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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 49

Le mardi 5 novembre 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 5 novembre 1996

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière

 

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de deux groupes de visiteurs de marque.

Le premier groupe est une délégation parlementaire de la Barbade. Je suis heureux de vous présenter l'honorable Cynthia Y. Ford, sénateur, secrétaire parlementaire du ministre de l'Éducation, de la Jeunesse et de la Culture. Mme le sénateur Ford est accompagnée de M. Duncan Carter et de M. Denis St. Elmo Kellman, députés de la Chambre d'assemblée de la Barbade.

Soyez les bienvenus au Sénat.

Nous avons également l'honneur d'accueillir une délégation du Parlement de la Finlande. La délégation se compose du comité des affaires constitutionnelles, qui est ici pour participer aux réunions avec les comités des affaires constitutionnelles du Sénat et de la Chambre des communes. La délégation est dirigée par le président, M. Vile Itala.

Soyez les bienvenus au Sénat. Nous sommes enchantés de vous accueillir au Canada.

 

Le programme d'échange de pages
avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, dans le cadre de notre programme d'échange de pages avec la Chambre des communes, j'aimerais vous présenter deux pages qui seront ici, avec nous, pour la semaine du 4 au 8 novembre.

[Français]

Lise Jolicoeur originaire de la belle province du Manitoba, du village de Lorette, poursuit ses études à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

Nous avons, d'Iqaluit, dans les Territoires du Nord-Ouest, Fawn Fritzen. Fawn est inscrite à la faculté des arts de l'Université Carleton, où elle se spécialise en économie.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite à toutes les deux la bienvenue au Sénat.

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine des anciens combattants

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le premier ministre a déclaré la semaine du 3 au 11 novembre Semaine des anciens combattants. Cette semaine, nous honorons ceux qui sont tombés à la Somme et à Passchendaele, ces braves Canadiens qui ont pris la crête de Vimy. Nous honorons les combattants de la 2e Division canadienne, qui ont débarqué sur les plages de Dieppe. Nous honorons ceux qui ont maintenu la ligne de ravitaillement de l'Atlantique ainsi que ceux qui ont fait la guerre dans l'aviation, soit tous les Canadiens et toutes les braves Canadiennes qui ont bravement contribué à libérer le continent européen.

[Français]

Nous rendons hommage aux divisions de l'infanterie canadienne qui ont subi de lourdes pertes sur les plages de la Normandie. Nous rendons hommage à ceux qui ont servi en Corée.

[Traduction]

Nous rendons hommage à nos soldats de la paix qui, depuis des décennies, deviennent des symboles d'espoir dans des pays où l'on ne sait plus ce que c'est que l'espoir. Au cours de la semaine, les anciens combattants du Canada iront raconter leur histoire dans les écoles de tout le pays pour sensibiliser nos jeunes au rôle que le Canada a joué dans ces combats.

L'an dernier, le programme «Le Canada se souvient» nous a aidés à attirer l'attention sur une commémoration nationale des événements qui ont abouti à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le programme «Le Canada se souvient» a donné à beaucoup de Canadiens l'occasion, pour la première fois, d'apprendre comment le Canada avait contribué de façon exemplaire à un heureux règlement des conflits qui avaient lieu bien au-delà de ses frontières.

Nous avons la responsabilité et une chance unique de tirer parti de l'expérience acquise avec le programme «Le Canada se souvient» et de faire valoir, particulièrement aux yeux de nos jeunes, l'odieux de la guerre et le désir de favoriser une paix durable.

L'évolution de la technologie nous permet de mettre en contact des Canadiens vivant aux deux extrémités du pays, grâce à Internet. Le ministère des Anciens combattants a maintenant une page d'accueil sur Internet qui donne de nombreux renseignements dans une variété de domaines. Il y a, par exemple, une section sur les médailles et les décorations militaires qui offre des renseignements sur leur signification et qui raconte l'histoire de leurs récipiendaires. Le ministère des Anciens combattants a même prévu une chasse au trésor sur Internet pendant la semaine des anciens combattants; les jeunes auront l'occasion de mettre leurs talents d'internautes à l'épreuve en cherchant des renseignements sur les deux guerres mondiales, sur la guerre de Corée et, bien entendu, sur les missions de maintien de la paix auxquelles le Canada a participé.

Pendant la Semaine des anciens combattants, le ministère lance un concours pour concevoir la nouvelle page d'accueil du site Web du ministère. Les oeuvres gagnantes paraîtront sur le site Web au printemps 1997.

Le ministère des Anciens combattants travaille en collaboration avec Rescol, le Réseau scolaire canadien, pour mettre en oeuvre plusieurs programmes qui aideront les enseignants et les élèves à mieux connaître l'histoire de notre pays.

La réalité et l'horreur de la guerre sont pour la plupart des jeunes Canadiens quelque chose d'étranger. Pour eux, la guerre se résume à des événements qui se produisent très loin de chez eux et qu'ils voient par l'intermédiaire de la télévision.

[Français]

Cependant pour de nombreux Canadiens qui ont combattu durant la Deuxième Guerre mondiale, les souvenirs n'ont rien perdu de leur clarté.

[Traduction]

Certains sont parmi nous aujourd'hui. Nous savons tous que dans la lutte pour la paix, la liberté et la démocratie, il n'y a pas de place pour la suffisance. La Semaine des anciens combattants nous le rappelle.

C'est pour nous une merveilleuse occasion de sensibiliser davantage les Canadiens, particulièrement les jeunes, à la contribution des hommes et des femmes qui ont donné à la colonie que nous étions le statut d'État en comprenant qu'on ne pouvait gagner sa liberté en prenant des raccourcis.

Alors que les Canadiens réfléchissent aux problèmes sans précédent auxquels doit faire face le Canada sur la scène tant nationale qu'internationale, nous nous souvenons de tous ceux qui, animés par leur seul courage et avec la liberté comme seul guide, ont pris la défense de notre patrie, le Canada; nous leur rendons hommage et nous leur exprimons notre profonde gratitude.

[Français]

L'honorable Jean-Louis Roux

L'honorable Jacques Hébert: Honorables sénateurs, si on me demandait lequel, parmi mes concitoyens, je considère comme étant l'un des défenseurs les plus exemplaires des droits et libertés, sans hésiter je répondrais: Jean-Louis Roux.

Nous avons le même âge, nous nous connaissons depuis 60 ans. Comme tous ceux de notre génération, nous avons subi le matraquage systématique des nationalistes de notre époque.

À la veille de la dernière guerre, élèves au Collège Sainte-Marie, nous étions soumis aux pressions de certains de nos professeurs jésuites pour qui cette guerre appréhendée était une autre entreprise de «l'impérialisme britannique», ce qui devait justifier les manifestations contre la conscription. (C'était à une telle manifestation qu'avait participé Jean-Louis Roux, et non pas à une «manifestation raciste», comme osent l'affirmer les bloquistes et certains journalistes. Si quelques têtes brûlées ont ensuite fracassé des vitres de commerçants, juifs ou autres, Jean-Louis Roux n'était pas de ceux-là.)

Nous lisions Le Devoir, qui nous affirmait que Pétain était l'homme de la situation, et De Gaulle, un minable factieux sinon un traître. Pour Le Devoir, même les camps de concentration nazis étaient pure invention de la propagande alliée.

Nous étions des adolescents innocents qui n'avaient aucun moyen d'entendre une autre version des faits. Petite anecdote, pour l'ambiance: peu avant la déclaration de la guerre, nos professeurs jésuites trouvaient normal de tolérer que des membres du parti «nazi» d'Adrien Arcand, des vrais ceux-là, viennent en classe dans leur uniforme: chemise noire ou brune, j'ai oublié, mais je me rappelle fort bien la croix gammée qui ornait leur manche.

Bien sûr, Jean-Louis Roux n'avait rien à voir avec ces pauvres types. Mais je comprends qu'il ait pu, par bravade d'étudiant, pour «choquer le bourgeois», dessiner avec son stylo une croix gammée sur la manche de son sarrau blanc, dans l'intimité d'un petit laboratoire de l'Université de Montréal, et non pas en public, comme l'affirme le grand démocrate Gilles Rhéaume, et bien d'autres, hélas!

Avec le recul, c'est-à-dire après que les lecteurs du Devoir eurent été forcés d'admettre l'horreur du nazisme, on peut dire que ce geste était stupide, comme l'a dit lui-même Jean-Louis Roux.

Ce qui est extraordinaire, c'est qu'il ait pu, avec un certain nombre de ses contemporains, reconnaître très tôt l'aberration du nazisme et du fascisme sous toutes ses formes, et devenir un farouche adversaire du racisme, de tous les racismes.

Depuis 50 ans, Jean-Louis Roux a toujours été à la fine pointe de la défense de la démocratie, des libertés et de la paix universelle. Toutes les situations qui mettaient en péril ces valeurs fondamentales le trouvaient au premier rang, sur les barricades.

Membre de la Ligue des Droits de l'homme, il a été l'un des leaders de la fameuse grève de Radio-Canada, aux côtés de René Lévesque, cher M. Rhéaume! Il a protesté contre la Loi des mesures de guerre, en dépit de son amitié pour Pierre Elliott Trudeau. Il a bravé l'opinion publique pour défendre la liberté d'expression en présentant Les fées ont soif. Il a été l'un des piliers des Artistes pour la paix, dont il était le président d'honneur jusqu'à récemment. Il a défendu le Canada (bien avant le référendum!) contre les attaques des séparatistes, ce qui demandait plus que du courage pour un artiste qui devait gagner sa vie dans un milieu majoritairement séparatiste.

En vérité, Jean-Louis Roux est un chevalier sans peur et sans reproche, ce qui irrite au dernier degré les séparatistes et autres cryptoséparatistes. Ils n'acceptaient pas que ses nouvelles fonctions lui donnent un certain pouvoir légal, ce qui est fort agaçant pour ceux qui voudraient imposer la séparation du Québec, même par des moyens illégaux.

À l'occasion des funérailles de Robert Bourassa, le peuple rassemblé accueillait par des applaudissements - dans une église, quelle horreur! - l'arrivée des personnalités politiques. Qui a reçu le plus d'applaudissements? Jean-Louis Roux. Avec juste raison.

La démission de cet homme, profondément honorable, représente le triomphe de la bêtise, de l'ignorance, de la méchanceté et de l'intolérance.

 


[Traduction]

 

AFFAIRES COURANTES

L'état du système financier

Présentation du rapport du Comité des banques et du commerce demandant l'autorisation de se déplacer afin de poursuivre son étude

L'honorable Michael Kirby, président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le mardi 5 novembre 1996

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

 

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 21 mars 1996 à examiner, pour en faire rapport, l'état du système financier canadien et pour qui un budget a été approuvé par le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration le jeudi 30 mai 1996, demande respectueusement l'autorisation de se rendre d'un endroit à l'autre à l'extérieur du Canada aux fins de poursuivre son étude de la question de la responsabilité professionnelle et, en particulier, de rencontrer des représentants du gouvernement britannique; le professeur Andrew Burrows, auteur d'une étude de faisabilité sur la responsabilité conjointe et individuelle; ainsi que des assureurs et des courtiers des marchés de l'assurance internationaux.

Cette requête n'entraîne pas de demande de fonds additionnels, car toutes les dépenses pourront être absorbées dans le budget existant déjà approuvé.

Respectueusement soumis,

 

Le président,
MICHAEL KIRBY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Kirby, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

La Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon
La Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable A. Raynell Andreychuk, vice-présidente du comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant:

Le mardi 5 novembre 1996

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, à qui a été renvoyé le projet de loi C-6 , Loi modifiant la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon, a examiné ledit projet de loi conformément à l'Ordre de renvoi du 23 octobre 1996 et en fait rapport sans propositions d'amendement.

Respectueusement soumis,

 

La vice-présidente,
A. RAYNELL ANDREYCHUK

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

 

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h), je propose:

Que lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, le mercredi 6 novembre 1996, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Affaires étrangères

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart, président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 16 heures aujourd'hui, mardi 5 novembre 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

L'absence du leader du gouvernement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, malheureusement, le sénateur Fairbairn n'est pas ici aujourd'hui. Elle est malade. J'espère qu'elle sera ici demain ou plus tard cette semaine.

Je serais heureux de prendre note des questions que vous voudrez bien poser.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que cela signifie que nous aurons des réponses?

 

La justice

La vente des avions Airbus à Air Canada-
Les allégations concernant un complot visant
à escroquer le gouvernement fédéral-
La connaissance qu'en avaient certains ministres-
Demande de précisions-Demande de réponse

L'honorable R. James Balfour: Honorables sénateurs, le 12 décembre 1995, j'ai posé la question suivante au gouvernement:

L'honorable sénateur pourrait-elle nous préciser les dates où le ministre de la Justice et le solliciteur général ont pris connaissance de la communication du gouvernement canadien adressée, sur papier à en-tête du ministre de la Justice, aux autorités du gouvernement suisse concernant l'affaire Airbus?

J'ai depuis reçu une réponse disant que le ministre de la Justice a été mis au courant de la communication le 4 novembre 1995. Cependant, je n'ai toujours pas reçu de réponse à ma question en ce qui concerne le solliciteur général.

Est-ce que mon honorable collègue, le leader adjoint du gouvernement, pourrait s'informer et me faire savoir quand je peux espérer une réponse au reste de ma question?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Oui, je serais heureux de le faire et cela aujourd'hui même.

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable B. Alsadair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse aux questions posées au Sénat le 13 décembre 1995 par les honorables sénateurs Andreychuk et Rivest concernant la motion sur la société distincte.

 

Le Québec

La motion sur la société distincte-Demande d'un avis juridique sur l'interprétation du libellé-La position du gouvernement

(Réponse aux questions posées par l'honorable sénateur A. Raynell Andreychuk et par l'honorable Jean-Claude Rivest le 13 décembre 1995)

Au cours des dernières années, les juristes du droit constitutionnel et international au ministère de la Justice et les juristes au ministère des Affaires étrangères ont donné des avis au sujet de l'emploi du mot «peuple» («peuples») tel qu'il appert dans différents textes internationaux et domestiques. La signification de l'expression «peuple du Québec» dans le contexte de la résolution est celle de vox populi - le peuple qui directement ou par le biais de représentants élus a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme au sein du Canada. L'expression «peuple du Québec» dans ce contexte n'est pas utilisé dans le sens d'une collectivité identifiable qui pourrait revendiquer un droit à l'autodétermination.

De la même façon qu'il appert ci-dessus, les juristes du ministère de la Justice impliqués dans la rédaction de la résolution ont donné avis à l'effet que l'expression ne donne pas ouverture à la possibilité de l'utiliser comme base à la revendication d'une reconnaissance internationale ni d'une diminution des droits des peuples autochtones du Canada.

Il y a très peu d'exemples concernant l'utilisation de l'expression «peuple autochtone», ou ses équivalents, à l'extérieur du Canada. Une copie de ces exemples est jointe à la présente.

En ce qui a trait à l'expression «peuple autochtone», on retrouve dans les lois fédérales quelques exemples d'utilisation de cette expression; on retrouve aussi l'expression «peuple indien».

De façon générale, l'expression consacrée dans les lois fédérales est celle que l'on retrouve à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 - «peuples autochtones du Canada».

On ne trouve pas d'exemples concernant l'expression «peuple acadien».

 

EXEMPLES INTERNATIONAUX DU TERME «PEUPLE»

Le Costa Rica emploi le terme «populations indigènes» lorsqu'il se réfère aux descendants des tribus ou sous-tribus qui habitaient le pays lors de la conquête espagnole et qui vivent maintenant de façon traditionnelle dans certaines contrées isolées.

Pour ce qui est des «Samis», en Norvège, la Constitution de 1988, se réfère au terme «population Sami».

En Suède le terme «minorité et population indigène» fait référence au statut des «Samis».

La Constitution du Venezuela utilise le terme « peuple » (pueblo en espagnol) afin de faire référence à tous les habitants de l'État du Venezuela.

Le Brésil a amendé sa Constitution en 1988 en y incluant un chapitre «Concernant les Indiens».

Le Chili reconnaît légalement, non pas constitutionnellement, l'existence des «indigènes» et reconnaît les «organisations» et «communautés indigènes».

Le Guatemala dans sa Constitution a un grand nombre d'articles qui traitent des droits des indigènes qui font référence à «communautés indigènes» et «groupes indigènes».

Le Nicaragua fait référence à «communautés de la côte atlantique» qui est le territoire indigène.

Le Mexique en 1993 a révisé sa Constitution afin de faire référence aux «peuples indigènes».

Il appert que l'Australie, dans sa Loi sur les titres de propriété autochtones, 1993 (Native Title Act, 1993), fait référence aux «autochtones et peuple insulaire du Détroit de Torres».

La Constitution des États-Unis d'Amérique prévoit ceci dans son Article 8: «le Congrès a le pouvoir [...] de réglementer le commerce [...] avec les tribus indiennes».

 


ORDRE DU JOUR

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Peter Bosa propose: Que le projet de loi C-35, Loi modifiant le Code canadien du travail (salaire minimum), soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, je suis heureux de présenter au Sénat les modifications au Code canadien du travail portant sur le salaire minimum pour les travailleurs relevant de la compétence du gouvernement fédéral.

Le projet de loi C-35 harmonise les lois fédérales et provinciales sur le salaire minimum en alignant automatiquement le salaire minimum fédéral sur le taux de salaire minimum général dans toutes les provinces et tous les territoires. On tient ainsi la promesse du gouvernement libéral d'accroître, à compter du 17 juillet 1996, le salaire minimum fédéral qui était de 4 $ l'heure, soit un taux qui a été établi il y a dix ans et qui, dans la pratique, ne correspond plus du tout à la réalité actuelle sur le marché.

Le projet de loi C-35 donne la possibilité d'apporter les modifications nécessaires au Code canadien du travail afin de commencer à mettre en oeuvre ce que nous avons entrepris par voie législative en juillet. L'adoption de ce projet de loi donnera au gouvernement la possibilité d'améliorer l'équité et l'efficience de notre loi sur le salaire minimum fédéral.

Depuis que le gouvernement du Canada a établi pour la dernière fois le salaire minimum fédéral dans une loi au milieu des années 1980, beaucoup de changements se sont produits sur le marché du travail au Canada. On a constaté notamment de nombreuses augmentations du salaire minimum établi dans les provinces et les territoires. En fait, au cours des dix dernières années, toutes les provinces et tous les territoires ont amélioré leur loi sur le salaire minimum, dans certains cas plus d'une fois.

Il y a un large éventail de salaires minimums au Canada. En Colombie-Britannique, par exemple, le salaire minimum s'établit à 7 $ l'heure. En Alberta et à Terre-Neuve, il est de 5 $ l'heure. D'autres provinces se situent entre ces deux taux. À 4 $ l'heure, le taux fédéral ne correspond plus du tout aux taux provinciaux ni aux réalités du marché. En fait, les provinces sont des chefs de file en ce qui concerne la question du salaire minimum, étant donné que quelque 98 p. 100 des travailleurs payés au salaire minimum au Canada relèvent de leur compétence.

Comme dans d'autres aspects de la politique économique et sociale, sur le marché du travail national, il y a des domaines de compétence fédérale et d'autres de compétence provinciale. Plus particulièrement, le gouvernement fédéral est responsable des travailleurs des industries visées par le Code canadien du travail, et les provinces et les territoires s'occupent de tous les autres travailleurs. En réalité, les industries qui sont assujetties au code fédéral du travail, comme les transports, les télécommunications, les banques et certaines sociétés d'État, comptent relativement peu d'employés qui touchent le salaire minimum. Selon des estimations récentes, moins d'un dixième pour cent des employés canadiens font partie de cette catégorie.

Néanmoins, les employés relevant d'institutions fédérales, par opposition à ceux des institutions provinciales, ne devraient pas être désavantagés par la loi. Ainsi, par unique souci d'équité, nous sommes contraints d'aligner le salaire minimum fédéral sur les autres pour qu'il se situe à un niveau plus réaliste.

Il s'agit là d'un des objectifs que ce projet de loi atteindra. En alignant le salaire minimum fédéral sur ceux des provinces et des territoires, il fait en sorte que le salaire minimum fédéral ne soit pas incompatible avec les niveaux de salaire minimum en vigueur dans les provinces ou les territoires.

Cet alignement du salaire minimum fédéral sur les salaires en vigueur dans les provinces et les territoires constitue une importante caractéristique de ce projet de loi. Tout d'abord, on s'éloigne de l'approche habituelle, où le gouvernement fédéral fixe un taux applicable partout au Canada. Ce projet de loi reconnaît que, dans les différentes régions du pays, il existe des différences dans les marchés du travail et dans les conditions socio-économiques. Il reconnaît en outre que les gouvernements provinciaux et territoriaux sont les mieux placés pour fixer des taux de salaire minimum qui soient conformes aux besoins locaux et régionaux.

(1430)

Comme on l'a fait remarquer plus tôt, ces dix dernières années, tous les gouvernements provinciaux et territoriaux ont fixé leurs propres niveaux de salaire minimum dans leur sphère de compétence. Le taux fédéral actuel qui a été fixé pour tenir compte des taux en vigueur dans les provinces et les territoires au 17 juillet 1996 n'est toujours conforme à aucun d'eux.

Une fois adopté, ce projet de loi incorporera d'office tout changement apporté aux taux provinciaux et territoriaux dans le salaire minimum fédéral généralement applicable aux employés adultes de ressort fédéral, de sorte que les employés assujettis au Code canadien du travail ne soient pas défavorisés par rapport à ceux qui relèvent d'autres paliers de gouvernement. Par la même occasion, le nouveau projet de loi établit le principe que les employés de ressort fédéral, peu importe la région où ils travaillent, ont le droit d'être traités équitablement, compte tenu des conditions du marché du travail qui existent dans leur région. Ainsi, la loi ne devrait pas défavoriser un employé d'une industrie de ressort fédéral par rapport à un employé d'une industrie assujettie à une loi provinciale ou territoriale régissant le salaire minimum. Honorables sénateurs, cette question fait appel au bon sens pratique et à l'esprit de justice. En alignant les taux de salaire minimum fédéral sur les taux appliqués localement, le projet de loi harmonisera davantage les normes du travail au Canada.

Honorables sénateurs, le projet de loi renferme d'autres modifications positives. Par exemple, en plus de reconnaître le rôle important que les provinces jouent dans les questions concernant le marché du travail, surtout pour adapter les lois visant le marché du travail aux besoins des marchés régionaux, les modifications du projet de loi C-35 amélioreront l'efficacité du processus législatif fédéral. Si le gouvernement fédéral lie automatiquement le salaire minimum fédéral au salaire minimum provincial ou territorial, il ne sera plus tenu de réagir chaque fois qu'une province ou un territoire apporte une modification, en modifiant le Code canadien du travail.

Aux termes de la loi actuelle, pour atteindre son objectif de se tenir à jour avec les modifications du marché du travail régional, que traduisent les modifications apportées aux taux de salaire minimum des provinces et des territoires, le gouvernement du Canada doit modifier le Code canadien du travail chaque fois qu'une province ou un territoire apporte une modification. Si nous gardons ce système, honorables sénateurs, nous risquons de devoir procéder constamment à des modifications. D'une façon générale, on a reconnu qu'il fallait modifier ce système et nous avons l'occasion de le faire aujourd'hui. En effet, le projet de loi nous fournit une occasion de rendre la loi sur le salaire minimum fédéral plus efficace, plus souple et plus juste.

Honorables sénateurs, ce projet de loi reconnaît le rôle de meneur que les provinces jouent en fixant les taux selon leur perception et leur connaissance des besoins régionaux concernant le marché du travail. En harmonisant les taux de salaire minimum fédéral avec ceux des provinces, on évite de devoir recourir à l'autorité fédérale quand ce n'est pas nécessaire.

Je souligne également que cela ne veut pas dire pas que le gouvernement fédéral se retire du domaine de la législation du travail ou qu'il abandonne sa responsabilité ou son droit de fixer le taux de salaire minimum fédéral. En fait, avec le projet de loi C-35, il conserve précisément le droit et le pouvoir que lui confère le Code canadien du travail de fixer un taux de salaire minimum fédéral quand il le juge approprié.

Je voudrais signaler aux honorables sénateurs un autre aspect de la mesure à l'étude: elle montre que nous tenons vraiment à combattre la pauvreté au Canada. Tout projet de loi en matière de salaire minimum a pour objectif fondamental de protéger les gagne-petit. Le projet de loi C-35 reste compatible avec cet objectif national et il soutient notre objectif de lutte à la pauvreté en établissant un plancher de salaire minimum au Canada. Il veille également à ce que le salaire minimum fédéral s'applique également aux jeunes travailleurs aussi bien qu'aux adultes.

Le nouveau paragraphe 178(2) prévoit que, dans les cas où le salaire minimum fixé par les provinces varie en fonction des activités, de l'âge ou de l'expérience de travail, on paiera le taux généralement applicable. Autrement dit, sous le régime de la nouvelle loi fédérale sur le salaire minimum, il y aura égalité de traitement pour tous les travailleurs. Ainsi, dans les cas où le salaire minimum fédéral diffère du salaire minimum provincial en fonction de l'âge, par exemple, c'est le taux le plus élevé qui s'appliquera dans les secteurs de compétence fédérale. En plus de contribuer à rendre l'administration plus efficace, les nouvelles dispositions feront en sorte que tous les employés relevant de la compétence fédérale, jeunes et vieux, soient traités sur un pied d'égalité en ce qui a trait au salaire minimum.

Comme les honorables sénateurs le savent, le nouveau régime d'assurance-emploi que le gouvernement a institué au début de l'année établit un équilibre en tâchant d'inciter les gens à chercher du travail tout en n'imposant pas un fardeau négatif aux employeurs. La mesure à l'étude s'inspire des mêmes principes.

Pour s'assurer que les modifications proposées à la loi fédérale répondent à ces trois objectifs, le gouvernement s'est engagé dans un vaste processus de consultation. Grâce aux réactions recueillies à la faveur de ces consultations, nous savons que nous sommes dans la bonne voie. Le gouvernement a entendu le témoignage d'un vaste échantillonnage de personnes intéressées, et la réaction générale à cette nouvelle loi est positive. Deux des principaux groupes d'employeurs susceptibles d'être touchés par cette mesure dans le secteur des transports et dans celui des banques ont dit qu'ils ne s'opposeraient pas à cette initiative du gouvernement.

Les syndicats ont reconnu dans cette mesure un modeste progrès attendu depuis longtemps. Il est probablement juste de dire que les syndicats souhaiteraient une hausse du salaire minimum, mais le gouvernement, dans un souci d'équilibre, a tenu compte des réalités du marché pour en arriver à la formule actuelle.

En résumé, honorables sénateurs, la mesure bénéficie d'un large soutien. Elle reconnaît les régimes de salaire minimum fédéral, provinciaux et territoriaux, elle reflète les réalités du marché et elle permet des ajustements futurs sans qu'il soit nécessaire de recourir au Parlement. J'exhorte donc les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi C-35.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

 

Terre-Neuve

Les changements apportés au système scolaire-
La modification de la clause 17 de la Constitution-
Le rapport du comité-La motion d'amendement-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente», des mots:

«avec l'amendement suivant:

Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa i) et le remplacer par les mots «là ou le nombre le justifie.»

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cogger, appuyé par l'honorable sénateur Bolduc: Que la motion d'amendement soit modifiée par substitution aux mots «avec l'amendement suivant:» des mots «avec les amendements suivants: a)», par suppression du point à la fin de l'amendement et par adjonction des mots suivants:

«b) Supprimer les mots «d'y régir» à l'alinéa c) de la clause 17 et y substituer les mots «d'y déterminer et d'y régir».»

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, je voudrais intervenir brièvement aujourd'hui pour appuyer l'amendement proposé par le sénateur Cogger à la nouvelle clause 17 qui nous est proposée. Le sénateur d'en face dit qu'il s'agit d'un sous-amendement. Cependant, je ne crois pas qu'il soit moins important que mon amendement, mais je m'en remets à ses compétences judiciaires. Je vais tout de même m'en tenir à mon terme, «amendement».

Cet amendement peut sembler assez négligeable, compte tenu de l'importance de toute cette question et du libellé de la nouvelle clause 17. C'est en tout cas l'impression que le ministre terre-neuvien nous a donnée lors de son témoignage au comité. Selon lui, l'ajout de l'expression «d'y déterminer» était un détail si peu important qu'il était inutile d'amender la nouvelle clause 17 pour l'ajouter.

D'autres ont toutefois une toute autre opinion, honorables sénateurs, et pensent que la question est de la plus haute importance. M. Binnie, un juriste de grand renom qui exige sans doute des honoraires très élevés et dont la province de Terre-Neuve a retenu les services, a avancé que le pouvoir de régir englobait le pouvoir de déterminer. Voici ce qu'il dit:

La seule vraie raison d'ajouter le terme «déterminer» dans la nouvelle clause 17, c'est de faire plaisir aux juristes qui ne veulent jamais se contenter d'un seul mot lorsque deux peuvent faire l'affaire.

Cela n'est vraiment pas digne de M. Binnie. Il sait sûrement que la question est beaucoup plus importante que ce genre de considérations.

(1440)

Permettez-moi de vous rappeler, honorables sénateurs, ce que M. Colin Irving a écrit dans le mémoire qu'il a remis au comité sénatorial. Il disait que le dictionnaire Oxford et le Black's Law Dictionary donnent une toute autre définition au verbe «to determine». À la page 8, section 20, de son mémoire, M. Irving cite une décision rendue par un haut tribunal à ce sujet. Le tribunal devait décider si le droit de régir le programme d'études, accordé avant la Confédération, incluait le droit de déterminer le programme d'études. Il a conclu que ce droit se limitait au droit de mettre en oeuvre et de surveiller le programme, mais n'incluait pas le droit de déterminer le programme d'études. Cette décision est déterminante dans le débat qui entoure le projet de modification constitutionnelle touchant Terre-Neuve.

Pour que les autorités représentant les diverses confessions puissent diriger l'orientation du système scolaire auquel elles se sentent si liées, elles doivent absolument posséder le droit et de régir et de déterminer. Cette question revêt une importance considérable aux yeux des minorités visées, et j'exhorte les honorables sénateurs à adopter l'amendement proposé par le sénateur Cogger.

Il y a un ou deux autres points qui touchent à la mesure législative dont nous sommes saisis et que je voudrais aborder, si les honorables sénateurs m'en donnent l'occasion. Je veux traiter en particulier des observations que le sénateur Stanbury a faites il y a quelques jours, lorsqu'il s'est offusqué de l'interprétation que je donnais aux alinéas a) et b) de la nouvelle clause 17.

Il nous apparaît évident à la lecture de la nouvelle clause 17 que les rédacteurs de cette nouvelle disposition veulent donner aux parlementaires plein pouvoir sur le système scolaire à Terre-Neuve. L'amendement fera l'objet d'une loi provinciale et l'administration des écoles à Terre-Neuve sera régie par une loi provinciale.

Honorables sénateurs, ces préoccupations ne sont pas seulement les miennes, mais celles d'un grand nombre de personnes beaucoup plus savantes que moi.

Voici ce que dit M. Robert J. Carney, professeur émérite de l'Université de l'Alberta:

Comme les déclarations assujetties à la compétence provinciale feraient que la création et le maintien d'écoles à confession unique ne seraient plus protégés par la Constitution canadienne, elles devraient être rayées de la présente résolution. Autrement, la protection des écoles confessionnelles serait seulement assujettie à une loi provinciale d'application générale.

Aux pages 4 et 5 de son mémoire au comité, M. Colin Irving, qui, comme vous le savez tous, est un juriste très éminent, dit ceci à propos de l'alinéa b) en question:

b) Sous réserve de la loi provinciale qui s'applique uniformément à toutes les écoles, précise les conditions régissant l'établissement ou le maintien des écoles,

À la page 5 de son mémoire, article 9, M. Irving écrit ceci:

Le «droit» d'établir et de maintenir...

... «droit» est ici le mot clé...

... des écoles à confession unique relève donc entièrement de la loi provinciale. Si l'Assemblée législative de Terre-Neuve promulguait une loi qui aurait pour but et pour effet de rendre difficile ou impossible l'établissement ou le maintien d'écoles à confession unique, les minorités catholique romaine et pentecôtiste...

... et j'ajouterais, même s'il n'en parle pas lui-même, adventiste du septième jour...

... n'auraient aucun recours légal, pourvu seulement que la loi en question s'applique uniformément à toutes les écoles. Il n'est pas difficile d'imaginer comment on pourrait parvenir à un tel résultat.

J'ai aussi consulté sur cette question plusieurs juristes éminents et très respectés de St. John's. Tous m'assurent qu'il ne saurait y avoir de doute sur l'intention de la nouvelle clause 17.

L'argument décisif, honorables sénateurs, se trouve certes dans le témoignage du ministre de l'Éducation de Terre-Neuve, l'honorable Roger Grimes, où il expose les intentions de son gouvernement à cet égard. C'est un homme admirable, honnête, direct et franc. Je me permets de citer ici l'exposé qu'il a fait au comité.

À cet égard, le ministre Grimes signale que la question de l'assujettissement à la loi provinciale a été soulevée au cours des débats sur la nouvelle clause 17 proposée à Terre-Neuve. Je veux parler de la modification qui vise à changer toute la notion voulant que la disposition soit «sous réserve de la loi provinciale», qui s'applique uniformément à toutes les écoles, précisant les conditions d'établissement ou de maintien des écoles et à la remplacer par «là où le nombre le justifie».

M. Grimes dit ceci:

Cette question est au coeur du problème. Elle a dominé les débats à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador et des amendements ont été proposés et rejetés. Il n'y avait aucun doute à ce sujet. Si un amendement visait à supprimer la disposition «sous réserve de la loi provinciale» [...] il n'était pas nécessaire que cet exercice ait lieu dans la province. Ce n'était pas nécessaire de déranger l'assemblée législative pour cela. Nous n'avions pas besoin d'un référendum. Nous n'avions pas besoin de nous adresser à la Chambre des communes. Et ces audiences étaient inutiles. Il serait malhonnête de prétendre le contraire.

M. Grimes dit très clairement que l'enseignement confessionnel ou, plutôt, tout le système scolaire de Terre-Neuve, sera assujetti à la loi provinciale.

C'est terrible pour un Terre-Neuvien comme moi qui tient au système confessionnel que nous avons. Cela devrait intéresser tous les Canadiens de voir qu'une loi provinciale prend le dessus pour la première fois sur une protection constitutionnelle ou une disposition constitutionnelle. Je n'ai jamais vu cela avant. Peut-être me dira-t-on si c'est déjà arrivé avant. On a l'audace de dire dans ce document que la Constitution canadienne est assujettie à la loi provinciale. Cela est des plus intéressant.

Le sénateur Stanbury dit que cela ne vise que les écoles multiconfessionnelles ou les écoles publiques - façon plus simple pour moi de décrire cette réalité - et que c'est l'objectif que semble poursuivre le gouvernement. Cependant, ces dispositions législatives s'appliqueront d'une manière générale à toutes les écoles.

Afin qu'aucun doute ne subsiste à ce sujet dans l'esprit des sénateurs, permettez-moi de leur signaler un document de travail qui est actuellement débattu dans le cadre d'audiences publiques qui se tiennent à Terre-Neuve. Je vais lire, à l'intention des honorables sénateurs, un article du document qui devrait prouver, une fois pour toutes, que l'affirmation du sénateur Stanbury n'est qu'un bobard. Voici ce qu'on dit en haut de la page 8 du document, dans le premier paragraphe, sous la rubrique des «Écoles interconfessionnelles»:

Dans le cadre de la nouvelle structure interconfessionnelle dont l'application commencera en même temps que l'année scolaire 1997-1998, les écoles seront désignées interconfessionnelles à moins que les parents d'un nombre suffisant d'élèves expriment le désir de voir leurs enfants fréquenter une école uniconfessionnelle.

Plus loin, à la même page, on nous explique comment une commission scolaire désignera les écoles. On dit que si les parents d'un nombre suffisant d'élèves expriment le souhait que leurs enfants fréquentent une école uniconfessionnelle, la commission scolaire sera tenue d'établir une telle école, pour autant que les conditions suivantes soient respectées.

Voilà ce qui cloche. On dit ceci:

1) L'école uniconfessionnelle doit respecter les critères de viabilité d'une école et il ne faut pas que la création d'une école uniconfessionnelle ait pour effet de rendre une autre école non viable.

Réfléchissez à cela, honorables sénateurs. Au début de l'année scolaire 1997-1998, toutes les écoles sont désignées comme étant multiconfessionnelles. Imaginez, à Terre-Neuve, une collectivité où 90 p. 100 de la population appartient à un groupe confessionnel et où les 10 p. 100 qui restent appartiennent à une variété ou à un certain nombre d'autres groupes confessionnels. Les représentants des 90 p. 100 de la population pressentent le gouvernement, conformément à une procédure qui reste à déterminer, et demandent qu'une école soit désignée uniconfessionnelle ou considérée comme appartenant à une confessionnalité particulière - ce qui signifie que 90 p. 100 de la population de cette collectivité appartient à cette religion. Le gouvernement examine la demande et dit ceci: «Bien des gens veulent que leurs enfants fréquentent une école confessionnelle, mais si nous vous donnons le feu vert, il n'y aura que 10 p. 100 de la population qui acceptera que leurs enfants fréquentent l'école publique que nous avons déjà désignée, ce qui compromettrait la viabilité de cette école. L'école que nous avons déjà désignée comme étant multiconfessionnelle deviendrait alors non viable, parce que seulement 10 p. 100 de la population voudraient que leurs enfants la fréquentent. Par conséquent, les enfants de 90 p. 100 de la population ne peuvent fréquenter l'autre école; ils doivent tous aller à l'école multiconfessionnelle que nous avons désignée. Votre demande ne satisfait donc pas à nos critères.»

(1450)

Cette procédure peut être appliquée dans presque toutes les agglomérations de Terre-Neuve, à quelques exceptions près. Évidemment, tout dépend de la définition de l'adjectif «viable». Étant donné que le gouvernement exerce les pouvoirs en l'occurrence, sous réserve des lois provinciales, il peut prendre des règlements, définir ce qu'il faut entendre par viabilité, décider à quelle distance de l'école les gens doivent vivre et combien de membres d'une confession doivent vivre dans le secteur attribué à une école. C'est un scénario très intéressant, mais aussi effrayant. Nous ne savons pas si ce scénario deviendra réalité, mais un grand nombre de Terre-Neuviens craignent que oui. Je pense que c'est injuste et inéquitable que le Parlement du Canada les plonge dans une telle angoisse. Ils ne méritent pas cela.

Dans le précédent document de discussion présenté par le gouvernement du premier ministre Wells, on dit qu'une proportion de 10 p. 100 de la population serait suffisante pour déclarer non viable une école confessionnelle à 90 p. 100. Cet avis a été retiré. Nous ne savons absolument pas ce que le gouvernement actuel proposera comme définition du mot «viable», ni quels seront les trajets des autobus scolaires, ni où sera l'école la plus proche, ni de quelle confession elle sera, et cetera. Tout cela est du domaine de l'inconnu.

Dans le document de discussion dont j'ai parlé il y a une minute, à la page suivant celle que je viens de citer, on décrit une école desservant une seule agglomération ou une école en desservant plusieurs. Il est écrit dans ce document que si un nombre suffisant d'élèves souhaitent que l'école soit désignée comme uniconfessionnelle, la commission scolaire la désignera comme telle. En pareil cas, les parents d'un nombre minimum requis d'élèves indiqueraient la préférence de leurs enfants pour une école uniconfessionnelle avant que la commission scolaire soit tenue de désigner l'école comme école uniconfessionnelle. Le pourcentage minimal serait de 50 p. 100 plus 1, de 75 p. 100, de 90 p. 100 ou de tout autre chiffre de leur choix.

C'est un vrai salmigondis, un vrai fouillis. Autrement dit, c'est un chèque en blanc au gouvernement parce que cette question relève des lois provinciales.

Le pire de tout, c'est que si toutes les écoles sont déclarées multiconfessionnelles, ou publiques, à mon avis, il incombera aux parents ou aux groupes d'une confession donnée de présenter une demande au gouvernement et de lui prouver qu'il vaut mieux que leurs enfants aient une école confessionnelle.

Honorables sénateurs, c'est une autre version de la méthode d'abonnement par défaut de Rogers TV. D'abord, le gouvernement déclare que toutes les écoles sont multiconfessionnelles, après quoi les parents doivent prouver qu'il leur faut une école confessionnelle. C'est un nouveau concept fort intéressant en matière d'orientations publiques.

Honorables sénateurs, c'est la situation qui prévaut actuellement à Terre-Neuve et au Labrador; le gouvernement décide de tout, après que les minorités lui eurent donné leur avis, mais cela reste facultatif. Les très petits groupes confessionnels, comme les adventistes du septième jour, n'ont absolument aucun espoir. Avec l'amendement ajoutant les mots «là où le nombre le justifie», ils pourraient s'adresser aux tribunaux.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Doody, j'hésite à vous interrompre, mais vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Doody: Pourrais-je demander aux honorables sénateurs de m'accorder deux ou trois minutes de plus?

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Doody: Merci, je vous en suis reconnaissant.

Les petits groupes religieux, comme les adventistes du septième jour, n'auraient absolument aucun espoir si le nouvel amendement à la clause 17 proposée était adopté. Je crois qu'en ajoutant les mots «là où le nombre le justifie», ces groupes pourraient s'adresser aux tribunaux, c'est-à-dire l'instance où tous les problèmes constitutionnels devraient être renvoyés. Ils ne devraient pas être renvoyés à la législature provinciale ou nationale qui a adopté la loi que vous contestez. Les tribunaux sont traditionnellement les instances d'appel. Il y a des sénateurs qui se sont dits préoccupés parce que les adventistes du septième jour avaient déclaré lors des audiences tenues à Terre-Neuve qu'un amendement incluant la précision «là où le nombre le justifie» ne leur serait d'aucune utilité. Cependant, je crois que tous les honorables sénateurs ont reçu la lettre où les adventistes disent regretter cette affirmation. Cette lettre avait été adressée au sénateur Carstairs qui m'a aimablement donné la permission d'en envoyer des doubles à tous les sénateurs. Les adventistes du septième jour nous disent qu'ils préféreraient nettement que les mots «là où le nombre le justifie» soient ajoutés plutôt que de n'avoir aucun autre recours que la législature de Terre-Neuve.

J'aimerais aborder brièvement un ou deux autres aspects avant de me rasseoir. Tout d'abord, je voudrais revenir à la question posée par le sénateur Grafstein après le discours très rationnel et logique du sénateur Kinsella. Le sénateur Grafstein a demandé si, dans la Constitution, on avait prévu le droit des personnes qui désirent que leurs enfants reçoivent leur éducation dans des établissements non confessionnels. La réponse est très simple et très précise, c'est non.

Honorables sénateurs, voici en bref l'histoire de la clause 17. Lorsque Terre-Neuve s'est jointe à la fédération canadienne en 1949, les écoles de cette province étaient administrées par les diverses Églises. Il n'y avait pas d'autres écoles et on n'en réclamait pas d'autres non plus. La protection de ces sept systèmes a été incluse dans la clause 17 des Conditions de l'union. Les Assemblées de la Pentecôte ont été la seule autre catégorie de personnes à réclamer ce droit. C'était en 1981, si je ne m'abuse. Ce droit leur a été accordé sans délai par le Parlement du Canada et l'assemblée législative, et la clause 17 a été modifiée en conséquence.

Il n'a jamais été et n'est toujours pas nécessaire de protéger les écoles non confessionnelles. Il n'existe pas d'écoles de ce genre, et la population n'en demande pas. Je pense qu'une telle garantie relative aux écoles neutres ne serait jamais acceptée à Terre-Neuve, ni, je crois, dans le reste du Canada, de la même façon qu'elle est acceptée aux États-Unis.

Honorables sénateurs, un autre point important que le sénateur Rompkey a soulevé il y a un certain temps concernait le fait qu'on avait donné aux diverses Églises la possibilité de voter par catégorie de personnes au référendum pour qu'on puisse déterminer leur préférence religieuse. Cela m'a beaucoup étonné. Je me suis empressé d'essayer d'obtenir une confirmation parce que, si c'était vrai, cela changerait considérablement la situation. J'ai consulté les dirigeants de plusieurs groupes à Terre-Neuve et j'ai reçu la seule correspondance disponible qui se rapporte vaguement à ce sujet.

J'ai ici la lettre en question. Comme elle est plutôt courte, je crois que je devrais la lire aux sénateurs. Il s'agit d'une lettre datée du 11 juillet qui vient du cabinet du premier ministre de Terre-Neuve, M. Clyde Wells, et qui est adressée au très révérend James H. MacDonald, archevêque de St. John's. La lettre dit ceci:

(1500)

Monseigneur,

Si je me rappelle bien, durant certaines des rencontres que nous avons eues au cours de la dernière année, des représentants de l'Église catholique ont mentionné qu'ils préféreraient que le référendum se fasse de manière à ce que les votes puissent être comptés séparément par catégorie de personnes. Récemment, les médias ont soulevé certains doutes à cet égard. Le gouvernement n'a pas encore pris de décision ferme quant à la façon dont se fera le vote, et j'aimerais que vous me fassiez part de vos idées sur le sujet avant que cette décision ne soit prise.

Il n'y a pas eu de décision.

En attendant impatiemment votre réponse, je vous prie d'agréer, Monseigneur, l'expression de mes sentiments très respectueux.

Clyde Wells

L'archevêque de Terre-Neuve, le très révérend James H. MacDonald, a répondu le 13 juillet 1995, en faisant parvenir au premier ministre la lettre suivante:

Monsieur le premier ministre,

J'ai l'honneur de répondre à votre lettre du 11 juillet 1995.

Je ne me souviens absolument pas que des représentants de l'Église catholique ou du gouvernement aient mentionné le référendum durant l'une de nos réunions. Je me souviens que, vers la fin de notre dernière rencontre, vous avez déclaré que le gouvernement serait tenu de «consulter la population» et que le mode de consultation serait déterminé par le Cabinet.

Je considère qu'un référendum ne serait pas approprié car on demanderait à des catholiques de se prononcer sur les droits des autres confessions religieuses et, inversement, aux membres des autres confessions de voter sur les droits des catholiques.

Veuillez agréer mes salutations distinguées,
Le très révérend James H. MacDonald, C.S.C., D.Th.
Archevêque de St. John's.

Le premier ministre Wells a adressé une lettre semblable au pasteur King, des Assemblées de la Pentecôte du Canada, et une lettre légèrement différente aux Églises intégrées, les autres Églises possédant des droits confessionnels à Terre-Neuve. Le premier ministre Wells leur a demandé de faire connaître leur position collective ou individuelle, si vous préférez. Je ne connais pas la réponse des Églises intégrées. Cependant, il est clair que les catholiques et les pentecôtistes n'ont jamais été invités à voter par catégorie. De même, ils ne se sont jamais engagés à accepter un référendum. Il me semble que le but de cette lettre du premier ministre Wells aux chefs des confessions religieuses était d'obtenir un engagement quelconque, ou du moins un accord, par rapport à un référendum sur leurs droits.

Honorables sénateurs, c'est à peu près tout ce que j'avais à dire sur ce point. Je vous remercie de votre compréhension, de votre patience et de votre attention. Je vous prie d'appuyer ces amendements à la clause 17. La question est fondamentale. Elle peut ne pas sembler cruciale pour bon nombre de Canadiens, mais un précédent incommensurable serait créé si, contre la volonté des minorités en cause, on adoptait une modification constitutionnelle abolissant une protection garantie à ces minorités par la Constitution.

Je demande donc aux honorables sénateurs de renvoyer cette mesure à la Chambre des communes avec ces amendements. Les députés l'étudieront à nouveau et débattront de la question. Ils renverront le dossier à l'Assemblée législative de Terre-Neuve qui l'examinera et en débattra à son tour. Les gens de Terre-Neuve devraient maintenant être bien au fait des conséquences de cette mesure. Voyons ce qui adviendra par la suite.

Honorables sénateurs, la décision vous appartient.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, le sénateur Doody me permet-il de lui poser une question ?

Le sénateur Doody: Certainement, honorables sénateurs.

Le sénateur Grafstein: L'honorable sénateur a fait référence dans son intervention au fait que, au moment de l'adhésion de Terre-Neuve à la Confédération, il n'existait pas de demande d'écoles non confessionnelles. Compte tenu des témoignages que nous avons entendus à l'appui de cet amendement, existe-t-il actuellement à Terre-Neuve une demande d'écoles non confessionnelles ?

Le sénateur Doody: En toute honnêteté, honorables sénateurs, je dois dire qu'à ce stade-ci, la population réclame des écoles non confessionnelles et des écoles laïques à Terre-Neuve. J'hésiterais à dire que c'est presque la majorité de la population. Je soupçonne que c'est bien moins que la majorité. La plupart des personnes qui réclament ce type de système sont concentrées à St. John's.

Toutefois, il faut aussi faire remarquer qu'actuellement, rien dans la loi, dans la Constitution ou ailleurs, n'interdit aux gens ou, en fait, au gouvernement de créer ce genre de système. On a argué que le gouvernement n'avait pas assez d'argent pour avoir deux systèmes parallèles. Je suppose que si l'on voulait, à titre d'essai, établir un modèle provisoire d'école non confessionnelle, laïque, cela pourrait se faire à St. John's moyennant des frais minimes. Les personnes qui fréquentent une école confessionnelle et qui réclament ce genre d'école pourraient aller à la nouvelle école. Cela permettrait de tester la demande. Peut-être qu'avec le temps, qui sait, ce sera la voie à suivre.

Cependant, la voie à suivre n'est certainement pas de priver les gens de la protection que leur confère déjà la Constitution, de leur imposer une solution de remplacement en leur disant: «C'est comme ça qu'on fera» avant même de savoir ce qu'ils veulent.

Le sénateur Grafstein: À cet égard, honorables sénateurs, y a-t-il eu des études statistiques qui ont précisé le nombre de Terre-Neuviens qui relèveraient des écoles non confessionnelles? Y a-t-il des renseignements que le sénateur Doody pourrait donner aux sénateurs quant au point de vue de cette minorité concernant l'inscription de leurs droits dans la Constitution?

Le sénateur Doody: Non, je n'ai pas ces chiffres. J'ai entendu parler d'un groupe établi à St. John's - avec l'appui de certaines autres régions de la province, je suppose - qui a choisi pour nom «Pas de moyens, pas de comité». Ce groupe est particulièrement mécontent de l'absence de progrès que représente la démolition du système d'éducation par le gouvernement de Terre-Neuve. Certains auront compris que je parle du système confessionnel. Combien sont-ils et à quel point appuient-ils ce changement, comme je le disais, personne ne le sait et personne ne le saura jamais, à moins que nous ne mettions sur pied une sorte de programme d'évaluation. Je n'aurais rien contre cela.

Si tous les Terre-Neuviens décidaient demain qu'ils veulent des écoles laïques, non confessionnelles et agnostiques, ils en auraient le droit. Allez-y, on ne vous en empêche pas. Toutefois, ces gens, qui sont protégés par la Constitution du Canada, ne peuvent se faire tout simplement retirer cette protection et se faire dire ensuite ce qu'il leur reste à faire.

Comme je l'ai dit depuis le début, l'enjeu n'est pas le système d'éducation de Terre-Neuve. Cela ne relève que de Terre-Neuve. Le problème que nous devons résoudre a trait à la Constitution et à la protection des minorités en vertu de cette Constitution. C'est notre position.

(Sur la motion du sénateur Whelan, le débat est ajourné.)

 

LES RELATIONS CANADA-UNION EUROPÉENNE

Le rapport du Comité des affaires étrangères-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du deuxième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères (Étude spéciale sur les relations européennes), déposé auprès du greffier du Sénat le 18 juillet 1996. (L'honorable sénateur Berntson).

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, j'aimerais parler du rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères intitulé «L'intégration européenne: son importance pour le Canada». Je suis membre du comité et j'ai participé à la rédaction du rapport.

Avant d'aller plus loin, honorables sénateurs, j'aimerais me joindre à notre président, le sénateur Stewart, pour remercier de leur travail notre recherchiste, M. Chapman, notre greffier, M. Pelletier, ainsi que M. Albert Galpin, qui nous avait été prêté par le ministère des Affaires étrangères. Notre programme en Europe était très chargé. Sans eux, nous ne nous en serions jamais sortis. Les journées étaient longues et les sénateurs ont travaillé jusqu'à l'épuisement. Ce n'est pas par pure coïncidence que nombre d'entre eux sont tombés malades en rentrant.

Honorables sénateurs, j'ai été impressionné par la qualité et par l'expérience des gens que nous avons rencontrés, y compris les membres du comité des affaires étrangères de la Chambre des communes de Westminster et le ministre d'État aux affaires européennes d'Irlande, alors que ce pays s'apprêtait à assumer la présidence de la Communauté européenne. Notre ambassadeur, M. Mawhinney, a été des plus aimables et des plus secourables, tout comme d'ailleurs notre ambassadeur à Bonn, M. Heinbecker. Pour ma part, en Allemagne, j'ai trouvé que M. von Ploetz, secrétaire d'État aux affaires étrangères, et M. Schomerus, secrétaire d'État au ministère de l'Économie, étaient d'un grand secours. Un secrétaire d'État est à peu près l'équivalent d'un sous-ministre ici.

(1510)

Nous avons rencontré bien d'autres personnes remarquables, dont le premier ministre Biedenkopf de Saxe, et nous avons participé à un dîner très instructif en compagnie du professeur Detlev Karsten, un homme des plus intéressants.

À Francfort, deux représentants de la Bundesbank m'ont expliqué en détail les propositions quant à la monnaie commune et à la banque centrale. Monsieur Pohl, ancien président de la Bundesbank, a été très franc au sujet des conséquences possibles.

À Paris, le dimanche 24 mars, Le Monde rapportait une longue entrevue importante accordée par M. Jacques Delors, le célèbre président de la Commission européenne récemment retraité. L'article a dû déclencher une marée d'appels téléphoniques dans toute l'Europe. Je suis convaincu que M. Delors était très en demande. Cependant, le lundi 25 mars, il a pris le temps de se rendre à la résidence de l'ambassadeur Bouchard pour nous rencontrer. Nous avons aussi rencontré des représentants de la Banque de France ainsi que des parlementaires français chevronnés et très intéressants. À Bruxelles, nous avons vu l'ambassadeur Roy, qui dirige très efficacement notre mission auprès de l'Union européenne.

Pour ma part, j'ai été particulièrement fasciné par notre entrevue toute simple avec M. Jurgen Trumpf, secrétaire général du Conseil de l'Union européenne. Je dirais que M. Trumpf nous a entretenus pendant 45 minutes. Son allocution était si passionnante que presque personne n'a posé de questions par la suite; il avait déjà prévu toutes les questions qui pourraient nous venir à l'esprit.

Honorables sénateurs, tous ces gens ont été fort utiles et ont abordé très directement les sujets. Ils ont grandement aidé le comité. Ils m'ont certainement aidé à me former une opinion quant à l'orientation de l'Europe contemporaine. Nous en faisons état dans notre rapport, qui est de toute première classe à mon avis. Permettez-moi de poursuivre sur cette question pendant quelques minutes encore et d'expliquer quelle est l'orientation de l'Europe contemporaine et quelles en seront les conséquences pour le Canada.

Dans ses mémoires, en 1992, Telford Taylor, le procureur américain du procès de Nuremberg, écrivait:

En 1945 et pendant 15 ou 20 ans après, le public lettré du monde occidental connaissait bien la structure et les actions du Troisième Reich, et les noms de ses principales personnalités: Hitler, Goering, Goebbels, Ribbentrop, Himmler, entre autres, étaient des noms courants. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas...

Honorables sénateurs, je pense qu'il est impossible de comprendre les changements profonds que l'on essaie d'apporter en Europe si l'on ne garde pas en mémoire cette observation de Telford Taylor. «It depends on people's memories», nous disait-on au Foreign Office de Londres. «Cela dépend de la mémoire des gens», répétait M. Delors, à Paris. D'autres disaient la même chose. Il s'agissait, bien entendu, de l'intégration européenne, sans l'Angleterre, une question de foi, même il y a une décennie.

Pour les gens de mon âge, je suis né en 1935 et j'ai commencé à lire les journaux assidûment vers 1943, le plan Schuman, la Communauté européenne du charbon et de l'acier, représentait un nouveau départ. Il était excitant de lire au sujet du traité de Rome, entré en vigueur pendant mon premier séjour en France. Tout le monde parlait du Marché commun. Parmi les gens que je connaissais, personne n'aurait même pu imaginer être contre l'intégration européenne, même si nous n'étions pas très sûrs de ce que cela signifiait. Nous étions jeunes, mais la guerre était encore fraîche à notre esprit.

Cinquante ans ont passé. L'atmosphère d'un nouveau monde renaissant de ses cendres est pratiquement oubliée du grand public. Lors de notre voyage, j'ai remarqué que très souvent, les connaissances de nos témoins universitaires étaient livresques. Ils avaient lu tout ce qu'il y avait à lire au sujet des événements, mais ils n'en avaient pas la mémoire et par conséquent leurs témoignages n'avaient pas de texture.

Avec le passage du temps, l'idéalisme des années 40 et 50 s'est déformé. Il n'y a pas de doute dans mon esprit que, aujourd'hui, l'Union économique européenne fait de la discrimination contre ses alliés, comme le Canada. Le différend sur les pêches est un exemple qui montre comment l'un des pays peut utiliser les autres pour défendre ses propres intérêts nationaux. Autrement dit, quand le Canada a un différend, ce n'est plus avec un pays, mais quinze. Il n'y a pas de doute que la relation du Canada avec l'Europe a souffert. Non seulement l'Europe a-t-elle tendance à faire abstraction de nous et à traiter avec ses voisins du Sud sur la question d'un plan d'action, mais comme le sénateur Kelleher, lui-même un ancien ministre du Commerce, l'a répété maintes et maintes fois dans nos discussions:

Chaque fois qu'un nouveau pays était admis dans l'Union européenne, on me demandait d'aller à Bruxelles pour me faire dire que tel ou tel article que nous vendions en Europe serait maintenant l'objet de quotas.

Il importe peu, comme l'a souligné le sénateur Stewart, que les Grands bancs, au large du Canada, aient nourri l'Europe pendant des siècles et qu'en ce sens, ils constituent notre frontière avec la Communauté européenne. On fait fi du fait que du Canada, on peut voir les côtes du Groenland ou que le Canada entretient des liens culturels plus anciens, plus étroits et plus suivis avec l'Europe que tout autre pays de l'hémisphère occidental. Je suis d'avis que certains dirigeants européens ne voient pas l'importance de maintenir de solides relations commerciales avec le Canada.

Jetons un bref coup d'oeil sur le passé. La fin des années 1940 et le début des années 1950 ont connu des jours tumultueux. Il y a eu l'effondrement de la livre, la bande de Stern et la Palestine, la guerre civile chinoise, les émeutes qui ont précédé la partition, la crise de Trieste et le pont aérien de Berlin. Il ne faut pas oublier que la Communauté européenne est née de la reconstruction de l'Europe de l'Ouest qui date d'avant la guerre froide, d'avant la création de la République fédérale. Les politiques axées sur l'amélioration de la situation économique de l'Europe de l'Ouest et sur la reconstruction étaient bien différentes des politiques de confrontation entre l'Est et l'Ouest qui ont donné naissance d'abord à l'Organisation du Traité de Bruxelles, en 1948, puis à l'OTAN, en 1949.

Autrement dit, la sécurité et le redressement économique de l'Europe nous ont valu deux organisations distinctes, même si elles se chevauchaient. Ce n'est qu'en 1955 que l'Allemagne est devenue membre à part entière de l'OTAN. Franco est devenu furieux en apprenant que l'Espagne avait été exclue du Pacte de l'Atlantique signé en 1949, qui a créé l'OTAN. Bien d'autres pays fondateurs de l'OTAN n'étaient pas membres du traité de Rome, soit les pays membres de l'AELE qui regroupe, bien sûr, la plupart des pays qui forment maintenant la Communauté européenne, mais aussi le Canada et les États-Unis.

Dans ses mémoires, Dean Acheson évoque la succession de crises soudaines à l'échelle internationale qui ont marqué cette époque. Il aurait mieux valu que l'économie et la sécurité fassent l'objet d'une meilleure coordination pour qu'au moment de l'effondrement du mur de Berlin, la politique étrangère de l'Occident fasse preuve d'une plus grande cohérence, mais c'est que même l'effondrement du mur de Berlin fut soudain.

Où en sommes-nous aujourd'hui? Que s'est-il produit? Que se passe-t-il? Et quelles en sont les conséquences pour le Canada?

Certes, une Europe de l'Ouest unie sur le plan commercial est née, mais une Europe de l'Ouest unie sur le plan politique, capable de se doter d'une politique étrangère et de défense commune, tarde à voir le jour. Comme nous le disons dans notre rapport, l'union économique est devenue «un géant économique, mais un nain politique». Elle comprend actuellement 15 pays, mais ils sont loin de s'entendre sur le plan politique. La suprématie du mark fait en sorte que c'est Francfort qui dicte la politique des taux d'intérêt en France. Les devises du Benelux sont tributaires de la Bundesbank. On accuse généralement la Grande-Bretagne et l'Italie d'avoir dévalué leurs devises pour accroître leur compétitivité, car en 1992-1993, elles sont sorties du système monétaire européen pour veiller à ce que leur taux de change ne varie pas trop et profiter ainsi d'un avantage commercial injuste. La Grande-Bretagne a encore des problèmes avec le Marché commun, car la moitié de ses échanges se font encore à l'extérieur de l'Europe.

(1520)

L'Espagne et le Portugal veulent une plus grande intégration à l'Europe car, pour la première fois depuis des siècles, les Pyrénées ne les divisent plus.

L'Allemagne est peut-être sceptique au sujet de certains pays européens, mais elle s'inquiète vivement maintenant de l'Europe de l'Est.

Et ainsi de suite. Il y a 15 pays incapables de même respecter les obligations importantes que leur impose le traité de Maastricht de 1991. Imaginez les problèmes qui vont surgir lorsque les États baltes, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie vont se joindre à la Communauté européenne. Je pense sérieusement que cela va se produire. Ces pays veulent parvenir à la réussite économique et la stratégie allemande consiste notamment à stabiliser tous ces pays qui la séparent de la Russie.

Tout le scénario a changé avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement du communisme. L'Allemagne est une fois de plus une grande puissance, avec la même préoccupation qu'elle avait sous Bismark. En termes simples, il s'agit de savoir où l'Allemagne commence et où la Russie finit. On ne souligne jamais assez cette préoccupation, étant donné que c'est le fondement de la politique étrangère allemande. Comme l'Allemagne est la force économique de la Communauté européenne, cette préoccupation aura des répercussions sur toute l'organisation. C'est la véritable raison pour laquelle le gouvernement allemand est prêt à abandonner le mark malgré une très forte opposition en Allemagne. Personne n'ose demander à la population si elle est prête à risquer ses économies en marks pour une nouvelle devise dont on ignore la solidité, dont la valeur sera déterminée en partie par des étrangers. Tout tourne autour de la question de l'Est, de la Russie et de l'Ukraine, ainsi que des craintes tout à fait compréhensibles des Allemands au sujet d'une situation incertaine dans la région.

La Communauté économique européenne est devenue l'union douanière la mieux réussie du monde, mais elle n'est pas devenue un État européen, et l'Allemagne voudrait pouvoir compter sur un État européen de son côté en cas de problème à l'Est. Le gouvernement allemand croit, sans aucun doute, qu'une devise commune réussira à unir tous ces pays sur le plan politique et il est prêt à prendre le risque d'abandonner l'une des devises les plus fortes du monde. Étant donné la vigueur de l'opposition publique, il est difficile pour moi de croire que la devise commune sera une réalité sous peu.

N'est-il pas possible que l'avenir de la Communauté économique européenne - c'est-à-dire sous sa forme actuelle - puisse être limité, que la communauté devienne plus souple, simplement du fait que son membre le plus puissant a un intérêt différent primordial pour lequel, je le répète, il est même prêt à abandonner sa devise?

Je me demande ce qui va en ressortir lorsque les autres pays à l'extérieur du groupe principal formé de l'Allemagne, du Benelux et de la France, même si de nombreuses questions se posent au sujet de cette dernière, vont conclure qu'ils adhèrent pour répondre aux préoccupations de l'Allemagne. Comment les agriculteurs français vont-ils recevoir les produits agricoles venus de l'Est? En fait, quelle sera la réaction des agriculteurs belges et même allemands? Lorsqu'on demande à un Allemand très en vue s'il y aura un référendum sur la disparition du deutsche mark, il dit que les gens ne pourraient vraiment pas comprendre une chose aussi compliquée.

Qu'en est-il de l'OTAN? Après tout, elle signifie Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, mais on en fait quelque chose de très différent. Son ennemi, le pacte de Varsovie, a concédé. Le pacte de Varsovie présentait une menace directe pour le Canada et les États-Unis. Les citoyens et les contribuables des États-Unis s'intéresseront-ils aux relations pour eux obscures qui existent entre l'Allemagne et l'Ukraine? Peuvent-il faire une distinction entre Slovaquie, Slovénie et Slavonie? Cela leur importe-t-il? N'ont-ils pas d'autres problèmes de défense plus pressants, comme le Pacifique ou la possibilité d'une guerre civile au Mexique, par exemple?

Honorables sénateurs, l'Europe est au milieu d'un profond changement. Il y a la menace de la disparition de l'Europe de l'Ouest unifiée. Des préoccupations anciennes et nouvelles refont surface, des préoccupations qui ne sont pas bien comprises en dehors de l'Allemagne. Ce lieu de rencontre complexe entre Slaves et Allemands ne laisse aucun rôle clair aux étrangers, et un des problèmes avec l'actuelle Communauté économique européenne, c'est qu'elle a fait du Canada un étranger. Mais alors, la communauté actuelle ne sera-t-elle pas contrainte de changer avec les circonstances?

J'ai commencé mes observations en parlant de la mémoire des gens. Je pense que la référence est différente à l'est et à l'ouest du Rhin. À l'ouest, la mémoire porte sur le danger d'une Allemagne trop puissante. À l'est, elle concerne la menace russe. Néanmoins, nous en sommes seulement au début et il est très difficile de tirer des conclusions à ce stade-ci.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ce débat a été ajourné en mon nom, et j'en propose encore l'ajournement.

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

L'UNION INTERPARLEMENTAIRE

LA QUATRE-VINGT-SEIZIÈME CONFÉRENCE, BEIJING, CHINE-INTERPELLATION-AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Peter Bosa, ayant donné avis le 31 octobre 1996:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la quatre-vingt-seizième conférence parlementaire, qui a eu lieu à Beijing, en Chine, du 14 au 21 septembre 1996.

-Honorables sénateurs, j'ai le privilège de présenter le rapport de la quatre-vingt-seizième conférence interparlementaire, qui a eu lieu à Beijing, du 15 au 21 septembre 1996. Mon distingué collègue, le sénateur Di Nino, et moi-même avons assisté à la conférence en compagnie de quatre députés de la Chambre des communes: Mme Sue Barnes, M. Herb Dhaliwal, M. Janko Peric et Mme Pauline Picard.

Avant d'aborder la conférence même, je voudrais parler brièvement de la Chine.

Le Canada et la Chine entretiennent d'excellentes relations et ils les approfondissent sur tous les plans, notamment ceux des échanges commerciaux et économiques, de la sécurité régionale, du développement durable et du bon gouvernement ou de la primauté du droit.

La visite en Chine de l'Équipe Canada, dirigée par le premier ministre Chrétien, s'est révélée prometteuse pour ce qui est des échanges commerciaux et économiques entre le Canada et la Chine. Ce sentiment a été conforté par la visite de Li Peng, en octobre 1995. Les délégations ministérielles effectuées dans la foulée du travail accompli par l'Équipe Canada ont réussi à explorer les débouchés sur le marché chinois pour les produits et pour l'expertise des Canadiens. Des ministres canadiens se sont rendus en Chine pour étudier les possibilités commerciales dans les secteurs du transport ferroviaire, du logement et de la construction.

En termes absolus, le commerce entre le Canada et la Chine a augmenté considérablement après 1978, période où la Chine a entrepris une importante réforme économique. En 1995, ce commerce a atteint un chiffre record de 8,1 milliards de dollars et les exportations canadiennes vers la Chine se sont situées à un niveau sans précédent. La Chine représente aujourd'hui notre quatrième marché d'exportation, après les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni.

La question du respect des droits de la personne est portée à l'attention des dirigeants chinois chaque fois que l'occasion se présente. L'an dernier, le premier ministre a soulevé des questions sur le bon gouvernement auprès du premier ministre Li Peng, au cours de sa visite au Canada, et il l'a fait de nouveau auprès du président Jiang Zemin, à Osaka, au cours des réunions annuelles de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique.

w (1530)

M. Max Yalden, président de la Commission canadienne des droits de la personne, s'est rendu en Chine en novembre 1995 pour discuter des droits à l'égalité et des problèmes d'accès pour les personnes handicapées. En janvier 1996, la première de ce qui promet d'être une série de discussions bilatérales sur les droits de la personne au niveau des hauts fonctionnaires s'est tenue à Beijing.

Je voudrais maintenant parler de la conférence elle-même. Je tiens tout d'abord à exprimer nos remerciements et notre reconnaissance aux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui ont tenu une séance d'information à l'intention de notre délégation avant son départ, de même qu'aux recherchistes de la Bibliothèque du Parlement qui nous ont fourni de la documentation. Je voudrais remercier également l'ambassadeur du Canada, M. Howard Balloch et ses collègues de l'aide et du soutien qu'ils nous ont prodigués durant la conférence. Lors de la séance d'information à l'heure du petit déjeuner, M. Balloch nous a exposé la situation politique et économique en Chine. Il a également donné une réception pour nous permettre de rencontrer des représentants d'entreprises canadiennes exerçant des activités commerciales en Chine. Mme Rachel Bedlington, deuxième secrétaire et consul, nous a aidés tout au long de la conférence. Nous tenons à la remercier et à lui dire que nous avons apprécié son travail.

Avant d'aborder les sujets à l'ordre du jour de la conférence, je voudrais parler brièvement du travail des femmes parlementaires à ces conférences parlementaires. Lors de la conférence de 1985 de l'Union interparlementaire à Ottawa, il a été décidé que les femmes déléguées se réuniraient avant la séance d'ouverture afin de discuter de questions d'intérêt commun, notamment des moyens d'accroître la participation des femmes parlementaires au sein de l'union et dans ses diverses activités. Mme Barnes et Mme Picard ont participé à ces réunions. Une des statistiques troublantes présentées à cette réunion avait trait au nombre des femmes parlementaires dans le monde entier. Les femmes n'occupent en moyenne que le dixième des sièges dans les parlements du monde. Ce chiffre révèle une diminution de 1 p. 100 depuis 12 mois par rapport à celui de 11,3 p. 100 établi au milieu de 1995. Il a diminué de près d'un tiers par rapport au nombre le plus élevé jamais enregistré, qui était de 14,8 p. 100 en 1988. Je suis cependant heureux de dire que notre institution se porte bien à cet égard. Avec 24 femmes sénateurs, soit 23 p. 100, la Chambre haute canadienne se classe au douzième rang dans le monde. Nous sommes fiers de cette réalisation. Le pays hôte, la Chine, a le Parlement le plus imposant du monde, avec près de 3 000 députés, et 21 p. 100 des législateurs sont des femmes.

En février 1997, l'UIP tiendra à New Delhi un symposium qui portera sur le partenariat des hommes et des femmes en politique. L'un des ateliers portera sur la formation des candidats, et un autre sur le financement des campagnes électorales. Je suis convaincu que les parlementaires canadiens contribueront utilement à ces échanges. Le premier article à l'ordre du jour de notre conférence était «Promotion d'un plus grand respect et d'une meilleure protection des droits de la personne en général, et plus particulièrement des droits des femmes et des enfants.»

Mme Barnes et Mme Picard ont pris part au débat sur cette question au deuxième comité des questions parlementaires, juridiques et de droits de la personne. Heureusement, nous avons pu faire adopter quelques éléments de notre ébauche de résolution dans la résolution finale de la conférence.

Les éléments retenus visaient les instituts nationaux de défense des droits de la personne, la violence conjugale, l'aide au développement et le rôle des délégations non gouvernementales.

Le deuxième sujet à l'ordre du jour était «Mesures et stratégies visant à protéger le droit de manger en cette période de mondialisation de l'économie et de libéralisation des échanges commerciaux». Cette question a été inscrite à l'ordre du jour notamment en raison du sommet qu'allait tenir l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture à Rome, à la mi-novembre. En abordant cette question à Beijing, l'Union interparlementaire se préparait à contribuer aux délibérations qui auront lieu à Rome.

Au cours des travaux du troisième comité sur les questions économiques et sociales, M. Peric et le sénateur Di Nino sont tous deux intervenus. Des représentants de treize pays, y compris du Canada, ont été choisis pour siéger au comité de rédaction. C'est M. Peric qui nous a représentés. Encore une fois, plusieurs éléments du projet de résolution du Canada ont été retenus.

À chaque conférence, les participants peuvent voter pour faire inscrire une question supplémentaire à l'ordre du jour. Toutefois, l'ordre du jour est ainsi fait que seule une question supplémentaire peut être inscrite à l'ordre du jour régulier de chacune des conférences. À certaines conférences, il y a eu jusqu'à huit propositions de question supplémentaire. Comme une seule question peut être choisie, la compétition est féroce.

La question des mines antipersonnel a été soulevée pour la première fois par la délégation belge de l'UIP au début de 1995, lorsque ce groupe a proposé la tenue d'un débat portant sur «L'interdiction à l'échelle mondiale de l'utilisation, de la production, du stockage, de la vente, du transport, du déplacement et de l'exportation de mines antipersonnel».

Bien que la question des mines antipersonnel n'ait pas fait l'objet d'un débat complet à la conférence de Madrid, dans une résolution adoptée par consensus à la suite d'un débat plus général sur les défis que représentent les conflits armés et les catastrophes technologiques, la conférence «...exhortait les États à interdire l'utilisation des mines antipersonnel et des armes à laser aveuglant au cours de la révision de la Convention de 1980 sur l'interdiction de certaines armes classiques».

La résolution prévoyait en outre que, en attendant que ces armes soient absolument interdites, les États devraient exiger que toutes les mines antipersonnel soient équipées d'un bon mécanisme d'autodestruction; interdire toutes les mines qui ne peuvent pas être repérées facilement et recommander des spécifications à cette fin; étendre la convention à tous les conflits intérieurs et prévoir des mécanismes efficaces d'application qui reposent sur un contrôle international indépendant; et interdire les armes au laser aveuglant dans un autre protocole.

Plus tard en 1995, une session spéciale du conseil d'administration de l'Union interparlementaire a été tenue à l'Assemblée générale des Nations Unies pour débattre de questions de coopération internationale à la veille du XXIe siècle. Dans la déclaration solennelle qui a alors été adoptée, toujours à l'unanimité, les membres de l'UIP ont réaffirmé leur conviction qu'il n'est tout simplement plus possible d'accepter que l'on continue à se servir de mines et qu'il est urgent d'interdire complètement la production, la vente et l'utilisation des mines antipersonnel.

On a essayé d'obtenir un débat approfondi sur les mines antipersonnel à deux autres conférences de l'UIP, dont une qui était parrainée par les délégations belge, britannique, canadienne et suisse, en avril dernier, à Istanbul. La conférence a opté pour une proposition égyptienne sur le terrorisme. Je dois expliquer que, dans ce cas particulier, des événements extérieurs ont influencé le vote. En effet, comme l'Égypte venait, le mois précédent, de tenir le Sommet des chefs de gouvernement sur le terrorisme à Sharm el Sheikh, les délégués étaient particulièrement sensibilisés à cette question.

Toutefois, le sentiment général était que l'UIP devait faire une autre déclaration sur les mines antipersonnel au nom des parlementaires, surtout que notre conférence précédait immédiatement la tenue à Genève de la dernière conférence d'étude concernant la Convention sur certaines armes conventionnelles. J'ai présidé le groupe des douze et plus, un groupe géopolitique de l'UIP composé des pays de l'Union européenne plus le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. En tant que président, j'ai rédigé une pétition prévoyant que l'on cesse d'utiliser les mines antipersonnel et que la Convention de 1989 soit renforcée. Plus de 250 parlementaires du monde entier ont signé la pétition, que le comité international de la Croix-Rouge a présentée à Genève.

Nous avons acquis la certitude que l'appui à l'interdiction mondiale des mines antipersonnel allait en augmentant. Pour que ce mouvement s'étende encore davantage, nous avons intensifié notre campagne afin qu'un débat complet sur cette question ait lieu à la prochaine conférence de l'UIP qui devait se tenir à Beijing, à la mi-septembre. Nous avons aussi vu là une occasion d'appuyer les initiatives prises par le ministre des Affaires étrangères du Canada, celui-ci ayant annoncé la tenue d'une conférence à Ottawa, au début d'octobre, conférence devant permettre l'élaboration de stratégies visant une interdiction complète des mines antipersonnel.

Compte tenu du fait que nous avions l'appui du groupe des douze et plus et afin de garantir le succès de cette entreprise, nous avons décidé d'écrire à chacun des quatre autres groupes géopolitiques - les pays arabes, africains, latino-américains et ceux de l'Asie et du Pacifique - ainsi qu'aux ambassadeurs de tous les pays ayant des représentants au Canada. Nous leur avons fait part de l'appui croissant exprimé en faveur d'une interdiction complète et nous leur avons signalé que, il y a environ un an, à peu près 13 pays appuyaient cette idée, alors que le nombre des pays maintenant en faveur était supérieur à 60. La réponse a été extrêmement positive. En outre, nous avons travaillé avec l'organisation non gouvernementale «Mines Action Canada», pour inciter les gens à appuyer notre initiative.

Le projet de résolution canadienne concernant les mines antipersonnel était disponible dans les langues qui sont utilisées lors des discussions dans le cadre des conférences de l'UIP, c'est-à-dire en anglais, en français, en espagnol et en arabe.

À la conférence de Beijing, la délégation allemande a aussi présenté une résolution proposant un débat sur le déminage. Comme le projet de résolution du Canada contenait plusieurs paragraphes sur le déminage, j'ai proposé aux membres de la délégation allemande que nous travaillions ensemble et ils ont accepté. Nous avons fusionné nos deux propositions et les avons intitulées «Interdiction mondiale des mines antipersonnel et nécessité de procéder au déminage à des fins humanitaires». Heureusement, je peux dire que notre proposition fusionnée a été retenue pour être débattue à Beijing. Le député Herb Dhaliwal a pris la parole au nom du Canada lors du débat et il a ensuite fait partie du comité de rédaction.

La résolution préparée par le comité de rédaction a été adoptée en séance plénière, sans faire l'objet d'un vote. Trois pays, Cuba, la Libye et le Vietnam, ont exprimé une réserve à propos de l'ensemble de la résolution. Quant à la Chine, elle a exprimé une réserve au sujet du premier paragraphe de fond.

Il y a environ un mois, j'ai participé à une table ronde sur «les mines antipersonnel et la communauté internationale», lors de la conférence sur les mines antipersonnel qui a eu lieu récemment à Ottawa.

À cette occasion, j'ai pu contribuer au travail du groupe canadien de l'UIP en mettant cette question en évidence. Il y a deux semaines, j'ai participé à une autre réunion de l'UIP sur les mines antipersonnel, qui avait lieu cette fois au moment de la journée annuelle des parlementaires aux Nations Unies. J'en ai profité pour parler de la déclaration d'Ottawa sur les mines antipersonnel que 50 pays ont déjà signée. Notre tâche en tant que membres de l'UIP est de convaincre les autres délégations de l'UIP qui ont appuyé notre résolution à Beijing de prendre des mesures concrètes pour appuyer la déclaration d'Ottawa. Je crois fermement que l'UIP a joué un rôle de premier plan en suscitant le débat sur la question d'une interdiction totale des mines antipersonnel. Nous sommes fiers de nos réalisations.

À chaque conférence, il se tient un débat général sur la situation politique, économique et sociale dans le monde. Les délégués ont alors l'occasion de parler sur un sujet de leur choix. J'en ai profité pour soulever la question de la transparence dans le financement des élections. C'est un sujet que le groupe canadien a proposé pour la prochaine conférence à Séoul.

Je voudrais également signaler le rapport de la Commission des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP. L'une des principales activités de l'union a été sa défense constante des droits de l'homme des parlementaires, qui ont été soumis à des actions arbitraires à cause de leur travail en tant que législateurs.

À chaque conférence, cette commission soumet un rapport sur les cas à l'étude, soit 135 cette fois-ci. Pendant la première phase de l'examen, le travail de la commission est strictement confidentiel. Si, toutefois, un règlement satisfaisant n'est pas atteint durant une période d'une durée raisonnable, les cas sont renvoyés au Conseil interparlementaire pour que ce dernier intervienne publiquement à cet égard.

Des violations des droits de l'homme de 109 parlementaires ou ex-parlementaires de 13 pays ont été formellement soulevées à Beijing: un en Albanie, 31 au Burundi, 6 au Cambodge, 8 en Colombie, 3 en Gambie, un au Guatemala, un au Honduras, 2 en Indonésie, 29 au Myanmar, 7 au Nigeria, 3 au Togo, un en Tunisie et 16 en Turquie.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de devoir interrompre le sénateur Bosa, mais son temps de parole est écoulé.

A-t-il la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Bosa: En plus de la conférence, l'Association des secrétaires généraux des parlements tient ses propres réunions. Notre greffier, Paul Bélisle, et ses collègues des autres pays ont participé à des séances sur des questions d'organisation et de procédure telles que l'immunité des témoins, l'administration d'un parlement et la formation du personnel.

Dans le rapport qu'il a présenté à la conférence, le président du comité des droits de la personne a souligné l'importance d'appuyer les mesures prises par les groupes nationaux affiliés à l'UIP pour réaliser des progrès dans ce domaine. Nous pourrions peut-être voir comment assurer un suivi dans de tels cas.

L'UIP est l'organisation mondiale des parlements des États souverains.

J'espère que le compte rendu que j'ai fait ici aujourd'hui vous a montré comment l'UPI travaille sur des questions d'intérêt international et comment elle aide à établir un consensus parmi les parlementaires sur ces grandes questions.

L'UIP a toujours été à l'avant-garde des questions internationales. Un diplomate canadien, Thomas Delworth, m'a dit un jour que, si on voulait savoir de quoi les parlementaires discuteraient dans trois ou quatre ans, on n'avait qu'à consulter l'ordre du jour de la conférence de l'UIP.

(Sur la motion du sénateur Berntson, au nom du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 6 novembre 1996, à 13 h 30.)


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