Page d'accueil English version
 

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 44

Le jeudi 24 octobre 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 24 octobre 1996

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

PATRIMOINE CANADA

L'Évaluation stratégique des programmes
de multiculturalisme-le rapport

L'honorable Donald H. Oliver: Je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur le rapport que Patrimoine Canada a commandé à Brighton Research. Ce rapport, qui est une évaluation stratégique des programmes de multiculturalisme, tire une grande conclusion: la plupart des Canadiens sont en faveur du multiculturalisme, mais le gouvernement actuel, le gouvernement Chrétien, ne l'est pas.

Cela n'étonnera pas ceux qui ont observé le gouvernement de près depuis qu'il a prêté serment, en novembre 1993. Le Cabinet ne compte aucun représentant des minorités visibles. L'examen de la politique sociale entrepris par le gouvernement n'a tenu aucun compte de la population multiculturelle du Canada. Le gouvernement n'a pas établi non plus la Fondation canadienne des relations raciales, et la liste continue.

Le rapport Brighton explique bien comment le gouvernement s'abstient d'appuyer le multiculturalisme. Il parle de sa conception confuse du multiculturalisme. Je suis d'accord sur cette analyse.

Il est temps que les partisans du multiculturalisme fassent passer le message, car le gouvernement ne le peut pas ou ne le veut pas. Il semble avoir cédé aux exigences des extrémistes. Je songe aux réflexions qu'on a entendues en début d'année de la part de députés réformistes qui croient que les personnes de couleur, par exemple, feraient mieux de rester dans l'arrière-boutique, là où les clients ne les voient pas.

Le multiculturalisme, dans les années 90, doit consister à supprimer les barrières à une pleine participation, à une pleine contribution, aux droits complets de citoyen pour tous, peu importe l'origine et le patrimoine culturels. La politique de multiculturalisme vise à abattre les barrières à l'égalité des droits et des responsabilités, des barrières comme le racisme, la discrimination et le faible taux d'alphabétisation.

Le multiculturalisme n'affaiblit en rien l'identité canadienne, comme ses critiques voudraient nous le faire croire. On peut difficilement concevoir que l'égalité des chances et l'élimination du racisme, qui sont les fondements du multiculturalisme, affaibliront notre tissu social.

Il est temps que le gouvernement s'interroge sans complaisance sur les erreurs qu'il a commises en matière de relations raciales et de multiculturalisme et tire les leçons. Je sais que moi, et d'autres sénateurs de ce côté-ci qui appuient le multiculturalisme, n'allons pas rester là sans rien faire alors que le gouvernement refuse de tenir compte des minorités visibles du Canada dans sa politique de multiculturalisme.

 

Les Nations Unies

La Journée internationale
pour l'élimination de la pauvreté

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui la Journée des Nations Unies, et mes remarques porteront plus particulièrement sur jeudi dernier, le 17 octobre, Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. Les Nations Unies ont déclaré que 1996 serait l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté, déclaration dont le Canada a été signataire.

Si j'attire votre attention sur cette question aujourd'hui, c'est parce que la plupart des Canadiens ne savent pas qu'on a désigné une journée et une année pour mettre en évidence l'élimination de la pauvreté. Nos gouvernements fédéral et provinciaux ont été lents à annoncer cela. Est-ce parce qu'on a fait si peu pour lutter contre la pauvreté? Nous savons très bien qu'il faut régler le problème de la dette, mais doit-on le faire en s'en prenant aux pauvres?

Dans le Telegraph Journal du 17 octobre, un extrait d'une lettre pastorale de 12 pages rendue publique ce jour-là, à Halifax, par les évêques du Canada, est très révélateur:

L'échec du Canada à éliminer la pauvreté chez les enfants ressemble à une forme de violence dont les gouvernements fédéral et provinciaux se rendent coupables envers les jeunes. Ce sont surtout les femmes et les enfants qui font les frais des politiques sociales et financières du gouvernement, et la lutte contre la pauvreté doit demeurer la priorité numéro un. Quand on pense qu'un enfant canadien sur cinq vit dans la pauvreté dans une des sociétés les plus riches de l'histoire de l'humanité, force est de condamner l'ordre socio-économique actuel.

La lettre cite un passage d'un rapport récent d'une autre coalition d'Églises qui dit ceci:

Dans notre société, si un parent refuse de nourrir et vêtir son enfant et d'assurer sa sécurité sociale, on considère qu'il lui inflige de mauvais traitements, mais si le gouvernement prive 1 362 000 enfants des mêmes soins, on considère qu'il s'agit simplement d'un exercice visant à équilibrer le budget.

En deux ans à peine, honorables sénateurs, les normes nationales concernant le bien-être et les services sociaux ont été éliminées. Le gouvernement a comprimé de manière draconienne le financement des soins de santé, de l'éducation et de l'aide sociale, en réduisant de 7 milliards de dollars les paiements de transfert aux provinces. Les personnes sans emploi et sous employées voient leur niveau de vie se détériorer parce que les programmes sociaux qui, dans le passé, subvenaient à leurs besoins fondamentaux sont démantelés, à un moment où les Canadiens ont besoin plus que jamais de ces programmes.

La Banque mondiale estime que le Canada est le deuxième pays dans le monde où il est le plus agréable de vivre, mais nous voyons la pauvreté et le chômage s'accroître. Il y a chez nous des banques d'alimentation, des soupes populaires et - un nouveau phénomène - le dénigrement des pauvres. Ce phénomène se produit lorsque les pauvres sont humiliés, stéréotypés et fuis, lorsqu'on a pitié d'eux, qu'on les traite avec condescendance et qu'on les ignore. Il se produit lorsque les pauvres sont accusés à tort d'être paresseux, ivrognes, stupides et sans instruction. Le dénigrement des pauvres, c'est comme une forme de racisme ou de sexisme qui serait dirigé contre les pauvres. Il s'immisce dans nos comportements à notre insu et nous permet de fermer plus facilement les yeux sur le problème.

 

Il s'infiltre dans les médias et les politiques gouvernementales. Vous avez entendu le cliché «des assistés sociaux qui attendent à la maison d'encaisser leurs chèques» ou celui «des parasites de l'aide sociale». Ce sont là des exemples de stéréotypes. Si nous ne faisons rien d'autre pour souligner cette journée et cette année spéciales, promettons au moins d'encourager nos amis et nos voisins à dénoncer le dénigrement des pauvres dès qu'ils en sont témoins, que ce soit à la radio ou dans les propos des politiciens. Il faut le dénoncer verbalement ou par écrit.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, malheureusement, le temps accordé à l'honorable sénateur Cohen est écoulé. Lui donnons-nous la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cohen: Je remercie les honorables sénateurs.

Les programmes sociaux ont contribué à définir notre pays et notre identité collective. Ces programmes enchâssent une valeur qui nous était chère, celle selon laquelle il faut se soucier d'autrui. Nous ne devons pas renoncer à notre sentiment de compassion. Améliorer le sort des Canadiens pauvres est un objectif louable, même si on l'oublie aisément par les temps qui courent. Un si grand nombre d'entre nous sont inconscients ou insensibles.

L'Année de l'élimination de la pauvreté tire à sa fin, et le gouvernement fédéral n'a pas encore annoncé ce qu'il compte faire pour souligner cet événement international. Honorables sénateurs, je sais ce que moi, je vais faire. En décembre, je rendrai public un rapport sur la pauvreté au Canada depuis 25 ans. Le rapport mettra en lumière le poids que la pauvreté fait peser sur un trop grand nombre de Canadiens. J'espère que ce rapport sensibilisera les Canadiens et les incitera à demander au gouvernement de mettre en oeuvre un plan global de lutte contre la pauvreté, plan qui permettra aux Canadiens à faible revenu de réaliser leur plein potentiel.

Je m'efforcerai de faire valoir les problèmes de pauvreté chaque fois que j'en aurai l'occasion, parce que, à mon avis, la pauvreté mine notre pays et notre société.

Des voix: Bravo!

[Français]

 

La pauvreté en Palestine

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis inspiré par les propos de ma collègue qui nous a parlé de pauvreté. Demain soir, à Montréal, un grand événement aura lieu à la salle Pierre-Péladeau, une soirée d'aide médicale à la Palestine. À cette occasion, Gilles Vigneault, de manière inédite, chantera des chansons consacrées uniquement à la Palestine. Je ferai une intervention lorsque le Parlement reviendra, la semaine prochaine, pour étudier cette question plus à fond.

Je suis aujourd'hui très honoré et très heureux de m'identifier totalement à l'action du président Chirac actuellement en visite au Moyen-Orient. Je pense que cela dénote chez lui un immense courage, courage qui manque énormément aujourd'hui à nos chefs d'État pour vraiment poser la véritable question qui nous a préoccupés depuis si longtemps au Canada. Depuis les 33 ans que je suis au Parlement, elle nous a divisés au Parti libéral du Canada où j'ai été un fidèle serviteur.

Je dois dire que les événements d'aujourd'hui en Palestine donnent tout à fait raison à ceux qui, depuis 25 ans, demandent, ni plus ni moins, ce que l'on commence à réaliser, ce qui aurait pu aider à la paix durable dans cette partie du monde. C'est pourquoi je suis très heureux de participer très brièvement à cette journée où l'on parle de pauvreté.

Si seulement les honorables sénateurs voulaient écouter la voix de la raison et non la voix de la passion, et décidaient de constater sur place l'immense pauvreté et l'immense désespoir qui envahissent cette population bousculée, bafouée et déshonorée!

Je pense que le Sénat serait prêt à étudier cette question. Car la situation s'envenime et elle risque de remettre en question toute la paix au Moyen-Orient si l'on ne réussit pas à trouver une solution à la question palestinienne.

Il n'est pas question d'être pro ou anti quelqu'un. Il s'agit de cerner véritablement la vraie situation des droits humains qui sont bafoués en ce pays. Je souhaiterais que les honorables sénateurs mettent de côté la partisanerie, l'aveuglement et la passion et regardent les événements qui se déroulent sous nos yeux, depuis 30 ans, et qui se déroulent de plus en plus rapidement. Ils en viendraient à la même conclusion que celle à laquelle j'en suis arrivé il y a déjà 20 ans.

Vous lirez bientôt les articles que je vous ferai parvenir du Toronto Star lorsqu'en 1983, on écrivait qu'il ne fallait pas donner la main à Arafat, qu'il ne fallait pas parler à l'OLP. Certains d'entre nous ont peut-être été 15 ou 20 ans d'avance, mais indépendamment du passé, froidement, examinons la situation aujourd'hui. Réjouissons-nous qu'un chef d'État comme M. Chirac puisse dire les choses comme elles le sont, car elles ne sont absolument pas différentes de la politique canadienne.

[Traduction]

C'est comme s'il avait été envoyé là-bas.

Ma conclusion est moins longue que celle de ma collègue, le sénateur Cohen, mais je vous demande de vous montrer courageux et d'examiner cette question.

 

La taxe sur les produits et services

Les effets sur les contribuables de l'harmonisation
avec les taxes de vente provinciales

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, le Canada atlantique a encore été trahi. Au Nouveau-Brunswick, l'harmonisation de la TPS avec la taxe de vente aura pour effet de réduire de 3 p. 100 la taxe de vente. Tout cela est bien beau, mais maintenant, la taxe de vente provinciale sera prélevée sur d'autres produits et services. Les nouvelles maisons, l'essence, les combustibles de chauffage, les vêtements, les chaussures et divers frais de services professionnels, comme ceux des coiffeurs, des avocats, des comptables, seront tous assujettis à une taxe de vente de 15 p. 100.

Qui accablera-t-on de ce fardeau fiscal? Une fois de plus, ce sera la classe moyenne qui a déjà passablement de difficulté à financer une nouvelle maison ou à payer les factures ou à vêtir ses enfants. En fait, je voudrais rappeler aux sénateurs d'en face que c'est leur parti qui s'est si catégoriquement opposé aux taxes sur le combustible de chauffage au cours du débat de 1990 sur la TPS.

Le 6 novembre 1990, le président du Parti libéral du Canada, le sénateur Dan Hays, a déclaré que l'imposition d'une taxe sur les combustibles de chauffage serait extrêmement injuste pour les contribuables à revenus faibles et moyens.

Il a affirmé:

Le chauffage à l'électricité ou au mazout est une nécessité absolue au Canada. Il suffit pour s'en convaincre de passer quelque temps à l'extérieur aujourd'hui. L'eau est un bon exemple d'un service dont le gouvernement a reconnu le caractère essentiel. On devrait avoir autant le droit d'acquérir du combustible qui ne soit pas frappé de charges extraordinaires que des denrées alimentaires de base et des médicaments d'ordonnance.

Honorables sénateurs, ce qui était juste pour les familles en 1990 l'est encore en 1996, surtout pour les familles qui ont toujours de la difficulté à joindre les deux bouts. Pourquoi une réduction de 3 p. 100 de la taxe de vente est-elle si alléchante pour nos gouvernements s'ils ont l'intention d'en récupérer dix fois plus sur d'autres articles?

 

Énergie atomique du Canada

Arrêt de la recherche pure
aux installations de Chalk River

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, depuis de nombreux mois, des scientifiques du monde entier demandent à la ministre des Ressources naturelles et au premier ministre de revenir sur leur décision d'abandonner les activités de recherche fondamentale aux laboratoires d'EACL à Chalk River.

En avril dernier, peu après que le gouvernement ait retranché 100 millions de dollars du budget d'EACL et que la société d'État ait pris la décision de fermer ses installations de recherche fondamentale, 250 scientifiques de 30 pays différents ont envoyé des lettres de protestation. À la fin d'août, six prix Nobel, six présidents de sociétés nationales de physique et 35 directeurs de grands laboratoires situés un peu partout dans le monde, auxquels se sont ajoutés 600 scientifiques, ont lancé un appel urgent au premier ministre pour le convaincre de maintenir le niveau de financement du TASCC, le cyclotron supraconducteur à accélérateur tandem, à Chalk River.

Parmi ceux qui ont exprimé leur étonnement et leur inquiétude, il y a Bertram Brockhouse, le plus récent prix Nobel du Canada, et l'homme qui a pratiquement inventé la «diffusion» des neutrons, soit une des plus grandes réalisations en recherche fondamentale des laboratoires de Chalk River.

Comme le font remarquer tous ces scientifiques, le TASCC a à peine cinq ans. Les contribuables ont payé 70 millions de dollars pour construire ces installations, qui coûtent 6,5 millions de dollars en frais de fonctionnement chaque année. L'ancien conseiller scientifique du président des États-Unis, D. Allan Bromley, affirme que ce sont «les meilleures de leur type au monde.»

 

Environ la moitié des frais de fonctionnement du TASCC pourraient venir de l'industrie si le gouvernement faisait montre de patience et laissait à un consortium composé de représentants de l'industrie, du milieu universitaire et du milieu gouvernemental le temps d'élaborer un plan quinquennal. Que coûtera au Canada la fermeture de ces installations et la cessation d'autres travaux de recherche pure à EACL? Beaucoup des 165 physiciens et techniciens qui travaillent à Chalk River perdront leur emploi. La perte du TASCC mettra en danger plus de 100 projets industriels et les travaux de recherche de centaines de scientifiques et d'étudiants de partout dans le monde. La fermeture se traduira par un exode de cerveaux immédiat, de même que par le départ de jeunes Canadiens qui devront aller à l'étranger pour acquérir une éducation et une formation de haut niveau.

Nous n'aurons plus d'installations canadiennes pour tester, par exemple, les puces pour les satellites et éviter ainsi les bris comme celui qu'a subi le satellite Anik, qui nous a coûté 300 millions de dollars. Nous n'aurons plus de travaux de recherche fondamentale comme ceux de Bertram Brockhouse, grâce à qui nous avons de meilleures fusées de lancement, des matériaux de construction plus forts, de meilleures peintures et des produits pharmaceutiques plus sûrs et plus efficaces. Cela signifie que l'industrie canadienne sera moins concurrentielle.

La fin du financement des installations de Chalk River pourrait signifier l'annulation de l'entente conclue par le gouvernement avec la ville de Deep River pour l'entreposage des 740 000 mètres cubes de déchets nucléaires de faible activité. Deep River a accepté ces déchets en échange de la garantie du gouvernement fédéral de maintenir des emplois à Chalk River. C'est impensable que le gouvernement puisse mettre en danger ce plan d'entreposage de 345 millions de dollars pour économiser annuellement 13 millions de dollars pour de précieux travaux de recherche.

Honorables sénateurs, le directeur du TASCC, John Hardy, a fait une très bonne analogie pour illustrer l'attitude du gouvernement face à la recherche fondamentale. Il a dit: «C'est comme une famille qui paie le solde de sa carte de crédit en retirant son enfant de l'école et en prétendant que c'est pour son bien puisqu'il ne sera pas écrasé par la dette». Je suis d'accord avec M. Hardy.

Je veux simplement inciter mes vis-à-vis à demander au premier ministre d'intervenir, d'écouter les appels de l'élite scientifique mondiale et d'agir dans le meilleur intérêt du Canada en rétablissant le financement de la recherche fondamentale à Chalk River.

 

La journée des Nations Unies

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, comme le disait le sénateur Cohen, nous célébrons aujourd'hui, 24 octobre, la Journée des Nations Unies. C'est pourquoi le drapeau des Nations Unies flotte actuellement au mât de courtoisie devant le Parlement.

Le 24 octobre a été désigné Journée des Nations Unies parce que le 24 octobre 1945, quelques mois après la signature de la Charte des Nations Unies à la conférence de San Francisco, à laquelle le Canada a participé en tant que signataire, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont déposé le texte de ratification avec les 24 autres États membres. Je signale en passant que le Canada n'était malheureusement pas parmi les 24 États qui ont déposé le texte de ratification le 24 octobre.

Le sénateur Corbin: Pourquoi?

Le sénateur Kinsella: Peut-être à cause du gouvernement de l'époque.

Le Canada a déposé l'instrument de ratification le 9 novembre 1945. Par contre, le Canada est devenu par le suite, sous les divers gouvernements qui se sont succédé, un chef de file dans plusieurs secteurs d'activité des Nations Unies.

La toute première commission technique créée en vertu de la Charte des Nations Unies en 1945 était la Commission des droits de l'homme, dont le premier mandat consistait à rédiger une Déclaration universelle des droits de l'homme. La Commission des droits de l'homme a rédigé la déclaration sous la direction éclairée d'Eleanor Roosevelt, représentante des États-Unis. Madame Roosevelt était aidée dans son travail par un éminent Canadien, M. John Humphrey, professeur à l'Université McGill. Le 10 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies, réunie à Paris, a proclamé la Déclaration universelle des droits de l'homme, également connue sous le nom de Grande Charte du XXe siècle.

Honorables sénateurs, nous célébrerons donc en 1998 le 50ième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. J'invite le gouvernement canadien à se préparer dès maintenant à souligner cet anniversaire. Les sénateurs de ce côté-ci, qui espèrent siéger de l'autre côté en 1998, souhaitent voir les préparatifs débuter immédiatement.

 


VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'un ami de longue date, M. Norbert Thériault.

 


AFFAIRES COURANTES

LE BUDGET DES DÉPENSES, 1996-1997

Dépôt du budget des dépenses supplémentaire (A)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose le Budget des dépenses supplémentaire (A) pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1997.

 

Autorisation au comité des finances nationales à examiner le Budget des dépenses supplémentaire (A)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) propose:

Que, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, le comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner les dépenses projetées dans le Budget des dépenses supplémentaire (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997, et à en faire rapport.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

LA LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ
LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS AVEC LES CRÉANCIERS DES COMPAGNIES
LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de lundi prochain, le 28 octobre 1996.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

Absence du leader du gouvernement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis au regret de vous dire que le leader du gouvernement au Sénat n'est pas ici pour la période des questions.

Le sénateur Lynch-Staunton: Peut-être allons-nous alors avoir une réponse.

Le sénateur Graham: Comme les honorables sénateurs le savent, elle participe au congrès national du Parti libéral. En ce moment même, elle...

Le sénateur Doody: Elle est en train de brûler le livre rouge.

Le sénateur Graham: ...assiste à l'assemblée annuelle de la Commission libérale féminine nationale et parle d'accroître la participation des femmes à la vie politique.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Doody: J'espère qu'elle s'en sort mieux qu'avec sa déclaration sur la TPS.

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif-Troisième
lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyé par l'honorable sénateur Stollery, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, cet article est inscrit au nom du sénateur Cools.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je veux intervenir sur ce projet de loi, si c'est d'accord.

Son Honneur le Président: Madame le sénateur Cools accepte-t-elle de céder la parole au sénateur Nolin?

L'honorable Anne C. Cools: Oui, Votre Honneur.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, le projet de loi C-42 est une mesure qui, selon moi, n'a pas reçu toute l'attention nécessaire à la Chambre des communes. C'est pour cette raison que nous avons entrepris une étude approfondie de ce projet de loi, à la fois en cette Chambre et au comité des affaires juridiques.

Ce projet de loi - selon les dires du ministre et de notre collègue en cette chambre qui l'ont parrainé - est pour le gouvernement une mesure administrative qui renferme des corrections techniques et qui ne devrait pas, si on lit entre les lignes, attirer notre attention plus qu'il ne le faut. Malgré ma courte expérience en cette Chambre, j'en suis venu à la conclusion que lorsque le gouvernement nous dit qu'il s'agit d'une mesure administrative et qu'il faut regarder cela rapidement et que ce n'est pas trop important, c'est à ce moment qu'il faut redoubler de précaution et examiner en profondeur les mesures législatives qui nous sont proposées.

Ce projet de loi vise à amender la Loi sur les juges. La Loi sur les juges au Canada est un ensemble de règles fondamentales pour le maintien de la démocratie et le respect des valeurs fondamentales de ce pays.

Quoique notre Constitution ne réfère pas assez spécifiquement à la séparation des pouvoirs, il n'en reste pas moins que l'héritage jurisprudentiel hérité de la Grande-Bretagne, ainsi que tous les jugements qui ont traité de l'importance de la séparation du pouvoir judiciaire des deux autres pouvoirs de l'État canadien, nous amènent à conclure que la séparation des pouvoirs au Canada est un élément fondamental du respect de nos valeurs.

Malheureusement, le projet de loi que nous avons devant nous attaque cette séparation. Le projet de loi attaque l'indépendance de la magistrature canadienne, et pour cette raison, je vous suggérerai tout à l'heure un amendement à ce projet de loi.

Mon propos traite de deux zones d'importance. La première: est-ce que les juges canadiens peuvent entreprendre des fonctions judiciaires ou autres à l'extérieur du territoire canadien? Après avoir entendu les experts, lu sur le sujet, j'en suis venu à la conclusion que les juges canadiens ne devraient, sauf exception prévue à la loi actuelle sur les juges, s'en tenir qu'à des fonctions judiciaires.

Les exceptions contenues dans la Loi actuelle sur les juges, font référence, entre autres, à la possibilité pour le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial d'attribuer à un juge une responsabilité quasi judiciaire lorsqu'il s'agit de créer une commission d'enquête ou un quasi-tribunal visant à examiner une question d'intérêt public. Je ne crois pas qu'il faille élargir le champ de ces exceptions.

Le gouvernement a raison de vouloir innover et élargir la territorialité de l'exercice de ses responsabilités judiciaires. Si la charge de travail d'un tribunal le permet - et je pense que c'est une considération importante - il devrait pouvoir exercer une fonction judiciaire à l'étranger, dans un cadre juridique bien précis.

Par contre, je ne crois pas qu'un juge canadien devrait pouvoir participer à des activités internationales à l'étranger sans autre précision quant à la définition de cette expression. Je ne pense pas non plus qu'un juge canadien devrait participer à des programmes d'assistance technique à l'étranger. Nos juges doivent juger. Ils sont payés par le Parlement du Canada pour exercer cette fonction jusqu'à l'âge de 75 ans ou jusqu'à leur démission. Je pense que l'indépendance de cette fonction judiciaire est protégée par cette mesure.

 

Deuxième sujet sur lequel je voudrais vous entretenir: qui peut payer le salaire d'un juge? Honorables sénateurs, la Constitution du Canada, quant à moi, est très claire. L'article 100 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dit que les salaires et allocations des juges sont payés et fixés par le Parlement du Canada.

Nous avons entendu un expert en comité qui ne semblait pas au fait de la question. Lorsque nous lui avons demandé son interprétation de l'article 100 que je viens de vous citer, si je comprends sa réponse, le Parlement du Canada paie les juges dans leur fonction judiciaire, mais le Parlement du Canada ne doit pas payer les juges s'ils agissent dans d'autres fonctions. Autrement dit, les pères de la Confédération et tous les Parlements du Canada depuis, qui ont mis en vigueur la loi actuelle sur les juges, ont dans leur sagesse prévu que les juges au Canada seraient des juges à temps partiel.

Je m'oppose à cette interprétation de l'article 100 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je pense que les juges au Canada ne doivent faire qu'une seule chose, juger, à l'exclusion de toute autre chose.

Pour cette raison, je pense qu'un juge peut exercer ses fonctions à l'étranger mais être rémunéré par le Parlement du Canada pour le faire.

 

motion d'amendement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Pour ces raisons, je présente la motion suivante:

Que le projet de loi C-42 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 4, page 3,

(i) par substitution, à la ligne 12, de ce qui suit:

approbation du Conseil.,

(ii) par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit:

titre du paragraphe (1), le juge en chef ou le juge,

(iii) par suppression des lignes 23 à 32;

b) à l'article 5, par substitution aux lignes 12 à 43, page 4, et aux lignes 1 à 26, page 5, de ce qui suit:

56. 1 (1) Le juge auquel un congé a été accordé en vertu du paragraphe 54(1), peut, avec l'autorisation du Conseil accordée en vertu du paragraphe (2), exercer des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires pour une organisation internationale d'États ou l'une de ses institutions et être indemnisé, par le gouvernement du Canada, à l'égard de ces fonctions, de ses frais de transport et des frais de séjour et autres frais raisonnables.

(2) Lorsque le juge demande un congé en vertu du paragraphe 54(1) afin d'exercer des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires pour une organisation internationale d'États ou l'une de ses institutions, le Conseil peut, à la demande du ministre de la Justice du Canada, autoriser l'exercice de ces fonctions.

Je vous soumets ces amendements dans les deux langues officielles. J'attire votre attention sur l'importance du recours au Conseil de la magistrature.

Le très honorable premier ministre du Canada de l'époque, M. Pierre Elliott Trudeau, même s'il a posé selon moi des gestes contestables en créant le Conseil de la magistrature, en a posé un très judicieux. Il a réussi à imaginer un processus par lequel nous pouvions isoler dans un conseil tous les juges en chef et les juges en chef associés de toutes les cours qui relèvent du Parlement du Canada. Il a réuni dans un conseil, dit de la magistrature, tous ces individus qui ont comme fonction la gestion des tribunaux canadiens fédéraux.

Il est important que nous donnions à ce conseil les pouvoirs d'autoriser les juges qui en feront la demande d'aller à l'étranger et d'agir dans des fonctions judiciaires pour les organismes internationaux. C'est pour cette raison que j'ai présenté ces amendements que vous avez devant vous.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Nolin, est-ce que vous pouvez nous dire qui appuie votre proposition?

Le sénateur Nolin: Le sénateur Doody.

Son Honneur le Président: Il est proposé par l'honorable sénateur Nolin, appuyé par l'honorable sénateur Doody:

Que le projet de loi C-42 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 4, page 3,

(i) par substitution, à la ligne 12, de ce qui suit:

approbation du Conseil.,

(ii) par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit:

titre du paragraphe (1), le juge en chef ou le juge,

(iii) par suppression des lignes 23 à 32;

b) à l'article 5, par substitution aux lignes 12 à 43, page 4, et aux lignes 1 à 26, page 5, de ce qui suit:

56. 1 (1) Le juge auquel un congé a été accordé en vertu du paragraphe 54(1), peut, avec l'autorisation du Conseil accordée en vertu du paragraphe (2), exercer des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires pour une organisation internationale d'États ou l'une de ses institutions et être indemnisé, par le gouvernement du Canada, à l'égard de ces fonctions, de ses frais de transport et des frais de séjour et autres frais raisonnables.

(2) Lorsque le juge demande un congé en vertu du paragraphe 54(1) afin d'exercer des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires pour une organisation internationale d'États ou l'une de ses institutions, le Conseil peut, à la demande du ministre de la Justice du Canada, autoriser l'exercice de ces fonctions.

Vous plaît-il honorables sénateurs, d'adopter la motion? Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole à ce stade...

[Traduction]

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'aimerais bien intervenir sur cette question, mais j'avais prévu intervenir sur la question précédente. Je ne suis pas prête à intervenir au sujet de la motion d'amendement du sénateur Nolin. Dans ce cas, il me fera plaisir de proposer l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Cools, mais je ne vous ai pas bien entendue.

Le sénateur Cools: Je crois comprendre qu'un amendement vient de nous être proposé; est-ce exact?

Son Honneur le Président: Il s'agit d'une motion d'amendement. On peut en débattre ou on peut ajourner le débat.

Le sénateur Cools: C'est ce que j'ai dit.

Son Honneur le Président: Ou on peut la mettre aux voix.

Le sénateur Lynch-Staunton: On peut également l'adopter.

Son Honneur le Président: Oui, on pourrait l'adopter, mais comme j'ai déjà eu des problèmes récemment à cet égard, je vais demander s'il y a d'autres sénateurs qui désirent intervenir.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je désire intervenir sur cette question, mais j'aimerais voir le texte de l'amendement. Je voudrais pouvoir en parler de façon intelligente. Pourrions-nous en avoir des copies?

Le sénateur Doody: Proposez-vous l'ajournement du débat?

Le sénateur Cools: Oui. C'est ce que j'ai dit, mais le Président a dit qu'il ne m'avait pas bien entendue.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

 

TERRE-NEUVE

LES CHANGEMENTS APPORTÉS AU SYSTÈME SCOLAIRE-
LA MODIFICATION DE LA CLAUSE 17 DE LA CONSTITUTION-
LE RAPPORT DU COMITÉ-MOTION D'AMENDEMENT-
SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyé par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996.

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyé par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente, des mots:

 

avec l'amendement suivant:
Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa (i) et le remplacer par les mots «là où le nombre le justifie.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, c'est avec un certain intérêt que j'ai suivi ce débat sur la résolution proposée pour modifier la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. L'éducation des jeunes est une de mes préoccupations principales.

Certains d'entre vous sauront que j'ai passé des années comme conseillère scolaire en Ontario et que j'ai été enseignante ainsi que membre du Sénat de l'Université de Guelph. Par souci de concision, je vais simplement me limiter à l'amendement proposé par le sénateur Doody.

Je suis opposée à l'amendement présenté par l'honorable sénateur pour deux raisons. D'une part, je suis en faveur de la résolution qui a été approuvée par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et je ne vois pas comment elle serait améliorée par l'amendement proposé. D'autre part, dans mon examen du rôle du Sénat en ce qui concerne cette question, j'ai découvert des opinions différentes et divergentes au sujet de ce qui pourrait se produire si le Sénat modifiait la résolution qui lui est soumise. Je ne pense pas que nous savons dans quoi nous nous lançons si nous décidons de l'amender. Finalement, je ne pense pas que le rôle du Sénat soit d'agir comme négociateur dans le processus constitutionnel. En amendant, nous proposons une autre solution. Je pense qu'il est beaucoup plus approprié pour le Sénat de se limiter à l'approbation ou au rejet de la proposition.

 

Tout d'abord, je vais parler de mes objections de fond à l'amendement. L'initiative du gouvernement de Terre-Neuve pour rationaliser son système scolaire est certainement compréhensible dans le climat actuel de compressions budgétaires. La Chambre des communes a jugé bon d'adopter la résolution autorisant le Gouverneur général à modifier la Constitution. Pour que le Sénat s'oppose à cette résolution présentée par Terre-Neuve, il me semble qu'elle devrait avoir des défauts graves, même scandaleux, et je dois dire que je n'en vois pas.

Je ne partage pas l'opinion du sénateur Doody en ce qui concerne la nature des droits. Les personnes touchées ne sont pas une minorité opprimée. D'ailleurs, il s'agit de groupes privilégiés, en raison de leur statut constitutionnel, lorsqu'on les compare à d'autres groupes minoritaires qui n'ont pas une telle protection tels que les groupes non chrétiens ou les peuples autochtones.

De plus, ceux qu'on appelle les «groupes minoritaires» constituent, globalement, une majorité de la population de la province. Ayant examiné les diverses objections entendues lors des témoignages devant le comité, je ne trouve rien qui me convainque que l'adoption de cette résolution mettrait certaines dénominations touchées dans une situation d'oppression. Leurs droits - certains diraient leurs «droits spéciaux» - demeurent. Mais le gouvernement de Terre-Neuve serait en mesure de faire des modifications organisationnelles qui lui permettraient d'échapper à certaines contraintes financières.

Tel que je vois les choses, les enfants de ces groupes minoritaires continueraient à recevoir une éducation. L'instruction religieuse serait maintenue. Les droits à cet égard ne sont pas touchés. De plus, je ne vois pas comment les écoles confessionnelles pourraient être en danger, sauf dans des cas très particuliers, puisque le libellé de la résolution est clair. Il dit:

...sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école...

Au risque d'être un peu tranchante, je serais tentée de dire: «Qu'est-ce que vous voulez de plus?» En fait, il me semble qu'une telle protection pour un groupe qui constitue une majorité religieuse dans une province pourrait même être décrite comme inutile. Les sept dénominations, toutes chrétiennes, conservent le droit garanti de faire enseigner leur religion dans les écoles. Je pense que le sénateur Rompkey l'a bien exprimé lorsqu'il a dit: «Est-ce que les droits des pentecôtistes, des catholiques romains et d'autres sont touchés?», et sa réponse était:

Oui, mais ils continueront à avoir des droits importants et garantis par la Constitution.

Je n'ai aucune objection au maintien de ces droits. Cependant, je pense qu'il est important de permettre au gouvernement de Terre-Neuve de faire des modifications raisonnables à son système scolaire sous réserve que ces droits soient maintenus. C'est pour cette raison que j'appuie la résolution qui a été adoptée par la province de Terre-Neuve.

Le sénateur Doody propose de remplacer les mots «sous réserve du droit provincial d'application générale...» par les mots «là où le nombre le justifie». En conséquence, la détermination du chiffre magique devrait être l'affaire des tribunaux, pas celle du gouvernement. Le sénateur Kinsella a reconnu hier qu'il a «des réserves à l'égard de toute la résolution», mais il a fait remarquer que ces mots rassureraient certaines parties intéressées. Pourquoi ne s'oppose-t-il pas tout simplement à la résolution? On lui a demandé hier s'il voterait en faveur de la résolution si l'amendement qu'il appuie était adopté, mais il n'a pas vraiment répondu à la question.

Nous savons déjà que la modification dont nous sommes saisis a été examinée par l'Assemblée législative de Terre-Neuve qui l'a rejetée. La motion d'amendement est futile; le Sénat devrait faire son devoir, c'est-à-dire adopter la résolution originale ou la rejeter.

Ce dernier aspect m'amène à me pencher sur notre façon de traiter la résolution. J'ai des réserves quant à l'idée d'adopter un amendement à une résolution qui autorise une modification de la Constitution. Depuis l'entrée en vigueur de l'actuelle formule de modification en 1982, nous l'avons très peu utilisée en notre qualité d'assemblée habilitante. Le Règlement du Sénat du Canada ne prévoit pas de processus particulier pour ce genre de résolutions. Il existe très peu, si tant est qu'il en existe, de précédents ou de pratiques dont nous pourrions nous prévaloir.

S'agit-il simplement d'une motion dont le Sénat serait saisi, ou bien la résolution constitue-t-elle une loi dans la hiéracrchie constitutionnelle - auquel cas nous devrions la traiter comme nous traiterions un projet de loi? Qu'arrive-t-il si nous l'amendons? En ce qui concerne l'Accord du lac Meech, le Sénat a amendé la résolution du gouvernement et décidé d'envoyer des messages appropriés à la Chambre des communes, aux autres assemblées législatives et aux quatre grandes organisations autochtones du Canada. Si on s'en tient à cet unique précédent, le Sénat amorçait ainsi un nouveau processus de modification, différent et distinct de celui qui était déjà en cours. Selon cette théorie, le Sénat n'a ni adopté ni rejeté la proposition du gouvernement. Il a plutôt proposé une nouvelle solution constitutionnelle et demandé aux assemblées législatives compétentes d'approuver l'initiative visant à autoriser le Gouverneur général à proclamer une modification à la Constitution.

Le 12 juillet 1988 - et certains d'entre vous étaient ici -, le sénateur Lang a donné une interprétation fort intéressante de la formule de modification. Je suis un peu inquiète de l'analyse qu'il a faite dans le cadre d'un discours en plein débat sur l'Accord du Lac Meech. Cette analyse est quelque peu compliquée. Je ne perdrai pas le temps du Sénat avec cela aujourd'hui, mais j'en ai des exemplaires avec moi. Il a conclu que le Sénat, en adoptant innocemment un amendement à la résolution du lac Meech pouvait, par inadvertance, exercer un veto absolu sur cet accord. Je ne suis pas avocate, mais je trouve cette analyse tout à fait réfléchie. Je suis persuadée qu'il y a beaucoup d'avocats prêts à contester cela pour des clients qui sont opposés à cette résolution. Devrions-nous leur ouvrir la porte en adoptant une résolution amendée sur la clause 17?

Ce que je veux dire dans tout ceci, honorables sénateurs, c'est que nous risquons de nous engager bien plus que nous le voulions en adoptant cet amendement. Il se peut que la Chambre des communes annule notre décision et qu'on s'en tienne là. Il se peut aussi qu'on en arrive ainsi à une crise constitutionnelle. Les secteurs intéressés vont-ils s'adresser aux tribunaux pour contester le droit du gouverneur en conseil de modifier la Constitution sous la forme d'un amendement du Sénat à la résolution? Devrons-nous transmettre la résolution amendée à la Chambre des communes et à l'Assemblée législative de Terre-Neuve? Le fait d'adopter une résolution amendée signifie-t-il que nous avons rejeté la proposition? Trop de questions se posent.

Nous devrions savoir ce que nous faisons. Il n'incombe peut-être pas vraiment au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure d'examiner la question et de clarifier nos procédures. Entre-temps, je vous en implore, honorables sénateurs: ne nous laissons pas embourber dans cet amendement.

Dans notre tradition parlementaire britannique, c'est au gouvernement qu'il incombe de «proposer» un projet de loi et à l'assemblée législative d'en «disposer». Les résolutions constitutionnelles sont une forme de loi constitutionnelle. Comment pouvons-nous, en tant que Sénat, commencer un nouveau processus de modification constitutionnelle? Nous n'avons pas discuté et négocié une entente avec le gouvernement terre-neuvien, et nous ne devrions d'ailleurs pas le faire. Nous ne sommes pas le gouvernement du Canada. Si le Sénat n'aime pas la proposition, il devrait la rejeter. Le fait de l'amender ne sert strictement à rien. Nous devrions laisser les négociations constitutionnelles aux premiers ministres provinciaux et au premier ministre et laisser les assemblées législatives s'acquitter de leur fonction qui consiste à approuver ou rejeter leurs propositions.

En plus du fait que, selon moi, le Sénat pourrait se mettre dans l'eau chaude avec cet amendement, les témoignages devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles permettent de croire que tout ce débat est vraiment une question de pouvoir. Dans son discours, hier, le sénateur Kinsella a noté qu'il n'y a pas de symétrie parfaite en ce qui concerne la protection des droits des minorités. Je pense qu'il a raison sur ce point. Cependant, alors qu'il prend le parti des parents et de la religion organisée, je pense qu'il est préférable de pécher par excès en faveur des enfants. Il me semble que nous avons oublié les droits des enfants dans tout ce débat. Tout semble reposer sur une question d'argent. Il s'agit de savoir qui a le droit de le dépenser et à quelles fins. Les dirigeants des

diverses dénominations en cause luttent désespérément pour conserver le pouvoir que cet argent représente. Il me semble que les gens ordinaires de Terre-Neuve lancent un appel à l'aide par l'entremise du seul recours à leur disposition - leurs représentants élus. Ils demandent qu'on laisse leurs enfants tranquilles.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne demande à intervenir maintenant, je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Pearson, qui doit d'ailleurs prononcer devant la Commission nationale des femmes du congrès libéral un discours sur une plus grande participation des femmes à la vie politique.

(Sur la motion du sénateur Graham, au nom du sénateur Pearson, le débat est ajourné.)

 

L'UNITÉ NATIONALE

Motion portant création d'un comité spécial-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

 

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyé par l'honorable sénateur Lynch-Staunton:
Qu'un comité spécial du Sénat soit formé pour examiner, afin d'en faire rapport, la question de l'unité canadienne, plus précisément la question de la reconnaissance du Québec, la formule d'amendement et le pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines provinciaux;

Que le comité soit composé de douze sénateurs, dont trois constituent un quorum;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que les documents et témoignages recueillis par le comité spécial du Sénat sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, au cours de la première session de la trente-cinquième législature soient réputés avoir été envoyés au comité constitué aux termes de la présente motion;

Que le comité soit autorisé à siéger pendant les séances et les ajournements du Sénat;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 15 décembre 1996; et

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé devant cette Chambre.

L'honorable William J. Petten: Honorables sénateurs, je cède la parole au sénateur Bolduc.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, je voulais parler du fédéralisme canadien en juin dernier, mais les circonstances ne m'ont pas permis de le faire avant aujourd'hui.

Je voudrais attirer votre attention, honorables sénateurs, sur l'importance d'ajuster notre régime fédéral à la conjoncture nouvelle qui découle entre autres du dernier référendum au Québec, d'où mon intérêt pour la motion du sénateur Beaudoin.

La moitié de la population chez nous, ou presque, a fait sentir son mécontentement par rapport à la situation présente. J'ai le sentiment que la moitié de cette moitié est carrément sécessionniste. C'est le noyau dur qui veut, peu importe les conséquences, sortir de la fédération. Ce sont, je pense, surtout des gens de la classe moyenne, des salariés du secteur public pour une bonne part, et qui ne sont pas sensibles aux effets économiques potentiels d'une sécession, soit sur leur avenir personnel ou sur celui de la collectivité.

L'autre moitié est constituée de Québécois nationalistes modérés qui n'acceptent pas la centralisation du régime fédéral actuel. Centralisation non par le fait de la Constitution de 1867 ou de 1982, mais par celui de la pratique gouvernementale via l'exercice intensif du pouvoir de dépenser dans des champs que la Constitution de 1867 réservait aux provinces.

Comment rallier ces gens au fédéralisme canadien? En changeant le régime, particulièrement en ce qui concerne le pouvoir fédéral de dépenser et le partage des pouvoirs qui en résulterait, de façon à ce que les questions socioculturelles et les questions régionales ou locales soient administrées majoritairement par les gouvernements provinciaux, en tout cas au Québec. Si les autres provinces préfèrent l'intervention fédérale, libres à elles d'en décider, mais chez nous, la majorité préfère très nettement l'alternative. On n'a qu'à relire les positions traditionnelles du Québec qui ont été depuis 50 ans présentées par les différents gouvernements à l'occasion des conférences fédérales-provinciales. Ces propositions ont été évoquées par tous les premiers ministres, de Duplessis à Bourassa. Il est facile de constater, par exemple, que 12 gouvernements se sont succédé chez nous depuis 1936. Ils ont tous respecté l'héritage idéologique de Mercier, de Gouin et de Taschereau en ce qui concerne leur conception du fédéralisme.

Je ne dis pas que toute la population du Québec pense cela, mais je dis que les gouvernements l'ont pensé. Une autonomie politique suffisante est nécessaire pour que le Québec puisse, dans un régime décentralisé, définir lui-même ses orientations de développement, étant donné ses responsabilités particulières vis-à-vis d'une majorité de ses citoyens appelés à s'épanouir dans un continent dont la langue n'est pas la leur.

C'est pourquoi, dans leurs prises de position depuis 50 ans, surtout à l'occasion de conférences fédérales-provinciales ou des discussions interprovinciales, ils ont revendiqué le pouvoir législatif exclusif ou prépondérant sur la culture: 50 fois; sur la législation sociale et sur la santé: 40 fois; sur la limitation du pouvoir fédéral de dépenser ou les compensations et transferts: 36 fois; sur la justice et ses différents aspects: 31 fois; sur l'éducation et la recherche: 29 fois; sur un statut particulier et la société distincte: 26 fois; sur la langue: 16 fois; sur la main-d'oeuvre et l'immigration: 16 fois; sur les ressources naturelles: 9 fois; sur le veto: 9 fois. Cela indique assez clairement ce à quoi ils tiennent. Nous nous en inspirons ici.

Par exemple, le Québec, au fait, gère déjà certains secteurs d'une façon différente des autres provinces: le régime de rentes, par exemple - par rapport au système canadien de pension - l'immigration, la police, les prêts et bourses aux étudiants universitaires. Pourquoi pas dans les autres services directs à la population en général? Depuis 1867, c'est déjà comme cela pour les hôpitaux, les services de bien-être, les foyers de personnes âgées, les écoles, les collèges, les universités, les cours de justice, les affaires municipales et le domaine culturel.

Mais il y a d'autres services publics directs qui sont encore partiellement gérés par Ottawa et qui sont des champs de compétence provinciaux. Par exemple, dans les ressources, dans des questions relatives aux forêts et aux mines, dans des questions relatives au tourisme, le logement, les loisirs, la formation de la main-d'oeuvre et les programmes d'emploi.

C'est le temps ou jamais de régler ces questions, de sorte que le gouvernement fédéral puisse concentrer son attention sur ce qu'il peut faire de mieux. Et je ne dirai pas que le fédéral n'a pas de rôle à jouer; le fédéral a des rôles très importants et nombreux à jouer. Je voudrais en citer quelques-uns ici: la politique étrangère, la défense, le commerce international, la politique monétaire, la politique fiscale et la péréquation, la recherche, l'environnement dans ses aspects continentaux, le transport interprovincial, la concurrence, qui est très importante dans une économie de marché, la lutte aux drogues et au terrorisme, la sécurité, l'assistance aux pays en voie de développement, l'union économique et certains aspects du développement régional. Donc, il y a une foule de champs d'action pour le gouvernement fédéral.

En ce qui concerne l'union économique, précisément, un nouvel article 121 sur le protection de la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux serait désirable pour renforcer l'union économique canadienne. On y prohiberait, en principe, les barrières discriminatoires aux échanges introduites par les provinces ou par Ottawa parce que Ottawa en a introduites aussi - sous forme de tarifs, de subventions, de lois, de normes, de règlements, de conventions ou autrement.

Il y a une exception à cette règle générale, cependant. Échapperaient à cette prohibition générale les mesures exceptionnelles liées aux caractéristiques spécifiques de la fédération canadienne, à savoir l'existence des provinces et des régions moins favorisées, l'équité sociale traditionnelle du peuple canadien et la francophonie.

De sorte qu'il y aurait des exceptions concrètes: la péréquation destinée à favoriser l'équité nationale, c'est-à-dire à aider des régions défavorisées à assurer des services publics essentiels comme la justice, les services de protection, les soins de santé, l'enseignement élémentaire et secondaire, l'aide sociale aux démunis.

Deuxièmement, les réglementations essentielles concernant la santé et l'environnement dans des questions qui ont des effets de débordement: les pluies acides et le problème de la pollution des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent qui, comme on le sait, touche huit États américains et trois provinces canadiennes. On ne réglera pas cela de Québec, on le réglera sur une base nationale et même internationale, dans ce cas.

Finalement, il y a aussi le développement régional circonscrit, à mon sens, à des projets moteurs dans des zones monoindustrielles. Nous retrouvons de telles régions dans la province de Québec ainsi que dans d'autres provinces.

Il y a donc des rôles fédéraux majeurs dans cette conception du fédéralisme. Mais le noeud du problème actuel se situe dans ce que l'on appelle l'union sociale. C'est une nouvelle expression qui est utilisée par le gouvernement et aussi par d'autres personnes. Elle signifie la recherche de l'équité non pas entre les régions, mais entre les personnes.

Je sais que depuis 50 ans, le fédéral s'est impliqué par l'argent dans les secteurs de l'emploi, de la santé, de l'enseignement postsecondaire et de l'assistance sociale.

 

Dans l'après-guerre, il était à la mode, à Ottawa, de justifier l'intervention fédérale dans ces champs provinciaux par le rôle macro-économique de stabilisation du gouvernement du Canada. On sait fort bien aujourd'hui que la pratique politique a perverti ces visées keynésiennes et nous a conduits au bord de la faillite.

Pourtant, le gouvernement actuel semble maintenir cette vision puisque je lis dans un texte émanant du gouvernement, rédigé par M. Massé, «Repenser le rôle de l'État», un document qu'il nous a remis l'an dernier, la phrase suivante, en page 13, et je cite:

Un gouvernement fédéral en bonne posture financière sera mieux à même de répartir les ressources entre les particuliers, les familles, les régions et les générations et de s'assurer que les gens dans le besoin seront protégés par des régimes de sécurité sociale.

Le vieux démon de la redistribution tous azimuts par l'État au lieu du marché est toujours présent dans la conception du gouvernement actuel. Pourtant, la pratique politique a démontré les effets pervers de ces visées généreuses en soi, tant dans le régime fiscal que dans les programmes d'aide.

Plus loin, à la page 14 du même document, après avoir dit que l'on veut laisser les programmes de formation aux provinces, et je cite:

Néanmoins, le gouvernement fédéral s'intéresse toujours vivement à faciliter le bon fonctionnement du marché du travail, à aider les gens à réintégrer les rangs de la population active et à promouvoir la mobilité de la main-d'oeuvre entre toutes les régions du pays.

Puis le document affirme que, pour ce faire, le gouvernment fédéral veut conclure des ententes avec les provinces sur des programmes d'emploi. Cela annonce le retour à une balkanisation et au régime des faveurs sans respect de l'esprit de la Constitution en ce qui concerne les rôles respectifs du fédéral et des provinces.

Cela m'inquiète beaucoup, car on va encore continuer de ballotter les chômeurs entre les bureaux fédéraux d'assurance-chômage et les bureaux provinciaux du bien-être social. Pourtant, on a la preuve depuis 20 ans que cette gestion en double-emploi est inefficace au Québec pour replacer les gens sur la voie de l'emploi. Je ne dis pas que c'est la seule raison pour laquelle il y a du chômage chez nous. Il y a d'autres raisons, entre autres celle-là. Notre gouvernement provincial dispose de presque tous les outils pour plus ou moins coordonner les programmes. Je ne me fais pas d'illusion sur la capacité des gouvernements de régler ce problème, cependant.

Alors que notre gouvernment provincial dispose de tous les outils pour coordonner les programmes publics relatifs à l'adaptation si nécessaire des ressources humaines au défi de la mondialisation de l'économie, on continue au Canada à distinguer les services de l'assurance-chômage du reste des autres mesures, toutes provinciales, sous prétexte qu'il s'agit depuis 1941, d'un sécteur de compétence fédéral.

C'est malheureux que l'on en soit encore à se chamailler entre gouvernements sur le dos des sans-emploi. Il est vital pour le Québec qu'il veille lui-même à la qualité de ses ressources humaines, particulièrement en cette ère de mondialisation de l'économie. De même qu'en matière d'union économique, le fédéral doit se voir confier les responsabilités nécessaires pour jouer son rôle fondamental, de même, en matière socioculturelle, le Québec doit-il pouvoir jouer son rôle fondamental. Une minorité comme la nôtre ne peut pas lâcher là-dessus au risque de disparaître.

En tout cas, c'est le sentiment profond du Québec que j'appelle le Québec profond. Je ne pense pas être le seul à penser de cette façon chez nous.

J'entends certains bureaucrates fédéraux argumenter que les provinces n'ont pas les ressources requises pour exercer pleinement ce rôle, à preuve, les transferts positifs au Québec de l'assurance-chômage. Ma réponse est très simple: la péréquation a précisément pour but de corriger cela. Si elle est actuellement insuffisante pour les gens de l'Est du Canada en général, y compris une partie du Québec, qu'on l'améliore et qu'on se débarrasse de la multitude des programmes ad hoc qui, souvent, neutralisent des visées de la péréquation. Il ne faut pas oublier cela non plus. La péréquation est un aspect du budget fédéral, mais il y a le reste du budget. Tout en se rappelant cependant que la péréquation ne doit pas être telle, non plus, qu'elle freine la mobilité des ressources parce qu'elle présente aussi un inconvénient.

J'en conclus donc que, dans cette réforme de notre fédéralisme, il faut, à travers nos institutions politiques et leurs règles de fonctionnement, réconcilier l'efficacité - c'est-à-dire l'union économique dans un régime de libre marché à l'échelle du pays - et l'équité sociale, c'est-à-dire des services publics essentiels, pour promouvoir l'égalité d'opportunité, de façon à refléter autant que possible les préférences des citoyens. C'est l'aspect de l'économie politique du système fédéral.

Mais il y a aussi d'autres objectifs politiques à rencontrer. Voilà pourquoi, dans un pays comme le nôtre, le vrai fédéralisme est si désirable car il partage la souveraineté afin de protéger les citoyens et l'entreprise contre la concentration du pouvoir public et ses abus.

En ce sens, il constitue dans le secteur public l'équivalent du marché dans le secteur privé car il place les gouvernements provinciaux en situation de concurrence, ce qui est excellent du point de vue du citoyen à condition toutefois que le gouvernement fédéral ne monopolise pas le terrain par des mesures destinées à tout uniformiser, à empêcher ainsi la mobilité des ressources et à rigidifier le marché du travail, par exemple.

Un sain fédéralisme favorise aussi la prise des décisions et les choix publics, particulièrement ceux liés aux valeurs et à la culture, à un niveau qui est plus près du citoyen. N'est-il pas approprié, en effet, que chaque province réponde à sa manière à cette sorte de besoins sociaux en réconciliant selon sa culture propre la dose étatique et privée de la contribution des citoyens. Ce fédéralisme permet, de plus, des économies d'échelle dans les cas appropriés, comme en matière de défense et, enfin, intériorise les effets possibles de débordements dans certains types de pollution.

Il ne s'agit pas ici d'une bataille visant à dégager un gouvernement fédéral fort ou des gouvernements provinciaux forts, mais du renforcement de la liberté des citoyens par un partage des pouvoirs qui place les gouvernements en concurrence tout comme, par analogie, dans l'économie de marché, la concurrence entre les entreprises privées protège le consommateur. Est-il besoin d'ajouter aussi que, même quand un champ de compétence est octroyé à un gouvernement ou à un autre, cela ne signifie pas qu'ils doivent intervenir, mais plutôt qu'ils doivent y équilibrer au mieux les rôles respectifs de la personne, c'est-à-dire des familles, du marché, c'est-à-dire les entreprises, et de l'État, c'est-à-dire les gouvernements?

Voilà, honorables sénateurs, ma pensée profonde sur le fédéralisme canadien. En terminant, pour que le Québec soit heureux dans le Canada, il n'y a qu'une condition: il faut décentraliser un peu, pas plus qu'en 1867. Je comprends la pratique des 50 dernières années. Je l'ai étudiée quand j'étais jeune, à 15 ou 20 ans. Je l'ai étudiée comme tout le monde sous la distinguée tutelle du professeur Maurice Lamontagne. Lorsque l'on regarde ce qui s'est passé depuis, il faut revenir à un peu plus de sagesse. Il est temps que le fédéral le fasse et c'est urgent.

Je pense qu'il est urgent que l'on règle cette question avant l'année prochaine. Si nous attendons trop, nous aurons des problèmes. Il est important que les Québécois demeurent au sein du Canada. Je pense que la majorité des Québécois vont accepter un langage comme celui-là. Cette proposition, je pense, est acceptable pour le reste du Canada également.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, est-il entendu que cet article sera inscrit au nom du sénateur Petten?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le débat est ajourné.)

 

L'AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) propose, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement:

Que lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au lundi 28 octobre 1996, à 20 heures.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au lundi 28 octobre 1996, à 20 heures.)

 


Haut de la page