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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 50

Le mercredi 6 novembre 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 6 novembre 1996

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Guerre et souvenir

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui de souvenir. Lorsque j'étais enfant, mon père m'a appris à me souvenir de ceux qui ont fait l'ultime sacrifice pendant la Première Guerre mondiale, en particulier d'un oncle qui y avait perdu la vie plusieurs années avant ma naissance.

Je me souviens aujourd'hui de mes amis et camarades d'école qui ont fait le même sacrifice pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment le capitaine d'aviation Ted Tyndal, qui était mon meilleur ami, le capitaine d'aviation Campbell McKinnon et le capitaine d'aviation Bob Chambers. Nous étions tous membres de la même équipe de championnat de hockey à l'école secondaire, à Winnipeg, pendant l'année scolaire 1938-1939.

Je me souviens également de plusieurs officiers et militaires de la marine avec qui j'ai servi au Canada, en Angleterre et en France et, en particulier, l'officier supérieur de la vedette lance-torpilles Flotilla et de plusieurs de ses membres d'équipage qui ont été tués par le feu d'un chalutier allemand juste au large de Hoek van Holland, en février 1944. J'étais alors prêté à la Royal Navy et je servais sur une canonnière à moteur qui se trouvait à vingt mètres à peine derrière la vedette lance-torpilles, qui a essuyé la majeure partie du feu du chalutier.

J'avais cru tout d'abord que tous les membres d'équipage avaient péri dans l'explosion de leur navire, mais le lendemain, nous avons appris que le premier officier et quelques membres d'équipage qui ne se trouvaient pas sur la passerelle au moment du désastre avaient survécu et avaient réussi à ramener leur navire lourdement endommagé. Par ailleurs, l'officier supérieur n'avait que 21 ans et on lui avait décerné la Croix du service distingué.

(1340)

Je me souviens du lieutenant David Killam, DSC, de Vancouver, et du lieutenant Michael Hunt, de l'Ontario, ainsi que de quelques-uns des membres d'équipage. Leur vedette lance-torpilles a été coulée à la tête de plage, une journée ou deux après le jour J.

Je me souviens du lieutenant William Hall, de Winnipeg, qui servait à bord de la vedette lance-torpilles no 462, en janvier 1945, le navire à bord duquel j'ai été premier lieutenant à partir de son armement, en mars 1944, jusqu'en novembre 1944. Bill a été tué, en même temps qu'un certain nombre de nos membres d'équipage, quand 12 vedettes lance-torpilles ont explosé dans le port d'Ostende, en Belgique. Soixante autres marins, Canadiens et Britanniques, ont été tués cette fois-là.

Je me souviens aussi de plusieurs autres qui sont morts sous les tirs ennemis, en mer et dans les airs.

Je me souviens de la dévastation causée à Londres par les bombes V1 et V2. Les V1 étaient des bombes robots, et on pouvait les voir et les entendre venir. Dès que leurs moteurs étaient arrêtés, on savait qu'il n'y en avait plus que pour quelques secondes avant l'explosion. Au contraire, les V2 ne donnaient aucun avertissement. Tout ce qu'on entendait, c'était l'explosion.

C'est important de se souvenir de tout cela, et les générations qui suivent devraient aussi s'en souvenir. J'ai trouvé dans un article, il y a quelques jours, une très bonne explication des raisons de ne pas oublier. L'auteur parle de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Il écrit:

Nous devons nous souvenir. Si nous oublions, le sacrifice de plus de 100 000 vies canadiennes ne voudra plus rien dire. Ces gens sont morts pour nous, pour défendre leur foyer, leur famille et leurs amis, pour préserver un ensemble de traditions auxquelles ils tenaient et un avenir auquel ils croyaient. Ils sont morts pour le Canada. C'est dans notre conscience nationale collective que leur sacrifice prend tout son sens. Notre avenir est leur monument.

Je termine mes observations en lisant ces lignes écrites par Laurence Binyon sur ceux qui sont morts au combat durant la Première Guerre mondiale:

 

Ils ne vieilliront pas comme nous, à qui il est laissé de vieillir;
Le passage des années ne les fatiguera pas,
et ils ne ploieront pas sous le poids des ans.
Quand viendra l'heure du crépuscule et celle de l'aurore,
Nous nous souviendrons d'eux.

La taxe sur les produits et services

L'impact de la taxe de vente harmonisée
sur les marchands et les consommateurs
des provinces de l'Atlantique

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, on a fait croire aux habitants du Nouveau-Brunswick que les libéraux élimineraient la TPS. Il y a cependant une grande différence entre éliminer une taxe et la dissimuler dans le prix.

Au premier abord, la nouvelle taxe harmonisée semble être une affaire, étant donné que le taux combiné de 15 p. 100 est inférieur à celui de 18 p. 100 que nous payons actuellement. Toutefois, la nouvelle taxe s'appliquera à de nombreux produits et services qui, aujourd'hui, ne sont pas taxés au Nouveau-Brunswick - les livres, le carburant, l'électricité, les vêtements de moins de 100 de dollars, les services funéraires, les coupes de cheveux, pour ne citer que quelques exemples.

Quand le gouvernement d'Ottawa a introduit la TPS, il a étendu le crédit de taxe sur les ventes qu'il accorde aux personnes à faible revenu, lesquelles n'avaient donc pas à payer plus en vertu de la nouvelle taxe qu'en vertu de la taxe cachée qu'elle remplaçait. Avec la nouvelle taxe harmonisée du Nouveau-Brunswick, les personnes à faible revenu qui dépensent un plus grand pourcentage de leur revenu pour l'achat de produits actuellement exemptés de la TVP auront plus à débourser. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick n'a encore donné aucun détail sur les mesures qu'il prendra pour aider ces personnes.

Les gouvernements locaux paient maintenant des taxes sur les services qu'ils sous-traitent. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick refuse de les indemniser, ce qui risque de faire augmenter l'impôt foncier.

La TPS fédérale prévoit un abattement de la taxe sur les habitations neuves. Contrairement au gouvernement de la Nouvelle-Écosse, le gouvernement du Nouveau-Brunswick refuse d'offrir un tel abattement, ce qui va faire monter le prix des habitations neuves.

Honorables sénateurs, ne vous y trompez pas. L'inclusion de la taxe dans le prix va entraîner une augmentation des frais généraux des entreprises dans ma province.

En avril prochain, les détaillants seront tenus de changer à leurs propres frais les prix de tous les articles sur les rayons. Je plains le commis qui va devoir changer les prix sur des centaines de cartes Hallmark. Cela va peut-être étonner les responsables des ministères fédéral et provinciaux des Finances, mais beaucoup de marchandises arrivent au magasin avec leur prix déjà indiqué - un prix qui ne comprend pas la taxe.

À l'avenir, l'une de deux choses peut se produire. Dans certains cas, les marchandises envoyées au Nouveau-Brunswick, à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve devront avoir un emballage et un code à barres différents de ceux pour les marchandises qui sont envoyées dans les autres provinces, ce qui fera augmenter les coûts de distribution. Je parie qu'en bout de ligne, ce sont les consommateurs qui absorberont cette augmentation. Dans les autres cas, les détaillants devront, à leurs frais, modifier les étiquettes de marchandises qu'ils auraient, autrement, placées directement sur les étagères. Quel que soit le scénario, le coût d'être en affaires dans le Canada atlantique est sur le point de monter en flèche. Tôt ou tard, cela aura des répercussions sur les prix.

Par ailleurs, pour les détaillants nationaux, le coût d'impression des encarts et des catalogues est sur le point d'exploser. Canadian Tire, par exemple, va maintenant devoir faire imprimer quatre catalogues au lieu de deux; un en anglais et un en français pour presque tout le Canada atlantique, ainsi qu'un en anglais et un en français pour le reste du Canada.

Pouvez-vous imaginer la confusion lorsque les habitants du Nouveau-Brunswick écouteront à la radio ou à la télévision des réclames en provenance d'autres provinces? J'ai hâte de voir comment les chaînes de téléachat s'en sortiront.

Les changements en cours au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve ne peuvent que créer des tensions avec le reste du pays. Les entreprises de l'extérieur qui font affaire dans ces trois provinces devront percevoir et verser les deux taxes. Une telle obligation n'existera pas pour les marchands des trois provinces ayant harmonisé leurs taxes qui vendent dans le reste du pays. Ceci risque...

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Cohen, mais les trois minutes qui vous sont allouées sont expirées.

Honorables sénateurs, permettez-vous au sénateur Cohen de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cohen: Je vous remercie, honorables sénateurs.

Cette mesure pourrait bien être considérée comme un obstacle aux échanges interprovinciaux et faire l'objet de rétorsion.

Honorables sénateurs, je pourrais concevoir que les provinces qui le désirent harmonisent leurs taxes de vente; je pourrais également concevoir que la taxe soit incluse dans le prix si toutes les provinces le faisaient en même temps et si la taxe était la même partout.

Honorables sénateurs, le gouvernement du Nouveau-Brunswick devrait faire subir à la TVH le sort que Jean Chrétien avait promis à la TPS: il devrait l'éliminer.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je suis toujours étonné d'entendre les commentaires formulés à la Chambre au sujet des politiques des gouvernements provinciaux. Nous venons justement d'entendre des commentaires et des réflexions de cet ordre.

En passant, je dois dire que les propos de l'honorable sénateur sont une copie conforme des observations que le sénateur DeWare a faites, la semaine dernière, en réponse à un discours que j'avais prononcé. Quel est l'intérêt de répéter ce genre de choses? Nous devons quand même payer cette taxe infâme qui a été imposée à la population canadienne par le gouvernement précédent.

Le sénateur Lynch-Staunton: Débat.

Le sénateur Corbin: Je n'amorce pas un débat, je cite des faits et je fais une déclaration personnelle toute simple.

Peut-être vais-je répéter certains commentaires que j'ai déjà formulés la semaine dernière, mais la réalité, c'est que le gouvernement ne connaissait pas à l'avance l'ampleur de la dette que lui léguerait le gouvernement antérieur. Dans toute la mesure où il a promis d'examiner la question de la taxe sur les livres, le gouvernement a pris un engagement, il a pris des mesures, il a fait des progrès, il s'attaque d'abord aux questions les plus pressantes et il continuera sur cette voie jusqu'à ce qu'il règle le problème qu'a créé l'imposition de la TPS par le gouvernement précédent.

Le sénateur Cohen: Puis-je répondre, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période est consacrée aux déclarations de sénateurs, pas au débat. Le Règlement est très clair sur ce point. Les sénateurs sont libres de faire des déclarations, bien entendu, mais, ce faisant, ils ne doivent pas faire référence aux déclarations d'autres sénateurs. Les seules interventions recevables sont les déclarations sans discussion.

 


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable John B. Stewart, président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, présente le rapport suivant:

Le mercredi 6 novembre 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères a l'honneur de présenter son

 

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 30 octobre 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

 

Le président,
JOHN B. STEWART

Son Honneur le Président: Quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Grafstein, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 


(1350)

 

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

L'absence du leader du gouvernement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme tous les honorables sénateurs peuvent le constater, le fauteuil voisin du mien est encore vacant. Cette absence involontaire du sénateur Fairbairn est due à la maladie. Comme tous les honorables sénateurs le savent pertinemment, si elle pouvait être ici, la ministre serait présente. Nous espérons qu'elle ira mieux et sera des nôtres dès demain.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je demanderais, au nom de nous tous, que le leader adjoint transmette tous nos voeux au sénateur Fairbairn à l'occasion de son anniversaire qu'elle célèbre aujourd'hui.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir de le faire. Non seulement vais-je lui transmettre vos voeux, mais je vais lui dire que vous avez été unanimes cette fois-ci.

 

Dépôt de réponses à des questions au Feuilleton

Les accords sur l'aéroport Pearson-Rapport Nixon

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 55 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 

Le Comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson-Assistance juridique

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 56 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 

Accords sur l'aéroport Pearson-Assistance comptable

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 57 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 

Accords sur l'aéroport Pearson-Assistance de la fonction publique fédérale

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 58 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 

Accords sur l'aéroport Pearson-Poursuites judiciaires

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 59 inscrite au Feuilleton par le sénateur Tkachuk.

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur l'extraction du
quartz dans le Yukon
La Loi sur l'extraction
de l'or dans le Yukon

Projet de loi modificatif-Troisième Lecture

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-6, loi modifiant la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon, soit lu une troisième fois.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une troisième fois et adopté.)

 

Terre-Neuve

LES CHANGEMENTS APPORTÉS AU SYSTÈME SCOLAIRE-
LA MODIFICATION DE LA CLAUSE 17 DE LA CONSTITUTION-
LE RAPPORT DU COMITÉ-MOTION
D'AMENDEMENT-SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyé par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente», des mots:

Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa i) et le remplacer par les mots «là ou le nombre le justifie.»

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cogger, appuyé par l'honorable sénateur Bolduc: Que la motion d'amendement soit modifiée par substitution aux mots «avec l'amendement suivant:» des mots «avec les amendements suivants: a)», par suppression du point à la fin de l'amendement et par adjonction des mots suivants:

«b) Supprimer les mots «d'y régir» à l'alinéa c) de la clause 17 et y substituer les mots «d'y déterminer et d'y régir».»

L'honorable Eugene Whelan: Honorables sénateurs, certains pourraient se demander pourquoi je me précipite dans ce terrain miné. Pourtant, je dois dire que je suis heureux de prendre la parole au sujet de la modification proposée à la clause 17.

Ceux d'entre vous qui ont lu mon livre savent que j'ai commencé ma carrière comme membre élu du Conseil des écoles séparées du canton d'Anderdon, près d'Amherstburg, en Ontario, une ville qui célèbre son bicentenaire cette année. Cette ville se trouve à l'emplacement du fort Malden, où l'on trouvait 1 000 habitants alors que la ville de Détroit avait un avant-poste britannique de trois soldats. C'est là que nous avons arrêté les Américains, lors de la guerre de 1812.

J'ai été élu membre de ce conseil scolaire il y a bien longtemps, alors que je n'avais que 21 ans. Cependant, l'objectif fondamental de l'enseignement n'a pas changé. Il s'agit encore d'aider les jeunes Canadiens à parvenir à l'excellence dans le domaine qu'ils se sont choisi et à les équiper pour conduire ce pays maintenant et le siècle prochain. Nous savons tous que les défis auxquels font face nos élèves sont plus grands qu'ils ne l'ont jamais été. La mondialisation de l'économie signifie qu'ils doivent être équipés pour soutenir la concurrence du monde entier. La tâche que nous donnons à nos éducateurs est plus difficile qu'elle ne l'a jamais été.

Je suis catholique romain. Je suis allé à une école qui avait été fondée par ma grand-mère. Elle avait fait la quête dans la communauté et avait fait construire une école en rondins sur la ferme de M. Cunningham parce qu'elle ne possédait pas de terres. La seule personne de l'endroit qui pouvait lire et écrire est devenue l'instituteur. Cela devait être une école catholique, mais, parce qu'elle était plus près, d'autres familles y ont envoyé leurs enfants également. Les agriculteurs qui étaient membres du conseil scolaire à cette époque ne se préoccupaient pas de ces choses-là. Ils partageaient leurs installations d'enseignement dans l'esprit canadien, tout comme ils avaient construit le pays.

Permettez-moi de dire en toute humilité que j'ai également reçu une médaille le 25 mars 1990. La médaille d'or de la culture chrétienne m'a été remise par le collège Assumption de l'Université de Windsor, en reconnaissance du dévouement envers un mode de vie chrétienne qui caractérise mes oeuvres. Comme tout Canadien et, surtout, quelqu'un qui fait également partie d'une minorité religieuse, je suis très conscient du risque de tyrannie provenant de la majorité qui s'oppose à un ou plusieurs groupes minoritaires.

Honorables sénateurs, je suis convaincu que la clause 17 proposée n'opprime aucun groupe minoritaire. Modifie-t-elle le statu quo? Bien sûr que oui. Cependant, le fait que les droits des minorités soient touchés par la modification ne signifie pas qu'une minorité, quelle qu'elle soit, sera opprimée. Comme l'ont dit les juristes indépendants qui ont comparu devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, il s'agit là de la question cruciale que nous devons examiner.

Actuellement, sept confessions religieuses sont protégées à Terre-Neuve. Il s'agit des confessions catholique romaine, anglicane, de l'Église unie, presbytérienne, de l'Armée du Salut, adventiste et pentecôtiste. Les pouvoirs qu'ont ces sept confessions non élues et protégées sur l'enseignement sont extrêmement étendus.

(1400)

À propos des différents groupes religieux, je me souviens d'un étranger qui a visité le Canada pour voir comment nous vivons. Lorsque je l'ai amené dans ma ville natale d'Amherstburg, il a voulu savoir combien il y avait de confessions religieuses et comment elles enseignaient leur religion. Je l'ai promené en voiture et lui ai montré les 12 différentes églises de notre ville, qui comptait une population d'environ 8 000 habitants. Il a voulu savoir quelle influence elles avaient sur les politiciens. J'ai dit que nous les écoutions et que, si nous n'étions pas d'accord avec elles, nous le leur disions. Lorsque je me rends à mon église, même si le sermon que j'y entends ne me plaît pas, j'estime qu'il s'agit néanmoins d'un endroit merveilleux pour méditer sur ce que je dois faire le lendemain au Parlement ou dans ma vie personnelle. Cet homme ne pouvait pas croire que nous vivions dans une telle liberté avec la possibilité d'exprimer si librement notre opinion. Il est retourné chez lui et a tenté de mettre ce régime en oeuvre dans son pays. C'était en 1983. Cet homme s'appelle Mikhail Gorbatchev. Il ne pouvait pas comprendre la liberté dont nous jouissions. Il a dit qu'il n'aurait jamais cru combien nous étions libres de vivre notre foi s'il n'était pas venu au Canada et ne l'avait pas vu de ses propres yeux.

En particulier, lorsqu'il est question de ces confessions, la Constitution leur garantit à toutes le droit à des crédits publics par habitant pour fins d'immobilisation. Comme le sénateur Rompkey l'a précisé en parlant de ses propres expériences, lorsqu'un surintendant de l'enseignement veut construire une nouvelle école, la personne en question ne s'adresse pas au gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, même si c'est le gouvernement qui perçoit les impôts et doit rendre des comptes aux Terre-Neuviens sur la façon dont il dépense les deniers publics. Le surintendant de l'enseignement doit s'adresser au conseil scolaire confessionnel pour obtenir la permission. Du fait du droit prévu dans la Constitution à une part par habitant des crédits consacrés à l'enseignement, chaque fois qu'on effectue des dépenses en capital pour une confession, on doit offrir en contrepartie des crédits comparables par habitant à chacune des autres confessions protégées.

Honorables sénateurs, ce système fonctionne bien lorsqu'on peut compter sur des fonds illimités. Cependant, il ne peut tout simplement pas fonctionner dans la situation économique actuelle, surtout à Terre-Neuve et au Labrador.

Ceux d'entre vous qui suivent ce qui se passe en Ontario sous le gouvernement actuel savent ce que fait le gouvernement conservateur de l'Ontario en ce qui concerne l'enseignement. Sans avoir reçu le mandat pour ce faire de l'électorat, je crois que le gouvernement provincial de l'Ontario peut compter sur l'appui de la majorité des Ontariens pour modifier en profondeur le système d'enseignement en Ontario.

Honorables sénateurs, les pouvoirs des conseils confessionnels ne se portent pas simplement sur la construction d'écoles. Les commissions scolaires ne peuvent acquérir des biens ou en disposer ou encore emprunter plus de 5 000 $ sans obtenir auparavant l'approbation du conseil scolaire confessionnel approprié. On ne peut modifier les limites des districts scolaires sans l'approbation des conseils scolaires confessionnels. Les conseils scolaires confessionnels doivent approuver les constitutions des commissions scolaires. Ils doivent également recommander les commissaires d'écoles. On a aussi besoin de leur approbation pour dissoudre une commission scolaire ou même révoquer un commissaire. Les commissions scolaires doivent soumettre des relevés de comptes annuels aux conseils scolaires confessionnels. Tous ceux qui veulent enseigner dans la province doivent obtenir l'approbation de l'un de ces conseils avant de pouvoir recevoir un certificat d'enseignement de la province.

Ce sont des droits très étendus, et les membres de ces conseils ne sont même pas élus. Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador veulent modifier cette structure. Ils souhaitent que ces droits soient exercés par des représentants élus et tenus de rendre des comptes, les membres de l'assemblée législative. Ne serait-il pas ironique que le Sénat, une institution non élue, fasse fi des souhaits de deux assemblées élues pour que les conseils confessionnels non élus puissent conserver leurs pouvoirs actuels dans le domaine de l'enseignement à Terre-Neuve?

Honorables sénateurs, on n'est pas arrivé à la proposition dont nous sommes saisis du jour au lendemain. Elle n'a pas été élaborée à huis clos, sans des consultations publiques très larges. Cette proposition était le fruit de plusieurs années de débat public. En fait, la commission royale de Terre-Neuve, qui a examiné la situation dans le domaine de l'éducation à Terre-Neuve et au Labrador, a tenu ses premières audiences en novembre 1990, soit il y a exactement six ans. Un débat public a eu lieu parce que, selon le chef conservateur de l'opposition officielle de Terre-Neuve, la commission royale a jugé que la clause 17 existante empêchait le gouvernement de réaliser des économies atteignant facilement quelque 14,5 millions de dollars par année. Il y a eu des discussions avec les représentants des Églises. On a tenu un référendum et, tout dernièrement, des élections générales portant notamment sur cette modification constitutionnelle.

Les Terre-Neuviens ont répété à maintes reprises qu'ils voulaient cette modification.

Il faut dire clairement que la clause 17 qui est proposée ne mettra pas un terme au rôle que jouent les Églises dans l'éducation à Terre-Neuve et au Labrador. Devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le ministre de l'Éducation, l'honorable Roger Grimes, a déclaré que la longue et fière participation des Églises dans le domaine de l'éducation de sa province ne serait pas interrompue par suite de cette modification.

Honorables sénateurs, la nouvelle clause 17 est explicite. L'alinéa a) prescrit ce qui suit:

[...] sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au ler janvier 1995...

Le terme «confessionnelles» se rapporte aux sept religions que j'ai mentionnées tout à l'heure...

[...] conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école...

Honorables sénateurs, nous avons été proches dans l'enfance et à l'âge adulte. Nous pouvons prier ensemble ou séparément. Nous avons lutté ensemble. Nous avons combattu côte à côte dans des guerres sans tenir compte de nos antécédents religieux et c'est sur cette philosophie que nous avons bâti l'un des plus beaux pays du monde.

Honorables sénateurs, comme d'autres l'ont déclaré au cours de ce débat et devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, il s'agit de droits considérables. Il est question des valeurs fondamentales que revêtent les droits confessionnels définis par la Cour suprême du Canada. Rien dans la clause 17 qui est proposée n'opprime les minorités religieuses. Les religions protégées continueront de bénéficier de droits considérables dans les écoles terre-neuviennes.

De plus, le droit à des écoles uniconfessionnelles sera inscrit dans la Constitution. Dans ces écoles, les autorités religieuses auront, en plus des autres droits, celui d'orienter l'enseignement de certaines matières touchant les croyances religieuses, la politique d'inscription des élèves ainsi que l'affectation et le congédiement des enseignants.

L'adoption de la nouvelle clause 17 aura un effet sur la situation et sur les droits des minorités. Cependant, je défie n'importe qui de me décrire de quelle façon les religions protégées s'en trouveront opprimées.

Le chef de l'opposition officielle à Terre-Neuve, M. Loyola Sullivan, est un catholique romain, un père de trois enfants fréquentant l'école catholique et un ex-enseignant ayant oeuvré durant 20 ans dans le système scolaire catholique. Voici ce qu'il a dit devant le comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles:

Je ne pense pas que cette modification fasse sortir la religion des écoles. Elle retire un certain contrôle à ce sujet, mais pas les pratiques religieuses fondamentales à chaque confession.

Honorables sénateurs, nous avons déjà consacré un long débat à cette question. Je crois juste de dire qu'il a permis à tous d'exprimer complètement et franchement leurs opinions, aussi bien aux témoins qui ont comparu devant le comité qu'aux sénateurs qui sont intervenus ici au Sénat. Certains sénateurs ne sont pas d'accord avec la décision des Terre-Neuviens de réformer leur système d'éducation. Bien sûr, comme cela arrive toujours, il y a des gens à Terre-Neuve qui préfèrent le statu quo. Certains sénateurs estiment que le libellé devrait être changé, et leurs opinions peuvent trouver un appui dans certains milieux de Terre-Neuve et du Labrador.

Notre rôle ne consiste cependant pas à reconsidérer la structure que les Terre-Neuviens souhaitent donner à leur système d'éducation. Il ne consiste pas à imposer nos conceptions de l'éducation à leurs enfants. Nous avons plutôt pour rôle de soutenir notre système démocratique et, à l'intérieur de ce système, nous avons des responsabilités claires mais limitées. Nous, sénateurs, avons la responsabilité de protéger les droits des provinces et des minorités. J'ai parlé des répercussions de cette modification sur les droits des minorités. Celles-ci seront touchées, mais il est évident qu'elles ne seront pas opprimées par la nouvelle clause 17.

(1410)

Je tiens à parler des droits des provinces, qui sont particulièrement importants ici, puisqu'il s'agit d'éducation. Aux termes de la Constitution, l'éducation relève exclusivement des provinces. À titre de fédéraliste soucieux de l'unité du pays, j'ai quelques réserves au sujet de ce pouvoir exclusif, si je compare notre situation à celle de nos voisins du sud, où le gouvernement fédéral exerce un certain contrôle en matière d'éducation et où une loi fédérale exige la prestation du serment d'allégeance au pays tous les matins, avant le début des classes. C'est quelque chose qui ne s'est jamais fait dans la plupart des écoles au Canada, à moins qu'une province ou l'autre n'en ait décidé autrement.

Quoi qu'il en soit, l'Assemblée législative de Terre-Neuve s'est prononcée sur cette question non pas une, mais plusieurs fois. Chaque fois, les élus ont fait connaître leur opinion de façon plus nette. Ils appuient la clause 17 qui est proposée, et ils veulent que le Parlement du Canada adopte cette clause pour qu'ils puissent apporter les changements souhaités dans leur système d'éducation.

La première fois que la résolution a été proposée à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, elle a été adoptée par 31 voix contre 20 lors d'un vote libre, ce qui est une majorité confortable. C'était le 31 octobre 1995. Le 23 mai, les députés ont adopté à l'unanimité une résolution demandant au Parlement du Canada d'étudier rapidement la modification de la clause 17. Plus récemment encore, lorsque le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est rendu à St. John's, les chefs des deux partis d'opposition ont témoigné, appuyant la modification et en réclamant l'adoption.

M. Loyola Sullivan, chef des conservateurs, qui forment l'opposition officielle à Terre-Neuve, a livré un témoignage clair et précis. En expliquant les raisons pour lesquelles les députés conservateurs avaient décidé d'appuyer la nouvelle clause 17, il a signalé avec insistance qu'il importait de respecter la décision prise par l'assemblée législative en octobre 1995. Il a déclaré:

Après avoir soigneusement évalué ces arguments et d'autres, notre caucus a décidé d'appuyer l'adoption de la version révisée de la clause 17. Tout bien considéré, nous sommes convaincus que les points soulevés font pencher la balance en faveur de l'adoption de cette proposition. En outre, ce point de vue est encore renforcé par d'autres arguments reposant sur des événements qui se sont produits depuis que la législature a débattu de cette question en octobre.

Premièrement, nous respectons le vote des députés pris en octobre. N'oubliez pas que le résultat du référendum ne liait pas l'assemblée législative.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Whelan, je suis désolé de vous interrompre, mais vos 15 minutes de temps de parole sont écoulées.

Le sénateur Whelan: Est-ce que je peux avoir la permission de poursuivre?

Son Honneur le Président: Permission accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il peut prendre tout le temps qu'il veut.

Le sénateur Whelan: Merci, honorables sénateurs.

M. Sullivan a poursuivi en ces termes:

Lorsque nous avons entamé le débat sur cette question en octobre, la modification de la clause 17 n'était rien d'autre qu'une proposition que la majorité de la population avait appuyée dans un référendum. Dans la législature, les députés ont défini la question en jeu et présenté leur argumentation.

En tant que députés, beaucoup d'entre nous, après avoir évalué la situation, ont voté conformément au souhait des électeurs de leur circonscription. Il y a eu des votes pour et des votes contre des deux côtés de la Chambre.

Une majorité de députés a finalement choisi la voie de la modification de la clause 17. Cette modification devenait alors plus qu'une simple proposition. C'était la voie choisie par la législature au nom de tous les habitants de Terre-Neuve et du Labrador. Nous nous sommes prononcés et la question est maintenant entre les mains du gouvernement fédéral.

Ces extraits sont tirés des délibérations du comité du 11 juillet 1996.

M. Sullivan a ensuite rappelé au comité l'importance des élections générales qui ont eu lieu dans cette province, qu'il a décrite en ces termes:

Pendant la campagne électorale, les confessions et la population dans son ensemble ont eu l'occasion de contester la position du gouvernement au sujet de la clause 17 et de susciter des controverses à son endroit. Elles ne l'ont pas fait. Pendant cette campagne, il n'y a eu aucun mouvement populaire en faveur de l'annulation de la résolution relative à la clause 17. En renouvelant le mandat du gouvernement, la population de notre province a, en fait, approuvé la stratégie gouvernementale au sujet de la modification de la clause 17.

Par la suite, M. Sullivan a fourni d'autres explications à ce sujet. Il a expliqué que son parti, avant les élections, avait proposé une solution autre qu'une modification constitutionnelle. Toutefois, cette position n'a pas semblé plaire aux partisans. Il a déclaré:

Cette question n'a suscité aucune controverse dans ma circonscription qui est probablement catholique à 97 p. 100. Je n'ai sans doute pas reçu plus de deux ou trois appels ou interventions à ce sujet au cours des trois dernières années dans ma circonscription.

Il y avait de nombreux autres enjeux et cette question était en bas de la liste. Elle n'a même pas été abondamment discutée pendant la campagne. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ce qui s'est passé.

Je répète ce qu'il a dit:

Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ce qui s'est passé. On semblait penser que le gouvernement allait s'engager sur une certaine voie, que c'était apparemment un fait accompli et que la population était disposée à l'accepter. C'est comme cela que j'interprète la situation et c'est ce qui s'est produit.

M. Jack Harris, le chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador, a aussi jugé la question suffisamment importante pour témoigner devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles afin d'exprimer son appui au projet de clause 17. Il a aussi fait cette déclaration durant la campagne électorale:

Comme d'autres l'ont dit, il n'y avait pas à en débattre. Il n'y avait aucune question à se poser au sujet de la déclaration très claire figurant dans le manifeste libéral. Personne n'a tenté de faire obstacle à la clause 17 pendant les élections.

Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'une proposition qui a l'appui de tous les élus de l'Assemblée législative de Terre-Neuve, tant les députés du parti ministériel que ceux des deux partis de l'opposition. Que certains députés aient ou non voté en faveur de cette clause à l'origine n'importe pas: ils appuient maintenant à l'unanimité son adoption. Je pense que nous pouvons tous reconnaître que c'est là un fait très inhabituel. En assumant notre rôle de défenseurs des droits des provinces, nous devons considérer que cet argument pèse très lourd.

Je veux aussi parler brièvement de la motion d'amendement du sénateur Doody. Honorables sénateurs, sa proposition n'a rien de nouveau. Comme en fait foi le compte rendu des délibérations de cette assemblée, elle a été débattue abondamment à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, et elle a été rejetée. Elle minerait tout l'objectif de la modification de la clause 17. Nous savons à l'avance qu'elle n'est pas acceptable pour l'Assemblée législative de Terre-Neuve.

Honorables sénateurs, je voudrais conclure en citant encore une fois un extrait du témoignage du chef de l'opposition officielle de Terre-Neuve et du Labrador, M. Sullivan. Il a dit ceci:

Pour moi, cette décision repose sur la recherche de la meilleure solution pour les enfants de notre province dans une période de difficultés financières et de diminution des effectifs scolaires. Nous voulons fournir la meilleure éducation possible sans éliminer certains droits en matière de religion ou certaines pratiques religieuses qui existent dans notre système scolaire à la suite d'une longue évolution. C'est ce qui était au coeur de la discussion. Notre caucus en a débattu longuement; j'ai personnellement participé à cette discussion. J'ai travaillé à l'intérieur de ce système pendant 20 ans. J'ai trois enfants qui fréquentent ces écoles. J'ai été critique responsable de l'éducation, même si j'occupe maintenant un poste différent. J'ai examiné cette question sous de nombreux angles et dans de nombreuses optiques différentes.

Notre caucus est d'avis que nous devrions aller de l'avant et que c'est dans notre intérêt. Nous ne pouvons pas nous laisser aveugler par d'autres facteurs. Nous devons penser à notre objectif, savoir à quoi nous voulons parvenir et ce que nous devons faire sans nous laisser dissuader. Certaines personnes aimeraient peut-être laisser les événements politiques ou autres influencer leur décision finale, mais il est important de ne pas nous laisser détourner de cette voie parce que ce sont nos enfants qui en souffriraient.

(1420)

Ces délibérations, honorables sénateurs, sont celles du 11 juillet 1996. En toute humilité, je dois dire que c'est là un grand jour pour le Canada. Le 11 juillet est un jour célèbre et cette déclaration a été faite le jour de l'anniversaire d'un Canadien célèbre qui vous remercie maintenant.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à l'honorable sénateur Whelan. En fait, je lui poserai trois questions, la troisième étant plus importante que la première.

Quel est, selon mon honorable ami, le rôle du Sénat? À quoi sert une Constitution? Finalement - mais c'est le plus important -, l'honorable sénateur veut-il dire que la législature de Terre-Neuve s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur de la modification? Vingt députés sur 31 - c'est-à-dire tout le Cabinet - ont voté en faveur de la modification dans le cadre d'un vote libre tenu en octobre 1995.

Le sénateur Rompkey: Il y avait unanimité.

Le sénateur Prud'homme: Je cite les paroles de l'honorable sénateur Whelan, qui a parlé de 20 députés sur 31 lors du vote d'octobre 1995. Si l'honorable sénateur veut en discuter avec moi, qu'il attende que je prenne part au débat et il verra que nous aurons de beaux échanges.

Pour en revenir à ma question, je fais allusion aux paroles du sénateur Whelan, honorables sénateurs. Dans son discours, il a parlé de 20 députés sur 31. C'est ce qu'il a dit. Bien sûr, je n'ai pas rédigé son discours pour lui.

L'honorable sénateur veut-il laisser entendre que si les députés de l'Assemblée nationale à Québec votaient à maintes reprises pour se soustraire à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, ils pourraient le faire en tenant un référendum, au Québec, sur le bien-fondé de soustraire le Québec à l'application de l'article 133? Cet article impose une obligation au Québec, alors que ce n'est pas le cas pour l'Ontario, par exemple.

D'ailleurs, la voisine de mon honorable ami, le sénateur Hervieux-Payette, accompagnée de David Berger et de cinq autres personnes, est allée voir M. William Davis pour le prier d'accepter que cet article 133 s'applique aussi en Ontario. Je m'en souviens très bien. Je me souviens qu'ils ont coincé M. Davis à l'aéroport et lui ont dit: «Faites comme le Québec, appliquez l'article 133.» M. Davis a répondu: «Non, merci». C'est pourquoi j'ai demandé ce qu'il fallait entendre par «Constitution». Est-ce que l'honorable sénateur veut dire que si le Québec en faisait la demande à maintes reprises, s'il obtenait un vote unanime ou majoritaire de l'Assemblée nationale et qu'il tenait un référendum, cela serait assez, pour lui, pour dire au Sénat qu'il faut se débarrasser de l'article 133?

À quoi servent donc les Constitutions? Pourquoi ce droit a-t-il été donné à la population de Terre-Neuve en 1949? Était-ce parce qu'il n'y avait pas assez de votes lors du deuxième référendum et que la promesse de pouvoir garder les écoles confessionnelles suffisait pour faire pencher la balance du côté du Canada? C'est là une question fondamentale.

Le sénateur Whelan: Honorables sénateurs, le résultat du premier vote était de 30 contre 21. Les trois chefs de parti ont appuyé la motion. Je ne crois pas qu'il appartienne au Sénat de faire obstacle à ce genre de mesure démocratique, qu'elle vienne de Terre-Neuve, du Québec ou d'ailleurs. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela. Je ne prétends pas être un spécialiste des affaires constitutionnelles. J'ai dit dans mon discours que j'avais de sérieuses réserves quant aux droits qu'ont les provinces en matière d'éducation. J'ai des parents qui siègent dans des législatures dans différents États aux États-Unis et je sais où leurs enfants vont à l'école. Je sais pourquoi ils sont si attachés à leur pays. De temps à autre, une jeune fille ou un jeune garçon peut tenir un drapeau. Ils l'arborent et ils prêtent le serment d'allégeance dans leurs écoles chaque jour. Nous n'avons rien de semblable au Canada. Nous sommes un pays étonnant. Il est étonnant que nous ayons pu édifier un pays, un pays qui fait l'envie du monde, avec ce genre d'unité.

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, le sénateur Whelan voudra peut-être répondre à une autre question.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la description que le sénateur Whelan a faite du système scolaire de l'Ontario où les gens partagent les écoles. Cela n'est pas une révélation pour moi. La même chose se faisait à Terre-Neuve depuis longtemps avant ma naissance. Les gens partagent les écoles, quelle que soit leur confession.

Cependant, le sénateur Whelan ne voit-il pas une différence entre réorganiser le système scolaire et supprimer un droit que la Constitution a accordé à une minorité? La nouvelle clause 17 prive la population de Terre-Neuve d'une protection qui lui avait été accordée lors de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération. Cette loi supprimera cette protection, et c'est la différence entre la réorganisation du système scolaire et la suppression de droits accordés à une minorité, comme c'est le cas maintenant à Terre-Neuve.

Le sénateur Whelan: Je suis prêt à accepter le point de vue de M. Sullivan, le chef des conservateurs à Terre-Neuve, qui a dit qu'il était plus au courant de la question que moi. J'ai lu quantité d'articles différents sur cette question, et il semble appuyer très fermement cette initiative. Cela me suffit.

Le sénateur Doody: J'espère que le sénateur suivra les conseils des conservateurs sur tout ce qui se produira au cours des prochaines années.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au sénateur Whelan.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a distribué un document avant le référendum. Ce document portait sur le référendum sur l'éducation. Le troisième paragraphe du document se lit comme suit:

Toutefois, les parents peuvent choisir l'école confessionnelle de leur choix là où le nombre d'élèves le justifie...

Telle est l'offre que le gouvernement a faite par écrit à la population durant la campagne référendaire.

Le premier ministre Tobin a parlé sur le même sujet lors d'une entrevue à la radio du réseau anglais de la SRC le 15 mai 1996 avec M. Moscovitz. Au cours de cette entrevue, M. Moscovitz a alors demandé au premier ministre Tobin :

Vous ne vous débarrassez pas des écoles catholiques?

Le premier ministre Tobin a répondu:

Non. Si le nombre le justifie, comme il est proposé dans la modification, si les parents le décident - et tout repose sur la décision des parents - oui, il y a une disposition qui veut que si le nombre le justifie et si les parents se prononcent sur le maintien des écoles confessionnelles...

Comment répondez-vous à ces deux déclarations claires et catégoriques selon lesquelles les groupes ayant droit à des écoles confessionnelles obtiendront la garantie, s'ils appuient ce changement, que leurs écoles confessionnelles resteront ouvertes si le nombre d'élèves le justifie, ce qui est le sens de la modification proposée par le sénateur Doody?

(1430)

Le sénateur Whelan: Comme je l'ai dit plus tôt au sénateur, l'acceptation de M. Sullivan me suffit.

Le sénateur Kinsella: S'il n'y a pas d'autres questions, honorables sénateurs, je vais dire quelques mots à l'appui du sous-amendement que le sénateur Cogger propose qu'on apporte à la résolution visant à modifier la clause 17. Pour ce faire, je vais citer ce que le premier ministre Tobin a dit il y a 16 ans lorsqu'il était député à la Chambre des communes. C'était le 20 novembre 1980. Brian Tobin, alors député, était membre du comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes qui examinait la Constitution. Tout à fait par hasard, je me suis trouvé à témoigner devant ce comité mixte ce jour-là. Brian Tobin a dit ce qui suit:

[...] idéalement, il fallait enchâsser ces deux aspects dans la Constitution. Il devrait ou pourrait être nécessaire ou serait souhaitable que la Loi constitutionnelle de 1980 protège non seulement les systèmes éducatifs des initiatives fédérales, mais également des initiatives provinciales.

Ce soir-là, il y a 16 ans, parlant du système scolaire de Terre-Neuve, Brian Tobin a également dit ce qui suit:

En outre, on pourrait dire que l'Assemblée législative de Terre-Neuve elle-même pourrait techniquement et hypothétiquement modifier le système confessionnel, même si elle n'a pas l'intention de le faire.

Les choses ont vraiment beaucoup changé!

Le sénateur Stanbury, dans le débat sur la motion principale et sur l'amendement du sénateur Doody, a attiré notre attention sur l'alinéa a) proposé de la clause 17, et il m'a également posé des questions à ce sujet. Je lui ai dit que je relirais cette disposition proposée à la lumière de ses questions, et c'est ce que j'ai fait.

Franchement, honorables sénateurs, il est très important que nous lisions ce que dit l'alinéa a) proposé. Cet alinéa commence par les mots:

«sauf dans la mesure prévue à l'alinéa b)...»

et, évidemment, l'alinéa b) proposé parle des droits dont il est question dans l'amendement du sénateur Doody. Le point critique ici, c'est que l'alinéa b) est assujetti à la législation provinciale. C'est ça le problème. Franchement, c'est un problème qui est réglé par l'amendement du sénateur Doody.

Honorables sénateurs, il y a un autre élément que nous n'avons pas encore abordé dans le débat. Je le signale parce qu'il concerne justement l'alinéa a) proposé dont parlait le sénateur Stanbury. En effet, l'alinéa a) fait référence aux écoles confessionnelles, et ces écoles continueront d'avoir le droit de dispenser une éducation religieuse.

Toutefois, honorables sénateurs, c'est précisément le coeur du problème pour ces trois groupes auxquels la Constitution accorde le droit d'avoir des écoles confessionnelles et qui ne veulent pas renoncer à ce droit. Aux yeux de ces groupes, leurs écoles et leur philosophie pédagogique n'ont pas seulement pour rôle de dispenser un enseignement religieux. À la différence des autres écoles, où la religion peut être une matière d'enseignement, ces trois groupes confessionnels qui s'opposent au projet de modification constitutionnelle ne voient pas simplement l'enseignement religieux comme une matière inscrite au programme et enseignée sous l'autorité de la croix et du Vatican. Ces groupes conçoivent l'école et l'éducation dans leur ensemble, comme des parties intégrantes de la foi commune. Les groupes dont il est ici question, à savoir les catholiques, les pentecôtistes et les adventistes, ne conçoivent pas l'enseignement confessionnel uniquement comme une matière à enseigner une demi-heure par jour. Il s'agit, pour eux, d'une philosophie de la vie, d'un mode de vie. L'éducation fait partie intégrante des formes d'expression de ce mode de vie.

Pour nous aider à mieux comprendre, je citerai ici ce qu'écrivait le père Daniel Donovan il y a quelques jours dans The Catholic Register, au sujet de l'enseignement religieux selon la conception catholique:

Si je devais décrire par un seul mot la philosophie de l'enseignement catholique, j'emploierais le mot «holistique». Selon cette philosophie, les étudiants sont des êtres humains à part entière, des personnes possédant des qualités morales, spirituelles et intellectuelles. L'éducation vise à mettre en valeur la connaissance et l'imagination des élèves ainsi que leurs capacités linguistiques et leurs aptitudes en mathématiques. L'éducation a également pour but d'apprendre aux élèves à entretenir des rapports entre eux et à travailler ensemble par la conversation et la collaboration.

Essentiellement, nombre de ces groupes confessionnels estiment qu'ils ont lutté, certains pendant des siècles, pour pouvoir donner à leurs enfants une vision du monde inspirée par leurs traditions religieuses. Que ce soient les mathématiques, la gymnastique ou tout autre sujet généralement considéré comme faisant partie du programme, les exercices et le développement de l'analyse et de la recherche intellectuelles sont reflétés de façon transcendantale à travers leurs convictions, leur foi et leurs traditions particulières - c'est-à-dire quand il y a interaction entre la foi d'un côté et la connaissance de l'autre. La connaissance inspire la foi et vice-versa.

De toute évidence, dans le système laïc, ce n'est pas la même philosophie. Mais, pour ces groupes à Terre-Neuve, c'est la philosophie de l'éducation, et c'est pourquoi ce problème des droits des minorités est tellement important pour chacun d'eux. S'ils laissaient faire et s'ils s'en moquaient, le problème serait différent. Mais c'est une chose pour laquelle ils estiment s'être battus et qui, selon eux, faisait partie des conditions de leur adhésion à la Confédération.

L'alinéa a), dans la modification proposée, traite de leur existence, il dit que sous le nouveau régime des écoles confessionnelles, l'éducation religieuse pourrait être maintenue. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Ce n'est pas pour cela qu'ils se sont battus pendant des siècles.

Honorables sénateurs, je voudrais souligner le fait que notre collègue, le sénateur Whelan, a fait référence à son idée de la Chambre. C'est pour moi une leçon que d'écouter ce qu'il a à dire et de méditer sur ses propos, mais à mon avis, le Sénat, étant donné notre système, est un lieu où la doctrine de la loi du plus fort est vouée à l'échec. Nos délibérations en ce lieu reposent sur le terrain fertile des principes de justice et d'équité. Oui, cette Chambre est un endroit où la raison et le compromis sont fondés sur l'expérience.

Les travaux du Sénat sont axés sur l'histoire du Canada. L'histoire de notre histoire est émaillée d'accords et de traités prestigieux qu'Anglais et Français, catholiques et protestants et diverses régions sont parvenus à signer. Bon nombre de ces accords trouvent leur expression dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la Loi constitutionnelle, la Charte des droits et libertés ou, dans ce cas précis, dans les Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada. La symétrie n'est pas parfaite. Le Canada n'a pas un passé caractérisé par la symétrie. De grands pactes historiques ont permis au pays de connaître le succès qu'il a eu. Nous, au Sénat, avons participé à l'élaboration de certains de ces pactes qui ont établi les droits de ce grand peuple que forment les Canadiens. De grandes réalisations nous viennent à l'esprit, comme la reconnaissance constitutionnelle des deux groupes linguistiques de ma propre province, le Nouveau-Brunswick. Il est évident que la minorité acadienne n'aurait pas pu arriver à un tel résultat si le groupe majoritaire et les représentants en cette enceinte n'avaient fait preuve du leadership nécessaire.

(Sur la motion du sénateur Kirby, le débat est ajourné.)

[Français]

 


Transports et communications

La sécurité des transports-Avis de motion autorisant le comité de siéger
en même temps que le Sénat

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 7 novembre 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à siéger à 15 h 30, le mardi 26 novembre 1996, dans le cadre de son étude sur l'état de la sécurité des transports au Canada, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

 


La Loi sur la radiodiffusion

Projet de loi modificatif-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Whelan, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (politique canadienne de radiodiffusion.).-(L'honorable sénateur Bolduc).

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, est-ce que le sénateur Bolduc consentirait à me céder la parole, quitte à ce que la motion soit à nouveau inscrite en son nom à une séance subséquente?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est entendu que le sénateur Corbin prend la parole et que la motion restera au nom du sénateur Bolduc.

Des voix: D'accord.

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, je ne serai pas très long. Lorsque j'ai quelque chose à dire, je le dis de façon succincte, sans baliverne, sans fleur, sans tourner autour du pot 100 fois.

Je crois que le projet de loi C-216 est un mauvais projet de loi. Avant de commenter davantage, je voudrais remercier le sénateur MacDonald de ses propos de la semaine dernière et de son intérêt dans la question. Je pense qu'il a fait un excellent discours. Il a fait des commentaires qui réchauffent le coeur de certains d'entre nous dans cette Chambre. Je tiens à le remercier et à le féliciter chaleureusement.

Le texte d'une lettre télécopiée à l'honorable Sheila Copps par l'Association des consommateurs du Canada me porte à faire quelques commentaires sur ce projet de loi C-216. Je tiens une copie de cette lettre par l'entremise de l'auteur du projet de loi, M. Roger Gallaway, député de Sarnia-Lambton à la Chambre des communes. Cette lettre est rédigée en anglais. On dit que l'original suivra. Je n'ai pas eu le privilège de lire l'original. J'aimerais bien pouvoir le faire. Mais je pense qu'il faut donner foi à cette copie. Elle ne semble pas avoir été modifiée d'aucune façon.

Cette lettre est signée par Gail Lacombe, présidente nationale et représentante pour le Québec de l'Association des consommateurs du Canada, et par Michael Janigan, Executive Director, Public Interest Advocacy Center du PIAC. Des copies de cette lettre furent envoyées à Roger Gallaway et à l'honorable Eugene Whelan.

Un paragraphe dans la lettre me dérange quelque peu. Je voudrais le citer. Je n'ai pas besoin de citer le paragraphe qui précède, ni celui qui suit. Le sens du troisième paragraphe me semble complet en lui-même. Je cite:

[Traduction]

Il va de soi que les consommateurs canadiens ont le droit de choisir les biens et les services qu'ils vont acheter. Voilà la véritable question, mais elle est masquée par tous ces commentaires fébriles sur la «culture» et les «droits de la langue française».

Le sénateur MacDonald: C'est insultant.

Le sénateur Corbin: Précisément, sénateur MacDonald. Voilà ce qui m'a incité à intervenir aujourd'hui pour dire que je me sens insulté et blessé par de tels commentaires. Je croyais que nous avions dépassé le stade de ce genre de propos dans notre pays. Je ne m'attendais pas à cela de la part d'une association généralement respectée non seulement par les consommateurs canadiens, mais aussi par les gouvernements, qui accordent une certaine crédibilité à l'Association des consommateurs du Canada. Les gouvernements devraient prêter l'oreille aux associations de ce genre et ils le font volontiers à l'occasion, pour tâter le pouls du pays sur diverses questions, que ce soit l'unité nationale ou tout autre sujet.

Franchement, ce commentaire dépasse les limites de ma tolérance personnelle. J'ai du mal à croire que, après 28 ans au Parlement, nous devons encore être confrontés à ce genre de vils commentaires. Il n'y a pas d'autre mot pour cela. C'est à cause de commentaires comme ceux-là que nous devrions renvoyer le projet de loi à un comité. Le comité devrait alors convoquer l'Association des consommateurs du Canada et les porte-parole des Canadiens francophones qui craignent l'incidence qu'aura le projet de loi s'il est adopté dans son état actuel.

Si le Sénat décide de renvoyer le projet de loi à un comité, je crois que ce dernier devrait aussi convoquer le CRTC et les entreprises de câblodistribution.

L'ACC déclare, à la fin du quatrième paragraphe:

Les allégations selon lesquelles l'industrie et le gouvernement ne sont pas entièrement francs à l'égard des consommateurs nous préoccupent.

Je crois que nous devrions convoquer tous les intervenants concernés devant le comité. Le Sénat devrait prendre le temps d'examiner la question objectivement et en profondeur. Notre devoir n'est pas de hâter l'adoption de projets de loi comme celui-ci. Il serait irresponsable d'agir ainsi, à mon avis.

[Français]

(1450)

Ce serait passer à côté de notre obligation de nous attarder sur toute question qui pourrait brimer les droits d'une minorité linguistique, de langue anglaise au Québec ou de langue française ailleurs au Canada.

Honorables sénateurs, si nous ne respectons pas ces données que je considère acquises depuis maintenant un bon quart de siècle, il y a d'autres droits et d'autres privilèges au pays qui pourraient tomber. Nous devons avoir le courage de nous tenir debout pour défendre ce que les gouvernements conservateurs et libéraux ont mis de l'avant au cours de ce dernier quart de siècle. Dieu sait s'il y a des forces qui oeuvrent encore aujourd'hui au pays pour miner, pour détruire ces acquis.

J'ai peut-être pris plus de trois minutes. Mais je suis de ceux qui voudraient que le projet de loi aille en comité. Ce dernier devra prendre le temps qu'il faut pour étudier les témoignages de toutes les parties intéressées. Par la suite, nous prendrons une décision quant à l'avenir du projet de loi, à savoir s'il y a lieu de l'amender, de le laisser mourir au Feuilleton ou de l'adopter.

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'aurais quelques mots à dire sur le principe du projet de loi, à savoir si les compagnies devraient faire des «packages», les envoyer aux gens et exiger qu'ils répondent s'ils ne sont pas d'accord. Je ne puis être d'accord sur ce point. Si c'est le principe de fond, le consommateur doit avoir une liberté de choix: payer à la carte, pas au menu. Payer à la carte à chaque fois que l'on veut quelque chose: quand on va à l'épicerie, on achète à la carte. Si l'on veut acheter des bananes et des oranges, on achète des bananes et des oranges; si l'on ne veut pas de tomates, on n'en achète pas. Rien ne sert de faire des paquets avec des tomates si l'on n'en veut pas. C'est ce qui se passe un peu.

Dans le passé, cela se faisait; c'était une façon d'attirer des clients et de leur forcer la main, en se disant que les gens ne répondraient pas, qu'ils allaient chicaner un peu, mais qu'ils allaient payer.

Sur le principe, je voudrais donc vous exposer ma philosophie; une bonne philosophie libérale, dans le sens traditionnel, pas celle des interventionnistes de l'autre côté de la table. Dans ma philosophie, le consommateur est libre de faire son choix.

Par ailleurs, un journaliste vicieux de Toronto m'a téléphoné hier pour me demander si j'étais pour la liberté des consommateurs. J'ai dit que je l'étais certainement. Il m'a alors dit: «Vous allez voter en faveur du projet de loi?» J'ai répondu: «Une minute! Il y a un autre aspect à considérer.» Si le fait d'agir ainsi a pour effet, dans certains milieux au Canada, soit au Québec ou dans d'autres provinces, de faire en sorte que la technologie et les coûts de l'opération sont tels que s'il n'y a pas un «package», les gens seront privés de services essentiels, particulièrement dans le domaine de l'information, par exemple, dans ce cas précis, si le principe est tel que les conséquences sont néfastes pour un groupe de Canadiens, je suis embêté de voter en faveur de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.

J'appuie le principe de la philosophie économique de l'affaire, mais si cela a un effet contraire, un effet pervers, comme on le dirait en économie, je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas familier avec les procédures du Parlement. Ne pourrions-nous pas étudier ces effets en comité avant de nous prononcer en deuxième lecture sur le principe? Nous faisons face à un principe qui a un volet caché, de sorte que l'on ne sait pas au juste de quoi il s'agit.

Tout comme le sénateur Corbin, j'aimerais bien entendre les témoins, recevoir différents avis à ce sujet et par la suite, nous pourrions nous prononcer. Le journaliste dont je vous parle m'a dit: «Tu as entendu les gars de Montréal, puis c'est final.» Il réglait mon problème de cette façon.

Cela nous rappelle les gens de General Motors qui appuyaient le principe de la concurrence après la guerre, quand General Motors produisait 70 p. 100 des automobiles en Amérique. C'était facile de favoriser la concurrence. Je suis pour la concurrence, «but I am also for the little guy».

Compte tenu de ces réserves, je ne veux pas aller plus loin aujourd'hui, je ne me suis pas préparé, mais au moins, je vous présente ces idées de base qui font que je suis embêté d'appuyer ce principe. Si l'on fait abstraction de ces réserves, j'appuie le principe, mais dans le monde réel, concret, je ne le sais pas.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je voudrais faire savoir à mon collègue qu'il existe des précédents d'un projet de loi référé au comité avant la deuxième lecture. Cela se fait avec le consentement unanime de la Chambre.

Le sénateur Bolduc: Je n'en fais pas une motion formelle. Je ne connais pas suffisamment les règles de procédure à ce sujet. Le sénateur Stewart pourrait peut-être nous éclairer là-dessus.

[Traduction]

(1450)

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, vous vous souviendrez peut-être que, lorsque j'ai parlé jeudi de cette question...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur MacDonald, vous avez effectivement déjà parlé sur cette motion. Est-ce que vous voulez poser une question?

Le sénateur MacDonald: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question, si vous le permettez.

Étant donné l'expérience du sénateur Corbin, je voudrais lui demander si ce projet de loi devrait être approuvé en principe ou si on devrait s'abstenir de l'adopter en deuxième lecture et le renvoyer directement à un comité?

Le sénateur Gauthier désire parler de cet article de l'ordre du jour. C'est la seule raison pour laquelle je n'ai pas présenté la motion. Est-ce que le sénateur Corbin voudrait faire une observation à ce sujet?

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur MacDonald de sa question. Le principe de ce qu'est l'adoption du principe d'un projet de loi en deuxième lecture est en soi une question controversée. Je pense que le sénateur Stewart a fait des recherches là-dessus et il a fait des observations par le passé sur la question de l'adoption du principe en deuxième lecture. J'aimerais bien avoir ses commentaires et ses conseils à cet égard.

Pour répondre directement à la question du sénateur MacDonald au sujet du sénateur Gauthier, j'ai également reçu une lettre du sénateur Gauthier, en date du 23 octobre, que le sénateur MacDonald a citée la semaine dernière. Je comprends que même si notre collègue a été gravement malade ces dernières semaines, il aimerait revenir au Sénat et faire certaines observations sur le projet de loi, à ce stade. Je propose donc que nous attendions encore un peu pour permettre à notre collègue de faire ses observations. Il a fait des recherches en profondeur sur le sujet et, personnellement, j'aimerais bien profiter de son point de vue sur ce projet de loi.

Pour en revenir à l'adoption en principe d'un projet de loi en deuxième lecture, un précédent a été créé au Sénat il y a quelques années. Quand le parti de l'honorable sénateur était au pouvoir, nous avons été saisis d'un projet de loi pour constituer légalement l'Opus Dei en tant que corporation simple. Nous avons décidé, à l'unanimité, d'en renvoyer le sujet au comité. C'est le seul cas dont je me souvienne.

Le sénateur Oliver: Le projet de loi C-62 est un autre exemple. Il portait sur les télécommunications.

Le sénateur Corbin: Je pense que l'honorable sénateur a raison. Nous procédons habituellement ainsi par consentement unanime.

Cela étant dit, je pense que nous devrions attendre le retour du sénateur Gauthier et son discours. Je profite de l'occasion pour lui transmettre les voeux de tous les honorables sénateurs. Il traverse une période très difficile.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous faisons un peu une entorse au Règlement. Les questions doivent être adressées au dernier orateur et non pas à celui qui l'a précédé. Le dernier à prendre la parole a été le sénateur Murray. Néanmoins, je suis disposé à l'autoriser à condition que cela ne soit pas considéré comme un précédent.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que nous avons tous reçu la lettre à laquelle ont fait allusion les sénateurs MacDonald et Corbin, ainsi que d'autres. Le sénateur Gauthier m'en a parlé et m'a demandé de faire sorte qu'au moment opportun, le débat sur ce projet de loi soit ajourné en son nom afin qu'il puisse prendre la parole à ce stade-ci.

De plus, à l'instar du sénateur Corbin, je suis d'avis que tous les honorables sénateurs aimeraient transmettre leurs voeux au sénateur Gauthier en ces temps très difficiles pour lui.

(Sur la motion du sénateur Graham, le débat est ajourné.)

(1500)

 

Le Code criminel du Canada

L'article 43-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carstairs, attirant l'attention du Sénat sur l'article 43 du Code criminel du Canada.-(L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Erminie Cohen: Honorables sénateurs, le sénateur Cools m'a cédé la parole et j'interviens aujourd'hui pour parler d'une question qui m'inquiète vivement et qui a été portée à l'attention du Sénat par notre collègue, l'honorable sénateur Sharon Carstairs. Il s'agit de l'article 43 du Code criminel qui précise ce qui suit:

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

Depuis que le sénateur Carstairs a parlé de cette question en juin dernier, j'ai passé un certain temps à étudier les répercussions de l'article 43 et je suis maintenant persuadée plus que jamais de la nécessité de l'abroger immédiatement.

Honorables sénateurs, le maintien de l'article 43 du Code criminel a attiré l'attention du public à la suite d'une affaire dont on a beaucoup parlé et que les tribunaux ont jugée l'année dernière. Même auparavant, elle avait été étudiée par beaucoup de gens qui s'inquiétaient vivement du bien-être des enfants canadiens.

Des groupes comme la Coalition canadienne des droits de l'enfance, l'Institut pour la prévention de l'enfance maltraitée et la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law ont déjà présenté au gouvernement fédéral des instances pour réclamer l'abrogation de l'article 43. Le caractère légitime ou non de l'article 43 a également fait l'objet de nombreux rapports de comités parlementaires et de ministères au cours des 20 dernières années. C'est notamment le cas d'un comité de la Chambre des communes qui, en 1981, a recommandé son abrogation immédiate.

Néanmoins, l'affaire qu'ont jugée les tribunaux l'année dernière constitue un bon point de départ pour la discussion d'aujourd'hui. Permettez-moi de revenir brièvement sur les faits. Un père américain qui passait ses vacances en Ontario a été accusé d'agression. Les témoins ont affirmé qu'il avait frappé sa fille de cinq ans à quatre reprises, qu'il l'avait couchée à plat ventre sur le coffre de son automobile, lui avait enlevé sa petite culotte et lui avait donné huit claques sur les fesses. Au printemps dernier, il a été acquitté par un tribunal en application de l'article 43 du Code criminel. À la suite de son acquittement, ses actions viennent simplement s'ajouter à la longue liste de précédents dont on pourra se servir dans d'autres futures causes touchant l'article 43, des précédents, honorables sénateurs, qui servent à établir quel type de force est censé être «raisonnable dans les circonstances».

Jusqu'à maintenant, cette liste comprend le fait de frapper avec des courroies, des rallonges électriques, des règles et des bâtons. On peut également donner des coups de pied, frapper, gifler et tirer les cheveux, ainsi qu'infliger une correction qui cause des saignements de nez et des dents ébréchées, qui laisse des bleus, des écorchures et des marques ou qui entraîne même des lésions cérébrales. C'est le type d'agressions contre nos enfants auxquelles se livrent certains parents et enseignants et que le Code criminel continue d'accepter aux termes de l'article 43.

Honorables sénateurs, imaginons maintenant que nous sommes témoins d'une situation analogue au cas que je viens de mentionner, sauf que, cette fois-ci, le défendeur a baissé culotte non pas de sa petite fille, mais de sa femme, qu'il a jetée sur le coffre de sa voiture et à laquelle il a donné la fessée. Ou imaginons que la victime soit un autre adulte, un collègue de travail, ou peut-être un voisin ou le préposé d'un parc de stationnement. Nous serions certes horrifiés et consternés. Il ne ferait absolument aucun doute dans notre esprit que cela serait inacceptable. Il ne ferait aucun doute que nous serions témoins d'une agression, et je suis certaine que nous nous précipiterions pour alerter la police.

Je demande aux honorables sénateurs: pourquoi un si grand nombre d'entre nous ne sont-ils pas aussi horrifiés et consternés lorsque la victime d'une telle agression est un enfant et que l'agresseur se trouve à être le parent de cet enfant? Pourquoi, dans notre société, les enfants n'ont-ils pas droit à la même protection que les adultes contre les sévices? Après tout, les enfants sont aussi des personnes. Ils ne méritent certainement pas d'être traités comme des citoyens de seconde zone.

L'argument que je veux faire valoir aujourd'hui, c'est que nous devrions être tout aussi préoccupés des enfants que des adultes et que les enfants devraient bénéficier de la même protection physique que les adultes. Nous pouvons faire un grand pas vers la réalisation de cet objectif en supprimant immédiatement l'article 43 du Code criminel.

Honorables sénateurs, le traitement que la société réserve à ses membres les plus vulnérables permet grandement de juger de la maturité de cette société et, comme notre société a pris de la maturité, les Canadiens rejettent de plus en plus l'usage de la force et de la violence dans leurs relations les uns avec les autres, mais cela n'a pas toujours été le cas. La violence conjugale était autrefois tolérée, sinon acceptée. Par exemple, les hommes qui violaient leur femme ne pouvaient même pas être accusés de crime, et encore moins condamnés pour crime. Par ailleurs, le châtiment corporel était autrefois une réalité de la vie dans nos écoles et dans notre système carcéral. Aujourd'hui, nous pouvons être fiers des progrès que nous avons accomplis dans ce domaine. Alors, pourquoi permettons-nous toujours que l'État autorise des agressions commises par des parents et des enseignants contre nos enfants, qui constituent la ressource la plus précieuse de la société, et qui sont également les citoyens les plus petits et les plus vulnérables du Canada?

Honorables sénateurs, comment peut-il être considéré acceptable que des détenus - des criminels condamnés! - bénéficient d'une meilleure protection juridique contre l'usage de la force et de la violence que nos enfants innocents?

Comment pouvons-nous justifier le maintien de l'article 43, étant donné qu'il va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés? Comme vous vous en souvenez, le paragraphe 15(1) de la Charte dit ceci:

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Il y a aussi l'article 7 de la Charte, qui prescrit que chacun a droit à la sécurité de sa personne. Et que dire de l'article 12, qui dit que chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités?

Honorables sénateurs, l'article 43 contrevient clairement aux droits prévus par la Charte et, en fait, aux droits humains des enfants du Canada. Il se moque de tout ce que la société canadienne défend: la liberté, l'équité, l'égalité et la non-discrimination. De plus, il expose le Canada au ridicule sur la scène internationale, contredisant notre soutien déclaré à la Convention relative aux droits de l'enfant.

Mon opposition va bien au-delà des questions de principe. Elle se fonde sur ma préoccupation sincère pour la sécurité et le bien-être des enfants canadiens, collectivement et individuellement, parce que je crois que l'article 43 compromet véritablement leur sécurité physique et représente une menace sous plusieurs aspects. D'abord et avant tout, l'article 43 autorise le recours à la force et à la violence contre des enfants par leurs parents et leurs instituteurs. Il sème dans l'esprit des parents l'idée que la violence peut être utilisée pour corriger et discipliner leurs enfants. Cependant, la violence, même quand elle est jugée raisonnables par les tribunaux, c'est toujours la violence. L'accepter, c'est risquer d'en arriver aux mauvais traitements. Ce n'est que l'affaire de degrés. D'ailleurs, en avril 1994, le rapport du comité qui se penchait sur l'abrogation de l'article 43 a fait l'observation suivante:

L'opinion voulant qu'il soit nécessaire et approprié de recourir à des châtiments physiques pour corriger ou discipliner un enfant est l'une des principales causes de mauvais traitements physiques infligés aux enfants...

Une grande partie des recherches...

... il s'agit de recherches sur les mauvais traitements infligés à des enfants...

... indique qu'un facteur important des mauvais traitements est l'opinion qu'entretiennent des parents qu'ils ont le droit de recourir à la force contre leurs enfants. C'est justement cette opinion qui est à l'origine du problème.

Entre-temps, le professeur Joan Durant, de l'Université du Manitoba, dont les propos ont été rapportés dans l'Ottawa Citizen du 4 décembre 1995, a déclaré que des études avaient montré que le recours à la force physique risquait d'aboutir à des mauvais traitements. Elle a fait remarquer que la fessée ou le recours à d'autres formes de châtiments physiques augmentait le risque de mauvais traitements et que, dans la plupart des cas de mauvais traitements qui avaient fait l'objet d'études, les responsables avaient dépassé les bornes en infligeant des mesures disciplinaires.

(1510)

Les châtiments corporels peuvent non seulement causer du tort physique et psychologique aux enfants qui les subissent, mais ils peuvent aussi créer un cycle de violence qui se développe quand les enfants grandissent. D'après Karen McCarthy, de la Société d'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton:

La fessée fait comprendre qu'user de violence ou frapper constitue une façon de résoudre les problèmes.

Cela a énormément de bon sens quand on songe que les personnes autorisées par l'article 43 à user de la force à l'endroit des enfants, les parents et les instituteurs, représentent les deux modèles de comportement les plus importants dans la vie de la plupart des enfants.

Cette observation s'est également trouvée bien résumée dans l'éditorial du Toronto Star du 1er mai 1995, qui disait:

Les parents ont tort de penser que lorsqu'ils frappent leurs enfants, ils ne font que leur enseigner une leçon - qu'ils se sont mal conduits. En fait, ils font également comprendre que lorsqu'on désapprouve la conduite de quelqu'un, on peut le frapper. Si le message s'imprime, ces enfants pourraient devenir des adultes violents.

Nanci Burns, une spécialiste de la violence familiale et fondatrice du comité préconisant l'abrogation de l'article 43, a fait remarquer que le châtiment corporel apprend uniquement aux enfants à craindre leurs parents. Le professeur Durant fait remarquer que de nombreuses études ont démontré que les enfants qui sont frappés ne cesseront que momentanément de mal se conduire. De plus, ajoutait-elle:

Le châtiment corporel intensifie le comportement déviant et intensifie avec le temps le non-respect des règlements.

En fait, aucune étude empirique n'a constaté que le recours à la force pour corriger un enfant ait quelque résultat positif que ce soit.

Honorables sénateurs, l'abrogation de l'article 43 est une cause qui a rassemblé des gens d'une grande variété d'horizons. C'est aussi une cause qui transcende les allégeances politiques. Elle a l'appui de notre collègue, le sénateur Carstairs, qui siège chez les libéraux. Elle a aussi l'appui d'un député du Nouveau Parti démocratique, Svend Robinson, qui a présenté l'année dernière une mesure d'initiative parlementaire visant à abroger cet article. Elle a très certainement l'appui du sénateur qui vous parle et qui siège du côté progressiste-conservateur.

Cependant, l'abrogation de l'article 43 du Code criminel n'a malheureusement pas encore le soutien du gouvernement fédéral, qui a dit qu'il n'avait aucune intention de l'abroger. Le Vancouver Sun du 27 avril 1995 rapportait en effet les paroles suivantes du ministre de la Justice Allan Rock:

Il est trop difficile d'essayer de tracer la frontière entre la fessée et la correction.

En toute déférence pour le ministre, honorables sénateurs, je me permets de ne pas partager cet avis.

Le gouvernement craint peut-être que l'abrogation de l'article 43 ne supprime le pouvoir qu'ont les parents de punir leurs enfants. Il ne sait peut-être pas qu'il existe d'autres méthodes, plus humaines, de le faire. Dans quel règlement est-il écrit que punir égale force et violence?

Le châtiment corporel est interdit en Suède depuis 1979, en Finlande depuis 1983, au Danemark depuis 1985, en Norvège depuis 1986 et en Autriche depuis 1989. Les parents dans ces pays continuent de punir leurs enfants, mais ils sont de plus en plus nombreux à le faire sans recourir à la force et à la violence. Le sénateur Carstairs nous a déjà signalé les résultats positifs observés en Suède.

Honorables sénateurs, je vous ai fait part d'arguments convaincants qui militent en faveur de l'abrogation de l'article 43 du Code criminel. Je vous exhorte maintenant à vous joindre à moi pour réclamer l'abrogation immédiate de cet article. En unissant nos efforts à ceux d'autres personnes qui se soucient de nos enfants, nous pouvons convaincre le gouvernement de prendre cette mesure nécessaire. Peut-être qu'un jour, dans la société canadienne, il sera tout aussi inacceptable de frapper ses enfants que de frapper un conjoint ou un compagnon de travail.

Je vais conclure par une citation extraite d'un éditorial paru dans le Edmonton Journal le 6 mai 1995:

Il n'est pas difficile d'imaginer qu'un jour, même une fessée sera considérée sinon comme un acte de violence inacceptable, du moins comme un manquement inacceptable de la part des parents. En pareilles circonstances, si les conseils remplacent le recours à la force, l'enfant pourra acquérir la discipline personnelle au nom de la dignité humaine et non par crainte d'une punition. Le monde n'en serait que meilleur pour les parents et les enfants.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Cohen: Oui, bien sûr.

Le sénateur Bryden: Je suis d'accord sur tout ce que le sénateur a dit. Je n'ai pas le Code criminel sous les yeux, mais l'abrogation de l'article 43 ferait-il disparaître le droit qu'on prête aux parents de recourir à des moyens physiques d'imposer une discipline?

D'après ce que le sénateur a dit, les parents ou la personne qui les remplace ne sont pas visés. Selon ce que vous avez dit, quiconque remplace un parent est visé. Est-ce que les parents sont aussi visés par l'article?

Le sénateur Cohen: Je ne pense pas que ce droit disparaisse.

Je n'ai pas entendu toute la question. Je suis désolée.

Le sénateur Bryden: Est-ce que l'honorable sénateur voudrait bien lire de nouveau l'article?

Le sénateur Cohen: Bien sûr.

L'article 43 du Code criminel dit ceci:

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

Le sénateur Bryden: Les parents sont visés, et pas seulement ceux qui les remplacent.

Le sénateur Cohen: Je suis désolée, mais je n'ai pas entendu la question précédente.

Le sénateur Bryden: J'aurais dû lire aussi le projet de loi.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, cet article du Feuilleton restera inscrit au nom de l'honorable sénateur Cools.

(Sur la motion du sénateur Graham, au nom du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

 

La commémoration du cinquantenaire
de la fin de la Seconde Guerre mondiale

Interpellation

L'honorable J. Michael Forrestall, ayant donné avis le 31 octobre 1996:

Qu'il attirera l'attention du Sénat, à l'approche du Jour du Souvenir, sur le travail qui a été fait pour commémorer le cinquantenaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale ainsi que sur l'importance du pèlerinage tant pour l'Europe que pour l'Extrême-Orient.

-Honorables sénateurs, vous n'êtes pas sans savoir que, l'an dernier, nous célébrions le cinquantenaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons profité de cet événement marquant de notre histoire pour évoquer le courage et les sacrifices de ceux qui ont combattu dans les trois grands conflits du XXe siècle, particulièrement de ceux qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale. Je devrais également inclure les soldats qui ont pris part à la bataille de l'Atlantique et, naturellement, aux grands conflits qui ont secoué l'Europe et l'Extrême-Orient.

L'année 1996 est importante, car nous devons prendre le temps de saluer les soldats canadiens et de leur témoigner notre appui inébranlable, tout comme les braves membres de nos forces armées nous ont appuyés au fil des ans. Étant donné les critiques venimeuses formulées à l'endroit de nos militaires de nos jours, il convient de rappeler aux Canadiens que l'honneur, l'intégrité, le dévouement et le service demeurent encore les mots d'ordre des hommes et des femmes qui font actuellement partie des Forces canadiennes. Il y a quelques années, d'aucuns ont affirmé que, en raison de la fin de la guerre froide, de la chute du mur de Berlin et de l'éclatement de l'empire soviétique, le Canada n'avait plus besoin d'armée. Naturellement, les événements ultérieurs nous ont montré que la fin de la guerre froide n'a fait que susciter des guerres fratricides ou territoriales petites mais meurtrières. Les soldats canadiens ont participé à ces conflits en tant que combattants dans le golfe et artisans et gardiens de la paix dans toute cette région du globe.

Ces hommes et ces femmes ont servi le Canada avec courage et dignité et je ne suis pas disposé à laisser les actions de quelques-uns atténuer mon appréciation du travail qu'ont accompli nos militaires par le passé et qu'ils effectuent de nos jours, à l'approche d'un avenir plus qu'incertain.

(1520)

Cela étant dit, honorables sénateurs, il est particulièrement important de rappeler les événements qui ont commémoré l'an dernier la fin de la Seconde Guerre mondiale. J'ai eu la chance de participer à ce qu'on a appelé les «pèlerinages» en Europe et en Extrême-Orient, où des Canadiens ont combattu avec énormément de courage et où beaucoup ont sacrifié leur vie à la cause de la liberté.

En 1993, le gouvernement fédéral a lancé un programme intitulé «Le Canada se souvient» afin de rendre un hommage spécial aux milliers de Canadiens qui, au sein de nos forces armées, ont participé avec honneur, intégrité et bravoure aux grandes batailles qui ont eu lieu à l'étranger ou qui ont servi sur le front intérieur avec un dévouement aussi désintéressé. Grâce à cette série d'événements qui se voulait un hommage spécial à tous ceux et celles qui ont fait le sacrifice suprême, les Canadiens, jeunes et vieux, ont manifesté pour les victoires et les tribulations de la guerre un intérêt qu'on n'avait pas vu depuis fort longtemps.

Dans tout le Canada, les écoliers ont dessiné des affiches, filmé des vidéos, composé des poèmes et rédigé des histoires sur la bravoure et la passion des personnes qui ont donné leur vie parce qu'elles croyaient qu'il leur incombait de faire du monde un endroit sûr. Dans les grands centres, les villes et les villages, les marchands ont participé au programme en affichant en vitrine des renseignements sur certains actes courageux, rendant ainsi hommage tant à ceux qui sont tombés qu'à ceux qui sont revenus prendre part à la victoire et au triomphe de la démocratie.

Le programme a inspiré les sermons et homélies de toutes les confessions, la composition et la création de pièces de théâtre, la diffusion de capsules télévisées, la tenue d'événements spéciaux et de concerts communautaires. Il importe de rappeler aujourd'hui ces pèlerinages qui ont conscientisé les Canadiens à leur fière tradition militaire.

Je ne peux pas côtoyer des anciens combattants et admirer les décorations qu'ils arborent fièrement - et parfois des marques physiques de combat qui n'inspirent que le plus grand respect à des gens comme moi - sans me rendre compte, avec autant de respect et d'admiration, que la démocratie dans laquelle nous vivons a été payée par eux et par d'autres avec lesquels j'ai eu le privilège de passer quelque temps lorsque nous nous sommes recueillis sur leur tombe dans les cimetières de l'Europe et de l'Extrême-Orient.

Au cours de ces pèlerinages en Europe, nous avons visité les lieux de la campagne d'Italie, le champ de bataille du Jour J, et les sites de la libération de la Belgique, de la bataille de l'Escaut et de la libération des Pays-Bas. Je tiens à signaler aussi que la ville de Liverpool a été le théâtre d'une cérémonie des plus émouvantes pour commémorer l'anniversaire de la bataille de l'Atlantique, cérémonie à laquelle le sénateur Perrault et moi-même avons participé.

En outre, il y a eu en 1995 un pèlerinage spécial en Extrême-Orient afin de commémorer la fin de la guerre du Pacifique et la libération des prisonniers canadiens à Hong Kong. Dans chaque cas, les groupes de pèlerins se composaient surtout d'anciens combattants canadiens qui avaient combattu sur le front en question, mais aussi de politiciens, de journalistes et, surtout, de représentants de la jeunesse canadienne. La délégation la plus nombreuse, qui comptait 183 personnes, est celle qui s'est rendue aux Pays-Bas et la plus petite, avec 69 personnes, est celle qui est allée en Belgique.

Dans le cadre de chacun de ces pèlerinages, d'importantes cérémonies commémoratives ont été organisées, y compris des visites des lieux et le dépôt de gerbes de fleurs à certains lieux commémoratifs. Des défilés ont été organisés dans les collectivités où la bravoure de jeunes Canadiens a mis un terme à la guerre et a permis de rétablir intégralement les libertés individuelles et la liberté de pensée. Certaines municipalités ont organisé des réceptions afin de rendre hommage à la participation des Canadiens et aux sacrifices qu'ils ont consentis afin de restaurer la paix et la sécurité pour l'ensemble de leurs habitants.

Personnellement, honorables sénateurs, j'ai remarqué que ces réceptions étaient à la fois émouvantes et extrêmement satisfaisantes pour nos anciens combattants qui, eux aussi, se souviennent d'avoir risqué leur vie à l'époque parce que c'était ce qu'il fallait faire. En fait, c'était la seule chose à faire. Dans des moments comme ceux-là, je suis extrêmement fier de tout ce qu'ont accompli les anciens combattants qui étaient présents pour partager ces moments de joie, mais je suis également fort triste en pensant à toutes ces vies qui ont été sacrifiées.

Honorables sénateurs, je voudrais maintenant prendre quelques instants pour parler de chacun de ces pèlerinages, de leurs objectifs et des événements qui les ont rendus si mémorables.

Le pèlerinage en Italie a commémoré le rôle capital joué par les soldats canadiens de la campagne méditerranéenne qui a duré 20 mois et qui a mené à la libération de l'Italie lors de la Seconde Guerre mondiale. Cette campagne a constitué la première opération terrestre de grande envergure à laquelle ont participé les soldats canadiens basés en Grande-Bretagne.

Des batailles se sont déroulées en Sicile, du 10 juillet au 6 août 1943, et dans la partie continentale de l'Italie, du 3 septembre de cette année-là au 25 février 1945. Quelque 25 264 Canadiens ont été blessés lors de ces combats, dont 5 900 qui ont payé de leur vie.

Les soldats canadiens que l'on a pu identifier et qui sont morts en Italie sont enterrés principalement, mais pas uniquement, dans 17 cimetières militaires du Commonwealth, ou alors, leur nom figure sur le monument commémoratif de Cassino. La visite des tombes de Canadiens morts au combat a bien fait ressortir l'objectif du pèlerinage pour tous les participants.

Il est important de mentionner les endroits connus où reposent nos soldats morts à la guerre. Le seul cimetière de la Seconde Guerre mondiale où reposent exclusivement des Canadiens est le cimetière militaire canadien d'Agira, au coeur de la Sicile, à 71 kilomètres de Catane; 490 Canadiens y sont enterrés. Le cimetière militaire de Bari, sur la côte adriatique de l'Italie, compte 2 245 pierres tombales du Commonwealth, dont celles de 210 Canadiens. Deux pilotes canadiens et 2 600 aviateurs de la RAF sont enterrés dans le cimetière de guerre canadien du fleuve Moro, à quelque cinq kilomètres du lieu de la bataille du fleuve Moro. La plupart des Canadiens morts dans la vallée du fleuve Liri sont enterrés dans deux cimetières au sud de Rome: le cimetière de guerre de Caserte, où gisent 98 soldats et un aviateur canadiens et le cimetière de guerre de Cassino, plus au nord et tout près de la route de Rome.

Ce dernier est le deuxième cimetière de la Seconde Guerre mondiale en importance en Italie. Au nombre des 4 200 tombes, au minimum, se trouvent celles de 855 Canadiens, y compris des parents à moi qui sont morts pendant la bataille de la ligne Hitler et la marche sur Rome. On trouve également dans ce cimetière le Mémorial Cassino, qui dresse la liste de 4 054 hommes fauchés au cours des batailles d'Italie et de Sicile et qui n'ont pas de tombes, à ce que l'on sache. Cette liste comprend les noms de 192 Canadiens.

Soixante-huit Canadiens gisent parmi les 2 313 morts enterrés dans le cimetière militaire du débarquement d'Anzo, sur la côte ouest de l'Italie. Vingt-deux Canadiens sont enterrés dans le cimetière militaire de Rome - il s'agit de membres du personnel administratif et de prisonniers morts en captivité dans cette région. Dans le cimetière militaire de Florence, à l'est de la ville sur la rive nord de l'Arno, on trouve les tombes de 50 Canadiens parmi celles des 1 637 soldats du Commonwealth tués au combat avant la chute de la ville.

(1530)

Deux cimetières ont été aménagés près de la mer Adriatique durant les combats contre la ligne gothique: le cimetière militaire d'Ancône, où sont enterrés plus de 1 000 soldats et aviateurs du Commonwealth, dont 161 Canadiens, et le cimetière militaire de Montecchio, plus au nord et à 13 kilomètres de Pesora vers l'intérieur, où l'on trouve 582 tombes, dont celles de 289 Canadiens. Dans le cimetière militaire de Gradara, les 1 192 tombes de militaires du Commonwealth, dont celles de 369 Canadiens, témoignent du sacrifice des Alliés au cours de l'offensive d'Ancône à Rimini.

Le cimetière militaire de guerre de l'Arête de Coriano comprend également les tombes des 1 940 soldats, dont 427 Canadiens, tués au cours de l'offensive sur Rimini. Neuf cent trente-sept soldats du Commonwealth, dont 438 Canadiens, morts au cours de l'hiver 1944-1945, sont enterrés dans le cimetière militaire de Ravenne.

À une demi-heure de route de Ravenne se trouve le cimetière de guerre de Cesena, où il y a les tombes de 307 soldats canadiens parmi 775 tombes qui datent de novembre 1944.

Au cimetière de guerre canadien de Villanova, 206 des 212 tombes sont celles de Canadiens. Ce cimetière a été décrit comme étant un monument dédié aux membres de la 5e division tombés au combat, car on y trouve les tombes de 85 membres de deux bataillons de cette division.

Le pèlerinage du Jour J, peut-être le plus grand, a été particulièrement significatif étant donné l'importance de ce débarquement dans l'histoire du Canada. Jack Granatstein, un des grands historiens militaires du Canada, a écrit ceci:

Pendant dix dures semaines, sous la chaleur accablante de ce terrible été, les soldats inexpérimentés de la Première Armée canadienne se sont battus contre un ennemi puissant. Ils ont subi et ont infligé de grandes pertes. La troisième semaine d'août, lorsque la campagne de Normandie a enfin été terminée, les armées du régime nazi avaient subi une défaite retentissante à laquelle les régiments canadiens n'avaient pas peu contribué. Pendant cette campagne, les troupes canadiennes sont devenues une armée extrêmement efficace.

Les Canadiens ont contribué dans une large part à briser l'armée allemande en Normandie. Cependant, cet exploit a eu un prix. Le Canada y a perdu 18 444 soldats, dont 5 021 morts. De toutes les divisions qui faisaient partie du groupe d'armée 21 de Montgomery, aucune n'a subi plus de pertes que les 3e et 2e divisions canadiennes.

Les exploits des Canadiens qui ont débarqué en Normandie et de ceux qui ont combattu à Burn et Authie, sur la crête de Verrières et dans la brèche de Falaise, ont été commémorés lors des cérémonies tenues pendant ce pèlerinage.

Les personnes qui ont participé au pèlerinage en Belgique se sont souvenues des 800 et quelque soldats canadiens enterrés là-bas. Ils sont morts à l'automne de 1944, lors de la libération des Flandres, notamment des villes de Furnes, La Panne, Nikeuport, Ostende, Knocke-Heist, Bruges, Eecloo et des banlieues nord d'Anvers. Leur sacrifice éveille encore des souvenirs douloureux au coeur de beaucoup de Canadiens.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Forrestall, j'hésite, mais je dois vous interrompre, le temps qui vous est accordé est écoulé.

Le sénateur Forrestall: Puis-je demander aux sénateurs la permission de continuer?

Son Honneur le Président: Le sénateur a-t-il la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Forrestall: Nous nous sommes souvenu aussi des 7 000 Canadiens enterrés en Hollande, dont certains sont tombés au cours des durs combats qu'il a fallu livrer pour libérer l'estuaire de la Scheldt, opération qui a permis d'ouvrir le port d'Anvers. Dans ce contexte, il n'est peut-être pas hors de propos de nous souvenir aussi des 15 000 soldats canadiens qui ont donné leur vie pour libérer la Belgique durant la Première Guerre mondiale.

Des services commémoratifs ont eu lieu à plusieurs endroits durant le pèlerinage en Belgique, et il est important que nous sachions où reposent nos braves soldats en sol étranger. Il y en a 848 au cimetière militaire canadien Adegam, 74 au cimetière de Bruxelles, 157 au cimetière militaire Heverlee, à Louvain, 88 au cimetière militaire Holton et 348 au cimetière Schoonselhof, à Anvers.

J'ai personnellement pris part au pèlerinage pour commémorer la bataille de la Scheldt. Notre groupe était formé de 61 anciens combattants et de quatre jeunes venant d'un bout à l'autre du Canada. La bataille de la Scheldt a été l'une des batailles clés de la Seconde Guerre mondiale après le débarquement en Normandie. Cette campagne a duré cinq semaines durant les mois d'octobre et de novembre 1944. La mission de la Première armée canadienne consistait à forcer l'ennemi à se retirer des deux rives et de l'embouchure de la rivière Scheldt, qui coule en Belgique et aux Pays-Bas. Il fallait que nos troupes prennent cette rivière pour pouvoir atteindre le port d'Anvers et ouvrir la route de ravitaillement. Ils ont réussi à mener leur mission à bien le 28 novembre 1944, mais beaucoup de nos soldats y ont laissé leur vie.

Pendant que les anciens combattants et le reste de la délégation visitaient les endroits où reposent beaucoup de leurs camarades en Belgique et aux Pays-Bas, nous nous sommes souvenu des 6 000 Canadiens et plus qui ont été tués, blessés ou faits prisonniers durant cette bataille.

On ne peut pas se tenir, comme je l'ai fait, au cimetière militaire canadien Adegen, où 848 Canadiens sont enterrés, sans prendre conscience, en tant que délégation, de la tragique réalité de la guerre. Nous pouvions sentir le prix de la paix en marchant à travers les tombes.

Le dernier pèlerinage en Europe était pour célébrer le cinquantième anniversaire de la libération des Pays-Bas. Les Canadiens ont une relation amicale et chaleureuse très spéciale avec les Néerlandais. Cette relation spéciale entre nos deux pays est née durant les années sombres de la Seconde Guerre mondiale. Lorsque la Hollande a été envahie par les nazis en mai 1940, la reine Wilhelmine s'est réfugiée en Angleterre et a continué de diriger son gouvernement en exil depuis cet endroit. Comme l'Angleterre n'était pas un refuge très sûr, en 1942, on a réussi à convaincre la princesse Juliana de partir pour le Canada, où elle est demeurée durant la guerre. C'est ici, dans une chambre de l'hôpital Civic d'Ottawa qui avait été spécialement décrétée territoire hollandais, qu'est née la troisième fille de la princesse Juliana, Margriet. La petite princesse a conquis le coeur des Canadiens, car, pour eux, elle était leur princesse.

En 1945, après la victoire, la princesse Juliana et sa famille sont rentrées dans leur patrie où elles ont trouvé un peuple qui se remettait des ravages de la guerre. Elles ont également découvert une population hollandaise éclatante de joie et de reconnaissance envers les Canadiens qui venaient de libérer leur pays. Je suis fier de dire que cette joie existe toujours. Des liens de respect et d'amitié sincère et profonde existent encore à ce jour entre le Canada et les Pays-Bas. À preuve les tulipes qui fleurissent à Ottawa chaque printemps.

Même s'ils l'ont payé très cher en vies humaines, les Canadiens sont fiers d'avoir pu jouer le rôle de libérateurs, et les citoyens des Pays-Bas ne l'oublient pas. Dans le cimetière militaire canadien de Groesbeek, le monument aux morts porte l'inscription suivante: «Nous vivons dans le coeur des amis pour qui nous avons donné notre vie.»

Les 5 706 soldats canadiens morts aux Pays-Bas sont enterrés principalement dans sept cimetières militaires du Commonwealth; le monument commémoratif de Groesbeek honore leur mémoire. Chaque cimetière militaire est marqué par une grande Croix du Sacrifice barrée d'une épée de croisé en bronze. Dans les cimetières plus importants, il y a également une Pierre du Souvenir, monument en forme d'autel portant l'inscription suivante: «Leur nom vit à jamais.»

Le cimetière militaire canadien de Bergen-op-Zoom, qui est situé dans le sud-ouest de la Hollande, contient les tombes de 968 Canadiens qui, pour la majorité, sont tombés lors de la bataille pour assurer l'accès à Anvers par la mer, ouvrant ainsi ce port aux navires alliés.

(1540)

Le cimetière militaire de Grosbeek dont je parlais est situé près de la ville de Nijmegen, dans l'est de la Hollande. Plus de 2 300 Canadiens y sont enterrés. À l'entrée du cimetière se trouve un monument commémoratif sur lequel sont inscrits les noms de 103 autres Canadiens pour lesquels il n'existe pas de tombe connue.

Le cimetière militaire canadien de Holten est situé au nord de cette ville, dans le nord-est de la Hollande. Quelque 1 355 Canadiens y sont enterrés. Presque tous sont morts pendant les derniers jours des hostilités en Hollande et pendant l'avance en Allemagne du deuxième corps d'armée canadien.

Le cimetière de la Reischwald et le cimetière de Rheinberg sont tous deux situés en Allemagne, en bordure de la frontière orientale de la Hollande. Dans le cimetière de la Reischwald, il y a 706 pierres tombales de la RCAF et une pour un soldat canadien. Non loin de là reposent les restes d'autres de mes parents. Au cimetière militaire de Rheinberg, on compte 516 pierres tombales portant les noms d'aviateurs canadiens.

Le dernier pèlerinage, et celui qui m'a fait la plus forte impression, c'est celui qui commémorait la fin de la guerre en Orient et la libération des prisonniers de guerre de Hong Kong.

C'est pour la défense de Hong Kong, en 1941, que des soldats canadiens ont livré bataille pour la première fois pendant la Seconde Guerre mondiale. Les deux bataillons choisis pour représenter le Canada à Hong Kong étaient les Royal Rifles du Canada et les Winnipeg Grenadiers.

La bataille de Hong Kong a coûté cher au Canada, 290 morts et pratiquement 500 blessés. Toutefois, la mort n'a pas cessé avec la reddition des Canadiens, car ils ont été emprisonnés dans les conditions les plus terribles et ont subi un traitement brutal et une quasi-famine. Malheureusement, beaucoup n'ont pas survécu. Certains sont morts dans les camps de Hong Kong, tandis que d'autres sont morts dans des camps de travail au Japon. Presque 300 de nos soldats sont morts en captivité.

Un monument a été érigé au cimetière de guerre de la baie Sai Wan, sur l'île de Hong Kong, pour honorer ceux qui sont morts pour sa défense. Sur ce monument de granit figurent les noms de plus de 2 000 personnes, 228 d'entre eux Canadiens, qui sont morts à Hong Kong et n'ont pas de tombe connue. Parmi ceux-ci, le sergent major de compagnie John Robert Osborn, des Winnipeg Grenadiers, qui a reçu la Croix de Victoria à titre posthume.

En bas du monument, le cimetière de guerre de la baie Sai Wan descend vers la mer et offre une vue magnifique sur la côte et les collines dans le lointain. Deux cent quatre-vingt trois soldats de l'armée canadienne sont enterrés là, dont 107 n'ont pas pu être identifiés.

Le cimetière militaire Stanley est situé au-delà du village de pêcheurs de Stanley, dans la partie sud de l'île de Hong Kong, sur la péninsule de Tai Tam. Vingt Canadiens sont enterrés là, dont un soldat inconnu.

En Asie du Sud-Est, les Canadiens étaient principalement représentés par l'armée de l'air. Là aussi le prix payé a été élevé. Il y a 199 noms de Canadiens sur le monument de Singapour qui commémore ceux qui n'ont pas de tombes connues et trois Canadiens sont enterrés au cimetière de guerre Kranji, à Singapour. De plus, 56 Canadiens sont enterrés en Birmanie et un nom canadien figure sur le monument de Rangoon.

Des quelque 8 000 Canadiens ayant servi en Asie du Sud-Est, 454 ont été tués, soit au combat, soit des suites d'une maladie. En voyageant d'un cimetière de guerre à un autre, en Extrême-Orient, j'écoutais les souvenirs des anciens combattants de qui j'avais l'honneur d'être accompagné. L'un d'eux, âgé mais toujours solide, m'a fait comprendre à maintes reprises le sens véritable de notre volonté d'entretenir le souvenir:

Ils ne vieilliront pas comme nous, à qui il est laissé de vieillir:
Le passage des années ne les fatiguera pas,
et ils ne ploieront pas sous le poids des ans.
Quand viendra l'heure du crépuscule et celle de l'aurore
Nous nous souviendrons d'eux.

Ce souvenir, honorables sénateurs, si nous voulons qu'il reste bien vivant pour tous les Canadiens, doit avoir un avenir, comme il a un passé et un présent. La guerre nous montre le meilleur et le pire de l'humanité. Les Canadiens doivent prendre le temps, chaque année, de souligner ce qui s'est passé, ce qui se passe encore de nos jours et ce qui pourrait se passer dans les temps à venir.

Je veux terminer mon intervention, cet après-midi, en remerciant le secrétaire d'État aux Anciens combattants, l'honorable Lawrence MacAulay, et, en particulier, le sous-ministre, M. David Nicholson. Enfin, je remercie tout le personnel du programme «Le Canada se souvient» pour son travail diligent et acharné, qui a fait un succès de l'entreprise de l'an dernier. Tous les Canadiens leur doivent beaucoup de reconnaissance.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, nous allons considérer que le débat sur cette interpellation est clos.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 


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