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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 52

Le lundi 25 novembre  1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le lundi 25 novembre 1996

La séance est ouverte à 20 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le décès de l'honorable Joseph A. Ghiz, c.r.

Hommages

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, je rends hommage aujourd'hui à un grand Canadien, un grand Prince-Édouardien, un homme qui croyait profondément au Canada, qui a défendu vigoureusement l'Accord du Lac Meech et qui a perdu, qui a défendu vigoureusement l'Accord de Charlottetown et qui a perdu, un homme qui s'est opposé avec acharnement au libre-échange et qui a perdu. C'était cependant un grand Canadien, un grand orateur et un homme très dévoué à sa famille. Il avait trois passions. Sa première était son pays, le Canada. Sa deuxième était sa famille, et sa troisième, sa province.

Honorables sénateurs, je veux parler de Joseph A. Ghiz,c.r., L.L. B., L.L. M., qui était titulaire d'un baccalauréat en commerce de l'Université Dalhousie, d'un baccalauréat en droit de l'Université Dalhousie, d'une maîtrise en droit de l'Université Harvard et qui, à chaque fois, était le premier de sa classe. L'Université Dalhousie lui a décerné une récompense pour l'excellence de son travail d'étudiant.

Comme orateur, Joe Ghiz était un plaisir à entendre. Il était capable de faire des phrases avec des mots commençant tous par la même lettre ou ayant la même consonance. Je crois que cela s'appelle faire de l'allitération. Il pouvait faire paraître une chose deux fois meilleure qu'elle ne l'était en réalité. Il fut élu successivement chef du Parti libéral en 1981, député à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard en 1982, et premier ministre en 1986 et en 1989. Il démissionna de son poste à l'Assemblée législative pour devenir doyen de la faculté de droit de l'Université Dalhousie en 1994.

w (2010)

Quand il prenait la parole à l'Assemblée législative, il disait souvent: «Je suis Canadien et j'en suis fier. Mais je suis aussi un Prince-Édouardien d'origine libanaise et j'en suis fier.» Parfois, des députés de l'opposition lui disaient: «Vous ne serez jamais élu dans l'Île-du-Prince-Édouard. Ce sont tous des Anglo-Saxons et vous êtes d'origine libanaise.» À un moment donné, il a convoqué une conférence de presse et a déclaré qu'il était fier d'être d'origine libanaise et extrêmement fier d'être le fils d'un immigrant. En fait, il a reçu un doctorat honorifique de l'UPEI, l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, à la mémoire des premiers immigrants venus s'installer dans l'Île, il y environ un siècle. À l'époque, les immigrants étaient tous Anglais, Irlandais, Gallois ou Écossais, aucun n'était Libanais.

Un autre moment de très grande fierté, c'est lorsqu'il s'est rendu à l'Université Bishop, l'an dernier, pour la cérémonie de collation des grades au cours de laquelle son fils a obtenu son baccalauréat ès arts. À la même occasion, Joe Ghiz a obtenu un doctorat honorifique de l'Université Bishop. Sa famille a assisté à la cérémonie au cours de laquelle père et fils ont obtenu leurs diplômes. Joe Ghiz était très fier ce jour-là.

Honorables sénateurs, nous avons perdu un grand ami, un grand insulaire, un grand orateur et un grand Canadien qui croyait sincèrement que le Québec devait faire partie du Canada. Il s'est battu pour cela, mais la population canadienne s'est finalement prononcée autrement.

À sa femme, Rose Ellen, à son fils Robert et à sa fille Joanne, j'offre mes plus sincères condoléances.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, le chef de l'opposition a aimablement proposé que je prenne maintenant la parole.

De nombreux hommages fort mérités ont été rendus à la mémoire de l'honorable Joseph Ghiz, y compris celui que vient de lui rendre son ami et concitoyen insulaire, le sénateur Bonnell. J'aimerais faire part de certains de mes souvenirs personnels.

Parmi les questions qui nous ont amenés à entretenir des rapports fréquents et étroits sur une période de sept ans, mentionnons la création et les débuts de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique; la négociation d'accords de développement économique entre le gouvernement fédéral et l'Île-du-Prince-Édouard; l'Accord du lac Meech; le libre-échange canado-américain; le virus PVYn qui a frappé la récolte de pommes de terre de l'Î.-P.-É.; les restrictions à l'importation que le département américain de l'Agriculture a imposées à l'égard des pommes de terre de cette province; les encouragements à l'investissement nécessaires pour compenser la fermeture de la base aérienne de Summerside; l'établissement du centre de traitement de la TPS à Summerside; et, bien entendu, le raccordement permanent.

Peu importe que Joe Ghiz et moi ayons été en profond désaccord, comme ce fut parfois le cas, ou que nous ayons travaillé en étroite collaboration, comme c'est plus souvent le cas dans le cadre des relations fédérales-provinciales, j'ai eu beaucoup de plaisir et de satisfaction à travailler avec lui, à négocier avec lui ou à simplement parler avec lui de sujets ou de secteurs de responsabilité qui nous préoccupaient tous les deux. D'autres ministres fédéraux partageaient les mêmes sentiments à son égard, et le premier ministre de l'époque éprouvait de l'admiration et de l'affection pour lui.

Comme le sénateur Bonnell l'a fait remarquer plus tôt,Joe Ghiz s'était opposé aussi fermement au gouvernement Mulroney sur le libre-échange qu'il l'avait appuyé sur l'accord du lac Meech. Son opposition au libre-échange a coûtéquatre sièges au Parti progressiste-conservateur à l'Île-du-Prince-Édouard, y compris celui d'un collègue du Cabinet, aux élections de 1988, mais les premiers ministres Ghiz et Mulroney ont continué de travailler de bon coeur ensemble sur le projet de lien permanent, le centre de traitement de la TPS et, enfin, l'accord de Charlottetown.

Quand, en 1991, un siège est devenu vacant à la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard, Joe Ghiz était le candidat tout désigné. Le premier ministre Mulroney lui a fait savoir qu'il serait nommé à ce poste. La nomination à un poste de juge est considérée comme le couronnement de la carrière de tout avocat, et Joe Ghiz aimait la profession juridique, qui convenait parfaitement à son tempérament et à son intelligence. Il a longuement et sérieusement réfléchi à cette nomination et, un jour durant l'été 1991, il m'a invité à son bureau pour me dire de demander au premier ministre de rayer son nom de la liste. Il avait le sentiment de devoir rester en poste pour mener une autre ronde constitutionnelle à son terme; il est donc resté pour les négociations de l'accord de Charlottetown un an plus tard, au grand soulagement du premier ministre Mulroney et des premiers ministres provinciaux engagés dans les négociations. Sa nomination au poste de juge est venue quatre ans plus tard, en avril 1995, après son retrait de la politique et une période au cours de laquelle il a fait office de recteur de la faculté de droit de l'Université Dalhousie.

Joe Ghiz était un homme extrêmement intelligent et compétent qui comprenait les problèmes du gouvernement dans toute leur complexité. Il a également été un chef politique sensible qui possédait une merveilleuse compréhension des problèmes de la vie de tous les jours de la population et savait l'expliquer aux autres.

Un jour, en avril 1991, il est venu à Ottawa et a demandé à me voir pour une question liée aux exportations de pommes de terre. Quand il s'est présenté à mon bureau, il était accompagné d'un producteur de pommes de terre. Les deux hommes, qui avaient apporté un sac de pommes de terre, se sont mis à sortir des pommes de terre du sac et à les examiner à la lumière de la lampe posée sur mon bureau, pendant qu'ils m'informaient sur les propriétés de la pomme de terre et les erreurs des fonctionnaires de l'Agriculture d'Ottawa et de Washington. Quand ils ont eu la certitude de m'avoir tout dit, ils m'ont fait cadeau du sac de pommes de terre et sont allés à leur réunion suivante.

Il est de notoriété que le premier ministre Ghiz avait fait des études en droit constitutionnel plus poussées que tous les autres premiers ministres de l'époque. Sa maîtrise des questions constitutionnelles lui permettait de se prononcer directement tant sur les détails que sur le fond des négociations constitutionnelles de même que sur les questions politiques générales en cause. Je me souviens tout particulièrement de son intervention personnelle auprès du premier ministre du Canada pendant une courte pause au milieu d'une rencontre des premiers ministres qui avait duré toute une nuit en juin 1987. Il avait suggéré un moyen de se sortir d'une impasse.

Cependant, ses amis et ses anciens collègues se souviennent de la passion qu'il mettait en parlant de ces questions. J'étais présent à une rencontre privée des premiers ministres en juin 1990 et j'ai transcrit mot à mot une de ses déclarations pendant un échange orageux survenu la nuit du 7. Robert Bourassa mentionne l'incident dans son livre Gouverner le Québec. Le sénateur Buchanan, qui était alors premier ministre de la Nouvelle-Écosse, se souviendra de l'occasion et il se rappellera sans doute les paroles adressées par le premier ministre Ghiz à ses homologues:

«Vous parlez d'une clause Canada», disait-il à l'und'eux. «Une clause Canada ne vaut absolument rien.»À un autre, il disait: «Vous parlez de l'égalité juridiquedes provinces. Je représente les 100 000 habitants de l'Île-du-Prince-Édouard. Cela me donne 70 fois plus de pouvoir que le Québec et 50 fois plus que l'Ontario. Les habitants de l'île sont plus égaux que quiconque et le seront toujours. Ne venez pas me dire qu'il faut inclure une clause Canada. Quant au multiculturalisme, je vous rappelle que je suis le fils d'un immigrant. Il est venu ici et s'est fait colporteur. Il devait transporter son maudit stock sur son dos. Il allait de ferme en ferme pour vendre ses maudites brosses. Son frère l'a fait après lui, comme leur père l'avait fait avant eux. Vous me voyez aujourd'hui, je suis premier ministre d'une petite province conservatrice du Canada et vous me dites que j'ai besoin de protection. Est-ce que je dois dire aux Canadiens que quelqu'un voulait briser le Canada pour ça? Pour des mots, pour des théories juridiques et constitutionnelles? Nous parlons ici du coeur et de l'âme d'une nation. Faisons ce que nous avons à faire.»

w (2020)

Honorables sénateurs, l'Île-du-Prince-Édouard et le Canada sont privilégiés d'avoir eu des gens comme Joe Ghiz aux plus hautes fonctions politiques. Je m'estime personnellement privilégié de l'avoir connu et d'avoir eu à quelques reprises l'occasion de travailler avec lui.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, tous ceux qui ont connu Joe Ghiz personnellement et bon nombre de ceux qui ne le connaissaient pas pleurent son décès, comme en témoignait la présence de nombreuses personnes de diverses régions qui se sont rendues à Charlottetown pour assister à ses funérailles.

Le premier ministre Ghiz était l'un de mes amis personnels, à qui j'ai eu recours à de nombreuses reprises comme conseiller politique. Comme beaucoup d'autres, j'aimais beaucoup sa compagnie, sa bonne humeur et la chaleureuse hospitalité que lui et son épouse, Rose Ellen, m'ont si souvent témoignée.

J'ai déjà entendu dire qu'un homme qui nage contre le courant en connaît la force. Le regretté Joe Ghiz était toujours heureux lorsqu'il nageait dans les forts courants. Il croyait que tout homme ou toute femme, aussi modestes soient ses origines, doit naviguer face au vent, rechercher les défis, éprouver ses capacités au maximum et que personne n'est meilleur que son voisin.

Fils de commerçant, il avait obtenu un diplôme avec grande distinction de l'Université Harvard. Joe Ghiz était un Canadien-libanais qui a fait la preuve que nos concitoyens d'ascendance non européenne peuvent occuper les plus hautes fonctions dans l'État.

[Français]

Tout en étant un citoyen authentique des Maritimes, il comprenait que chaque région du Canada a des besoins et des priorités qui lui sont propres.

[Traduction]

Cet insulaire a éclairé la scène nationale par son talent oratoire et par la force de sa présence. Canadien passionné, il se distinguait pas son honnêteté intellectuelle et par son attachement à un Canada uni et à un monde meilleur.

Joe Ghiz avait compris que la grandeur de l'identité canadienne n'est pas un don, mais une récompense durement gagnée. Il savait que nous ne cesserons jamais de nous soucier de notre pays, de renouveler sa vigueur et de le défendre. Il était conscient que le Canada est un objectif et non pas un point de départ. Il croyait aussi que tous les Canadiens ont des promesses à tenir.

À sa mort, survenue trop tôt, les Canadiens de toutes les régions et provinces, de toutes origines ethniques et de tous les milieux ont pleuré cet insulaire généreux et engagé qui avait éclairé tant de gens. Ils sont venus à Charlottetown, cette ville où les pères de la Confédération ont négocié les conditions de l'Union et donné naissance à un grand rêve national. Joe Ghiz était gardien de ce fier héritage. Dans cette ville très spéciale, les gens ont rendu hommage à un grand patriote qui a contribué à garder le rêve vivant. Dans cette ville à la fois belle et douce, la population a pleuré ce patriote exceptionnel mort trop jeune.

J'offre mes plus sincères condoléances à son épouse,Rose Ellen, à son fils Robert et à sa fille Joanne.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter quelques mots à ce qui a déjà été dit par les honorables sénateurs qui m'ont précédé.

J'ai très bien connu le premier ministre Joseph A. Ghiz, un grand ami du Québec, un associé de M. Bourassa. Je n'hésite jamais à mentionner avec beaucoup de respect le nom de M. Bourassa.

M. Ghiz avait compris ce qui semble si difficile à comprendre même chez certains de mes amis du Sénat, c'est-à-dire ce qu'était le Canada. Il est extraordinaire que le fils d'un immigrant, comme il se plaisait si souvent à dire, ait mieux compris que quiconque la grandeur, la beauté et la diversité du Canada. Il exprimait dans chacune de ses paroles notre différence et notre détermination d'être Canadiens en restant nous-mêmes. Je m'identifie à M. Ghiz. Il faisait preuve d'un acharnement absolu pour défendre ce pays qui fait l'envie du monde entier. Il ne faut pas simplement le dire, il faut aussi le penser et le ressentir. Non seulement Joe Ghiz le ressentait-il, mais il savait aussi comment le dire.

Ce qui manque actuellement dans ce pays, ce sont des guides. J'ai beaucoup de difficulté à les trouver, au moment où l'on assiste peut-être à la désintégration lente du Canada, surtout à cause de l'incompréhension de celui que j'appelle mon peuple, le peuple canadien-français. Je n'ai aucune hésitation à parler de ce grand peuple, le peuple canadien-français. Il existe, je le répète, il respire, il chante, il écrit, mais il reste fondamentalement attaché au Canada.

Il est extraordinaire que celui qui ait le mieux parlé de ces choses soit M. Ghiz. Il a donné son appui inconditionnel à l'Accord du Lac Meech, si mal compris par certains de nos grands amis. Il est extraordinaire que ce soit un fils d'immigrant, un Libanais, qui ait pu le mieux l'exprimer, mieux que je ne pourrai jamais le faire moi-même dans l'une ou l'autre des deux langues officielles de notre pays.

Je me joins donc à ceux qui ont souligné son départ. J'offre à sa famille toutes mes sympathies, dans l'espoir que les guides comme lui se multiplieront au Canada. Nous avons besoin de gens qui savent comprendre ce que le mot «Canada» signifie vraiment pour chaque Canadien et chaque Canadienne.

[Traduction]

 

Le décès du juge thomas m. bell, b.c.l.

Hommages

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage au regretté juge Thomas Miller Bell de Saint John, au Nouveau-Brunswick, qui est mort le 12 novembre après une longue maladie débilitante. Sa force de caractère, son courage et sa détermination lui ont permis de supporter vaillamment sa condition. Il est juste de rendre hommage à un homme qui a voué entièrement sa vie au service du Canada.

Tom Bell a été élu en 1953 député progressiste-conservateur de la circonscription fédérale de Saint-Jean-Albert, puis a été réélu sept fois, en 1957, 1958, 1962, 1963, 1965, 1968 et 1972, servant un total de 21 ans sous quatre premiers ministres, les très honorables Louis Saint-Laurent, John Diefenbaker, Lester Pearson et Pierre Trudeau. Il suivait ainsi les traces de son grand-père, Thomas Bell, qui avait été député de 1925 à 1935.

Tom a servi comme secrétaire parlementaire du ministre du Commerce et du ministre de la Justice. Il a aussi été leader de l'opposition à la Chambre et whip du parti. De plus, il a été président des jeunes progressistes-conservateurs de 1956 à 1958.

En 1974, il a été nommé juge à la cour provinciale et il a présidé les tribunaux de la famille, de la jeunesse et de la circulation. Il a été magistrat pendant 20 ans. Il avait une grande et sincère compassion pour les jeunes en difficulté avec la loi et il a participé activement à l'élaboration de politiques dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants.

La civilité, la courtoisie et l'honnêteté étaient ses traits marquants à la Chambre des communes, à la cour et dans la société.

w (2030)

Tom Bell s'était distingué au cours de la Seconde Guerre mondiale, ayant servi dans la marine marchande. Il avait navigué sur l'Atlantique Nord, sur la Méditerranée, en Afrique du Sud et en Extrême-Orient. Après la guerre, il s'était vivement intéressé au bien-être des anciens combattants, oeuvre qu'il avait poursuivie jusqu'à ce que la maladie l'en empêche il y a quelques années.

Il était membre de longue date de la section no 3X14 de la Légion royale canadienne, membre du Carleton and York Club, ancien président de la 26th Battalion Overseas Association et président du conseil de la Division du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard du Corps canadien des commissionnaires.

Tom Bell était un homme qui aimait rire. Son esprit, son humour et son enthousiasme plaisaient à beaucoup de gens. Tout le monde serait fier de dire qu'il était un ami. Il était la crème des politiciens, un adversaire redoutable à la Chambre des communes, mais, en dehors de celle-ci, un ami respecté et divertissant.

Il a été heureux de ma nomination au Sénat et, chaque fois qu'il me voyait, que ce soit dans la rue ou à une réception, de sa voix forte et bruyante, il me criait: «Comment les choses se passent-elles sur la Colline? Leur en faites-vous baver?»

Quelqu'un a déjà dit: «Tout le monde voit ce que vous semblez être, mais peu voient ce que vous êtes vraiment.» Dans le cas de Tom Bell, nous pouvions voir ce qu'il était, c'est-à-dire un homme plein de contrastes qui était aussi à l'aise avec les gens au pouvoir qu'avec les travailleurs et travailleuses de sa circonscription. C'était un adepte du respect des bons principes tant en affaires qu'en politique, du travail acharné et du bon sens. Il n'a jamais recherché la publicité, car il croyait que ses réalisations parlaient d'elles-mêmes.

Saint John et les gens du Nouveau-Brunswick au Canada ont perdu un citoyen remarquable, un homme qui a fait honneur à sa profession, qui était attaché à son église, à sa famille et à son pays. C'était un ami toujours présent. Je chéris le souvenir d'une amitié de 40 ans.

Nous adressons nos plus sincères condoléances à son épouse, Patricia Blayney Bell, à ses trois fils et à sa fille.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, nous avons perdu de grandes personnalités politiques ces derniers temps. Le regretté Tom Bell était un de mes amis depuis plus de 35 ans. Il était un pilier du Parti progressiste-conservateur tant au Parlement qu'au Nouveau-Brunswick. Il a notamment rempli les fonctions de whip en chef de l'opposition et de leader parlementaire de l'opposition sous le gouvernement de Robert Stanfield. Je tiens à souligner la dette de mon parti envers cet homme, qui l'a servi de façon si exemplaire.

La circonscription de Saint John n'a jamais été la chasse gardée de l'un ou l'autre des partis politiques, que ce soit au niveau fédéral ou provincial. Pourtant, comme l'a rappelé le sénateur Cohen, Tom Bell a été élu sept fois représentant de cette circonscription au Parlement. Aucun autre représentant élu de Saint John n'avait dépassé auparavant ou n'a depuis battu ce record de longévité. Son succès reposait tout simplement sur le fait qu'il représentait de façon remarquable ses électeurs, ce qui lui a valu le respect et l'appui de gens de toute allégeance politique de même que des députés à la Chambre des communes.

Il a finalement subi la défaite aux élections générales de 1974. L'enjeu de ces élections était la politique du contrôle des salaires et des prix que proposait le Parti conservateur et l'opposition du gouvernement Trudeau et du NPD à cette proposition. Le candidat libéral victorieux n'a pas obtenu beaucoup plus de voix que les candidats libéraux aux deux élections précédentes contre M. Bell, mais les conservateurs ont perdu des milliers de voix aux mains des néo-démocrates et l'écart a suffi au candidat libéral pour remporter la victoire.

L'année 1974 a également été marquée par le refus de M. Stanfield d'accepter la nomination de Leonard Jones en tant que candidat conservateur à Moncton, à cause des campagnes notoires que M. Jones avait menées contre le bilinguisme. Cette décision de M. Stanfield a suscité de l'animosité qui s'est fait ressentir de Moncton jusqu'à Saint John. Tom Bell s'était alors exposé à la critique et j'en assume une part des responsabilités, car je lui avais demandé, et il avait accepté, de se rendre à Moncton pour se prononcer contre M. Jones et en faveur du candidat conservateur officiel qui, si ma mémoire est fidèle, a perdu son dépôt.

Après sa défaite, comme le mentionnait le sénateur Cohen, Tom Bell a été nommé juge au tribunal de la famille, poste qu'il a occupé pendant vingt ans. J'ai été plutôt surpris de constater que, à l'annonce du décès de Tom Bell, les médias locaux ont autant insisté sur la détermination, la bonté et la sagesse avec lesquelles il a exercé ses fonctions de juge que sur les hauts faits de sa carrière politique.

Au service commémoratif, à Saint John, le 14 novembre, l'honorable Jean Charest était à la tête d'un important groupe de personnes, dont beaucoup de membres de la Légion canadienne, d'anciens collègues du Barreau et de la magistrature ainsi que des alliés et des adversaires politiques qui étaient là pour exprimer leur admiration et leur respect.

Tom Bell a passé toute sa vie dans la fonction publique fédérale, d'abord pendant la guerre, puis au Parlement et, enfin, dans la magistrature. C'est une vie qui mérite toute notre reconnaissance et notre gratitude.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je tiens à dire quelques mots ce soir à la mémoire de Tom Bell, qui est décédé le 12 novembre à Saint John. Je n'ai pas connu Tom Bell aussi bien que d'autres sénateurs l'ont connu. Je me réjouis donc que les sénateurs Cohen et Murray aient aussi magnifiquement résumé sa carrière politique et publique.

Il est intéressant de signaler, toutefois, que M. Bell avait été élu pour la première fois en 1953, lorsqu'il était un jeune avocat de 30 ans. Après avoir servi les habitants de Saint John pendant plus de 20 ans, il avait perdu son poste en 1974 aux mains d'un autre jeune avocat de 31 ans. Je me souviens de cette campagne électorale. Je me souviens surtout de la courtoisie avec laquelle les deux candidats en tête avaient mené leur lutte dans Saint-John-Lancaster. Selon le Telegraph Journal du9 juillet 1974, M. Bell avait dit ceci à propos des résultats des élections:

Je félicite Mike Landers pour la campagne extraordinaire qu'il a menée...

La campagne a été belle, quoique tranquille, mais les questions ont été soulevées. C'est avec beaucoup d'honneur et de plaisir que j'ai représenté la circonscription. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour elle.

Peu de gens à Saint John diront le contraire et beaucoup reconnaîtront dans les mots qu'il a adressés à son jeune successeur la bienveillance et l'humanité qui ont marqué sa carrière politique et, en fait, toute sa vie. Tom Bell a continué à servir les habitants de Saint John pendant 20 autres années comme juge des tribunaux provinciaux de la famille, de la jeunesse et de la circulation. Interrogé sur le décès de Tom Bell, le juge à la retraite de la Cour du Banc de la Reine Rodman Logan, qui a été son ami de toujours, son compagnon de classe et son collègue pendant 20 ans, a dit ceci, selon le Telegraph Journal du 11 novembre:

C'était un homme sans prétentions. Il disait toujours: «Fais ce qu'il faut et les gens le verront.»

Honorables sénateurs, au nom des sénateurs de ce côté-ci et en tant que Néo-Brunswickois, je voudrais souligner que nous avons perdu dans le juge Bell un homme qui a servi son pays, sa province et sa collectivité avec honneur, dignité et humilité. Il nous manquera.

Nous exprimons notre plus vive sympathie à Mme Bell et aux membres de la famille Bell.

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD

Félicitations aux progressistes-conservateurs à l'occasion de leur victoire électorale

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je manquerais à mon devoir si je ne félicitais pas un de mes anciens collègues à l'autre endroit et un collègue de beaucoup d'entre nous en cet endroit, soit Patrick Binns qui, le 18 novembre 1996, a conduit le Parti progressiste-conservateur de l'Île-du-Prince-Édouard à une victoire éclatante. Les résultats sont comme suit: 18 conservateurs, huit libéraux et un néo-démocrate.

w (2040)

Je pense que la meilleure façon de décrire Pat est de dire que c'est un véritable gentilhomme qui n'élève jamais la voix mais qui se fait entendre; et que c'est un travailleur acharné, entièrement dévoué à l'Île-du-Prince-Édouard.

Honorables sénateurs, ce que nous avons vu c'est la démocratie à l'oeuvre; pour ceux d'entre nous en cet endroit qui pensent être parvenus au summum de la gloire et être invincibles, je pense que les événements politiques de cette décennie sont très significatifs: aucun d'entre nous n'est invincible.

J'aimerais féliciter les gens de l'Île-du-Prince-Édouard avec qui j'ai travaillé très étroitement en tant que président national du Parti conservateur du Canada. Le 18 novembre, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard se sont prononcés; je les félicite de la sagesse de leur choix.

 

Le parachèvement du pont de la Confédération

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, je désire vous inviter tous à l'Île-du-Prince-Édouard, car, la semaine dernière, non seulement Pat Binns a remporté la victoire aux élections, mais le Canada s'est enfin rattaché à l'Île-du-Prince-Édouard. Le raccordement permanent est terminé. Pour la première fois de notre histoire, les descendants des Canadiens qui se sont assis à la même table que nos ancêtres en 1864 à Charlottetown se sont enfin joints à nous. Vous allez maintenant partager notre culture, notre patrimoine, notre esprit bien écossais et notre humour. Vous allez aussi, je l'espère, manger nos pommes de terre en grande quantité.

L'inauguration officielle aura lieu l'été prochain. Je crois que les leaders au Sénat devraient prendre des dispositions afin qu'un bon nombre de sénateurs des deux côtés se rendent sur place pour parcourir les 13 kilomètres qui mènent à cette merveilleuse petite province où le pays a été créé, où se trouve le berceau de notre nation. Lorsque nous arriverons sur le pont, nous rencontrerons le nouveau premier ministre, Patrick Binns.

Permettez-moi de préciser, pour ceux qui ne connaissent pas Pat Binns, qu'il est originaire de la Saskatchewan. Il est venu des Prairies et est devenu chef du parti. Ceux d'entre vous qui viennent de la Saskatchewan devraient être fiers de Pat Binns.

Le sénateur Berntson: Nous le sommes.

Le sénateur Bonnell: Je propose que vous veniez le rencontrer à l'île, l'été prochain, en empruntant le raccordement permanent.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, comme toujours au Sénat, par esprit de bonne volonté, et surtout ce soir, étant donné l'importance des propos du sénateur Bonnell, je ne l'ai pas interrompu, mais je ne voudrais pas créer un précédent. Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs, que, durant la période réservée aux déclarations des sénateurs, ils ont le droit de prendre la parole une seule fois.

 

l'IRAN

La divulgation d'un voyage à titre gracieux

L'honorable Nicholas W. Taylor: Je ne voudrais interrompre un honorable sénateur parlant du nouveau premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard. Un habitant de la Saskatchewan entouré d'autant d'eau doit être au septième ciel.

Honorables sénateurs, il y a 20 ou 25 ans, en tant que géologue et ingénieur, j'ai travaillé quelque peu en Iran. Par conséquent, je n'ai pas été étonné de recevoir une invitation du gouvernement iranien à me rendre là-bas la semaine dernière, à ses frais, pour tenter de rétablir des liens commerciaux. La semaine dernière, j'ai rencontré les porte-parole de la Société pétrolière nationale d'Iran, du Service géologique d'Iran et du ministère iranien des Mines. De plus, j'ai parlé avec des représentants de la Chambre de commerce Canada-Iran.

Ce qui m'a étonné, ça a été de voir un de mes voisins, agriculteur et copropriétaire d'un atelier de fabrication de luzerne granulé, en compagnie d'autres Albertains, qui s'apprêtait à vendre la luzerne que j'avais cultivée.

Si je fais cette déclaration, honorables sénateurs, c'est pour vous informer que j'ai accepté une offre de voyage à titre gracieux de la part d'un gouvernement étranger.

 


AFFAIRES COURANTES

L'enseignement postsecondaire

Présentation du rapport du comité des
affaires sociales, des sciences et de la
technologie sur le budget du sous-comité

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le huitième rapport du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui demande que le sous-comité sur l'enseignement postsecondaire soit autorisé à engager des dépenses spéciales, conformément aux lignes directrices sur les opérations financières des comités du Sénat. Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur DeWare, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

Le Budget des dépenses de 1996-1997

Budget des dépenses supplémentaire (A)-
Présentation du rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales
et impression en annexe

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le sixième rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales concernant l'examen du Budget des dépenses supplémentaire (A) déposé au Parlement pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1997. Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui afin qu'il fasse partie du compte rendu permanent du Sénat.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

La région Asie-Pacifique

Présentation et impression en annexe du rapport
du Comité des affaires étrangères demandant l'autorisation de se déplacer
afin de poursuivre son étude

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatrième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Stewart, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

Code de conduite

Le Comité mixte spécial-Message des
Communes concernant le report de la date
limite de présentation du rapport

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu de la Chambre des communes un message priant le Sénat de se joindre à la Chambre pour reporter au vendredi 13 décembre 1996 la date limite à laquelle le comité mixte spécial sur un code de conduite doit faire rapport.

 

Avis de motion

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mardi 26 novembre 1996, je proposerai:

Que le Sénat se joigne à la Chambre des communes afin de reporter la date de présentation du rapport du comité mixte spécial sur un code de conduite au vendredi 13 décembre 1996;

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité est terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été présenté à cette Chambre; et

Qu'un message soit transmis aux Communes pour l'en informer.

w (2050)

 

La Loi Sur Le Divorce
La Loi D'aide À L'exécution Des Ordonnances Et Des Ententes Familiales
La Loi Sur La Saisie-arrêt Et
La Distraction De Pensions
La Loi Sur La Marine Marchande Du Canada

Projet De Loi Modificatif-Première Lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du mercredi 27 novembre 1996.)

 

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 3, 1996-1997

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-68, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1997.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gigantès, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mercredi prochain, le 27 novembre 1996.)

 

PROJET DE LOI SUR LE GOUVERNEMENT
DES PREMIÈRES NATIONS

Première lecture

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le projet de loi S-12, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mercredi prochain, le 27 novembre 1996.)

 

Projet de loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-347, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Bolduc, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mercredi prochain, le 27 novembre 1996.)

 

Affaires juridiques et constitutionnelles

Avis de motion portant autorisation au comité
de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis que, mardi prochain, le 26 novembre 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à15 h 15 le mercredi 27 novembre 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

 

Affaires étrangères

Autorisation au comité de siéger
en même temps que le Sénat

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'ai un avis de motion, mais, avec votre permission, je préférerais la présenter maintenant. En voici le libellé:

Avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 16 heures, le mardi 26 novembre 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

 

Réflexions sur le Sénat

Avis d'interpellation

L'honorable Maurice Riel: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 28 novembre 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur mes expériences au Sénat depuis les 23 années que j'y occupe un siège.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Sénateur Riel, auriez-vous l'amabilité de présenter votre avis d'interpellation par écrit? Nous aurions besoin d'un texte écrit à des fins de documentation.

 

Les soins de santé au Canada

Avis d'interpellation

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que, le mercredi 27 novembre 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur des questions relatives à la Loi canadienne sur la santé et à d'autres questions se rapportant aux services de santé au Canada.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'absence du leader du gouvernement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme on peut le constater, madame le sénateur Fairbairn a dû malheureusement s'absenter. Elle assiste à une cérémonie à Toronto en relation avec ses responsabilités de ministre responsable de l'Alphabétisation, mais elle sera de retour à son poste demain après-midi. Entre-temps, je serai ravi de prendre note des questions que vous pourriez avoir à poser.

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Oliver a posée le 25 septembre 1996 au sujet de la Fondation canadienne des relations raciales. J'ai aussi la réponse à une question que l'honorable sénateur Kinsella a posée le 31 octobre 1996 au sujet du décret concernant Mme la juge Louise Arbour.

 

Les modifications apportées
à la Loi sur les juges

L'expiration du décret concernant la juge Arbour-
La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Noël A. Kinsella le 31 octobre 1996)

Le décret C.P. 1996-1543 du 1er octobre 1996 a approuvé l'autorisation de s'absenter à Mme le juge Louise Arbour, pour la période du 1er au 31 octobre 1996, afin qu'elle puisse remplir les fonctions de procureur du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et de procureur du Tribunal international pour le Rwanda.

Le décret C.P. 1996-1675 du 1er novembre 1996 a approuvé l'autorisation de s'absenter à Mme le juge Arbour pour la période du 1er au 30 novembre 1996 aux mêmes fins.

 

La Fondation canadienne
des relations raciales

Les détails concernant sa création-
Demande de faits nouveaux

(Réponse à la question posée par l'honorableDonald H. Oliver le 25 septembre 1996)

La Secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme) a annoncé, le 29 octobre 1996, à Toronto, la création de la Fondation canadienne des relations raciales.

 

Dépôt de réponses à des questions
inscrites au Feuilleton

Santé Canada-L'utilisation de la somatotropine bovine

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 29 inscrite au Feuilleton par le sénateur Spivak.

 

Les véhicules consommant des carburants
de remplacement-Ministère de la santé

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse aux questions nos 16 et 51 inscrites au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

Les travaux du Sénat

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, je tenais à dire que je suis désolé d'avoir enfreint le Règlement du Sénat. C'est une chose que je ne ferai jamais intentionnellement, vous le savez. Si j'ai pris la parole deux fois alors que je n'aurais dû le faire qu'une fois, c'est que j'ai suivi l'exemple de l'ancien leader du gouvernement au Sénat, Lowell Murray. Puisqu'il a parlé deux fois, je croyais pouvoir le faire aussi. Je viens des Maritimes, moi aussi.

Votre Honneur, je vous présente mes excuses, et je voudrais donner au sénateur Murray une mention honorable.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Israël

Report du débat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il faudrait ce soir reporter l'étude du projet de loi. C'est le sénateur Stollery qui doit le présenter, mais il a dû s'absenter. Il sera parmi nous demain après-midi et participera alors à ce débat.

 

Terre-Neuve

Les changements apportés au système scolaire-
La modification de la clause 17 de la Constitution-
Le rapport du comité-La motion d'amendement-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente», des mots:

«avec l'amendement suivant:

Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa i) et le remplacer par les mots «là ou le nombre le justifie.»

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cogger, appuyé par l'honorable sénateur Bolduc: Que la motion d'amendement soit modifiée par substitution aux mots «avec l'amendement suivant:» des mots «avec les amendements suivants: a)», par suppression du point à la fin de l'amendement et par adjonction des mots suivants:

«b) Supprimer les mots «d'y régir» à l'alinéa c) de la clause 17 et y substituer les mots «d'y déterminer et d'y régir».»

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je veux d'abord féliciter le sénateur Fairbairn d'avoir pris des mesures pour que cette question connaisse son dénouement lors d'un vote final qui aura lieu au Sénat mercredi soir.

w (2100)

Il est très important que le rôle du Sénat à titre de protecteur des valeurs constitutionnelles canadiennes soit parfaitement respecté. Le débat sur la clause 17 permettra aux honorables sénateurs de se prononcer d'une manière décisive. Nous ne devons pas accepter d'être de simples spectateurs.

Je félicite les honorables sénateurs de leur contribution à ce débat. Celui-ci a été remarquable parce qu'il a porté sur une question de principe et qu'il a été dépourvu de tout sectarisme. À juste titre, les honorables sénateurs semblent s'entendre sur le fait que la modification des conditions de l'union de Terre-Neuve est une question d'ordre constitutionnel et non pas de politique partisane.

Je veux féliciter le sénateur Kirby pour le discours réfléchi et détaillé qu'il a prononcé au Sénat. Les cinq aspects de l'accord qui ont été mentionnés par les tenants de la résolution et la réponse réfléchie du sénateur Kirby à ces cinq aspects m'ont beaucoup aidé dans mon étude de la question. Les sénateurs constateront que je me suis permis d'utiliser le même cadre que celui du sénateur Kirby pour en venir à ma propre conclusion.

Je voudrais également remercier madame le sénateur Pearson de la préoccupation qu'elle a soulevée au nom des enfants de Terre-Neuve et du Labrador et, notamment, de ces enfants qui, en raison de leur religion, de leur origine linguistique ou ethnique, de leur incapacité ou de leur pauvreté, peuvent être comptés parmi les minorités.

Évidemment, mes félicitations et mes remerciements s'adressent aussi au sénateur Doody, qui est reconnu depuis 25 ans comme un grand parlementaire. Il a siégé pendant huit ans à la Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador et siège au Sénat depuis 1979; sa carrière parlementaire dure donc depuis 25 ans. Le sénateur Doody a entrepris de jeter de la lumière sur cette question et de l'appuyer. La modification qu'il a proposée à la loi a permis d'éviter une mort certaine à la clause 17, tout en maintenant la protection constitutionnelle des droits confessionnels existants et en offrant une solution tant attendue au problème du système scolaire. Je voudrais féliciter le sénateur Doody d'une manière particulière.

Enfin, je voudrais féliciter le premier ministre Tobin d'avoir présenté et fait adopter une loi qui prévoit l'établissement d'une commission scolaire francophone à Terre-Neuve et au Labrador.

Si je devais résumer les cinq ententes que le sénateur Kirby a soulignées dans son discours, je dirais qu'elles correspondent aux cinq questions: (1) Le système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador nécessite-t-il une réforme? (2) Cette réforme peut-elle être réalisée uniquement par modification constitutionnelle? (3) Le Sénat devrait-il être tenu de respecter la décision de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador, étant donné que l'éducation est de compétence provinciale? (4) Le Sénat devrait-il être tenu de respecter le résultat du référendum de Terre-Neuve et du Labrador? (5) Les droits des minorités peuvent-ils être diminués si ceux qui les détiennent ont eu amplement l'occasion de se faire entendre par les décideurs?

[Français]

À mon avis, chacun d'entre nous doit répondre à ces questions avant de décider comment il votera sur la résolution dont nous sommes saisis. Cependant, il me semble qu'il y a d'abord une autre question à laquelle nous devons tous répondre, à savoir: quel sera l'effet de cette modification de la clause 17? En d'autres termes, quel est l'enjeu de cette mesure?

Après mûre réflexion et amples consultations, j'en suis venu à la conclusion que ce qui est en jeu dans cette affaire, ce sont les droits des minorités. La modification de la clause 17 aura pour effet de diminuer la protection constitutionnelle dont jouissent les confessions religieuses de Terre-Neuve et du Labrador en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants.

[Traduction]

Le sénateur Pearson nous a dit que ce qui était en jeu, c'était le droit de chaque enfant de Terre-Neuve et du Labrador à une éducation équitable adaptée à ses besoins particuliers. Je ne doute pas que ce soit là une préoccupation urgente pour le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador.

On a dit aux honorables sénateurs que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador croyait que, sans la clause 17 proposée, la province ne pourrait pas assurer une plus grande équité dans la formation scolaire des élèves chrétiens et des autres élèves ainsi que des francophones et des anglophones.

On a dit aux honorables sénateurs que le gouvernement de la province croyait que la clause 17 actuelle l'empêchait de mettre en place un système scolaire qui respecte et protège la langue et la vie des enfants autochtones de Terre-Neuve et du Labrador. On a aussi dit que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador croyait que la clause 17 actuelle limitait la capacité du système d'éducation d'égaliser les chances pour les enfants handicapés et les enfants vivant dans la pauvreté.

Il est évident que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a le droit de tirer ses propres conclusions. S'il proposait une nouvelle loi censée rendre le système scolaire plus équitable, je l'en féliciterais et j'accepterais son évaluation de la situation. Cependant, nous sommes devant un amendement constitutionnel que l'on a justifié en affirmant que certains groupes d'enfants étaient défavorisés en raison du droit accordé à d'autres groupes d'enfants de recevoir une éducation conforme à leurs croyances religieuses.

[Français]



On ne nous a pas prouvé, du moins à ma satisfaction, que le droit à l'éducation confessionnelle que la Constitution garantit aux confessions énumérées empêche d'assurer l'éducation des francophones, des autochtones ou des enfants handicapés ou désavantagés. En outre, je ne crois pas que la solution au problème des enfants de confessions non reconnues consiste à supprimer les droits des enfants des confessions reconnues lorsque leurs parents tiennent encore à ces droits. Autrement, on ramène tout le monde à zéro et on ne tient pas compte des besoins particuliers des enfants qui appartiennent à certaines confessions.

[Traduction]

Comme le sénateur Kirby, je crois que l'on doit répondre à l'argument voulant que les droits des minorités ne soient pas en jeu ici. Si je ne me trompe, cet argument veut que les confessions reconnues représentent collectivement la majorité de la population de Terre-Neuve et du Labrador. Les honorables sénateurs ont entendu dire que le nombre total de catholiques romains de la province constituait une très grosse minorité, tellement grosse d'ailleurs que le mot «minorité» ne saurait s'y appliquer à proprement parler.

Ce qui est apparu clairement au cours du débat et dans les témoignages entendus par le comité à St. John's, c'est que les différentes dénominations religieuses ne voient pas l'éducation de la même manière.

w (2110)

La situation étant ce qu'elle est, il n'y avait pas de «majorité» unifiée à proprement parler. Fait plus important, si la plupart des groupes confessionnels sont prêts à renoncer à la protection que leur garantit la Constitution, ceux qui ne sont pas prêts à le faire sont une double minorité, à la fois par rapport à l'ensemble de la population de la province et parmi les confessions reconnues.

Pour ce qui est de l'argument voulant que les catholiques ou les catholiques et les pentecôtistes combinés de Terre-Neuve et du Labrador représentent une importante portion de la population, la réponse doit être que, quelle que soit la proportion, moins de 50 p. 100, c'est manifestement une minorité. À moins de 50 p. 100, cela signifie que, s'ils ne sont pas protégés de la volonté de la majorité, les droits des groupes sont seulement des privilèges qui peuvent être accordés, retirés, renforcés ou diminués selon la fantaisie de la majorité ou des représentants élus de la majorité.

[Français]

Je voudrais maintenant parler d'une autre minorité qui, à tort ou à raison, a été mêlée à ce débat. Je parle des parents francophones de Terre-neuve et du Labrador et de leurs enfants. Je vous dirai bien franchement que, selon moi, les droits à l'instruction dans la langue de la minorité francophone ne sont qu'un à-côté de ce débat. Je crois néanmoins que le droit à l'instruction en français est intimement lié à la question de la réforme du système d'enseignement de Terre-Neuve et du Labrador. Il est évident, en effet, que la patience des parents francophones de la province a été mise à rude épreuve par les gouvernements provinciaux qui, depuis 1982, ont refusé de leur accorder la gestion et le contrôle de leurs écoles, comme l'exige la Charte. C'est pourquoi je tiens à nouveau à féliciter chaleureusement le premier ministre Tobin d'avoir prévu un conseil scolaire francophone dans le projet de modification du Schools Act qu'il a fait adopter en juillet dernier.

Je siégeais à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick lorsque celle-ci a pris des mesures importantes en faveur de l'instruction en français dans ma province. Comme nous estimions que ni l'une ni l'autre des deux communautés linguistiques n'était bien servie par des conseils et des écoles bilingues, nous avons créé des systèmes scolaires anglophones et francophones homogènes dans les années 70. Notre façon de concevoir les besoins de nos communautés linguistiques en matière d'éducation a été confirmée par les droits à l'instruction dans la langue de la minorité que la Charte de 1982 garantit à tous les Canadiens. Je crois que la communauté francophone de Terre-Neuve et du Labrador ne saurait survivre sans cette garantie.

Cependant, j'ai dit que, selon moi, l'instruction en français à Terre-Neuve et au Labrador était un à-côté de la question de savoir si la clause 17 doit être modifiée conformément à la résolution dont nous sommes saisis. Si le droit à des écoles et à des conseils confessionnels séparés est maintenu, l'existence d'un conseil francophone unique s'en trouvera-t-elle compromise? À ceux qui se demandent si telle ou telle confession au sein d'un conseil scolaire francophone unique ne risque pas de demander son propre conseil séparé, je répondrai que cela me paraît improbable. Je suis confiant que la communauté francophone, consciente qu'elle est de sa position minoritaire à Terre-Neuve et au Labrador, ne se laissera pas diviser au point de compromettre les intérêts de ses enfants. Je note que, tant dans son mémoire que lorsqu'elle a témoigné devant notre comité à St. John's, la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador a déclaré sans équivoque que ce qui l'intéressait, c'était l'instruction en langue française et qu'elle ne prenait pas parti dans le dossier de l'éducation confessionnelle. Je crois que les parents francophones non catholiques ont déjà prouvé leur attachement à l'enseignement en français en envoyant leurs enfants aux écoles de langue française qui relèvent de trois des conseils catholiques de Terre-Neuve et du Labrador.

[Traduction]

Étant donné que les droits des minorités sont en jeu, et puisqu'il n'a pas été prouvé que le droit existant à l'éducation confessionnelle fera échouer les objectifs d'une éducation équitable pour d'autres groupes d'enfants de Terre-Neuve et du Labrador qui méritent un traitement spécial, je reviens au rôle du Sénat dans ce débat et aux problèmes et questions soulevés par mon collègue, le sénateur Kirby. J'examinerai aussi brièvement l'amendement à la résolution proposée par le sénateur Doody.

En tant que sénateurs, nous avons été chargés de protéger les droits et les intérêts des régions, ainsi que des Canadiens qui vivent dans ces régions. De toute évidence, on ne peut s'attendre, à mon avis, à ce qu'une majorité nationale comprenne totalement et mesure les besoins particuliers d'une minorité. Les pères de la Confédération ont donc confié au Sénat la tâche de veiller à ce que les initiatives et les actions parlementaires reconnaissent et respectent les besoins des citoyens canadiens dont les voix ne sauraient l'emporter sur la majorité. Dans ce cas, nous devons donc être convaincus que l'amendement proposé à la clause 17 et les arguments qui ont été avancés à son appui ne bafouent pas l'esprit de la protection accordée par la Constitution aux minorités.

Honorables sénateurs, j'admets que j'ai dépassé les 15 minutes qui m'avaient été allouées.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de vous interrompre. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Simard: Oui, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'accorder la permission?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Simard: Comme le sénateur Kirby, je suis prêt à concéder que le système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador pourrait être amélioré, mais il n'a pas été prouvé que cela doive se faire aux dépens du droit à l'enseignement confessionnel. En outre, puisque l'argument principal semble être que le système serait plus efficace si les droits confessionnels étaient diminués, je dois demander à mes collègues sénateurs si nous devons accepter que l'on accorde à l'efficacité économique un statut constitutionnel supérieur à certains droits fondamentaux des minorités. Comme le sénateur Kirby, je trouve difficile d'accepter l'argument selon lequel on peut porter atteinte aux droits des minorités, tant que c'est à l'avantage de l'ensemble de la société, et je ne suis pas convaincu qu'il ait été prouvé qu'on doive porter atteinte aux droits des minorités pour que les enfants de Terre-Neuve et du Labrador puissent bénéficier d'un système scolaire amélioré.

Je dois également demander à mes collègues s'il est juste de prétendre que le Parlement canadien doit approuver cette proposition parce qu'elle a été approuvée par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador, s'en remettant au jugement des politiciens provinciaux puisque, en règle générale, l'enseignement relève des provinces. À l'origine, la raison d'être de la clause 17 était de protéger certains aspects de l'enseignement confessionnel contre des décisions provinciales unilatérales. Si le Parlement est aujourd'hui obligé de consentir à la clause 17 proposée par la province parce que l'assemblée législative le demande, la mesure de protection prévue par les Pères de la Confédération ne sert à rien.

[Français]

D'autres arguments ont été invoqués pour expliquer pourquoi cette Chambre devrait se sentir obligeé d'approuver la résolution proposée. Certains soulignent que les électeurs de Terre-Neuve et du Labrador l'ont approuvée lors d'un référendum. Je ne conteste pas l'importance du vote des citoyens de Terre-Neuve et du Labrador, mais il me semble que voir le droit d'une minorité supprimé par une apparente majorité représentant seulement 29 p. 100 des électeurs ne constitue pas du tout un droit et que permettre une telle mesure rend inutile l'inclusion de la clause 17 dans les Conditions de l'union de 1949.

Si je savais qu'une majorité au sein de chaque minorité confessionnelle protégée approuvait la modification, j'y serais peut-être plus favorable. Cependant, en l'absence d'une telle certitude, j'estime que les droits des minorités ne peuvent être diminués qu'avec le consentement des titulaires de ces droits.

w (2120)

Pour que ces droits aient un sens, il faut que le fardeau de la preuve incombe à ceux qui voudraient les diminuer. Il n'est pas juste de demander aux membres de cette minorité de prouver qu'ils refusent la suppression de ces droits. Parallèlement, en l'absence d'une preuve du contraire, nous devons supposer que les chefs d'Églises parlent au nom des parents membres des Églises catholiques, pentecôtistes et adventistes du septième jour.

Enfin, je dois demander aux honorables sénateurs s'il nous faut admettre que nous sommes obligés d'approuver la résolution du fait que les minorités touchées ont eu l'occasion d'être entendues avant que l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador n'approuve la nouvelle clause 17. Le cas échéant, la possibilité pour une minorité de s'opposer à la perte de ses droits comptera pour peu de chose quand, en bout de ligne, la majorité décidera que ces droits doivent disparaître.

[Traduction]

En toute conscience, je ne peux vraiment pas appuyer la résolution adoptée par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador et par la Chambre des communes. En tant que protecteur des droits des minorités, je dois la rejeter. Toutefois, avec l'amendement proposé par le sénateur Doody, je crois que le Sénat peut approuver la résolution tout en s'acquittant de son obligation de protéger l'esprit de notre Constitution.

Je suis d'accord avec le sénateur Doody, et avec d'autres qui ont parlé en faveur de son amendement, pour dire que l'alinéa b), qui commence par les mots «sous réserve de», ne peut que signifier que le droit à la création d'écoles confessionnelles sera assujetti aux règles établies par l'assemblée législative provinciale. Je suis d'accord avec le sénateur Kirby pour dire que cette disposition permettra l'adoption de lois provinciales rendant virtuellement impossible la création ou le maintien d'écoles confessionnelles séparées. Il me semble que le fait que les écoles proposées à l'alinéa a) soient appelées «écoles confessionnelles» n'est qu'une question d'étiquetage. Il est clair que la garantie prévue à l'alinéa a) est moindre que la garantie constitutionnelle qui existe dans le moment. Si nous acceptons le nouvel alinéa b), tant que les règles provinciales seront d'application générale, les minorités confessionnelles n'auront aucune garantie qu'elles pourront demander aux tribunaux de faire respecter.

Le Sénat et notre comité à St. John's ont entendu des témoins qui disaient que ce sont les politiciens provinciaux, et non les tribunaux, qui devraient décider si la création ou le maintien d'écoles confessionnelles séparées est justifié ou non. Je ne peux pas accepter cela. Il est clair que ce n'est pas là le but que recherchaient les pères de la Confédération. Toutefois, je peux accepter la suggestion selon laquelle des écoles confessionnelles séparées devraient être garanties là où le nombre le justifie. Il convient certainement de se tourner vers les tribunaux pour faire valoir des droits que les assemblées législatives refusent de respecter.

Je ne crois pas que l'expression «là où le nombre le justifie» soit une norme sans signification qui nécessite une décision d'un tribunal dans chaque cas. C'est une norme sensée dont les assemblées législatives provinciales doivent tenir compte lorsqu'elles conçoivent des programmes d'éducation dans la langue de la minorité et qui convient parfaitement bien aux droits confessionnels également. De plus, d'après le témoignage du ministre de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador, M. Grimes, le gouvernement actuel voulait que la condition «là où le nombre le justifie» soit implicite dans la nouvelle clause 17. Cela étant dit, on pourrait difficilement dire que c'est de la tyrannie que de s'assurer que tous les futurs politiciens comprennent cette intention en rendant explicite ce qui, selon ce qu'on a dit à notre comité, devait être implicite.

Certains disent que nous devons tenir pour acquis que tous les futurs dirigeants politiques de Terre-Neuve et du Labrador exerceront leur discrétion pour protéger les droits des minorités religieuses dont la protection ne sera plus explicitement garantie par la Constitution. Je me demande s'ils feraient le même acte de foi si nous étions saisis d'une modification de la Charte qui stipulait «sous réserve des lois fédérales ou provinciales uniformément applicables, chacun a le droit à la liberté de conscience et de religion.» Je crois que la réponse est la même dans les deux cas: même si en général nous croyons que nos représentants élus respecteront nos valeurs, nous décidons néanmoins de protéger ces valeurs au cas où nos dirigeants trahiraient notre confiance. La Charte de 1982 a précisément été adoptée afin de permettre aux Canadiens de faire appel à la protection des tribunaux dans l'éventualité où les législateurs violeraient, intentionnellement ou non, des valeurs et principes que tous les Canadiens jugent fondamentaux.

[Français]

Comme je l'ai déjà dit, je ne puis appuyer la résolution dont la Chambre est saisie mais je l'appuierais si elle était amendée comme le propose le sénateur Doody. Que la Chambre haute décide de rejeter la résolution ou d'adopter l'amendement du sénateur Doody, il importe que les parlementaires de l'autre endroit réfléchissent bien avant de décider s'ils doivent adopter une deuxième résolution identique à celle adoptée en juin de cette année. Manifestement, la Chambre des communes pourrait passer outre aux objections du Sénat à l'égard d'une modification de la Constitution et entériner la modification; cependant, question cruciale, devrait-elle le faire? L'exercice qu'a fait le Sénat de son veto suspensif de six mois et sa décision de rejeter la résolution devrait signifier à la Chambre des communes qu'il convient d'agir avec moins de hâte et davantage de prudence.

J'invite, je me permets de supplier même, le gouvernement et les députés à entreprendre avec circonspection l'examen de la deuxième résolution, puisqu'un grand nombre de sénateurs ont exprimé de graves préoccupations clairement axées sur le principe plutôt que sur des intérêts politiques et partisans.

Je demande aux députés de se méfier du précédent qui pourrait être créé pour d'autres modifications constitutionnelles diminuant les droits des minorités. Je suggère à la Chambre des communes de garder à l'esprit qu'un précédent politique peut être créé ou perçu, même si d'autres modifications proposées pourraient être considérées comme des espèces différentes. Je pense, comme le sénateur Kirby, que la modification de la clause 17 créerait un «précédent extrêmement dangereux». Dans la situation actuelle, une ou des minorités seraient dépouillées d'un de leurs droits, sans leur consentement, par simple vote des représentants élus par la majorité. Les générations futures de titulaires de droits des minorités ne doivent pas être mises en péril; il n'est pas suffisant de croire que les politiciens actuels agiront de façon à respecter des privilèges qui ne sont pas protégés par la Constitution.

Enfin, la Chambre a entendu dire qu'une bonne partie de la réforme scolaire nécessaire à Terre-Neuve et au Labrador a déjà été réalisée sans modification constitutionnelle. Tous ne s'entendent pas sur la possibilité d'en faire de même avec les 10 p. 100 qui restent des recommandations contenues dans le rapport de la commission royale Williams de 1992. Cependant, lorsque l'efficacité doit se payer au prix d'un droit que les minorités chérissent et que les pères de la Confédération ont voulu protéger, il semble tout à fait approprié de prendre un peu plus de temps pour résoudre le conflit entre un système scolaire «modernisé» et des droits confessionnels fondamentaux.

[Traduction]

Je suis convaincu que tous les habitants de Terre-Neuve et du Larador sont des gens raisonnables et disposés à trouver un terrain d'entente. Les minorités, dont les droits sont protégés, savent comme tout le monde que les ressources financières de la province sont limitées. Leur opposition à la proposition de modification tient certainement au fait qu'elle empiète sur des valeurs personnelles et fondamentales. Je ne propose cependant pas de rejeter tout à fait la résolution de modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, mais que nous l'adoptions telle que modifiée par la proposition d'amendement du sénateur Doody et la proposition de sous-amendement du sénateur Cogger.

w (2130)

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, deux questions sont d'importance primordiale en ce qui concerne la clause 17. Est-ce constitutionnel que de modifier la clause 17? Est-ce que les modifications sont proposées par le gouvernement de Terre-Neuve comme tel? Dans le cadre de cette deuxième interrogation, je parlerai de la protection des minorités.

Il n'y a pas de doute que la Constitution prévoit un mécanisme de modification des dispositions qui ne s'appliquent qu'à une province. Il faut que l'assemblée législative de la province et le Parlement du Canada soient d'accord. C'est tout ce que l'on exige sur les plans constitutionnel et juridique. Il n'y a pas de doute que l'Assemblée législative de Terre-Neuve a le droit de demander que la Constitution soit modifiée, tout comme le Parlement du Canada a le droit d'être d'accord ou de ne pas l'être. La Chambre des communes s'est prononcée en faveur de la modification. Nous sommes presque à la fin de notre veto suspensif. Si nous rejetons la modification mercredi, elle aura force de loi le 2 décembre de toute façon.

Le sénateur Murray: Non, non.

Le sénateur Simard: Non. Elle doit être réadoptée par la Chambre des communes.

Le sénateur Murray: L'honorable sénateur constatera que le gouvernement devra présenter de nouveau la recommandation.

Le sénateur Gigantès: D'accord, mais, de toute façon, elle sera adoptée immédiatement.

Est-ce que la modification elle-même est juste ou injuste? Est-ce qu'elle fait échec à la foi? Il n'y a pas de doute que l'enseignement religieux et les pratiques religieuses continueront dans les écoles de Terre-Neuve et, dans certains cas, si les conseils scolaires sont d'accord, il pourra y avoir des écoles uniconfessionnelles. Les pratiques des diverses confessions continueront. Ce qui cessera, c'est le contrôle de ces confessions sur les aspects séculaires de l'enseignement, les droits relatifs au contrôle budgétaire qui n'appartenaient pas à la population, mais à la hiérarchie des diverses confessions. C'est cela qui est visé, et les confessions se défendent en prétendant que l'on touche à leurs droits religieux. Ce n'est pas le cas. C'est leur intrusion dans les aspects séculaires de l'enseignement qui est en cause et celle-ci sera réduite par l'adoption de cette modification.

La séparation entre l'Église et l'État a toujours été l'un des moteurs de la démocratie, partout au monde. Il en est ainsi parce que les Églises ont généralement abusé du pouvoir séculier lorsqu'elles le détenaient. En outre, historiquement, les Églises ont toujours collaboré avec les autorités laïques lorsqu'elles ne détenaient pas elles-mêmes le pouvoir séculier. Par conséquent, la démocratie et le pouvoir séculier pour l'Église sont pratiquement antinomiques. Ce n'est pas pour des raisons futiles que divers pays démocratiques exigent que l'Église soit séparée de l'État.

Notre système impose la ségrégation des enfants chrétiens à bord des autobus scolaires; les enfants adventistes du septième jour et les enfants anglicans ne peuvent partager le même autobus scolaire. Chacune des diverses confessions religieuses veut posséder et administrer son propre parc d'autobus scolaires.

Durant les audiences du comité, j'ai demandé aux représentants des diverses confessions religieuses pourquoi ils voulaient conserver ces pouvoirs. Chacun d'entre eux a déclaré que c'était pour que les valeurs chrétiennes soient enseignées aux enfants de son Église. Je leur ai alors demandé de définir ce qu'étaient les valeurs chrétiennes, de me dire quelle était la base de ces valeurs. Ils ont tous affirmé qu'elles étaient fondées sur les dix commandements et les enseignements du Nouveau Testament. Nous parlons donc des mêmes valeurs chrétiennes. Est-ce que l'on nuirait à l'enseignement des valeurs chrétiennes aux enfants en demandant aux adventistes du septième jour et aux baptistes d'emprunter le même autobus scolaire? Cela me semble exagéré, bizarre et vraiment détaché de la réalité d'aujourd'hui.

Nous sommes un pays multiculturel et démocratique. Nous ne tolérons pas la ségrégation et la discrimination, alors qu'à Terre-Neuve il y a des gens appartenant à certaines confessions qui prônent la ségrégation, réclamant que l'enseignement séparé dispensé par leurs Églises dans les écoles s'étende aux autres activités des enfants. À mon avis, c'est une attitude que nous ne saurions tolérer.

Je ne conteste pas le droit de mes collègues de ne pas être d'accord et de voter contre cette résolution, que pour ma part j'approuve. C'est une question sur laquelle on peut avoir des avis divergents. Néanmoins, je ne crois pas que les revendications formulées par les confessions de Terre-Neuve vont dans le sens de la démocratie. Ça me semble être les revendications des milieux dirigeants de chacune des confessions plutôt que celles des membres.

Pourquoi est-ce que je parle ainsi? J'oublie même le référendum. Ce qui importe pour moi, c'est le vote unanime au Parlement de Terre-Neuve. Parmi les législateurs de Terre-Neuve, il y a des adventistes, des catholiques, des anglicans et des baptistes, et chacun d'entre eux a voté en faveur de ces modifications. Voilà qui est très important. C'est également la preuve que ces gens-là croient que le citoyen ordinaire est favorable à la réforme.

Les politiciens ont une sainte horreur du suicide politique. Si un parti s'était prononcé en faveur des modifications à la clause 17 que le gouvernement de Terre-Neuve a proposées, on pourrait présumer que ces gens-là estimaient qu'une certaine partie de leurs électeurs les appuyaient. Or, tous les députés du Parlement de Terre-Neuve ont voté en faveur de ces modifications. Auraient-ils agi de la sorte, sans se demander si cette décision n'allait pas leur coûter leur siège? Dans une démocracie, il faut toujours se demander si ce que l'on fait va nous coûter notre siège. Il vaut peut-être mieux se demander si en souscrivant aux modifications que propose le gouvernement de Terre-Neuve on se plie à la volonté de la population. Or, tous et chacun des députés du Parlement ont voté pour cette modification.

Qui s'y oppose? Ce sont les milieux dirigeants des confessions. Le fait que les politiques ont voté pour est le signe que, selon eux, le public - à qui priorité doit être donnée dans une démocratie - est en faveur de cette réforme.

w (2140)

Je respecte profondément les politiciens élus. Leur travail est terrible et ils rendent un grand service à leur pays. Sans eux, la démocratie n'existerait pas. Ils sont bien meilleurs et beaucoup plus intelligents que peuvent le penser les chroniqueurs, entre autres.

Des politiciens de Terre-Neuve ont approuvé à l'unanimité une modification à la Constitution qui ne restreindra pas le droit des confessions religieuses d'enseigner aux enfants qui en sont membres ou le droit de pratiquer la religion dans les écoles. Elle restreindra uniquement le pouvoir laïc des bureaucraties confessionnelles et certains de leurs employés, tels que des chauffeurs d'autobus et des comptables. Autrement dit, ces gens protègent leurs emplois - c'est une forme de moyen de pression. On continuera d'enseigner leur vision de la foi chrétienne.

S'opposer à cette mesure, c'est appuyer une vision ségrégationniste de notre société du XXe siècle à l'aube du XXIe siècle, une vision selon laquelle d'une façon quelconque les enfants seront toujours chrétiens, apprendront les mêmes principes moraux, mais seront lésés moralement s'ils prennent le même autobus, partagent le même immeuble ou jouent dans la même cour d'école.

Bien sûr, la mesure soulève de l'opposition. Les évêques protestent de même que les prêtres et les chauffeurs d'autobus. Quiconque bénéficie d'un emploi dans le système actuel s'oppose à la mesure. Il ne faut pourtant pas interpréter cette dernière comme une attaque contre la pratique religieuse dans les écoles terre-neuviennes, parce que ce n'est pas le cas. C'est une attaque par des confessions religieuses contre l'intrusion laïque dans la conduite d'un pays et d'une province.

Je ne serai pas aussi éloquent que le sénateur Simard, mais je vous supplie humblement d'approuver cette mesure. Je dis simplement que ce qu'on demande ici est démocratique. On le demande de façon démocratique conformément à la décision unanime des politiciens élus par les habitants de Terre-Neuve, des politiciens dont la tâche consiste à représenter la population. Dans une démocratie, ce sont eux qui représentent la population, ce ne sont ni les chauffeurs d'autobus ni les évêques qui défendent leurs intérêts personnels. Ils n'expriment pas légalement et constitutionnellement les opinions et la volonté des habitants de Terre-Neuve.

Honorables sénateurs, je vous implore d'appuyer la modification de la clause 17 et de rejeter les amendements et sous-amendements que les sénateurs d'en face ont proposés de bonne foi. Je suis convaincu qu'ils croyaient bien faire en les proposant. D'après moi, la démocratie demande que nous votions pour les modifications que demande la majorité au gouvernement de Terre-Neuve et à son assemblée législative.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à l'honorable sénateur.

Le discours que je viens d'entendre m'a étonné. J'y reviendrai plus tard, dans mon discours.

[Français]

Dois-je comprendre que vous êtes en désaccord avec le jugement très récent de la Cour suprême par un vote de cinq juges, alors que deux étaient d'accord et deux plus ou moins en désaccord concernant la question scolaire en Ontario et le droit à l'enseignement dans les écoles catholiques en Ontario? J'ai lu ce jugement paru la semaine dernière. Je l'ai lu en entier.

Avant que l'on prenne une décision, après avoir entendu le sénateur Kirby, qui a parlé d'une manière fort éloquente, je souhaiterais que...

[Traduction]

Par curiosité intellectuelle, honorables sénateurs, demandez donc à vos collaborateurs de vous informer sur le tout dernier jugement de la Cour suprême du Canada concernant les droits constitutionnels en Ontario.

[Français]

Dois-je comprendre que vous êtes en désaccord avec ce jugement dont la teneur est très semblable à ce qui pourrait se produire à Terre-Neuve? À quoi sert une Constitution, sinon à protéger des droits? Quand vous me dites qu'il y a eu consentement unanime à la législature, je vous pose cette question.

[Traduction]

Je me rappelle le jour où la Chambre des communes a approuvé par une décision presque unanime l'application de la Loi sur les mesures de guerre. Le fait qu'il y avait consentement unanime suffit-il à démontrer qu'il s'agissait là de la mesure qui s'imposait?

Je regarde certains des voisins du sénateur qui ont été très actifs à ce moment-là. Contrairement à ce que nous avons fait à l'époque, nous pensions avoir raison. Le sénateur a parlé de séparation de l'Église et de l'État, mais je reviens aux considérations préliminaires. Il a beaucoup parlé de la question des autobus. Il semble qu'il ait raison, mais cette question est maintenant réglée sans que l'on ait eu à modifier la Constitution. La séparation de l'Église et de l'État peut exister dans un pays idéal, un Eldorado quelconque, mais ce n'est pas ce qui est écrit dans la Constitution.

Je termine en posant ma question encore une fois.

[Français]

À quoi sert une constitution sinon à protéger A, B ou C en retour de tel ou tel agrément? Si vous appuyez le projet de la Confédération, la Constitution vous promet, que vous pourrez conserver votre système scolaire. C'est exactement ce qui se passe actuellement en Ontario. En vertu de la Constitution, les juges, dans leur sagesse, ont décidé que l'on ne toucherait pas au système scolaire. Ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux, ils l'ont mentionné.

[Traduction]

J'invite les honorables sénateurs à lire ce jugement. Ce n'est peut-être pas le meilleur, mais c'est une réalité. Voilà en quoi consiste le Canada: une série de mesures de protection en faveur de celui-ci ou de celui-là. M. Lincoln a dit un jour que les droits étaient précisément cela, des droits. Qu'est-ce que des droits qui sont inscrits dans la Constitution s'ils dérangent ou embêtent les gens? Nous sommes prêts à adopter une mesure. Je suis heureux de la participation du Sénat à cet égard. Nous, au moins, nous avons fait notre devoir, chose que la Chambre des communes a refusé de faire.

[Français]

Êtes-vous en désaccord avec ce jugement de la Cour Suprême? Qu'est-ce qu'une constitution? Je me contenterai de ces deux sujets.

Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, nous avons une Constitution. Elle contient une formule d'amendement qui a plusieurs volets. Un de ces volets est l'article 43, qui permet de proposer et d'adopter un changement constitutionnel affectant une seule province, si le Parlement canadien et le Parlement de ladite province sont d'accord.

Toute constitution peut être modifiée. Toutes les constitutions ont été modifiées. Elles ne sont pas immuables. Le Canada a une Constitution qui dit que ce sont les élus qui décident des changements constitutionnels, personne d'autre. C'est ce que dit la Constitution.

Prenez le jugement de la Cour suprême. Il est vrai que la Constitution de l'Ontario dans ce domaine est telle que vous venez de la décrire et telle que la Cour surprême l'a décrite.

Si le Parlement de l'Ontario voulait effectuer un changement, demandait au Parlement fédéral d'accepter ce changement et que les deux Parlements l'acceptaient, la Constitution serait modifiée. La Cour suprême, répondant à ce qui se passe en Ontario, serait forcée de considérer la Constitution telle que modifiée. Pour le cas de Terre-Neuve, c'est l'Assemblée législative de Terre-Neuve qui a demandé que la Constitution soit changée. Le Parlement fédéral a acquiescé à cette demande. La Constitution, en ce qui concerne les écoles confessionnelles à Terre-Neuve, sera modifiée. Cela sera tout à fait légal et tout à fait constitutionnel.

La Cour suprême a eu raison d'en décider ainsi, dans l'état actuel de la Constitution. Une modification à l'article 43 de la Constitution modifiera certains statuts en Ontario.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, ce sont des citoyens de l'Ontario qui ont pris l'initiative d'aller à la Cour suprême, et la Cour suprême leur a dit carrément non. Le sénateur Beaudoin pourrait peut-être nous aider dans notre réflexion. Pouvons-nous croire que nous sommes constitutionnellement à bon droit d'amender la Constitution parce que l'Assemblée législative de Terre-Neuve l'a demandé? Cela ne veut pas dire que c'est constitutionnel. N'importe quel citoyen de Terre-Neuve peut attaquer cette décision que le Parlement du Canada et de Terre-Neuve pourraient prendre croyant qu'ils sont à bon droit de le faire. Je pose cette dernière question, votre façon de pensée me forçant à la réflexion.

Je ne suis pas convaincu que nous sommes en droit de modifier la Constitution parce que l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a adopté une motion en ce sens, par une résolution unanime, et a demandé au gouvernement fédéral de lui accorder son appui. Je ne crois pas que ce soit nécessairement vrai, que ce soit obligatoire. Terre-Neuve demande un amendement et veut qu'il soit adopté par Ottawa. Je souhaite que les grands constitutionnalistes en débatteront publiquement. Je ne suis pas certain d'avoir tort, mais comme je ne désire pas afficher l'arrogance de la certitude, je vous pose cette question.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai le regret de vous interrompre, mais la période de 15 minutes qui vous était allouée, et qui inclut les questions, est terminée. Si vous acceptez de répondre à la question, nous pouvons demander la permission aux honorables sénateurs. Vous pouvez également refuser d'y repondre.

Le sénateur Gigantès: J'aimerais y répondre.

Des voix: Permission accordée.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Posez la question!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée pour répondre à cette question?

Le sénateur Gigantès: Je voudrais répondre à cette question, qui avait plusieurs volets.

[Traduction]

w (2150)

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, le sénateur Gigantès n'accorde pas au sénateur Andreychuk la permission de seulement finir sa question. Nous aurons au moins la courtoisie de répondre, mais pas plus.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée de répondre à cette question?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Gigantès: La question est notamment de savoir si les Canadiens auront le droit de contester cette résolution devant les tribunaux si elle est adoptée. Bien sûr que les Canadiens ont le droit de recourir aux tribunaux. Qui le conteste?

En outre, le Parlement du Canada n'est pas obligé de voter dans le même sens que l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador.

Le sénateur Prud'homme: Bien!

Le sénateur Gigantès: Je ne dis pas que nous sommes obligés de le faire. Cependant, je dis qu'il me semble que la décision de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador est bonne parce que le système actuel à Terre-Neuve appuie une ségrégation bizarre et surannée entre les jeunes chrétiens.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

 

LE CODE CRIMINEL

Projet de loi modificatif-Rapport du comité
des affaires juridiques et constitutionnelles-
Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (accord sur le chef d'accusation)), présenté au Sénat le 7 novembre 1996.

L'honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour proposer l'adoption du seizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concernant le projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (accord sur le chef d'accusation).

Le comité a tenu deux réunions sur le projet de loi S-3. Il a entendu la marraine du projet de loi, le sénateur Anne Cools, et des représentants du ministère de la Justice. Le comité a également écrit à tous les procureurs généraux provinciaux pour les inviter à présenter leurs observations au comité sur le projet de loi S-3.

Bref, honorables sénateurs, le projet de loi S-3 cherche à modifier le Code criminel pour qu'on ait recours aux tribunaux, dans des circonstances bien précises, pour annuler un jugement fondé sur un accord sur le chef d'accusation lorsqu'il est établi après que l'accusé a omis de révéler ou a dénaturé des faits pertinents dans le cadre de l'accord. Ainsi, dans ces cas-là, à la demande du procureur, le tribunal qui a prononcé la peine va annuler la peine imposée à la suite d'un accord sur le chef d'accusation. Le tribunal va ensuite imposer une nouvelle peine à l'accusé pour l'infraction dont il a été reconnu coupable et permettre la poursuite de l'accusé pour toute infraction qui, conformément à l'accord sur le chef d'accusation, a fait l'objet d'un retrait de chef d'accusation ou d'un abandon de procédure.

Dans leur témoignage devant le comité, les fonctionnaires du ministère de la Justice ont soulevé de graves réserves au sujet de la constitutionnalité du projet de loi S-3 à la lumière de l'alinéa 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui dit:

Tout inculpé a le droit:

h) d'une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d'autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;

De plus, des témoins ont déclaré au comité que le projet de loi S-3 ne prévoit aucun délai et qu'une sentence pourrait être annulée n'importe quand, même si un accusé a purgé sa peine et a été remis en liberté.

Suite à cet exposé, le comité de direction du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est réuni pour discuter de la ligne de conduite à suivre au sujet de l'audition de futurs témoins. Les trois membres du comité de direction ont convenu que le comité plénier devrait décider s'il entendrait de futurs témoins. Les membres du comité ont décidé à l'unanimité que leurs préoccupations au sujet de la constitutionnalité étaient importantes et que, par conséquent, le comité ne devrait plus entendre de témoins mais qu'il devrait renvoyer le projet de loi au Sénat en faisant valoir ses préoccupations au sujet de sa constitutionnalité.

Honorables sénateurs, nous félicitons le sénateur Cools d'avoir porté cette question à l'attention du Sénat. Madame le sénateur représente le point de vue de nombreux Canadiens. Malheureusement, nos réserves au sujet du projet de loi S-3 sont telles que nous ne croyons pas qu'il faille lui donner suite.

Madame le sénateur Cools n'est pas au Sénat ce soir, mais je sais qu'elle aurait demandé l'ajournement, ce que je propose avec l'assentiment des sénateurs.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

 


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