pourvu que l'attribution de temps de six heures soit respectée.

Son Honneur le Président: Y a-t-il un autre sénateur qui désire prendre la parole?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, durant le débat sur cette question, d'autres points ont surgi. J'aimerais pouvoir les commenter.

Tout d'abord, la règle que nous examinons maintenant porte sur l'ordre du jour. Voilà ce que modifie le paragraphe 39(7) du Règlement. Je crois, comme le sénateur Stanbury, que dans l'ordre du jour, nous en sommes maintenant à l'article no 1, rapports de comités, qui se lit comme suit:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs...

Cette motion porte sur le rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le mot important dans cette première phrase est «débat». J'ai cherché dans l'index de notre Règlement une définition du mot «débat». J'ai du mal à trouver ce que je cherche dans cet index; par conséquent, j'ai consulté le dictionnaire et je me suis rendu jusqu'au mot «décanter», mais je n'irai pas plus loin.

Nous devons définir le mot «débat» puisque c'est là le noeud de la question. Sans avoir poursuivi mes recherches, j'ai l'impression qu'un débat, c'est un échange qui permet d'améliorer l'objet dont on discute en donnant de nouvelles significations, de nouveaux sens, de nouvelles orientations aux mots; autrement, il ne sert à rien de tenir un débat.

Pour concrétiser les améliorations que l'on veut apporter au projet de loi à l'étude, nous devons présenter des motions et, dans le présent cas, il s'agissait de motions d'amendement.

 

Les amendements font intégralement partie du débat sur le fond des mesures dont est saisi le Parlement, et c'est bien d'un débat au Parlement sur le fond d'une mesure dont il est question ici. Comme l'a rappelé le sénateur Ottenheimer, le libellé du Règlement implique que les amendements envisagés doivent être étudiés. Pour ce qui est du délai, le gouvernement est protégé par l'attribution de temps, qui prévoit qu'au bout de six heures, toutes les motions doivent être mises aux voix. Cela me semble très clair et très simple. Je pense que nous serions en difficulté si nous procédions trop rapidement et que nous créions un précédent en limitant non seulement la durée du débat, mais aussi la teneur de ce dernier. Je pense qu'il serait très dangereux de se lancer là-dedans à la hâte et sans y avoir mûrement réfléchi. Nous n'avons pas l'intention d'ajourner un ou deux jours pour ce faire, mais si le gouvernement peut trouver un certain réconfort dans le fait qu'il sait qu'il y aura un vote demain pour régler tous les aspects de cette question, nous pourrions décider par consentement unanime que, quoi qu'en dise le Règlement, nous devrions aller de l'avant, faute de quoi je pense que nous nous retrouverons avec un grave problème.

L'honorable P. Derek Lewis: Votre Honneur, la motion sur laquelle nous nous sommes prononcés était conforme aux dispositions de l'article 39 qui stipule que l'on doit terminer l'ordre du jour. Le Règlement stipule qu'il faut terminer l'ordre du jour et il précise comment le faire. Cela fait une demi-heure que nous sommes sur cette question, mais je pense que nous devrions aller un peu plus loin.

Honorables sénateurs, quelle est la nature de l'amendement proposé? L'amendement propose que le rapport ne soit pas adopté maintenant et qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour un examen plus poussé. C'est totalement et entièrement contraire aux dispositions de l'article 39. L'article 39 stipule qu'il faut terminer l'ordre du jour. Même si les arguments avancés par les sénateurs d'en face étaient valables, ceci est en complète contradiction avec ce que stipule l'article 39, à savoir qu'il faut terminer l'ordre du jour.

Le sénateur Ottenheimer: Je dirais avec respect, honorables sénateurs, que mon compatriote a ajouté un point supplémentaire en disant que la substance de l'amendement, s'il était adopté, serait contraire à l'attribution de temps et terminé dans les six heures. Avec respect, je dis que les six heures prévues sont pour en terminer avec ce qui est soumis au Sénat, mais cela n'a pas d'influence sur la nature ou le libellé de ce que l'on doit adopter, si l'amendement est recevable. Ce que l'on exige c'est que l'on termine dans un certain délai, mais cela ne contrôle pas la nature ou l'effet d'un amendement si un tel amendement est recevable et s'il est mis aux voix dans les six heures.

Il y a des points de vue intéressants, honorables sénateurs, mais aucun de nous n'est infaillible.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, cela n'aidera peut-être pas Son Honneur à prendre une décision, mais cela va certainement nous aider à comprendre exactement de quelle façon le gouvernement étouffe le débat en ne permettant pas une motion d'amendement, même à un moment plus opportun.

Le sénateur Carstairs, en tant que présidente, a fait sa présentation.

Son Honneur le Président: Honorable Sénateur Lynch-Staunton, avez-vous dit que le gouvernement étouffe le débat?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.

Son Honneur le Président: Je vous assure que mes observations ne sont pas inspirées par le gouvernement. C'est la validité de votre observation qui me préoccupe.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne vous montre pas du doigt, Votre Honneur. Je fais remarquer que nous n'avons pas eu la possibilité de présenter un amendement jusqu'à maintenant. La capacité du gouvernement d'étouffer le débat nous a forcé à présenter l'amendement maintenant, que ce soit approprié ou non.

Le sénateur Murray: Qui a présenté l'amendement plus tôt?

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Carstairs a fait son exposé le 13 juin. Après l'avoir entendu, j'ai ajourné le débat - ce qui est parfaitement dans les règles - afin de donner à la personne devant y répondre le temps d'analyser les arguments et de trouver une réponse appropriée. La première occasion que j'avais de le faire, c'était aujourd'hui, mais immédiatement après que le sénateur a pris la parole, le leader adjoint du gouvernement est intervenu pour proposer la motion d'attribution de temps. Il n'a même pas eu la courtoisie de permettre un début de débat. Si ce n'est pas de l'abus ou un emploi excessif de l'attribution de temps, qu'est-ce donc?

Honorables sénateurs, il y a lieu d'imposer l'attribution de temps quand il est évident que l'on fait traîner un débat en longueur pour faire de l'obstruction systématique ou retarder un vote. Or, nous n'avons pas eu le temps de faire quoi que ce soit. La motion d'attribution de temps a été proposée avant même que le débat ne s'engage, d'où l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés de présenter un amendement.

On nous dit à présent que le Règlement ne nous permet pas de présenter d'amendement à cette étape. Qu'est-ce que ce genre de débat où nous, l'opposition, ni personne d'autre en cette Chambre d'ailleurs, ne pouvons rien faire pour améliorer une mesure ou la modifier? C'est un précédent. On ne s'est même pas comporté de la sorte aux pires heures du débat sur la TPS.

Honorables sénateurs, je me rappelle qu'au moment où j'ai proposé une motion d'attribution de temps à l'occasion de l'étude du projet de loi sur les brevets un certain nombre d'amendements ont pu être présentés dans l'intervalle.

Par courtoisie, de ce côté-ci, nous avons accepté de suspendre l'application du Règlement pour veiller à ce qu'il n'y ait aucun malentendu au moment de la présentation d'amendements durant les six ou huit heures de débat. Je vous exhorte à lire les délibérations. Je ne prétends pas que nous n'avons pas eu un long débat sur l'interprétation de la règle qu'on a citée. Je dis simplement qu'à ce moment-là, nous avons fait preuve de courtoisie à l'égard de l'opposition. Au cas où il y aurait un malentendu, on pouvait au moins présenter des amendements. Cependant, nous n'avons pas eu la chance de le faire. J'espère qu'on en tiendra compte car, autrement, nous serons incapables de nous acquitter du rôle de l'opposition. Nous serons paralysés par ce gouvernement qui refuse d'accepter toute modification qui, selon lui, ne peut faire l'objet d'un débat.

Le sénateur Lewis: Honorables sénateurs, je remarque que jeudi dernier, le 13 juin, lorsque le Sénat a étudié le rapport et le sénateur Carstairs est intervenu, le sénateur Lynch-Staunton a ajourné le débat.

Le sénateur Lynch-Staunton: En effet.

Le sénateur Lewis: Il aurait pu prendre la parole à ce moment-là.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est vrai.

Le sénateur Lewis: Mais il n'en a rien fait. Le leader adjoint du gouvernement a ensuite présenté sa motion d'attribution de temps. Cependant, mon honorable collègue avait le temps voulu à ce moment-là pour poursuivre s'il le souhaitait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, la tradition au Sénat veut que lorsqu'on met un point en discussion, le sénateur qui a proposé cette question présente ses arguments. Le principal sénateur chargé de répondre demande alors l'ajournement du débat pour avoir le temps de réfléchir à l'intervention de son collègue et de donner une réponse le plus tôt possible. Or, le gouvernement a empêché que cela se produise en imposant l'attribution de temps.

 

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, je propose que les sénateurs libéraux jettent un coup d'oeil à la motion. C'est un des leurs qui l'a rédigée. Au deuxième paragraphe, elle dit:

[...] le Président interrompe au besoin les travaux dont est saisi le Sénat...

On dit «les travaux», de sorte qu'il pourrait manifestement y avoir plusieurs sujets à l'étude. On dit ensuite:

... et successivement toutes les questions...

Là encore, on ne dit pas «la question», mais «toutes les questions», ce qui sous-entend clairement qu'il peut y avoir plusieurs questions à la fin du débat de six heures.

À la dernière phrase, la motion dit:

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément aux dispositions duparagraphe 39(4) du Règlement.

Le mot «questions» est au pluriel, ce qui doit laisser entendre que des amendements peuvent être présentés. Sinon, pourquoi la motion ne dit-elle pas: «ladite question»? Pourquoi continuer d'employer le pluriel?

À mon avis, cette motion permet des amendements. Si des amendements étaient présentés, ils pourraient être mis aux voix successivement. Je crois que la motion sous-entend clairement que l'opposition a le droit de présenter des amendements ou toute autre motion qu'elle le désire.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je remercie tous ceux qui ont participé au débat. Cela montre à quel point il est difficile d'interpréter le Règlement.

Je vous souligne encore une fois que ce n'est pas moi qui ai rédigé le Règlement; je suis seulement chargé de l'interpréter.

Le sénateur Haidasz: Il est illégal de toute façon.

Son Honneur le Président: Réglons d'abord la question de l'attribution de temps. Cette question a été réglée. Le Sénat a décidé par appel nominal; il est donc hors de question d'étudier une motion d'attribution de temps. La décision du Sénat limite le débat à six heures. C'est réglé.

Nous passons donc à ce dont le Sénat est saisi en ce moment. La seule question dont le Sénat est saisi en ce moment est l'adoption du rapport, qui sera suivie par la troisième lecture. La question immédiate est l'adoption du rapport.

Ne parlons pas d'attribution de temps. Déterminons simplement s'il convient ou non d'adopter le rapport.

La question du débat a été soulevée. Le débat ne nous oblige pas à apporter des modifications; il ne les empêche pas non plus. Nous pourrions avoir des débats, ce qui nous arrive fréquemment, sans proposer d'amendements. À mon avis, il est faux de prétendre qu'un débat doit nécessairement entraîner des amendements. On peut très bien tenir un débat sans proposer d'amendements.

Passons maintenant à la question dont nous sommes saisis. La motion portant attribution de temps peut être proposée n'importe quand. L'article 39(1) de notre Règlement stipule que «Lorsque le Sénat siège», on peut le faire. On peut le faire lorsque le Sénat est saisi d'une série d'amendements relatifs à une question donnée. C'est pourquoi, à mon avis, la motion prévoit que le Sénat doit voter sur toutes les questions dont il est saisi parce qu'il peut y avoir des amendements qui ont déjà été adoptés ou proposés. Il n'y a pas d'amendements dans ce cas-ci, mais il aurait pu y en avoir lorsque le leader adjoint du gouvernement s'est levé pour proposer l'attribution le temps. La formulation de la motion que nous avons adoptée n'a rien à voir avec la présence ou l'absence d'amendements. S'il y en avait, nous devrions les examiner.

Je reviens à l'article du Règlement, qui se lit comme suit:

On n'ajourne pas un ordre du jour...

L'ordre du jour appelé est l'adoption du rapport. Il s'agit d'un ordre du jour pour le débat duquel le Sénat a déjà fixé un temps précis. L'article se poursuit ainsi:

... et on n'y admet ni amendement ni motion autre que tel sénateur soit entendu sur-le-champ.

Il semble que, dans les circonstances, je n'ai pas le choix, puisqu'il s'agit d'une «motion autre» qui ne peut être retirée à ce moment.

Toutefois, le sénateur Kinsella a peut-être laissé entendre qu'il y avait une solution à ce dilemme. Le débat est limité à six heures. La motion, qu'elle soit adoptée ou rejetée à la fin des six heures, devra faire l'objet d'un vote avec toutes les autres. Par conséquent, peu importe les motions ou les amendements dont nous sommes saisis, nous avons une limite de six heures de débat sur cette mesure.

Nous sommes en train de vérifier les précédents. Certains croient que la situation s'est déjà produite. Les honorables sénateurs accorderaient-ils cinq minutes pour que nous vérifions les précédents? Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour m'entretenir avec les leaders des deux côtés pour voir si nous ne pourrions pas régler cette question simplement, plutôt que de tenir un débat prolongé et de provoquer de l'animosité entre les deux côtés du Sénat.

Plaît-il aux honorables sénateurs que nous nous ajournions à loisir pendant cinq minutes?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous reprenons notre séance. J'ai rencontré les deux leaders adjoints et nous nous sommes mis d'accord. Je tiens d'abord à préciser qu'il ne s'agit pas d'un précédent. Il n'est pas question de créer des précédents.

Nous avons convenu d'accueillir l'amendement et de poursuivre simultanément le débat sur l'amendement et sur la motion principale. Au terme des six heures allouées à ce débat, ou quand les honorables sénateurs décideront d'un commun accord de le faire, nous procéderons au vote.

Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Nous allons donc nous saisir de l'amendement et poursuivre le débat. Je le répète, nous ne créons pas de précédent en agissant de la sorte.

L'honorable sénateur Lynch-Staunton propose, appuyé par l'honorable sénateur Berntson, propose:

Que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude plus approfondie; et qu'il soit ordonné au comité de surseoir à cette étude d'ici à ce que toutes les actions judiciaires concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson aient abouti.

Je sais que certains d'entre vous s'inquiètent de l'heure. Qu'ils se rassurent; quand il y a attribution de temps, on fait abstraction de l'heure, le débat continue.

L'honorable Marcel Prud'homme: Un complément d'information, Votre Honneur. Si vous ne tenez pas compte de l'heure, le vote doit-il quand même se tenir à une heure précise demain? Si nous nous étendons à n'en plus finir sur ce sujet aujourd'hui, les six heures allouées pourraient bien y passer, si bien que le vote pourrait avoir lieu à n'importe quel moment demain.

À vrai dire, cela ne fait guère l'affaire de plusieurs sénateurs. Certains d'entre nous sont d'avis que le vote devrait se tenir à 17 h 30 demain. Si l'on dit que le vote aura lieu à 17 h 30, ou plus tôt, selon le cas, j'aimerais savoir ce que cela veut dire.

Le sénateur Berntson: Dites-moi comment ils voteront, que j'adapte mon argumentation en conséquence.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il ne m'appartient pas de décider du moment où se tiendra le vote si le débat dure moins de six heures. La barre des six heures pourrait être franchie avant minuit, heure d'ajournement prévue pour aujourd'hui. Chose certaine, le vote aura lieu, et avant minuit, dès que le bureau m'aura avisé que les six heures sont écoulées. Si l'on a convenu d'autre chose, je ne suis pas au courant. Sur ce point, je dois m'en remettre aux leaders.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, le Règlement prévoit que, si un vote par appel nominal est demandé après18 heures, il est automatiquement reporté à 17 h 30 le jour de séance suivant. Nous avons annoncé officiellement, jeudi dernier, qu'une fois la motion d'attribution de temps présentée, le vote aurait lieu à 17 h 30 le mercredi, ou plus tôt si les whips étaient d'accord.

Le sénateur Graham: Si vous vous reportez au hansard, vous constaterez que, après que j'aie donné mon avis de motion d'attribution de temps, le sénateur Berntson a effectivement dit:

[...] Si nous comprenons bien, tous les votes nécessaires pour disposer du projet de loi C-28 auront lieu à 17 h 30, mercredi.

Le sénateur Murray est alors intervenu et a ajouté:

[...] Si la motion de clôture est adoptée.

Le sénateur Berntson: Oui, bien sûr, si la motion de clôture est adoptée.

Cependant, pour revenir aux votes à 17 h 30 mercredi, je crois qu'ils pourraient avoir lieu avant cela, sous réserve de l'approbation des whips.

Le sénateur Graham: L'interprétation du chef adjoint de l'opposition est tout à fait exacte.

Tous les votes auront lieu à 17 h 30 demain, à moins que l'on s'entende pour les tenir plus tôt. Je tiens à assurer aux honorables sénateurs qu'il y aura des consultations de tous les côtés afin d'accommoder les sénateurs qui souhaitent voter.

Le sénateur Prud'homme: Je suis heureux d'avoir soulevé la question, parce que le même scénario recommence. Il y a toujours des ententes. Toutefois, si je n'avais pas soulevé la question en tant que sénateur indépendant ici, avec deux autres collègues - peut-être ceux-ci sont-ils mieux informés que moi dans ce cas-ci - des erreurs auraient pu être commises simplement à cause d'un manque de communication. Je quitte maintenant, parce que je n'ai pu voir quelqu'un qui était votre invité lundi, à savoir le prince héritier. Il est maintenant à Montréal, et je dois y être demain. Au moins, je sais maintenant que je peux décider si je reste à Montréal ou si je reviens ici pour le vote.

J'aimerais savoir à quelle heure le vote se tiendra pour ne pas abuser du Règlement de la Chambre. Je sais que je suis seul, mais je tiens à dire à Son Honneur que lorsque des ententes sont conclues entre les leaders au Sénat, j'ai le sentiment d'en être exclu. Au moins, j'ai maintenant une idée de ce qui va se passer. Je vais agir en conséquence et je vous remercie.

Le sénateur Kinsella: Pourrait-on savoir combien de temps nous avons écoulé sur la période de six heures?

Son Honneur le Président: Les greffiers me disent qu'il y a eu une heure de débat.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, au moment où nous entreprenons la dernière étape de l'étude du projet de loi C-28, je voudrais faire consigner au compte rendu certaines déclarations et certains faits qui me paraissent justifier l'adoption de cette mesure avec les amendements que le rapport dont nous sommes saisis recommande d'y apporter.

Quand le Sénat a été saisi initialement du projet de loi C-22 en juin 1994, il l'a renvoyé rapidement au comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Dès le début des audiences, les sénateurs d'en face ont souligné qu'ils n'avaient aucun intérêt à s'opposer à la décision politique que le gouvernement avait prise d'annuler les accords de l'aéroport Pearson. Le 5 juillet 1994, le sénateur Murray déclarait en effet:

Je veux répéter, pour le compte rendu, que nous n'avons jamais remis en question un seul instant le fait que le gouvernement a un mandat et est habilité politiquement à annuler ces contrats.

Le même jour, le sénateur Lynch-Staunton déclarait:

Nous ne sommes pas ici pour débattre la question du rétablissement des accords de l'aéroport Pearson ni la compensation qui devrait être accordée aux parties touchées.

On ne saurait trop répéter que nous ne cherchons pas à obtenir une compensation pour qui que ce soit. Nous n'avons aucun intérêt dans les revendications, de quelque nature qu'elles soient. Nous ne présumons même pas que les tribunaux en accorderont.

 

Nous avons tous entendu dire à l'époque que le débat ne portait pas sur la décision d'annuler les accords et qu'on ne s'intéressait pas du tout aux questions d'argent. C'est quelque chose de tout à fait différent, de beaucoup plus fondamental qui était en jeu. Comme le sénateur Lynch-Staunton l'expliquait:

Nous avons du mal à comprendre la constitutionnalité du projet de loi ou certains de ses articles à propos desquels nous avons encore des doutes.

Voici quel était l'objectif des sénateurs d'en face, comme leur chef l'expliquait:

Nous sommes ici pour mettre au point une mesure législative qui, tout en respectant les voeux de la majorité à la Chambre des communes, respecte également les droits fondamentaux des personnes touchées par cette mesure, peu importe qui elles sont.

À quels droits fondamentaux le sénateur Lynch-Staunton faisait-il allusion? Le chef de l'opposition et le sénateur Murray ont tous les deux répondu.

Le sénateur Lynch-Staunton a dit:

Nous répugnons à ce qu'on nie à des Canadiens le droit de s'adresser à un tribunal impartial et indépendant pour obtenir une décision impartiale et indépendante, ce qu'interdit le projet de loi C-22.

Et le sénateur Murray a déclaré:

Ce que nous cherchons à faire, c'est de redonner aux personnes visées l'accès aux tribunaux et à l'application régulière de la loi.

Je n'ai aucune envie, honorables sénateurs, de revivre dans tous leurs détails pénibles tous les événements qui ont suivi, mais voici quelques faits saillants. Après des audiences au cours desquelles des témoignages contradictoires ont été présentés au sujet de la constitutionnalité du projet de loi C-22, les conservateurs se sont servi de leur majorité au comité et au Sénat pour amender le projet de loi. Les amendements, qui auraient permis aux promoteurs de poursuivre le gouvernement pour des pertes de bénéfices et pour les frais de lobbying, ont été rejetés par les Communes.

Le 7 décembre 1994, le sénateur Lynch-Staunton a demandé au gouvernement de faire des compromis au sujet du projet deloi C-22:

Nous demandons au gouvernement de faire une partie du chemin. Nous ne sommes pas entêtés, mais nous disons, comme Patrick Monahan, l'Association du Barreau canadien et d'autres observateurs partout au Canada, que le projet de loi C-22 est inconstitutionnel.

La semaine suivante, le gouvernement a tenté de faire un compromis avec les adversaires du projet de loi C-22 en proposant des amendements qui répondaient aux préoccupations soulevées par certains témoins qui avaient comparu devant le comité.

La première réaction a été favorable. Le sénateur Lynch-Staunton aurait déclaré, selon le Toronto Star du14 décembre 1994:

«Nous sommes tous d'accord pour dire que le gouvernement va dans la bonne direction. Nous sommes enchantés de constater qu'il redonne l'accès aux tribunaux et rétablit les contrats.»

Si l'on en juge par le Financial Post du même jour, il aurait ajouté ceci:

«Nous sommes pratiquement persuadés que cela rétablit le caractère constitutionnel du projet de loi.»

Cet optimisme de départ s'est révélé plutôt prématuré car, d'après des spécialistes qui ont ensuite comparu devant le comité, les amendements proposés soulevaient de toute nouvelles préoccupations juridiques et constitutionnelles.

Dans un nouvel effort pour satisfaire les parlementaires d'en face, le gouvernement a réexaminé la preuve et a proposé, en mai 1995, une nouvelle série d'amendements. Ceux-ci ont aussi été qualifiés de pas dans la bonne direction mais, encore une fois, des témoins ont prétendu au comité qu'ils posaient des problèmes juridiques et constitutionnels encore plus compliqués.

Au lieu d'abandonner, le gouvernement a fait un troisième essai lorsque le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a été saisi, plus tôt ce mois-ci, du projet de loi C-22.

Cette dernière série d'amendements a été beaucoup mieux accueillie, du moins par les spécialistes convoqués au comité par les sénateurs d'en face. Je songe en particulier au professeur Patrick Monahan, de la Osgoode Hall Law School, qui, lors de ses comparutions antérieures devant le comité, avait toujours extrêmement critiqué le projet de loi et les propositions gouvernementales de compromis. Toutefois, lorsqu'il a comparu devant note comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 10 juin 1996, il a commenté en ces termes les amendements dont nous sommes ici saisis:

Tout compte fait, ou en définitive, j'estime qu'un tribunal jugerait probablement le projet de loi C-28, tel qu'on propose de l'amender, constitutionnellement valable.

Honorables sénateurs, nous en sommes maintenant en bout de ligne en ce qui concerne les préoccupations juridiques et constitutionnelles soulevées par ce projet de loi. Le témoin même de l'opposition, soit son principal témoin dans le passé, dit maintenant que le projet de loi C-28 modifié serait constitutionnellement valable et considéré comme tel par les tribunaux - autrement dit, qu'il est de la compétence du Parlement canadien de l'adopter.

En juillet 1994, le leader de l'opposition a déclaré:

Nous sommes ici pour rédiger des mesures législatives qui, tout en respectant les désirs de la majorité des élus à la Chambre des communes, respectent également les droits fondamentaux de ceux qui seront visés par ces lois, peu importe qui ils sont.

Sans vouloir présumer de la réaction que pourraient avoir les députés devant ces amendements, j'ose quand même dire que nous avons atteint l'objectif qu'a expliqué le sénateur Lynch-Staunton il y a deux ans. Nous avons rédigé le projet de loi dont il parlait. Reste à savoir ce que nous en ferons.

Si nous décidons de rejeter le projet de loi C-28, comme le laisse entendre le tout dernier amendement, ou si nous l'envoyons à un comité pour l'oublier jusqu'à ce que le procès en cours à Toronto soit terminé, nous admettrons alors que le gouvernement et de nombreux témoins externes s'adonnent depuis deux ans à un exercice dénué de sens, à un exercice tout à fait inutile. Les témoins, les audiences, les trois séries d'amendements proposés par le gouvernement, tout cela ne rime à rien.

Qu'en concluront les observateurs externes lorsqu'ils examineront les faits? Il sera très difficile de convaincre quiconque que ce sont les questions légales et constitutionnelles qui incitent les sénateurs membres du Parti conservateur à s'opposer à ce projet de loi. Pourtant, à quoi attribuer leur opposition, si ce n'est aux questions légales et constitutionnelles? Seuls les sénateurs d'en face peuvent répondre à cette question.

Honorables sénateurs, l'amendement proposé par le sénateur Lynch-Staunton vise essentiellement à ordonner au comité de ne pas étudier le projet de loi tant que les poursuites judiciaires relatives à certains accords ne sont pas réglées ou terminées.

Notre comité s'est demandé si le Parlement pouvait agir pendant que des causes étaient entendues. La question a été soulevée à plusieurs reprises par un certain nombre de sénateurs d'en face, surtout par le sénateur Lynch-Staunton. Le ministre de la Justice nous a bien précisé qu'aucune restriction légale ou constitutionnelle n'empêchait le Parlement d'agir, qu'il y ait poursuite judiciaire ou non. Aucune loi ni aucune disposition constitutionnelle ne limite la capacité du Parlement d'agir en ce sens.

Quant à la question d'équité, les demandeurs savaient que le Parlement avait été saisi de ce projet de loi, c'est-à-dire le projet de loi C-22 à l'époque, quand ils ont intenté leurs poursuites à Toronto. Il n'y a donc rien d'injuste dans cette affaire.

Plus particulièrement, le professeur Monahan, en réponse à la question du sénateur Lynch-Staunton selon laquelle le gouvernement ne peut pas changer les règles du jeu en cours de route, a dit que le fait de limiter le pouvoir d'intervention du Parlement en pareilles circonstances et de suspendre son pouvoir législatif pourrait entraîner des abus de la part de tout demandeur estimant que le Parlement pourrait présenter une loi pouvant lui être préjudiciable ou avoir certaines répercussions sur sa position. S'il suffisait au demandeur d'intenter des poursuites contre le Parlement pour le paralyser, cette possibilité est bien réelle dans le cas présent.

 

L'autre point que je voulais soulever, c'est que nous sommes en présence d'un exemple typique. C'est-à-dire que, pour quelque motif que ce soit, le projet de loi a été présenté au Parlement et les demandeurs ont ensuite intenté des poursuites. Si cela a pour résultat d'empêcher le Parlement de prendre des mesures ou d'étudier ce projet de loi, nul doute que tout demandeur ayant des raisons de le faire pourrait empêcher le Parlement d'agir.

Un autre point dont il faut tenir compte, à mon avis, est le suivant. Il n'y a rien de bizarre à ce que le Parlement prenne des mesures relatives à des droits des Canadiens dont traitent déjà des tribunaux. Chaque fois qu'on apporte une modification d'ensemble au Code criminel, qu'on modifie la détermination de la peine, qu'on modifie la procédure, les tribunaux siègent, ils sont saisis d'affaires et le Parlement continue d'agir. Il peut y avoir un procès, la Couronne peut faire face à la défense, cela n'empêche pas le Parlement d'adopter un projet de loi ayant pour effet de faire passer une peine de cinq à dix ans. Si le fait d'influer sur la liberté d'une personne n'est pas une raison pour que le Parlement soit suspendu - et ce n'est jamais le cas -, il convient parfaitement que le gouvernement agisse comme il le fait maintenant même, car il s'agit d'une poursuite au civil.

La Chambre étudie en ce moment le projet de loi C-45, qui porte sur l'admissibilité aux libérations conditionnelles. Il y a des gens dans les pénitenciers qui préparent leurs demandes de libération conditionnelle. S'il y a des cas devant la Commission des libérations conditionnelles ou si des décisions de cet organisme font l'objet d'appels devant les tribunaux, est-ce que cela nous empêchera d'agir sous prétexte que nous pourrions modifier les droits de citoyens dont les causes sont devant les tribunaux? Évidemment, la réponse est non.

Enfin, lorsque le projet de loi C-28 aura été adopté, ce sera une loi du Parlement. Il aura été débattu à la Chambre des communes et devant ses comités. Il aura été débattu au Sénat et devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ce projet de loi a été renvoyé d'une Chambre à l'autre un certain nombre de fois. Lorsqu'il aura été adopté par le Sénat et aura reçu la sanction royale, il deviendra une loi. Il fera partie des lois du Canada. Il fera partie des textes législatifs dont tout le monde aime bien parler. Ce sera une loi que les tribunaux, notamment celui qui est déjà saisi d'une cause connexe, prendront en considération au même titre que tous les autres facteurs.

Ce qu'on a tendance à oublier dans ce débat, c'est que notre système se compose d'un organe exécutif, d'un organe législatif et d'un organe judiciaire. Le gouvernement, qui a annulé les contrats, était l'organe exécutif qui a exercé son pouvoir exécutif d'une façon qu'il croyait être dans l'intérêt des Canadiens. Même s'il s'agissait d'un projet de loi d'initiative ministérielle présenté à la Chambre des communes, il n'en reste pas moins que c'est un projet de loi qui nous vient de toute la Chambre des communes au même titre que s'il avait été présenté par un simple député ou par un député de l'opposition.

Lorsque le projet de loi sera adopté ici et recevra la sanction royale, il deviendra une loi du Parlement. Ce ne sera pas une loi du gouvernement. Le gouvernement y sera assujetti, ainsi que les tribunaux, tout comme à n'importe quelle autre loi. Je crois qu'il nous serait utile à tous de faire la distinction...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Bryden, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Bryden: J'ai besoin de quelques minutes seulement pour terminer, Votre Honneur.

Son Honneur le Président: Le sénateur demande-t-il la permission de pouvoir terminer ses remarques?

Le sénateur Bryden: Oui, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Bryden: Tant que nous ferons une distinction claire, dans notre système, entre l'organe législatif, l'organe exécutif et l'organe judiciaire, ce projet de loi ne posera aucun problème une fois qu'il aura été adopté par cette Chambre et qu'il aura reçu la sanction royale, le cas échéant. Le fait qu'il ait été présenté par un gouvernement majoritaire ne change absolument rien du point de vue juridique ou constitutionnel. S'il avait été présenté par un gouvernement de coalition ou par un gouvernement minoritaire, cela n'aurait rien changé non plus. Une fois adopté, il deviendra une loi du Parlement et non une loi du gouvernement. Lorsque la loi sera interprétée, ce sera pas l'organe judiciaire. C'est son rôle. Il n'y a aucun obstacle d'ordre constitutionnel. Tout le monde est d'accord sur ce point. Nous aurons respecté les trois organes du gouvernement. Ce projet de loi est parfaitement constitutionnel.

Je recommande que l'amendement du sénateur Lynch-Staunton soit rejeté et que le projet de loi modifié soit adopté.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, quand j'ai pris la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-28 à l'étape de la deuxième lecture, je vous ai prévenus que je ferais consigner au compte rendu des faits qui ont été révélés publiquement au cours des témoignages faits sous serment dans le cadre de l'enquête sur l'aéroport Pearson, qui a eu lieu l'été et l'automne derniers. Ces faits concernent le premier ministre Chrétien et tout le projet de privatisation des aérogares 1 et 2. C'est un fait vérifiable que la privatisation des aérogares 1 et 2 ne préoccupait pas le Parti libéral du Canada ni son chef, Jean Chrétien, pendant les trois ou quatre ans où l'on en discutait publiquement, ni à différentes étapes des négociations.

Je le répète, le Parti libéral n'avait aucune politique à cet égard. La belle preuve, c'est qu'en 1992 - il y a environ quatre ans - quand l'appel d'offre de l'ex-gouvernement progressiste conservateur a été publié, l'échéance a été respectée par les parties concernées et les évaluations étaient en cours. Comme en témoigne le compte rendu des débats de la Chambre des communes, on n'a posé des questions courantes sur la privatisation des aérogares 1 et 2 que pendant cinq jours.

En 1993, c'est-à-dire après que l'on eut annoncé quelle était la meilleure offre, en décembre 1992, aucune question n'a été posée à la Chambre des communes à ce sujet. Il n'est pas du tout question de cela dans le livre rouge des libéraux non plus. Corrigez-moi si je me trompe, honorables sénateurs, mais le mot «aéroport» ne figure pas du tout dans ce document.

Oui, certains grondements se sont fait entendre au cours de l'été de 1993. L'administration de l'aéroport, ou plus précisément Robert Bandeen, a proféré des menaces verbales qui ont été révélées l'été dernier au cours de l'enquête sur l'aéroport Pearson. Il a dit qu'il ferait pression sur les conservateurs et qu'il ferait un scandale. Il a finalement réussi quand M. Chrétien a relevé le gant, au milieu de la campagne électorale de 1993, alors qu'il pourrait manifestement se faire du capital politique. Ce moment-là est venu à Toronto, le 6 octobre 1993, lorsque la Presse canadienne a rapporté les premiers commentaires de Jean Chrétien alors qu'il s'enfonçait dans ce que les médias appellent maintenant le «marais Pearson», un mois après l'émission du bref.

Les premiers commentaires de M. Chrétien rapportés dans la nouvelle diffusée le 6 octobre par la Presse canadienne disent que s'il était élu, il ordonnerait la tenue d'une enquête exhaustive sur cette transaction. Il a dit: «Si c'est une bonne affaire, nous signerons le contrat, si nous sommes élus».

C'est regrettable qu'il n'ait pas fait attention à ce qu'il disait et qu'il ne se souvienne pas qu'il appuyait le projet au début. Il n'avait nullement invoqué des principes aussi nobles. Cela est devenu un pur jeu politique de la pire espèce. Cela faisait l'affaire des libéraux quand ils se sont laissés emporter par leurs beaux discours sur l'honnêteté et l'intégrité.

Le 30 mai, quand j'ai pris la parole, j'ai fait des commentaires qui indiquent clairement que ni M. Chrétien, ni Nixon n'avaient l'intention d'annuler la transaction concernant l'aéroport Pearson. Les propos de M. Nixon en sont la preuve.

 

Toutefois, à mesure que l'échéance de trente jours concernant le rapport Nixon approchait, en novembre 1993, et que les députés John Nunziata, Dennis Mills et d'autres membres du caucus du Grand Toronto intensifiaient leurs pressions,M. Chrétien et le gouvernement penchaient en faveur de l'annulation de l'accord. Cela aurait pu ou aurait dû poser tout un dilemme à M. Chrétien et à ses conseillers, mais ils s'en sont de toute évidence peu soucié. Ils croyaient qu'ils n'auraient aucune difficulté à faire porter le blâme aux conservateurs. Qui s'en formaliserait? Après tout, les conservateurs étaient haïs. Les gens étaient furieux à cause de la TPS, des efforts constitutionnels de Charlottetown et du lac Meech, de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Ils étaient furieux au sujet de l'ALENA, de la privatisation et de la déréglementation; furieux au sujet des changements apportés à l'assurance-chômage et ils en voulaient à la première ministre Campbell d'avoir répondu honnêtement à une question au sujet des taux de chômage futurs.

Ils étaient en colère au sujet des nominations prétendument teintées de favoritisme. Je signale en passant que toutes ces initiatives et pratiques ont été reprises par les libéraux etM. Chrétien. On devait les appeler l'équipe de la continuation. Après tout, ce même premier ministre a dit qu'il renégocierait l'ALENA, abolirait la TPS et qu'on ne le verrait jamais pêcher en compagnie du président des États-Unis. Il a eu raison en partie, puisqu'il joue au golf avec le président. Ce même premier ministre a dit qu'il ne donnerait pas de postes à d'anciens camarades d'université, mais il a nommé M. Jacques Roy ambassadeur en France. M. Chrétien et ses conseillers ne se souciaient pas d'être pris en flagrant délit de contradiction majeure quant au rôle du premier ministre dans la privatisation de l'aéroport Pearson. Ils se sont sûrement dit qu'il n'y avait pas à s'inquiéter et que personne ne saurait ou ne s'inquiéterait. Après tout, qui irait mettre en doute l'honnêteté et l'intégrité de M. Chrétien? Sûrement pas les minables sénateurs conservateurs. Pourquoi fallait-il s'inquiéter? M. Chrétien se tirerait bien d'affaire.

Honorables sénateurs, quiconque peut feindre la crise d'appendicite et pousser la mystification jusqu'à subir l'appendicectomie simplement pour ne pas avoir à aller à une école qu'il n'aimait pas ne doit pas avoir de difficulté à éluder les questions sur son rôle dans l'affaire Pearson.

Or, je veux faire part aux honorables sénateurs de ce que nous savons au sujet du rôle de M. Chrétien. En décembre 1994, le Globe and Mail a publié un article à la une à l'occasion du premier anniversaire de l'annulation des contrats. On y posait de graves questions sur le rôle qu'avait joué M. Chrétien. Cet article a donné lieu à des questions posées au Sénat le 6 décembre 1994 par mes collègues les sénateurs Ghitter et Phillips et par des députés de l'opposition à la Chambre des communes.M. Chrétien a répondu de diverses manières. Il a dit, entre autres, qu'il n'avait «jamais, en tant qu'avocat, discuté avec aucune de ces personnes au sujet de l'aéroport de Toronto». En fait,M. Chrétien a même nié avoir eu une réunion. Il n'avait «jamais, en tant qu'avocat, discuté avec aucune de ces personnes au sujet de l'aéroport de Toronto», mais son cabinet confirmait qu'une rencontre avait eu lieu en janvier 1990. Peu après cette confirmation, on lançait dans le débat une autre date comme moment de la rencontre - avril 1989 -, une date beaucoup moins risquée, puisque c'est bien avant que M. Chrétien envisage d'assumer la direction du parti.

Le 25 mars 1995, le Financial Post présentait un reportage sur la participation de M. Chrétien dans l'affaire Pearson. Cet article s'intitulait «Détournement d'avion politique, M. Chrétien a-t-il menti à la Chambre?»

Le 27 mars 1995, d'autres questions ont été posées à la Chambre des communes et on y révéla les détails de la rencontre concernant les attentes de M. Chrétien et ses aspirations politiques. Au cours du débat, M. Chrétien mentionna le nom d'un de ses anciens collègues, M. Paul LaBarge, disant de lui qu'il représentait le groupe Matthews. Il ajouta qu'il lui avait parlé et qu'il n'avait pas été question de l'aéroport de Toronto.

L'opposition a continué à poser des questions sur la teneur et sur la date de la réunion du fait que, selon la presse, M. Matthews avait affirmé que M. Chrétien briguait la direction du Parti libéral du Canada, ce qui mettait en doute la date d'avril 1989.M. Chrétien a continué de tout nier.

M. Jack Matthews, l'objet de toutes ces affirmations et réfutations, observait tout cela de loin. Son honnêteté était mise en question. Le 30 mars 1995, Jack Matthews a écrit une lettre ouverte à tous les sénateurs et à tous les députés déclarant que le débat sur la privatisation de l'aéroport avait soulevé des questions de crédibilité qui ne pourraient être réglées que par des dépositions sous serments dans le cadre d'une enquête sur l'aéroport Pearson.

Les questions ont continué, honorables sénateurs. Le1er avril 1995, un autre article, intitulé «Les questions demeurent dans l'affaire Pearson», paraissait dans le Financial Post et il a suscité de nouvelles questions au Sénat et à la Chambre des communes, le 5 avril 1995.

En juillet 1995, Mark Kennedy écrivait dans le Ottawa Citizen un long article sur la controverse de l'aéroport Pearson et traitait de certains détails de la réunion Chrétien-Matthews-LaBarge et de la controverse qu'elle suscitait.

Le 14 septembre 1995, notre comité entendait sous serment Don Matthews, président de Matthews Corporation, qui déclarait que le premier ministre Jean Chrétien appuyait la privatisation de l'aéroport Pearson avant de se présenter à la direction du Parti libéral. Nous avons également des témoignages d'autres personnes affirmant que les autres libéraux étaient en faveur.

Don Matthews a déclaré à notre comité qu'il y avait eu une réunion entre son fils, Jack Matthews, M. Chrétien et un avocat de la compagnie, au cours de laquelle le futur premier ministre exprimait son appui pour la nouvelle politique de privatisation de l'aéroport Pearson.

Le 21 septembre 1995, M. Jack Matthews, qui conduisait les négociations pour Matthews, témoignait sous serment devant notre comité spécial. Il confirmait que la réunion avait eu lieu juste avant que M. Chrétien annonce qu'il se présenterait à la direction du Parti libéral, et il a témoigné sous serment qu'il avait un enregistrement de la conversation pour confirmer ses dires.

Soit dit en passant, honorables sénateurs, pour garder cela dans son contexte, il faut faire remarquer que M. Chrétien a annoncé qu'il se présentait à la direction du parti le 23 janvier 1990.

Revenons-en aux délibérations du comité. Le même jour que Jack Matthews, et à la demande du sénateur Bryden, on a ajouté à la liste des témoins M. Paul LaBarge, l'ancien partenaire deM. Chrétien au cabinet d'avocats. M. LaBarge a nié qu'il y ait eu une réunion en janvier 1990, juste avant que M. Chrétien ne se lance dans la course à la direction du parti et, sous serment, il a fixé la date à avril 1989. Le lendemain, le Financial Post faisait état d'un appel téléphonique enregistré entre Jack Matthews et Paul LaBarge qui confirmait la date de janvier 1990. Le Globe and Mail disait également, et je cite:

M. LaBarge confirme que la réunion a eu lieu juste avant que M. Chrétien ne se lance dans la course à la direction [...] et on y parle de contributions à la campagne.

Honorables sénateurs, d'autres questions ont aussi été posées à la Chambre des communes le 22 septembre 1995, sous la direction du chef de l'opposition. La réponse de M. Chrétien a été très intéressante. Je cite:

Monsieur le Président, je persiste à nier, d'autant plus que la réunion a eu lieu le 14 avril 1989 et qu'était présent un avocat qui a témoigné sous serment, qui avait des notes dans ses dossiers...

Le 28 septembre 1995, durant l'enquête sur l'aéroport Pearson, j'ai personnellement soulevé la question de la date de la rencontre entre Chrétien, LaBarge et Matthews devant le comité Pearson. J'ai précisé que notre comité avait des documents prouvant que la réunion avait eu lieu le 17 janvier 1990, malgré le témoignage de M. LaBarge qui avait affirmé sous serment n'avoir tenu aucune réunion avec ses clients en janvier 1990.

Honorables sénateurs, les témoignages faits sous serment devant le comité Pearson par Jack Matthews et Paul LaBarge, le 21 septembre 1995, et les affirmations du collègue deM. Matthews à Ottawa, M. Ray Hession, qui a témoigné le 2 août 1995 et a déposé ses agendas, prouvent sans l'ombre d'un doute que Jack Matthews a participé, à Ottawa, le 17 janvier 1990, à une réunion où se trouvaient aussi M. Paul LaBarge et M. Jean Chrétien; cela s'est passé exactement six jours avant queM. Chrétien ne s'engage dans la course à la direction du Parti libéral.

Honorables sénateurs, nous avons le témoignage assermenté et une conversation téléphonique enregistrée entre M. LaBarge et M. Matthews. Nous avons des preuves écrites, sous forme de notes dans l'agenda de M. Hession, qui prouvent la date et le lieu de la réunion. Il est donc facile de tirer les conclusions suivantes. M. Chrétien a effectivement rencontré M. Matthews le 17 janvier 1990, avant de se lancer dans la course à la direction du parti. Il a été question de l'aéroport Pearson lors de cette rencontre. Les plans et les attentes quant à présence de M. Chrétien à la tête du parti ont aussi fait l'objet de discussions. Grâce au sénateur Bryden, qui a insisté pour que les agendas de M. Hession soient remis au comité, nous avons des preuves écrites qui étayent les assertions de M. Matthews et réfutent celles de M. Chrétien. Bref, M. Jack Matthews a dit la vérité.

Honorables sénateurs, on s'est vraiment embourbé dans toute cette affaire. Pour les membres du public qui ont suivi cela de près, écouté les témoignages assermentés et été témoins de la confusion entourant les démentis et les demi-démentis du ministre sur ce qui a été dit, qui ont vu les tentatives faites sans succès pour en arriver à une autre date, l'heure de vérité est arrivée. Le premier ministre va sûrement vouloir faire preuve de franchise et reconnaître le rôle qu'il a joué dans l'accord sur l'aéroport Pearson, rôle qui est tout à fait contraire à ce que le Parlement, la population et les médias ont été amenés à penser.

Comme je l'ai déjà dit au Sénat, honorables sénateurs, où sont l'honnêteté et l'intégrité?

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, je ne vais pas répéter ce que j'ai dit l'autre jour au sujet de ce projet de loi, mais je tiens à dire quelques mots sur certaines des choses dont j'ai négligé de parler et à ajouter quelques autres observations.

Il y a deux ans, à cette époque-ci, on a présenté le projet deloi C-22 et on en a discuté au Sénat.

 

Peu avant les vacances d'été, avec le consentement du leader de ce côté-ci, je me suis mis en rapport avec le leader d'alors de nos vis-à-vis, le sénateur Royce Frith, et j'ai laissé entendre que notre côté serait prêt à accepter l'annulation de ce contrat, mais qu'il fallait laisser aux tribunaux le soin de trancher toutes les questions touchant le dédommagement. En particulier, nous avons discuté des pertes de profits ou des honoraires versés aux lobbyistes. À l'époque, le sénateur Frith a dit qu'il jugeait raisonnable que les tribunaux se penchent sur ce type de choses, mais étant donné toutes les circonstances et faute de temps, on n'a pas procédé à ce moment-là.

J'ai alors eu l'occasion de travailler avec les conseillers législatifs et j'ai rédigé deux amendements relativement à l'indemnisation. Je veux vous les lire aux fins du compte rendu. Le premier amendement est la version abrégée. J'avais proposé que cet amendement soit être inclus dans un projet de loi qui aurait été appuyé par ce côté-ci. L'amendement dit:

Les sommes visées par l'entente ne peuvent être versées au titre

a) des profits non réalisés ou

b) des sommes versées pour lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes,

si un juge d'une division de la Cour de l'Ontario les estime déraisonnables, compte tenu des circonstances dans lesquelles l'entente a été conclue.

Je vais maintenant lire la version intégrale, qui mentionne en détail ce que la cour prendrait en considération, compte tenu de tout ce que les sénateurs libéraux nous ont dit qu'il y avait de mauvais relativement à cette transaction. La version intégrale, qui s'intitule aussi «indemnisation», dit:

(1) Pour fixer le montant de toute indemnisation versée par Sa Majesté à l'issue d'une action ou autre procédure, y compris les actions en restitution ou en dommages-intérêts de toutes sortes fondées sur la responsabilité délictuelle ou contractuelle découlant d'une entente, le tribunal tient compte des facteurs suivants:

a) les circonstances et du moment de la signature de l'entente au nom de Sa Majesté aux alentours du7 octobre 1993...

Vous vous souviendrez qu'il y avait eu beaucoup de discussions relativement au fait que l'entente avait été signée à cette date ou vers cette date. L'amendement poursuit:

b) le lobbyisme relativement à cette entente auprès des titulaires d'une charge publique;

c) le fait que Sa Majesté, au moment où l'entente a été signée aux alentours du 7 octobre 1993, était représentée par un gouvernement sortant;

d) le fait que la Chambre des communes avait été dissoute et que des élections devaient se tenir le 4 novembre 1993;

e) le fait que, le 6 octobre 1993, le chef de l'opposition de l'époque à la Chambre des communes avait publiquement déclaré que s'il formait le gouvernement du Canada suite aux élections fédérales qui allaient se tenir, l'entente serait revue et, au besoin, une mesure législative serait adoptée;

f) l'examen de l'entente par Robert Nixon; et

g) toute autre question que le tribunal estime raisonnable.

(2) Si, après considération des alinéas a), b), c), d), e), f) et g) ci-dessus, le tribunal estime que:

a) il est déraisonnable de la part du gouvernement d'avoir fait signer l'entente à Sa Majesté aux alentours du7 octobre 1993; ou que

b) les sommes versées ou à verser par contrat pour lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique relativement à l'entente sont déraisonnables et(ou) excessives, il élimine en tout ou en partie

c) la demande relative aux profits non réalisés, visée à l'alinéa a) ci-dessus, et

d) la demande relative aux sommes versées pour lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique, visée à l'alinéa b) ci-dessus.

Cette proposition d'amendement, honorables sénateurs, a été lue à notre groupe, qui l'a approuvée. J'ai remis des copies aux députés chevronnés du Parti libéral dans l'espoir d'obtenir quelques résultats. Malheureusement, le gouvernement était disposé à annuler l'entente et à laisser aux tribunaux le soin de décider sur tout ce qui, selon les libéraux, clochait dans le projet de loi. Il n'était pas disposé à confier cette tâche à une personne juste, honnête et impartiale.

En adoptant cette mesure législative, vous déterminez la suite à donner. C'est votre avis. Même si vous avez quelque peu atténué la portée de cette loi draconienne - j'y reviendrai tout à l'heure - vous vous retrouvez passablement dans la position où vous étiez au moment de rédiger ce projet de loi: le procureur, le juge et les membres du jury.

Permettez-moi maintenant de toucher un mot de ce projet de loi non modifié et sur la façon dont le Sénat en a été saisi. Il a dû être renvoyé ici, comme il est prévu à la Chambre des communes. La jurisprudence parlementaire de Beauchesne porte que:

La prorogation a pour effet de mettre fin sur-le-champ à tous les travaux en cours jusqu'à convocation des Chambres. Non seulement le Parlement ne siège plus, mais toutes les affaires en souffrance sont abandonnées, de sorte qu'après une prorogations tous les projets de loi doivent être réintroduits, comme si la Chambre n'en avait jamais été saisie.

Je dirais que c'est ce que le gouvernement aurait dû faire dans le cas du projet de loi C-28 dont nous sommes saisis. Il savait, tout comme tous ceux qui siégeaient au comité, que l'ancien projet de loi C-22 était à ce point anticonstitutionnel et non valable qu'il serait invalidé.

Le sénateur Haidasz: Comme c'est vrai. Je vous crois.

Le sénateur Jessiman: Le projet de loi a été envoyé dans cet endroit en vertu d'un autre règle, car c'est également la pratique de nos jours. Le Beauchesne dit que, lorsqu'un projet de loi est exactement dans le même état où il était au moment de la prorogation, il n'est pas nécessaire de le déposer à la Chambre des communes. Il suffit de le déposer au Sénat pour qu'il soit valable.

Les libéraux ont fait cela, puis ont eu l'audace - je n'arrive pas à comprendre pourquoi une personne aussi instruite et aussi intègre que le ministre de la Justice ait pu approuver ce projet de loi une deuxième fois - de dire qu'il est conforme à la Déclaration des droits et à la Charte. Le ministre sait, et je sais, comme nous savons tous, que ce n'est pas le cas. Il n'est pas conforme. En fait, il ne l'a jamais été. Malgré cela, au lieu de le déposer à nouveau comme il faut, soit en le présentant d'abord à la Chambre des communes et en lui faisant franchir les étapes de la première, de la deuxième et de la troisième lectures, puis en le renvoyant ici, ils ont fait le contraire.

Je suis d'avis que, s'il est adopté, le projet de loi tel que vous l'amendez maintenant - d'après le nombre de sénateurs, je présume qu'il le sera - risque d'être non valide ab initio. Je n'en suis pas sûr, mais je le pense.

Permettez-moi maintenant de traiter du projet de loi tel que le sénateur Kirby l'a présenté la première fois. Le sénateur Lynch-Staunton a lu certaines citations, mais pas toutes.

 

À la page 349 des Débats du Sénat du 15 mai 1996, le sénateur Kirby déclare que, sans amendement, le projet de loi C-22, l'ancêtre du projet de loi C-28, est légal, constitutionnel, et rentre dans le champ de compétence du Parlement. Il s'ensuit donc, bien que le sénateur Kirby ne l'ait pas précisé, que, d'après le gouvernement, le projet de loi C-28 sous sa forme actuelle est légal, constitutionnel, et rentre dans le champ de compétence du Parlement.

À la page 356 du même numéro, il ajoute:

[...] le gouvernement préférerait nettement que le projet de loi C-28 soit adopté sous sa forme actuelle. C'est ce que préférerait le gouvernement.

À la page 349, le sénateur Kirby dit ceci:

[...] si les sénateurs conservateurs qui siègent au comité insistent, nous sommes disposés à y proposer des amendements qui répondent directement aux préoccupations d'ordre juridique et constitutionnel qu'ont soulevés mes collègues d'en face.

Puis, à la page 356, il ajoute:

Je n'ai pas dit que nous allions nécessairement proposer des amendements. J'ai dit catégoriquement que, si vous insistiez, nous en proposerions.

Après avoir lu les délibérations du comité, les honorables sénateurs savent que les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre - pour les raisons que j'ai mentionnées, qui expliquent pourquoi nous croyions que le projet de loi n'avait pas été présenté en bonne et due forme - ne veulent pas proposer d'amendements. Que s'est-il passé? Le sénateur Bryden sait ce qui s'est passé. Il a proposé les amendements. C'est seulement parce qu'il les a proposés que nous en sommes actuellement saisis - ce qui contredit la déclaration du sénateur Kirby selon laquelle les amendements ne seraient proposés que si nous insistions.

Nous sommes donc saisis d'un projet de loi - irrégulièrement, à mon avis. Il a été amendé afin qu'il soit constitutionnel, et il pourrait bien l'être, mais il reste injuste. On aurait dû laisser les tribunaux faire leur travail. C'est tout ce que j'ai à dire.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je voudrais simplement faire quelques observations supplémentaires au sujet du projet de loi C-28, dans sa version originale et dans sa version modifiée une première fois, puis modifiée de nouveau par l'amendement du sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Beaudoin nous rappelait, pas plus tard que la semaine dernière, que le rôle du Sénat est de faire en sorte que les régions aient une voix au Parlement du Canada. Je rappellerai quant à moi aux honorable sénateurs que l'aéroport Lester B. Pearson se trouve en plein centre de la région que je représente. À moi seule, je représente les comtés de Peel, de Halton et de Dufferin, les villes de Brampton et de Mississauga ainsi que Milton, Georgetown, Caledon et Orangeville.

Le développement de ces localités au cours des 30 dernières années, c'est à la présence de l'aéroport qu'on le doit. Nombre des centres urbains créés depuis peu dans ces comtés n'existeraient pas si ce n'était de l'aéroport. En effet, l'aéroport et les industries connexes qui se sont établies dans les environs sont les principaux employeurs de ma région et sont, de ce fait, responsables, dans une très grande mesure, de sa prospérité.

Je tiens à ce que les honorables sénateurs le sachent et j'aurais souhaité qu'ils soient plus nombreux en face à l'entendre. Les résidents de ma région accordent un appui massif à ce projet de loi. En fait, la plupart d'entre eux ont été stupéfaits d'apprendre que la question n'était pas encore réglée. Si je devais communiquer à cette auguste assemblée les opinions parfois très vives dont on m'a fait part des temps derniers, je pense que, en des termes plus polis que ceux qu'utilisent habituellement mes amis et voisins quand on leur demande ce qu'ils pensent de l'affaire de l'aéroport, je pourrais résumer ainsi les directives qu'ils souhaitent nous donner: «Bout de bon sang, arrêtez de bretter et faites quelque chose.»

Conformément à la politique adoptée en 1987, le mode privilégié d'administration des aéroports au Canada a consisté à créer des administrations aéroportuaires locales sans but lucratif. De Vancouver à Montréal, en passant par Edmonton et Calgary, les grands aéroports ont maintenant chacun leur propre administration aéroportuaire locale sans but lucratif. Il est temps, je dirais même grand temps, que nous adoptions ce projet de loi pour que les gens de ma région et de la région métropolitaine de Toronto puissent enfin prendre en mains l'avenir de leur aéroport.

De quelque région du Canada que vous veniez, je vous prie de penser aux résidents de ma région au moment du vote sur ce projet de loi.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, la dernière fois que le professeur Monahan a comparu devant notre comité, je lui ai demandé s'il était exact que, dès le départ, ceux qui avaient obtenu le contrat pour l'aéroport Pearson auraient pu contester en justice la constitutionnalité du projet de loi, même si ce dernier avait été adopté. Il m'a répondu par l'affirmative, en précisant toutefois que le gouvernement fédéral aurait alors présenté une motion mettant un terme à toute l'affaire. J'affirme que c'est inexact. Où le gouvernement fédéral aurait-il présenté la motion? Devant un tribunal - ce qui prouve qu'il y avait un accès aux tribunaux. Qui aurait jugé si la motion du gouvernement fédéral était valide ou non? C'est le tribunal.

Le fait que, dès le départ, les partenaires de T1T2 ou Paxport, comme on le veut, ont toujours eu accès aux tribunaux. La mesure législative n'a jamais empêché le recours aux tribunaux. Ils auraient pu recourir aux tribunaux pour contester la constitutionnalité du projet de loi.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, sauf erreur, je suis le dernier sénateur de ce côté-ci à prendre la parole. Je serai bref et j'essaierai de prononcer le discours le plus pondéré qui soit.

Sept sénateurs connaissent ce dossier mieux que quiconque ici - sept plus ceux qui ont remplacé à l'occasion ceux qui ont dû s'absenter des séances du comité. Tous ces sénateurs ont consacré six mois de leur temps, y compris l'été dernier, à travailler sur ce dossier, à Ottawa. Je ne reviendrai pas sur les témoignages.

Ce processus a été une des expériences les plus enrichissantes de ma vie. Je n'ai pas été surpris, peu importe les témoignages auxquels nous croyons, qu'il y ait un rapport minoritaire ou une opinion dissidente. C'était dans la nature des choses.

Nous avons éprouvé des déceptions. Agissant en tant que membre du comité d'examen de la réglementation et ayant lu le document de Diane Davidson, conseillère juridique de la Chambre des communes, j'ai été porté à croire que le comité parlementaire avait quelque importance, qu'il était un prolongement de toute la Chambre. Toutefois, le travail des comités parlementaires, pour ce qui est d'étudier des mesures législatives, c'est une chose. Mais leur travail, lorsqu'il s'agit de faire enquête, de faire prêter serment à des témoins, de demander des documents, de convoquer des témoins, donc d'exercer des pouvoirs pratiquement illimités - qui s'apparentent beaucoup, comme le sénateur Stanbury doit le savoir, à quelques légères différences près, à ceux d'une enquête judiciaire - c'en est une autre.

Au Canada, un gouvernement majoritaire, comme le savent tous les honorables sénateurs, est un gouvernement disposant d'un énorme pouvoir. Nous en avons vu. Nous en avons un actuellement, nous en avions un auparavant, et ni l'un ni l'autre n'avait le monopole de la bêtise, de la vertu ni de l'intelligence, et personne ne sait vraiment comment leur faire rendre des comptes. Malgré ce que dit Mme Davidson, qui peut les arrêter? Qui peut proposer à la Chambre des communes la tenue d'une enquête parlementaire visant à examiner la sagesse d'une mesure que le même gouvernement a prise quelque temps auparavant? Le député qui proposerait une telle initiative se ferait traiter sans ménagement.

 

De même, si on proposait de former une commission d'enquête parlementaire ou une commission d'enquête sénatoriale, ce qui est une autre façon de la désigner, dans une Chambre dominée par le même parti, cette proposition serait elle aussi traitée sans ménagement. Il est irréaliste de penser qu'une commission d'enquête parlementaire est dénuée de préjugés, à moins que le Sénat ne soit pas dominé par le parti qui forme le gouvernement majoritaire à la Chambre des communes et que l'opposition forme la majorité au Sénat. C'est uniquement ainsi que nous avons réussi à lancer cette commission d'enquête.

Le sénateur Graham a beau parler des sénateurs en disant que nous sommes des législateurs. Mes chers frères et soeurs, nous savons pour quelle raison nous sommes ici et nous ne devrions pas nous faire d'illusions. Nous constitutions une deuxième Chambre. Notre Chambre n'existe pas sur un pied d'égalité avec la Chambre des communes. Nous le savons. Nous savons que nous avions autrefois un pouvoir légal et constitutionnel d'opposer notre veto à n'importe quelle mesure législative venant de la Chambre élue. Nous savons cependant que l'usage a pris le dessus et que notre droit constitutionnel de veto a disparu depuis longtemps, nous laissant uniquement un droit légal de mettre notre veto.

Nous pourrions exercer ce droit, comme nous l'avons d'ailleurs fait il y a environ deux ans. Je ne parle pas là de vote libre. Je parle du moment où le Sénat a rejeté un projet de loi du gouvernement. Il s'agissait d'un projet de loi budgétaire, et nous l'avons rejeté. Comment avons-nous pu y arriver? Parce que la seule sanction était de nature politique. Le gouvernement a décidé de laisser faire, mais l'affaire était grave.

Je suis d'accord avec le sénateur John Bryden. Le gouvernement a parfaitement le droit d'annuler le contrat. C'était quelque peu inhabituel, et les choses se sont faites assez rapidement. Les promoteurs de Pearson ont été pris par surprise. Ils pensaient qu'il y aurait des négociations. M. Coglin, président de la société, a témoigné devant nous. Il a dit que c'était la pire erreur qu'il ait faite que de croire un sous-ministre de haut rang qui lui avait dit de tenir bon, qu'il y aurait des négociations. C'était après le rapport Nixon. Il n'y a pas eu de négociations, mais un projet de loi.

Si le gouvernement conservateur avait essayé d'annuler le contrat avant les élections, comme la possibilité en a été évoquée, il aurait dû se rendre compte que le contrat était conclu ou sur le point de l'être, et s'appliquait déjà.

Il y avait des preuves en ce sens. Il y aurait eu un projet de loi dans un sens ou dans l'autre, mais revenons-en aux déceptions.

Le sénateur Kirby et moi étions tellement exaspérés et déçus à cause des obstacles qu'on multipliait devant nous que nous nous sommes entendus pour rédiger un document, qui figure dans notre rapport, bien entendu. Nous en sommes venus à la conclusion que la situation était sans issue. Nous devions lutter contre le ministère de la Justice, qui est l'avocat de tous les ministères. Il a un budget de 42 millions de dollars pour engager des avocats de l'extérieur, alors que le comité n'a dépensé en tout que 210 000 $ pour l'enquête pendant toute la période.

Le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère de la Justice, a versé à un cabinet d'avocats d'Ottawa plus d'un million de dollars - je voudrais dire pour contrecarrer nos efforts. Je suis prudent, mais je tiens à faire ressortir ce point. La leçon à tirer est la suivante: il ne faut même pas faire une tentative, à moins d'y tenir passionnément, à moins de vouloir vraiment voir comment le gouvernement canadien fonctionne et comment le système qui devait marcher, selon nous - le principe du Parlement qui agit par ses comités - est depuis longtemps oublié, méconnu, mal compris.

Je ne veux pas qu'on me trouve naïf lorsque je dis de telles choses, même si, en approchant de ma dernière année en cet endroit, je pourrais le prendre comme un compliment. Je partage, bien sûr, le point de vue que le sénateur Gigantès a exprimé devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, avant même que nous soyons saisis de cette question: évidemment, nous avons des recours. Il n'y a qu'une autorité au Canada qui peut nous donner un avis constitutionnel et déterminer si une mesure législative est constitutionnelle ou non. Il s'agit de la Cour suprême du Canada.

Mais qui portera cette cause devant la Cour suprême du Canada? Ce sera ou bien le gouvernement du Canada, ou bien quelqu'un de très riche, car cela prendra des années et beaucoup plus d'argent que ce qui sera versé en dédommagement à la suite d'un tel procès.

Je pensais que le sénateur Bryden allait relever les propos que j'ai tenus l'autre jour lorsque j'ai parlé d'argent. Il m'a regardé d'un air médusé, comme s'il se disait: «Ah, ah! Voilà que vous parlez d'argent lorsque vous êtes censé parler de constitutionnalité.»

La réponse que j'ai posée au sénateur Graham, et à laquelle il n'a pas voulu ou n'a pu répondre, est la suivante: où avez-vous pris la somme de 600 millions de dollars que les demandeurs sont censés réclamer? Comment se ventile cette somme?

Il n'y a que trois façons de ventiler cette somme. Il faut premièrement tenir compte des dommages-intérêts généraux. L'amendement que nous a transmis M. Rock, et qui nous plaît, parce qu'il accorde quelque chose, même si c'est peu, vise les dommages généraux. La deuxième partie de cette somme de 600 millions de dollars...

Le sénateur Bryden: C'est plutôt 668 millions de dollars.

Le sénateur MacDonald: ... servirait à couvrir le manque à gagner et les réclamations d'une tierce partie. Si je soulève cette question, c'est parce que je veux dire ceci: Si l'on avait laissé cette affaire suivre son cours au lieu de la remettre en question, si elle s'était rendue devant les tribunaux, qui ne sont pas réputés pour le versement de grosses sommes en dommages, cette affaire se serait réglée sans que le gouvernement fédéral ne fût accusé - si c'est le cas et si cela veut dire quoi que ce soit à ses yeux - de rédiger des mesures législatives draconiennes ou étonnantes ou susceptibles d'empêcher un investisseur étranger de venir au Canada, ou quoi que ce soit du genre. Cela aurait pu être réglé par les tribunaux. Ils sont déjà bien engagés dans cette affaire.

 

Comme l'a dit le sénateur Bryden, le gouvernement fédéral a parfaitement le droit non seulement d'annuler le contrat, mais encore de proposer une solution finale quant à sa résolution, puisqu'il a réussi à se persuader et à convaincre certains d'entre nous du caractère constitutionnel du projet de loi en donnant accès aux tribunaux aux fins des dommages généraux et en oubliant toute autre interdiction. Un gouvernement ne fait cela que lorsqu'il a bien protégé ses arrières, lorsqu'il a fait un calcul politique, lorsqu'il sait que ce qu'il fait ne sera pas contesté, que ce ne sera pas un problème.

Ce projet de loi tel qu'amendé sera renvoyé à la Chambre des communes, mais que trouve-t-on là-bas? Une bande de minets blancs vieillissants et en colère qui veulent démanteler notre pays. Voilà ce qu'il y a entre vous et un gouvernement extrêmement majoritaire et populaire. En ramenant cela, on ne fait qu'attiser le feu. Il sera adopté tel quel. C'est une décision politique. Ayons l'obligeance de l'accepter et de ne pas nous raconter des blagues.

J'avais le sentiment que l'exercice en valait la peine. Nous avons maintenu le cap. Nous avons gardé la foi. Nous avons accepté les témoignages que nous avons entendus. Nous avons admiré les fonctionnaires qui ont comparu devant nous, et nous avons eu le sentiment d'avoir fait ce qu'il fallait.

Je suis encore un peu étonné, 13 ans après avoir été nommé au Sénat, que le Sénat se considère lui-même comme une Chambre ayant des comptes à rendre, ce qu'il n'est pas, ou que des sénateurs craignent d'être rabroués par leurs collègues libéraux ou conservateurs ou ceux qui les ont nommés, alors que nous devrions ne pas nous en préoccuper du tout.

En dernière analyse, nous n'avons pas à voter en fonction du parti dont nous sommes membres. nous faire des ennemis. Un manquement occasionnel à l'esprit de parti des deux côtés serait plutôt rafraîchissant et encourageant. Cela ne prend pas beaucoup de courage. Le Sénat est certes fondé sur le principe des débats contradictoires, mais je pense que nous allons parfois trop loin. Je ne pense pas, pour ma part, avoir été acheté par qui que ce soit.

Le sénateur Gigantès: Le sénateur MacDonald accepterait-il de répondre à deux questions?

Le sénateur MacDonald: Certainement.

Le sénateur Gigantès: L'honorable sénateur doute-t-il que certains d'entre nous croient vraiment que les lois proposées par le gouvernement sont bonnes? Nous avons peut-être tort, mais nous le croyons.

Le sénateur MacDonald: Oui, je conviens que vous le croyez.

Le sénateur Gigantès: Merci.

Le sénateur semblez dire que seuls les gens très à l'aise peuvent se rendre jusqu'en Cour suprême. Je vous signale que les riches peuvent faire se payer de meilleurs avocats. C'est triste, mais c'est un fait. Les pauvres se retrouvent bien plus souvent en difficulté que les riches, et ils finissent plus souvent en prison que les riches pour une même infraction. Je le déplore, mais on ne peut rien y faire.

Les gens dont il est question dans ce projet de loi sont-ils riches?

Le sénateur MacDonald: J'essaie de comprendre l'analogie. M. Bronfman, qui possède 67 p. 100 de ce qui a été annulé et qui est l'un des plaignants, et le pauvre M. Matthews, dont le consortium possède, pour sa part, 18 p. 100, pourraient, j'imagine, s'adresser à la Cour suprême pour prouver que le projet de loi est anticonstitutionnel. Ils le pourraient s'ils le voulaient, sauf que M. Bronfman et M. Lockheed, qui possède une partie de l'aérogare 3, ont d'autres chats à fouetter et ne tiennent pas particulièrement à irriter un gouvernement avec qui ils brassent beaucoup d'affaires. Est-ce là la réponse que l'honorable sénateur attendait?

Le sénateur Gigantès: Si c'est la meilleure réponse à laquelle puisse penser le sénateur MacDonald, elle ne m'inspire aucune pitié pour M. Lockheed ou pour les Bronfman. Je ne pense pas qu'ils souffriront. S'ils décident de ne pas irriter le gouvernement parce qu'ils peuvent faire plus d'argent en ne l'irritant pas, pourquoi tout ce tapage?

Le sénateur MacDonald: Cela nous ramène à l'argument que je présentais au sénateur Bryden. Le sénateur Bryden m'a surpris en train de faire un commentaire sur un règlement de171 millions de dollars et il n'a pas relevé mes propos. C'est ainsi que cela aurait dû se régler: par une entente hors cours.

Nous n'avions aucun intérêt à tenter de protéger les promoteurs. Nous travaillions à un autre niveau. Nous avons commencé au comité à étudier des questions d'ordre constitutionnel, puis nous avons été entraînés dans une enquête parce que le ministre des Transports, M. Doug Young, qui ne sait pas tenir sa langue, a fait de nombreuses déclarations incendiaires qui aurait dû s'abstenir de faire.

Le sénateur Haidasz: Ce qu'il ne faut pas entendre!

Le sénateur MacDonald: Vous l'avez dit.

Le sénateur Bryden: Je voudrais faire une observation.

Son Honneur le Président: Si vous voulez poser une question au dernier intervenant, vous le pouvez.

Le sénateur Bryden: Puisque c'est peut-être la dernière fois que je peux entendre les envolées du sénateur MacDonald sur le sujet, je demanderai simplement ceci: il a dit que nous avons pris part à la course, que nous avons livré le combat et que nous avons gardé la foi. Ne pourrait-on pas dire aussi que certains d'entre nous ont aussi gardé leur sens de l'humour?

Le sénateur MacDonald: Oh, oui. Lorsque j'ai parlé de confiance, je ne faisais pas seulement allusion aux conservateurs. Je remercie tout le comité pour sa courtoisie à mon égard. Il n'y avait rien d'acrimonieux dans les délibérations, même si, à certains moments, on aurait eu tendance à le penser. C'est un comité qui a travaillé fort. Il y avait deux opinions, et nous le savions dès le départ. C'est pourquoi j'étais ravi que le sénateur Kirby et moi-même parlions des difficultés que nous avons eues au comité. Nous avons effectivement gardé notre sens de l'humour.

J'étais déçu que tous les membres libéraux du comité ne signent pas ce rapport. C'est très important, et j'ai l'intention de renvoyer cette question au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles l'automne prochain. Le sénateur Corbin se souviendra que j'ai laissé entendre il y a quelques années que le comité devrait examiner les pouvoirs des comités parlementaires et que nous pourrions peut-être établir un comité mixte.

Il y a encore une symphonie inachevée dans cette affaire, et elle concerne le gouvernement. Il y a des choses que je n'ai pas aimées dans ce qu'a fait le dernier gouvernement, tout comme il y a des choses que je n'aime pas dans ce que fait le gouvernement actuel. Je sais que certains sénateurs sont du même avis.

Le sénateur Bryden: D'après ce que vous avez dit, honorable sénateur, je suppose que nous n'avons pas besoin de jouer le reste de cette symphonie ce soir.

Le sénateur MacDonald: Ne me posez plus de questions.

Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne désire parler, le Sénat est-il prêt à se prononcer?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Je vois que l'on réclame un vote par appel nominal. En vertu du Règlement, le vote est reporté à demain, à 17 h 30.

 

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-42, modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

La Loi sur la Cour fédérale
La Loi sur les juges
La Loi sur la Cour canadienne de l'impôt

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-48, modifiant la Loi sur la Cour fédérale, la Loi sur les juges et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

Projet de loi budgétaire concernant l'impôt sur le revenu

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-36, modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur l'accise, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et la Loi sur la marine marchande du Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec votre permission, à la prochaine séance.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je tiens à signaler, comme je le fais depuis des années, qu'à la toute fin de la session, la Chambre des communes envoie toute une série de projets de loi au Sénat. Elle dit qu'il faut se dépêcher. Je tenais à le signaler.

Je tenais à dire que je m'oppose à cette façon de procéder. Je suis certain que les sénateurs des deux côtés du Sénat s'opposent à être poussés dans le dos parce que nous pourrions tout aussi bien nous ajourner la semaine prochaine que cette semaine.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Prud'homme, je ne vous ai pas interrompu étant donné l'heure qu'il est, mais je tiens à vous rappeler que lorsqu'on demande la permission, il faut répondre «oui» ou «non» sans se lancer dans un débat.

De toute façon, la permission a été accordée.

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f), la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

 

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande la permission de reporter tous les autres articles à l'ordre du jour.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 19 juin 1996, à 13 h 30.)

 


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