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47 Elizabeth II, A.D. 1998, Canada

Journaux du Sénat


Numéro 53

Le jeudi 2 avril 1998
14h00

L'honorable Gildas L. Molgat, Président


Les membres présents sont :

Les honorables sénateurs

Adams, Andreychuk, Angus, Atkins, Bacon, Beaudoin, Berntson, Bryden, Butts, Callbeck, Carstairs, Cochrane, Comeau, Cook, Corbin, De Bané, Di Nino, Doody, Fairbairn, Ferretti Barth, Fitzpatrick, Forest, Gauthier, Gigantès, Grafstein, Graham, Grimard, Hébert, Hervieux-Payette, Johnson, Johnstone, Joyal, Kelleher, Kelly, Kenny, Keon, Kinsella, Lawson, LeBreton, Lewis, Lynch-Staunton, Maheu, Meighen, Milne, Molgat, Moore, Murray, Nolin, Oliver, Perrault, Poulin, Prud'homme, Roberge, Simard, Sparrow, Stewart, Tkachuk, Watt

PRIÈRE

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Des honorables sénateurs font des déclarations.

AFFAIRES COURANTES

Présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux

L'honorable sénateur Comeau, président du Comité sénatorial permanent des pêches, présente le deuxième rapport de ce Comité (budget-étude concernant des permis à quota dans l'industrie des pêches au Canada).

Ordonné : Que le rapport soit imprimé en appendice aux Journaux du Sénat de ce jour et constitue partie intégrante des archives de cette Chambre.

(Voir Appendice)

Avec la permission du Sénat, L'honorable sénateur Comeau propose, appuyé par l'honorable sénateur Beaudoin, que le rapport soit adopté maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée. L'honorable sénateur Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le septième rapport de ce Comité (projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel), sans amendement.

L'honorable sénateur Carstairs propose, appuyé par l'honorable sénateur Cook, que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour pour une troisième lecture à la prochaine séance.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

L'honorable sénateur Bacon, présidente du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, présente le sixième rapport de ce Comité (projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports et une autre loi en conséquence), avec certains amendements et des observations.

Un des greffiers au Bureau donne alors lecture du rapport, comme il suit :

Le JEUDI 2 avril 1998

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports et une autre loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 21 octobre 1997, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les amendements et les observations suivantes :
1. Page 2, article 3: substituer la ligne 19 par ce qui suit :
« cinq membres, dont au moins trois membres à plein temps, nommés par le gouverneur en »
2. Page 9, article 17: substituer la ligne 4 par ce qui suit :
« reçues par le poste de pilotage d'un aéronef, par une installation de contrôle des opérations aériennes, »
3. Page 9, article 17: substituer la ligne 10 par ce qui suit :
« rant le fonctionnement des aéronef, installation de contrôle des opérations aériennes, navire, »
4. Page 13, nouvel article 28.1: ajouter après la ligne 18 ce qui suit :
« 28.1 Dans le cas des procédures judiciaires, disciplinaires ou autres en cours le jour de l'entrée en vigueur de la présente loi ou engagées ce jour ou après celui-ci, les articles 32 et 33 de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi, s'appliquent relativement à tout accident de transport - au sens de l'article 2 de cette loi, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi - qui est survenu avant l'entrée en vigueur de celle-ci. ».

Observations

Le Comité a entendu le témoignage du président de la Commission de la sécurité dans les transports des États-Unis, M. Jim Hall. Ce dernier a expliqué que l'un des problèmes qu'il a connus durant son mandat, c'est le manque de coordination et d'appui à l'intention des familles à la suite d'une tragédie aérienne. Le Congrès des États-Unis a réagi en adoptant en 1996 une loi sur l'aide aux familles touchées par les accidents d'avion, la Aviation Disaster Family Assistance Act. Cette loi donne à la Commission de vastes pouvoirs pour répondre aux besoins des familles des passagers victimes d'accidents d'avion.

Votre Comité estime que la situation au Canada devrait être évaluée et que le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports mène une étude en vue de relever les lacunes dans les services de consultation et de facilitation offerts aux parents et amis des Canadiens tués dans des accidents d'aviation afin de déterminer les mesures correctrices éventuellement nécessaires.

De plus, votre Comité estime que l'expertise du Bureau pourrait être mise à contribution et que le Bureau devrait examiner les moyens de collaborer plus étroitement avec d'autres organismes fédéraux et provinciaux pour déterminer s'il pourrait ou non jouer un rôle plus grand dans les enquêtes sur certains des accidents de la route les plus graves au Canada.

Respectueusement soumis,

La présidente,

LISE BACON

L'honorable sénateur Bacon propose, appuyé par l'honorable sénateur Ferretti Barth, que le rapport soit inscrit à l'ordre du jour pour étude à la prochaine séance.

La motion, mise aux voix, est adoptée. L'honorable sénateur Murray, c.p., président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dépose le quatrième rapport (intérimaire) de ce Comité, intitulé « L'état des soins de santé dispensés aux anciens combattants et aux personnes des forces armées canadiennes - Premier rapport : Soins de longue durée, normes de soins et relations fédérales-provinciales ».-Document parlementaire no 1/36-538S.

L'honorable sénateur Murray, c.p., propose, appuyé par l'honorable sénateur Doody, que le rapport soit inscrit à l'ordre du jour pour étude à la prochaine séance.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Introduction et première lecture de projets de loi d'intérêt public du Sénat

L'honorable sénateur Lynch-Staunton présente un projet de loi S-15, Loi relative aux modalités d'octroi par le gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les chambres du Parlement.

Le projet de loi est lu la première fois.

L'honorable sénateur Lynch-Staunton propose, appuyé par l'honorable sénateur Kinsella, que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour pour une deuxième lecture mardi, le 21 avril 1998.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

RÉPONSES AUX QUESTIONS ÉCRITES

Conformément au paragraphe 25(2) du Règlement, l'honorable sénateur Carstairs dépose sur le Bureau ce qui suit :

Réponse à la question no 90, en date du 18 mars 1998, inscrite au Feuilleton au nom de l'honorable sénateur Kenny, concernant la Loi sur les carburants de remplacement-Société du crédit agricole.-Document parlementaire no 1/36-539S.

ORDRE DU JOUR

AFFAIRES DU GOUVERNEMENT

Projets de loi

L'article no 1 est appelé et différé à la prochaine séance.

AUTRES AFFAIRES

Projets de loi d'intérêt public du Sénat

L'article no 1 est appelé et différé à la prochaine séance. L'ordre du jour appelle la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l'industrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie.

DÉCISION DU PRÉSIDENT

Honorables sénateurs, le mardi 17 mars, j'ai indiqué que je prendrais en délibéré l'important rappel au Règlement fait à propos du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l'industrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie. Plusieurs sénateurs ont exprimé leur point de vue et trois documents ont été déposés par le sénateur Kenny. Le 25 mars, avec la permission du Sénat, le sénateur Kinsella a soulevé une autre question concernant la recevabilité du projet de loi. Il a demandé à la présidence de déterminer s'il ne s'agirait pas d'un projet de loi d'intérêt privé plutôt que public. J'ai revu les déclarations des sénateurs qui ont participé au débat sur le rappel au Règlement, étudié les documents déposés et examiné le projet de loi. Je suis maintenant à même de rendre ma décision sur le rappel au Règlement.

Deux questions fondamentales ont été soulevées au sujet du projet de loi S-13 le 17 mars. La première a trait à la possibilité qu'une recommandation royale soit nécessaire. La seconde consiste à savoir si le prélèvement dont il est question est en fait une taxe. Si la réponse à l'une ou l'autre de ces questions est affirmative, à savoir que le projet de loi nécessite une recommandation royale ou qu'il crée effectivement une taxe, alors ce projet de loi « de finances » ne devrait pas émaner du Sénat, étant donné que de telles mesures sont de l'initiative de la Chambre des communes. Dans les circonstances, l'ordre portant deuxième lecture du projet de loi devrait être révoqué et le projet de loi retiré du Feuilleton. Pour répondre à ces questions, il faut d'abord réexaminer les principaux arguments exposés le 17 mars dernier.

Le sénateur Lynch-Staunton, qui a porté cette question à l'attention du Sénat à l'occasion de l'appel de la deuxième lecture du projet de loi, n'a pas pris position. Il a simplement soulevé la question afin d'obtenir un éclaircissement quand à savoir s'il s'agissait d'un projet de loi de finances. C'est vraisemblablement pour la même raison que le sénateur Stollery a fait un rappel au Règlement après que la deuxième lecture du projet de loi eut été proposée officiellement. Après avoir souligné les implications financières manifestes du projet de loi, le sénateur Stollery s'est demandé s'il ne s'agirait pas effectivement d'un projet de loi de finances. Invoquant les articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que l'article 81 du Règlement du Sénat, le sénateur a fait valoir que le projet de loi semble autoriser le prélèvement d'argent qui doit servir à une fin d'intérêt public. Si cette analyse est juste, alors le projet de loi, pour reprendre les paroles du sénateur Stollery, devrait être présenté «par un ministre, à la Chambre des communes, et non pas un sénateur, au Sénat ».

Persuadé de l'admissibilité du projet de loi, le sénateur Kenny a commencé par dire simplement qu'il ne s'agissait pas d'une mesure financière. Il a ensuite affirmé que les dispositions financières du texte « ne prévoient pas l'octroi de crédits et n'imposent pas un impôt ». Développant son argument, il a signalé les dispositions qui indiquent que les fonds recueillis par le prélèvement ne sont pas des fonds publics. Il a fait remarquer notamment que les fonds qui seraient remis à la société sans but lucratif créée par la loi n'appartiendraient en aucune façon au Trésor, même si la société devait être dissoute. Il a également cité une disposition qui dit explicitement que la fondation n'est pas mandataire de Sa Majesté et que ses fonds ne sont pas des fonds publics.

Quant à savoir si le prélèvement constitue une taxe, le sénateur Kenny a expliqué, en s'appuyant sur des extraits de la 21e édition d'Erskine May Parliamentary Practice, que le prélèvement établi par le projet de loi n'est pas une taxe et, de ce fait, n'est pas soumis aux règles habituelles de procédure financière, y compris sans doute l'obligation que la mesure soit étudiée par la Chambre des communes avant de l'être par le Sénat. Comme il l'indique, cela tient au fait que le prélèvement est imposé exclusivement à l'industrie du tabac pour la réalisation d'un objectif qui lui est propre, même si cela sert aussi l'intérêt public. Enfin, pour bien asseoir son argument, il a cité l'opinion de juristes selon lesquels le prélèvement en question n'est pas une taxe. Comme l'objectif premier du prélèvement n'est pas de recueillir des fonds à des fins gouvernementales, et qu'il est imposé à des fins de réglementation, le prélèvement ne saurait constituer une taxe.

Après l'intervention du sénateur Kenny, plusieurs sénateurs ont pris la parole. Le sénateur Kinsella a indiqué qu'il aimerait connaître le point de vue du gouvernement sur la question. Et le sénateur Murray est revenu à la charge avec la même question après que la sénatrice Carstairs eut expliqué que comme il ne s'agissait pas d'une mesure d'initiative ministérielle, le gouvernement n'avait pas pris position. Par contre, a-t-elle ajouté, le gouvernement était prêt à attendre la décision du Président. Le sénateur Bryden a ensuite émis des doutes quant à savoir si le prélèvement était une taxe ou non. Mais ce qui le préoccupait le plus, c'était de savoir si cette mesure ne faisait pas du gouvernement en quelque sorte un allié de l'industrie du tabac. Prenant la parole après le sénateur Murray, le sénateur Gigantès était d'avis que le Sénat ne devrait pas hésiter à exercer ses propres pouvoirs. Enfin, le sénateur Stewart a insisté que la vraie question - la seule question, de fait - était de savoir si le prélèvement imposait une taxe. Pour reprendre ses paroles : « [...] s'il impose une taxe ou un impôt [...], le projet de loi n'a pas sa place ici. S'il ne s'agit pas d'une taxe ou d'un impôt, la question d'une recommandation royale pour des crédits ne se pose pas. »

Une semaine après le rappel au Règlement, le sénateur Kinsella a obtenu la permission du Sénat de revenir sur cette affaire et de poser une autre question concernant la recevabilité du projet de loi S-13. Il a demandé s'il ne s'agirait pas d'un projet de loi d'intérêt privé plutôt que public. Dans son exposé, il a signalé que la société établie par le projet de loi l'était pour le bénéfice de l'industrie du tabac. Cela étant, il s'est demandé si l'industrie ne devrait pas présenter une pétition pour proposer cette mesure, ce qui est un préalable à la présentation d'un projet de loi d'intérêt privé. Il a ensuite évoqué les quatre critères, énoncés dans la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, qui servent à déterminer si un projet de loi est d'intérêt privé ou public, et il a invité la présidence à en tenir compte. Le sénateur a également souligné le fait que le projet de loi donne à la société certains pouvoirs, notamment celui de prélever des droits. Sans être ferme dans sa conclusion, il a dit avoir l'impression qu'il s'agissait d'un projet de loi d'intérêt privé plutôt que public.

Je tiens à remercier les honorables sénateurs qui se sont exprimés sur ce rappel au Règlement. Comme je l'ai dit au début, depuis le rappel du 17 mars dernier, j'ai eu l'occasion de passer en revue les arguments et d'examiner les documents déposés, ainsi que le projet de loi.

J'aimerais d'abord poser une hypothèse générale. Je suis d'avis qu'il faut présumer, jusqu'à preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Cette supposition m'indique que la meilleure règle à suivre pour le Président est d'interpréter le règlement de manière à permettre le débat au Sénat, sauf s'il est manifeste que la question à débattre est inadmissible.

Pour ce qui est de la question soulevée par le sénateur Kinsella, à savoir si le projet de loi S-13 ne devrait pas être considéré comme un projet de loi d'intérêt privé plutôt que public, j'ai suivi son conseil et j'ai examiné de près les quatre critères énoncés dans le commentaire 1055 de la sixième édition de Beauchesne. En outre, j'ai revu attentivement le projet de loi à la lumière de la définition courante d'un projet de loi d'intérêt privé. Voici ce que dit Beauchesne, qui suit d'assez près la formulation d'Erskine May, dans son commentaire 1053 : « La loi d'intérêt privé, d'une nature toute particulière, a pour objet de conférer à certaines personnes ou à certains groupes, qu'il s'agisse de particuliers ou de sociétés, des pouvoirs ou des avantages exceptionnels, plus étendus que ceux dont ils sont normalement investis sous le régime du droit commun et qui peuvent même aller à l'encontre des règles du droit commun. » La présentation d'un projet de loi d'intérêt privé exige le dépôt d'une pétition par les parties intéressées par une telle mesure.

Dans ce cas-ci, le sénateur Kinsella estime que s'il s'agit effectivement d'un projet de loi d'intérêt privé, il serait irrecevable du fait qu'il n'a pas été présenté au Sénat au moyen d'une pétition. D'un autre côté, s'il s'agit d'un projet de loi d'intérêt public, la pétition n'est plus nécessaire. Le sénateur Kinsella indique que les pétitionnaires éventuels seraient l'« industrie du tabac ». Il ne précise toutefois pas quelles personnes ou sociétés seraient les pétitionnaires de l'industrie. D'ailleurs, le projet de loi ne définit pas l'industrie du tabac, pas plus qu'il ne précise qui en sont les membres. Mais quelle que soit l'« identité » de l'industrie du tabac, la première question à laquelle il faut répondre est de savoir si le projet de loi S-13 est d'intérêt privé ou d'intérêt public.

En examinant les quatre critères servant à déterminer si un projet de loi d'intérêt privé devrait plutôt être considéré comme d'intérêt public, il y en a deux qui me font croire que le projet de loi S-13 est effectivement d'intérêt public. Le premier est le fait que la mesure vise les affaires publiques. Bien qu'on ne saurait nier que le projet de loi fait ressortir les avantages pour l'industrie, il n'est pas moins vrai que l'intérêt public est bien servi par cette initiative, dans la mesure où elle vise à réduire l'usage du tabac chez les jeunes, comme il est précisé au paragraphe 3(2) du texte. D'autre part, le vaste domaine auquel le projet de loi s'applique et le fait qu'il met en cause des intérêts multiples - c'est le troisième critère de Beauchesne - m'indique qu'il s'agit d'un projet de loi d'intérêt public.

En l'absence de raisons m'incitant à en faire une analyse différente, je reconnais que le projet de loi S-13 est d'intérêt public.

Pour ce qui regarde la première question, soulevée le 17 mars, à savoir si le projet de loi nécessite une recommandation royale, je dois conclure que ce n'est pas le cas. Le but premier d'une recommandation royale est de limiter l'autorité d'affecter des crédits du Trésor fédéral. L'article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques définit ainsi le terme « crédit » : « autorisation donnée par le Parlement d'affecter des paiements sur le Trésor ». Et « Trésor » y a le sens suivant : « le total des fonds publics en dépôt au crédit du receveur général ». Seuls les ministres peuvent obtenir du gouverneur général la recommandation royale nécessaire pour affecter de tels fonds. La Constitution dispose que les projets de loi nécessitant ou comportant une recommandation royale doivent émaner de la Chambre des communes, condition qui est renforcée par l'article 81 du Règlement du Sénat.

Dans le cas du projet de loi S-13, les fonds recueillis au moyen du prélèvement doivent être perçus par la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l'industrie du tabac, ou son mandataire. La Fondation utilisera ces fonds de la manière et aux fins qui sont énoncées dans le projet de loi. D'une part, l'article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques définit « fonds publics » comme étant notamment des « fonds appartenant au Canada »; d'autre part, le paragraphe 33(1) du projet de loi spécifie que « la fondation n'est pas mandataire de Sa Majesté et [que] ses fonds ne sont pas des fonds publics du Canada ». En outre, il n'est aucunement question dans le projet de loi d'affecter des fonds du Trésor pour la mise en oeuvre de cette mesure.

Je ne vois donc pas en quoi ce projet de loi nécessiterait une recommandation royale.

La seconde question posée le 17 mars est de savoir si le prélèvement proposé dans le projet de loi constitue une taxe ou non. Dans l'examen de cette question, je suis contraint de m'en tenir à la règle voulant que le président ne se prononce pas sur une question juridique. Le commentaire 168(5) de Beauchesne est clair : « Le président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ou juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou sous forme de question de privilège. »

Mais je suis par contre autorisé à examiner le projet de loi pour déterminer s'il est bien ce qu'il prétend être. Je m'en suis tenu au sens ordinaire des termes employés et je les ai examinés pour voir si toutes les dispositions concernant la question du prélèvement étaient cohérentes. J'ai ensuite tenté de déterminer si le prélèvement proposé répond aux critères qu'on trouve aux pages 730-737 d'Erskine May et qui permettent d'établir qu'un prélèvement échappe aux règles de procédure financière qui régissent l'imposition de taxes.

Si l'on s'en tient au sens ordinaire des termes du projet de loi, il est question de prélèvement plutôt que de taxe. La partie II du texte est éclairante à cet égard. Il est également clair que le prélèvement est imposé à l'industrie du tabac exclusivement. Le but du prélèvement, tel qu'énoncé, est de répondre à un objectif qui profite à l'industrie, mais qui est également dans l'intérêt public. L'article 3 indique précisément que le projet de loi a « pour objet de donner à l'industrie canadienne du tabac les moyens de réaliser l'objectif qu'elle s'impose publiquement de réduire l'usage du tabac chez les jeunes au Canada ». Le prélèvement s'applique exclusivement aux produits du tabac de toute nature et sera utilisé par la fondation pour remplir sa mission, telle qu'énoncée à l'article 5. Ainsi donc, pour ce qui est du libellé du texte, je dois reconnaître que ce qui est proposé est un prélèvement, et non pas une taxe.

Erskine May énonce deux critères en vertu desquels un projet de loi proposant un prélèvement n'est pas soumis aux procédures financières, notamment l'adoption d'une motion de voies et moyens qui est normalement nécessaire pour les projets de loi qui imposent une taxe. Le premier critère veut que le prélèvement soit destiné aux objets de l'industrie. Le second est que les fonds recueillis ne doivent en aucune façon faire partie des recettes du gouvernement. Erskine May donne des exemples de projets de loi qui ont été considérés comme des prélèvements et de projets de loi qui ne répondaient pas à l'un ou l'autre de ces critères, ou aux deux. Certains exemples sont relativement récents, ce qui indique que ces critères sont encore appliqués dans la pratique britannique d'aujourd'hui. Mais ce qui est plus important, ils semblent également applicables dans la pratique canadienne.

Le commentaire 980(1) de Beauchesne dit ceci : « Il est nécessaire de procéder d'abord à une motion de voies et moyens s'il s'agit d'imposer une nouvelle taxe ». C'est le corollaire du principe de la recommandation royale puisqu'il exige la sanction de la Couronne pour constituer les revenus qui serviront plus tard à des fins d'intérêt public. Beauchesne explique ensuite les circonstances qui entourent la création d'une nouvelle taxe, dans son commentaire 980(2) : « [...] aucune motion ne peut être faite pour imposer une taxe, sauf par un ministre de la Couronne [...], et l'on ne peut non plus augmenter le chiffre d'une taxe proposée au nom de la Couronne, ni changer d'une façon quelconque l'assiette fiscale. De même, on ne peut augmenter une taxe [...], sauf sur l'initiative d'un ministre agissant pour le compte de la Couronne ». Une motion de voies et moyens, une fois adoptée, devient une résolution de voies et moyens. Suite à cette adoption, et à partir des dispositions de la résolution, un projet de loi est présenté; après la première lecture, il est imprimé et la deuxième lecture est décidée pour la prochaine séance de la chambre. Dans la pratique canadienne, qui s'inspire du modèle britannique, tout projet de loi qui propose une nouvelle taxe doit être précédé d'une motion de voies et moyens. En l'absence d'une telle motion, tout droit proposé par un projet de loi ne serait pas considéré comme une taxe.

Dans son intervention sur le rappel au Règlement, le sénateur Kenny a parlé du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, qui a été adopté par le Parlement précédent. Certaines dispositions de ce projet de loi, qui émanait du gouvernement, imposent un prélèvement sur la vente de supports audio vierges, qui est destiné à être réparti entre les artistes et groupes d'artistes sous forme de redevances. Le sénateur a signalé que le projet de loi ne comportait pas de recommandation royale, ce qui indiquerait pour le moins que les redevances distribuées n'étaient pas considérées comme des affectations de crédits gouvernementaux et, par conséquent, qu'elles n'étaient pas perçues sous forme de taxe. Mais il y a plus encore. Il y a une autre indication qui porte à croire que le prélèvement n'était pas regardé comme une taxe. Je puis l'affirmer parce qu'au mieux de ma connaissance, le projet de loi n'a pas été précédé d'une résolution de voies et moyens, ce qui aurait été obligatoire si les fonds recueillis avaient été considérés comme une taxe.

En appliquant les critères d'Erskine May et à la lumière du cas du projet de loi C-32, je ne puis que considérer que le prélèvement proposé par le projet de loi S-13 n'est pas une taxe du point de vue de la procédure. Par conséquent, le projet de loi n'est pas soumis aux règles habituelles de procédure financière selon lesquelles c'est l'autre endroit qui devrait d'abord en être saisi.

Je déclare que le projet de loi peut être examiné par le Sénat. Le débat en deuxième lecture peut donc commencer. Le Sénat procède au débat sur la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l'industrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie.

Après débat, La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le projet de loi est alors lu la deuxième fois.

L'honorable sénateur Kenny propose, appuyé par l'honorable sénateur Nolin, que le projet de loi soit déféré au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Rapports de comités

Les articles nos 1 à 3 sont appelés et différés à la prochaine séance. L'article no 4 est appelé et conformément au paragraphe 27(3) du Règlement est rayé du Feuilleton.

Autres

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bacon, appuyée par l'honorable sénateur Pépin,

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à siéger à 16h00 les mardis pour l'étude du projet de loi C-9, Loi maritime du Canada, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Après débat, Avec la permission du Sénat et conformément à l'article 30 du Règlement, la motion est retirée. Les articles nos 14, 27, 15, 25, 21 (interpellations), 45 (motion), 12, 19, 24, 18, 20 (interpellations), 48, 54 (motions) et 16 (interpellation) sont appelés et différés à la prochaine séance. Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Robertson, attirant l'attention du Sénat sur son manque d'accessibilité pour les Canadiens handicapés et sur le moyen d'aborder les questions touchant l'invalidité.

Débat terminé. L'article no 1 (motion) est appelé et différé à la prochaine séance.

MOTIONS

L'honorable sénateur Moore propose, appuyé par l'honorable sénateur Butts,

Que le Sénat demande instamment aux gouvernements des provinces et des territoires de s'assurer que leurs dispositions législatives portant sur l'exécution interprovinciale des assignations à comparaître précisent que la loi s'applique non seulement aux cours de justice, mais aussi aux commissions d'enquête;

Que, de plus, le Sénat demande instamment au gouvernement d'une province ou d'un territoire de modifier les lois où il n'est pas clair qu'elles s'appliquent à des commissions d'enquête, afin de supprimer toute ambiguïté; et

Qu'un message soit envoyé aux assemblées législatives des provinces et des territoires afin de les informer en conséquence.

Après débat, L'honorable sénateur Berntson propose, appuyé par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, que la suite du débat sur la motion soit renvoyée à la prochaine séance.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

L'honorable sénateur Watt propose, appuyé par l'honorable sénateur Adams,

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones au cours de son étude des projets de loi S-10 et S-12 (Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada) lors de la trente-cinquième législature soient déférés à ce Comité pour la présente étude du projet de loi S-14.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

________________________________________-

Avec permission, Le Sénat se reporte aux Avis de motions du gouvernement.

Avec la permission du Sénat, L'honorable sénateur Carstairs propose, appuyé par l'honorable sénateur Bacon,

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 28 avril 1998, à 14h00.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

RAPPORTS DÉPOSÉS AUPRÈS DU GREFFIER DU SÉNAT CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 28(2) DU RÈGLEMENT

Rapport de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique, pour l'exercice terminé le 31 mars 1997, conformément à la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35, par. 114(2). -Document parlementaire no 1/36-535.

Copie du décret C.P. 1998-426, en date du 6 janvier 1998, concernant l'Accord sur la sécurité sociale entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de Saint-Vincent et les Grenadines, conformément à la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9, art. 42(1).-Document parlementaire no 1/36-536.

Copie du décret C.P. 1998-427, en date du 19 mars 1998, concernant l'Accord sur la sécurité sociale entre le gouvernement du Canada et la Grenade, conformément à la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9, art. 42(1).-Document parlementaire no 1/36-537.

AJOURNEMENT

L'honorable sénateur Carstairs propose, appuyé par l'honorable sénateur Bacon,

Que le Sénat ajourne maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée.


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