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Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 80

Le mardi 11 mars 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 11 mars 1997

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Français]

 

L'HONORABLE MAURICE RIEL, C.P., C.R.,

Hommages à l'occasion de sa retraite

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous faisons nos adieux aujourd'hui à notre distingué et bien-aimé collègue, le sénateur Maurice Riel, qui prendra sa retraite le 3 avril. Son départ nous attriste, mais nous tenons à le remercier très sincèrement pour sa contribution au Sénat, à sa province et au Canada.

[Traduction]

Maurice Riel a sans aucun doute rehaussé la dignité du Sénat, à la fois par la qualité de son travail, son sens moral, sa courtoisie et son sens de l'humour. Dans le premier discours qu'il a prononcé au Sénat, il a fait une description franche des pensées qui l'animaient à son arrivée dans cette assemblée. Écoutons-le:

Lorsqu'on m'a proposé d'accéder au Sénat, j'avoue que je savais très peu de choses sur ceux qui y siégeaient. J'avais, comme tout le monde, lu des choses et entendu des plaisanteries souvent peu aimables à leur sujet. [...] Lorsque j'ai été nommé, j'ai éprouvé pendant un certain temps des sentiments mitigés, vagues, ni chair ni poisson.

Mais après être entré en fonctions et après avoir eu la possibilité de rencontrer mes nouveaux collègues, de les entendre et de les voir à l'oeuvre, mes sentiments ont perdu toute ambiguïté.

Il ajoute:

Le nouveau venu que je suis trouve ici compétence, expérience et labeur.

Honorables sénateurs, ce premier discours du sénateur Riel mérite d'être lu car ce nouveau venu à l'esprit ouvert et jouissant d'une vaste expérience des affaires publiques prononçait un plaidoyer émouvant sur la valeur du Sénat et la place importante qu'il occupe dans le système parlementaire canadien. Ses paroles sont aussi vivantes et valables aujourd'hui qu'elles l'étaient en 1974.

Le sénateur Riel a mis sans tarder ses compétences et son expérience à contribution. Une de ses premières fonctions fut celle de coprésident d'un comité mixte spécial sur l'immigration. Il a ensuite siégé dans des comités sénatoriaux, notamment ceux de l'agriculture et des forêts, des affaires étrangères, de la régie interne, du Règlement. Même à la veille de sa retraite, le sénateur Riel a coprésidé les comités mixtes des langues officielles et de la Bibliothèque du Parlement. Sa plus grande source de fierté, et la nôtre aussi sans doute, remonte à 1983, quand il a accédé à la charge suprême du Sénat, celle de Président, poste qu'il a occupé avec la dignité et le sens de la justice qui le caractérisaient et dans le respect de cette institution.

[Français]

Le sénateur Riel est maintenant le doyen des sénateurs québécois, ce qui reflète l'ampleur de sa contribution à sa province d'attache. Il est né et a fait ses études au Québec, et a été reçu au Barreau du Québec en 1945. Il a été président de la Corporation de Montréal métropolitain.

[Traduction]

Ses capacités n'ont pas été reconnues seulement au Canada. Il s'est fait des adeptes en Europe où il avait la réputation d'être l'un des plus éminents avocats agissant pour le compte des grandes sociétés, particulièrement en France. J'ai appris aussi que son amour des arts, de la culture et de la littérature l'a amené à rencontrer le regretté François Mitterand qui fréquentait la même bibliothèque à Paris.

[Français]

Chez lui, au Canada, le sénateur Riel s'est tourné vers la politique et a joué un rôle actif dans la renaissance du Parti libéral du Québec en tant que conseiller particulier de son dirigeant, Georges-Émile Lapalme, durant les années du gouvernement Duplessis. Son engagement s'est poursuivi durant les années 60 au côté de l'honorable Jean Lesage. Il a contribué à l'ouverture des délégations du Québec à Paris.

[Traduction]

Il a toujours été un ardent fédéraliste et s'est toujours passionné pour ce pays. Dans son discours d'inauguration, il y a 23 ans, il a parlé de l'unité nationale. Il a donné alors un conseil dont on mesure encore plus l'importance aujourd'hui:

Comme la tapisserie de Pénélope, c'est un travail à recommencer tous les jours, à ne jamais abandonner.

Le sénateur Riel a prêché l'optimisme, la tolérance et la foi dans ce pays; son message est une inspiration pour nous tous. Je sais qu'il n'abandonnera pas cette cause lorsqu'il quittera cette Chambre.

(1410)

Avant de conclure, honorables sénateurs, je voudrais citer certaines remarques très généreuses qu'a faites le sénateur Riel à son arrivée au Sénat et qui, j'en suis sûre, sont aussi appréciées aujourd'hui qu'elles l'étaient à l'époque. Il a dit:

[...] c'est aussi avec grand plaisir que, en prenant ma place parmi vous, j'ai trouvé dans votre assemblée, un certain nombre de femmes dont j'ai écouté avec attention la participation aux débats, et cela pour mon plus grand enrichissement intellectuel. [...]

Si vous m'entendez parler, honorables sénateurs, avec tant de conviction de ma confiance en la sagesse des femmes et de l'apport primordial que je leur reconnais dans la destinée humaine, c'est que je parle d'expérience. J'ai eu en effet le bonheur d'avoir à mes côtés, tout au long de ma carrière, la présence discrète, mais combien pleine du jugement le plus droit, d'une épouse qui m'a donné des enfants dont je suis heureux et fier et qui, par sa patiente compréhension et la force de son caractère, a contribué autant que j'ai pu le faire moi-même à me conduire au sein de votre assemblée.

Sénateur Riel, au nom de mes collègues de ce côté-ci, je vous remercie. Nous vous invitons à revenir nous voir. Nous vous souhaitons, ainsi qu'à votre épouse, Laurence, et à votre famille de nombreuses années de bonheur.

[Français]

Avec toute notre affection, nous lui souhaitons bonne chance.

L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, je refuserai envers et contre tous de prétendre que la gastronomie mène de façon certaine à la politique. J'affirmerai cependant que la gastronomie bien utilisée peut aider à tolérer les inconvénients de la politique. Pour en témoigner, je vais citer une lettre que m'écrivait le sénateur Riel, le 25 octobre 1973, en réponse à la mienne du 11 octobre précédent où je le félicitais de sa nomination au Sénat par le premier ministre Trudeau. Voici donc ce que le sénateur Riel, frais émoulu depuis 10 jours à la Chambre haute, m'écrivait à cette occasion, et je cite:

J'ai ta bonne lettre du 11 octobre 1973 et j'ai lu avec attention les sages conseils que tu me donnes [...]

Si les choses ne vont pas toujours comme on le veut et si elles vont souvent très mal, c'est parce que les gens ne prennent pas le temps de bien manger. S'ils mangeaient bien ils auraient le temps d'apaiser leur courroux et leur mauvaise humeur. Ils trouveraient les gens contre qui ils en ont plus agréables. Enfin, puisque nous ne pouvons plus, à l'âge où nous sommes, réformer l'humanité, tâchons de ne pas tomber nous-mêmes dans les défauts communs et, surtout le défaut le plus grave (qui est même un vice), c'est-à-dire mal manger.

Je connais le sénateur Riel depuis plus de 30 ans. Notre profession d'avocats nous a d'abord rapprochés; mais ensuite un amour et un délice communs pour les plaisirs de la bonne table. Nous les partageons encore. J'ajouterai peut-être aussi un goût pour la lecture même si nos livres ne pêchaient pas à la même orthodoxie partisane et aboutissaient parfois à des conclusions très différentes. Puis, le sénateur Riel ajoutait encore, dans sa lettre du 25 octobre 1973, cet autre paragraphe que je veux également citer:

L'autre document que tu m'envoies est un document historique que je garderai dans mes archives. La nomination de Normand Grimard au poste de conseiller juridique du Parti libéral dans le comté de Rouyn-Noranda est certainement un événement historique digne d'être conservé dans les archives nationales.

Pour votre information, il s'agissait d'une élection provinciale.

Pour moi, le sénateur Riel est un être de l'intuition et de l'efficacité tranquilles: ces qualités, je les lui ai sans cesse connues. Mais le sénateur Riel est aussi capable d'ardeur et de passion. Fédéraliste et libéral convaincu, par exemple, il a d'abord ressenti comme une tragédie que la Charte de Victoria n'ait pu passer au temps du premier ministre Trudeau en 1971, à cause de l'opposition du Québec, en toute dernière alternative. Que de fois il m'a rappelé cette blessure ouverte chez lui! Il demeure encore convaincu, aujourd'hui, que cette Charte aurait réglé tous les problèmes politiques du Canada. (Et que le sénateur Beaudoin ne m'en veuille pas, elle nous aurait privés non pas d'un livre mais de plusieurs tomes de délibérations constitutionnelles subséquentes). Cette Charte aurait accordé au Québec un droit de veto. Le Québec s'est finalement retiré à cause d'une insistance sur l'obtention d'un pouvoir exclusif en assurance sociale et devant le refus d'Ottawa et des autres provinces de le lui accorder.

[Traduction]

Vous ne m'en voudrez pas de me laisser emporter par mon sujet. Très peu de nos sénateurs peuvent se dire, comme Maurice Riel, amis intimes de Pierre Elliott Trudeau. Trudeau l'avait même appelé «mon frère Riel». C'était bien avant que l'un ou l'autre se lance en politique. J'ai appris cela dans un article du numéro du 21 avril 1979 de La Presse, le quotidien montréalais. Nous savons que ces deux hommes étaient allés à l'université ensemble.

Le sénateur Riel est fier de ses origines. Il a toujours considéré comme un honneur de siéger au Sénat du Parlement du Canada, cette même institution qui avait approuvé l'exécution de son lointain cousin Louis Riel, à une autre époque, bien sûr.

Le sénateur Riel a eu une autre occasion de démontrer ses profondes convictions personnelles en tant que Canadien quand il a fait une remarquable oraison funèbre au décès de la très honorable Jeanne Sauvé, gouverneur général de 1984 à 1990.

Voici un extrait de ce discours, que j'ai tiré d'un numéro de janvier 1993 de La Presse:

[Français]

Rendre hommage à la mémoire de Jeanne Sauvé, c'est se rappeler sa personnalité prestigieuse, son intelligence pénétrante, son jugement sûr, son goût infaillible et son «happy fertile wit». Mais aussi sa détermination. On n'en imposait pas à Jeanne Sauvé.

Il n'y a presque pas de sujet sur lequel on puisse prendre en défaut le distingué sénateur qui nous quittera très prochainement.

[Traduction]

La réforme du Sénat préoccupait également beaucoup Maurice Riel. À partir de son assermentation, le 5 octobre 1973, il a loyalement rempli ses fonctions de sénateur pendant 24 ans. Je ne peux pas compter le nombre de fois où il a exprimé sa tristesse devant les critiques systématiques qu'une grande majorité de nos concitoyens formulent à l'endroit du Sénat. Il semble que ces gens cherchent à éliminer complètement la Chambre haute. Le sénateur Riel a tenté de renverser cette tendance contestable, mais nous savons tous ici que la réforme du Sénat n'est pas une tâche facile.

(1420)

Je ne peux pas dire que les principes libéraux bien arrêtés du sénateur Riel n'aient jamais causé de frictions entre nous, étant donné mon appui tout aussi ferme à Maurice Duplessis, à l'Union nationale ainsi qu'à l'aile québécoise du Parti progressiste conservateur fédéral. Nous avions certainement des désaccords sur les questions politiques, mais nous avions le chic pour discuter et résoudre nos différends dans un climat de respect mutuel comme doivent le faire deux gourmets aux bonnes manières - devant un bon repas et une bonne bouteille.

[Français]

Il y a dans toute amitié des sujets peut-être un peu plus délicats et qu'on passe en entrefilets, «quand la lampe est baissée», auraient dit nos ancêtres. Voici le prochain.

Je veux m'excuser auprès de Maurice si l'arrivée des conservateurs l'a limité à occuper pendant neuf mois seulement son poste de Président de la Chambre haute après son nomination à cette tâche, le 15 décembre 1983. On connaît la suite: le 4 septembre 1984, Brian Mulroney est devenu premier ministre avec le changement de pouvoir pour neuf ans. Deux mois plus tard, Maurice était assermenté au Conseil privé.

Le sénateur Riel fut un de ceux, avec mon bon ami le sénateur Bolduc, qui m'ont piloté le plus chaleureusement à mon arrivée au Sénat en septembre 1990. Je l'en remercie. Je lui souhaite une heureuse retraite. Et je l'invite n'importe quand à venir chercher le reste de sa gratitude sous la forme d'échanges à bâtons rompus et à la bonne franquette comme au temps de ce que l'on appelait autrefois au Canada français «la ligue du vieux poêle» lors de la partie de hockey à la radio et à la télévision.

Je lui redis cet après-midi, comme je le disais déjà le 23 juin 1994 d'un autre proche et cher ami qui nous quittait, le sénateur Beaulieu: «Maurice, tu me manques déjà». Pour toi, c'est une accession vers plus de loisirs. Tu liras davantage, j'en suis sûr. Pour nous, ton départ ne peut que nous attrister. À ton épouse, Laurence, qui est dans les galeries, je lui présente mes hommages, et je formule le voeu que vous continuiez à vivre ensemble heureux et longtemps car vous le méritez bien.

L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, l'un des héritages les plus précieux que mon père m'a laissé est l'amitié de Maurice Riel. Ils avaient en commun leur appartenance au Parti libéral du Canada, des bureaux voisins dans l'édifice de l'Est, et une sagesse remarquable dont nous avons tous profité.

[Traduction]

(1430)

J'admire depuis longtemps la compréhension profonde qu'a Maurice des questions régionales ainsi que des questions de nature pancanadienne ou internationale. Nous, les membres de cette assemblée, profitons de ses sages conseils et de son leadership depuis plus de 24 ans, particulièrement en sa qualité de président et dans ses domaines de prédilection que sont l'agriculture, les forêts et les affaires étrangères.

Autant que je m'en souvienne, Maurice n'est jamais intervenu très souvent au Sénat, mais lorsqu'il le faisait, la longueur de ses discours compensait leur peu de fréquence. Si je ne me trompe, son discours sur son expérience à la présidence a duré plusieurs jours. J'ai oublié combien.

[Français]

Pour ma part, je veux profiter de l'occasion pour dire à notre ami toute la reconnaissance que j'ai pour sa solide amitié et son généreux appui.

Je retiens tout particulièrement qu'il a su au fil des ans me révéler le Québec et certains de ses mystères, et me faire part de son interprétation de la place du Québec au sein du Canada.

Je tiens aussi à remercier Laurence, l'épouse de Maurice, et leur famille d'avoir accepté de le prêter à la population du Canada pendant tant d'années. Ils ont aussi consenti à un sacrifice qui a été à notre avantage à tous. Je souhaite, pour l'avenir, à la famille Riel tout le succès et le bonheur possibles.

Honorables sénateurs, il nous arrive de moins en moins d'avoir le privilège de connaître un individu qui reflète un exemple d'intégrité et de dévouement, un individu dont nous voudrions être les émules. Le sénateur Maurice Riel est un de ces hommes. Il laisse à ses collègues du Sénat, à la population du Canada, un héritage de service public aussi riche que durable.

[Traduction]

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, je n'avais pas compris que le sénateur Riel allait nous quitter maintenant. Je dois dire que j'avais écouté très attentivement le discours qu'il avait fait devant cette Chambre avant Noël et dans lequel il avait parlé, avec beaucoup d'affection, de ses années ici et des objectifs qu'il s'était fixés lors de sa nomination.

Quand je suis entré dans cette enceinte cet après-midi, je me suis rendu compte, Maurice, que c'était probablement pour moi la dernière occasion de vous saluer et, par conséquent, je n'ai pas voulu laisser passer ce moment sans ajouter mon mot aux hommages que vous ont rendus certains de vos autres collègues.

[Français]

Honorables sénateurs, Maurice Riel est un ami personnel, un collègue au Sénat depuis 1993 et un associé dans notre étude de droit à Montréal depuis plus de 25 ans. Je crois que Maurice Riel est actuellement le doyen des sénateurs québécois. Il a été un exemple extraordinaire pour beaucoup d'entre nous dans cette belle province de Québec.

[Traduction]

Honorables collègues, Maurice Riel possède de nombreuses qualités remarquables, beaucoup nous sont connues, mais il y en a deux ou trois que j'aimerais particulièrement signaler pour faire partager aux honorables sénateurs la merveilleuse aventure qu'est l'amitié de Maurice Riel.

Tout d'abord, Maurice est un véritable gentleman dans tous les sens du terme. Depuis les nombreuses années que nous avons affaire avec Maurice, il a toujours été un modèle de loyauté dans ses amitiés et dans ses relations. C'est une chose dont nous devons tous nous inspirer et que nous ne devons jamais oublier.

[Français]

Il va sans dire, honorables sénateurs, que Maurice Riel est aussi un homme d'une très haute intégrité. Dans les affaires publiques, le sénateur Maurice Riel demeure un bel exemple à suivre.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je suis moi aussi très fier d'être un ami de Maurice Riel, car c'est également un Canadien passionné, un fédéraliste jusqu'au bout, un homme qui comprend les subtilités de notre pays, l'importance de le garder uni, et les grandes traditions qu'on a établies lorsque les deux peuples fondateurs se sont réunis et ont jeté des bases solides sur lesquelles nous avons été en mesure de bâtir notre merveilleux pays. Je ne connais aucun autre Canadien, aucun autre Québécois qui soit un meilleur exemple de la capacité d'appuyer le Canada et d'être un véritable Canadien d'expression française que Maurice Riel.

En plus de faire montre de ses qualités de Canadien quintessencié, le sénateur Riel nourrit également un grand amour et une grande compréhension pour la France, pour ses traditions et son patrimoine culturel. Il comprend comment cela se marie avec notre côté anglophone. Maurice a apporté cette richesse culturelle à notre Chambre et j'ai constaté à de nombreuses reprises comment nous pouvions en profiter.

Honorables sénateurs, Maurice comprend également, et respecte dans tout ce qu'il fait, la primauté du droit. C'est là encore une qualité qu'on doit admirer car Maurice est un homme sage et équitable. Sa porte est toujours ouverte.

[Français]

Le sénateur Maurice Riel est un gentilhomme toujours ouvert à ses collègues. Je l'ai constaté au Sénat et à Montréal dans notre bureau.

[Traduction]

J'ai eu la chance d'être parmi ceux qui ont profité personnellement des précieux conseils judicieux de Maurice et je l'en remercie.

Honorables sénateurs, Maurice Riel a toujours un point de vue équilibré des choses. Cela n'a jamais été plus évident que lorsqu'il a fait office de Président du Sénat. Nous avons traversé quelques périodes difficiles et le sénateur Riel a toujours été en mesure de guider et de diriger cette merveilleuse Chambre faite de grandes traditions à travers ces temps difficiles, grâce à sa sagesse et à son impartialité.

Il importe aussi de signaler que Maurice Riel est aussi un amateur des belles choses de la vie. J'ai parlé d'amitié - la chose la plus importante sûrement - mais aussi d'amour et de valeurs familiales. Le sénateur Hays a parlé de Laurence Riel, l'épouse du sénateur Riel. C'est une femme belle, merveilleuse et extrêmement gentille. Ils sont tous deux des exemples extraordinaires en tant qu'êtres humains.

Le sénateur Riel est également un amateur d'art et de musique et, en fait, de bonne cuisine et de bons vins. Cela est apparu clairement lorsqu'il était Président du Sénat. La porte de ses appartements, y compris sa salle à manger, était alors toujours ouverte pour ses collègues qui pouvaient profiter avec lui de ses goûts épicuriens bien exprimés et équilibrés.

[Français]

Alors, cher Maurice, vous nous manquerez beaucoup après votre départ. Tu me manques déjà, Maurice!

[Traduction]

Nous vous souhaitons tous un repos bien mérité et tout le bonheur voulu durant votre retraite.

[Français]

Adieu et bonne chance, mon ami.

L'honorable Eymard G. Corbin: Comment dire autrement à mon ami le sénateur Riel l'estime que je lui porte. Le sénateur est facile d'approche, toujours bien disposé à donner un conseil illustré d'anecdotes colorées tirées de sa vaste expérience ou de ses rencontres privilégiées avec des personnalités de choix et de ses lectures d'auteurs de toutes les époques de l'humanité. Ce sympathique collègue nous quitte. Il n'y a donc rien que l'on puisse faire pour le retenir, mais pour autant le souvenir du sénateur et de Mme Riel restera très longtemps imprégné dans notre mémoire.

Quand j'étais député, le sort avait voulu que mon épouse et moi rencontrions le président du Sénat et Mme Riel pour la première fois à Bejing, en Chine. Quelques mois plus tard, j'accédais au Sénat. Depuis, dans le cadre des nombreuses séances et rencontres qui constituent notre menu hebdomadaire, notre estime pour ce couple distingué n'a fait que s'accroître. Vous nous manquerez, bien sûr, chers amis. Mais si le hasard fait aussi bien les choses à l'avenir, peut-être nous favorisera-t-il d'une rencontre fortuite chez un antiquaire parisien ou un bouquiniste des quais de la Seine ou le long d'un chemin vicinal provençal enrobé des capiteux parfums du midi, à moins que ce ne soit sur la rue Sherbrooke ou Sainte-Catherine à Montréal.

Bonne santé, bonne retraite et surtout bonne lecture, chers sénateur et madame Riel.

(1440)

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, lorsque je suis arrivé au Sénat, le sénateur Riel fut un des premiers sénateurs qui s'est permis de me glisser des conseils face à mon ahurissement dans un milieu où le degré de partisanerie était alors assez élevé. J'ai bien apprécié les avis du sénateur Riel à cette époque.

Le sénateur Riel est un homme bien typique, je pense, des gens de chez nous qui ont pu bénéficier d'une formation classique, c'est-à-dire l'étude du grec et du latin pendant de nombreuses années, de la philosophie, de la littérature française surtout et, finalement, l'étude du droit civil de la province de Québec, le Code de Napoléon adapté au Québec. Cette formation classique a donné au sénateur Riel des qualités que j'ai pu apprécier et qui m'ont beaucoup marqué, soit les qualités de modération, de sagesse et de discrétion.

Je ne veux pas m'attarder à lui faire un panégyrique, mais je voudrais simplement qu'il me permette de lui souhaiter dans ses randonnées en compagnie de son épouse, soit géographiques, soit littéraires, et particulièrement avec ses amis Malraux et Montherlant et Giono beaucoup de plaisir et une joyeuse retraite.

L'honorable Pietro Rizzuto: Honorables sénateurs, je voudrais dire combien j'apprécie depuis 20 ans les conseils et la sagesse du sénateur Riel. Plusieurs sénateurs, lorsqu'ils sont nommés au Sénat, ont une expérience parlementaire. Lorsque j'ai été nommé au Sénat en 1976, je n'avais jamais fait de politique et je ne connaissais pas vraiment le système parlementaire. Je dois dire que le sénateur Riel m'a aidé et conseillé beaucoup. Il m'a appris avec sagesse comment jouer mon rôle de sénateur auprès de la population et des membres de la Chambre des communes et des gens qui attendent de nous des solutions aux problèmes de notre société.

Le leader du gouvernement au Sénat a mentionné tantôt que nous venons de perdre le doyen des sénateurs du Québec et cela pèse énormément sur mes épaules, sachant que je deviens maintenant le doyen des sénateurs du Québec au Sénat.

Sénateur Riel, cela ne sera pas facile pour moi de jouer ce rôle. Vous l'avez fait avec beaucoup de sagesse et de savoir-faire. Je tâcherai de remplir cette tâche comme vous l'avez si bien fait. Je suis certain que même si vous quittez cette Chambre, Mme Riel et vous saurez continuer à porter de l'intérêt à la Chambre des communes, au Sénat, en particulier, et à notre pays. Ainsi le Canada continuera à être ce qu'il est aujourd'hui. Vous continuerez d'apporter votre sagesse et vos conseils auprès des dirigeants de notre pays afin que notre pays continue d'être un des meilleurs pays au monde.

Sénateur Riel, madame Riel, bon repos. Vous serez toujours des personnes qui auront donné beaucoup à notre pays par vos sages conseils, votre présence et vos activités. Sénateur Riel, je ne vous dis pas adieu mais au revoir. J'espère vous revoir dans la région de Montréal où nous avons besoin de votre expérience.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter quelques mots en hommage au sénateur Maurice Riel qui quitte la Chambre haute dans quelques jours.

Le président Riel laisse une marque indélébile dans l'histoire du Parlement du Canada. Juriste éminent, parlementaire averti, homme juste et humaniste distingué, comme on l'a souligné, Maurice Riel est aussi un historien à ses heures. Le jugement qu'il porte sur la célèbre Charte de Victoria auquel a référé mon collègue, le sénateur Grimard, est, à mon avis, très bien fondé. Nous avons discuté de ce sujet à plus d'une reprise et nos vues concordent parfaitement.

Je lui souhaite donc des années heureuses et nombreuses. Et, si le c9ur lui en dit, je l'invite à consigner par écrit son expérience comme juriste, comme parlementaire et aussi comme homme d'État.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai été moi aussi surpris d'apprendre aujourd'hui que notre ami et distingué collègue Maurice Riel nous quittera bientôt.

J'ai été nommé au Sénat à l'époque où Maurice était déjà un Président légendaire et occupait votre fauteuil monsieur le Président; j'ai vite constaté qu'il surpassait de loin sa légende. Il était calme, toujours bien informé, logique, judicieux et il possédait un esprit vif et souple.

Nous partagions l'amour des livres. Nous avons rarement vu le sénateur Riel sans un livre à la main en cette Chambre. En fait, nous étions tous deux de fervents lecteurs de romans français, sauf que lui pouvait lire la version originale en français et que je devais souvent me contenter de mauvaises traductions.

Je me souviens que je devais un jour prononcer au Sénat un discours et je voulais citer un grand auteur français. Avant de le faire, j'ai décidé d'être prudent, puisque mon français laisse à désirer. J'ai donc consulté mon ami le sénateur Riel pour lui demander comment dire le nom d'Albert Camus et savoir s'il fallait oui ou non prononcer le «s». Le sénateur Riel a réfléchi pendant un moment, puis m'a répondu: «Je crois qu'il venait d'une région de France où, de toute évidence, le «s» à la fin des mots était prononcé; par conséquent, à mon avis il faut prononcer «Albert Camusse.» J'ai donc suivi son conseil quand j'ai présenté mon allocution, mais tous mes collègues d'en face et de ce côté m'ont reproché mon ignorance ainsi que mon manque de culture et de respect pour la belle langue.

Après avoir fini mon discours, je me suis rassis et je suis resté silencieux. Je ne me suis pas défendu. Mon ami, le sénateur Riel, m'a abordé en disant: «Nous allons demander conseil à des instances supérieures.» Avec mon accord, il a décidé d'écrire à l'un de nos collègues communs en France, le secrétaire perpétuel de l'Académie française à Paris. Après un long échange épistolaire, le sénateur Riel s'est levé en cette Chambre pour informer les honorables sénateurs qu'il avait donné un mauvais conseil et que le nom d'Albert Camus devait effectivement être prononcé sans le «s» final. Ce faisant, il a défendu mon honneur. Je raconte cette histoire parce qu'elle montre un tout petit exemple de l'attention que cet homme cultivé qui nous quitte attache aux détails. Il est toujours courtois et érudit. Il possède un esprit vif et sagace.

Nous partageons un amour pour le mot précis et un amour pour le Canada et il nous manquera beaucoup. Je transmets tous mes meilleurs voeux au sénateur Riel et à sa charmante épouse.

Honorables sénateurs, le mot «honorable» est parfois employé assez libéralement en cette Chambre. Les autres l'utilisent à notre égard et nous nous qualifions les uns les autres d' «honorables», mais nous glissons un peu sur le mot lorsque nous le prononçons. Lorsque je pense au terme «honorable», à l'expression «honorable sénateur» aucun exemple ne me vient à l'esprit qui puisse mieux correspondre à cette description que l'honorable sénateur Maurice Riel.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, comme mes prédécesseurs l'ont dit, je ne savais pas qu'aujourd'hui serait la journée pour rendre hommage à notre ami le sénateur Riel. En fait, il va rester encore quelques semaines parmi nous car son départ n'est prévu que pour le mois d'avril.

(1450)

Je l'ai connu il y a bientôt 40 ans. Il représente exactement ce que nous avons toujours essayé de faire comprendre aux honorables sénateurs, aux députés et à tout le peuple canadien ce qu'est un véritable Canadien français et qui s'affiche aussi comme catholique. On peut dire du sénateur Riel qu'il est un vrai Canadien français, évidemment du Québec.

Il représente tout ce que le Canada français, tout ce que le Québec a produit de mieux. On a parlé de lui, de ses études classiques. C'est un homme qui connaît la littérature latine, grecque, française, on l'a souligné. C'est un homme qui représente un peu la belle civilisation que nous aimerions aujourd'hui saluer.

Le sénateur Riel est aussi un homme qui est capable de réfléchir lentement, sagement et je vais vous donner un exemple. Lorsque le très honorable M. Mulroney m'a invité à siéger au Sénat, dans les circonstances que vous connaîtrez bien un jour, mon entrée au Sénat n'a pas été des plus spectaculaires. Je le dis en souriant puisque cela avait créé une très forte commotion, une immense commotion, une terrible commotion, un choc terrible chez mes amis libéraux.

Au point où innocemment, j'avais décidé que mes parrains, selon la coutume, seraient le leader parlementaire, le sénateur Murray et celui que je choisissais, un homme digne, un représentant de ce peuple canadien-français, ancien Président du Sénat, le sénateur Riel. Je passerai aujourd'hui sous silence toutes les émotions que j'ai dû affronter pendant quatre jours, allant jusqu'à retarder mon entrée au Sénat. Je l'avais décidé dans ma tête d'homme têtu, comme nous le sommes nous du peuple canadien-français, un peu méfiant mais surtout têtu. Je savais qu'un miracle se produirait. C'était le sénateur Riel ou personne d'autre.

Le miracle s'est accompli lorsqu'à 10 heures du matin, journée de ma présentation au Sénat, ne sachant pas encore qui me présenterait, je reçois un agréable coup de téléphone à mon bureau où j'étais en train de me changer, de me mettre le plus beau et le plus élégant possible, les médailles et tout ce qui convient pour un nouveau membre du Sénat. J'entends cette voix calme et douce au Sénat qui dit au téléphone: «Mon cher Marcel, j'ai cru comprendre que tu souhaiterais que je sois ton parrain au Sénat.» Alors évidemment sur le même ton j'ai dit: «Mais oui». Alors c'est avec grand honneur qu'il a accepté, m'a-t-il dit. Le plus beau jour de ma vie comme sénateur a été de pouvoir pénétrer ici devant vous en compagnie du leader du Sénat et de mon parrain, le sénateur Riel.

Comme l'a dit le sénateur Beaudoin, je souhaiterais aussi vivement que le sénateur Riel, qui a une plume extraordinaire puisse écrire tout ce qu'il a vu, comme il l'a vu, comme il l'a compris, car nous traversons une période difficile dans notre pays où certains veulent refaire l'histoire. Ce sont des hommes comme le sénateur Riel, qui a des assises bien connues au Canada français et au Québec, qui pourraient rétablir la vérité. N'étant pas candidat à la Chambre des communes ou au Sénat, les gens seront portés peut-être à mieux l'écouter, un homme sage. Dans cette histoire que l'on veut réécrire, on oublie, comme on l'a souligné et comme il le souligne lui-même, l'époque de la conférence de Victoria.

C'est regrettable lorsque, au Québec, actuellement, on répète que le Canada anglais nous a rejetés alors que tous les premiers ministres avaient fait preuve de grande compréhension, de grande ouverture d'esprit lors de la conférence de Victoria. Lorsque l'on dit que tout le Canada anglais - toujours ce mot facile - nous a rejetés, eh bien! c'est faux aussi en ce qui concerne l'Accord du lac Meech. C'est absolument faux. Que des individus se soient prononcés contre l'Accord du lac Meech, c'est leur privilège, mais l'ensemble des premiers ministres avaient accepté ce pas vers cette réconciliation de notre peuple canadien dans son ensemble et fondateur dans ses débuts.

Je remercie le sénateur Grafstein d'avoir souligné cet incident. Ce n'était pas une insulte pour le sénateur Grafstein lorsqu'il avait parlé de Camus. Et c'était moi qui lui avait dit Camus. Pour démontrer la grandeur d'esprit du sénateur Riel, je ne savais pas que c'était lui qui vous avait dit cette chose, car probablement que je me serais abstenu. Mais le sénateur Riel n'a pas hésité. Il est revenu pour dire: «Non, c'est moi». Et d'aller jusqu'à l'Académie française pour nous dire qu'en réalité, il faut dire Albert Camus. Cela prouve que c'est un homme d'un équilibre tranquille.

Je sais que, hier, vous célébriez votre 52e anniversaire de mariage, si mes renseignements sont justes. C'est extraordinaire dans la vie d'aujourd'hui.

Je me joins à tous vos collègues qui ont salué cette femme agréable que j'aime bien et que je connais depuis longtemps pour vous souhaiter des noces de diamant, auxquelles j'espère bien nous serons invités, et plus encore, de revenir nous saluer et de profiter de la vie auprès de vos 10 petits enfants, de vos enfants et de madame. N'oubliez surtout pas que vous ne nous quittez pas. Vous avez des amis ici qui vous respectent. Vous avez des amis qui vous aiment, qui ne pensent pas que vous nous quittez. C'est une nouvelle étape dans votre vie et nous espérons que vous vous souviendrez que nous sommes ici toujours à votre disposition, que nos bureaux vous sont collectivement ouverts, le mien à tout le moins, et pour le restant de mes jours, je vous remercierai toujours d'avoir été non seulement présent au début de ma carrière politique dans les années 1960, mais d'avoir été là lors d'une journée difficile lorsque j'ai fait mes débuts au Sénat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Riel désire-t-il prendre la parole?

L'honorable Maurice Riel: Honorables sénateurs, on a dit beaucoup de choses. Je ne les ai pas toutes crues. Je constate qu'il y a deux cas où l'émotion vous étreint au Sénat: quand vous prononcez votre premier discours et quand vous prononcez votre dernier discours. J'avais préparé ma sortie en prononçant mon chant du cygne le 6 décembre et j'avais cru que j'avais réglé mon problème pour le 31 décembre avec les hautes autorités. Je me suis aperçu que cela a été remis de mois en mois et que je me rendrai jusqu'à la fin du terme que la loi m'a fixé.

Si je voulais comme cela partir le 31 décembre, c'est que je voulais éviter justement tous ces discours qui sont charmants, qui plaisent beaucoup, qui expriment beaucoup d'amitié pour celui qui s'en va, mais je me disais que c'était m'exposer à m'enfler d'orgueil. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure que je ne croyais pas tous les compliments que l'on m'avait faits.

[Traduction]

(1500)

J'ai lu ce que sir Harold Nicolson racontait dans ses lettres et ses journaux au sujet de son départ du Cabinet de sir Winston Churchill. Au commencement de la guerre, il était un ministre très secondaire. Je crois qu'il n'était pas habilité à assister aux réunions du Cabinet mais, enfin, il était le ministre des Communications, car c'était un bon écrivain.

Un jour, peu de temps après son arrivée au Cabinet ou au ministère, il apprend qu'un remaniement ministériel est imminent et qu'il ne fera pas partie de la nouvelle fournée. C'est le troisième ou le quatrième secrétaire de M. Churchill qui l'en informe. Il se rend compte qu'il n'est peut-être pas la personnalité politique la plus en vue du pays. Il en veut pour preuve le fait que sa rétrogradation lui soit annoncée par le quatrième secrétaire. Sachant que l'humilité est le commencement du réalisme, il se tait.

Je vais ajouter quelques phrases en anglais, et ce, même si je ne parle pas très bien cette langue.

Dernièrement, j'ai lu dans un journal français un article intitulé «Humour britannique». Il y est question du processus de vieillissement chez une personne. Il paraît qu'il se déroule en trois étapes. La première étape, c'est quand vous vous rendez compte que vous n'êtes plus l'homme que vous étiez mais que vous êtes le seul à le remarquer. La deuxième étape, c'est quand vous n'êtes plus celui que vous étiez mais que d'autres le remarquent aussi. La troisième étape, c'est quand vous n'êtes plus celui que vous étiez et que vous êtes le seul à ne pas vous en rendre compte.

[Français]

Je veux remercier tous ceux qui ont fait des éloges. Je crois que c'est plus par amitié que réellement vrai tout ce qu'on a dit, mais cela fait toujours plaisir d'entendre ces souvenirs.

Je veux vous confier cependant qu'il y a 50 ans, en 1947, je donnais mon adhésion au Parti libéral. En 1947, au mois de septembre, j'assistais à la convention nationale des jeunes libéraux à l'Université McMaster à Hamilton. Parmi les discours, je note qu'on disait à peu près la même chose qu'aujourd'hui. Je pourrais le passer au sénateur Beaudoin pour qu'il voie que plus cela change, plus c'est pareil.

Je vois que Maurice Lamontagne était là, Dalton Camp était là. Cela peut rappeler quelque chose à quelqu'un. Je vois qu'un ami de Mme Bacon et un de mes amis, M. Raymond Setlakwe, étaient présents. Raymond et moi, nous nous sommes rencontrés là en 1947 et nous n'avons pas manqué une convention depuis.

Nous sommes toujours amis. En 1948, nous étions ensemble ici à Ottawa à l'élection de M. St. Laurent et à la retraite de M. King. J'ai eu l'occasion de parler avec M. King. Si vous m'entendez, je ne suis quand même pas si vieux que cela. Je n'ai pas chanté «Lloyd George knew my father; father knew Lloyd George».

Nous avons assisté en 1948 à l'élection de M. St. Laurent. Je veux en venir à 1947, quand j'étais à Hamilton et à 1948, à Ottawa avec M. St. Laurent. Le premier ministre du Québec était M. Duplessis. Le chef de l'opposition était M. Godbout. M. Godbout est tombé dans l'oubli.

Je ne veux pas prolonger les discours. Le sénateur Milne a fait un discours hier sur la semaine des femmes. M. Godbout avait été élu premier ministre du Québec en 1939, à l'automne. Il avait un programme progressif libéral, peut-être trop progressif pour la province de Québec à l'époque, mais c'était un vrai libéral. À sa première session en 1940, il a fait adopter la Loi donnant aux femmes le droit de vote dans la province de Québec. Mesdames, si vous voulez rendre hommage à M. Godbout à l'occasion de la semaine de la femme, vous pourriez peut-être en parler. D'ailleurs, il y a plusieurs autres choses que je veux dire de M. Godbout.

Il a fait adopter la loi donnant le droit de vote aux femmes. Il a fait adopter une loi donnant le droit aux femmes d'accéder aux professions libérales. Et nous avons eu cette année-là, à Montréal, deux ou trois femmes qui sont devenues avocates. Il a subi les foudres de tout le clergé, des évêques, des archevêques. C'était le plus grand premier ministre.

Il a donc permis aux femmes de voter. À l'automne 1940, on avait deux femmes au conseil municipal de Montréal. Il leur a permis l'accès aux professions libérales. Il a fait adopter la loi et tout cela c'était évidemment à l'encontre, vous ne savez pas ce que c'était, de tout le clergé, de tout ce qu'on avait de «nationaleux» dans la province de Québec. Il a fait adopter après cela la loi de l'instruction obligatoire pour les enfants de 6 à 14 ans avec la gratuité des livres scolaires.

(1510)

Imaginez, encore une fois, le tollé quand on dit instruction obligatoire pour l'organisation religieuse de l'instruction dans la province de Québec, c'était une révolution. Plus que cela, il a libéralisé les lois ouvrières dans la province de Québec.

Ensuite, qu'a-t-il fait, M. Godbout? En 1944, il a établi la loi créant l'Hydro-Québec. On vous dit aujourd'hui que l'Hydro-Québec a été créé par René Lévesque. Quand ils ont adopté la Loi de l'Hydro-Québec en 1944, j'étais stagiaire dans le bureau d'un avocat, la Montreal Lighting and Power, 107 ouest, rue Craig, où je suis resté pendant deux ans et j'ai vu arriver la Loi créant la Commission hydroélectrique du Québec et établissant la Montreal Lighting and Power dont le président était M. Norris. J'entrais là tous les matins avec ma petite serviette et le président Norris prenait l'ascenseur privé réservé au président. Nous allions prendre l'ascenseur au fond du corridor et je montais à mon bureau. Alors, il a donc créé la loi d'Hydro-Québec.

J'ai lu dans le journal dernièrement que l'on va ériger un buste à René Lévesque, qui a fait l'étatisation en 1963, et que l'on va le placer dans l'édifice d'Hydro-Québec. Il n'y a pas une chambre, une pièce, un édifice, un barrage dans toute la province de Québec qui porte le nom d'Adélard Godbout. Il n'y a pas une rue à Montréal qui porte le nom d'Adélard Godbout.

M. Godbout, c'est un homme à qui nous devons beaucoup. Il est mort dans la pauvreté. M. St. Laurent l'a nommé sénateur en 1948 pour lui permettre de survivre: vous savez qu'à cette époque, le poste de sénateur rapportait un salaire de 4 000 dollars par année. Il est mort en 1956. Il a droit, je crois, à toute la reconnaissance du Québec. Quand je fais l'éloge de M. Godbout, je trouve que les femmes devraient tâcher de lui faire ériger un monument. Les gens de l'Hydro-Québec devraient au moins inscrire son nom quelque part. Je ne fais pas la démotion de M. Duplessis. Je dis cela à cause de mon confrère le sénateur Grimard qui est mon associé. Il faut bien que je dise quelque chose de gentil pour M. Duplessis, mais M. Godbout c'était un homme de grande qualité, un excellent premier ministre. C'était un homme qui avait des idées profondes, il les a réalisées envers et contre tous. M. Duplessis était un fin politicien, il n'avait pas son pareil.

Avant de partir, je veux vous dire comment M. Godbout a péri. Il avait promis qu'il appuierait l'effort de guerre du Canada, et il a fait des déclarations en se fiant sur Ernest Lapointe, sur Mackenzie King avec qui il était très ami. À cette époque, au Québec, on avait promis qu'on n'enverrait pas des conscrits outre-mer. À un moment donné, M. King a été obligé d'envoyer des soldats outre-mer. M. Godbout a donc été placé dans une situation absolument impossible et ses adversaires l'ont attaqué sur ce point-là, l'ont détruit, ont créé une déconsidération publique, non pas parce qu'il avait appuyé la guerre, mais c'était le prétexte.

Ce que je vous ai dit tout à l'heure concernant le droit de vote des femmes, l'instruction obligatoire et le droit des ouvriers de s'unir, c'est pour cela qu'on a combattu. On ne s'est même pas préoccupé s'il y avait deux soldats conscrits qui sont morts au champ d'honneur, personne ne le sait. Je n'ai jamais entendu dire qu'il y avait des conscrits qui sont morts au champ d'honneur. Il peut y en avoir eu, mais entre l'effort de guerre, il y a eu quelques paroles malheureuses dans l'appui qu'il avait donné. Ses amis ici à Ottawa, je dois dire, étaient impliqués dans l'effort de guerre. La vue des choses, lorsqu'on les voit d'Ottawa et quand on les voit de la province de Québec, c'est différent.

M. Godbout s'était donc allongé le cou, et quand on s'allongeait le cou un peu trop devant M. Duplessis, c'était la fin.

Le sénateur Prud'homme: Cela n'a pas changé.

Le sénateur Riel: C'était une fin politique. Il laissait les gens s'allonger le cou et puis il avait son couteau et il coupait. Après tout cela, c'est une longue histoire, mais cela s'est passé il y a 50 ans quand je suis devenu membre du Parti libéral. J'ai vécu toute cette période-là intensément. J'ai été témoin et il faut que l'on soit témoin pour éviter ce que le sénateur Prud'homme disait tout à l'heure. Il y a des gens qui rédigent l'histoire aujourd'hui, mais qui l'écrivent différemment.

Pour revenir à mon histoire de l'Hydro-Québec, je dois vous dire que M. Godbout est venu au Sénat en 1948. Le premier président d'Hydro-Québec fut un sénateur, le sénateur Bouchard, qui n'avait aucune relation avec Lucien. Au moment où j'ai vu sortir M. Norris par l'ascenseur particulier, j'ai vu M. Bouchard entrer avec sa valise et prendre l'ascenseur particulier. M. Bouchard a fait, après deux ou trois mois à la présidence d'Hydro, un discours au Sénat où il a dénoncé les nationalistes, les rongeurs de balustre, tout ce que l'on veut, qui circulaient dans la province et en particulier l'Ordre de Jacques-Cartier.

Ceux qui sont intéressés peuvent relever le discours de M. Bouchard. Le tollé a été si grand dans la province de Québec que tous les journaux de Québec, y compris l'Action catholique, ont fait explosion, à tel point que M. Godbout a été obligé de mettre M. Bouchard à la porte, lui qui connaissait bien son affaire, qui était un bon administrateur. C'est la même chose qui est arrivé au pauvre M. Godbout avec M. King. Quand un politicien est mal pris, il va sauver sa peau avant de sauver celle de ses amis. C'est un principe général qui date de Machiavel et d'avant.

(1520)

M. Bouchard a pris sa retraite. Il était plus vieux que les autres. Cependant, je ne veux pas aller beaucoup plus loin.

Je veux vous parler de M. Duplessis. Il y a des gens qui trouvent qu'avec M. Duplessis, c'était l'époque de la grande noirceur. Je vais vous raconter quelque chose qui m'est arrivée personnellement. J'habitais Laprairie. J'étais avocat dans le district de Montréal, j'y allais à tous les jours. À Laprairie, nous avions une population protestante fort limitée. Il y en avait peut-être 10 ou 15. Il y avait un vieux cimetière au milieu de la ville. La ville s'était agrandie beaucoup, et on trouvait que le cimetière était un bel emplacement pour mettre son hôtel de ville. Le cimetière n'ayant pas servi depuis plusieurs années, les gens de la communauté protestante trouvaient que cela ferait un bon marché s'ils déménageaient les cendres de ceux qui y étaient enterrés. Dans les faits, ce cimetière remontait au début du régime anglais quand le Fort de Laprairie est passé aux Anglais. Les Anglais sont venus l'occuper; c'étaient des soldats allemands que l'Angleterre avait loués dans la Hesse. À la suite d'une épidémie, ils ont enterré les corps près du Fort. Le cimetière finalement s'est retrouvé au milieu de la ville.

La ville conclut l'entente. Les protestants - qui par hasard étaient des libéraux - viennent me voir. Ils disent aux gens de l'hôtel de ville qu'ils veulent m'avoir pour les représenter, ils disent ne pas avoir trop confiance à d'autres avocats: «Riel c'est notre homme». Le maire vient me voir et on s'entend avec les députés.

Je me présente au bureau d'enregistrement et constate qu'il n'y a pas de titre. On y voit: «cimetière protestant» mais «protestant» ce n'est pas une personne, tout comme les catholiques ce n'est pas une personne; il ne s'agit pas de l'Église anglicane incorporée. Je regarde dans les Statuts du Québec et j'y retrouve la Loi des cimetières protestants. J'explique alors aux protestants, que je représente, que nous allons devoir créer une compagnie du Cimetière protestant et nous devrons nous faire reconnaître propriétaires par la législature du Québec, à l'aide d'un projet de loi spécial.

Ils n'y comprennent rien. Ils me recommandent de faire ce qu'il faut. Le maire trouve tout cela bien coûteux. Étant l'avocat libéral pour la région, le député de l'Union nationale ne voulait pas que j'aie plus de prestige que lui; il désire être le parrain du projet.

Nous présentons le projet de loi. M. Duplessis était le premier ministre. Je vais voir le chef de l'opposition, M. Lapalme, et lui mentionne que pour présenter ce projet de loi, M. Duplessis peut me retenir deux ou trois jours et que les protestants, qui ne sont pas des gens riches, n'ont pas les moyens. Nous parlons ici des années 1957, 1958. M. Lapalme m'avise qu'il va parler à M. Duplessis et que, s'il est de bonne humeur, tout va bien aller.

Le matin en question, je me présente. Je vois M. Lapalme qui parle à M. Duplessis. À la présidence c'est M. Germain Caron. Et tout à coup, j'entends: «Le projet de loi des cimetières protestants de Laprairie». M. Duplessis lit le projet de loi rapidement et dit: «Premier article adopté, deuxième article adopté [..] Projet de loi adopté! Vous avez bien parlé, monsieur le procureur!»

J'étais bien content, je l'ai remercié et me suis assis. Il est arrivé alors ce que je veux vous raconter. M. Duplessis change de place et devient président du comité. M. Duplessis présidait certains projets de loi; il y avait un jeu de présidence. On appelle à l'ordre du jour: Le chemin de fer de Arnault. M. Duplessis dit: «Arnault cela rime avec escroc». Cela a attiré l'attention de tout le monde. Un avocat se lève pour les Chemins de fer Arnault.

Ce chemin de fer devait emprunter une voie déjà construite, je crois, par l'Iron Ore, mais il fallait qu'ils aient une reconnaissance spéciale comme «public carrier». Je n'étais pas vraiment au courant de ce dont il s'agissait, mais «l'affaire escroc» m'intriguait.

M. Duplessis se lève et dit: «Je vous connais bien, votre père untel, vous le saluerez de ma part» - c'était de cette façon qu'il procédait. M. Duplessis dit: «Qui est derrière ce projet de loi-là?». L'avocat lui répond qu'il s'agit de M. Camirand, je crois, de Limoilou. M. Duplessis dit: «M. Camirand de Limoilou, je le connais. Je le connais, c'est M. Camirand de Limoilou dont le fils, le père, le cousin, près de l'église, et cetera. Il est là M. Camirand, qu'il se lève!»

Il y a un vieux bonhomme, qui devait bien avoir mon âge aujourd'hui, qui se lève et qui dit: «C'est moi, oui, oui.» Il dit: «Je vous connais, M. Camirand. Depuis combien de temps que vous êtes dans les chemins de fer?»

Évidemment M. Camirand étant prête-nom, ne savait pas où il s'en allait. Alors, à la fin M. Duplessis dit: «Je veux savoir qui est derrière cette affaire-là. Ce n'est pas clair.»

Finalement, après quelques instants de passe-passe, l'avocat dit: «C'est M. John C. Doyle.» M. Duplessis dit: «Est-ce qu'il est là M. John C. Doyle? Qu'il se lève!» Il y a un gars qui se lève, les cheveux gris. M. Duplessis lui dit: «Mais, je vous connais, vous. Vous êtes déjà venu à mon bureau.» Le gars lui répond oui. «Il y a à peu près 2 ans. Vous n'étiez pas tout seul, vous étiez accompagné de quelqu'un d'autre, comment s'appelait-il? [...]» Puis, il fait semblant qu'il se creuse les méninges pour se rappeler le nom. Évidemment, il pousse M. Doyle et lui dit: «Vous devez le savoir, vous étiez avec lui». Alors M. Doyle finalement dit: «Oui, oui, j'étais avec M. Val Manis de Terre-Neuve».

M. Duplessis lui dit: «Ah oui! vous étiez avec M. Val Manis de Terre-Neuve [...] En passant, M. Val Manis est-il toujours en prison?» Il dit alors à l'avocat qui présentait le projet de loi: «Est-ce que vous avez demandé une remise, monsieur le procureur?»

Cela vous indique bien la finesse ou la finasserie de M. Duplessis. Il se rappelait bien de ce M. Val Manis, mais il voulait «serrer le gars [...]»

Dans la province de Québec, nous avons eu des gens extrêmement dévoués à la chose publique. Je ne dirai pas que M. Duplessis ne l'était pas, il a fait de son mieux, mais il faut reconnaître à Adélard Godbout d'avoir fait adopter des idées originales à une époque difficile, alors que l'église s'opposait à l'instruction obligatoire, au vote des femmes, et à l'accession des femmes au travail en dehors du foyer.

J'ai apporté, pour ceux que cela intéresse, le livre de M. Henri Bourassa qui traite entre autres, des femmes qui devaient rester au foyer et qui ne devaient jamais en sortir. Il y a d'ailleurs eu des lettres signées par des évêques.

(1530)

Je voulais simplement vous raconter qu'Adélard Godbout était un homme extrêmement digne d'éloges, qu'il a créé Hydro-Québec, qu'il a donné le droit de vote aux femmes et donné la liberté aux syndicats ouvriers. Toutes ces influences m'ont incité à me joindre à ce parti de liberté.

Je ne veux pas dire qu'il n'y a seulement que dans la province de Québec que de telles choses arrivent. Au Sénat, j'ai rencontré des collègues du plus grand intérêt. Je crois que tout le monde sait que je suis devenu ami avec Harry Hays et que j'ai appris à connaître le pays grâce à lui.

[Traduction]

J'ai effectué plusieurs séjours à Calgary à cette époque. M. Harry Hays m'y a reçu et m'a présenté à diverses personnes. J'ai ainsi acquis au sujet de l'Ouest et de ses habitants une connaissance que je n'aurais pu avoir autrement.

[Français]

Je veux également mentionner que j'ai développé une bonne relation avec Gratton O'Leary.

[Traduction]

Gratton O'Leary est décédé il y a environ un an. Nous avons beaucoup parlé ensemble. C'était un savant homme qui possédait une profonde expérience de la politique. Il avait été un ami proche de M. Arthur Meighen. Comme cela se fait souvent d'une génération à l'autre, M. O'Leary m'a transmis ses connaissances et son expérience. Il m'a dit qu'il avait été en 1922 candidat conservateur dans la péninsule gaspésienne. Il a été défait, mais c'est à Ottawa qu'il a atteint le sommet de sa carrière, au quotidien The Journal.

Gratton O'Leary a passé de nombreuses soirées en compagnie de M. Meighen, avec qui il récitait des poèmes. Il m'en a récité quelques-uns. Il m'a parlé d'un voyage que lui et M. Meighen avaient effectué en Angleterre. Sur le bateau qui les y emportait, ils récitaient ensemble de la poésie, au clair de lune.

Son livre sur M. Meighen, intitulé Unrevised and Unrepentant: Debating Speeches and Other, que nous avons ici à la Bibliothèque, contient un article sur Shakespeare, que je recommande à tous les sénateurs. C'est un honneur pour le Sénat qu'un de ses membres ait rédigé un article d'une telle qualité sur Shakespeare.

[Français]

Je pourrais vous entretenir sur bien d'autres choses, mais je vais me limiter à trois noms. Le nom de Victor Pagé, qui était l'avocat à la compagnie Montreal Lighting and Power, où j'ai fait ma cléricature, et qui m'a beaucoup influencé dans ma vie. C'est une des raisons pourquoi je suis devenu libéral. Le deuxième, qui m'a beaucoup influencé, c'est Georges Lapalme avec qui, dans mon âge un peu plus mûr, je suis devenu très intime. Le troisième, c'est Jean Martineau, qui était un grand avocat, un grand esprit, un homme raffiné, que tous vous avez connu.

Je prends congé de vous tous, chers collègues. Je vais faire comme Cincinnatus, je vais me retirer dans mes terres et si jamais la patrie a besoin de moi, ils sauront me trouver.

 


[Traduction]

Visiteur de marque

Lech Walesa, ancien président de Pologne-Hommages

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois signaler la présence à notre tribune d'un visiteur de marque qui ne peut pas rester très longtemps avec nous. J'ai le plaisir de vous présenter un distingué personnage de renommée mondiale, M. Lech Walesa, ancien président de Pologne.

Des voix: Bravo!

L'honorable Stanley Haidasz: Honorables sénateurs, avant que son excellence l'ancien président de Pologne s'en aille à l'autre endroit, je tiens à lui dire quelques mots de bienvenue dans sa langue maternelle. Mon message a été traduit en français et en anglais et est maintenant disponible en interprétation simultanée.

Honorables sénateurs, M. Lech Walesa est déjà un héros légendaire de la Pologne qui, avec son collaborateur et compatriote Jean Paul II, a contribué à faire que la Pologne change de régime et soit aujourd'hui un pays indépendant et entièrement souverain.

(Note de l'éditeur: L'honorable sénateur poursuit en polonais-la traduction suit.)

Monsieur le Président, je tiens à vous souhaiter chaleureusement la bienvenue en terre canadienne hospitalière et amicale.

Votre visite est un événement très important pour nous tous. Votre nom, monsieur le Président, est associé dans tout le monde moderne à la manifestation la plus importante de la solidarité humaine et de la volonté de lutter pour la vérité, la justice et la dignité. Le mouvement que vous avez dirigé a uni des millions de Polonais pendant ces mémorables journées d'août, et à donné à la Pologne et à de nombreux autres pays d'Europe une liberté tant souhaitée.

Nous vous accueillons, monsieur le Président, comme l'un des principaux architectes du grand renouveau national et moral de la Pologne et des Polonais. Nous accueillons en vous le chef du mouvement Solidarité qui s'est acquis l'admiration de tout le monde contemporain par son héroïsme, son potentiel moral et son extraordinaire maturité politique. Nous vous accueillons en tant que premier président de la République de Pologne en plus de cinquante ans à avoir été élu démocratiquement au cours d'élections libres. Enfin, nous vous accueillons en tant que prix Nobel de la paix - prix qui a couronné bien des années de lutte fervente, persévérante et pacifique en faveur de valeurs qui sont des plus importantes pour l'humanité.

En tant qu'homme politique canadien d'origine polonaise, je suis très fier que les valeurs essentielles de la vie sociale et spirituelle des Canadiens soient défendues par vous, le grand représentant de la Pologne, de la terre natale de mes parents.

Les questions intéressant la Pologne ont toujours été et sont encore parmi les plus importantes choses de ma vie. Même si des milliers de kilomètres nous séparent de la Pologne, nous avons beaucoup fait pour appuyer vos efforts en faveur d'une Pologne libre, indépendante et démocratique.

Vous comptez beaucoup de loyaux amis ici, au Canada, dont des politiciens. Vous avez apporté une grande contribution à l'histoire moderne. Bien sûr, je suis persuadé que vous n'avez pas encore dit votre dernier mot.

Je vous souhaite, monsieur le Président, bien du succès aux plans national et international, dans l'intérêt de la Pologne et de la démocratie en général.

Je vous souhaite la bienvenue en sol canadien, parmi des amis qui admirent votre volonté de lutter et votre persévérance à travailler pour l'objectif ultime qu'est la renaissance spirituelle et matérielle du peuple polonais.

Encore une fois, bienvenue du fond du coeur!

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le solliciteur général

La libération conditionnelle anticipée
des délinquants dangereux

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, Daryn Johnsrud, Ada Court, Colleen Daignault, Terry-Lyn Carson, Raymond King fils, Judy Kozma, Simon Partington, Christine Weller, Louise Chartrand, Sandra Wolfsteiner et Sigrun Arnd - voici les noms de 11 victimes massacrées par un démon du nom de Clifford Robert Olson. Par son incompétence, son indifférence et son insensibilité, le gouvernement du Canada a permis à ce démon de terroriser encore une fois les familles et amis de ces 11 victimes. Les Canadiens d'un bout à l'autre du pays se joignent à ces 11 familles pour dire qu'ils sont écoeurés du fait, qu'en vertu de l'article 745 du Code criminel, Clifford Robert Olson a le droit de faire une demande de libération conditionnelle anticipée.

Les Canadiens en veulent aux députés de la Chambre des communes d'avoir tué un projet de loi d'initiative parlementaire qui aurait eu pour effet d'éliminer l'article 745 et donc d'empêcher Olson de faire une telle demande.

Les Canadiens en veulent au gouvernement libéral d'avoir présenté et adopté le projet de loi C-45, un projet de loi qui ne fait que remanier l'article 745 au lieu de l'éliminer. Comme l'a dit un membre de la famille d'une des victimes à la télévision, «faire cela équivaut pratiquement de la part du gouvernement à cracher sur les tombes des victimes.»

Oui, honorables sénateurs, les Canadiens en veulent aussi aux sénateurs de ne pas appuyer le projet de loi S-6, qui vise à éliminer l'article 745.

Si vous regardez les nouvelles à la télévision ce soir, vous verrez et entendrez la douleur et les larmes des familles et amis de ces 11 victimes. Nous devrions réaliser que tous ici aujourd'hui aurions pu faire une différence pour ces familles et nous devrions nous sentir responsables de ce qui s'est passé. Personnellement, je sais que j'aurais souhaité faire plus.

 

Les pêches et les océans

La capture d'épaulards par des pêcheurs japonais

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je veux porter à votre attention la capture d'une famille d'épaulards au Japon. C'est M. Paul Spong, de la société Orca Lab, à Alert Bay, sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, qui m'a mise au courant de cette situation urgente.

M. Spong m'a aussi avisée que l'abolition du poste de gardien du phare de Pulteney Point allait nuire aux recherches, de réputation mondiale, qu'il menait sur les baleines et qui avaient besoin des données météorologiques fournies par ce gardien de phare. Je rappelle aux sénateurs que cette question est encore à l'étude.

M. Spong fait remarquer que le Canada n'a pas réagi à la capture, le 7 février, d'un troupeau de dix épaulards qui ont été aperçus à 50 kilomètres de Taiji, petit village de pêcheurs et de baleiniers au sud de Tokyo. Les épaulards sont très rares près des côtes du Japon. C'était la première fois qu'on en voyait en 10 ans. L'organisme responsable des pêches au Japon a permis aux pêcheurs de capturer cinq de ces baleines, ce qui a suscité l'inquiétude de M. Spong. Taiji est l'un des endroits où l'on pratique cette fameuse pêche par rabattage, qui consiste à pousser des dauphins ou d'autres petits cétacés vers une baie où ils sont massacrés. Depuis quelques années, ce type de pêche a créé une nouvelle industrie, qui consiste à choisir certains de ces animaux pour les vendre à des aquariums.

(1540)

Les épaulards aperçus au large de Taiji, le 7 février, ont été rabattus dans une petite baie à proximité du village. Quelques jours plus tard, un encan a eu lieu, et cinq des cétacés ont été vendus à trois aquariums différents. Trois des bêtes sont présentement gardées en captivité au Shirahama Adventure World, tandis que les deux autres le sont au Musée des baleines de Taiji. Les cinq autres membres du troupeau ont été refoulés vers la mer, et ceux d'entre vous qui connaissent les habitudes des épaulards savent qu'on traumatise profondément les membres d'un troupeau en les séparant ainsi.

La capture a été autorisée en vertu d'un permis de recherche scientifique. Cependant, nous savons tous que ces cétacés finiront par être exposés à des fins de divertissement et que très peu d'avantages scientifiques en découleront. Jusqu'à maintenant, environ 250 messages télécopiés en provenance d'une quinzaine de pays ont fait part au premier ministre du Japon des inquiétudes de leurs auteurs à ce sujet. Le Canada ne fait pas partie de ces pays.

La situation est très urgente, car la santé d'un des jeunes mâles qui a été séparé de sa mère laisse beaucoup à désirer. Plusieurs des cétacés n'ont pas mangé depuis leur capture, même si, d'après ce que M. Spong croit savoir, deux sont nourris de force. Ce spécialiste des épaulards, qui est l'un des plus réputés du monde, croit que la meilleure solution consisterait à remettre immédiatement à la mer toutes les bêtes gardées en captivité. Ce serait simple à faire si on ne tarde pas. Personne ne sait où se trouve le reste du troupeau, car aucun de ses membres n'a été aperçu depuis leur refoulement hors de la baie.

La Colombie-Britannique et le Canada ont énormément d'expérience en la matière. Durant les années 60 et 70, un grand nombre d'épaulards ont été capturés en Colombie-Britannique et dans l'État de Washington. Je dois avouer que des membres de ma famille ont participé à ces captures. Finalement, en réponse aux préoccupations exprimées par le public, le ministère des Pêches et des Océans a mené des études qui ont révélé que la population d'épaulards était beaucoup plus petite que l'on croyait. Certaines familles d'épaulards et l'ensemble de la population de cette espèce ont donc subi d'énormes préjudices avant que les captures ne cessent.

Maintenant, 20 ans plus tard, l'observation des baleines est devenue une industrie florissante qui a remplacé celle de la capture. Une des plus grandes attractions touristiques de la côte consiste à aller observer les baleines. On voit souvent des épaulards passer au large, à l'extrémité sud de l'île de Saturna. En tant qu'habitante de l'île, je ne veux pas que les gens sachent combien d'épaulards passent là, car je crains que l'île ne soit envahie par des visiteurs.

Nous tentons de sensibiliser la population à cette situation et nous aimerions que le Canada fasse quelque chose. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international me dit que notre pays s'est retiré de la Commission baleinière internationale au début des années 80 après avoir cessé de capturer des baleines à des fins commerciales dans nos eaux et que depuis, notre pays n'a plus de mécanisme pour intervenir. Je crois toutefois que l'indifférence du Canada devant cette situation porte atteinte à notre réputation comme chef de file à l'échelle internationale et j'ai voulu porter cette situation à l'attention de mes honorables collègues.

 

La santé

La fermeture de l'hôpital Montfort à Ottawa

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de fermeture de l'Hôpital Montfort. C'est une question importante qu'il faut examiner car l'Hôpital Montfort est le seul hôpital universitaire de langue française en Ontario. D'aucuns diront qu'il doit bien y avoir des services en français pour les francophones dans d'autres hôpitaux, mais nous devons avoir un hôpital universitaire de langue française. En fait, l'Hôpital Montfort est le seul hôpital universitaire francophone à l'extérieur du Québec.

C'est une question qu'il importe de ne pas négliger parce que cela reviendrait à dire aux francophones qu'ils ne comptent pas. Advenant la fermeture de leur hôpital universitaire, les francophones craindront aussi de perdre leurs commissions scolaires.

Le sénateur Kinsella: C'est comme pour la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean. C'est vous qui en êtes responsable.

Le sénateur Gigantès: Je voudrais que le sénateur aborde, si possible, cette question sans esprit de parti.

C'est une question d'importance vitale, car quand ils sont très malades, les gens sont moins en mesure de communiquer dans une autre langue que la leur. C'est un fait établi, que les psychologues reconnaissent. J'ai une amie qui parle très bien les deux langues et qui a quitté un emploi où la langue de travail était l'anglais pour un autre où la langue de travail est le français. Son français est excellent, mais elle a remarqué qu'après trois semaines elle était épuisée. Un psychologue lui a expliqué que c'est un fait bien établi qu'il est épuisant de changer de langue de travail. Les malades n'ont pas l'énergie voulue pour faire cela. Si nous voulons être en mesure d'assurer des services de santé en français aux francophones, nous devons avoir un hôpital universitaire francophone en Ontario parce que les travailleurs de la santé du Québec n'aiment pas quitter leur province. Ils craignent de perdre leur langue et de devoir quitter leur famille. Il y a suffisamment de francophones en Ontario pour justifier l'existence de services de santé en français. Il ne faut pas fermer l'Hôpital Montfort.

Je reconnais que c'est un problème provincial.

Le sénateur Kinsella: Pourquoi avoir fermé le collège militaire?

Le sénateur Gigantès: Je croyais que le sénateur avait accepté il y a quelques instants de ne pas aborder la question d'un point de vue partisan? Je crois que la santé est une question qui est au-dessus de l'esprit partisan.

Je demande à tous les sénateurs ici présents, plus particulièrement les sénateurs anglophones, d'élever leurs voix pour dire au gouvernement de l'Ontario qu'il ne doit pas fermer cet hôpital.

 


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la taxe d'accise
La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces
La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur le compte de service et de réduction de la dette

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Michael Kirby, président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le mardi 11 mars 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 20 février 1997, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec un amendement et avec une résolution.

Amendement:

Que le projet de loi C-70, à l'article 242, soit modifié par substitution, aux lignes 39 à 45, page 334, et aux lignes 1 à 3, page 335, de ce qui suit:

"(2) Le paragraphe (1) entre en vigueur à la date fixée par décret du conseil, qui n'est pas antérieure à la date où des provinces comptant au total au moins 51 p. 100 de la population des provinces qui sont des provinces participantes au sens du paragraphe 123(1) de la même loi ou qui imposent, selon un certain pourcentage, une taxe de vente au détail générale sur les produits (sauf ceux énumérés expressément dans la loi habilitante) ou une taxe à la valeur ajoutée générale sur les produits et services (sauf ceux énumérés expressément dans la loi habilitante) ont édicté des lois exigeant des fournisseurs qu'ils incluent la taxe prévue à la partie IX de la même loi dans l'indication du prix de biens ou de services fournis."

Résolution:

Le comité remarque que, depuis la création de la TPS, le gouvernement fédéral a versé des paiements de remboursement de la TPS pour dédommager les petits salariés, les bénéficiaires de l'aide sociale, les personnes âgées, les étudiants et les personnes à faible revenu du fardeau fiscal additionnel que leur occasionne la TPS.

Dans le cas de la taxe de vente harmonisée qui doit entrer en vigueur à Terre-Neuve et au Labrador, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, aucun mécanisme semblable n'existe dans la loi fédérale ou la loi provinciale pour atténuer le fardeau des personnes à faible revenu.

Il est donc résolu que le comité recommande au Sénat d'exhorter les gouvernements des provinces où la taxe de vente harmonisée sera appliquée à prévoir des mesures d'aide aux personnes à faible revenu sous forme de remboursements de taxe, de crédits d'impôt ou de déductions pour compenser la portion provinciale de la taxe de vente harmonisée.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL KIRBY

- Honorables sénateurs, je tiens à préciser que le rapport a été adopté à l'unanimité.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Kirby, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)g) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1550)

 

Énergie, environnement et ressources naturelles

Mission d'observation à Banff, en Alberta-
Dépôt du rapport provisoire

L'honorable Ron Ghitter, président du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le huitième rapport du comité, intitulé «Compte rendu de la mission d'observation du comité à Banff (Alberta), 30-31 janvier 1997

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Ghitter, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que lorsque le Sénat s'ajourne aujourd'hui, ce soit à demain, le 12 mars 1997, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Peuples autochtones

Projet de loi sur le gouvernement des premières nations-Avis de motion autorisant le comité à se
servir, dans son étude actuelle du projet de loi,
des documents et témoignages recueillis
lors de l'étude de sa teneur

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 12 mars 1997, je proposerai:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le comité sénatorial permanent des peuples autochtones au cours de son étude de la teneur du projet de loi S-10, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada, lors de la première session de la trente-cinquième législature, soient déférés au comité pour la présente étude du projet de loi S-12, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le développement des ressources humaines

Le taux de chômage-Le bilan de la création d'emplois-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à l'honorable leader du gouvernement au Sénat.

Les chiffres publiés vendredi dernier par Statistique Canada révèlent que le taux de chômage national est toujours de9,7 p. 100, comme au mois de janvier. Il n'a pas varié depuis des mois. Pour un gouvernement qui a fait du slogan «des emplois, des emplois, et encore des emplois» son cheval de bataille lors de la dernière campagne électorale, les résultats du gouvernement libéral dans ce domaine ne sont pas brillants. Autrement nous aurions vu une diminution du taux de chômage.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle expliquer pourquoi si peu d'emplois ont été créés pendant le mois de février? Pourquoi le taux de chômage est-il toujours aussi élevé? Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont un taux de chômage qui est presque la moitié du nôtre. Quelle est la réponse du gouvernement face à des résultats si médiocres dans le domaine de la création d'emplois?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si je me souviens bien, c'est le gouvernement de mon honorable collègue qui avait fait campagne avec le slogan «des emplois, des emplois, et encore des emplois». Nous avons fait campagne avec un programme équilibré de création d'emplois et de croissance économique.

Quoi qu'il en soit, mon honorable collègue attire à juste titre l'attention sur des statistiques décevantes en ce qui concerne l'emploi. Le chômage est beaucoup trop élevé comme chacun le sait dans cette enceinte. Le taux actuel est dû à un recul de l'emploi dans deux domaines, à savoir le commerce au détail et l'agriculture.

Je me permettrais cependant de rappeler aux honorables sénateurs que la création d'emplois a été très encourageante ces derniers mois. Les prévisions pour les mois à venir sont aussi optimistes. Le secteur privé prévoit que jusqu'à 350 000 emplois seront créés au cours de l'année qui vient. Ce fait n'est pas d'un grand réconfort pour les Canadiens qui sont en chômage et qui aimeraient travailler. Le gouvernement a mis en place un certain nombre de programmes. Je suis certaine que mon honorable collègue en connaît l'existence et je n'en donnerai pas le détail aujourd'hui pendant la période des questions.

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que c'est pour nous le problème économique le plus persistant. Tous les autres indicateurs économiques, comme le sait mon honorable collègue, sont extrêmement encourageants, en particulier les taux de croissance. Toutefois, le taux de chômage actuel et la création d'emplois ne sont pas ce que nous voudrions qu'ils soient ni ce dont le pays a besoin. Ils constitueront notre priorité absolue au cours des mois à venir. Je remercie mon honorable collègue d'avoir porté ce sujet à notre attention.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, comme le leader du gouvernement au Sénat, je suis ahuri. Si j'étais à sa place je voudrais bien savoir pourquoi les États-Unis et la Grande-Bretagne ont un taux de chômage qui est seulement la moitié du nôtre.

Je n'arrive pas à comprendre que le gouvernement puisse se satisfaire si longtemps d'un taux de chômage de 9,7 p. 100. Pourtant, si l'on regarde nos voisins du sud, la différence est extraordinaire. Il me semble qu'il faudrait au moins que le gouvernement explique aux Canadiens pourquoi la différence est si élevée. Par exemple, les emplois à plein temps pour les femmes ont été durement touchés le mois dernier. Statistique Canada indiquait qu'il y avait, en février, 44 000 emplois à plein temps de moins pour les femmes. De plus, l'emploi pour les jeunes ne s'améliore pas et reste à un niveau incroyable de 17 p. 100.

À la lumière de cela et considérant le peu de réussite du gouvernement en matière de création d'emplois, est-ce que le gouvernement libéral a l'intention de faire sa prochaine campagne électorale sur ses réalisations ou bien va-t-il les passer sous silence?

Si le leader a l'intention de nous dire que son gouvernement a créé plein d'emplois, et je ne prétendrai pas le contraire, pourquoi sommes-nous toujours à un taux de chômagede 9,7 à 10 p. 100?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, il est certain que la première priorité de notre gouvernement sera d'avoir une création d'emplois en rapport avec les autres éléments de notre économie, lesquels sont meilleurs qu'ils ne l'ont jamais été depuis de nombreuses années. Les taux d'intérêt sont à leur plus bas niveau depuis 40 ans. Les taux hypothécaires à leur plus bas niveau depuis 30 ans. L'inflation est faible. La confiance des entreprises est à son plus haut niveau depuis des années. La confiance des consommateurs revient. Notre commerce atteint des niveaux records. La seule chose qui ne donne pas les mêmes résultats positifs, mais devrait le faire selon ces indicateurs, c'est l'emploi. Nous avons créé plus de 700 000 emplois et nous allons aller bien plus loin que ce chiffre. Cependant, ce n'est pas assez et de très loin. C'est le plus grand défi économique de notre gouvernement et de la population canadienne actuellement. C'est notre défi et cela restera notre défi pour l'avenir immédiat. S'il y a des élections bientôt, ce sera notre première priorité.

(1600)

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je ne comprends toujours pas. Je pense que les Canadiens méritent de savoir pour quelle raison il y a cette différence structurelle entre nous et les États-Unis, entre nous et la Grande-Bretagne. Si le gouvernement ne peut pas expliquer ce taux de chômage de 9,7 p. 100, ne peut-il pas au moins donner aux Canadiens les raisons structurelles de notre haut taux de chômage, comparé aux États-Unis et à la Grande-Bretagne?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je vais demander à ceux qui sont beaucoup plus forts en économie d'essayer de trouver la meilleure explication de ce phénomène. Comme mon collègue le sait, nous devançons tous nos partenaires commerciaux en matière de croissance. Malheureusement, en ce moment, cette croissance est exclusive à certains de nos partenaires. C'est la partie la plus décevante de notre performance économique. Toutefois, je vais essayer d'obtenir des renseignements plus détaillés en ce qui concerne les comparaisons avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.

 

Les pêches et les océans

La capture d'épaulards par des pêcheurs japonais-
La possibilité d'une note diplomatique-
La position du gouvernement

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, un peu plus tôt aujourd'hui, j'ai donné avis que je poserais la question suivante au leader du gouvernement au Sénat. Pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs, j'ai fait état du sort terrible réservé aux épaulards capturés au Japon et j'ai mentionné que 15 pays ont officiellement ou officieusement protesté auprès du gouvernement japonais. Apparemment le Canada ne l'a pas fait et il ne possède aucune filière qui lui permettrait de faire connaître la répugnance de bien des Canadiens à l'égard de la capture de ces baleines. Sachez qu'Environnement Canada nous a appris que la Commission baleinière internationale interdit d'abattre des épaulards, mais non de les capturer. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration de tout à l'heure, étant donné que nous nous sommes retirés de la Commission baleinière internationale lorsque nous avons cessé de tuer des épaulards, nous n'avons plus de filière pour transmettre notre point de vue.

Les gens sont très préoccupés par cette question. Quelle est la position du gouvernement au sujet de la capture d'épaulards vivants et, si le gouvernement partage l'aversion des Canadiens, est-il disposé à envoyer une note diplomatique ou à prendre d'autres mesures pour faire valoir son indignation ou sa consternation auprès du gouvernement japonais?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Carney de la déclaration qu'elle a faite plus tôt, qui témoignait bien de l'ampleur de ses sentiments, et de l'information qu'elle a pris soin de recueillir. Je serai heureuse de transmettre sa question à mes collègues. Comme l'a indiqué ma collègue, certaines voies diplomatiques nous sont fermées pour le moment, mais nous pourrions peut-être en ouvrir d'autres.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, je tiens à souligner l'urgence de la situation, car il devient de plus en plus difficile de réunir les membres du troupeau d'épaulards à mesure que le temps passe. J'apprécierai toute forme d'aide de la part de madame le leader du gouvernement, mais je la prie de faire vite.

Le sénateur Fairbairn: Je prends bonne note de la remarque de ma collègue.

 

Le Sénat

L'étude du projet de loi sur le tabac-
La déclaration du président du caucus libéral-
La position du gouvernement

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, à la une de l'Ottawa Sun du vendredi 7 mars 1997, soit le lendemain de l'adoption par la Chambre des communes du projet de loi sur le tabac, un article de la plume de Robert Fife, directeur du bureau parlementaire du Sun, rapportait ainsi les paroles de Joe Fontana, le président du caucus libéral:

«Les sénateurs libéraux sont membres du caucus et nous avons le même chef», a déclaré au Sun Joe Fontana, député libéral et président du caucus libéral.

«Ils ont l'obligation, à présent qu'ils forment la majorité, de faire adopter par le Sénat les projets de loi du gouvernement libéral.»

Voici ma question à madame le leader du gouvernement au Sénat: est-elle d'accord avec le président du caucus libéral, partage-t-elle la même opinion? Autrement dit, reçoit-elle ses ordres du président du caucus libéral, Joe Fontana, ou peut-elle assurer à la Chambre que nous pourrons procéder à une étude sérieuse, impartiale et complète de ce projet de loi d'initiative ministérielle?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux assurer à mon honorable collègue, tout comme j'ai assuré, je crois, à M. Fife et à tous ceux avec lesquels je me suis entretenue, que le Sénat prend très au sérieux ses responsabilités vis-à-vis de cette mesure législative. Nous avons les meilleures audiences de comité qui soient et nous mettrons tout en oeuvre pour que ces audiences soient l'occasion d'entendre les points de vue quels qu'ils soient de tous les témoins qui comparaîtront à l'occasion de l'étude de ce projet de loi. Ma collègue, le sénateur Carstairs, a été non moins claire à ce sujet. Ainsi fonctionne le Sénat. Telles sont nos responsabilités, et je pense que les deux côtés de la Chambre les assument.

 

L'agriculture

La Commission canadienne du blé-L'augmentation des tarifs de transport ferroviaire des marchandises-
La position du gouvernement

L'honorable Leonard J. Gustafson: Les honorables sénateurs connaissent les problèmes de manutention des céréales sur la côte ouest et les problèmes qu'ont eus les agriculteurs pour livrer leurs céréales cet hiver. Lundi, je me suis renseigné auprès d'un grand nombre des exploitants de silos, et le problème est toujours grave, notamment sur les voies d'embranchement. Ce qui va aggraver les problèmes des nombreux navires qui attendent dans le port leur chargement de grain, c'est que le gouvernement compte autoriser les sociétés ferroviaires à augmenter leurs tarifs marchandises.

Madame le leader du gouvernement au Sénat est-elle au courant de cette décision? A-t-elle reçu l'aval du ministre de l'Agriculture? À combien s'élèveront les augmentations et quand entreront-elles en vigueur?

(1610)

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai pris connaissance de certains rapports lorsque je voyageais dans l'Ouest le week-end dernier. Je comptais demander ces renseignements aujourd'hui à mon collègue, le ministre de l'Agriculture. Toutefois, je ne l'ai pas vu ce matin. Je tâcherai d'obtenir ces renseignements pour le sénateur.

Le sénateur Gustafson: Honorables sénateurs, en guise de question complémentaire, je tiens à m'assurer que madame le leader du gouvernement au Sénat comprenne bien qu'il s'agit là d'une grave situation pour les agriculteurs. On évalue les coûts entre 65 millions et 70 millions de dollars. Le prix des céréales baisse, surtout celui du blé. La majeure partie du blé est expédiée sur la côte ouest. Il est absolument impensable d'augmenter les tarifs marchandises en ce moment, d'autant plus que, lorsque les modifications ont été apportées aux tarifs, les conservateurs étaient au pouvoir. Charlie Mayer avait proposé à l'époque de prévoir 7 milliards de dollars pour faciliter la transition. Bien sûr, nous savons que 1,6 milliard de dollars ont été affectés à cette transition et qu'ils ont été dépensés de différentes manières.

Honorables sénateurs, cette question est sérieuse. Les agriculteurs sont très préoccupés. Ils veulent savoir dès maintenant où ils en sont avant d'ensemencer leurs champs.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je partage la préoccupation du sénateur au sujet de la situation dans les Prairies. Je prends ces questions très au sérieux, et je tâcherai d'obtenir tous les renseignements possibles auprès de mon collègue, le ministre de l'Agriculture. Je m'assurerai, comme toujours, de porter les observations du sénateur à l'attention du ministre.

 

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question posée au Sénat, le 29 octobre 1996, par l'honorable sénateur Bolduc sur les finances nationales et l'inadéquation entre les promesses préélectorales et les comptes publics. J'ai une réponse aux questions posées au Sénat, le 5 mars 1997, par les honorables sénateurs Cogger, LeBreton, Murray et MacDonald au sujet du code de conduite et des excuses présentées récemment par le ministre de la Santé à un fabricant de tabac.

 

LES FINANCES NATIONALES

L'inadéquation entre les promesses préélectorales et les comptes publics-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Roch Bolduc,le 29 octobre 1996)

Les marchés passés avec des professionnels et des experts-conseils doivent être considérés dans le contexte global des initiatives du gouvernement, y compris la réingénierie et la restructuration. Par son examen des programmes, le gouvernement a entrepris un vaste examen des dépenses de chaque ministère qui a abouti à d'importantes réductions dans les dépenses ministérielles et entraîné le remaniement de nombreuses activités.

La possibilité de faire appel à des professionnels de l'extérieur est un des outils dont dispose le gouvernement pour continuer à offrir les services qui ne peuvent plus être fournis par les ministères et pour bénéficier de conseils d'experts en vue de la restructuration des organisations. Dans bien des cas, les marchés de services professionnels ont été une première étape essentielle à la réduction des dépenses futures. Par exemple, une bonne partie de la réingénierie nécessaire pour rendre le gouvernement plus efficace a comporté l'automatisation et l'informatisation de différents processus, ce qui ne pouvait se faire sans recourir à plusieurs professionnels.

Le gouvernement croit que cette augmentation des dépenses en services professionnels et spéciaux sera de courte durée. C'est ce que permet de prévoir le budget principal des dépenses récemment déposé pour 1997-1998, qui montre un déclin de ces dépenses par rapport au budget principal de 1996-1997.

 

LE CODE DE CONDUITE

Les excuses présentées par le ministre de la Santé à un fabricant de tabac-La responsabilité du ministre et l'obligation de rendre des comptes concernant DES DÉCLARATIONS FAITES-LE RENVOI DE LA QUESTION AU CONSEILLER PARTICULIER DU PREMIER MINISTRE-LA POSITION DU GOUVERNEMENT

(Réponse aux questions posées par les honorables Michel Cogger, Marjory LeBreton, Lowell Murray et Finlay MacDonald, le 5 mars 1997)

(Voir documents de référerence à l'Annexe «A», p. 1711.)

Lors d'une conférence de presse, le 28 novembre 1996, le ministre de la Santé a déclaré qu'une boîte de tabac à priser contenait des morceaux de verre. Cette déclaration était fondée sur des renseignements que lui avaient fournis des fonctionnaires et qui se sont ultérieurement révélés inexacts; le ministère de la Santé a par la suite effectué une analyse scientifique qui a confirmé l'absence de verre.

Aux termes de la Constitution, le ministre de la Santé est bien entendu responsable des actions de son ministère. En pareilles circonstances, prendre ses responsabilités voulait dire: reconnaître que sa déclaration antérieure était erronnée, s'attaquer au problème, le corriger et mettre en place des mesures visant à éviter qu'il se reproduise. C'est ce que le ministre de la Santé a fait.

Le ministère a émis une déclaration, le 28 février 1997, dans laquelle il note que l'analyse indique qu'il n'y a pas de verre, et il s'excuse d'avoir transmis de l'information incorrecte. Le ministre de la Santé s'est également excusé dans une lettre ouverte à l'entreprise qui a été annexée au communiqué de presse du ministère.

Le fabriquant de tabac dont a parlé le ministre de la Santé (Swedish Match Sverige AB) a fait parvenir un avis d'action en libelle diffamatoire au ministère de la Justice. L'entreprise a accepté les excuses et a déclaré qu'elle ne prendrait pas d'autre mesure.

Le ministre de la Santé s'est également assuré que des mesures seront prises à l'interne à cet égard, notamment en ce qui a trait à la nécessité de procéder à l'analyse complète des questions de nature scientifique et d'être prudent lorsqu'on transmet de l'information au Parlement et au public.

 

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Demande de réponses à des questions orales

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis très heureux de voir qu'on a la réponse à des questions posées en mars 1997, mais nous attendons encore des réponses à des questions posées en mars, avril, mai, juin et septembre 1996.

Lorsque j'ai soulevé cette question il y a près de trois semaines, madame le leader du gouvernement avait dit comprendre notre frustration et elle a parlé de retards scandaleux et d'une situation inacceptable. Je sais qu'elle fait tout en son pouvoir pour obtenir les réponses à ces questions, mais elles se font encore attendre et je pense que nous avons encore le droit de demander pourquoi. Avons-nous raison de supposer que le gouvernement, un ministre ou un ministère peut-être ne veut pas que nous obtenions ces réponses? En tant que parlementaires qui devraient obtenir des réponses de la façon normale, c'est-à-dire par l'entremise du leader du gouvernement au Sénat, devrons-nous nous tourner vers la Loi sur l'accès à l'information, car on obtient ainsi dans un délai raisonnable les mêmes renseignements que ce que nous demandons? Nous avons des questions qui, six mois, huit mois ou neuf mois plus tard, sont toujours sans réponse. Pourquoi?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est évident que si je pouvais répondre à la question de mon honorable collègue, le Sénat aurait ces réponses. Je tiens simplement à dire que je ne crois pas que les ministres retardent la présentation de ces réponses. C'est le système qui est bloqué. J'essaie encore d'obtenir ces réponses, même si c'est un bien maigre réconfort pour mon honorable collègue. Je vais essayer d'exercer encore davantage de pressions pour essayer de faire débloquer les choses.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les additifs à base de manganèse

Troisième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyé par l'honorable sénateur Stewart, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse.

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi C-29. J'adopte cette position en me basant sur les faits présentés au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et après avoir soigneusement pesé le pour et le contre.

Je veux signaler trois choses. La première concerne des aspects troublants des témoignages reçus. La deuxième porte sur le fait que les adversaires de cette mesure qualifient à tort le projet de loi de commercial. Enfin, mon troisième et dernier point porte sur une question soulevée dans le cadre des audiences du comité, une question qui touche au coeur de la souveraineté du Canada.

Au comité, nous avons entendu le témoignage de fabricants d'automobiles, de concessionnaires d'automobiles, de raffineurs et de leurs représentants, de la société Ethyl, d'experts juridiques spécialisés en droit constitutionnel et en droit international, de représentants des services de santé, de groupes de défense de l'environnement et du ministre de l'Environnement lui-même. Nous avons reçu une grande quantité de mémoires et de documents d'information. Nous avons été obligés d'examiner un grand nombre de données incohérentes et parfois incomplètes, d'arguments contraires et même des témoignages contradictoires de la part de témoins. Nous avons reçu suffisamment d'information pour que tout le monde puisse choisir ce qui lui convenait dans les témoignages pour pouvoir défendre sa position.

Dans le cadre de nos audiences, honorables sénateurs, une partie nous a souvent dit que les faits présentés par l'autre partie n'étaient tout simplement pas vrais. Nous avons dû prendre des décisions sur des questions de crédibilité et de motivation et sur des preuves incomplètes et, en fin de compte, décider ce qui était, selon nous, dans l'intérêt des Canadiens.

Ce qui a ajouté à la difficulté, c'est le simple fait que nous n'avons pas encore tous les faits en main. Dans le cadre de nos audiences, nous avons appris l'existence de certains renseignements qui ne nous avaient pas été communiqués. Le ministère fédéral de l'Environnement a reçu des données et des études, mais nous n'avons pas été autorisés à les voir, du fait de leur nature commerciale. De même, la société Ethyl, le fabricant du MMT, a refusé de dévoiler des données qui nous renseigneraient sur l'utilisation du MMT ailleurs.

Le deuxième élément troublant dans ce débat, c'est l'attaque des adversaires de cette mesure qui affirment qu'il s'agit d'un projet de loi de nature commerciale et non environnementale, qu'il viole l'ALENA et qu'il est, de plus, inconstitutionnel.

Honorables sénateurs, le projet de loi me semble être d'ordre environnemental. Le ministre de l'Environnement nous l'a présenté en lui donnant pour objectif de protéger l'environnement et la santé publique. Comme le ministre nous l'a dit, il y a au Canada quelque 14 millions de véhicules qui crachent environ cinq tonnes de polluants chaque année. Les transports constituent la cause principale de la pollution atmosphérique. Toute substance ajoutée à l'essence capable de paralyser le fonctionnement des dispositifs de contrôle de la pollution dont sont dotées les voitures causera du tort à l'environnement et à la santé des Canadiens. Quand 21 fabricants de voitures sont convaincus que le MMT encrasse leurs dispositifs de contrôle de la pollution, le ministre de l'Environnement a le devoir et l'obligation envers les Canadiens de prendre des mesures.

Dans le projet de loi à l'étude, il a pris des mesures tout à fait compatibles avec 25 années de réglementation au Canada. Comme M. Patrick Monahan, de la Osgoode Hall Law School, un expert en droit constitutionnel, l'a fait remarquer, le projet de loi C-29 propose d'agir exactement de la même façon dont le Parlement a agi depuis 25 ans pour réglementer les émissions des véhicules automobiles dans le cadre de la Loi sur la sécurité des véhicules automobiles. Cette loi interdit le transport interprovincial et l'importation au Canada de véhicules qui ne respectent pas les normes en matière d'émissions. Cette loi est parfaitement valide et, chose plus importante, a permis de réduire les émissions nocives de 90 p. 100.

Honorables sénateurs, la réduction des émissions n'a pas d'effets bénéfiques uniquement sur le plan de la santé, mais sur le plan des coûts également. Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a quantifié ces coûts. Son étude de 1994 calculait que les effets bénéfiques que des carburants moins polluants et des normes plus rigoureuses en matière d'émissions des véhicules automobiles auraient sur le plan de la santé se chiffreraient à 31 milliards de dollars sur une période de 23 ans. Autrement dit, si l'on ne prenait pas de mesures pour améliorer les normes et veiller à leur respect, il en coûterait aux Canadiens environ 1,5 milliard de dollars par année.

Les fabricants de voitures n'ont pas essayé de dire au gouvernement qu'il ne peut pas agir pour protéger l'environnement et la santé des Canadiens. Ils lui ont dit: «Nous faisons partie du problème et nous voulons contribuer à le résoudre dans toute la mesure de nos moyens. Nous allons améliorer notre technologie pour réduire les émissions, mais il faut nous aider à régler un problème, car notre technologie améliorée et nos systèmes diagnostiques de bord ne sont pas utiles lorsque le MMT les empêche de bien fonctionner.»

Comparons cette position avec celle qu'a prise la société Ethyl, le fabricant du MMT. Cette société s'est toujours opposée de toutes ses forces aux mesures de protection de l'environnement et de la santé publique. Je cite un passage d'un document présenté au comité, faisant une analyse du tableau d'ensemble tel que vu par le Fonds américain de défense de l'environnement:

En 1925, en dépit des protestations du monde de la santé, Ethyl a commencé à vendre des additifs au plomb pour l'essence, avec des conséquences désastreuses pour la santé des Américains. Voilà maintenant que, 70 années plus tard, Ethyl ne tient pas compte des inquiétudes en matière de santé et vend du MMT sans d'abord obtenir de l'information suffisante sur la toxicité de cette substance.

La société Ethyl a poursuivi l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) devant les tribunaux à propos du MMT. Il y a plus d'un an, les tribunaux américains ont jugé que la société Ethyl avait le droit de commercialiser le MMT dans certaines régions des États-Unis.

(1620)

Carol Browner, à la tête de l'EPA, estime qu'il faudrait faire davantage de tests. L'EPA croit que le public américain ne devrait pas servir de cobaye pour tester si le MMT est sans danger. Ethyl a cependant refusé d'effectuer des tests sur les effets du MMT sur la santé avant de commercialiser cette substance, et le tribunal a rejeté l'argument de l'EPA voulant qu'il faille évaluer complètement ses effets sur la santé avant d'en généraliser l'usage.

En réponse aux annonces publicitaires de la société Ethyl, Mme Carol M. Browner, administratrice à l'EPA, a fait une déclaration officielle dans laquelle elle préconisait le principe de l'inversion de la charge de la preuve, le principe même que le gouvernement dit vouloir adopter dans la nouvelle version améliorée de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Selon ce principe, les fabricants doivent établir l'innocuité de leur produit avant de pouvoir le mettre sur le marché. Il n'incombe pas aux Canadiens ou au gouvernement de prouver qu'il cause un tort excessif.

Les principaux fournisseurs d'essence aux États-Unis ont réagi à la décision des tribunaux en disant qu'ils n'entendent pas utiliser le MMT. Ce sont notamment Amoco, Anchor Gasoline, ARCO, BP, Chevron, Exxon, Hess, Marathon, Mobil, Pennzoil, Philips, Shell, Sun et Texaco. La liste est longue et constitue la preuve que les principales raffineries adoptent l'approche dictée par le bon sens.

Cependant, le débat sur le projet de loi sur le MMT - je sais que mes collègues vous livreront d'autres parties de ce témoignage très important - a fait ressortir une menace à notre souveraineté nationale, ce qui est ici l'un des grands enjeux. Ethyl fait planer sur nous une menace: si nous adoptons le projet de loi, des poursuites en dommages de l'ordre de 200 millions de dollars seront intentées contre le gouvernement du Canada.

La société Ethyl a déposé son avis d'intention et a clairement dit au comité qu'elle entendait aller de l'avant si le projet de loi était adopté. M. Hicks est même allé jusqu'à dire que sa société et son procureur estimaient avoir déjà de quoi étayer leur cause. Ils soutiennent que le gouvernement a causé du tort à la réputation d'Ethyl et réduit sa clientèle ainsi que ses ventes à l'étranger du simple fait qu'il a présenté le projet de loi au Parlement et que cette mesure a été discutée à la Chambre, aux comités de la Chambre et au Sénat.

On ne nous a jamais donné à penser que l'une des conséquences de l'ALENA serait que nous devrions verser de l'argent à des sociétés américaines pour avoir discuté de projets de loi au Parlement ou légiféré pour protéger la santé et l'environnement des Canadiens.

M. Barry Appleton, conseiller d'Ethyl en commerce international, a comparu devant le comité et déclaré que cette mesure, le projet de loi sur le MMT, pouvait faire l'objet de poursuites en vertu de l'ALENA. L'argumentation juridique du mémoire de M. Appleton est plutôt complexe et fait appel non seulement à l'ALENA, mais aussi au document intitulé «Harvard Draft Convention on the International Responsibility of States for Injuries to the Economic Interest of Aliens», à un article du Statut de la Cour internationale de justice et à une certaine jurisprudence internationale. Si M. Appleton a raison, la capacité des Canadiens de légiférer pour protéger leur propre santé est compromise.

En 1994, cependant, l'Institut C.D. Howe, dont les membres comptent l'Association canadienne des producteurs pétroliers et de nombreuses sociétés qui s'opposent au projet de loi C-29, a publié un ouvrage signé par trois des plus grands experts canadiens de la politique sur le commerce international et dont l'objectif déclaré était de dissiper les mythes tant économiques que politiques entourant l'ALENA. Il n'était pas question dans ce livre des demandes d'indemnisation ou mesures de représailles de partenaires commerciaux auxquelles M. Appleton a fait

allusion. Dans un chapitre consacré aux contraintes qui pèsent sur la politique gouvernementale, les experts retenus par l'institut ont dit clairement que l'une des idées fausses au sujet de l'ALENA était qu'il portait atteinte à la capacité du Canada d'appliquer toute une série de politiques intérieures. Ils ont ajouté que l'ALENA n'empêchait pas le gouvernement canadien d'adopter les politiques fiscales ou sociales de son choix, de nationaliser des industries ou d'établir des normes visant à atteindre par exemple des objectifs de développement durable.

Je crois qu'il est juste de dire qu'un projet de loi qui vise à réduire la pollution de l'air, en veillant à ce que les systèmes d'échappement des voitures fonctionnent bien, relève du développement durable.

Le comité a également entendu M. Ivan Feltham, c.r. et consultant en droit international. M. Feltham nous a fourni de très nombreux éléments de preuve. En résumé, il a dit qu'il est inconcevable que les négociateurs du Canada, des États-Unis et du Mexique puissent en arriver à la conclusion que chaque règlement imposant des coûts à l'industrie devrait prévoir une indemnité pour l'industrie. Cela ne s'est jamais vu dans le monde jusqu'à maintenant. Peu importe ce que signifie le concept de l'expropriation larvée, il n'a pas réussi à justifier une telle mesure.

J'espère sincèrement qu'il a raison. J'applaudis à la déclaration du ministre de l'Environnement qui a affirmé au comité que, si la société Ethyl pensait pouvoir inciter le gouvernement canadien à réagir en présentant un avis d'intention, elle se trompait. Cela a plutôt incité le gouvernement à faire exactement ce qu'il fait aujourd'hui.

J'éprouve certainement de la sympathie, pas beaucoup il est vrai, pour les raffineries canadiennes qui devront assumer certaines dépenses à la suite de l'adoption de ce projet de loi. J'ai certainement plus de sympathie que les dirigeants d'Ethyl. Il est regrettable que la Canada n'ait pas pris la même décision que les autres pays membres du G7, lorsque l'utilisation de l'essence au plomb a été progressivement abolie. Aucun de ces pays n'a opté pour le MMT. Par conséquent, les Canadiens ont servi de cobayes dans l'expérience menée en Amérique du Nord avec l'additif du carburant à base de manganèse et l'émission de manganèse dans notre air ambiant.

Même si le ministère de la Santé du Canada affirme n'avoir constaté aucun risque grave pour la santé à la suite de cette expérience, il soutient que le projet de loi C-29 est aujourd'hui nécessaire pour prévenir toute nouvelle forme de pollution atmosphérique. En bout de ligne, c'est ce conseil que nous devrions suivre. J'espère que les sénateurs adopteront très rapidement le projet de loi C-29. Merci.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

 

La Loi sur la taxe d'accise
La Loi sur les arrangements fiscaux entre
le gouvernement fédéral et les provinces
La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur le compte de service et de réduction de la dette

Projet de loi modificatif-Rapport du comité-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du treizième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur le projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes.

L'honorable Michael Kirby propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, je prends la parole pour lancer le débat concernant le rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur le projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes, habituellement connu sous le nom de projet de loi sur la taxe de vente harmonisée ou projet de loi sur la TVH.

Les sénateurs n'ignorent pas que ce projet de loi établira une seule taxe de vente harmonisée dans la plus grande partie de la région de l'Atlantique, c'est-à-dire dans les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve et du Labrador.

Avec ce projet de loi, tout le Canada à l'est de l'Ontario, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard, va bénéficier d'une taxe de vente harmonisée avec le gouvernement fédéral. Il y aura dans les trois provinces de l'Atlantique que j'ai nommées un seul taux d'imposition, une seule taxe à administrer, un seul système de déclaration de taxe, une seule série de règles fiscales et une seule assiette de l'impôt.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, en plus de tenir plusieurs journées de séances sur ce projet de loi à Ottawa, la semaine dernière, le comité des banques et du commerce a visité chacune des trois provinces de l'Atlantique touchées par ce projet de loi pour y tenir des audiences. Nous avons entendus toute la gamme des points de vue, depuis celui du ministre des Finances de chacune des trois provinces jusqu'à celui du chef de l'opposition de chacune des trois provinces, en passant par celui des représentants des chambres de commerce de chaque province, des associations de petites et moyennes entreprises, des associations de manufacturiers et d'exportateurs, des associations touristiques, des détaillants, des associations professionnelles, des groupes de citoyens âgés, des groupes de lutte contre la pauvreté et des particuliers.

Au total, honorables sénateurs, en une semaine d'audiences, le comité a entendu près de 200 témoins en près de 40 heures de séance.

(1630)

Je ne saurais trop dire à quel point ce voyage a été fructueux pour nous, les membres du comité, qui étudions cet important projet de loi. Trop souvent, nous entendons seulement le point de vue d'une poignée d'organisations qui sont situées à Ottawa ou près d'Ottawa ou qui ont les moyens d'envoyer quelqu'un ici parler en leur nom. Je ne veux pas dénigrer les précieux témoignages que nous entendons au cours de nos audiences à Ottawa, ni laisser entendre le moindrement que nos rapports ne sont pas bons lorsqu'ils ne se fondent pas sur des audiences tenues dans les régions touchées par tel ou tel projet de loi. Dans ce cas-ci, toutefois, les déplacements du comité se sont révélés très importants. Nous avons eu l'occasion d'entendre nous-mêmes des gens qui seront directement touchés par ce projet de loi sur la TVH.

En outre, à chaque audience, dans chaque ville, à la fin de chaque séance, des particuliers pouvaient venir nous faire part de leurs préoccupations. Les témoignages de ces figurants, comme on a fini par les appeler aux audiences du comité sénatorial, qui remplissaient la dernière heure de chaque séance, étaient pour nous d'une valeur inestimable. J'ai aussi remarqué que ces figurants étaient heureux d'avoir ainsi l'occasion de s'exprimer.

Quant aux déplacements, honorables sénateurs, je tiens à dire ici clairement que je regrette vivement que le sénateur Lynch-Staunton ait décidé de proposer au Sénat une motion visant à obliger notre comité à se déplacer. Je tiens à dire officiellement qu'il a présenté cette motion sans avoir préalablement demandé au président ou au vice-président du comité, en l'occurrence moi-même et le sénateur Angus, si nous verrions d'un bon oeil que le comité se rende dans la région de l'Atlantique pour étudier le projet de loi.

J'espère que le sénateur Lynch-Staunton comprend que les membres du comité ont entrepris cette tâche de bon coeur et en faisant preuve de l'énergie, de la bonne volonté et de la détermination qu'on leur connaît habituellement, pour s'enquérir le plus possible des répercussions que le projet de loi aura sur les Canadiens de l'Atlantique. Qui plus est, honorables sénateurs, contrairement à ce que le sénateur Lynch-Staunton a laissé entendre dans sa motion visant à obliger le comité à se déplacer, les membres du comité ne se sont livrés à aucun sectarisme ni politicaillerie.

Honorables sénateurs, comme mes collègues du comité vous le diront sans doute, nous avons entendu, au cours de nos déplacements, bien des craintes et des réserves au sujet de ce projet de loi. Soyons réalistes. Personne n'aime les taxes et personne ne croit un gouvernement lorsqu'il dit que la modification d'une taxe sera dans l'intérêt de la population. Dans une situation comme celle-ci, où quatre gouvernements collaborent - trois gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral - pour instaurer une nouvelle taxe combinée, le scepticisme des gens est très compréhensible.

Durant nos audiences, nous avons aussi entendu beaucoup de témoignages optimistes sur les effets de la TVH. Sauf dans quelques très rares exceptions, presque tous les témoins ont fermement appuyé l'idée d'une harmonisation des taxes de vente, de la fusion de la TPS et des taxes de vente provinciales en une seule taxe de vente harmonisée.

À maintes reprises, des chefs d'entreprises nous ont dit qu'ils appuyaient depuis longtemps l'idée d'une taxe de vente harmonisée - une position que certains témoins nous ont dit avoir privilégiée dès l'instauration de la TPS. Comme l'a dit la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique, les chefs d'entreprises croient que l'harmonisation proposée sera excellente pour les entreprises et les consommateurs et qu'elle stimulera l'économie et la création d'emplois.

Honorables sénateurs, ceux d'entre nous qui représentent le Canada atlantique sont très au fait des difficultés économiques que cette région a connues ces dernières années. Cette région a besoin d'une relance économique et de nouveaux emplois.

David Amirault, du Conseil économique des provinces de l'Atlantique, le CEPA, a témoigné devant notre comité à ce sujet. Le CEPA a préparé un rapport détaillé sur les coûts et avantages de l'harmonisation de la TPS et de la TVP. Un résumé de ce rapport a été mis à la disposition des membres du comité durant ses audiences. Cette étude du CEPA est très sérieuse et approfondie. On nous a d'ailleurs dit, durant nos audiences, que le CEPA avait mis deux mois à établir son modèle d'analyse des répercussions du projet d'harmonisation des taxes de vente sur l'économie des provinces atlantiques.

M. Amirault nous a dit que la TPS a frappé particulièrement durement le Canada atlantique. Les Canadiens de l'Atlantique ont été durement touchés par la TPS, comme tous les autres Canadiens, mais ils n'en ont pas bénéficié autant. Ce sont surtout le Québec et l'Ontario qui ont bénéficié de l'abandon de l'ancienne taxe sur les ventes des fabricants au profit de la TPS.

En fait, honorables sénateurs, dans le rapport du CEPA, on lit ceci:

Ce n'est pas par accident que les trois provinces qui dépendent le plus des taxes à la consommation sont aussi celles qui harmonisent leurs taxes de vente avec la TPS. En effet, ces provinces ont subi la pire érosion de leurs sources de recettes par suite des effets combinés de la mise en oeuvre de la TPS et de la dernière récession. Du point de vue des provinces, cette nouvelle taxe constitue la meilleure solution pour stimuler les ventes au détail d'ici la fin de la décennie.

M. Amirault a ajouté que, selon le CEPA, le Canada atlantique profitera de plus d'économies depuis la mise en application de la TVH que ne lui en a procuré la TPS. À l'heure actuelle, quand un commerçant achète des fournitures, du matériel ou n'importe quel article dont il a besoin pour son commerce, il peut demander le remboursement de la TPS payée sur ces intrants, mais il ne peut pas demander un remboursement de la taxe de vente provinciale sur les mêmes intrants. Ces taxes de vente provinciales deviennent ainsi comprises dans le prix des biens ou services en cause et sont répercutées sur les prochains acheteurs - non pas à titre de taxe transparente, mais dans le prix de base du bien ou du service en cause. Au fur et à mesure de la production, de plus en plus de taxe de vente provinciale est prélevée - ce qui est, en fait, une taxe sur une taxe - et comprise dans le prix, ce que les économistes appellent l'effet domino. Malheureusement, bien sûr, les consommateurs sont ceux qui en font les frais.

En vertu du projet de loi C-70, honorables sénateurs, les entreprises des provinces où la taxe est harmonisée pourront demander le remboursement de toutes les taxes prélevées sur leurs intrants. Elles pourront demander le remboursement en totalité de la TVH de 15 p. 100 - c'est-à-dire le taux combiné de la TPS et de la taxe de vente provinciale -, et non pas seulement la TPS de 7 p. 100 dont elles peuvent maintenant demander le remboursement. Ces crédits d'impôt sur intrants, les CII comme on les appelle, ont amené le CEPA à conclure qu'en permettant aux entreprises de demander le crédit d'impôt sur intrants pour toutes les taxes de vente payées, on fera économiser 585 millions de dollars aux trois provinces atlantiques en cause - soit plus d'un demi-milliard de dollars obtenus par suite de la mise en application de la TVH.

On comprend donc aisément que les entreprises de ces trois provinces aient fort bien accueilli les modifications. En supprimant les taxes comprises dans les prix, on rendra les produits et services du Canada atlantique à la fois plus concurrentiels à l'extérieur et plus abordables pour les consommateurs de la région.

L'Alliance of Manufacturers and Exporters of Newfoundland, qui a témoigné lorsque nous sommes passés à St. John's, a déclaré ceci:

Lorsque le prix des biens canadiens n'est pas concurrentiel, le Canada en paie le coût sous forme de pertes d'emplois et de possibilités économiques.

Il est donc évident que les entreprises peuvent retirer de grands avantages de l'harmonisation de la TPS et de la TVP dans les trois provinces participantes.

Qu'en est-il des consommateurs, honorables sénateurs? Beaucoup de particuliers qui ont pris le temps - bien souvent toute une journée - et ont fait l'effort de venir assister aux audiences nous ont fait part, à titre de témoins impromptus, de leurs opinions et de leurs inquiétudes. Nous avons aussi entendu les représentants d'organismes regroupant des individus et des familles à faible revenu et des personnes à revenu fixe, comme des personnes âgées, et ils ne sont pas du tout convaincus qu'ils bénéficieront de la taxe harmonisée. Beaucoup de ces témoins, honorables sénateurs, croient que cette taxe fera augmenter le prix de certains produits essentiels. Des produits comme le mazout, l'électricité, le carburant et certains vêtements, qui ne sont traditionnellement pas assujettis à la TVP, seront visés par la taxe de vente harmonisée. Puisque ces produits étaient inclus dans l'assiette fiscale de la TPS en 1991, ils seront visés par la taxe harmonisée, c'est-à-dire par une taxe de 15 p. 100 plutôt que par la TPS à 7 p. 100.

Je dois vous avouer, honorables sénateurs, que cet élargissement de l'assiette fiscale à plusieurs produits essentiels est l'aspect du projet de loi C-70, de la taxe harmonisée, qui me trouble le plus. Je me suis battu pour faire exclure ces produits de l'assiette de la TPS en 1990 et en 1991. Franchement, je regrette que nous n'ayons pas réussi, car ces produits ne seraient pas visés par la nouvelle taxe. Cependant, l'assiette de la taxe harmonisée sera la même que l'assiette de la TPS. L'existence d'une assiette commune est un élément fondamental des principes de la simplification et de la réduction des coûts d'administration sur lesquels se fonde la taxe harmonisée: une taxe, un taux, une série de rapports, une administration, une série de règles.

Je suis heureux de pouvoir dire que ceux que j'ai mentionnés sont les seuls produits de base qui sont inclus dans l'assiette de la taxe. Celle-ci ne s'appliquera pas aux produits d'épicerie, aux loyers d'habitation, aux médicaments d'ordonnance et aux appareils médicaux. En outre, la plupart des services de santé et des soins dentaires, l'éducation, les garderies et les services d'aide juridique seront exempts de la taxe harmonisée, comme ils étaient exempts de la TPS.

Le prix de pratiquement tout le reste diminuera. En raison de l'élargissement de l'assiette de la taxe, le taux de taxe diminuera, passant de près de 19 p. 100 en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et de près de 20 p. 100 à Terre-Neuve et au Labrador à 15 p. 100 dans les trois provinces. Cela représente une économie de presque 4 ou 5 points de pourcentage par rapport aux taux combinés actuels de TPS et de TVP dans ces trois provinces. Cette réduction du taux combiné vient s'ajouter aux avantages que les consommateurs tireront de l'élimination de plus d'un demi-million de dollars de taxes cachées.

(1640)

Dans l'ensemble, on peut dire que la taxe harmonisée est avantageuse pour les consommateurs des provinces de l'Atlantique.

Une question revenait constamment durant les audiences: comment savons-nous que les entreprises feront profiter les consommateurs de ces économies? Comment savons-nous qu'elles n'empocheront pas tout simplement les économies pour les ajouter à leurs profits, comme nous le faisait remarquer un groupe anti-pauvreté à Terre-Neuve et au Labrador?

La réponse a été donnée par les sénateurs d'en face durant nos audiences. En 1991, lorsque la TPS a été instaurée, les Canadiens avaient exactement la même crainte, soit que les entreprises ne les feraient pas profiter des économies réalisées grâce à l'élimination de la taxe sur les ventes des fabricants. C'est justement une des questions que nous avions longuement débattue au Sénat. En réponse, le gouvernement progressiste conservateur du jour avait établi un organisme de surveillance par l'intermédiaire de ce qui était à l'époque le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales. Cet organisme a déterminé que les économies réalisées grâce à la TPS étaient transférées aux consommateurs dans une proportion de plus de 90 p. 100.

Quatre-vingt-dix pour cent, c'est une proportion très impressionnante. Les études qui nous ont été présentées sur l'impact de la TVH sur les consommateurs, celles faites par le CEPA, par exemple, et les prévisions statistiques préparées par le gouvernement du Nouveau-Brunswick, qui ont également été déposées devant le comité, utilisent des proportions beaucoup plus conservatrices. Le modèle du Nouveau-Brunswick, par exemple, suppose un transfert des économies dans une proportion de 50 p. 100 seulement, et le modèle du CEPA utilise un pourcentage encore moins élevé. Pourtant, malgré ces pourcentages moins élevés, il a été démontré que les consommateurs profiteraient d'économies importantes grâce à l'harmonisation.

Le modèle du Nouveau-Brunswick, par exemple, montre que la réduction des prix et du taux de la taxe fera économiser 255 $ par année à une famille moyenne dans cette province. Selon ce même modèle, 80 p. 100 des consommateurs de tous les niveaux, y compris les personnes ayant un revenu inférieur à 10 000 $, économiseraient davantage sous un régime de taxe de vente harmonisée.

C'est là un pourcentage très rassurant, mais qui laisse néanmoins 20 p. 100 des consommateurs de divers niveaux de revenu dans une situation qui n'est pas plus avantageuse. Ce sont des personnes qui se situent au bas de l'échelle des revenus. Ce sont ces gens dont les membres du Sénat et du comité doivent se préoccuper le plus. Ces gens sont des pauvres, des mères seules qui travaillent au salaire minimum et des personnes âgées. Le gouvernement a l'obligation morale de s'occuper de ces gens.

Honorables sénateurs, je voudrais prendre le temps de vous dire à quel point les membres du comité et moi-même avons été impressionnés par la qualité des observations que nous avons entendues de la part de particuliers et de groupes qui représentaient des personnes à faible revenu et des familles et personnes à revenu fixe, comme les personnes âgées. Il est rare que nous recevions des observations de ce genre à Ottawa. Aussi, lorsqu'ils étudient des projets de loi qui touchent directement des personnes, les comités sénatoriaux devraient, j'en suis convaincu, se rendre dans les régions pour y recueillir les témoignages des personnes visées par ces mesures. Nous avons entendu des anciens combattants, maintenant des personnes âgées, qui ont exprimé très éloquemment leurs préoccupations au sujet de leur avenir. Nous avons entendu des gens qui travaillent d'arrache-pied tous les jours pour subvenir aux besoins de leur famille.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur Kirby, mais la période de quinze minutes est écoulée. Le sénateur demande-t-il la permission de continuer?

Le sénateur Kirby: Oui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kirby: Je vous remercie, honorables sénateurs.

Par exemple, M. Gerry Hudson, un ancien combattant âgé qui a un revenu fixe de moins de 15 000 $, nous a expliqué avec éloquence ses craintes au sujet de la taxe de vente harmonisée. M. Stanley Devine, qui est aussi une personne âgée, nous a demandé de vous faire part de ses inquiétudes au sujet de cette taxe, en particulier en ce qui concerne son application au chauffage résidentiel. Ce sont des gens qui ont grandement contribué à notre pays. Ce sont deux anciens combattants. Il est compréhensible qu'ils s'inquiètent face à l'augmentation du prix des produits de première nécessité.

Le gouvernement prend la chose au sérieux. On essaie de régler ces problèmes au moyen d'un allégement fiscal. Le remboursement de la TPS ou de la partie fédérale de la TVH est maintenu. Le gouvernement fédéral continuera d'accorder 2,7 milliards de dollars par an au titre du crédit pour TPS aux individus et familles à faible revenu.

En 1996, plus de 8,5 millions de familles et de personnes âgées ayant un revenu annuel inférieur à 20 000 $ ont eu droit en moyenne à 300 $ de crédit pour TPS. D'autres mesures d'aide ont été annoncées dans le dernier budget fédéral en faveur des familles à faible revenu au moyen du supplément enrichi du revenu gagné et en faveur des enfants grâce au programme enrichi de prestation fiscale pour enfants.

Honorables sénateurs, il faut bien comprendre que l'incidence de cette mesure sur les personnes à faible revenu qui vivent dans ces trois provinces ne vient pas du fait d'avoir changé le taux de la taxe fédérale ou l'assiette fiscale fédérale. Il vient de l'élargissement de l'assiette fiscale provinciale de façon à inclure des articles qui étaient exemptés auparavant des taxes provinciales.

Nous avons examiné en comité la question de savoir si le Sénat pouvait modifier le projet de loi de façon à prévoir un remboursement de la partie provinciale de la TVH. Pas plus tard que ce matin, le comité a débattu de la question de savoir si le concept du remboursement de la TPS devrait être étendu à la TVH en accordant au personnes à faible revenu vivant dans ces trois provinces un remboursement de la partie de la taxe provinciale qui est maintenant comprise dans la TVH.

Les membres du comité ne se sont pas prononcés sur cette question en fonction de leur allégeance politique. Nous savions qu'il appartient essentiellement aux provinces de décider comment régler ce problème. Nous ne voulions pas non plus dicter aux provinces quoi faire de leurs recettes. Le sénateur Cochrane a préparé une annexe au rapport qui recommande fortement aux quatre gouvernements d'examiner sérieusement cette question. Nous lui en sommes extrêmement reconnaissants.

Personnellement, honorables sénateurs, j'estime que le temps est venu pour les provinces d'accorder aux individus et aux familles à faible revenu un remboursement sur la partie provinciale de la TVH. J'espère que les trois provinces envisageront très bientôt cette possibilité.

Honorables sénateurs, le comité a adopté aujourd'hui à l'unanimité la résolution du sénateur Cochrance qui figure en annexe au rapport du comité que le greffier a lu il y a un moment. Le dernier paragraphe de la résolution conclut ainsi:

Qu'il soit donc résolu que le comité recommande au Sénat d'exhorter les gouvernements des provinces où la TVH entrera en vigueur à aider les personnes à faible revenu en leur offrant des remboursements, des crédits d'impôt ou des déductions qui compensent la portion provinciale de la TVH.

Je veux remercier le sénateur Cochrane d'avoir conçu cette résolution et de l'avoir défendue si éloquemment durant les déplacements du comité et à la séance du comité d'aujourd'hui.

Notre ultime espoir est, bien sûr, que cette harmonisation favorise le renouvellement économique et la création d'emplois dans les provinces liées par cet accord. M. Blanchard, ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, nous a dit qu'on s'attend à une augmentation minimale du PIB de 0,5 à 1 p. 100, au Nouveau-Brunswick, et à la création de 16 000 nouveaux emplois par année, par suite de l'harmonisation.

L'étude du CEPA dont j'ai parlé tout à l'heure conclut que l'harmonisation aura pour effet net de créer plus de 122 millions de dollars de dépenses de consommation supplémentaires dans les provinces touchées. Cette conclusion tient compte de la réduction des dépenses sur certains articles dont le prix augmentera à cause de l'expansion de l'assiette de la taxe provinciale pour l'harmoniser à celle de la TPS.

Autrement dit, honorables sénateurs, on engendrera 122 millions de dollars de dépenses de consommation supplémentaires parce que, pour la grande majorité des articles, le taux combiné des taxes fédérale et provinciale a diminué d'environ 4 p. 100 au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et d'environ 5 p. 100 à Terre-Neuve, malgré l'augmentation des prix pour les articles qui n'étaient pas sujets à la taxe de vente provinciale auparavant.

Honorables sénateurs, ce sont là des bénéfices importants. En outre, le comité a entendu des témoins de plusieurs types d'industrie. Par exemple, Mme Deborah Ward, présidente de l'Association de l'industrie touristique du Canada, a témoigné pour parler des avantages que représenterait la TVH pour l'industrie du tourisme, surtout à cause de la façon dont le programme de remboursement des visiteurs sera organisé.

En vertu de la TVH, la taxe de vente sur les services de restauration et d'hôtellerie ainsi que sur les cadeaux baissera à 15 p. 100. En outre, aux termes du programme de remboursement de la taxe aux visiteurs, les touristes étrangers pourront réclamer le remboursement des 15 p. 100 au moment de quitter le pays.

(1650)

Honorables sénateurs, selon l'industrie touristique, cette mesure encouragera les gens à se rendre dans les provinces atlantiques et à injecter dans leur économie des sommes bien utiles.

Pour terminer, j'aimerais dire quelques mots à propos de la question qui a attiré le plus d'attention pendant les audiences du comité, à savoir l'inclusion de la taxe dans le prix. Les témoignages que nous avons entendus ont été fort bien résumés dans le Telegraph Journal du Nouveau-Brunswick du 4 mars, l'une des deux journées pendant lesquelles nous avons tenu des audiences à Saint John. L'éditorialiste y disait ce qui suit:

Les entreprises canadiennes sont presque toutes en faveur du principe d'une taxe de vente harmonisée, mais elle sont tout aussi unanimes à s'opposer à ce que la taxe soit incluse dans le prix.

Honorables sénateurs, cela résume très précisément ce que nous avons entendu de presque 200 particuliers et de presque toutes les entreprises qui ont comparu devant le comité. De nombreux témoins, particulièrement des détaillants, ont exprimé des réserves à l'égard de la mise en oeuvre d'une politique favorisant l'inclusion de la taxe dans le prix, surtout si elle ne s'applique qu'à trois provinces et spécialement à trois petites provinces.

Ces gens d'affaires étaient très inquiets de ce qu'il leur en coûterait de respecter les dispositions du projet loi voulant que la taxe soit comprise dans le prix. En fait, ils s'inquiétaient de ce qu'il y aurait dans le pays un système de prix double selon lequel un ensemble de règles s'appliquerait à plus de 90 p. 100 du pays, et un autre aux seules provinces Atlantiques, où la taxe serait comprise dans le prix. Nous avons entendu dire que cette mesure réduirait considérablement les avantages de l'harmonisation pour les détaillants et les autres intervenants du milieu des affaires, que cela augmenterait leurs coûts et qu'ils transmettraient ensuite cette augmentation aux consommateurs, ce qui réduirait les avantages de la TVH pour ces derniers.

Nous avons entendu parler de coûts pouvant atteindre30 000 $ pour qu'un seul magasin se conforme aux exigences du projet de loi sur l'établissement des prix incluant la taxe. Le Conseil canadien du commerce de détail a estimé qu'il en coûterait aux détaillants des trois provinces 100 millions de dollars au cours de la première année pour mettre en application les articles du projet de loi concernant l'établissement des prix incluant la taxe et de 75 à 80 millions de dollars à chaque année par la suite.

Nous avons entendu des prévisions voulant que le coût de la mise en oeuvre de cette politique abolirait la rentabilité de certains commerces et forcerait certaines entreprises à fermer des magasins et à mettre des employés à pied. Pour ceux parmi nous qui ont assisté à ces audiences, ce serait un euphémisme de dire que les détaillants avaient des opinions arrêtées sur la question. Ils nous ont communiqué leur point de vue en termes clairs et précis.

En fait, j'aimerais rendre hommage à Mark's Work Wearhouse, une chaîne nationale de commerces de vêtements qui a présenté des témoins dans chaque ville que nous avons visitée, mais qui a aussi installé à Halifax, en collaboration avec le Conseil canadien du commerce de détail, un kiosque pour illustrer les complications auxquelles les marchands seraient confrontés s'ils devaient mettre en oeuvre la politique sur les prix incluant la taxe. Cette présentation a parfaitement bien expliqué aux membres du comité combien il en coûterait aux détaillants d'adopter les prix incluant la taxe et franchement, honorables sénateurs, à quel point ce serait mêlant pour les consommateurs.

Il est vrai que certains détaillants ont témoigné devant le comité pour dire qu'ils ne s'opposaient pas au prix incluant la taxe. Par exemple, Mme Anne Bertrand, du Conseil économique du Nouveau-Brunswick, une organisation représentant 1 000 petites et moyennes entreprises, dont un nombre important de détaillants dans cette province, nous a dit que cette organisation était d'accord avec le prix toutes taxes incluses. Elle a insisté sur le fait que les consommateurs veulent savoir exactement ce qu'ils devront payer lorsqu'ils se présenteront à la caisse.

Par ailleurs, à Terre-Neuve, nous avons entendu le témoignage très convaincant de Burf Ploughman, qui exploite un commerce de détail et une entreprise de fabrication. Il a réfuté les sondages qui disent que 80 p. 100 des consommateurs sont en faveur des prix incluant la taxe. Il était d'avis, pour en avoir parlé avec les clients de son commerce de détail, que le pourcentage des consommateurs qui sont partisans des prix incluant la taxe est plus près de 100 que de 80 p. 100. D'après lui, les inquiétudes exprimées au sujet de la difficulté qu'éprouveraient les détaillants à satisfaire aux exigences du projet de loi relatives au prix incluant la taxe étaient simplement «de la bouillie pour les chats». Il a dit avoir entièrement confiance dans la capacité du détaillant à s'adapter aux changements mineurs nécessités par l'établissement des nouveaux prix. Pour reprendre les mots de M. Ploughman, «Si c'est bien, pourquoi attendre? Allons-y.»

Malgré tous ces appuis, il est clair que les commerçants seront très hésitants face à cette politique tant qu'un plus grand nombre de provinces n'auront pas signé l'entente. Cette opinion est confirmée par une écrasante majorité des témoignages. Le comité s'est particulièrement intéressé aux propos de certains témoins qui prédisent que les frais supplémentaires entraînés par le système d'établissement de prix toutes taxes comprises vont minimiser les possibilités créées par l'harmonisation. Ne l'oublions pas, honorables sénateurs, l'objectif sous-jacent de ce projet de loi, c'est de créer des emplois, non pas le contraire.

Je pense que le principal intérêt de l'harmonisation, c'est à coup sûr la réduction des prix à la consommation. Le fait que l'établissement de prix toutes taxes comprises pourrait avoir pour effet de réduire le prix sans qu'il en coûte un sou de plus aux consommateurs a été déterminant pour le comité.

Honorables sénateurs, qu'il me soit permis d'insister sur ce que j'ai dit tout à l'heure, au moment où j'ai présenté le rapport du comité. J'appuie fortement, comme tous les membres du comité d'ailleurs - nous étions unanimes - l'amendement adopté par notre comité et visant à suspendre la mise en application de la politique d'établissement de prix toutes taxes comprises tant que les provinces imposant une taxe de vente et représentant 51 p. 100 de la population n'auront pas opté pour ce régime. M. Ploughman a raison, des prix incluant la taxe, c'est peut-être la meilleure chose à faire, mais le moment n'est peut-être pas bien choisi.

Honorables sénateurs, je tiens également à me prononcer sur un autre amendement qui a été débattu au comité hier et aujourd'hui. Cet amendement vise à exempter les livres de la taxe de vente fondée sur la TPS dans l'ensemble du pays. C'est bien connu, bon nombre d'entre nous sont très favorables à cette mesure. Si nous avons accepté d'imposer une taxe sur les livres, c'est parce que nous ne pouvions pas faire autrement, poussés par des contraintes financières. Je me rappelle la passion qui a entouré cette question, quand la TPS a fait pour la première fois l'objet de débats à la Chambre il y a sept ou huit ans. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui prévoit le remboursement intégral de la TPS à l'égard de tous les livres qu'achètent les bibliothèques publiques, les écoles, les universités, les collèges, les municipalités ainsi que certains organismes de charité et organismes sans but lucratif admissibles.

Les fonctionnaires du ministère des Finances nous ont dit que cette initiative, la suppression de la TPS sur les livres s'adressant à ces organisations, coûtera au gouvernement fédéral 25 millions de dollars par année. Pour aller plus loin, si on détaxait complètement les livres, si on supprimait la TPS sur tous les livres au Canada, cela coûterait 115 millions de dollars de plus par année. Le gouvernement a déployé trop d'efforts et les Canadiens ont trop souffert pour juguler le déficit pour que nous adoptions un amendement au projet de loi C-70 qui ferait croître le déficit fédéral de 115 millions de dollars. Pour cette raison, et pour cette seule raison, le comité a décidé de ne pas adopter cet amendement lorsqu'on l'a présenté au comité ce matin.

Je veux ajouter, pour la gouverne des sénateurs qui ne sont peut-être pas au courant de ce fait, que les trois provinces qui ont harmonisé leur taxe ont annoncé qu'elles allaient toutes offrir un remboursement au point de vente pour la part provinciale de la TVH. En d'autres termes, les consommateurs dans les trois provinces participantes ne continueront qu'à payer la TPS fédérale sur les livres, et seulement sur les livres qui ne sont pas vendus à des bibliothèques, des écoles, des universités, des municipalités et des oeuvres de bienfaisance et des organisations sans but lucratif admissibles. Ainsi, même sur les livres qui ne sont pas vendus à ces organisations, le taux de la taxe ne va pas s'élever à 15 p. 100, mais demeurera à 7 p. 100.

Le comité a également entendu un certain nombre d'instances de la part de membres de la profession médicale qui nous ont parlé des problèmes qu'ils éprouvent aux termes de la TPS, problèmes que la TVH ne fera qu'exacerber en faisant passer le taux de 7 à 15 p. 100. Plus précisément, par opposition aux professionnels autres que ceux de la santé et aux chefs de petite entreprise, les médecins sont incapables de réclamer des crédits de taxe sur les intrants pour la TPS qu'ils paient sur leurs fournitures, l'équipement, leur loyer et leurs factures de services publics. Le problème, qui n'est pas attribuable à la TVH, mais bien à la TPS initiale qui a fait l'objet d'un débat animé lorsqu'on a discuté du projet de loi en question au Sénat, découle du fait que les soins médicaux sont exempts de la TPS. Étant donné que les médecins ne font pas payer de TPS à leurs patients, ils ne peuvent réclamer le remboursement de la TPS sur les fournitures et sur l'équipement qu'ils achètent.

Je tiens à dire, honorables sénateurs, que les membres du comité ont beaucoup sympathisé avec la situation à laquelle les médecins sont confrontés. Ce matin, nous avons examiné un amendement visant à imposer un taux de taxe nul sur ce matériel et à autoriser les médecins à demander des crédits d'impôt sur les intrants, mais, encore une fois, nous nous sommes heurtés au coût fiscal d'un tel amendement. On nous a dit que le coût d'adoption de cette mesure seulement pour les médecins risquait de s'élever jusqu'à 150 millions de dollars par année. Selon le comité, il aurait été injuste d'accorder ce traitement aux médecins et non à tout le secteur des soins de santé. Si le même traitement était accordé à tout le secteur des soins de santé, les coûts passeraient à 350 millions de dollars par année.

(1700)

Honorables sénateurs, la dure réalité, c'est que nous ne pouvons pas nous permettre en ce moment d'accroître le déficit de 150 millions ou de 350 millions de dollars par année.

Un dernier amendement a été proposé, mais n'a pas fait l'objet d'un vote au comité. Il concernait une société en particulier, la Compagnie d'assurance-vie Maritime et, parallèlement, la Compagnie d'assurance-vie Assomption, dont le siège social est situé au Nouveau-Brunswick. La question concernant ces deux compagnies est compliquée et technique. Essentiellement, elle porte sur le traitement des frais de gestion des fonds distincts que les compagnies d'assurance-vie utilisent actuellement comme des fonds de fiducie.

Une TPS de 7 p. 100 est actuellement perçue sur les frais de gestion. Avec la TVH, le taux serait porté à 15 p. 100. À la suite d'un amendement qui a été adopté à l'autre endroit et de mesures prises récemment par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse au sujet de la Compagnie d'assurance-vie Maritime et par celui du Nouveau-Brunswick à l'égard de la Compagnie d'assurance-vie Assomption, le problème qui préoccupait ces deux compagnies a effectivement été réglé pour les deux années demandées par ces compagnies et leur gouvernement provincial respectif.

Fait encore plus important, je voudrais souligner, honorables sénateurs, que les quatre gouvernements se sont engagés à revoir cette question dans les six prochains mois, de sorte que, si le problème n'a pas été réglé, on aura suffisamment de temps pour l'examiner, en tenir compte et le corriger avant que les deux années ne soient écoulées.

Je m'engagerais, au nom du comité, à écrire aux présidents et aux chefs de la direction des deux sociétés intéressées, soit la Compagnie d'assurance-vie Maritime et la Compagnie d'assurance-vie Assomption, pour leur dire qu'ils peuvent se présenter de nouveau devant le comité, si le problème persiste après l'étude que doivent faire les quatre gouvernements d'ici six mois.

Honorables sénateurs, permettez-moi de souligner que le projet de loi stimulera considérablement l'expansion économique et la création d'emplois dans les trois provinces qui procèdent à l'harmonisation. Nous avons constaté beaucoup d'enthousiasme et d'optimisme à l'égard de projets dans la région atlantique visée par l'harmonisation. Au nom des habitants de ces provinces, nous devons adopter ce projet de loi et, j'insiste là-dessus, nous devons le faire au plus tôt pour que, le 1er avril, leurs gouvernements puissent mettre en oeuvre la TVH et diriger la région vers une nouvelle ère économique.

Je voudrais expliquer brièvement pourquoi je souligne la date butoir du 1er avril. De nombreux gens d'affaires qui ont témoigné nous ont rapporté que les ventes diminuent dans certains secteurs actuellement, parce que les consommateurs s'attendent qu'un taux de taxe de vente moins élevé entre en vigueur le 1er avril. De plus, divers secteurs de l'industrie du détail, ceux qui vendent des ordinateurs ou d'autres produits technologiques, entre autres, ont entrepris un rajustement afin de pouvoir appliquer cette taxe dès le 1er avril. Tout retard entraînerait de la confusion et causerait de graves difficultés financières aux entreprises de la région.

Nous savons parfaitement les problèmes qui surviennent dans le monde des affaires quand il y a de l'incertitude concernant l'entrée en vigueur d'un changement particulier. Il faut absolument éviter toute incertitude concernant le passage à la taxe de vente harmonisée. Nous devons veiller au respect de la date butoir du 1er avril, que toutes les entreprises du Canada atlantique attendent. De toute évidence, si nous ne respectons pas cette date, nous perturberons tous les commerçants de la région atlantique, ce qui créerait une incertitude que ni les commerçants ni les consommateurs ne méritent.

À cet égard, honorables sénateurs, le comité a unanimement reconnu l'importance de la date butoir et de notre engagement à la respecter.

Honorables sénateurs, je voudrais faire un dernier commentaire sur les activités du comité et la nature des audiences que nous avons tenues. Les audiences dans la région ont été, à bien des égards, les meilleures auxquelles j'ai pu participer depuis ma venue au Sénat. Si elles ont été impressionnantes, c'est surtout parce que nous avons pu vraiment échanger avec des gens qui sont directement visés par une mesure législative. Nous avons compris comment un projet de loi fédéral est perçu sur le terrain, à des centaines ou des milliers de milles d'Ottawa, au lieu d'essayer de le comprendre simplement comme nous le voyons.

Le deuxième grand avantage des audiences itinérantes du comité, c'est que nous avons pu entendre les gens d'affaires expliquer comment une idée qu'ils appuient en principe, soit l'étiquetage du prix incluant la taxe, entraîne des difficultés quand on la met réellement en oeuvre, à moins de l'appliquer dans plusieurs provinces, à un nombre important de consommateurs - autrement dit, en fonction d'une assiette assez large - pour que la mise en oeuvre en vaille la peine.

Franchement, honorables sénateurs, si nous n'avions pas entendu directement les détaillants de toute la région et si nous n'avions pas vu les modèles de Mark's Work Wearhouse, à Halifax, de nombreux membres du comité n'auraient probablement pas bien compris les énormes difficultés qui surviennent quand on applique une idée dans la réalité à une population aussi faible.

En plus des conclusions auxquelles le comité en est arrivé dans son rapport et dont je viens de parler, une autre leçon se dégage des audiences sur le projet de loi: il est important de tenir davantage de ces audiences et, plus particulièrement, de donner aux gens l'occasion de nous expliquer de quelle façon une idée théorique peut se heurter à de grandes difficultés quand vient le moment de la mettre en pratique.

Honorables sénateurs, à la fin de la séance d'aujourd'hui du comité des banques, nous avons réussi à adopter un rapport unanime à présenter au Sénat. Le processus qui nous a menés à cette conclusion est juste. Je crois que nous en sommes arrivés aux conclusions justes et indiquées.

C'est pourquoi, honorables sénateurs, j'invite les membres des deux côtés de notre Chambre à s'unir à moi pour appuyer l'adoption du projet de loi de sorte qu'il puisse entrer en vigueur le 1er avril prochain.

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, je suis très heureux aujourd'hui, tout comme mes collègues de ce côté-ci, pour les habitants de l'Atlantique à cause des améliorations importantes apportées au projet de loi C-70 et qui retarderont et en réalité supprimeront les dispositions sur l'inclusion de la taxe dans les prix.

Nous ne sommes pas aussi satisfaits que nous aurions pu l'être si nos trois ou quatre autres amendements n'avaient pas été rejetés par les honorables sénateurs d'en face et avaient été adoptés par le comité. Mais nous avons réalisé aujourd'hui des progrès réels dont nous, progressistes conservateurs, en sommes fiers. Nous nous attribuons le crédit sans fausse honte.

Vous venez d'entendre ce que le sénateur Kirby a dit des conséquences terribles que l'inclusion de la taxe dans les prix aurait eu pour les braves gens du Canada atlantique. Je suis tout à fait d'accord avec lui, tout comme mes collègues de ce côté-ci. Qu'est-ce qui a amené les sénateurs d'en face à cette prise de conscience rafraîchissante, à cet acte d'humilité? Je ne veux pas céder à l'esprit de parti ni à ce que le sénateur Kirby a qualifié de politique mesquine il y a quelques instants.

(1710)

Je ne peux cependant pas résister à la tentation de relater les propos que le sénateur Kirby a tenus devant les médias nationaux vers les 13 heures, aujourd'hui: «Il faut voir les choses en face», a-t-il dit pour expliquer pourquoi les sénateurs libéraux avaient accepté l'amendement sur l'inclusion de la taxe dans les prix, «nous avons été contraints par les sénateurs conservateurs. Nous avons dû voter pour la suppression de cette disposition injuste qui inclut la taxe dans les prix.»

Honorables sénateurs, je voudrais également dire quelques mots de la décision du comité de se déplacer. Nous, sénateurs progressistes conservateurs, étions bien conscients que le comité des finances de la Chambre des communes avait refusé tout déplacement et que les témoins éventuels des provinces de l'Atlantique n'avaient pas été informés de leur droit de venir à Ottawa aux frais du Sénat ou du Parlement pour faire connaître leur opinion. Nous savions aussi pertinemment que la clôture avait été imposée aux Communes et à l'assemblée législative de deux des trois provinces visées. Nous ne pouvions courir aucun risque, honorables sénateurs. C'est à la demande des sénateurs progressistes conservateurs que le comité s'est rendu dans le Canada atlantique. Cette initiative a eu un grand retentissement, pour le plus grand bien de tous les Canadiens de l'Atlantique, des entreprises et des consommateurs de cette région.

Honorables sénateurs, les audiences du comité chargé d'étudier le projet de loi C-70 et en particulier ses voyages au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et au Labrador, ont été très positifs, comme l'a mentionné le sénateur Kirby. Franchement, le voyage est venu confirmer tout le respect que je voue à nos institutions et toute la confiance que j'ai dans l'efficacité et l'utilité du Sénat et du système de comités sénatoriaux.

Le sénateur Gigantès: Avez-vous parlé de l'utilité ou de la jeunesse du Sénat?

Le sénateur Angus: De l'utilité et de l'efficacité du Sénat.

Quant à la valeur du projet de loi C-70 et à la teneur du rapport du comité, j'aimerais remettre les choses dans leur contexte.

Tout d'abord, permettez-moi de décrire la situation qui prévaut. Nous ne traitons pas ici uniquement du projet de loi C-70, mais également de trois lois provinciales et de deux protocoles d'entente conclus entre les trois provinces atlantiques et le gouvernement fédéral. Autrement dit, il faut examiner le projet de loi et les ententes qui l'accompagnent comme un tout.

Dans la mesure où le projet de loi C-70 vise à améliorer et à peaufiner la TPS, soit l'objectif de la partie I de la mesure législative, nous l'appuyons de tout coeur. Dans la mesure où le projet de loi C-70 tend vers une taxe de vente harmonisée dans tout le pays, nous appuyons de tout coeur ce principe. D'ailleurs, cette initiative et ce principe font depuis longtemps partie de la politique du Parti progressiste-conservateur.

Par contre, honorables sénateurs, dans la mesure où le projet de loi C-70 porte préjudice et s'attaque aux travailleurs à faible revenu, aux pauvres et aux personnes âgées touchant un revenu fixe qui vivent au Canada atlantique, nous, sénateurs progressistes-conservateurs, décrions cette mesure législative. Dans la mesure où le projet de loi C-70, tel que rédigé, renferme des dispositions de mise en oeuvre tendant à annuler les effets bénéfiques d'une taxe de vente harmonisée, les sénateurs progressistes-conservateurs décrient cette mesure législative. Dans la mesure où le projet de loi renferme des dispositions visant à camoufler ou à cacher la TPS, nous décrions cette mesure législative, pour le cynisme qu'elle manifeste à l'égard du processus parlementaire. Dans la mesure où le projet de loi C-70 renferme des dispositions tendant à fragmenter le marché canadien et à balkaniser les provinces démunies qu'il vise, nous, sénateurs progressistes-conservateurs, décrions ce projet de loi et nous battrons pour l'améliorer.

Honorables sénateurs, nous avons d'autres grandes réserves au sujet de ce projet de loi. Mon ami, le sénateur Kirby, a parlé d'un amendement portant sur les livres. Cet amendement a été proposé au comité, mais a été rejeté par six voix contre cinq. Oui, il y a eu un amendement au sujet des médecins, qui sont venus témoigner en masse devant le comité. Cet amendement a aussi été rejeté par six voix contre cinq. Il s'agissait de bons amendements, comme le mentionnait le sénateur Kirby. Je ne sais pas pourquoi ils n'ont pas été approuvés. Je veux prendre quelques instants pour parler du coût associé à ces amendements rejetés, pour illustrer l'arrogance de l'inclusion dans le projet de loi C-70 de dispositions qui n'ont vraiment rien à voir avec les principes fondamentaux du projet de loi.

Les honorables sénateurs ont entendu parler de la somme de 961 millions de dollars, de l'argent versé par les contribuables de l'ensemble du pays, des Canadiens d'un océan à l'autre, pas seulement du Canada atlantique, qui a été puisée dans le Trésor et réaffectée avant même que le Sénat se prononce sur ce projet de loi et avant que la Chambre l'adopte. Cette somme a été inscrite dans les comptes du gouvernement du Canada pour l'exercice financier 1995-1996, malgré les vives protestations du vérificateur général du Canada. C'est un scandale, honorables sénateurs. Le vérificateur général est venu expliquer au comité le processus exact qui a été suivi.

Je dois dire que les sénateurs de ce côté-ci ont trouvé cette histoire horrifiante. Notre sentiment d'horreur a décuplé lorsque nous sommes allés à Terre-Neuve et que le ministre des Finances, l'honorable Paul Dick, a dit ceci: «J'ai reçu, pas plus tard que la semaine dernière, un chèque au montant de 348 millions de dollars, qui me rapporte 100 000 $ d'intérêt cette fin de semaine, et nous nous amusons beaucoup ici, à Terre-Neuve et au Labrador.»

Il est très étrange que le gouvernement fasse de telles choses et tout cela, à cause d'un document appelé le livre rouge. Il a mené à une attitude cynique à l'égard du processus parlementaire et nous, du Parti conservateur, sommes absolument horrifiés. Cela étant dit, que peut-on ajouter?

L'histoire de ce chèque de 348 millions de dollars m'a vraiment dérangé. J'ai demandé au vérificateur général d'employer une analogie avec le monde des affaires. «Quand ferme-t-on les livres du gouvernement fédéral?» Il a dit qu'on les fermait à telle ou telle date. J'ai demandé: «Quand avez-vous soulevé vos graves préoccupations?» Il a répondu qu'il les avait soulevées plusieurs semaines, voire des mois avant la fermeture des livres. J'ai demandé: «Auprès de qui les avez-vous soulevées?» «Auprès des hauts fonctionnaires du ministère des Finances», a-t-il dit. «Ma foi, quels hauts fonctionnaires?» «Je me suis rendu jusqu'au sommet». «Jusqu'au ministre?», ai-je demandé. «Jusqu'au ministre», a-t-il répondu.

Le ministre a utilisé 961 millions de dollars de l'argent des contribuables canadiens pour éponger le déficit de 1995-1996 avant même que le Parlement n'ait autorisé ce paiement, avant que le Sénat n'ait adopté le projet de loi, avant que la Chambre des communes n'ait accepté le projet de loi. J'estime que cela constitue une entorse au processus, un affront au Parlement, et une chose terrible.

Mes collègues et moi-même sommes préoccupés par tellement d'aspects de ce projet de loi que les honorables sénateurs doivent se demander pourquoi le sénateur Kirby a dit qu'il s'agissait d'un rapport unanime. Nous croyons dans l'art du possible et le possible consistait à retirer du projet de loi la disposition concernant le prix incluant la taxe pour les raisons que j'ai exposées plus tôt. Vous verrez cela ce soir aux actualités, non seulement à Newsworld, mais aussi à CTV.

Qu'est-ce qui nous préoccupe encore? Nous sommes préoccupés par l'ineptie et la hâte avec lesquelles nous avons été saisis de ce projet de loi. De nombreux témoins ont comparu devant nous. Le greffier du comité a dû refuser ces pauvres gens qui faisaient la queue pour nous dire ceci: «On ne nous a jamais dit comment cela fonctionnerait. Nous avons demandé des renseignements. Nous sommes allés à Ottawa et nous n'avons pas pu en obtenir. Nous nous sommes adressés au Parlement provincial.»

Je veux citer G. David M. MacKay, du 3263, rue Leaman, à Halifax. Il a écrit ceci:

J'ai préparé ce mémoire après avoir assisté, le vendredi 7 mars, aux auditions que votre comité a tenues sur le projet de loi C-70, à Halifax. J'ai trouvé que les exposés étaient généralement le fruit d'une mûre réflexion et d'excellentes recherches. Les témoins ont dit clairement qu'ils croyaient, dans une certaine mesure, que la démocratie peut permettre de trouver des solutions justes et équitables à leurs problèmes communs. De toute évidence, les sénateurs ont écouté attentivement et posé des questions pertinentes. J'espère que le Sénat pourra éviter que la TVC ne devienne un problème qui nous divise davantage.

Il a aussi écrit ceci:

Les documents que le ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse prétend publier pour renseigner la population sur la TVH sont davantage une tentative délibérée qui vise à désinformer celle-ci et à l'induire en erreur. Ils constituent une insulte à ceux qui savent lire et contribuent à renforcer la désillusion croissante de la population à l'égard du gouvernement. Nous avons certainement le droit de nous attendre à mieux.

(1720)

Honorables sénateurs, les habitants du Canada atlantique ont certainement le droit de s'attendre à mieux. Le Sénat a la responsabilité de s'assurer que, dans l'avenir, pareille mesure n'occasionne pas ce genre de cynisme au sujet d'un projet de loi. Autrement, je pense que, avec ses amendements, le projet de loi C-70 est une bonne mesure législative.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention et je sais que vous serez tous heureux de voir vendredi arriver.

(Sur la motion du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)

 

Projet de loi sur les additifs
à base de manganèse

Présentation du rapport provisoire du comité permanent de l'énergie, de l'environnement et
des ressources naturelles-ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (rapport intérimaire sur le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances de manganèse), présenté au Sénat le 4 mars 1997.

L'honorable Ron Ghitter, président du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole pour exprimer certains points de vue relativement aux constatations du comité, qui font suite à la demande du Sénat d'examiner certaines questions liées au projet de loi sur le MMT.

En guise d'introduction, je voudrais rappeler que, le 18 décembre 1996, une motion a été présentée au Sénat dans laquelle on demandait au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles de présenter un rapport intérimaire avant de déposer son rapport final sur le projet de loi C-29, qui, comme vous le savez, porte sur le MMT.

La motion nous proposait d'examiner trois questions, ce que nous avons fait. D'abord, l'essence à base de MMT est-elle la cause du mauvais fonctionnement des systèmes diagnostiques de bord? Ensuite, le MMT dans l'essence représente-t-il un risque pour la santé des Canadiens? Enfin, le MMT dans l'essence cause-t-il des dommages directs à l'environnement?

Aux termes des instructions données par le Sénat, nous avons tenu des audiences publiques et entendu plus de 40 témoins sur cette question. Je félicite les membres du comité et tous ceux qui ont comparu devant ce dernier de leur participation, de leur attention, de leurs questions, de leur compréhension et du rapport intérimaire dont vous êtes maintenant saisis.

Je voudrais également remercier les membres du comité, qui ont autorisé le dépôt d'un rapport minoritaire. Les trois questions posées par le sénateur Kinsella et sur lesquelles nous nous sommes penchés étaient fort complexes. Les résultats des recherches et les documents qui nous ont été présentés étaient très contradictoires. Il n'était donc pas facile d'en arriver à une conclusion dans les circonstances, et cela se reflète dans les divers points de vue qui ont été exprimés dans les rapports majoritaire et minoritaire.

Honorables sénateurs, pour bien comprendre le point de vue que je veux exposer, il importe de bien connaître l'historique du projet de loi jusqu'à aujourd'hui, et tout particulièrement les mesures qui ont été prises, les questions qui ont été posées et les raisons pour lesquelles nous avons un rapport majoritaire et un rapport minoritaire.

Je tiens à dire, honorables sénateurs, que j'estime que le projet de loi comporte de graves défauts. À mon avis, il contourne des protocoles établis avec les provinces, ce dont je reparlerai tout à l'heure. À mon avis, le projet de loi est réputé être un projet de loi commercial, mais il porte plutôt sur l'environnement. Selon moi, il se pourrait qu'il aille à l'encontre de l'ALENA et des accords commerciaux interprovinciaux. Il pourrait entraîner des pertes d'emplois et la fermeture de raffineries pour des raisons encore obscures. J'estime que le projet de loi contrevient aux principes les plus élémentaires de prudence, ce dont je parlerai tout à l'heure. De plus, je dirais que le projet de loi est marqué du sceau du régionalisme et, enfin, l'argument le plus fort, je dirai que le projet de loi repose sur des bases peu solides et discutables et qu'il n'existe aucune donnée raisonnable sur laquelle on pourrait se fonder pour voter en sa faveur.

Comme le conclut le rapport minoritaire, honorables sénateurs, le projet de loi est contradictoire, il porte à faux et repose sur des hypothèses. Le pire, à mon avis, c'est que le projet de loi démontre comment le gouvernement dit une chose, mais fait son contraire. Nous avons vécu la même situation dans le cas du projet de loi sur les armes à feu, lorsque l'opinion des provinces et des territoires a totalement été écartée. Le gouvernement a fait la même chose dans le cas de la délimitation des circonscriptions électorales. Il l'a fait aussi dans le cas de l'aéroport Pearson et nous le voyons encore clairement dans le projet de loi qui nous occupe. Le gouvernement parle d'harmonisation, de collaboration avec les provinces, il parle d'une nouvelle confédération et d'une époque où il faut tous travailler de concert pour rendre le Canada plus fort. Pourtant, lorsqu'arrive le moment crucial, lorsque le gouvernement veut faire quelque chose, il ne tient aucun compte des provinces ni des territoires. Il fait ce qu'il veut. Il dit: «Au diable l'harmonisation. Au diable la collaboration avec les provinces. Faisons ce que nous voulons, et nous nous préoccuperons des conséquences plus tard.»

Permettez-moi de revenir en arrière maintenant que vous savez à quel point je suis incertain de mes conclusions. Je vous tiens en suspens quant à mon opinion sur ce projet de loi. Ce projet de loi tient probablement plus de la mise en scène politique, bien qu'on le fasse passer pour le sauveur de l'environnement sous le déguisement d'une mesure à caractère commercial. Je vais vous exposer de façon plus détaillée mon analyse du contexte qui a mené à la présentation de ce projet de loi et vous expliquer pourquoi nous avons un rapport majoritaire et un rapport minoritaire. Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que sénateur qui, au départ, ne savait absolument pas ce qu'était le MMT mais qui, au cours des derniers mois, après avoir échangé beaucoup de correspondance, lu des rapports pseudo-scientifiques contradictoires et entendu plus de 40 témoins aux audiences de notre comité, en est arrivé à certaines conclusions que je désire partager avec mes collègues au Sénat. Je le ferai uniquement dans le contexte de ce rapport et laisserai de côté pour l'instant mes opinions sur la constitutionnalité du projet de loi, sur la question de l'ALENA et sur la question du commerce interprovincial. Il suffit de dire que de nombreux problèmes surgiront si ce projet de loi devient loi.

Honorables sénateurs, il est important de comprendre comment ce projet de loi a pris naissance. Je vais vous donner quelques renseignements sur ce qu'était l'entente entre le gouvernement fédéral et les provinces au sujet des mesures législatives environnementales. Je vais vous lire le communiqué des ministres de l'Environnement qui approuvait en principe l'accord d'harmonisation entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ce communiqué est daté du 20 novembre 1996. Il dit que le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a approuvé en principe un accord visant à améliorer et à uniformiser la protection de l'environnement d'un bout à l'autre du Canada. L'accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale prévoit un partenariat entre les gouvernements en vue de donner à tous les Canadiens un environnement de la plus haute qualité. Ses objectifs consistent à améliorer la protection de l'environnement, à promouvoir le développement durable et à accroître l'efficacité et l'obligation de rendre compte des gouvernements responsables de la gestion environnementale.

(1730)

Norm Sterling, le ministre ontarien de l'Environnement et de l'Énergie et président du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, soutient fièrement que l'harmonisation, c'est un partenariat dans le cadre duquel les gouvernements s'emploient ensemble à mieux protéger l'environnement.

Plus loin dans le même document, sont énoncés des principes dont conviennent tous les gouvernements de ce pays. On part du principe de précaution, dont je vous toucherai un mot tout à l'heure, qui veut que, là où le risque existe de causes de dommages irréversibles graves à l'environnement, l'absence de certitude scientifique absolue ne sera pas invoquée pour retarder l'application de moyens économiques de prévenir la dégradation environnementale. Voilà en quoi consiste le principe de précaution qu'il nous faut garder à l'esprit pendant que nous étudions cette mesure législative.

Le CCME dit plus loin que les décisions seront prises de façon consensuelle et qu'elles seront motivées par la volonté d'assurer une qualité environnementale du niveau le plus élevé possible dans un contexte de développement durable.

En ce qui concerne ses priorités pour les 12 prochains mois, le CCME va dresser une liste des mesures qu'il juge importante aux yeux des Canadiens. Au nombre de ces priorités figurent les petites particules en suspension dans l'air, l'ozone troposphérique, les émissions de benzène, le mercure dans n'importe quelle substance et ainsi de suite.

Honorables sénateurs, le MMT n'est pas mentionné une seule fois dans la liste des priorités que se sont fixées nos ministres de l'Environnement. Il n'en est question nulle part dans ce document.

Qu'en est-il alors? Ce projet de loi tombe du ciel et prend tout le monde par surprise. Ce projet de loi qui se veut un projet de loi commercial est en fait un projet de loi environnemental, en dépit du fait que le ministre du Commerce international, M. Eggleton, s'obstine à ne pas vouloir venir faire part au comité de ses commentaires sur les réserves que nous avons à l'égard du projet de loi. Seul le ministre de l'Environnement, M. Marchi, a comparu devant le comité. C'est malheureux, mais il faut bien le dire, en dépit du fait qu'il s'agit d'un projet de loi commercial et malgré les trois lettres que je lui ai envoyées pour l'inviter, le ministre persiste dans son refus de nous entretenir de questions se rapportant aux échanges commerciaux, à l'ALENA et au commerce interprovincial. Il refuse de venir témoigner, ce qui constitue, à mon avis, une insulte au Sénat, et de participer aux travaux de notre comité. Nous ne pouvons pas l'y forcer. Le sénateur Buchanan a présenté au Sénat une motion nous priant de demander à M. Eggleton de bien vouloir se présenter devant le comité.

Même si le ministre qui aurait dû présenter le projet de loi ne l'a pas fait, le projet de loi va de l'avant. Qu'arrive-t-il? Huit provinces et deux territoires nous disent: «Minute, vous ne pouvez pas faire ça. Vous passeriez outre aux ententes intervenues entre nous.» Ils viennent nous voir et implorent le gouvernement de les laisser procéder de la façon habituelle. «Qu'est-ce qui presse tant?», demandent-ils. «Laissez-nous faire ce qu'il faut, conformément aux protocoles établis, afin que nous puissions en vérifier le fondement scientifique et qu'il nous soit utile par la suite au lieu de nous l'imposer unilatéralement.»

Le premier ministre de l'Alberta, celui qui occupait ce poste, qui l'occupe aujourd'hui et qui l'occupera encore demain, j'en suis sûr, a pris la chose tellement au sérieux que, le 14 mai 1996, il a écrit au premier ministre du Canada. Il lui disait dans sa lettre:

Je voudrais demander au gouvernement fédéral de surseoir à l'adoption du projet de loi C-29, lequel, s'il était adopté, aurait pour effet d'interdire l'importation et le commerce interprovincial de l'additif MMT. Il s'agissait d'une question extrêmement urgente qui inquiétait l'Alberta et l'industrie du raffinage du pétrole...

Il résume en disant ceci:

[...] il n'est pas évident que le fait d'éliminer le MMT de l'essence aura des avantages concrets sur le plan de l'environnement.

Il parle aussi de ses préoccupations relativement à l'ALENA.

Il dit ensuite:

Je suis très contrarié par la façon unilatérale dont cette décision a été prise et mise en oeuvre. Une solide collaboration fédérale-provinciale s'impose relativement aux questions environnementales d'une portée nationale, notamment la qualité de l'air. Des solutions à d'autres questions liées au carburant ont été prises de façon conjointe, au sein de groupes de travail du Conseil des ministres de l'Environnement, et en collaboration avec le Conseil des ministres de l'Énergie. Toutefois, dans le cas du MMT, Environnement Canada a décidé, malgré le point de vue exprimé par la majorité des provinces, d'imposer une solution fondée sur des motifs [...]

J'utiliserais même un qualificatif plus fort.

[...] environnementaux suspects. Cette approche unilatérale viole aussi le principe qui consiste à consulter les intervenants.

Et tant pis pour l'harmonisation. Et tant pis pour ce qui est de rassembler les provinces afin de trouver des solutions à leurs problèmes. Et tant pis pour la soi-disant nouvelle approche confédérative. La vérité, c'est que le fédéral dit aux provinces «c'est notre solution ou rien d'autre. Oubliez les protocoles conclus il y a six mois. Nous allons agir comme nous l'entendons, que cela vous plaise ou non.» Telle est la façon de faire du gouvernement. Telle est la façon dont il a agi dans le cas du contrôle des armes à feu, de l'aéroport Pearson et des limites des circonscriptions électorales. Ce n'est pas une façon de faire avancer les choses ou de traiter efficacement d'une mesure législative de cette nature.

J'aimerais élaborer sur ce qui s'est passé lorsque nous avons tenu nos réunions. Avant ces réunions, et outre la documentation obtenue, nous avons entendu des représentants de la Nouvelle-Écosse qui ont mentionné que, durant 27 ans, Environnement Canada avait eu une approche fondée sur la collaboration relativement à la plupart des questions environnementales touchant le Canada. Nous avons aussi reçu copie de lettres adressées au gouvernement fédéral par le ministre et le premier ministre de la Saskatchewan. Le premier ministre Romanow a écrit au premier ministre Chrétien l'automne dernier pour lui faire part de ses préoccupations, non seulement au sujet de la manière dont le projet de loi a été élaboré mais également au sujet de l'absence de fondement scientifique du projet de loi. Le 7 février, des représentants du ministre de l'Énergie de cette province ont comparu devant notre comité. Nous avons discuté de la question avec eux. Ils ont dit à quel point la situation est devenue une source de mécontentement et de confusion parce que le gouvernement fédéral s'est engagé à se conformer aux ententes fédérales-provinciales sur l'harmonisation de la gestion environnementale, alors que dans les faits il n'en tient aucun compte.

Voilà où nous en sommes. Le gouvernement impose un projet de loi à la population canadienne et aux provinces. Ce projet de loi n'a aucun fondement scientifique, bien au contraire. Pourquoi nous demande-t-on de l'adopter? Comment se fait-il que, pour la première fois depuis que je siège au comité de l'énergie, pas un seul fauteuil n'était vide du côté de la salle réservé aux libéraux? Pourquoi la chose est-elle si urgente que nous devons régler la question aussi rapidement? Pourquoi? Serait-ce parce que les députés libéraux de l'Ontario sont aux ordres des producteurs d'éthanol?

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, je regrette d'interrompre le sénateur, mais je dois l'informer que les 15 minutes dont il disposait sont épuisées. Y-a-t-il consentement unanime pour que le sénateur poursuive?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Ghitter: Et cela continue. Se pourrait-il que les députés du sud de l'Ontario, inquiets de voir le Parti conservateur ressusciter et craignant de perdre leurs sièges, veulent attirer les producteurs d'éthanol dans les collectivités rurales qui espèrent que si le MMT est éliminé, ce sera l'éthanol qui le remplacera, en leur faisant croire qu'il y aura un marché, même si on nous dit le contraire?

(1740)

Se pourrait-il que les députés libéraux de la région métropolitaine de Toronto, se fiant aux dires des grands de l'automobile, estiment que le MMT pose certains problèmes? Se pourrait-il que Mme Copps, avec sa modestie et son flair politique habituels, ait senti le vent politique et essaie de dissimuler le fait que si le manganèse pose un problème dans ce pays, ce n'est pas à cause du MMT mais du fait que c'est dans la circonscription qu'elle représente que les taux de manganèse - des taux qui ne sont pas rapportés - sont les plus élevés et les plus dangereux? Se pourrait-il qu'il y ait un peu de camouflage quant à la véritable origine du problème du manganèse et que le MMT n'en soit pas la cause?

Que peut-on penser d'autre, honorables sénateurs, si l'on examine bien cette mesure législative? Si je croyais même une seconde que le MMT pouvait nuire à notre environnement, j'appuierais ce projet de loi. Qu'est-ce qui peut amener un gouvernement à éviter tous les protocoles établis dans les 27 dernières années, à écraser toutes les provinces, à prendre des décisions sans avoir de preuves scientifiques et à déclarer que «le Canada aura une telle loi, que ça lui plaise ou non»?

En tant qu'originaire de l'Ouest, j'estime que c'est une mesure pour cette bonne vieille région du sud de l'Ontario. Rien ne change, à part les visages et les enjeux. Si c'est notre rôle, en tant que sénateurs, de nous intéresser aux régions de temps en temps et de veiller à l'équité envers les régions - surtout si l'on pense à la structure actuelle de la Chambre des communes, où il n'y a pas de véritable opposition - nous devons dénoncer les lacunes de ce projet de loi, et c'est ce que nous avons l'intention de faire.

Quelle est donc la raison d'être de cette mesure législative? Qu'est-ce qui pousse le gouvernement à nous l'imposer? En comité, on nous a dit qu'Environnement Canada invoquait la précaution. Je souscris aux mesures de précaution. Je pense qu'elles sont raisonnables et importantes et je sais que c'est quelque chose que tous les sénateurs appuient.

Pour bien comprendre cette mesure législative, il faut comprendre en quoi consistent les mesures de précaution. En 1992, la déclaration de Rio sur l'environnement précisait que pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures efficaces en termes de coûts visant à prévenir la dégradation de l'environnement.

Dans son témoignage devant notre comité, M. Daniel Krewski, directeur par intérim du Bureau des dangers des produits chimiques de Santé Canada, nous a dit que Santé Canada avait conclu que les risques pour la santé associés à l'émission de manganèse due à l'utilisation de MMT dans l'essence canadienne étaient négligeables. Néanmoins, il a invité le comité à appuyer le projet de loi par mesure de précaution.

Je comprends que ce monsieur appuie ce projet de loi puisque, après tout, c'est un projet de loi ministériel et nous ne voudrions pas qu'il perde son emploi. Mais en fin de compte, il a avili sa position personnelle et celle de son ministère lorsque, après avoir présenté toutes le preuves, il a quand même appuyé le projet de loi.

Permettez-moi de vous dire ce que pense Santé Canada du danger que présente le MMT pour la santé selon ce qu'en dit un communiqué publié en novembre 1992 sous le titre «Nouveautés en provenance de la Direction générale de la protection de la santé de Santé et Bien-être Canada».

On demandait ceci:

Le manganèse du MMT est-il susceptible de causer les mêmes problèmes de santé que le plomb?

Voici la réponse:

Non. Bien que le plomb et le manganèse soient tous les deux des métaux lourds, il y a de grandes différences entre les deux.

Le manganèse est un oligo-élément dont l'organisme a besoin chaque jour pour conserver sa santé. Par contre, on ne connaît pas d'effets bénéfiques au plomb. Le manganèse est aussi un élément beaucoup plus abondant, le douzième en importance sur la terre. Il est présent en grandes quantités dans notre alimentation et on le trouve dans le sol à des concentrations 100 fois supérieures à celles du plomb [...]

[...] Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement susceptibles aux effets toxiques du plomb, et cela même à des concentrations relativement faibles.

Le document parle des dangers possibles du MMT. Il conclut:

En se fondant sur les données existantes, les spécialistes de Santé et Bien-être social Canada estiment que les risques pour la santé du manganèse provenant du MMT sont faibles. De toute évidence il y a une importante marge de sécurité entre la dose actuelle de manganèse provenant du MMT et la plus faible concentration de manganèse en suspension susceptible d'avoir des effets sur la santé.

C'est seulement en milieu industriel, comme les mines ou les usines d'élaboration du métal, que les concentrations de manganèse pourraient être suffisantes pour produire des effets toxiques. Je mentionne à cet égard la ville de Hamilton et les difficultés qu'elle connaît.

Lorsque M. Krewski est venu devant le comité le 6 février 1997, nous lui avons demandé d'exposer la position de son ministère au sujet de l'étude de 1992. Nous lui avons demandé s'il y avait eu des mises à jour depuis 1992 et il a répondu que l'on avait étudié la question à trois autres occasions et que les conclusions étaient les mêmes qu'en 1992, à savoir que le MMT ne présente pas de risque pour la santé des Canadiens. Il a aussi déclaré qu'une étude comparée de la teneur de l'air en manganèse dans des grandes villes des États-Unis où l'on n'utilise pas de MMT et dans des villes du Canada où le MMT est utilisé n'avait pas montré de différence, et qu'il n'y avait nulle part de problème sanitaire.

La première question posée par notre comité dans le rapport provisoire était de savoir si le MMT présentait un danger pour la santé des Canadiens. La conclusion est évidente. Il n'y a aucune preuve de risque pour les Canadiens. Essentiellement, un employé du ministère de la Santé a été placé dans une situation embarrassante. On lui demandait d'appuyer un projet de loi, alors qu'il savait que toutes les preuves étaient contraires à ce qu'il avait devant lui.

La deuxième question traitée dans le rapport du comité porte sur l'effet de l'essence à base de MMT sur les systèmes diagnostiqueurs de bord; est-elle oui ou non une cause de leur mauvais fonctionnement? Nous devons examiner ce point à la lumière de nos connaissances à ce sujet. Je vous explique la situation. Les nouvelles automobiles sont dotées de systèmes diagnostiqueurs de bord qui émettent un avertissement lorsque le dispositif antipollution ne fonctionne pas. Selon les allégations, le MMT encrasserait les rouages et ces systèmes ne fonctionneraient plus adéquatement.

Nous avons demandé à Environnement Canada, le ministère qui conseille le gouvernement en la matière, s'il avait procédé à des études indépendantes qui indiqueraient que le MMT encrasse effectivement les systèmes diagnostiqueurs de bord. Environnement Canada a déclaré n'avoir fait aucune étude du genre. Le propre conseiller du gouvernement, qui appuie ce projet de loi, se présente devant nous, alors que des allégations prétendent que l'impact de ce produit est terrible pour les dispositifs antipollution, et affirme qu'il est inquiet et consterné à cause de ces systèmes diagnostiqueurs, mais il n'a pas commandé un seul essai indépendant pour déterminer si oui ou non ces allégations sont fondées.

Si nous ne pouvons pas examiner la situation au Canada, nous devrions regarder du côté des États-Unis, qui ont acquis une grande expérience dans ce domaine. Les États-Unis se penchent sur cette question depuis quelque temps déjà par le truchement de l'EPA, leur agence de protection de l'environnement. À quatre reprises, ils ont dit à la société Ethyl de ne pas se présenter devant leur agence avant de pouvoir prouver que le MMT encrassait effectivement les systèmes diagnostiqueurs de bord.

S'appuyant sur toutes les données fournies par la société Ethyl et d'autres concernant les répercussions possibles de l'utilisation de MMT dans l'essence sans plomb sur les dispositifs de contrôle des émissions, l'administratrice de l'EPA a déterminé, le 30 novembre 1994, que la société Ethyl avait satisfait aux conditions du Clean Air Act des États-Unis et prouvé que l'utilisation de MMT [...]

[...] à la concentration spécifiée n'empêcherait pas le dispositif ou système de contrôle des émissions (pour la vie utile de tout véhicule dans lequel ledit dispositif ou système est installé) d'assurer la conformité du véhicule aux normes en matière d'émissions en vertu desquelles il a été certifié.

Après avoir étudié la question pendant des années, l'EPA, un organisme très respecté aux États-Unis, vient d'établir que ce n'est pas la cause.

(1750)

D'autres qui n'ont pas lu ce jugement ou qui ne l'ont peut-être pas examiné aussi attentivement qu'ils auraient dû le faire, ont dit qu'il avait été invalidé sur un point de détail. Le point de détail n'avait rien à voir avec cette question. Le point de détail dont on a saisi les tribunaux avait trait à une question complètement différente, soit celle de savoir si l'EPA avait outrepassé ou non son champ de compétence sur une tout autre question. Ce jugement tient toujours. Il a toujours force de loi aux États-Unis. Le MMT y demeure une substance légale, et j'ajouterai que la substance continue d'y faire l'objet de recherches, comme on l'a dit, depuis 1994. La question peut faire n'importe quand l'objet d'un réexamen et, si on réunit d'autres preuves, on pourrait toujours y interdire le MMT, mais rien n'a été fait à ce sujet depuis août 1994. Les autorités ne me semblent pas particulièrement inquiètes.

Qu'en disent les fabricants d'automobiles? Nous entendons dire que 21 fabricants d'automobiles, dont les plus importants, sont venus se faire entendre à nos audiences. Nous avons vu les représentants de Toyota aux côtés de ceux de Honda, et ceux de GM aux côtés de ceux de Ford et Chrysler, dire à l'unisson: «Cette substance encrasse les dispositifs de contrôle. Il faut l'interdire. Nous sommes unanimes. C'est une chose terrible.» Examinons donc un peu plus attentivement ce qu'ils ont dit quand ils n'étaient pas devant notre comité, quand ils s'exprimaient publiquement. Voici ce que disaient les porte-parole de Toyota, en juillet 1994; ce témoignage figure dans notre rapport minoritaire:

Toyota a contrôlé les codes SDI-II sur 24 véhicules canadiens et 10 véhicules américains de l'année 1994, afin d'établir si le MMT avait sérieusement limité la capacité du dispositif de contrôle du catalyseur au Canada. Toyota n'a trouvé aucune preuve voulant que des détections erronées par le dispositif de contrôle du catalyseur se soient produites en raison de l'utilisation du MMT.

Que dit Ford à l'extérieur de notre comité? Encore une fois, on peut lire dans notre rapport que son porte-parole a déclaré, le 6 décembre 1996, devant le CARB, le California Air Resources Board:

[...] nous avons certifié que toute la gamme de véhicules Ford de l'année 1996 ne présentait que quelques défaillances liées au contrôle du SDI-II, mais nous avons subséquemment dû limiter le fonctionnement du contrôleur de ratés de la plupart de nos véhicules en raison d'un nombre anormalement élevé de cas de témoins qui s'allumaient. Après cela, il a été impossible de répéter les ratés et donc d'effectuer la réparation [...] Nous avons donc dû recourir aux dispositions sur les défaillances du contrôleur de ratés.

Honorables sénateurs, cela se passe en Californie, où l'on n'utilise pas le MMT. Les témoins s'allument pour indiquer que les systèmes de diagnostic de bord des voitures ne fonctionnent pas. Ainsi, les intéressés éprouvent les mêmes problèmes que ceux qu'ils attribuent ici à l'utilisation du MMT.

Que dit la société GM à ses concessionnaires au sujet du MMT ou des problèmes éprouvés avec les systèmes de diagnostic de bord? La présidente de la compagnie est venue nous voir et nous lui avons posé la question suivante: «Avez-vous vu cette circulaire d'information envoyée par votre compagnie à vos concessionnaires, et avez-vous remarqué que l'on y mentionne un certain nombre de raisons possibles pour lesquelles les systèmes de diagnostic de bord ne fonctionnent pas, notamment la pression causée par la vapeur, l'environnement, la façon dont le véhicule est conduit, les fortes vibrations, l'entretien inadéquat du véhicule, ou le MMT? Est-il possible qu'une raison autre que le MMT puisse empêcher ces systèmes de fonctionner?» La présidente a évidemment répondu qu'elle n'avait pas vu cette circulaire.

Honorables sénateurs, en tant que législateurs intelligents et en tant qu'individus tenus d'examiner ce projet de loi à la loupe, compte tenu des éléments de preuve dont nous disposons, nous devons absolument nous interroger sur ce qui justifie notre étude de ce projet de loi.

Je ferai remarquer aux honorables sénateurs un autre fait, qui est important. Les raffineurs, ceux qui appuient le MMT, y compris Ethyl Corporation, ont écrit au gouvernement que, s'ils avaient tort, ils cesseraient immédiatement d'utiliser le MMT. Ils ont déclaré au gouvernement ce qui suit: «Nous voulons une étude indépendante. Confiez-la à un établissement d'éducation ou à un groupe, comme vous le voulez. Qu'une étude indépendante soit réalisée. Il faudra de trois à quatre mois. Après tout, nous utilisons le MMT depuis 17 ans. Nous réclamons une étude indépendante.» Honorables sénateurs, les provinces également ne demandent rien de plus. «Laissez-nous l'étude indépendante. Nous rassemblerons les faits, de sorte que nous les connaîtrons. Il nous faut une base scientifique pour ce que nous voulons faire.» Elles ont ajouté: «Si l'étude montre que le MMT nuit aux systèmes d'émission des automobiles, nous l'éliminerons de plein gré.»

Honorables sénateurs, si cela n'est pas raisonnable, qu'est-ce qui peut l'être? N'est-ce pas une bonne approche que celle de l'harmonisation et de la collaboration? J'estime que c'est l'approche qui s'impose. Lorsqu'on a demandé au ministre Marchi pourquoi il ne s'engageait pas dans cette voie, il a répondu que cela ne donnerait rien de bon et ne nous mènerait nulle part.

Le sénateur Kinsella: Il allait autoriser une pompe avec de l'essence au MMT, de toute façon.

Le sénateur Ghitter: Une des autres choses que ce ministre a proposées, et qui avait été proposée par Mme Copps lorsqu'elle était ministre, est que nous ayons deux pompes côte à côte, l'une avec de l'essence au MMT et l'autre avec de l'essence sans MMT, et que nous laissions les consommateurs choisir. L'industrie pétrolière et gazière n'a pas trouvé cela acceptable à cause des coûts. S'il est acceptable d'avoir ainsi deux pompes, pouvons-nous prendre le ministre au sérieux lorsqu'il parle de conséquences terribles ou, pire encore, lorsqu'il dit: «Ethyl a voulu nous imposer le plomb et elle veut maintenant nous imposer le manganèse,» essayant de faire une analogie entre les deux produits? C'est une analogie ridicule et insidieuse, si je me fie à toute l'information que j'ai consultée.

Je sais que le temps qui m'était accordé est écoulé depuis longtemps et que c'est l'heure du dîner. Je vous remercie de votre patience. J'aborderai de nouveau la question lorsque nous serons saisis du projet de loi, mais permettez-moi de tirer une conclusion en terminant, nous avons toujours quelques conclusions à tirer. Le sénateur en a tiré quatre au cours de son discours. Sénateur Taylor, je n'ai pas encore tout à fait terminé.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je sais qu'il se fait tard, mais je sais aussi que mon honorable collègue de l'Alberta est particulièrement éloquent lorsqu'il a l'estomac vide. Alors, je me demandais s'il accepterait que je lui pose une question.

Le sénateur Ghitter: Je n'ai jamais assez faim pour refuser de répondre à une question, mais pourrais-je compléter ma dernière phrase avant que vous me posiez votre question ou préférez-vous la poser immédiatement?

Le sénateur Taylor: Je voudrais la poser tout de suite. Vous avez mentionné les systèmes OBD-I et dit que, en 1994, le manganèse n'encrassait pas ces systèmes, ce qui est tout à fait vrai, mais pourriez-vous informer le Sénat de la date à laquelle les systèmes OBD-II ont été inventés et installés pour la première fois dans les automobiles?

Le sénateur Ghitter: Je crois que je vais invoquer le cinquième amendement pour refuser de répondre. Je vais compléter mon intervention. Vous et moi pourrons en discuter en mangeant.

Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure, et je serai ensuite très heureux de répondre aux questions.

Le sénateur Taylor: Je savais qu'il avait l'estomac dans les talons, mais je ne pensais pas que son esprit s'y trouvait aussi.

Le sénateur Ghitter: En conclusion, à propos des trois questions auxquelles nous avons répondu, j'invite tous mes collègues du Sénat à lire le rapport et à accorder une attention particulière au rapport minoritaire qui a fait l'objet d'une mûre réflexion. Je rappelle aussi aux sénateurs que, actuellement, dans notre pays, nous ne voulons pas prendre position ni simplement ignorer nos collègues des provinces et éviter le protocole, à moins qu'une urgence nous y oblige. Évidemment, il peut arriver que nous ayons à le faire.

À mon avis, ce n'est pas le cas actuellement. Le moment est venu de mettre ce projet de loi de côté et de prendre le temps d'étudier la question car, sincèrement, quand on examine les preuves, on constate qu'il n'y a aucune urgence. Il n'est pas nécessaire de supprimer le MMT comme additif à l'essence. De plus, le MMT peut présenter certains avantages. Il est en effet important de comprendre que le MMT réduit de 5 à 20 p. 100 les émissions de NOx qui sont très utiles, car elles permettent de réduire le smog. Autrement dit, nous interdirions quelque chose qui peut avoir des effets positifs sur l'environnement. Nous savons que le MMT a maintenant un effet bénéfique sur l'environnement en réduisant les émissions d'oxyde d'azote. Par conséquent, pourquoi faudrait-il l'interdire si rien ne prouve qu'il est nocif?

(1800)

Nous y reviendrons quand nous étudierons le projet de loi. J'ai hâte au débat. Il y a encore un grand nombre de questions qui ne sont pas abordées dans le rapport intérimaire, comme la constitutionnalité et la poursuite de 200 millions de dollars intentée contre le gouvernement fédéral.

Je remercie les sénateurs et ceux qui ont travaillé si fort à la rédaction de ce rapport. Je soumets mes observations à votre attention.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je ne sais trop comment le dire, mais je pense que nous nous engageons sur une pente savonneuse. Voulez-vous vraiment que je parle pendant 17 heures et 45 minutes un bon jour parce que nous avons commencé à passer outre à la règle que vous avez si sagement adoptée en limitant les discours à 15 minutes? Je pense que nous devrions nous pencher de nouveau là-dessus.

(Sur la motion du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément au Règlement, je n'ai d'autre choix que de quitter le fauteuil à moins qu'il y ait une entente pour continuer.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que vous trouverez qu'on est d'accord pour que tous les autres articles restent au Feuilleton. Je crois cependant que le sénateur Spivak essayait de prendre la parole pour poser une question.

L'honorable Mira Spivak: Je le ferai à un autre moment.

Le sénateur Graham: Nous serions prêts à ne pas tenir compte de l'heure pour permettre à madame le sénateur Spivak de poser sa question, car elle n'aura peut-être pas l'occasion de le faire demain.

L'honorable Noël A. Kinsella: La débat a été ajourné.

Le sénateur Gigantès: Pourquoi baîllonnez-vous le sénateur Spivak?

Son Honneur le Président: Je n'ai d'autre choix que de quitter le fauteuil à moins qu'il y ait une entente.

Le sénateur Graham: Je crois qu'il y a une entente. Je crois qu'on est aussi d'accord pour que tous les autres articles restent au Feuilleton.

Son Honneur le Président: Est-on d'accord pour que tous les autres articles restent au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 12 mars 1997, à 13 h 30.)


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