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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 69

Le mardi 11 février 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 11 février 1997

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les jeux olympiques spéciaux d'hiver

Félicitations à l'occasion du succès des Jeux

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, j'aimerais faire une déclaration concernant les Jeux olympiques spéciaux d'hiver qui ont eu lieu la semaine dernière dans la région de Toronto-Collingwood. Vous savez peut-être qu'ils ont attiré 2 000 athlètes et 3 000 bénévoles de 72 pays du monde entier.

L'équipe canadienne comptait 82 athlètes, hommes et femmes. Je suis fier de dire que deux d'entre eux viennent de la Nouvelle-Écosse. Il s'agit de Martin Fudge, jeune homme de 22 ans, résidant à Shelburn, qui s'est entraîné très fort et a travaillé dur. L'hiver dernier, alors qu'il n'y avait pas de neige en Nouvelle-Écosse, il s'est entraîné sur les routes de campagne avec des raquettes auxquelles il avait attaché une semelle en caoutchouc. Il a perdu 60 livres et a été récompensé par trois médailles d'argent et une médaille de bronze.

Honorables sénateurs, n'oubliez pas que ces athlètes ont un handicap mental, ce qui ne les empêche pas d'être très disciplinés et débordants d'enthousiasme. Ils font preuve d'un grand courage.

J'aimerais maintenant vous parler de Bonnie Conrad, de Lunenburg. Âgée de 32 ans, Bonnie est patineuse de vitesse. Jusqu'en septembre, elle s'entraînait avec des patins d'hommes, puis on lui a donné des patins de vitesse et depuis on ne peut plus l'arrêter. Elle a participé à trois épreuves et remporté deux médailles d'argent. Sa dernière épreuve était un 333 mètres. Elle a remonté le peloton pour remporter la médaille d'or. Cette médaille, elle l'a gagnée pour elle et pour le Canada. Nous sommes extrêmement fiers de Bonnie et de ses fidèles entraîneuses, Alice Bent, de Bridgewater, et Jane Ritcey, de Lunenburg.

Je suis certain que tous les sénateurs se joindront à moi pour offrir nos félicitations aux officiels et à la légion de bénévoles qui ont organisé cette manifestation de calibre mondial et, plus particulièrement, aux athlètes du Canada, qui ont fait honneur à notre pays bien-aimé.

 

L'enceinte du Parlement

L'incident de la camionnette
sur la colline du Parlement

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, il y a quelques jours un véhicule a emprunté la large voie piétonne qui se dirige vers l'édifice du Centre, a gravi deux volées de marches et s'est arrêté contre la porte de l'édifice.

Je ne sais trop où commencer mes commentaires sur cet incident. Ceux d'entre nous qui sont ici depuis quelque temps savent que je m'intéresse et je m'inquiète depuis longtemps de la question du terrorisme international et de la question subsidiaire de notre protection contre les attaques terroristes. À la fin des années 80, nous avons fait une étude, dont le rapport a été présenté en 1987, qui montrait de nombreuses faiblesses. Je suis heureux de mentionner que beaucoup de ces faiblesses ont été corrigées. Le comité a fait un excellent travail. Nous sommes revenus sur la question en 1989 et, là encore, nous avons noté des changements.

J'ai commencé à m'intéresser à ce sujet en raison de mes activités en Europe occidentale et au Moyen-Orient pendant les années 60 et le début des années 70. J'ai assisté là à la montée du terrorisme, lequel est passé d'une activité sporadique à une industrie capable d'embaucher des poseurs de bombes. Aujourd'hui, les services d'un organisme bien financé ou d'un membre de l'industrie peuvent être retenus pour faire pratiquement n'importe quoi, n'importe où.

(1410)

Mon intérêt pour ce qui se passe au Canada remonte à l'installation de solides piliers devant l'ambassade des États-Unis dans la rue Wellington. C'était en réponse à un incident similaire à celui de la semaine dernière, ici. Un camion bourré d'explosifs avait foncé contre la porte d'une ambassade, mais je ne me souviens plus dans quel pays. Un certain nombre de personnes furent tuées par l'explosion, et la même chose aurait pu se produire la semaine dernière.

À l'époque, il y a huit ou dix ans, les Canadiens ont regardé les Américains se protéger en se disant, comme nous l'avons toujours prétendu: «Cela ne peut pas arriver ici.»

La semaine dernière, lorsque cette camionnette est venue s'arrêter contre la porte de l'édifice du Centre, tout ce qui n'aurait pas dû arriver s'est produit. On a laissé les gens s'attrouper. Les médias ont pu parler à un concierge qui a déclaré: «J'ai failli me faire écraser.» Un député a même dit: «C'est heureux qu'aucun touriste n'ait été frappé ou tué.»

Un véhicule de la GRC est stationné à l'extrémité sud de la colline du Parlement. Un autre est censé être stationné à l'extrémité supérieure. Les agents ont dû voir la camionnette et supposer qu'un touriste voulait éviter de marcher. Les honorables sénateurs se rendent-ils compte qu'une toute petite quantité de Semtex aurait pu tuer tous ceux qui se sont attroupés pour voir ce qui se passait?

Dans peu de temps je présenterai une motion à cet égard. Je pense que nous devons continuer à étudier la question du terrorisme. Notre objectif est d'anticiper ces situations. Pourquoi se préoccuper de la sécurité des avions seulement après que 300 ou 400 personnes aient péri dans un écrasement? Pourquoi prenons-nous des mesures de sécurité seulement en réponse aux incidents terroristes? Devons-nous toujours attendre que quelqu'un soit tué pour réaliser ce qui peut arriver?

Le code de conduite

Le bilan du gouvernement libéral

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs,le 23 avril dernier, le sénateur Stanbury a prononcé un discours enflammé et très intéressant en réponse au discours du Trône et il a alors parlé d'honnêteté et d'intégrité. Dans ce discours, il a félicité le gouvernement libéral de son bilan à cet égard. Honorables sénateurs, permettez-moi de vous rappeler brièvement les propos du sénateur Stanbury. Il a déclaré:

Le gouvernement est arrivé au pouvoir avec un plan précis. Il avait deux grands mandats: rétablir la confiance de la population dans l'honnêteté et l'intégrité du gouvernement et redonner du travail aux Canadiens.

Il a ajouté:

[...] les Canadiens avaient été échaudés par la parade des ministres conservateurs contraints de démissionner en raison de conflits d'intérêts. Depuis, les révélations contenues dans des livres comme On the Take, par Stevie Cameron, ont ébranlé la confiance du public dans l'intégrité du système politique et cela se répercute sur nous tous.

Avec le gouvernement actuel, cette période sombre a pris fin. Le premier ministre a établi le processus d'examen le plus exigeant jamais imposé à des ministres. Lui-même et tous les membres du gouvernement sont soumis aux plus hautes normes d'honnêteté, d'intégrité et d'éthique. [...]

On peut être d'accord ou pas avec nos politiques, mais [...] personne ne peut mettre en doute l'honnêteté et l'intégrité de notre gouvernement et de ses ministres. Personne.

 

Honorables sénateurs, comme de nombreux Canadiens, je ne suis pas de l'avis du sénateur Stanbury et je doute du bilan du gouvernement en matière d'honnêteté et d'intégrité. Examinons un peu ce qu'il a fait à cet égard au cours de l'année qui vient de se terminer. En 1996 seulement, deux ministres ont dû démissionner, M. Collenette et Mme Copps. Le gouvernement s'apprête à verser des millions de dollars en règlement à la suite de l'annulation inutile du contrat de l'aéroport Pearson. Le chef d'état-major des Forces canadiennes, nommé par ce gouvernement, a aussi dû démissionner. Malgré les objections du commissaire, ce gouvernement a prématurément mis un terme à l'enquête officielle sur les événements survenus en Somalie afin d'empêcher la tenue d'audiences complètes et révélatrices.

Le Cabinet du premier ministre et les ministres Rock et Gray ont participé à une tentative purement politique visant à entacher la réputation d'un ancien premier ministre du pays. Étant donné les agissements de ces deux ministres, le gouvernement du Canada a été forcé de s'excuser officiellement pour les actes posés et il sera tenu de payer des millions de dollars en honoraires juridiques et frais connexes. Enfin, de l'avis de bien des gens, même le premier ministre a faussé la vérité en parlant de la TPS lors d'une assemblée publique à la télévision nationale.

Honorables sénateurs, tous ces incidents se sont produits au cours de la dernière année seulement. Je tiens à remercier le sénateur Stanbury pour sa leçon d'honnêteté et d'intégrité, mais, à l'avenir, il pourrait peut-être réserver ses leçons aux réunions du caucus libéral.

Les jeux olympiques spéciaux d'hiver

L'origine des Jeux

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, lesamedi 7 février, les Jeux olympiques spéciaux d'hiver de 1997 se sont terminés à Toronto après une semaine de compétitions sportives auxquelles ont participé 2 000 athlètes ayant une déficience intellectuelle, qui représentaient 72 pays. Tout comme les cérémonies d'ouverture, les cérémonies de clôture ont été mémorables et touchantes, pleines d'espoir et d'attentes pour l'avenir.

Les jeux étaient une entreprise remarquable. Les athlètes se sont livré une chaude lutte et ces jeux ont été marqués au coin de l'amusement même si, parfois, les participants, leurs parents, leurs entraîneurs ainsi que les milliers de bénévoles qui ont aidé à faire de ces jeux une réalité sont venus les larmes aux yeux. Les jeux d'hiver qui se sont tenus à Toronto et Collingwood étaient le fruit de nombreuses années de travail. Il s'agissait des Jeux olympiques spéciaux les plus importants jamais tenus dans le monde. Il faut féliciter Toronto et Collingwood pour leur excellente organisation et leur belle hospitalité à l'égard des participants et des spectateurs.

Les Jeux olympiques spéciaux sont un événement unique qui offrent aux gens souffrant d'une déficience mentale la chance d'apprendre et de participer à des programmes sportifs et de conditionnement physique qui leur profiteront tout au cours de leur vie. Ces jeux sont l'aboutissement d'années d'entraînement par les athlètes et leur offrent la chance de participer à des compétitions. Le sentiment de réalisation et le mieux-être qu'apporte la participation à ces jeux donnent aux participants une meilleure vie et expliquent la croissance extraordinaire du programme depuis que la Fondation Joseph P. Kennedy et la famille Schriver ont lancé le mouvement, en 1968.

M. Frank Hayden, au Canada, a également joué un rôle important dans la mise sur pied des Jeux olympiques spéciaux. Ce sont ses recherches sur les avantages du conditionnement physique pour les gens atteints de déficience mentale qui ont aidé la Fondation Joseph P. Kennedy à mettre sur pied le modèle des Jeux olympiques spéciaux. On a ainsi donné à ces gens âgés de 6 à 60 ans de nouvelles occasions de se réaliser et une meilleure qualité de vie. Je ne pourrai jamais assez remercier la famille Kennedy pour son travail dans ce domaine. M. Hayden continue d'être également notre guide et il a fait office d'entraîneur en chef honoraire d'Équipe Canada à ces jeux.

Le légendaire Harry «Red» Foster a fait entrer les Jeux olympiques spéciaux au Canada et il a financé les Jeux olympiques spéciaux au Canada jusqu'à ce qu'ils soient bien établis. Le hockey en salle a été le premier sport inscrit aux Jeux olympiques spéciaux et il demeure le plus populaire. C'était également le favori de Harry.

Le Canada a eu des équipes à tous les Jeux olympiques spéciaux depuis le début, et les Jeux olympiques spéciaux du Canada est une organisation établie dans tout le Canada en plus d'être le meilleur programme de son genre dans le monde. Dans ma propre province, le Manitoba, 5 000 personnes, athlètes et bénévoles, participent aux Jeux olympiques spéciaux.

Je voudrais ajouter une note personnelle, honorables sénateurs. C'est Red Foster, notre fondateur canadien, et mon frère, Daniel Johnson, qui ont lancé les Jeux olympiques spéciaux du Manitoba, dont j'ai commencé à m'occuper il y a 17 ans. Je siège au Conseil des Jeux olympiques spéciaux du Manitoba et des Jeux olympiques spéciaux du Canada et je suis bénévole dans le domaine.

J'ai assisté aux jeux de 1997 à titre de membre du nouveau Conseil consultatif des Jeux olympiques spéciaux du Canada, mais je me suis vraiment rendue là, en fait, parce que je suis beaucoup attachée à ces enfants, au programme et aux gens qui rendent tout cela possible. Nous sommes comme une famille au sein des Jeux olympiques spéciaux et nous semblons être liés à ce mouvement pour toute la vie dans la plupart des cas. Comme Eunice Kennedy Schriver m'a dit à mes premiers jeux internationaux en 1981, «Bienvenue au club - vous allez donner tout votre coeur à ces jeux». J'ignorais au juste ce qu'elle voulait dire. Lorsque je l'ai revue la semaine dernière, elle n'a pas paru surprise que je sois encore là.

C'est peut-être la devise que les athlètes récitent à l'occasion de l'ouverture des jeux qui reflète le mieux l'esprit des Jeux olympiques spéciaux:

Donnez-moi l'occasion de gagner,

Mais si je n'y parviens pas,

Donnez-moi celle de concourir avec courage.

J'espère que vous avez tous eu la chance de suivre une partie des jeux sur le réseau TSN la semaine dernière. Dans la négative, on va les rediffuser dans les semaines à venir. Cela vaut la peine de les regarder.

(1420)

La Semaine de valorisation des
enseignantes et des enseignants

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, pour la dixième année, les associations de parents et maîtres et les conseils de parents dans tout le pays célèbrent la Semaine de valorisation des enseignantes et des enseignants. Les parents ont organisé pour cette semaine des activités communautaires qui visent à souligner les contributions personnelles et professionnelles des enseignants et du personnel de soutien des écoles.

La Semaine de valorisation des enseignantes et des enseignants a été inaugurée en 1988 par la Fédération canadienne des associations foyer-école et parents-maîtres. Il s'agit là d'un moyen d'offrir aux parents et à d'autres personnes intéressées par les enfants et par leur éducation la possibilité de participer, dans toutes les régions, à des manifestations de soutien des écoles du Canada, ainsi que de leurs enseignants et de leur personnel de soutien.

Mabel Hubbard-Bell, épouse d'Alexander Graham Bell, a été fondatrice de la première association de parents à Baddeck, en Nouvelle-Écosse, il y a 102 ans. Les questions de l'heure étaient différentes à cette époque-là, mais les préoccupations des parents à l'égard du bien-être de leurs enfants demeurent les mêmes. La Fédération canadienne des associations foyer-école et parents-maîtres a toujours eu pour objectif de promouvoir l'éducation, la santé, la sécurité et le bien-être des enfants et des adolescents au foyer, à l'école et dans la collectivité. Aujourd'hui, elle rejoint plus de un million de parents, dans tout le pays, qui placent quotidiennement leur confiance dans les éducateurs qui travaillent auprès de nos enfants.

Dans des études menées par les Nations Unies, les Canadiens se classent aux premiers rangs pour leur régime d'enseignement, qui est respecté dans le monde entier. De ce régime sera issue la prochaine génération de leaders nationaux. Notre société, qui a conféré une énorme responsabilité aux enseignants, a pleinement confiance dans leur capacité de contribuer au bien-être, à l'éducation et au développement social de nos enfants et de nos adolescents. Avec la vie trépidante que nous menons, nous n'avons pas toujours l'occasion d'exprimer aux enseignants notre reconnaissance pour leur formation de qualité supérieure et pour leur engagement envers leur profession. La Semaine de valorisation des enseignantes et des enseignants offre une merveilleuse occasion de témoigner notre profonde gratitude à ceux et celles qui ont choisi cette vocation.

Je suis honorée de me joindre à ceux qui félicitent les enseignantes et les enseignants pour leur travail et leur dévouement remarquables. J'espère que les honorables sénateurs se joindront tous à moi pour rendre hommage aux enseignantes et aux enseignants de notre grand pays, le Canada.

 


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de demander au dernier sénateur de faire une déclaration, je vous signale la présence à notre tribune de visiteurs de marque. Il s'agit de membres du Conseil de l'Europe, soitM. René van der Linden, des Pays-Bas, et de M. Ismail Cem, de Turquie, qui sont accompagnés de M. Kleijssen, membre de leur personnel.

Des voix: Bravo!

 


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 5(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, le mercredi 12 février 1997, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

L'éducation postsecondaire

Avis de motion portant autorisation au comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie de reporter la date de présentation de son rapport final

L'honorable Mabel M. Deware: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 13 février 1997, je proposerai:

Que par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 19 juin 1996, le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à déposer le rapport final de son étude sur la question sérieuse de l'éducation postsecondaire au Canada, au plus tard le 15 mai 1997.

 

La Société de développement du Cap-Breton

Autorisation de reconstitution du comité
sénatorial spécial pour examiner des
documents complémentaires

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)d) du Règlement, je propose:

Que le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton soit reconstitué pour examiner, afin d'en faire rapport, le rapport annuel, le plan d'entreprise ainsi que les rapports d'activité de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes;

Que, nonobstant l'alinéa 85(1)b) du Règlement, les honorables sénateurs Anderson, Buchanan, De Bané, Ghitter, Gigantès, Landry, MacDonald (Halifax), Macdonald (Cap-Breton), Moore, Murray, Rompkey et Stanbury composent ce comité spécial et que le quorum soit constitué de trois membres;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité.

Que les documents et les témoignages recueillis à ce sujet et les résultats des travaux accomplis par le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton au cours de la présente session de la trente-cinquième législature soient renvoyés à ce comité; et

Que le comité présente son rapport final au plus tardle 11 mars 1997, et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion de son rapport final, et ce, jusqu'au 15 mars 1997.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Vous opposez-vous à cette permission, sénateur Prud'homme?

Le sénateur Prud'homme: J'aimerais formuler une observation.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, honorable sénateur Prud'homme, quand une permission est demandée, la réponse est soit «oui», soit «non».

Le sénateur Prud'homme: Il n'y a pas eu consultation. Heureusement que le sénateur Murray m'en a glissé un mot tout à l'heure, car je n'en savais rien.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Les services de soins de santé
en langue anglaise au Québec

Avis d'interpellation

L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 56(1) et 57(2) du Règlement, je donne avis que d'ici deux jours j'attirerai l'attention du Sénat sur les services de soins de santé en langue anglaise au Québec.

 

Projet de loi d'intérêt privé

Loi constituant en corporation l'Évêque de l'Arctique de l'Église anglicane du Canada-Projet de loi modificatif-Présentation d'une pétition

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition de l'Évêque de l'Arctique pour la ville de Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest demandant l'adoption d'une loi modifiant une loi constituant en corporation l'Évêque de l'Arctique de l'Église anglicane du Canada.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires intergouvernementales

Les accords de développement du marché du travail-Leur effet sur les services offerts aux francophones d'Alberta-Demande de réponse

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le 16 décembre dernier, j'ai demandé à madame le leader du gouvernement si elle pouvait assurer au Sénat que les accords de développement du marché du travail conclus avec le Québec garantissent que les programmes et les services qui sont présentement offerts dans les deux langues officielles par le gouvernement fédéral ne seront pas transférés au gouvernement québécois à moins qu'un accord avec cette province ne prévoit les mêmes garanties. Hier, au cours de la période des questions, le premier ministre a dit que le gouvernement avait espéré conclure un tel accord le mois dernier, ce qui montre très clairement que les négociations sont très avancées. Par conséquent, la question que j'ai poséele 16 décembre est encore plus pertinente et plus urgente aujourd'hui. La ministre est-elle maintenant en mesure d'y répondre?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas en mesure de donner aujourd'hui une réponse exacte à mon collègue, car le ministre, M. Pettigrew, est toujours en négociations.

Le sénateur a parfaitement raison de dire qu'on espérait conclure plus tôt cet accord. Cela ne s'est pas fait et les négociations continuent.

(1430)

Je ne peux pas fournir aujourd'hui une réponse au sénateur Lynch-Staunton. Je vais essayer de lui en obtenir une qui soit plus précise, mais il se peut que mon collègue n'ait pas la latitude voulue pour divulguer des renseignements en raison de ces négociations. Je vais faire de mon mieux.

 

Les accords de développement du marché du travail-
Les modèles qui s'offrent au Québec-
La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, hier, au cours de la même période des questions, le premier ministre a dit que des accords avaient été conclus rapidement avec l'Alberta et le Nouveau-Brunswick et qu'il ne voyait pas pourquoi les mêmes conditions ne pourraient pas être satisfaites au Québec. Le problème avec une réponse comme celle-là, comme avec beaucoup de réponses du premier ministre, c'est qu'elle dénote une ignorance de la teneur de la question.

En ce qui concerne les droits linguistiques, les obligations prévues dans l'accord du Nouveau-Brunswick et dans l'accord de l'Alberta ne sont pas les mêmes. Pour dire comme on dit, en Alberta, les services sont offerts «là où le nombre le justifie». Là où la demande est importante, les minorités, les francophones, auront des programmes et des services dans leur langue. Pour déterminer si la demande est importante, le gouvernement provincial se fiera au règlement fédéral. Ce sera fait sur une base volontaire et spéciale. Rien ne garantit que les services seront fournis.

Au Nouveau-Brunswick, la question est un peu plus claire. Le gouvernement provincial s'est engagé à fournir inconditionnellement des avantages et des services dans les deux langues officielles.

Nous avons deux approches différentes à l'égard de la minorité linguistique dans deux provinces: d'une part, au Nouveau-Brunswick, les services sont garantis dans les deux langues officielles et, d'autre part, en Alberta, la situation est plus confuse, moins claire. Sans critères ni lignes directrices, rien ne garantit que la minorité française de l'Alberta sera traitée de la même façon que la majorité, comme c'est le cas au Nouveau-Brunswick. Le Québec utilisera-t-il le modèle albertain ou le modèle néo-brunswickois?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je sais que, de l'avis du ministre, les accords qui ont déjà été conclus avec les deux provinces, quoique répondant différemment à la situation de chacune, satisfont néanmoins pleinement aux exigences de la Loi sur les langues officielles. Il est persuadé que tout accord avec la province de Québec en ferait autant. Il est en pleines négociations avec cette province.

 

L'assujettissement aux garanties linguistiques historiques des modifications de l'article 93
de la Constitution demandées par le Québec-
La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, dois-je comprendre que la minorité anglophone au Québec recevra les mêmes services qui lui sont maintenant offerts par le gouvernement fédéral? C'est ce que vous semblez dire.

Sur un sujet connexe, le gouvernement québécois a fait savoir qu'il souhaitait remplacer les conseils scolaires confessionnels par des conseils scolaires linguistiques. S'il en reçoit officiellement la demande, le gouvernement fédéral insistera-t-il pour qu'aucune modification ne soit apportée à la Constitution et surtout à l'article 93, à moins que ces modifications ne prévoient des garanties linguistiques au moins équivalentes aux garanties religieuses qui existent depuis 1867?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je saisis parfaitement l'importance de la question et je vais obtenir une réponse pour mon honorable collègue.

 

LA JUSTICE

L'enquête sur la vente d'avions airbus à air canada-
la possibilité d'une enquête publique-
la position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne le dossier des avions Airbus. On a présenté des excuses et conclu un accord visant l'acquittement des frais juridiques, mais on n'a toujours pas congédié un seul membre influent de la bureaucratie ou du gouvernement. Une enquête est en cours sur le comportement de certains membres de la GRC.

Au lieu de confier l'enquête à une personne - et je ne remets aucunement la personne en cause -, étant donné l'erreur terrible et coûteuse causée par des ministres, madame le leader du gouvernement ne convient-elle pas que nous devrions avoir une enquête publique? Même si l'enquête en cours ne peut être pire que l'enquête Nixon sur l'aéroport Pearson, ne devrions-nous pas avoir une enquête publique exhaustive sur des faits qui ont secoué tout le pays?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la GRC mène actuellement une enquête sur le code de conduite. Je ne peux en dire davantage.

L'honorable sénateur a fait remarquer, comme d'autres sénateurs l'avaient d'ailleurs déjà mentionné dans leurs questions, qu'un règlement a été conclu et que des excuses ont été présentées par le gouvernement et les ministres, à commencer par le premier ministre. L'enquête se poursuit. Je n'ai aucune autre observation à faire sur la question de l'honorable sénateur.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, comment pouvons-nous penser que les Canadiens ordinaires auront confiance dans nos institutions quand ils savent que même un premier ministre n'est pas à l'abri d'un traitement aussi injuste? Les Canadiens ne veulent pas de traitement spécial, mais un traitement égal pour tous. Comment pouvons-nous garantir que le gouvernement n'est pas en train d'utiliser Revenu Canada, le ministère de la Justice ou la GRC contre ses opposants ou ceux qu'il voit comme des opposants politiques ou qui le critiquent?

D'un océan à l'autre, des Canadiens ont écrit pour demander: «Si le gouvernement peut traiter ainsi un ancien premier ministre, qu'est-ce qui l'empêchera de mettre à contribution les moyens dont disposent des organisations comme le SCRS, la GRC et Revenu Canada pour s'en prendre à des Canadiens ordinaires qui auraient simplement le tort de ne pas l'approuver?»

Le sénateur Fairbairn: L'honorable sénateur sait bien que, dans ce cas-ci, des excuses s'imposaient et ont été présentées, de sorte que la lettre n'aurait jamais été rédigée comme elle l'a été.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avez-vous dit cela aux Suisses?

Le sénateur Fairbairn: Le ministre de la Justice a expliqué en détail, il y a environ une semaine, qu'il s'était empressé de modifier les modalités à observer pour obtenir des renseignements, afin d'éviter des erreurs de ce genre à l'avenir. Il y a quelques semaines, il a aussi demandé à un ancien juge de la Cour d'appel de l'Ontario, M. Alan Goodman, d'examiner en profondeur les modifications que le ministère avait effectuées, à l'invitation du ministre, afin de déterminer si elles étaient suffisantes. En l'occurrence, le ministre et le gouvernement font tout leur possible pour garantir qu'aucun autre Canadien ne se trouve dans une situation de ce genre à l'avenir.

(1440)

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, comme beaucoup d'autres sénateurs, j'ai pris la parole ici même et j'ai fait savoir au moyen de questions et de déclarations que nous recevions des lettres de cette nature. Nous n'arrivions pas à croire qu'une lettre puisse être libellée de cette manière. Elle portait clairement une accusation contre une personne.

L'honorable leader du gouvernement au Sénat et le ministre Rock se sont portés à la défense de cette position et de cette lettre. Ils ont dit que c'était la marche à suivre, et ils l'ont défendue avec la dernière énergie, sans jamais laisser entendre que cela puisse être condamnable. Et voici soudain que nous assistons à une volte-face, maintenant qu'on sait que les allégations étaient sans fondement.

Honorables sénateurs, nous tous, où que nous siégions au Sénat et où que nous habitions, avons l'obligation de lancer une enquête publique quelconque sur cette affaire. Je ne conteste aucunement les compétences du bon juge qui a été nommé pour la mener.

Comme la ministre l'a si bien dit dans sa réponse, il s'agit d'un problème très grave qui ne doit pas se reproduire. Un tel acte ne s'est jamais vu dans une société démocratique. C'est pourquoi je préconise une enquête publique plutôt qu'une simple audience avec une seule personne. Il nous faut un tribunal devant lequel des témoins comparaîtront et feront leurs déclarations de manière ordonnée; ce sera un groupe de personnes et non une seule qui se prononcera. Je répète que je ne conteste pas les compétences du bon juge.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat ne convient pas que nous devrions tenir ce genre d'enquête le plus tôt possible?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, j'ai décrit les mesures que le ministre Rock et le ministère de la Justice ont prises très rapidement après la divulgation du contenu de la lettre. Dans les réponses que j'ai données pendant quelques mois à ce sujet, j'ai dit que les membres du gouvernement n'avaient pas été mis au courant à l'avance de l'existence de cette lettre.

La procédure dont j'ai parlé plus tôt a été mise en place et elle sera renforcée, au besoin, une fois que M. Goodman aura terminé son travail. Tout ce que je puis faire, c'est transmettre les observations du sénateur. Cependant, que je sache, aucune enquête publique n'est prévue.

 

Énergie atomique du Canada

La vente de réacteurs CANDU à la Chine-
La poursuite des négociations entre les deux parties-
La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, récemment, on nous a laissé entendre que le contrat final entre Énergie atomique du Canada et la China National Nuclear Corporation pour la vente de deux réacteurs CANDU se fondait sur un protocole d'entente signé avec les représentants de la CNNC et de la Chine en 1994 et un accord d'octroi du projet intervenu en juillet dernier. Cet accord prévoit le prix, les approvisionnements, les honoraires, les mécanismes de financement et les conditions de la vente ferme. En mars dernier, le Parlement a adopté un projet de loi de crédits autorisant le ministre des Finances à garantir un prêt de 1,5 milliard de dollars afin de faciliter la vente.

On m'informe aujourd'hui que le ministre des Finances n'a pas exercé le pouvoir qui lui était confié. En date de la semaine dernière, aucune somme n'avait été débloquée. La raison est simple, me dit-on, c'est que les deux parties continuent de négocier. Entre-temps, les noms de quatre ministres figurent dans une demande d'examen judiciaire portant sur un tout autre aspect de la vente, soit le fait que le gouvernement n'a pas respecté la loi canadienne sur les évaluations environnementales tellement il avait hâte d'exporter des réacteurs CANDU.

Voici ma question: qu'y avait-il vraiment derrière la séance de photos qui s'est déroulée en novembre dernier lorsque le premier ministre a assisté à la signature du contrat? Les parties continuent de négocier quoi au juste? Quels sont les arrangements financiers que le gouvernement tente encore de se ménager?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur pour sa question. Il s'agit d'une question fort détaillée à laquelle je tenterai d'obtenir une réponse.

Le sénateur Spivak: Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si le marché est conclu ou non?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, l'accord existe bien entre les deux pays. Certains de mes collègues ont personnellement participé activement aux négociations. Cependant, je préférerais nettement mieux m'informer auprès d'eux que de fournir une réponse au pied levé aujourd'hui. Je m'informerai et ferai rapport à mon honorable collègue.

 

L'économie

Le taux de chômage-L'état du programme de
création d'emplois-La position du gouvernement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, vendredi dernier, Statistique Canada a rendu publiques des statistiques sur l'emploi révélant que le taux national de chômage était bloqué à 9,7 p. 100 en janvier. On apprenait également que presque aucun nouvel emploi n'avait été créé pendant ce même mois. Le gouvernement libéral, qui a fait campagne sur le thème de la création d'emplois lors des dernières élections, affiche en la matière des résultats consternants.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat aurait l'obligeance de nous expliquer pourquoi si peu de nouveaux emplois ont été créés au cours du mandat du gouvernement actuel?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis d'accord avec mon honorable collègue sur un point: le taux de chômage qu'il cite est beaucoup trop élevé. Il aurait dû se créer un nombre plus élevé d'emplois au Canada. Le nombre des chômeurs canadiens est un sujet de grande préoccupation nationale, et notre gouvernement s'en préoccupe très certainement.

Je me permettrai cependant de rappeler également à mon honorable collègue qu'au cours du mandat actuel, plus de 700 000 emplois ont été créés, dont la majorité sont des emplois à temps plein. En 1993, le gouvernement a accordé - et accorde encore en 1997 - la plus grande priorité à la question des emplois au Canada. Voilà pourquoi il s'est employé avec les provinces, ainsi qu'avec le secteur privé, à tâcher d'augmenter le nombre des emplois créés dans le contexte de ce qui a été en réalité, dans le jargon des économistes, une reprise économique sans création d'emplois.

Vendredi dernier, à Edmonton, en Alberta, le gouvernement fédéral a signé avec le gouvernement de l'Alberta la première entente fédérale-provinciale visant à reconduire le programme d'infrastructures pour une année de plus. Ce programme a surtout pour objet de répondre aux besoins habituels en matière d'infrastructure, surtout du point de vue des habitants des municipalités où cela compte. Par ailleurs, le programme fournit des emplois et crée de l'activité dans le secteur de la construction, sans parler de toutes les retombées dont s'accompagne cette activité.

Le gouvernement s'est attaqué à un autre sujet de préoccupation en prenant diverses mesures, y compris des ententes de partenariat avec le secteur privé, surtout dans le domaine de la technologie; il s'agit de créer des emplois dans ce secteur au Canada et de les y conserver au lieu de les exporter ailleurs. Je me trouvais hier à Calgary, où j'ai visité une entreprise qui est bien connue là-bas de même qu'ici à Ottawa, la société Computing Devices Canada. Cette entreprise a conclu avec nous une entente de partenariat concernant des projets de reconversion des industries de défense qui permettront de créer des emplois pour les Canadiens. Un grand nombre d'entreprises de ce genre en font autant un peu partout au Canada.

Notre gouvernement a pour priorité de créer des emplois pour les Canadiens. Il a déployé à cette fin énormément d'efforts visant à redonner la santé à notre économie. C'est ce que le gouvernement a fait depuis trois ans et ce que confirmera M. Martin, dans le budget qu'il déposera la semaine prochaine. La stabilité économique est indispensable si l'on veut créer des emplois. Le sénateur Di Nino a dit qu'il nous faut plus d'emplois, et je partage entièrement son avis. Ce sera la priorité du gouvernement dans le prochain budget et par la suite.

(1450)

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, nous venons d'entendre une promesse électorale qui est l'écho d'une autre faite durant la dernière campagne. Je suis certain que les jeunes Canadiens, dont quelque 25 p. 100 sont sans emploi, se réjouiront des paroles apaisantes de madame le leader du gouvernement au Sénat.

Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Selon The Globe and Mail du week-end dernier, le taux de chômage a oscillé autour de 9 p. 100 pendant 76 mois consécutifs, ce qui constitue le pire épisode que l'on ait connu depuis la dépression des années 30. Près de quatre ans de régime libéral à Ottawa ont produit l'un des pires bilans en matière de création d'emplois.

Madame le leader du gouvernement au Sénat ne croit-elle pas, comme nous, que le gouvernement actuel n'a pas tenu sa principale promesse électorale de 1993, celle de créer des emplois, des emplois et encore des emplois?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, non, je ne partage pas l'avis de mon honorable collègue. Je ne répéterai pas tout ce que je viens de dire il y a un instant, mais il est vrai que n'importe quel parti national au Canada serait irresponsable si la création d'emplois n'était pas sa principale préoccupation. Je suis certaine que mon honorable collègue en conviendra. Je ne comparerai pas la croissance économique sous un ancien gouvernement à celle que nous avons connue depuis trois ans.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi pas? Faites-le, je vous en prie.

Le sénateur Fairbairn: J'inviterais toutefois l'honorable sénateur à examiner les occasions, de mémoire récente, où l'on a réduit le déficit au Canada. Cela ne s'est vu qu'au cours des trois dernières années. Nous nous sommes employés systématiquement à amener notre économie à accélérer le rythme de création d'emplois au cours des années à venir, lorsque se feront sentir les effets des taux d'intérêt et d'inflation moins élevés ainsi que des mesures à l'intention des jeunes dont mon collègue, Pierre Pettigrew, fera l'annonce demain. La situation va s'améliorer au Canada.

Cela exige un long et pénible effort, et nous devrions tous appuyer les mesures proposées. Je puis donner à mon honorable collègue l'assurance que toute idée constructive qu'il pourrait avoir sera vivement appréciée et bien accueillie. Il n'a qu'à m'en faire part, et je la transmettrai aux intéressés.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat prendra-t-elle le temps d'aller en Nouvelle-Écosse pour parler aux 9 000 personnes qui ont perdu leur emploi l'année dernière, sans parler des 2 000 ou 3 000 autres qui perdront le leur dans l'industrie de la construction ce printemps à cause de l'application de l'affreuse TVH?

 

La santé

Le caractère permanent des étangs bitumineux au Cap-Breton-La réduction du financement d'une
étude de suivi du cancer à l'Université Dalhousie-
La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Quelle est la stratégie du ministre de l'Environnement au sujet des étangs bitumineux de Sydney, par suite de l'annonce de l'octroi d'une autre subvention de 1,6 million de dollars pour des études sur les étangs gravement contaminés? Je trouve étrange que le gouvernement tienne tant à faire faire une autre étude alors qu'il est évident que le problème consiste à nettoyer les étangs bitumineux, d'autant plus que nous sommes à la veille d'élections générales nationales.

L'un des plus graves problèmes liés aux étangs bitumineux est l'incidence élevée du cancer dans le secteur industriel du Cap-Breton. En fait, l'incidence du cancer dans ce secteur est presque le double de la moyenne nationale. Les nouvelles études sur les étangs bitumineux récemment annoncées et financées à hauteur de 1,6 million de dollars examineront sans doute cette question, et ce, je l'espère, de manière approfondie.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle aussi se renseigner pourquoi le ministère de M. Dingwall a annoncé, en novembre 1996, l'arrêt du financement de 1,6 million de dollars également de l'étude de suivi spécial du cancer réalisée à l'Université Dalhousie? Qu'est-ce le gouvernement transfère? À quel genre de jeu joue-t-il avec les deniers publics?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis convaincue que le sénateur se rend lui aussi compte de la gravité de la situation. Ses observations sont clairement de nature à inquiéter tant le ministre de l'Environnement que celui de la Santé.

De toute évidence, une étude est en cours, qui sera utile. Je vais transmettre la question du sénateur à mes deux collègues et tâcher d'obtenir une réponse de leur part. Toutefois, je tiens à souligner que l'incidence du cancer dans cette région est très inquiétante et que tous les gouvernements concernés doivent sûrement se pencher très sérieusement sur la question.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, la ministre est-elle en train de nous dire que le montant de 1,6 million de dollars prélevé sur le Trésor pour cette recherche ne l'a pas été au détriment de l'étude qui se poursuit depuis six ans et qui est loin d'être terminée? Pareille mesure influerait beaucoup sur l'efficacité de l'étude même, sans parler des causes et des préoccupations qui y sont liées. La ministre est-elle en train de nous donner l'assurance que les 1,6 million de dollars en cause ne viennent pas de cette étude?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, la seule assurance que je donne au sénateur, c'est que je vais obtenir la réponse à ses questions auprès de mes collègues.

Le sénateur Forrestall: Madame le leader du gouvernement va-t-elle faire une scène si c'est le cas?

Le sénateur Fairbairn: Je me renseignerai, sénateur.

 

Le patrimoine

Les paramètres du comité parlementaire proposé sur la politique culturelle-La position du gouvernement

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, comme vous le savez, la ministre Copps a terminé hier ses deux jours de réunion avec des représentants et des dirigeants du milieu culturel. Je me rends compte qu'une journée seulement s'est écoulée, mais j'ai lu les articles publiés dans les journaux aujourd'hui et je n'y ai trouvé aucun renseignement concernant un plan d'action pour examiner et mettre à jour la politique culturelle canadienne. La ministre a parlé de façon très éloquente, mais elle n'a proposé aucun nouveau concept ou aucune nouvelle mesure pour protéger la culture canadienne.

Quand pouvons-nous nous attendre à ce que des propositions concrètes soient faites. Un plan d'action a-t-il déjà été élaboré, particulièrement en ce qui a trait au comité parlementaire? Pour revenir à ce que disait mon collègue la semaine dernière dans sa question sur l'établissement d'un tel comité, si la ministre établit effectivement un tel comité, le Sénat en fera-t-il partie?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait probablement, une suggestion sera formulée et j'en discuterai avec mes collègues. Je crois que tout le monde ici est très conscient des préoccupations de madame le sénateur Johnson à cet égard, préoccupations issues de l'importance qu'elle accorde à cette question et de sa grande expertise dans ce domaine. Je n'ai pas manqué de signaler ce fait à la ministre Copps et je continuerai de faire valoir l'idée de créer un comité.

La ministre du Patrimoine canadien a eu, au cours du week-end, une rencontre très productive avec les parties intéressées, qui, bien sûr, appuyaient vigoureusement tous les aspects de la culture canadienne. Les participants ont fait des suggestions très concrètes et très positives.

(1500)

C'est avec enthousiasme que la ministre donnera suite à cette rencontre, ayant pu profiter de l'apport de ces gens. Dans une annonce faite aujourd'hui qui découlait peut-être de la rencontre du week-end, la ministre a dit que des fonds annuels additionnels seraient affectés aux services radiophoniques en anglais et en français de la SRC à compter d'avril. Je crois que cette annonce sera perçue comme un signe très positif par les gens d'un bout à l'autre du pays.

De façon générale, la ministre du Patrimoine canadien est un ardent défenseur de cette cause. Elle n'a pas peur de se faire entendre. Forte de l'appui et des suggestions qu'elle a reçus au sommet, je suis certaine qu'elle jouera un rôle important dans les décisions du gouvernement.

Le sénateur Johnson: La ministre en dira-t-elle plus long que ce qu'il y avait dans les journaux aujourd'hui au sujet de la teneur des discussions? Les journaux ne disaient vraiment pas grand-chose à ce sujet.

Le sénateur Fairbairn: Je ne peux pas répondre à cette question, honorables sénateurs, mais je vais me renseigner.

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question posée le 23 avril 1996 par l'honorable sénateur St. Germain au sujet de l'harmonisation de la TPS avec les taxes de vente provinciales et de la publication des effets.

J'ai la réponse à une question posée le 30 octobre 1996 par l'honorable sénateur Forrestall, concernant l'harmonisation de la TPS avec les taxes de vente provinciales et l'emplacement des emplois qui seront créés.

J'ai une réponse aux questions posées le 17 décembre 1996 par l'honorable sénateur Johnson et l'honorable sénateur Nolin au sujet de la Société Radio-Canada, les compressions budgétaires et les plans d'avenir.

J'ai la réponse à une question soulevée le 18 décembre 1996 par l'honorable sénateur Doyle au sujet de l'enquête sur la sécurité du système d'approvisionnement en sang.

 

La taxe sur les produits et services

Son harmonisation avec les taxes de vente provinciales-La publication des effets-La position du gouvernement

(Réponse à une question posée par l'honorable Gerry St. Germain le 23 avril 1996.)

Le gouvernement fédéral, et plus précisément le ministère des Finances, suit de très près les changements qui sont apportés au système fiscal canadien pour voir à ce que les mesures prises donnent bel et bien les résultats escomptés et aient les répercussions voulues. Le gouvernement fédéral rendra les études publiques dès qu'elles seront disponibles.

Étant donné que les mesures sont prises conjointement, les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve et du Labrador suivront également les répercussions de l'harmonisation de la taxe de vente dans leurs provinces respectives.

 

L'harmonisation avec les taxes de vente provinciales-
L'emplacement des emplois créés-
La position du gouvernement

(Réponse à une question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 30 octobre 1996.)

Il est inexact de dire qu'il a été décidé d'établir un nouveau centre de perception de la taxe de vente harmonisée au Nouveau-Brunswick. En prenant sous sa responsabilité la gestion de la nouvelle taxe, Revenu Canada embauchera jusqu'à 70 employés de chaque organisme qui s'occupait, dans chacune des trois provinces, de l'administration de la taxe de vente provinciale. Aucune décision n'a été prise quant à la mutation au Nouveau-Brunswick de ces employés ou d'autres employés au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle taxe.

 

Le patrimoine

Les compressions budgétaires à la Société Radio-Canada-Les répercussions négatives
sur les institutions culturelles-
La position du gouvernement

(Réponse à des questions posées par l'honorable Janis Johnson et l'honorable Pierre Claude Nolin le 17 décembre 1996.)

Le gouvernement fédéral est déterminé à mener ses activités dans les limites d'un cadre financier responsable et à réduire le déficit. Dans le cadre des Examens de programmes I et II, l'ensemble des institutions et des organismes du gouvernement fédéral, y compris les organismes culturels comme Radio-Canada, devaient contribuer à l'opération de réduction du déficit. La SRC est tenue d'accroître l'efficacité de ses opérations, mais l'engagement du gouvernement envers Radio-Canada demeure ferme et celle-ci disposera quand même d'un budget de plus de 800 millions de dollars en 1998-1999.

Il incombe au gouvernement de définir les objectifs de la politique officielle - lesquels sont énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion - et de fixer des objectifs financiers à la SRC. En ce qui concerne les décisions ponctuelles prises par la SRC pour gérer ses activités, la Loi sur la radiodiffusion lui garantit son autonomie face au gouvernement. En tant que société d'État indépendante, la SRC jouit en effet de l'indépendance en matière de contenu journalistique, de création et de programmation, et le Parlement doit respecter et préserver cette indépendance. Il appartient à la SRC de déterminer les mesures particulières qu'elle doit prendre afin de remplir son mandat, dans les limites des ressources qui lui sont allouées.

Aux termes de l'article 55 de la Loi sur la radiodiffusion, le SRC doit déposer chaque année devant le Parlement un sommaire de son plan d'activités énonçant les décisions prises à l'égard de ses opérations et décrivant les mesures et les initiatives stratégiques envisagées pour l'avenir.

En annonçant sa stratégie pour réduire son budget en septembre dernier, Radio-Canada a exposé de vastes mesures stratégiques destinées à positionner la Société à l'intérieur du système de radiodiffusion canadien en tant que radiodiffuseur public nettement canadien. Radio-Canada sera guidée d'abord et avant tout par son mandat. Les décisions de programme seront fondées sur le contenu canadien, et non sur les recettes commerciales potentielles. D'autre part:

-Toute programmation américaine disparaîtra du réseau de langue anglaise; tous les services médiatiques de base seront «canadianisés» d'ici 1998-1999.

-Par suite de la fragmentation accrue de l'auditoire, Radio-Canada se propose d'attirer et de retenir les téléspectateurs en diffusant un contenu canadien de grande qualité. Radio-Canada est le plus grand producteur d'émissions canadiennes et offre le plus grand contenu canadien, tant à la radio qu'à la télévision.

-En s'associant avec des partenaires indépendants, Radio-Canada peut obtenir jusqu'à 50 p. 100 des 200 millions de dollars du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes dans le but de produire des émissions de télévision canadiennes de qualité.

-Le reflet de la diversité culturelle et linguistique du Canada au niveau régional est au coeur du mandat de Radio-Canada. Le soutien aux communautés régionales et locales continuera de faire partie intégrante du rôle de Radio-Canada.

-Radio-Canada rend service au secteur commercial en favorisant l'innovation et le risque sur le plan technologique. La société explorera énergiquement de nouveaux médias en vue d'innover sur les plans du contenu et de la diffusion (radio et télévision numériques, multimédias, Internet) afin de toujours mieux servir la population canadienne.

 

La santé

L'enquête sur la sécurité du système d'approvisionnement en sang-La position
des ministres de la Santé sur la protection
du système d'approvisionnement en sang

(Réponse à une question posée par l'honorableRichard J. Doyle le 18 décembre 1996.)

Le 15 février 1995, la Commission Krever a déposé un rapport provisoire, dans lequel elle faisait savoir aux Canadiens et aux Canadiennes que le système d'approvisionnement en sang du Canada n'est pas moins sûr que celui d'autres pays. Cependant, dans ce rapport provisoire, on faisait également état des constatations du comité de vérification de la sécurité, qui avait signalé au juge Krever la nécessité de restructurer le système du sang afin d'éliminer les conflits entre les différents acteurs et de définir clairement les responsabilités à l'égard de la sécurité des réserves de sang.

Le 11 mars 1996, le ministre de la Santé a lancé un appel à tous les partenaires du système du sang du Canada pour qu'ils entament des discussions sur les moyens de redéfinir et de renouveler le système national, de façon à ce que tous soient prêts au moment où la Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada remettrait ses recommandations finales.

En septembre de l'année dernière, les ministres canadiens de la Santé se sont réunis pour discuter de la complexe question de la réforme du système du sang. Ils ont convenu de prendre des mesures énergiques pour régler la question. Le 10 septembre, ils annonçaient qu'ils s'étaient entendus pour mettre en place un nouvel organisme national chargé de régir et d'exploiter le système du sang au Canada.

De son côté, le Québec a décidé de ne pas appuyer la création de ce nouvel organisme national; il était plutôt d'avis que son programme du sang devait être incorporé à son propre système de santé et de services sociaux. Néanmoins, ils s'est dit d'accord pour que l'on envisage des moyens de collaborer dans l'avenir.

L'annonce faite par les ministres de la Santé du Canada a été appuyée par les groupes de consommateurs du pays et les médias. Elle a été publiquement appuyée par le plus grand groupe de consommateurs concerné, la Société canadienne de l'hémophilie.

En essence, les ministres de la Santé du Canada ont convenu qu'il fallait instituer une nouvelle régie nationale chargée du fonctionnement du système du sang, fondée sur quatre principes:

- la sécurité du sang est primordiale;

- une approche pleinement intégrée est essentielle;

- les responsabilités doivent être clairement définies;

- le système doit être transparent.

Ces quatre principes guideront les gouvernements pendant toute la période de planification et de transition et constitueront les fondements de la nouvelle régie du sang.

Cette initiative des ministres de la Santé du Canada ne vise aucunement à couper l'herbe sous le pied du juge Krever, ni à conférer aux travaux de sa Commission un rôle subordonné. Elle cherche plutôt à préparer le terrain, de façon à ce que les gouvernements puissent réagir rapidement et adéquatement aux recommandations finales de la Commission.

Le rapport final de la Commission Krever doit être déposé le 30 avril 1997. On s'attend à ce que ce rapport contienne de judicieux conseils sur lesquels les gouvernements pourront se guider pour la planification du nouveau système.

L'initiative prise par le gouvernement fédéral et ceux des provinces et territoires en vue de réformer le système national du sang constitue un engagement mutuel important vers la réalisation d'un but commun: la sécurité de l'approvisionnement en sang au Canada.

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les prisons et les maisons de correction

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable Lorna Milne propose que le projet de loi C-53, Loi modifiant la Loi sur les prisons et les maisons de correction, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureuse de proposer la deuxième lecture du projet de loi C-53. Ces modifications permettront de resserrer et de moderniser le cadre législatif régissant le programme de permissions de sortir applicable aux délinquants sous responsabilité provinciale et territoriale.

Le projet de loi vise seulement les détenus des établissements de détention administrés par les provinces, c'est-à-dire les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement de deux ans moins un jour. La grande majorité de ces détenus, soit83 p. 100, purgent des peines de détention de moins de six mois. En théorie, une personne condamnée à une peine d'emprisonnement de six mois peut demander une libération conditionnelle après deux mois de détention. Toutefois, étant donné la courte durée de la peine, la Commission des libérations conditionnelles n'est pas tenue d'entendre une demande de libération conditionnelle. C'est pourquoi les permissions de sortir constituent un moyen important de réadaptation et de réinsertion sociale.

Le projet de loi sera profitable aux provinces et aux territoires, car il constitue une réponse sensée à leurs préoccupations croissantes. Elles estiment en effet que le cadre législatif actuel du programme de permissions de sortir pour les délinquants sous responsabilité provinciale et territoriale est désuet et trop rigide. En fait, la loi actuelle est un ramassis de dispositions législatives dont certaines remontent au XlXe siècle. Le projet de loi fournira un cadre législatif plus souple permettant aux provinces et territoires d'adapter les dispositions à leurs besoins particuliers.

Ces modifications ont été élaborées en collaboration avec tous les gouvernements provinciaux et territoriaux. Elles ont été appuyées par tous les ministres de la Justice en mai 1996 et de nouveau en juin de la même année. Ce projet de loi constitue un excellent exemple de collaboration fédérale, provinciale et territoriale dans un domaine d'intérêt mutuel.

Il convient de signaler, honorables sénateurs, qu'un bon nombre des réformes proposées dans le présent projet de loi, comme l'ajout de nouveaux types de permissions de sortir et l'augmentation de leur durée, ont été adoptées pour les détenus sous responsabilité fédérale, lors de la promulgation de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en 1992. Les provinces et les territoires sont conscients de la nécessité de procéder à des réformes similaires pour les détenus qui relèvent de leur responsabilité.

Comme les honorables sénateurs le savent, la Loi sur les prisons et les maisons de correction est une loi fédérale qui régit la façon dont les peines prévues dans les lois sont administrées par les provinces et les territoires. Cette compétence fait partie intégrante de la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de droit pénal. Par contre, c'est aux provinces et territoires qu'il incombe de faire appliquer la loi. Nous devons donc veiller à leur donner suffisamment de souplesse pour adapter les dispositions à leurs propres besoins. Un groupe de travail fédéral-provincial-territorial a donc été créé, avant les dernières élections, pour élaborer les modifications présentées. Celles dont nous sommes saisis aujourd'hui sont le fruit de cet exercice.

Ce projet de loi permettra de resserrer et de moderniser de diverses façons le cadre législatif régissant le programme de permissions de sortir applicable aux délinquants sous responsabilité provinciale et territoriale. Premièrement, il comporte un énoncé d'intentions et de principes concernant les permissions de sortir. Ce nouvel élément a été conçu suivant le modèle de l'énoncé d'intentions et de principes adopté en 1992 dans le cadre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui s'applique aux libérations conditionnelles et aux permissions de sortir des pénitenciers. L'expérience du gouvernement fédéral nous apprend que ces énoncés ont été extrêmement utiles parce qu'ils ont assuré l'uniformité d'application et l'intégrité des programmes de libération conditionnelle, en apparence et en réalité. Dans le cas des pénitenciers fédéraux, ces énoncés constituent une référence utile pour les responsables des libérations et permettent une plus grande uniformité dans les décisions d'accorder des permissions de sortir et des libérations conditionnelles. Les énoncés sont particulièrement utiles de nos jours, parce que les vérifications sont plus attentives et qu'on a plus de comptes à rendre.

Deuxièmement, ces modifications autoriseront les provinces et les territoires à accorder des permissions de sortir plus longues, portant leur durée maximale de 15 à 60 jours. Cette modification de la loi vise à abolir la pratique actuelle d'accorder des permissions de sortir mises bout à bout et de donner aux autorités correctionnelles la souplesse dont elles ont besoin pour bien gérer la population des prisons. J'insiste toutefois sur le fait que tout renouvellement d'une permission de sortir en vertu de ce nouveau programme exigera des contrôles plus serrés. Autrement dit, quand une permission de sortir devra être renouvelée, il faudra d'abord réexaminer le dossier.

Troisièmement, le projet de loi permettra d'habiliter les administrations à créer de nouveaux types de permissions de sortir qui viendront s'ajouter aux sorties autorisées pour des raisons médicales ou humanitaires, ou en vue de la réadaptation d'un délinquant, pour autant qu'elles soient conformes à l'énoncé d'intentions et de principes du programme de permissions de sortir prévu dans le projet de loi. Les administrations pourront ainsi adapter le programme de permissions de sortir selon leurs propres besoins tout en respectant les paramètres nationaux qui visent à en assurer l'uniformité.

Quatrièmement, les réformes donneront aussi aux administrations le pouvoir de restreindre l'admissibilité simultanée à certains types de permissions de sortir et à la libération conditionnelle. Ce pouvoir vise à empêcher le «magasinage» des conditions de libération conditionnelle. On m'a raconté, en effet, que certains délinquants passent de la libération conditionnelle à la permission de sortir, ou vice-versa, selon ce qui leur semble plus avantageux. Cette modification permettra aux provinces et aux territoires de réduire les possibilités pour les délinquants de manipuler ainsi le système.

Enfin, le projet de loi ajoutera d'autres mesures de protection importantes pour améliorer la protection du public. Il a beaucoup été question de l'importance du principe de la protection de la société à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi dans l'autre endroit et pendant l'examen de cette mesure législative par le comité permanent de la justice et des questions juridiques.

(1510)

Honorables sénateurs, il est important de souligner que, durant l'élaboration de ces réformes, toutes les instances ont convenu que la protection de la société et la réadaptation des prisonniers ne peuvent être séparées et qu'elles ne constituent pas des objectifs conflictuels. En fait, les provinces et les territoires sont tous d'avis que ces deux principes sont tout à fait compatibles étant donné que la réadaptation d'un délinquant est la meilleure façon de protéger la société à long terme.

Toutefois, il n'en reste pas moins que la protection de la société est la pierre angulaire du projet de loi C-53. C'est sur cette notion que repose tout le projet de loi C-53 dont l'objet se lit comme suit:

Les programmes de permissions de sortir visent à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre...

De même, l'article 7.5 renferme plusieurs dispositions qui donnent clairement aux provinces le droit de suspendre, d'annuler ou de révoquer la permission de sortir dans certains cas. Les paragraphes 7.6 (1) et (2) autorisent la délivrance d'un mandat d'arrestation et sa transmission électronique n'importe où au Canada pour autoriser l'agent de la paix destinataire à arrêter une personne en l'absence de mandat s'il a des motifs raisonnables de croire qu'un mandat a été délivré contre cette personne et à la mettre sous garde pendant 48 heures en attendant que le mandat ait été transmis.

Ces changements permettraient de veiller à ce qu'il n'y ait aucun doute quant au pouvoir d'incarcérer des délinquants le cas échéant. Il est important de souligner que si ce projet de loi améliore le programme de permissions de sortir, il ne minimise pas pour autant l'importance de la libération conditionnelle. La libération conditionnelle et les permissions de sortir sont des outils importants pour l'aide à la réinsertion des délinquants dans la société et les instances ont recours à chacun de ces outils lorsqu'approprié. Ces changements permettraient à chaque instance de décider où se situe l'équilibre entre ces deux formes de liberté sous condition.

Il est important de faire remarque que le processus de libération conditionnelle prend parfois beaucoup de temps. Donc, comme je l'ai déjà dit, la libération conditionnelle est généralement plus appropriée dans le cas des délinquants purgeant une peine de six mois ou plus. Les permissions de sortir sont plus appropriées dans le cas des délinquants purgeant une peine moins longue - de moins de six mois. Elles sont particulièrement appropriées dans les endroits où il n'existe pas de commission des libérations conditionnelles. Il est donc crucial que, dans ces endroits, les autorités aient le pouvoir d'établir un programme solide et crédible. C'est ce que ce projet de loi va permettre aux provinces et aux territoires de faire.

Certains ont reproché à ces changements de rendre le système plus clément au moment même où le public réclame de plus grandes restrictions. Ces changements établissent des paramètres rigoureux et des contrôles plus stricts pour le programme des permissions de sortir. Comme je l'ai dit, ils établissement des critères précis pour révoquer une mise en liberté et incarcérer le délinquant. Ils exigent aussi que le cas soit réévalué comme condition préalable à toute reconduction d'une permission de sortir. Les permissions de sortir ne feront plus l'objet d'une approbation automatique.

Je ne répéterai jamais assez que la protection du public est l'une des principales raisons de ces changements. Les réformes représentent une tentative de modernisation de la loi pour la rendre conforme aux pratiques actuelles. Elles conduiront à un système plus cohérent à certains égards, par exemple par la déclaration de l'objet et des principes de permissions de sortir, ou par l'inclusion dans la loi, pour la première fois, du pouvoir de révoquer la permission de sortir et de remettre le délinquant en prison.

En terminant, honorables sénateurs, je voudrais répéter que les réformes proposées sont une réponse efficace aux préoccupations de tous les niveaux de compétence. Elles ont été préparées en consultation avec tous ces niveaux et elles ont leur appui total. Cette initiative est une excellente illustration de la collaboration entre le fédéral et les provinces et territoires sur une question d'intérêt mutuel. C'est un bon ensemble de réformes, bien équilibré, qui permettra à chaque province et territoire de définir ses programmes de permissions de sortir pour répondre aux besoins de sa population de détenus tout en maintenant un degré minimum de cohérence nationale.

Le Sénat a intérêt à ce que l'on réponde aux préoccupations des Canadiens de la façon la plus efficace possible. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de sécurité publique. C'est l'objectif du projet de loi C-53.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-53 est une mesure apolitique dont l'origine remonte au gouvernement précédent. Je vous invite à l'appuyer.

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir dire quelques mots sur le projet de loi C-53. J'ai été très impressionné par le discours apolitique et précis du sénateur Milne. Je ne pense pas que le sénateur Milne soit ici depuis assez longtemps pour succomber à l'esprit de parti. J'en suis heureux et j'espère qu'elle gardera son objectivité. Ce sera une nouveauté au Sénat.

Il y a cependant une ou deux choses qui m'inquiètent. Le sénateur Milne a parlé des faiblesses les plus flagrantes du système, notamment de la possibilité de renouvellement des permissions de sortir. Il serait possible, par exemple, d'être condamné à six mois de prison et de ne pas passer un seul jour dans une institution pénitentiaire.

L'honorable sénateur a également parlé des mesures de protection qui, toutes théoriques qu'elles soient, ont été ajoutées. Si elles sont appliquées, une partie de mes inquiétudes s'évanouit.

Ce qui m'inquiète au sujet de l'orientation que nous prenons, c'est que la perception qu'a notre société du crime et du châtiment semble légèrement déséquilibrée. On disait d'un individu qui était incarcéré, qui purgeait sa peine et qui était remis en liberté de façon tout à fait honorable, «qu'il payait sa dette à la société», expression sans doute démodée.

J'espère que les autorités utiliseront judicieusement les pouvoirs discrétionnaires que leur confère ce projet de loi. Ces pouvoirs sont réels. Je ne veux pas que, dans plusieurs années, on s'aperçoive que les dispositions régissant les permissions de sortir ont été appliquées de façon trop libérale et ont permis de libérer des individus qui n'auraient pas dû l'être, ou qu'elles sont devenues un moyen automatique de raccourcir la durée de la peine prononcée par les tribunaux. Je pense que le parrain de ce projet de loi est d'accord avec moi sur ce point.

Honorables sénateurs, je ne vois aucune raison nous empêchant d'adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais.

Je le répète, j'aimerais que, pour les projets de loi de ce genre, à savoir ceux qui font l'unanimité, qui ne sont pas complexes et qui sont clairement libellés, nous puissions nous passer du rituel habituel et sauter l'étape de l'étude en comité.

Mon ancien collègue, le sénateur Frith, et moi avons souvent débattu cette question. Il était d'avis que c'était le processus normal et qu'il fallait le suivre en toutes circonstances. Personnellement, je trouve que les travaux des comités sont très importants pour le Sénat et je pense que les comités devraient réserver leurs efforts aux questions complexes à facettes multiples, ce qui n'est pas le cas de celle-ci.

J'espère que nous allons pouvoir adopter ce projet de loi tout de suite, en deuxième et en troisième lectures.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, ...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'informe le Sénat que si l'honorable sénateur Milne prend la parole maintenant, cela aura pour effet de clore le débat sur le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que j'ai écouté le sénateur Kelly donner son appui au projet de loi. Je suis très tentée de passer directement à la troisième lecture, mais je pense que, par respect pour ce qui n'est peut-être qu'un rituel, le comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles devrait au moins consacrer une séance à l'étude du projet de loi.

Brièvement, j'aimerais rassurer le sénateur Kelly qui craint que les permissions de sortir ne soient accordées l'une après l'autre. Je puis lui affirmer que la question a été étudiée en détail et que ce ne sera pas automatique comme je l'ai dit plus tôt. Chaque demande sera étudiée soigneusement.

(1520)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, le projet de loi est renvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité
La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies
La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif-Rapport
du comité-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce (projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu, avec amendements), présenté au Sénat le 4 février 1997.

L'honorable Michael Kirby, président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du douzième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu.

La faillite est un sujet hautement technique qui touche l'un des principes fondamentaux d'une économie de marché fonctionnelle, soit que les parties participant à une transaction doivent respecter l'engagement pris lors des transactions commerciales. Lorsqu'elles ne peuvent honorer leur engagement à cause de difficultés financières, on doit pouvoir compter sur certaines règles pour régler les réclamations; autrement, le système financier s'écroulerait.

La fonction d'une politique gouvernementale en matière de faillite est d'établir un juste équilibre entre la faillite comme solution adéquate et la faillite trop facile. Si une loi rend la tâche trop facile à ceux qui veulent déclarer faillite et se délester de toutes leurs obligations financières, alors les particuliers choisiront de faire faillite dès qu'ils rencontreront les moindres difficultés, aux dépens de ceux qui accordent du crédit.

D'autre part, si les lois sur la faillite font qu'il est très difficile de s'acquitter d'une dette, le crédit sera consenti plus facilement. Les prêteurs sauront que les lois sur la faillite agissent comme des agents de recouvrement très efficaces. Dans un cas comme dans l'autre, la politique gouvernementale serait inadéquate. Dans le premier cas, le coût du crédit augmente. Dans le second, les entreprises qui pourraient tirer parti d'une réorganisation protégée par le régime de la faillite ne survivent pas. Il s'agit d'assurer un juste milieu entre ces deux objectifs.

Les audiences que le comité permanent sénatorial des banques et du commerce a tenues à l'occasion de l'étude du projet de loi C-5 visaient précisément à trouver ce juste milieu. La conclusion générale du comité, comme le révèle son rapport, est que, bien qu'il reste d'autres améliorations à apporter dans ce domaine, le projet de loi C-5 constitue un progrès considérable pour ce qui concerne les faillites des entreprises commerciales.

En ce qui regarde les faillites des particuliers toutefois, le comité a exprimé un grand nombre de réserves. Il a entendu des arguments convaincants émanant des deux camps qui sont confrontés à cet épineux problème. Toutefois, il n'a pu dégager aucune conclusion nette faute d'une banque de données adéquate sur laquelle fonder une politique gouvernementale solide. Voilà pourquoi le rapport ne fait aucune recommandation relativement à la faillite des particuliers. Néanmoins, le rapport invite le ministre de l'Industrie à s'engager à élaborer une politique globale sur la faillite des particuliers qui réponde pleinement aux besoins des faillis.

Je suis heureux de vous signaler, honorables sénateurs, qu'à la demande du comité, Industrie Canada procédera à une étude visant à établir le profil des consommateurs débiteurs qui sont devenus insolvables. Dans cet important champ de politique gouvernementale, il faut impérativement disposer d'une base de données qui réponde aux besoins en la matière. Cette étude d'Industrie Canada constituera un premier pas dans cette direction et le comité a l'intention de réexaminer la question une fois que l'étude sera terminée.

Un autre aspect a préoccupé les membres du comité: la disposition du projet de loi C-5 qui fixe à 10 millions de dollars le montant de la dette qu'une société doit accumuler avant de pouvoir se prévaloir de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour se réorganiser. Cette loi permet aux grandes sociétés de procéder à une réorganisation quand elles sont confrontées à des difficultés financières. Son principal avantage, c'est qu'elle offre une plus grande flexibilité de réorganisation aux entreprises régies par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Les témoins devant le comité, y compris ceux de l'Association du Barreau canadien, ont affirmé qu'un seuil de 10 millions de dollars forcerait nécessairement la plupart des entreprises à se réorganiser sous le régime de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité plutôt que de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Cela entraînera une moins grande souplesse pour de nombreuses entreprises et un plus grand nombre de faillites. Ce qui a particulièrement inquiété le comité, c'est le fait que la plupart des entreprises de la région de l'Atlantique et des Prairies n'auraient pu avoir recours à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies si on avait laissé le seuil à 10 millions de dollars.

Ainsi, ce rapport apporte un amendement important au projet de loi C-5. Le comité propose d'amender le projet de loi C-5 pour ramener le seuil pour invoquer la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies à 5 millions de dollars. Ce seuil s'appliquera aussi bien à un groupe de sociétés affiliées ainsi qu'à une entreprise individuelle. Il s'agit d'un amendement important qu'on apporte au projet de loi C-5.

Au total, ce rapport prévoit dix amendements au projet de loi, dont huit sont extrêmement techniques. L'autre domaine dans lequel ce rapport prévoit un amendement important réside dans l'article du projet de loi C-5 portant sur le fardeau de la preuve lorsqu'une entreprise demande la prolongation d'une suspension aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Le projet de loi C-5 propose qu'un débiteur qui demande une prolongation de la suspension initiale accordée par les tribunaux, qui est de 30 jours aux termes de la loi, prouve, notamment que «l'ordonnance ne saurait causer de préjudice sérieux à l'un ou l'autre des créanciers».

Le comité a reçu un grand nombre d'instances au sujet de cet article. La très grande majorité des témoins ont jugé que l'exigence selon laquelle aucun des créanciers ne devait subir de préjudice sérieux risquait de permettre à certains créanciers de retarder et, en fait, de contrecarrer la réorganisation. Ainsi, dans son rapport, le comité propose d'amender le projet de loi C-5 pour éliminer cette disposition. Le comité croit qu'il faut examiner très attentivement durant la prochaine révision de la loi cette question des critères qui doivent s'appliquer en ce qui concerne la prolongation d'une suspension aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Honorables sénateurs, avant de terminer, je voudrais parler brièvement des amendements administratifs que le comité a apportés au projet de loi C-5. Je tiens à m'arrêter sur deux ou trois domaines dont on a beaucoup discuté au comité. Si je ne m'abuse, les sénateurs sont soumis à d'énormes pressions de la part d'organisations cherchant à obtenir des amendements au projet de loi, que le comité a décidé de ne pas apporter dans son rapport unanime. Un de ces domaines concerne les administrateurs de société et leur responsabilité. Dans le domaine de la responsabilité des administrateurs de société, comme les honorables sénateurs se rappelleront l'avoir vu dans un rapport précédent du comité des banques et du commerce, les administrateurs sont assujettis à d'innombrables responsabilités en vertu des lois fédérales, provinciales et territoriales. Bon nombre de ces obligations surgissent lorsqu'une société devient insolvable.

Cependant, c'est lorsqu'une société fait face à l'insolvabilité, comme nous en avons été témoins récemment dans le cas des Lignes aériennes Canadien International, que le rôle d'un administrateur chevronné revêt une importance cruciale. Selon la loi actuelle, l'administrateur d'une société qui se trouve en difficulté financière a deux options. La première est de continuer de siéger au conseil d'administration pour offrir ses conseils et son aide. Cependant, en ce faisant, il s'exposera à de graves responsabilités financières personnelles si cette société fait faillite. Ensuite, comme nous l'avons vu récemment dans le cas des Lignes aériennes Canadien International, l'administrateur peut démissionner avant l'insolvabilité, évitant ainsi les responsabilités que doit assumer l'administrateur d'une société en faillite aux termes de diverses lois fédérales, provinciales et territoriales.

Étant donné que les sociétés qui éprouvent des difficultés financières ont besoin des conseils d'administrateurs chevronnés, le projet de loi C-5 permet que la proposition de réorganisation comprenne des dispositions visant à régler les réclamations contre les administrateurs qui découlent d'obligations légales imposées à ces derniers. Bien que le comité appuie les mesures que le gouvernement a prises pour encourager les administrateurs à demeurer auprès de la société en difficulté, il exprime très fortement l'opinion dans son rapport que ces mesures sont loin d'être suffisantes.

(1530)

Malheureusement, étant donné le chevauchement des compétences fédérale et provinciale dans ce domaine, le comité n'a pas pu proposer d'amendement précis et réalisable pour l'instant. J'insiste sur l'expression «pour l'instant», honorables sénateurs, car, comme on l'a dit au ministère, et comme le rapport l'indique clairement, le comité compte se concentrer fortement sur cette question au cours de son étude des modifications de la Loi sur les sociétés par actions, lorsqu'elles seront présentées au Parlement l'année prochaine.

Une autre question qui a suscité un débat considérable au comité était la proposition énoncée dans le projet de loi C-5 de traiter de la cession de salaires. Un certain nombre de sénateurs ont probablement reçu des recommandations à ce sujet. En fait, le Credit Union Central of Ontario a comparu devant le comité pour présenter de solides arguments en faveur de la modification de la loi.

Dans le passé, les coopératives de crédit de l'Ontario avaient, en cas de faillite, une réclamation prioritaire sur un futur apport continu de revenus, cette réclamation étant reconnue par la loi au niveau provincial, mais pas fédéral. Avant 1992, la Loi sur la faillite autorisait la cession de salaire. Un travailleur qui demandait un prêt pouvait mettre en gage à titre de garantie un futur apport continu de revenus. Cette garantie était maintenue après la faillite, de sorte que les coopératives de crédit de l'Ontario avaient une réclamation prioritaire contre le salaire d'un failli. En 1992, toutefois, les modifications apportées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ont supprimé cette priorité. Les coopératives de crédit de l'Ontario ont donc été reléguées au statut de créancier non garanti.

Selon le Credit Union Central of Ontario, cette perte du statut de créancier garanti à l'égard de la cession de salaire a incité les membres des coopératives de crédit à déclarer faillite afin de contourner et d'éliminer la cession de salaire qu'ils avaient accepté de mettre en gage comme garantie pour un prêt. Le Credit Union Central a demandé au comité de supprimer cet article de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et de redonner aux coopératives de crédit le statut de créancier privilégié qu'elles avaient avant 1992.

Dans son rapport, le comité fait remarquer que, même si les coopératives de crédit de l'Ontario ont fait état d'un plus grand nombre de radiations de prêt depuis 1992, en partie à cause de la modification législative, elles ont appris à composer avec les modifications de 1992 et, en fait, à prospérer quand même. C'est le témoignage qu'ont présenté au comité les coopératives de crédit.

Le comité note aussi dans son rapport que les coopératives de crédit de l'Ontario sont uniques en ce que les coopératives de crédit des autres provinces n'ont pas été autorisées par les lois provinciales à accepter la cession de salaire comme garantie en cas de prêts à leurs membres. L'Ontario est la seule province qui permet à un travailleur de mettre en gage un futur apport continu de revenus comme garantie d'un prêt. De plus, les coopératives de crédit des autres provinces ont été lésées du fait qu'elles ne pouvaient accepter et appliquer une cession de salaire comme garantie.

Pour ces raisons, le comité a rejeté les demandes de la centrale des caisses de crédit de l'Ontario et n'a pas recommandé d'apporter des modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité à cet égard, mais plutôt de maintenir les modifications apportées en 1992.

Le second point sur lequel les sénateurs ont fait l'objet d'un lobby intense a trait à la demande de l'Association des commissions des accidents du travail, dont les représentants ont comparu devant le comité pour défendre leur position contre la disposition du projet de loi C-5 qui fait des réclamations des commissions des accidents du travail des créances ordinaires dans le cas de faillites.

L'historique de cette disposition législative est très révélatrice. Avant 1992, année de la dernière série de modifications apportées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, les réclamations des CAT avaient rang de créances privilégiées. En même temps, les lois provinciales sur les accidents du travail leur conféraient le statut de créanciers garantis. Les créanciers garantis sont payés les premiers, et les créanciers privilégiés viennent juste après les créanciers garantis, mais avant les créanciers ordinaires. Jusqu'en 1985, les réclamations des CAT étaient traitées comme des créances garanties en cas de faillite.

Un jugement de la Cour suprême du Canada a cependant mis fin à ce traitement en 1995 en statuant que les réclamations des CAT n'étaient que des créances privilégiées. Le jugement statuait en outre que les garanties prévues par les lois provinciales pour protéger ces réclamations n'étaient pas valides dans les cas de faillite. Ainsi donc, après ce jugement, les réclamations des CAT ne pouvaient être considérées comme des créances privilégiées en cas de faillite qu'en vertu de la loi fédérale.

En 1992, les modifications apportées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et les dispositions conférant le statut de créances privilégiées aux réclamations des CAT ont été abrogées. Les réclamations des CAT sont devenues des créances ordinaires. On a ajouté des articles à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour reconnaître les garanties législatives de la Couronne si elles étaient enregistrées.

Une chose intéressante est alors arrivée. Depuis 1992, certaines CAT soutiennent devant les tribunaux que leurs réclamations peuvent être garanties par les lois provinciales, parce la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne précise plus que les réclamations des CAT ont le statut de créances privilégiées.

Qui plus est, la jurisprudence a confirmé que les CAT ne sont pas toutes mandataires de la Couronne et que, pour cette raison, leurs garanties étaient réputées ne pas être assujetties aux exigences relatives à l'enregistrement et aux limites établies dans les modifications apportées en 1992 à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Autrement dit, les modifications de 1992 ont eu pour résultat que le traitement des réclamations de différentes CAT diffère sensiblement selon qu'elles sont mandataires de la Couronne ou non.

Le projet de loi C-5 donne suite à la volonté que le Parlement a exprimée en 1992 mais qui n'avait pas pu se réaliser à cause des décisions judiciaires. Il ramène toutes les créances des commissions des accidents du travail au niveau des créances ordinaires, mais on peut les enregistrer et leur faire accorder une priorité en fonction de la date d'enregistrement et des montants qui sont dus à cette date.

Le comité a fait l'objet d'un lobbying intense afin qu'il place les créances de ces commissions au même rang que les retenues de l'impôt et les cotisations au RPC et à l'assurance-chômage. Les commissions des accidents du travail ont soutenu qu'en 1915, lorsque le régime d'indemnisation a été instauré au Canada, les travailleurs ont renoncé, en échange de ce régime, à leur droit de poursuivre les employeurs. Elles soutiennent donc que les montants versés au régime doivent être traités en cas de faillite comme la propriété des employés, au même titre que les retenues de l'impôt et les cotisations au RPC et à l'assurance-emploi.

Par contre, des témoins ont soutenu, et le comité s'est rangé à cet avis, que l'argent versé aux commissions n'est pas déduit du salaire de l'employé, comme les retenues du RPC, de l'assurance-emploi et de l'impôt sur le revenu, mais des revenus de l'employeur, comme les déboursements pour la TPS, par exemple. Par conséquent, cet argent devrait être partagé entre tous les créanciers, et non réservé aux commissions des accidents du travail. Le comité appuie donc la disposition proposée dans le projet de loi C-5 et rejette celle préconisée par les commissions des accidents du travail.

Ma dernière observation concerne les REÉR. Il a été signalé au comité que certains REÉR combinés à des polices d'assurance-vie échappaient à la saisie et à la faillite parce qu'ils sont proposés par des compagnies d'assurance-vie, tandis que d'autres types de REÉR sont visés et peuvent être partagés entre les créanciers. Cette exemption des REÉR des compagnies d'assurance s'explique par les lois sur l'assurance de diverses provinces.

Au cours de ses audiences sur le projet de loi C-5, le comité n'a entendu aucun argument pour justifier cette différence de traitement au moment d'une faillite. En outre, il se demande très sérieusement si les REÉR doivent être saisis lors d'une faillite alors que d'autres formes d'épargne-retraite, comme les régimes de retraite, ne le sont pas. Il souhaite que tous les fonds de retraite soient exempts, qu'il s'agisse de REÉR ou de régimes de pension, et qu'une modification soit apportée à cet effet dans la prochaine série de modifications de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Enfin, en ce qui concerne les fournisseurs qui n'ont pas été payés, le comité s'est demandé si certains débiteurs ne risquaient pas de recourir aux dispositions en matière de réorganisation de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour empêcher des fournisseurs de récupérer les marchandises livrées, mais non payées. Dans son rapport, le comité exhorte Industrie Canada à surveiller les réorganisations pour prévenir ces abus et, s'il constate que des abus ont été commis, à prendre des mesures pour protéger les fournisseurs qui n'ont pas été payés.

Enfin, honorables sénateurs, ce rapport propose huit amendements de forme en plus des deux de fond dont j'ai parlé au début. Au nombre des premiers, un amendement porte sur la date de la faillite; un amendement permet le règlement de responsabilités statutaires contre les réputés administrateurs dans le cadre d'une réorganisation de corporation conformément à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies; un amendement prévoit que les placements d'un courtier dans ses filiales seront inclus dans le fonds intégré pour clients qui est créé lorsqu'un courtier fait faillite; un amendement prévoit que lorsqu'un contrôleur agit de bonne foi et prend toutes les précautions voulues pour bien préparer un rapport, il ne pourra être tenu responsable des dommages ou pertes subis par les personnes qui s'y fient; enfin, quatre amendements permettent à un administrateur en faillite de consulter un débiteur consommateur avant de rapporter un changement dans la situation du débiteur.

(1540)

En déposant ce rapport et en exhortant le Sénat à l'adopter et à apporter ces amendements, aucun membre du comité sénatorial permanent des banques et du commerce ne croit que cela met fin au peaufinage des lois sur la faillite. Ce processus est en cours depuis un certain nombre d'années déjà, et on aurait tort de supposer que, avec ces amendements, les membres du comité considèrent le projet de loi C-5 comme parfait. En fait, le comité précise dans son rapport qu'il reste beaucoup à faire dans un nombre important de secteurs du droit de la faillite. Le comité est impatient de poursuivre son travail en collaboration avec Industrie Canada sur tous les aspects du droit de la faillite, mais surtout, je le répète, en ce qui concerne la faillite civile.

Enfin, je ferai une observation sur le processus qui a mené à l'adoption de ces amendements, car il donne une excellente idée de la qualité du travail qui peut être fait au Sénat.

Le comité, à la suite de ses audiences, a élaboré une série d'amendements, quelque 14 au total. Il a décidé d'essayer de s'entendre avec le gouvernement sur des amendements que ce dernier trouverait acceptables, de manière à ce que les amendements puissent avoir l'appui unanime du comité. Par conséquent, le comité a chargé son comité directeur - qui comprend le sénateur Angus et moi-même - d'examiner, de concert avec le ministère, les amendements que nous proposions, afin d'essayer de dégager un consensus sur ceux qui pourraient être apportés et ceux qui ne pourraient être mis en oeuvre.

À l'issue d'un processus qui a nécessité beaucoup de négociations et une quantité significative de concessions de part et d'autre, particulièrement de la part du gouvernement, nous nous sommes entendus sur une série de 10 amendements qui ont obtenu l'appui unanime du comité et qui étaient acceptables pour le gouvernement. Je crois savoir que si le Sénat adopte le projet de loi et les amendements qui y sont proposés et qu'il transmet un message en ce sens à l'autre endroit, le projet de loi amendé sera à la satisfaction du gouvernement et du ministère responsable.

Honorables sénateurs, j'ai pensé qu'il était important de signaler cela officiellement pour montrer à quel point le travail du comité, notamment en ce qui concerne ces mesures législatives très techniques et très axées sur la gestion, a toujours eu l'appui du milieu des affaires. Les rapports entre le comité de direction que représentaient le sénateur Angus et moi-même et le ministère, ainsi que le travail que nous avons accompli, ont facilité largement l'élaboration d'une série d'amendements qui étaient à la satisfaction du comité et que nous avons, après certaines négociations, convaincu le gouvernement d'accepter. Voilà un exemple qui illustre à merveille le genre de travail que les comités sénatoriaux ont fait, qu'ils peuvent accomplir et qu'ils devraient continuer de réaliser.

(Sur la motion du sénateur Angus, le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur le ministère de la Santé

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Sharon Carstairs propose: Que le projet de loi S-14, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Santé (sécurité de l'enfant), soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, l'article 43 du Code criminel du Canada se lit comme suit:

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

Honorables sénateurs, à première vue, cet article peut ne pas sembler bien inquiétant. L'article 43 prévoit que l'on peut employer la force pour corriger un enfant. Il semble fixer une limite - la force ne doit pas dépasser la mesure raisonnable dans les circonstances -. Par conséquent, il ne semble pas, à première vue, protéger ceux qui maltraitent leurs enfants. Il n'empêche certes pas les parents de choisir de ne pas utiliser de punitions corporelles pour corriger leurs enfants. Toutefois, je regrette de devoir dire au Sénat qu'une étude des cas où l'article 43 a été invoqué à titre de défense révèle des faits troublants. Je voudrais vous faire part de certains de ces cas.

Un beau-père du Manitoba a donné un coup de pied à un enfant, qui a dégringolé l'escalier, et lui a arraché une touffe de cheveux. La dispute avait trait à des graines de tournesol et à la question de savoir si l'enfant avait le droit de les avoir. En 1993, après avoir entendu l'appel de la condamnation du beau-père, le juge de la cour d'appel a décidé que le père n'était pas coupable en vertu de l'article 43. Selon le juge, l'appelant n'était pas coupable parce qu'il avait enlevé sa chaussure avant de donner des coups de pied à l'enfant et de le faire dégringoler l'escalier. Le juge a ajouté que la punition dans ce cas-là était légère comparativement à celles que ses parents lui avaient administrées.

Dans un autre cas, un beau-père de la Colombie-Britannique a attrapé une jeune fille par les cheveux et a enfoncé sa tête dans une armoire pendant une dispute. Le beau-père en question a été acquitté d'une accusation de voies de fait en 1992 parce que le juge était d'avis que le beau-père croyait sincèrement que la jeune fille avait été insolente, même si elle ne l'avait pas été.

Dans un cas au Québec, un enseignant a attrapé un jeune garçon de 15 ans par les cheveux et lui a pressé la tête contre son pupitre parce qu'il parlait en classe. L'enseignant a été acquitté d'une accusation de voies de fait en 1993, le juge ayant statué que, même si le geste de l'enseignant était honteux, il n'était pas pour autant excessif aux termes de l'article 43.

Dans un autre cas survenu en Colombie-Britannique, un père a attrapé un jeune de 15 ans et l'a projeté au sol, lui a donné un coup de poing dans le cou, l'a pris par les cheveux parce que le jeune l'avait intentionnellement énervé en faisant du bruit. Le jeune a ressenti de la douleur pendant quelques jours et avait un bleu au front. Dans ce cas survenu en 1995, le juge a acquitté le père et déclaré qu'un coup porté durement était nécessaire pour corriger le jeune et le soumettre.

À l'Île-du-Prince-Édouard, une mère a attaché sa fille adolescente avec des chaînes pour l'empêcher de partir de la maison. Selon un compte rendu de la radio du réseau CBC, la police n'a pas voulu porter d'accusations parce qu'elle estimait que la conduite de la mère serait considérée comme raisonnable aux termes de l'article 43.

En Colombie-Britannique, un enseignant a frappé un enfant de 13 ans sur la tête avec un marteau. Il a été acquitté de voies de fait en 1993 en invoquant l'article 43.

Honorables sénateurs, c'est en raison de la jurisprudence que je suis heureuse de proposer l'adoption en deuxième lecture du projet de loi S-14, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Santé (sécurité de l'enfant).

Je remercie le sénateur Cohen pour son soutien indéfectible. Je remercie également Michelle MacDonald, mon adjointe législative et ma recherchiste, dont le soutien n'a jamais failli.

Le projet de loi comporte deux articles. L'article 1 abrogerait l'article 43 du Code criminel du Canada. L'article 2 clarifierait la responsabilité du ministre de la Santé dans l'établissement de lignes directrices relatives à la protection des enfants.

Honorables sénateurs, vous vous demandez peut-être pourquoi il est nécessaire d'abroger l'article 43 et qu'il ne suffit pas de le modifier pour remédier à ce que j'estime être un abus troublant de la disposition qu'il contient. J'ai pensé à la modification. Cependant, des recherches plus poussées m'ont amenée à croire que l'abrogation était la seule option valable pour différentes raisons.

(1550)

Honorables sénateurs, la Charte canadienne des droits et libertés adoptée en 1982 garantit, à l'article 7, le droit à la sécurité de la personne et, à l'article 15, elle garantit une protection égale de la loi indépendamment de toute discrimination fondée sur l'âge.

Selon l'article 1 de la Charte, ces droits ne peuvent être restreints que par une règle de droit dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Nous devons nous demander ici si l'article 43 répond à ce critère.

Des travaux de recherche ont démontré que les châtiments corporels des enfants était dommageables à bien des égards. Des études réalisées par Murray Straus et ses collaborateurs en 1980 et en 1986 aux États-Unis ont fait ressortir un rapport linéaire direct entre la fréquence des châtiments corporels rapportés par les parents et la fréquence des comportements agressifs des enfants envers leurs parents.

En outre, en 1991, une étude, aussi réalisée par Murray Straus, a révélé que les adolescents qui avaient reçu des châtiments corporels pendant leur enfance étaient trois fois plus susceptibles d'agresser des gens de l'extérieur de leur famille que les adolescents qui n'avaient pas subi de tels châtiments.

Malheureusement, les enfants répètent les comportements dont ils ont été victimes. La même étude a révélé que le taux de vol était également plus élevé chez les jeunes qui ont reçu des châtiments corporels que chez ceux qui n'ont pas été punis de cette façon.

Certains diront peut-être que le châtiment corporel ne contribue pas à rendre un enfant agressif, mais, en réponse à cela, des études faites par G.R. Patterson et ses collaborateurs et publiées dans la revue American Psychologist en 1986 et 1989 ont examiné le lien de causalité entre le comportement des parents et le comportement antisocial des enfants. Ces études ont fourni des preuves que le comportement des parents contribue beaucoup à l'agressivité d'un enfant.

Une étude de M.S Forgatch, publiée en 1988, a révélé qu'une réduction de la discipline sévère entraîne une réduction importante du comportement agressif chez l'enfant. D'après ces conclusions, bien que le châtiment corporel soit souvent administré en réponse à un comportement agressif de l'enfant, il contribue aussi à cette agressivité.

Selon l'Institut pour la prévention de l'enfance maltraitée, plus de 225 000 enfants canadiens sont victimes d'une forme quelconque de violence chaque année, soit un taux de 21 pour 1 000. Trop souvent, cette violence commence par une forme de châtiment corporel léger qui, malheureusement, devient beaucoup trop sévère.

Selon le ministère des Services à la famille du Manitoba, le taux de mortalité dans les cas de violence physique est de 3 à 6 p. 100. Lorsqu'on examine les causes de décès chez les enfants de 1 à 6 mois, la violence physique vient au deuxième rang, après le syndrome de la mort soudaine du nourrisson, et elle est la principale cause de décès chez les enfants de 6 à 12 mois.

Selon Statistique Canada, plus de 40 p. 100 des personnes accusées de crimes de violence contre des enfants de moins de 12 ans sont des parents ou des membres de la famille. Plus de 66 p. 100 des enfants tués au Canada depuis le début des années 1990 ont été tués par un parent.

Honorables sénateurs, le châtiment corporel est une cause de blessures et de décès chez les enfants. Il contribue au niveau de violence dans notre société. Il contribue à la délinquance juvénile et normalise la violence comme moyen de résoudre les conflits. De plus, des études ont révélé qu'il met les enfants dans une situation où ils risquent de subir des lésions corporelles et, dans certains cas, de perdre la vie. Par conséquent, une atteinte aux droits des enfants comme celle que constitue l'article 43 ne peut pas, à mon avis, être justifiée.

En 1989, le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Avant la convention de 1989, l'enfant était considéré, en vertu du droit international, comme un objet dont il fallait prendre soin et qu'il fallait protéger. La convention a changé cette perception en reconnaissant l'enfant comme une personne en soi et en lui reconnaissant le droit à la liberté d'expression, le droit d'association, le droit de rassemblement, le droit de liberté religieuse et le droit à la vie privée.

Le Canada s'est exposé à la critique internationale depuis 1989 parce qu'il n'a pas encore abrogé l'article 43 du Code, qui va à l'encontre de l'article 19 de la convention des Nations Unies.

En 1995, le Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant a recommandé d'interdire les corrections physiques à la maison et ailleurs et a demandé que le Canada révise l'article 43 en tenant compte de cette recommandation.

D'autres pays signataires de la Convention relative aux droits de l'enfant comme la Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège, l'Autriche et Chypre ont interdit l'imposition de châtiments corporels aux enfants.

En 1979, la Suède a été le premier pays du monde à interdire toute forme de châtiment corporel pour les enfants en ajoutant une nouvelle disposition à son code de conduite des parents, qui se lit ainsi:

Les enfants ont droit à des soins, à la sécurité et à une bonne éducation. Les enfants doivent être traités avec respect, en tant que personnes et individus, et ne doivent pas être soumis à des châtiments corporels ou à toute autre forme de traitement humiliant.

Le ministère de la Justice de Suède a fait une vaste campagne de sensibilisation. Il a distribué à tous les ménages avec enfants une brochure qui explique que la loi interdit maintenant toute forme de châtiment corporel à l'endroit des enfants, y compris les tapes, mais qu'il va de soi qu'on peut encore pousser brusquement un enfant si c'est pour l'éloigner d'un four chaud ou d'une fenêtre ouverte, quand il risque de se blesser.

Cette disposition législative fait partie de la loi suédoise de la famille. Elle vise à préciser que les disposition du Code criminel sur les agressions s'appliquent aux châtiments corporels. Toutefois, les infractions mineures ne sont pas punies, tout comme des agressions sans importance entre adultes ne peuvent faire l'objet de poursuites.

La Finlande, le Danemark, la Norvège et l'Autriche ont aussi modifié leur loi de la famille pour qu'elle précise clairement qu'il n'est plus acceptable d'infliger des punitions corporelles aux enfants. D'autres pays, comme l'Allemagne, la Suisse, la Pologne, l'Espagne et la Croatie ont mis sur pied des commissions ou des comités gouvernementaux qui ont recommandé une réforme constitutionnelle qui garantissant le droit de l'enfant à l'intégrité physique. Des mesures ont été adoptées ou sont actuellement en cours de rédaction à cette fin, dans ces pays.

Honorables sénateurs, je ne suggère pas que nous allions aussi loin que la Suède, la Norvège ou la Finlande. Franchement, je ne crois pas que la volonté politique existe au Canada pour donner naissance à une telle mesure. La fessée ne sera pas interdite en vertu du projet de loi S-14. Toutefois, elle ne sera plus approuvée ou sanctionnée en vertu du Code criminel.

Avec l'article 43 du Code criminel, nous établissons en tant que société que les châtiments corporels sont un moyen acceptable de corriger nos enfants. Quelle impression donnons-nous, en tant que société, en sanctionnant en vertu du Code criminel l'usage de la force physique pour discipliner nos enfants?

Honorables sénateurs, j'ai décidé de consulter les dispositions du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux. Quel contraste! Le fait que le Parlement ait jugé utile d'inclure de telles dispositions dans le Code criminel montre le sérieux des infractions de cette nature. Aux termes de l'article 444, tuer ou blesser des bestiaux constitue un acte criminel pouvant entraîner un emprisonnement maximal de cinq ans.

Aux termes de l'article 445, tuer ou blesser d'autres animaux constitue une infraction punissable par procédure sommaire. Aux termes du paragraphe 787 (1) du Code, toute personne déclarée coupable d'une infraction punissable par procédure sommaire est passible d'une amende maximale de 2 000 $ et d'un emprisonnement maximal de six mois, ou de l'une et l'autre de ces peines.

(1600)

Aux termes de l'article 446, faire souffrir inutilement un animal constitue une infraction punissable par procédure sommaire. Cela inclut la cruauté envers les animaux ou les oiseaux. Le paragraphe (1) décrit les types d'actes visés par cet article, par exemple, causer volontairement une douleur, souffrance ou blessure à un animal ou à un oiseau, sans nécessité, l'abandonner ou le négliger volontairement, ou omettre de lui fournir aliments, eau, abri et soins.

Le paragraphe 446(5) prévoit qu'un juge peut interdire au prévenu de posséder un animal ou un oiseau pour une période maximale de deux ans, et ce en plus de toute autre peine imposée pour une infraction visée au paragraphe (1). Là aussi les dispositions du Code criminel en cas de non respect de l'ordonnance s'appliquent. Le contrevenant est passible soit d'une amende maximum de 2 000 $ soit de six mois en prison, ou des deux. N'est-il pas bizarre que ces articles qui concernent les animaux soient prohibitifs alors que l'article 43, qui s'applique aux enfants, est facultatif?

Par ailleurs, il existe dans le Code criminel d'autres défenses auxquelles les parents peuvent avoir recours s'ils sont accusés de voies de fait: la défense des biens meubles, l'auto-défense, la protection d'autrui, la nécessité. Si l'article 43 était aboli, à mon avis, pas un seul parent ayant tapé un enfant sur la main pour l'empêcher de la mettre sur le poêle ne serait trouvé coupable, et ce grâce à ces autres défenses. Un parent qui donne une tape à son enfant pour l'empêcher de se faire mal ou de faire mal à quelqu'un d'autre pourrait invoquer ces défenses. Même des parents qui utilisent les châtiments corporels parce qu'ils ne savent pas quoi faire d'autre peuvent invoquer la nécessité pour se défendre. Dans la common law, il existe aussi la défense du châtiment raisonnable.

Honorables sénateurs, les recherches ont montré que bien des parents préféreraient ne pas avoir recours au châtiment corporel pour discipliner leurs enfants. Une étude menée en 1992 à Toronto et Winnipeg a révélé que 81 p. 100 des répondants se sentaient parfois coupables après avoir usé de punition corporelle à l'égard de leur enfant. La même étude a montré que moins du tiers des répondants appuyaient l'adoption d'une loi interdisant la fessée. Cependant, lorsqu'on leur a demandé s'ils favoriseraient une telle loi si l'on pouvait prouver qu'elle réduirait les blessures infligées aux enfants, les deux tiers des répondants on dit oui.

Honorables sénateurs, le Code criminel est généralement axé sur l'interdiction. Il décrit les gestes interdits et les peines associées à chacun. L'article 43 prend plutôt la forme d'une permission. Il sanctionne le recours à la force physique dans l'éducation des enfants. Compte tenu de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, comment pouvons-nous admettre que notre Code criminel contienne un article autorisant le recours au châtiment corporel?

Par conséquent, honorables sénateurs, je suis incapable d'appuyer une position autre que l'abrogation.

Cependant, je ne propose pas que l'on criminalise les actions des parents qui disciplinent leurs enfants. Je ne désire pas intervenir dans le devoir des parents qui est de guider et de discipliner leurs enfants. L'imposition d'une discipline fait partie du travail des parents. En tant que mère et enseignante, j'ai enseigné la discipline quotidiennement: agir de façon responsable, accepter la responsabilité de ses actions, se comporter de façon appropriée. La discipline, comme les parents et les enseignants le savent, exige du temps et des efforts. À mon avis, ce n'est que rarement, voire jamais, qu'elle exige le recours à la force.

Pendant ma carrière d'enseignante, j'ai eu plus de 1800 élèves. J'étais d'avis qu'il n'était pas nécessaire d'employer la force pour les discipliner. Mais si vous en interrogiez un il vous dirait que Mme Carstairs - ou Mme C. comme ils disaient parfois - était forte sur la discipline. En fait, un de mes meilleurs souvenirs de ma dernière année d'enseignement a été d'entendre un groupe d'élèves qui passaient devant ma classe. J'enseignais alors au deuxième cycle du secondaire, mais ces élèves étaient en neuvième année seulement. Ils se rendaient au gymnase et faisaient beaucoup de bruit, mais j'ai entendu un d'entre eux dire: «Chut, c'est la classe de Mme Carstairs.»

Le sénateur Gigantès: Vous les terrorisiez.

Le sénateur Carstairs: Je croyais à la discipline et j'étais prête à rester après les heures pour garder des élèves en retenue. J'étais prête à les prendre le samedi et à les amener à l'école pour qu'ils finissent leurs devoirs, si nécessaire, car je crois à la discipline.

Cependant, j'imagine que des parents, par crainte de ne plus pouvoir discipliner leurs enfants efficacement, s'opposeront à l'abrogation de l'article 43. En fait, ma fille Jennifer parlait à son amie Darrell, la semaine dernière. L'amie en question a un jeune enfant et elle disait à ma fille que, si j'insistais pour faire adopter ce projet de loi, elle allait m'envoyer l'enfant. La réponse de ma fille a été: «Tu sais, Darrell, ma mère n'aura aucun problème avec ton enfant.»

C'est pourquoi je crois fermement, honorables sénateurs, que nous ne pouvons abroger l'article 43 isolément. À la suite de cette abrogation, il faut trouver des solutions de rechange à la criminalisation et des façons d'aider les parents afin qu'ils soient au courant non seulement de la loi, mais également des autres types de mesures disciplinaires. Il faut également protéger les parents contre les poursuites injustifiées et sans fondement. C'est l'objet de l'article 2 du projet de loi qui cherche à modifier la Loi sur le ministère de la Santé. Il incombe au ministre de la Santé de promouvoir et de protéger la santé de tous les Canadiens, y compris les enfants, et d'établir, de concert avec les provinces, des directives sur la santé et la protection des Canadiens. Le projet de loi S-14 va clarifier le rôle du ministre à cet égard.

L'alinéa 4(2) de la Loi sur le ministère de la Santé établit une liste de pouvoirs et de fonctions du ministre de la Santé. Le paragraphe 2(1) du projet de loi S-14 modifie l'alinéa 4(2)a.1) de la Loi sur le ministère de la Santé en clarifiant les responsabilités du ministre en ce qui concerne la promotion et le maintien du bien-être physique, mental et social de la population du Canada, pour inclure de façon explicite, dans le cas des enfants, la sensibilisation du public aux risques occasionnés, en matière de santé et en matière sociale, par les châtiments corporels, ainsi qu'aux moyens susceptibles de remplacer ceux-ci.

Le paragraphe 2(2) du projet de loi S-14 va modifier l'alinéa 4(2)i) de la Loi sur le ministère de la Santé en clarifiant la responsabilité du ministre en ce qui concerne la coopération avec les autorités provinciales en vue de coordonner les efforts pour maintenir et améliorer la santé publique, en incluant de façon explicite l'établissement de directives touchant la protection des enfants et la répression des atteintes à leur personne.

Avec l'abrogation de l'article 43, on devrait établir des directives pour contrôler les poursuites sans fondement de ces personnes qui se sont basées de façon raisonnable sur l'existence de ce moyen de défense dans le passé et qui continuent d'avoir recours à des châtiments corporels. Ce projet de loi a pour objectif d'empêcher la criminalisation des parents. Pour garantir une période d'indulgence, les directives sur l'application de la loi devraient s'assurer qu'on contrôle de façon appropriée les agressions sur les enfants, mais qu'on ne dérange pas indûment les familles ni ne criminalise de façon généralisée les parents, les enseignants et les principaux fournisseurs de soins.

Comme le droit criminel et la protection des enfants sont des questions de compétence provinciale, et comme il est tout à fait souhaitable que ces directives soient les mêmes dans toutes les provinces, un mécanisme fédéral de consultation et d'élaboration de directives s'impose. Un amendement à la Loi sur le ministère de la Santé serait utile à cet égard. Cela profiterait aux parents car actuellement, aux termes de l'article 43, il n'y a pas de normes appliquées de façon uniforme. On laisse au tribunal le soin de décider dans chaque cas si oui ou non la force utilisée était raisonnable dans les circonstances.

Honorables sénateurs, depuis 1953, lorsqu'on a supprimé les sanctions contre les maîtres qui utilisaient les châtiments corporels pour corriger leurs élèves, l'article 43 est demeuré relativement inchangé. Cependant, il n'a pas échappé à l'attention des gens. De nombreux rapports commandés par le gouvernement ont recommandé soit qu'on réexamine cet article ou qu'on l'abroge carrément.

En 1976, dans son rapport intitulé «L'enfance maltraitée et négligée», le comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes a recommandé de réexaminer l'article 43. En 1977, dans son rapport sur les droits de la personne en Ontario, la Commission ontarienne des droits de la personne a recommandé que le procureur général de l'Ontario entreprenne des discussions avec le gouvernement fédéral pour réviser l'article 43 dans le but d'éliminer des dispositions aussi discriminatoires du Code criminel.

(1610)

En 1980, le rapport du comité permanent sénatorial de la santé, du bien-être et des sciences, intitulé «L'enfant en péril», recommandait la révision de l'article 43. Le rapport de 1981 du comité permanent de la santé, du bien-être et des affaires sociales de la Chambre des communes, intitulé «Pour les enfants du Canada: Programme national d'action», recommandait l'abrogation immédiate de l'article 43.

En 1984, les auteurs du document de travail de la Commission de réforme du droit du Canada, intitulé «Voies de fait», ainsi qu'une minorité de commissaires, recommandaient l'abolition de l'article 43.

En 1987, une minorité de commissaires, dans le rapport de la Commission de réforme du droit du Canada, intitulé «Pour une nouvelle codification du droit pénal», rapport no 31, volume 1, recommandaient l'abolition de l'article 43.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à souscrire au projet de loi S-14 et à abroger l'article 43. Traitons nos enfants comme des personnes, non comme des biens, et aidons leurs parents à se sensibiliser aux dangers des châtiments corporels.

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, c'est avec un immense plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour appuyer, en deuxième lecture, le projet de loi S-14 sur la sécurité de l'enfant. Je félicite le sénateur Carstairs d'avoir signalé à cette Chambre, en juin dernier, le problème répandu que le projet de loi S-14 vise à régler, soit les châtiments corporels infligés aux enfants, et d'avoir prononcé aujourd'hui un discours qui invite à la réflexion.

Je me suis penchée sur le problème en octobre, après avoir examiné les études étendues et révélatrices qui ont été menées au profit des enfants canadiens. Je crois sincèrement que le projet de loi mérite l'appui de tous les sénateurs.

Je souligne que le châtiment corporel est une des nombreuses méthodes dont disposent les adultes pour discipliner les enfants confiés à leurs soins. Comme d'autres méthodes de discipline, son utilisation vise principalement à dissuader les enfants d'adopter des comportements que les adultes considèrent comme indésirables. Cependant, le châtiment corporel diffère des autres méthodes en ce qu'il suppose le recours à la force physique et à la violence contre les enfants.

Bref, voici en quoi consiste le châtiment corporel: lorsqu'un enfant agit mal, l'adulte l'agresse, à la fois pour le punir de son méfait et parce qu'il croit ainsi dissuader l'enfant de récidiver. Selon les stéréotypes auxquels adhèrent les partisans du châtiment corporel, l'affaire s'arrête là. L'enfant ne souffre pas longtemps des effets de l'agression et ne songe même jamais à répéter son méfait à mesure qu'il grandit pour devenir un adulte parfait.

Honorables sénateurs, si tel était effectivement le cas, nous ne serions pas engagés actuellement dans ce débat. En fait, le sénateur Carstairs n'aurait pas eu besoin de présenter le projet de loi S-14. Malheureusement, ce n'est pas le cas. La question du châtiment corporel n'est ni simple ni insignifiante. Vous vous rappelez que j'ai dit dans mon discours précédent que le châtiment corporel a souvent des effets qui perdurent. En fait, ses effets peuvent être préjudiciables, importants et lourds de conséquences, non seulement pour les enfants, mais également pour l'ensemble de la société canadienne. Ces conséquences ont été documentées dans d'innombrables études.

Une question qui présente un intérêt primordial en ce qui concerne les effets nuisibles du châtiment corporel, c'est le risque que ce châtiment se transforme en mauvais traitement. Le professeur Joan Durrant de l'Université du Manitoba, spécialiste reconnue en la matière, signale que, dans la plupart des cas qui ont été étudiés, les mauvais traitements faisaient suite à des mesures de discipline dont on avait perdu la maîtrise.

Anne McGillivray, autre spécialiste du châtiment corporel, a constaté ce qui suit:

Dans la plupart des cas de blessures graves ou de mort, l'agression faisait suite à une mesure de discipline ou à une correction.

Honorables sénateurs, les effets nuisibles que peut avoir le châtiment corporel ne s'arrêtent pas là. Ils se traduisent aussi par des coûts sociaux faramineux. Je vous recommande la lecture d'un document paru en mars 1995 et intitulé - Corporal Punishment - Research Review and Policy Recommenda-tions. - Le professeur Durrant y résume les constatations de nombreuses recherches. Elle cite des études qui montrent que le châtiment corporel risque d'intensifier le comportement agressif des enfants, de les rendre plus susceptibles à devenir violents et délinquants à l'adolescence, et d'accroître les risques qu'ils s'en prennent à leurs conjoints ou leurs enfants à l'âge adulte. Bref, le châtiment corporel risque d'alimenter un cycle d'agressivité et de violence.

En attendant, honorables sénateurs, il n'y a pas la moindre preuve à l'appui de l'argument selon lequel le châtiment corporel est un tant soit peu efficace pour amener les enfants à modifier des comportements indésirables. Au contraire, il est prouvé qu'il intensifie les comportements qu'il devait corriger. Le châtiment corporel ne fonctionne tout simplement pas comme mesure de discipline. Ce facteur comporte aussi le risque de mauvais traitement dans des foyers où le châtiment corporel est utilisé, à cause de la frustration croissante des parents.

Cependant, malgré les preuves écrasantes de ses effets nuisibles et de son inefficacité comme mesure de discipline, le châtiment corporel de nos enfants est toujours approuvé par la loi canadienne, ce que le projet de loi S-14 cherche à corriger. Plus précisément, l'article 43 du Code criminel du Canada autorise les parents et les enseignants à recourir à la force et à la violence contre les enfants. Cet article est le suivant:

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

Ainsi donc, honorables sénateurs, l'article 43 prévoit une dérogation particulière à l'application des dispositions du Code criminel en matière d'agression. Alors qu'il est considéré criminel de la part d'adultes de se livrer à des voies de fait sur d'autres adultes, l'article 43 permet aux parents et aux enseignants de le faire en toute impunité à l'égard des enfants dans le but de les corriger, sauf qu'au lieu d'agression, on parle de châtiment corporel.

En donnant aux parents et aux enseignants le pouvoir légal et moral de frapper les enfants confiés à leurs soins, l'article 43 viole clairement les droits de la personne des enfants au Canada. Il en résulte qu'ils ne jouissent pas de la sécurité de la personne garantie par la Charte et assurée à tous les autres éléments de la société canadienne. Bref, ils ne sont pas traités comme des citoyens à part entière de notre beau pays.

L'abrogation de l'article 43 du Code criminel est un des deux principaux éléments du projet de loi S-14 concernant la sécurité de l'enfant. Une fois l'article 43 abrogé, honorables sénateurs, les voies de fait sur les enfants de la part de leurs parents et de leurs enseignants seront considérées sur le même pied que les autres cas de voies de fait. Nous devrions nous rappeler que l'abrogation de l'article 43 n'aura pas pour effet de criminaliser réellement les parents et les enseignants qui emploient la force contre les enfants. Elle conférera cependant aux enfants les mêmes droits de la personne dont les autres Canadiens jouissent déjà légitimement. Le projet de loi S-14 retirera le pouvoir légal et moral accordé aux parents et aux enseignants de se livrer à des voies de fait sur les enfants confiés à leurs soins, et contribuera à protéger aussi bien les enfants que l'ensemble de la société contre les effets nocifs et les coûts sociaux résultant des châtiments corporels.

Les dispositions de l'article 43 figurent dans le Code criminel depuis son adoption. Bien que son abrogation ait été recommandée à maintes reprises, y compris par des comités parlementaires, les gouvernements ont jugé bon de le conserver depuis plus d'un siècle. Il y a une réticence politique à s'attaquer à cette question qui a été soulevée à maintes reprises dans le cadre d'un débat qui se poursuit toujours. Que se passera-t-il une fois l'article 43 abrogé? Certains ont dit craindre que des parents ne soient traînés devant les tribunaux chaque fois qu'ils tapent sur les doigts de leurs enfants pour les éloigner de la cuisinière, ou que l'application de la loi ne fasse preuve de discrimination contre les familles marginalisées par leur pauvreté ou leur culture; ou que les parents ne trouvent des mesures disciplinaires encore plus cruelles parce qu'ils ne pourraient plus avoir recours aux châtiments corporels.

Honorables sénateurs, j'aurais pu moi aussi éprouver certaines de ces inquiétudes si l'article 43 était abrogé et si on était placé devant un vide législatif, les parents se retrouvant désemparés, privés de soutien, avec l'impression de ne pas avoir d'autres choix. Il faut voir les choses en face. Un grand nombre de ceux qui optent pour les châtiments corporels comme méthode de discipline le font parce qu'ils ont eux-mêmes été soumis à ces châtiments dans leur enfance et ne savent pas quoi faire d'autre.

Vous pouvez avoir l'assurance que le projet de loi S-14 est avant tout une mesure constructive. Son deuxième élément, qui tend à modifier la Loi sur le ministère de la Santé, veillera à ce que les parents reçoivent le soutien nécessaire pour adopter des méthodes autres que les châtiments corporels et aussi à ce qu'ils ne soient pas inutilement traités comme des criminels à cause de l'abrogation de l'article 43.

(1620)

Tout d'abord, le projet de loi S-14 précise la responsabilité du ministre de la Santé en matière de promotion et de préservation du bien-être physique, mental et social des Canadiens. Il inclut explicitement dans cette responsabilité la sensibilisation des Canadiens aux risques, tant pour la santé que sur le plan social, que présentent les châtiments corporels, aux mesures qui peuvent se substituer aux châtiments corporels, et aux bienfaits sociaux de la protection du droit à la sécurité de tous les enfants. Cette disposition ouvre la voie à des programmes de sensibilisation comme ceux qui ont eu tant de succès en Suède pour modifier l'attitude des parents à l'égard des châtiments corporels et leur choix de méthodes de discipline.

Cette approche, honorables sénateurs, est fondée sur un esprit de collaboration et non de confrontation. Elle permettra aux Canadiens et aux gouvernements de collaborer en vue d'atteindre un but commun, à savoir améliorer la qualité de la vie de nos enfants et de nos petits-enfants et faire du Canada un endroit où il fera encore mieux vivre.

Les parents qui ont recours aux châtiments corporels pour discipliner leurs enfants recevront l'information, l'appui et l'encouragement dont ils ont besoin pour adopter une autre méthode. La personne qui attend ou qui vient d'avoir un enfant et qui aurait autrement opté pour les châtiments corporels sera informée des méthodes non violentes et plus efficaces qui sont à sa disposition.

Ainsi, le projet de loi S-14 répond à la préoccupation historique voulant que les parents qui ont recours aux châtiments corporels contre leurs enfants sont peut-être mal équipés pour changer d'eux-mêmes de mode de discipline. Toutefois, il répond aussi aux préoccupations également importantes voulant que, par suite de l'abrogation de l'article 43, les parents pourraient être poursuivis pour des peccadilles ou être accusés d'infraction simple. Il clarifie la situation en modifiant encore la Loi sur le ministère de la Santé en vertu de laquelle le ministre de la Santé a la responsabilité d'établir des lignes directrices pour la santé et la protection des Canadiens. Conformément au projet de loi S-14, cette responsabilité inclut explicitement l'établissement, en collaboration avec les autorités provinciales, de lignes directrices touchant la protection des enfants et la répression des atteintes à leur personne. Par exemple, de telles lignes directrices permettraient d'assurer que les agents de la paix soient convenablement formés, de donner des avertissements plutôt que de porter des accusations dans certains cas, et d'offrir des programmes obligatoires de formation et de soutien aux récidivistes.

Honorables sénateurs, cette disposition montre clairement que le projet de loi S-14 vise non pas à condamner les parents qui recourront encore aux châtiments corporels après sa promulgation, mais à les traiter avec sensibilité. Elle reflète la nature positive du projet de loi et l'esprit de collaboration sur lequel il est fondé.

Honorables sénateurs, je suis sûre que vous conviendrez avec moi que le projet de loi S-14 mérite d'être adopté pour les raisons que je vous exposerai ici brièvement. Le projet de loi S-14 tend à abolir l'article 43 du Code criminel, qui sanctionne les châtiments corporels infligés aux enfants par leurs parents ou leurs instituteurs. Comme les châtiments corporels peuvent avoir des effets néfastes tant sur les enfants qui en sont victimes que sur la société canadienne en général, aux termes de la mesure législative, les parents et les instituteurs qui s'en prennent aux enfants qui leur sont confiés ne seront plus à l'abri des dispositions du Code criminel. Le projet de loi S-14 se veut également une mesure législative constructive, puisqu'il vise à sensibiliser la population aux châtiments corporels et aux mesures disciplinaires pouvant les remplacer et traite également des directives touchant la protection des enfants et la répression des atteintes à leur personne.

Honorables sénateurs, j'espère que le sénateur Carstairs et moi-même avons réussi à vous convaincre d'appuyer le projet de loi S-14. Si vous êtes encore indécis, le sénateur Carstairs et moi serons ravies de vous communiquer le résultat de nos recherches sur les châtiments corporels.

En terminant, je remercie le sénateur Carstairs d'avoir rédigé un projet de loi aussi nécessaire et constructif qui, s'il est adopté, sera salutaire aux enfants canadiens et à toutes les générations à venir.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, je dois dire, sans malice, que mes trois enfants chéris ont de 42 à52 ans et que, par conséquent, la question dont nous sommes saisis ne me concerne pas personnellement.

J'appuie sans réserve le projet de loi et les excellentes remarques qu'a faites à cet égard l'honorable sénateur Cohen. Quelqu'un qui appuie sans réserve ce projet de loi est-il automatiquement contre la peine capitale ou y a-t-il toutefois une nuance subtile?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Règlement prévoit que vous ne pouvez poser des questions qu'au dernier intervenant.

Le sénateur MacDonald: Le sénateur Cohen pourrait peut-être répondre au pied levé à ma question.

Le sénateur Cohen: L'honorable sénateur aurait-il l'obligeance de répéter la dernière partie de sa question?

Le sénateur MacDonald: Si quelqu'un appuie sans réserve le projet de loi S-14, cela ne signifie-t-il pas automatiquement qu'il est, comme moi, contre la peine capitale? L'effet dissuasif de la peine capitale n'a pas été prouvé.

Le sénateur Cohen: C'est une question intéressante, honorables sénateurs. Le sénateur Carstairs voudrait peut-être y répondre.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne suis pas certaine si le Règlement m'autorise à répondre à la question.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carstairs: À mon avis, il y a peut-être une corrélation entre ceux qui s'opposent au châtiment corporel infligé aux enfants parce qu'ils estiment que cela ne décourage pas d'autres actes violents et ceux qui ne croient pas à l'effet dissuasif de la peine capitale.

(1630)

À mon avis, parmi ceux qui croient sincèrement que la peine capitale ne devrait être prononcée que dans les cas de meurtres les plus odieux, il y a certains qui condamnent les châtiments corporels infligés aux enfants. Nous avons décidé, il y a de nombreuses années, de ne plus donner le fouet aux prisonniers parce que nous considérions cela inhumain. Nous semblons toutefois penser qu'il est encore tout à fait acceptable de fouetter les enfants.

(Sur la motion du sénateur Spivak, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Quinzième rapport du comité-suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable Forest, tendant à l'adoption du quinzième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (prévisions budgétaires du Sénat, 1996-1997) présenté au Sénat le 4 février 1997.-(L'honorable sénateur Doyle).

L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, d'entrée de jeu, je tiens à dire clairement que j'ai un grand respect pour nos collègues qui préparent les budgets à titre de membres du comité de régie interne. Ils ont entrepris une tâche herculéenne qui ne sera sans doute jamais appréciée à sa juste valeur.

Si j'ai une critique ou deux à formuler, et j'en ai, elles doivent être précédées de la reconnaissance du compliment que le président et les membres du comité ont fait à leurs collègues du Sénat siégeant des deux côtés de cette enceinte. Le compliment est le suivant: après des mois de travail, les membres du comité estiment évidemment que le reste d'entre nous peuvent lire, digérer et évaluer le résultat de leurs efforts - le budget de l'année à venir - en quelques jours avec, peut-être, un week-end en prime, à l'occasion de Bal de neige.

Je me rends compte, et on me le rappellera, honorables sénateurs, qu'il y aura toujours des échéances et que, en toute justice, les budgets ne sont, après tout, que des compilations tirées de décisions déjà prises et approuvées depuis un an, avec moult détails au sujet de leurs effets possibles sur les dépenses. Hélas, je suis un de ces pauvres récipients pleins de trous et de fissures quand vient le temps de comprendre les propositions faites dans nos documents budgétaires.

Par exemple, sous la rubrique «Faits saillants et défis», je constate, avec l'aide du sénateur De Bané, que nous faisons un examen complet de notre infrastructure informatique. L'ancienne a été modifiée et, par suite de l'acquisition de nouveaux logiciels, l'investissement initial pourrait être exploité efficacement.

Tout cela est rassurant jusqu'à ce que l'on en vienne au paragraphe suivant et que l'on apprenne que le budget de 1997-1998 pour les services informatiques prévoit une augmentation de 100 000 $ pour continuer la mise en oeuvre du plan stratégique. Qu'obtenons-nous pour notre argent? Je ne puis trouver de chiffres de dépenses faites pendant l'exercice en cours ou le précédent. On me dit que les nouvelles dépenses de 100 000 $ se répartiront comme suit: un système de recherche documentaire électronique pour les sénateurs; un système automatisé de suivi des voyages; et des formules administratives électroniques.

Je saisis mon bon vieux dictionnaire Oxford pour m'aider à comprendre le sens des mots rares de la langue anglaise. Le terme «informatics» ne s'y trouve pas encore, mais je lis qu'on peut utiliser le mot «infralapsarians» en parlant de calvinistes du XVIIe siècle professant des idées bizarres sur la vie éternelle. Le dictionnaire ne m'est d'aucun secours sur la façon de formuler les questions pour que mes électeurs de Toronto ayant souffert des compressions des budgets du gouvernement fédéral comprennent.

Je veux savoir ceci: combien d'argent avons-nous dépensé l'an dernier ou l'année d'avant pour suivre le conseil du sénateurDe Bané et acheter quels systèmes devant rendre des services salutaires aux sénateurs et à leur personnel?

Comme question complémentaire, je voudrais savoir quelles tâches nous seront épargnées? Que gagnerons-nous à retracer, automatiser et électrifier les formulaires administratifs et qu'est-ce qui justifierait la dépense d'encore 100 000 $ ou peut-être plus au cours de l'année?

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je remercie mes honorables collègues...

Son Honneur le Président: J'attire l'attention du Sénat sur le fait que, si le sénateur Kenny prend maintenant la parole, son intervention aura pour effet de clore le débat sur la motion. Y a-t-il des sénateurs qui désirent avoir la parole?

L'honorable Noël A. Kinsella: Le sénateur Kenny pose une question au dernier orateur.

Son Honneur le Président: Non. Le dernier orateur lui a posé une question, n'est-ce pas?

Le sénateur Kenny: Il m'a posé une question.

Son Honneur le Président: Le sénateur Kenny répond à une question posée par le sénateur Doyle.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, dans ce cas je devrai donc proposer l'ajournement du débat parce que je ne veux pas qu'il prenne fin maintenant. Le sénateur Kenny pourrait peut-être prendre note de la question du sénateur Doyle et y répondre à un autre moment. Cependant, de notre côté, nous serions heureux de permettre au sénateur de répondre à la question sans tenir compte du Règlement.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée à l'honorable sénateur Kenny?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Si l'honorable sénateur le désire, il peut prendre la parole maintenant. Il peut aussi choisir d'attendre la fin du débat avant de répondre. Libre à lui.

L'honorable sénateur Kenny: Avec votre permission, honorables sénateurs, je donnerai une réponse en deux parties: une partie maintenant et une autre partie plus tard.

Je suis heureux d'essayer d'être utile à mon honorable ami le sénateur Doyle. Je devrai faire des recherches pour trouver les chiffres des années antérieures, car je ne les ai pas avec moi aujourd'hui.

Règle générale, le classement automatique et électronique des rapports et des autres documents vise à alléger le fardeau que représente la paperasserie pour notre institution. Un de nos objectifs est donc de permettre aux gens de produire des rapports sur support électronique plutôt que d'avoir à envoyer d'interminables documents sur support papier et réduire ainsi la paperasserie. Une fois notre réseau terminé, il devrait réduire la quantité de papier en circulation, réduire le nombre de messagers et, par exemple, simplifier les communications entre les bureaux des sénateurs et le service des finances ou le service du personnel, notamment, au moment de présenter vos formulaires de frais de déplacement, les rapports de congé de votre personnel, et le reste. C'est là l'objectif général de l'informatisation.

Si le sénateur désire des renseignements supplémentaires sur certains appareils prévus dans le budget, je serai heureux de les lui communiquer.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

(1640)

 

Les droits de la personne

La discrimination raciale-Le règlement du procès contre Texaco aux États-Unis-Interpellation

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Oliver, attirant l'attention du Sénat sur la poursuite intentée contre Texaco pour discrimination raciale, qui a été réglée en novembre dernier, sur les faits et les circonstances de cette cause et les données du règlement, sur ce que l'affaire Texaco nous apprend de la culture d'entreprise et sur les aperçus que cette même cause nous ouvre sur la culture d'entreprise au Canada. - (L'honorable sénateur Gigantès).

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, l'autre jour, le sénateur Oliver nous a rendu un grand service en nous rappelant à quel point la discrimination raciale est injuste. Toutes les formes de discrimination sont abominables, mais celle-ci est particulièrement horrible parce que, le plus souvent, elle produit les résultats souhaités par ceux qui veulent faire de la discrimination. Ils veulent que quelqu'un soit inférieur et prennent tous les moyens possibles pour rendre cette personne inférieure.

Nous parlons maintenant des gens dont la peau est différente de celle des Européens du nord-ouest. Au cinquième siècle avant Jésus-Christ, Hérodote, un historien grec qui avait beaucoup voyagé, a dit que la civilisation la plus impressionnante qu'il avait rencontrée était celle des Éthiopiens qui sont pleins de vivacité. Il a dit que leurs institutions fonctionnaient mieux que toutes celles qu'il avait vues, que les gens étaient plus libres, plus accueillants et plus généreux et qu'ils arrivaient à vivre dans la paix et la prospérité.

Au troisième siècle avant Jésus-Christ, Niarchos, l'amiral d'Alexandre le Grand, a fait le tour de l'Afrique en bateau. Il a signalé un fait étrange sur la côte est de l'Afrique, où il a vu une tribu locale compter son bétail. Un homme se tenait debout avec les deux poings fermés. À mesure que les bêtes étaient comptées, il levait un doigt. Lorsque ses dix doigts étaient levés, il refermait ses poings, et un autre homme devant lui levait un doigt; cet homme comptait les dizaines. Puis, un autre homme comptait les centaines, et un autre, les milliers. Ils avaient le système décimal bien avant que les Hindous l'aient.

Toussaint Louverture, un général noir à Haïti, a complètement déboussolé les forces françaises qui avaient été envoyées pour le vaincre jusqu'à ce que le nombre de soldats français auquel il faisait face soit si élevé qu'il a finalement été écrasé. Mais, avant cela, il avait démontré une plus grande habileté en tant que général que l'armée française professionnelle de Napoléon.

Les réalisations des gens de couleur sont remarquables. Nous oublions que le père d'Alexandre Dumas, le grand romancier, était noir, tout comme le père de Pushkin, le grand poète russe. C'est quelque chose qui a beaucoup dérangé les échelons psychiques et intellectuels inférieurs des blancs.

Il y a l'horrible histoire des deux jeunes subalternes britanniques qui sont entrés dans un wagon de première classe en Inde et ont aperçu Motilal Nehru, le père de Jawaharlal Nehru. Motilal Nehru était un brillant juriste britannique. Il était en visite chez lui lorsque ces deux jeunes subalternes l'ont vu et ont dit: «Sortons le nègre d'ici». Ils l'ont poussé à l'extérieur du wagon pendant que le train était en marche. Lorsqu'il s'est rétabli, il a établi la base du mouvement pour l'indépendance de l'Inde.

À la fin des années 50 et au début des années 60, dans les écoles secondaires des quartiers noirs de Washington où je donnais des cours, j'ai rencontré des enfants qui avaient des talents incroyables. Je me rappelle avoir dit à l'un d'eux, qui avait fabriqué un meuble magnifique, que son avenir était assuré. Il m'avait répondu que les syndicats ne le laisseraient jamais faire et qu'il ne pouvait espérer mieux qu'un travail de porteur dans une gare ferroviaire.

La National Cathedral School de Washington est une école secondaire pour enfants blancs à laquelle j'ai envoyé mes propres enfants parce que les élèves qui fréquentaient les écoles publiques étaient tellement désavantagés qu'ils accusaient un retard de quatre ans en lecture. Ces enfants vivaient dans des foyers pauvres et leurs parents étaient sans éducation. Le comité d'école de la National Cathedral School a réellement déployé des efforts héroïques pour trouver les meilleurs candidats possibles parmi les enfants noirs et permettre ainsi à l'établissement d'avoir une représentation noire symbolique. Une des camarades de classe de ma fille était une de ces enfants, une jeune fille tout à fait brillante, la meilleure du groupe. Un jour, elle a décidé de ne plus fréquenter cet établissement et de renoncer à sa bourse d'étude. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi, elle a répondu qu'elle ne pouvait plus supporter de quitter chaque jour le paradis pour retourner en enfer.

Il est absurde de dépenser de l'argent pour des citoyens envers qui nous faisons preuve de discrimination, si nous leur refusons ensuite la possibilité d'exploiter pleinement leurs capacités. C'est la pire forme d'une mauvaise budgétisation. On se demande ensuite pourquoi ces personnes se rebellent, pourquoi elles n'ont pas l'impression de faire partie de la société et ne veulent pas travailler pour le bien de la collectivité.

En 1953, au Maroc, le gouverneur général, le général Guillaume, m'expliquait que si la fonction publique comptait si peu de Marocains au-delà du niveau de messager ou de laveur de plancher, c'était en raison de leur faiblesse en français et en mathématiques. Or, j'ai découvert qu'une loi interdisait l'enseignement du français et des mathématiques dans les écoles arabes.

Autrement dit, on maintenait les gens en bas de l'échelle et on les méprisait ensuite à cause de leur faiblesse. C'est une attitude inqualifiable, stupide et contre-productive dont nous devrions avoir honte. Le fait que cette attitude ait prévalu non seulement dans les colonies d'Europe occidentale mais également en Inde ne la justifie pas. En Inde, le mot correspondant au sort ou à la situation sociale d'une personne dans le système des castes est le même que celui employé pour désigner la couleur. Partout en Inde, les intouchables ont la peau plus sombre que les gens des castes plus élevées. Ils sont maintenus au bas de l'échelle sociale même si, chose étrange, certains intouchables s'alimentent mieux parce qu'ils acceptent de manger de la viande. Ils parviennent à se faufiler à travers cet horrible système de caste et à réussir. Des offres de mariage qui paraissent encore dans des journaux comme le Hindustan Times l'illustrent bien. On peut y lire des annonces comme celle-ci:

Jeune Brahman, occupant un poste permanent de commis avec pension dans la fonction publique, désire rencontrer jeune femme de la même caste ou d'une caste différente si elle a la peau claire.

Cela veut dire, comme les sociologues indiens l'expliquent, que l'on reconnaît que les femmes à la peau claire ont des gènes propices au développement intellectuel des enfants qui peuvent naître d'une telle union.

(1650)

Il est difficile de comprendre pourquoi les hommes agissent ainsi. Pourquoi les dirigeants de Texaco emploient-ils les jeunes noirs les mieux qualifiés et les plus brillants pour ensuite les traiter avec mépris, leur briser le moral et leur faire perdre de l'argent et leur talent?

Je remercie encore une fois le sénateur Oliver d'avoir attiré notre attention sur cette terrible erreur que nous faisons tous, pas seulement ici, mais dans le monde entier. Les Japonais sont coupables d'une telle attitude envers les habitants de Haiku et envers les Coréens. Les Indiens sont coupables d'une telle attitude envers ceux des castes inférieures. Où que l'on aille, cette terrible maladie qu'est le racisme prive les gens qui le pratiquent du talent, de l'amitié, du réconfort et du soutien de ceux qu'ils discriminent.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, cette question est considérée comme débattue.

(Le Sénat s'ajourne à demain, le mercredi 12 février 1997, à 13 h 30.)

 


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