TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 mars 1997
Projet de loi C-382. Adoption des motions de présentation et de première lecture 8869
M. Harper (Simcoe-Centre) 8870
M. Harper (Simcoe-Centre) 8870
Projet de loi C-66. Motion visant à la troisième lecture 8870
Projet de loi C-66. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 8883
M. Speaker (Lethbridge) 8890
M. Speaker (Lethbridge) 8893
M. Speaker (Lethbridge) 8899
M. Hill (Prince George-Peace River) 8901
M. White (North Vancouver) 8902
M. Martin (LaSalle-Émard) 8903
M. Martin (LaSalle-Émard) 8903
M. Martin (LaSalle-Émard) 8903
M. Martin (LaSalle-Émard) 8904
M. Martin (LaSalle-Émard) 8904
M. Tremblay (Rosemont) 8909
M. Tremblay (Rosemont) 8909
M. White (North Vancouver) 8912
Projet de loi C-66. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 8912
M. Speaker (Lethbridge) 8912
M. White (North Vancouver) 8915
M. Speaker (Lethbridge) 8922
Reprise de l'étude de la motion 8930
Rejet de l'amendement par 161 voix contre 29 8930
Rejet de la motion par 161 voix contre 29 8931
Projet de loi C-250. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 8932
M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 8932
M. Chrétien (Frontenac) 8940
8869
CHAMBRE DES COMMUNES
Le mardi 11 mars 1997
La séance est ouverte à 10 heures.
_______________
Prière
_______________
AFFAIRES COURANTES
[
Français]
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai
l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse
du gouvernement à huit pétitions.
* * *
(1010)
[Traduction]
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.) demande à présenter
le projet de loi C-382, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire
(infractions sexuelles contre des enfants).
-Monsieur le Président, je suis heureux de déposer un projet de
loi qui vise à modifier la Loi sur le casier judiciaire et à changer la
façon dont le gouvernement traite le pardon des personnes trouvées
coupables d'infractions sexuelles contre des enfants.
Actuellement, lorsqu'un pardon est accordé à quelqu'un qui a
purgé sa peine, les renseignements au sujet de son crime sont retirés
de la base de données du CIPC, le Centre d'information de la police
canadienne. Si l'ex-contrevenant veut ensuite postuler un emploi où
il sera en situation de confiance avec des enfants, le groupe ou la
personne responsable du bien-être des enfants ne peut vérifier son
dossier parce que celui-ci ne figurera plus dans les données du
CIPC.
Comme le taux de récidive est très élevé parmi les pédophiles, il
est très important que les groupes communautaires aient accès à ces
renseignements. Mon projet de loi n'interdirait pas l'octroi du
pardon aux auteurs d'infractions de nature sexuelle, mais il
permettrait de garder en permanence des données informatisées sur
leur casier judiciaire, de manière à protéger les enfants canadiens.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la
première fois et l'impression en est ordonnée.)
* * *
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
j'ai aujourd'hui deux pétitions à présenter. La première vient de
Delta, en Colombie-Britannique.
Les pétitionnaires veulent attirer l'attention de la Chambre sur le
fait que nos policiers et nos pompiers risquent quotidiennement leur
vie pour offrir les services d'urgence dont tous les Canadiens ont
besoin. Ils précisent également que, dans bien des cas, les familles
des pompiers ou des policiers tués dans l'exercice de leurs fonctions
sont souvent laissées sans moyens financiers suffisants pour
respecter leurs obligations.
Les pétitionnaires exhortent donc le Parlement à établir un fonds
d'indemnisation des agents de la sécurité publique, qui recevrait des
dons et des legs destinés aux familles de policiers et de pompiers
tués dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
la deuxième pétition vient de Port Perry, en Ontario.
Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait
que gérer un foyer et s'occuper d'enfants d'âge préscolaire
constituent une profession honorable qui n'est pas reconnue comme
elle le devrait par notre société.
En conséquence, les pétitionnaires prient le Parlement de prendre
des initiatives visant à éliminer toute discrimination fiscale contre
les familles qui décident de s'occuper, chez eux, d'enfants d'âge
préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de
personnes âgées.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le
Président, je suis heureux de présenter cette pétition signée par 25
citoyens, dont la majorité viennent de mon comté de Trois-Rivières.
Cette pétition est pilotée par le Club automobile du Québec.
Les pétitionnaires demandent au Parlement d'exercer des
pressions sur le gouvernement fédéral pour que celui-ci se joigne
aux gouvernements provinciaux, afin de rendre possible
l'amélioration du réseau routier national.
8870
[Traduction]
M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président,
au nom d'électeurs de ma circonscription, Simcoe-Centre, j'ai deux
pétitions à présenter à la Chambre aujourd'hui. La première pétition
porte sur l'avortement.
Les pétitionnaires demandent qu'il se tienne un référendum pour
déterminer si la population canadienne devrait avoir à payer les
avortements avec leurs impôts.
M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la
deuxième pétition concerne l'âge du consentement d'après la loi.
Les pétitionnaires demandent au Parlement de fixer à 18 ans
l'âge du consentement afin de protéger les enfants de l'exploitation
et des agressions sexuelles.
M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, je
voudrais présenter une pétition qui vient d'habitants de ma
circonscription, Athabasca.
En tant que citoyens qui s'intéressent vivement à la question, les
pétitionnaires estiment qu'invoquer la provocation comme moyen
de défense, comme le font actuellement devant les tribunaux des
maris accusés du meurtre de leur femme, a pour effet de détourner
l'attention du comportement de l'accusé et de son intention de tuer
pour la porter inopportunément et injustement sur le comportement
de la victime.
C'est pourquoi les pétitionnaires demandent au Parlement
d'examiner et de modifier les dispositions pertinentes du Code
criminel pour faire en sorte que les hommes assument la
responsabilité de leur comportement violent envers les femmes.
(1015 )
M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.):
Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement,
j'ai l'honneur de présenter la pétition suivante.
Les pétitionnaires signalent à la Chambre que la contrebande de
personnes en Asie du Sud coûte des centaines de vies chaque année,
y compris celles des plus de 200 habitants de l'Asie du Sud qui se
sont présumément noyés dans le naufrage d'un bateau de réfugiés le
25 décembre 1996.
Par conséquent, les pétitionnaires prient instamment le
Parlement d'encourager le gouvernement à dire aux gouvernements
étrangers en Asie du Sud-Est qu'il faut imposer des sanctions
sévères aux agences de voyage qui s'adonnent à la contrebande de
personnes pour leurs activités illégales et inhumaines.
M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai des électeurs de la religion islamique qui veulent la
tutelle comme solution de rechange à l'adoption.
La tutelle est un concept acceptable selon leurs croyances
religieuses et les pétitionnaires demandent au gouvernement du
Canada de voir à ce que cette option soit possible.
M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai une autre pétition à présenter. Elle est signée par des
électeurs qui demandent au gouvernement de collaborer avec leurs
homologues provinciaux et territoriaux pour la remise en état de
notre réseau routier national.
M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Finalement,
monsieur le Président, il existe une loi prévoyant une rémunération
égale pour un travail d'égale valeur, et ces électeurs demandent au
gouvernement de faire appliquer sans délai tous les éléments de
cette loi.
* * *
[
Français]
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.
Le vice-président: Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
______________________________________________
8870
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Français]
L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader
adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
propose: Que le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien
du travail (partie 1), la Loi sur les déclarations des personnes
morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, soit lu une
troisième fois et adopté.
-Monsieur le Président, je suis très heureux, aujourd'hui, de
pouvoir m'adresser à la Chambre au sujet du projet de loi C-66 qui
vise à modifier la partie I du Code canadien du travail.
Nous entreprenons, aujourd'hui, la troisième lecture de ce projet
de loi, ce qui veut dire que nous arrivons au terme d'une importante
étape de la modernisation du Code canadien du travail. En effet,
l'adoption du projet de loi C-66 marquera la première révision en
profondeur de la partie I du Code depuis les années 1970.
Il est très important pour notre gouvernement que le Code soit
modernisé. En effet, cette mesure a été désignée comme une priorité
dans le tout dernier discours du Trône, car les relations
patronales-syndicales favorables qui en découlent sont propices à la
croissance économique et à la création d'emplois.
8871
[Traduction]
Tout d'abord, je reprendrai en mes termes un passage du rapport
du groupe de travail Sims intitulé Vers l'équilibre pour dire à la
Chambre que nous avons présenté le projet de loi pour tenter
d'instaurer un meilleur équilibre, et je crois que nous avons réussi.
Il peut exister des divergences d'opinions sur la formulation de
certaines dispositions, mais je reste convaincu que le projet de loi
C-66 reflète fidèlement les constatations faites lors de l'examen.
Tous les aspects du code du travail abordés dans le projet de loi ont
été couverts par le groupe de travail ou lors des consultations.
Je dois dire que l'un des aspects les plus rafraîchissants de tout le
processus a été de voir les résultats des consultations transposés
dans des mesures concrètes.
[Français]
Trop souvent, lorsque j'étais dans l'opposition, j'ai vu le
gouvernement de l'époque lancer un processus de consultation
publique, pour ensuite en mettre les résultats de côté. Rien n'est
plus décourageant que de se faire demander son avis et de voir
ensuite que l'on n'en tient pas compte.
Je suis heureux que nous ayons pu récompenser, par les mesures
concrètes que l'on retrouve dans le projet de loi C-66, la confiance
et le travail acharné des gens qui ont pris part à nos consultations.
(1020)
L'étape la plus récente du processus de consultation a eu lieu
juste avant le congé de Noël, lorsque le Comité permanent du
développement des ressources humaines a étudié le projet de loi.
Enfin, il me faut également reconnaître chaleureusement les
efforts des nombreux syndicalistes, représentants d'employeurs,
universitaires, responsables de l'application des lois du travail,
autres spécialistes et simples particuliers qui ont aussi étudié nos
propositions et veillé à ce que les dispositions législatives cadrent
avec la réalité.
[Traduction]
Tous ces gens ont contribué à l'élaboration du projet de loi.
Compte tenu des divergences d'opinions apparues sur certaines
questions, on ne s'attend pas à ce que tous réagissent tous de la
même façon aux différents éléments du projet de loi. Cela a été
particulièrement évident dans le cas des dispositions sur les
travailleurs à distance, les expéditions de céréales et les travailleurs
de remplacement.
Prenons l'exemple des travailleurs à distance. Les modifications
contenues dans le projet de loi permettront aux syndicats d'entrer en
communication avec les employés qui travaillent ailleurs que sur
des lieux de travail traditionnels. Certaines personnes se sont dites
préoccupées par cette disposition pour des motifs de protection de la
vie privée et de sécurité. Je peux affirmer ici que ces inquiétudes ne
sont pas fondées. La vie privée et la sécurité des personnes touchées
seront protégées par le nouveau Conseil canadien des relations
industrielles. À mon sens, cette modification témoigne de la
sensibilisation du gouvernement aux lieux de travail de l'avenir et
je ne permettrai pas que ce nouvel accès aux employés soit utilisé de
façon abusive.
Nos modifications concernant l'expédition des céréales
constituent un autre élément controversé du projet de loi. Nous
exigeons en effet que le chargement des céréaliers dans les ports se
poursuive même en cas d'arrêt de travail. En d'autres mots, à partir
de maintenant, tout le grain apporté aux quais devra être chargé sur
les navires peu importe qu'il y ait ou non un conflit de travail dans
les ports.
Cette modification est très importante pour le Canada.
L'exportation de céréales est une activité économique qui génère
des milliards de dollars. Nous exportons dans plus de 70 pays. Le
moyen de subsistance de plus de 130 000 agriculteurs et de leurs
familles est directement lié à notre réputation comme fournisseur
sur qui on peut compter.
On ne saurait trop insister sur l'importance de l'exportation de
céréales pour l'économie canadienne, en particulier pour
l'économie des provinces des prairies. En fait, la production de
céréales a été déclarée une activité d'intérêt général pour le Canada.
[Français]
Un autre avantage de la modification à cet égard est la
contribution qu'elle fera aux relations patronales-syndicales dans
les ports. Nous savons tous que lorsqu'un arrêt de travail interrompt
les exportations de grain, le Parlement intervient sans délai pour
mettre un terme, dans les ports, aux différends qui menacent ces
exportations et les résoudre.
Les parties en sont donc venues à s'attendre à ce que le Parlement
intervienne. Cela les dégage de la responsabilité d'avoir à régler
leurs propres problèmes, et leur permet d'imputer au Parlement
toute répercussion négative. Cela va à l'encontre de notre résolution
de favoriser des relations de travail constructives et positives.
[Traduction]
Certains députés veulent que tous les conflits
patronaux-syndicaux dans les ports et dans tout le secteur du
transport du grain, y compris dans les chemins de fer, se règlent par
un processus d'arbitrage obligatoire connu sous le nom d'arbitrage
des propositions finales. Je ne suis pas en faveur de cette façon de
procéder, à l'instar de la grande majorité des employeurs relevant de
la compétence du gouvernement fédéral, des syndicats et du groupe
de travail Sims. Ce dernier a signalé que l'arbitrage des propositions
finales n'est pas un mécanisme efficace de règlement des différends
pour les conflits complexes.
Le groupe de travail a prôné une approche moins individualiste
qui se reflète dans le projet de loi C-66. Cette méthode illustre la
façon dont notre gouvernement sert de catalyseur à un changement
positif. Nous allons encourager les parties à régler leurs différends
en ayant moins recours à la confrontation.
(1025)
[Français]
L'aspect le plus controversé du projet de loi C-66 demeure la
disposition relative aux travailleurs de remplacement. La différence
d'opinion de longue date qui existe entre le milieu syndical et le
milieu patronal signifie qu'il s'agit là de l'un des secteurs au sujet
8872
duquel le groupe de consensus patronal-syndical du groupe de
travail Sims ne pouvait s'entendre.
En fait, même les membres du groupe de travail Sims ne sont pas
parvenus à se prononcer de manière unanime sur cette question
litigieuse. La disposition relative au travail de remplacement a été
ébauchée dans l'intention d'englober le texte de la recommandation
majoritaire du groupe de travail Sims. Ce que nous disons,
essentiellement, c'est qu'il ne devrait pas y avoir d'interdiction
générale au sujet du recours à ces travailleurs. Ces derniers peuvent
servir à poursuivre des objectifs de négociations légitimes.
Les employeurs ne peuvent se servir des travailleurs de
remplacement pour miner la capacité des syndicats de représenter
leurs membres. Il s'agirait d'une pratique déloyale. Si le nouveau
Conseil canadien des relations industrielles en arrivait à cette
conclusion, il aura le pouvoir d'ordonner à l'employeur de cesser
d'utiliser des travailleurs de remplacement.
Je crois que les modifications que nous proposons permettent
d'aborder d'une manière équilibrée une question délicate et
complexe. Les employeurs auront toujours le droit de faire appel à
des travailleurs de remplacement, mais ce droit sera limité par deux
points importants: premièrement, les employeurs ne pourront pas
recourir à des travailleurs de remplacement pour des fins
illégitimes; deuxièmement, ils devront réembaucher les travailleurs
qui étaient en grève ou en lock-out, plutôt que leurs remplaçants,
une fois qu'un arrêt de travail aura été réglé.
Certains groupes d'employeurs ont fait valoir que le libellé de
cette disposition est trop large et absolu, qu'il permet aux syndicats
de contester tous les cas où l'on fait appel à des travailleurs de
remplacement. Ces groupes d'employeurs ont cité des suggestions
de représentants syndicaux selon lesquelles la simple présence d'un
travailleur de remplacement minerait la capacité de représentation
d'un syndicat.
Je tiens à dire très clairement qu'une telle interprétation n'est pas
valable et qu'il ne s'agit pas là de l'intention du projet de loi. Je
peux assurer la Chambre que s'il tel avait été le cas, le libellé de la
disposition aurait été plus restrictif.
[Traduction]
Par contre, le Congrès du travail du Canada dit craindre que
l'article en question ne s'applique de façon très étroite et n'entre en
vigueur que lorsque le comportement de l'employeur est
particulièrement inadmissible. Le fait que les syndicats et la
direction aient des positions opposées sur cet article m'amène à
penser que nous sommes parvenus à l'équilibre voulu.
Quoi qu'il en soit, je suis persuadé que le nouveau conseil,
représentatif et équilibré, interprétera les dispositions de façon
intelligente et appropriée. En fait, je crois que le Conseil canadien
des relations industrielles pourrait bien se révéler la caractéristique
la plus importante du nouveau Code du travail modernisé.
[Français]
Le groupe de travail et le groupe de consensus patronal-syndical
ont tous deux proposé ce nouvel organisme. Le Conseil canadien
des relations industrielles sera composé d'un président neutre et de
vice-présidents, de même que de trois membres à temps plein
représentant le milieu syndical et trois membres à temps plein
représentant le milieu patronal.
Dans les régions, des membres à temps partiel seront également
nommés. L'ajout de représentants du milieu syndical et du milieu
patronal au Conseil rendra manifestement ce dernier plus sensible
aux besoins de ceux et celles qu'il dessert. Cela garantira aussi aux
parties que ses membres comprendront bien leur dossier.
(1030)
Il y a aussi des chances que les décisions que rendra un conseil
représentatif aient davantage de crédibilité aux yeux des parties. Le
projet de loi prescrit que les membres représentatifs du Conseil sont
nommés après que le ministre a consulté les organismes syndicaux
et patronaux compétents.
[Traduction]
Alors que nous parlons de la composition du conseil, je tiens à
signaler que, à la suite de l'adoption de cette mesure législative, le
principal critère pour la nomination à la présidence ou à la
vice-présidence du conseil est la compétence et non l'allégeance
politique.
On a ajouté un nouvel article qui dit:
Le président et les vices-présidents doivent avoir une expérience et des
compétences dans le domaine des relations industrielles.
On accordera au nouveau conseil des pouvoirs et des
responsabilités supplémentaires et une plus grande souplesse pour
qu'il puisse traiter rapidement les questions courantes et urgentes et
pour éviter des retards inutiles.
On va élargir les pouvoirs de redressement du conseil pour
garantir une négociation de bonne foi. Une modification va
confirmer la capacité du conseil de forcer une partie à inclure des
conditions spécifiques dans sa position de négociation ou à en
retirer pour remédier à l'incapacité de négocier de bonne foi.
Aussi important soit-il d'accroître les pouvoirs du conseil, le
gouvernement a accepté deux recommandations du comité
permanent ayant pour objectif de veiller à ce qu'on n'en abuse pas.
Il s'agit de contrôler de façon raisonnable les pouvoirs du
conseil, d'exiger la présentation de documents à n'importe quelle
étape de la procédure et de modifier les conventions collectives à la
suite d'une restructuration des unités de négociation.
Enfin, je voudrais mentionner une autre modification contenue
dans cette mesure législative, soit celle touchant le Service fédéral
de médiation et de conciliation ou SFMC. À la suite de l'adoption
du projet de loi C-66, on va reconnaître dans le code le rôle
extrêmement important de cet organisme.
On va préciser son rôle et déléguer de nouveaux pouvoirs au chef
de ce service. Il convient de noter que dans le nouveau code, le chef
du SFMC va relever directement du ministre du Travail comme le
proposait le rapport Sims.
Une étude attentive des modifications apportées au cycle de
négociation va montrer qu'elles conduisent au même objectif: la
rationalisation du processus de conciliation. C'est une chose que les
8873
syndicats et le patronat réclament depuis déjà pas mal de temps. Je
suis fier que notre gouvernement ait donné suite à leurs demandes.
[Français]
J'aimerais dire en terminant que le projet de loi C-66 représente
un grand pas en avant pour ce qui est de préparer le milieu de travail
canadien à l'arrivée du siècle prochain.
L'économie mondiale, de plus en plus concurrentielle, requiert
que nos entreprises fonctionnent de la manière la plus efficace et
productive possible. L'amélioration des relations de travail qui
découlera du Code modifié mènera à une productivité accrue, une
meilleure sécurité d'emploi et une plus grande participation des
travailleurs aux décisions prises en milieu de travail.
Le projet de loi C-66 illustre qu'une bonne politique du travail est
aussi une bonne politique des affaires. Toutefois, bien que nous
arrivions au terme du processus relatif au projet de loi C-66, en ce
qui concerne la présente Chambre du moins, il reste encore bien du
travail à faire pour préparer le Code canadien du travail en prévision
du prochain siècle.
Dans les mois à venir, nous proposerons des changements
destinés à moderniser d'autres parties du Code canadien du travail,
des changements axés sur des questions telles que la santé et la
sécurité, ainsi que les normes du travail.
J'espère que le gouvernement pourra compter sur le même
concours énergique de la part des députés et d'autres parties
intéressées que celui dont nous avons pu bénéficier lors des travaux
concernant la partie I. J'espère que tous les députés de cette
Chambre se joindront à moi pour appuyer le projet de loi C-66.
Avant de terminer, permettez-moi de remercier tous les députés,
surtout les membres du Comité du développement des ressources
humaines de la Chambre des communes, qui ont fait un travail
exceptionnel dans un cadre aussi exceptionnel.
(1035)
J'aimerais remercier mes deux collègues, le porte-parole du Bloc
québécois et celui du Parti réformiste, pour leur collaboration. C'est
dans cet esprit de collaboration que nous voulons continuer.
J'espère qu'on pourra toujours compter sur leur collaboration et que
ce projet de loi sera adopté dans cette Chambre, dans l'autre
Chambre et que bientôt, il deviendra une loi dans le vrai sens du
terme.
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur
le Président, je désire également saluer le projet de loi. Même si
nous aurons l'occasion d'y revenir, le projet de loi mérite des
amendements considérables. Nous aurions souhaité que le ministre
soit plus audacieux, il le sait, au chapitre des travailleurs de
remplacement, concernant les changements technologiques, mais le
fait demeure que j'ai la conviction que le ministre a travaillé de
bonne foi, qu'il a mis à la disposition du comité tous les
renseignements que nous lui avons demandés et, à ce titre, je désire
le remercier, ainsi que ses collaborateurs, Albano Gidaro et Pierre
Tremblay. Je veux remercier également notre recherchiste,
Marc-André Veilleux, qui a travaillé très fort pour proposer les
amendements, tous plus pertinents les uns que les autres.
Cela étant dit, il nous faut rappeler qu'un projet de loi comme
celui-là est plus qu'une loi ordinaire, qu'une simple loi, parce qu'il
s'agit du Code. Donc, plusieurs instances devront, à partir de la
clarté, à partir du libellé que l'on retrouve dans le Code, rendre des
décisions extrêmement importantes, s'agissant à la fois de la
démocratie syndicale et de l'équilibre qu'on est en droit de
rechercher concernant les relations patronales-syndicales.
J'aurais souhaité que le gouvernement aille beaucoup plus loin.
Je comprends que les conditions, lorsque l'on est ministre du
Travail d'un pays continental comme le Canada, où il y a des forces
conservatrices extrêmement présentes qui se manifestent, ne sont
pas les mêmes qu'au Québec. Au Québec, on aura l'occasion d'y
revenir, mais vous savez que toute la question de la démocratie
syndicale, celle des travailleurs et des travailleuses de
remplacement, y a été réglée depuis déjà une décennie au moins,
voire deux décennies cette année.
Commençons par le début, les points positifs du projet de loi. Je
crois que toutes les parties ont signalé que le défunt Conseil
canadien des relations de travail, qui devient maintenant le Conseil
canadien des relations industrielles, sera beaucoup plus
représentatif. C'était quelque chose qui avait été demandé par les
parties que cette possibilité d'être associé à la nomination, et le
nouveau Conseil aura trois membres permanents issus du milieu
patronal et trois membres permanents issus du milieu syndical.
C'est positif.
Dans le projet de loi, il y a également une volonté de faire en sorte
que le Conseil des relations industrielles, qui a vécu, il y a quelques
mois, une crise importante qui a quasi mené à son
éclatement-ceux qui ont suivi ça à l'interne comprendront à quoi
je réfère-le projet de loi a une volonté de donner plus de pouvoir au
Conseil, d'en préciser la portée et également de préciser les
pouvoirs de son président en titre, ce qui est positif.
Nous saluons également la possibilité qu'aura le Conseil de
réunir un banc composé d'une seule personne. Donc, ce sera un
processus beaucoup plus diligent. On pourra agir avec plus de
célérité, et je crois qu'au total, toutes les parties vont y gagner.
Nous saluons également la volonté du gouvernement de préciser
le rôle du directeur ou de la directrice; à l'instant où on se parle,
c'est un directeur, mais nous saluons la volonté du gouvernement de
préciser le rôle du directeur du Service fédéral de conciliation et de
médiation qui est appelé à intervenir à toutes les étapes du conflit et
à faire des recommandations extrêmement importantes au ministre,
et nous pensons qu'il est sage que son rôle soit précisé.
Certainement qu'une des bonifications les plus remarquables du
projet de loi qui étaient appelées par toutes les parties est cette
possibilité maintenant, en vertu du nouveau Code du travail, qu'il y
ait, à l'étape de la conciliation, dans le processus de conciliation, et
j'aurai l'occasion d'y revenir, qu'une seule et même étape et non
pas, comme cela était possible, deux et trois étapes, tant et si bien
que le processus était extrêmement long et que ce n'était pas
évident, que c'était un plus pour le rapprochement des parties.
(1040)
Cela étant dit, il aurait été possible pour le ministre d'être
beaucoup plus téméraire, beaucoup plus audacieux, beaucoup plus
entreprenant.
Il nous faut constater que pour intéressants que soient un certain
nombre d'amendements, il demeure que, lorsqu'on qualifie cette
réforme, on peut dire que c'est une réforme inachevée. Il n'en
demeure pas moins qu'il y a des revendications extrêmement
importantes qui ont été formulées, tant par la partie patronale que la
8874
partie syndicale, qui n'ont pas reçu un écho favorable de la part du
gouvernement.
Je vous donne quelques exemples. Tout d'abord, il y a un fait
reconnu depuis extrêmement longtemps, c'est que les policiers de la
GRC, les travailleurs et travailleuses de la GRC, vivent une
situation de discrimination. Le rapport Sims, que le ministre s'est
plu à citer tant et plus, a bien révélé qu'il était quand même, et qu'il
est aberrant que tous les corps policiers, au Canada, puissent avoir
accès à la négociation collective, sauf ceux de la GRC.
On ne parle pas du droit de grève, il n'y a aucun porte-parole de la
GRC, tant dans un passé récent que dans les témoignages qu'ils ont
présentés devant le Comité permanent du développement des
ressources humaines, qui ait demandé le droit de grève. Ils
comprennent la nature de leur travail. Mais ils ont demandé
légitimement de pouvoir négocier, d'avoir accès à la négociation
collective, comme c'est le lot de la totalité des travailleurs de la
fonction publique.
Malgré le fait que les libéraux, lorsqu'ils étaient de ce côté-ci de
la Chambre, aient présenté des motions, aient appelé, de tous leurs
voeux, le droit des travailleurs et travailleuses de la GRC de se
syndiquer, eh bien, ces mêmes libéraux, aujourd'hui, ce
gouvernement, les laissent cruellement tomber.
On se rappellera en cette Chambre, que l'opposition officielle a
déposé une motion et que les libéraux ont refusé de débattre de ces
questions. On se retrouve, aujourd'hui, face à une situation de
discrimination entretenue, perpétuée et corroborée par un
gouvernement qui devrait avoir honte de priver des gens aussi
importants dans le fonctionnement d'une société que les travailleurs
et travailleuses de la GRC du droit à la syndicalisation.
C'est le même scénario concernant l'Alliance canadienne de la
fonction publique et l'Institut professionnel de la fonction publique.
Ils ont tous deux faits des représentations auprès du gouvernement
pour avoir accès à la syndicalisation, sous l'égide de la première
partie du Code canadien des relations de travail. Ils ont fait cette
revendication en comité. Ils ont rencontré privément le ministre, et
pourtant, au terme du processus, on refuse toujours de reconnaître à
ces travailleurs et travailleuses, malgré que ce soit là leur intérêt
supérieur, le droit de pouvoir négocier sous l'emprise de la partie I
du Code canadien du travail.
Pourquoi les travailleurs et travailleuses de l'Alliance
canadienne de la fonction publique et de l'Institut professionnel de
la fonction publique ont-ils demandé ce droit? Tout simplement
parce que l'Alliance, soumise à la Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique, ne peut pas négocier des clauses aussi
importantes que la sécurité d'emploi, la protection contre les
changements technologiques-j'aurai l'occasion d'y
revenir-l'Alliance ne peut pas négocier la classification des
postes, les nominations, les avancements, les mutations, autant de
données extrêmement importantes concernant un plan de carrière.
Qu'est-ce que cela aurait été, pour le gouvernement, de
reconnaître qu'il est avantageux, qu'il aurait été un facteur de
motivation extrêmement important pour les travailleurs et
travailleuses de la fonction publique de pouvoir négocier sous
l'égide de la première partie? Il faut reconnaître que le
gouvernement, dans ce dossier particulièrement, a manqué de
sensibilité. Cette sensibilité qui fait la différence entre les grandes et
les petites réformes.
On n'est pas en présence d'un amendement qui aurait amené des
déboursés faramineux pour le Trésor public. On comprend l'état
actuel des finances publiques. On est en présence d'un amendement
qui, je le répète, aurait été un facteur extrêmement important pour la
motivation des travailleurs et des travailleuses. Il est pour le moins
triste et navrant, et je suis particulièrement chagriné de constater
que le gouvernement a fait la sourde oreille. Je sais que mes
collègues partagent mon chagrin.
M. Lebel: Absolument.
M. Ménard: Je les remercie de partager un chagrin aussi grand
que transparent finalement.
(1045)
Le secrétaire parlementaire peut bien rire, mais il s'est fait le
complice du gouvernement. Il est resté muet, silencieux, taciturne,
discret, cachottier même, je dirais, lorsqu'il s'est agi de prendre la
défense des travailleuses et des travailleurs de la fonction publique
dans ce dossier.
Autre lacune du projet de loi, autre lacune extrêmement
importante que j'aimerais souligner au niveau du comité. Tous les
députés de cette Chambre passent énormément de temps en comité,
certains vont dire trop. Nous aurions souhaité que le comité puisse
être associé aux nominations, que le comité puisse être associé à un
certain nombre de décisions stratégiques qui concernent le Conseil
canadien des relations industrielles.
Nous avons été extrêmement solidaires des amendements du
gouvernement, lorsque ces amendements ont eu pour conséquence
de faire en sorte que le Conseil canadien puisse agir avec plus de
célérité, avec beaucoup plus de diligence. Nous avons cru, et nous
croyons toujours, qu'une des façons de bonifier le processus des
relations de travail aurait été, s'agissant des nominations et d'un
certain nombre de décisions stratégiques, que le Comité permanent
du développement des ressources humaines, composé d'élus de tous
les partis politiques, puisse y être associé. Nous nous sommes
frappés à un mur d'indifférence concernant ce dossier, et nous en
sommes tristes.
Je vais vous faire part d'une autre lacune du projet de loi, et
celle-là, je suis sûr que vous allez, monsieur le Président, vous
joindre à mon analyse pour dire que nous sommes sur le terrain du
ridicule. Par une journée ensoleillée où le Comité permanent
siégeait, nous avons reçu la CSN. La très énergique CSN est venue
nous rencontrer, ainsi que des travailleurs de la minoterie Ogilvie
qui ont vécu un conflit de travail long, pénible, périlleux, qui a
laissé des séquelles extrêmement tangibles, tout cela faute de
dispositions antibriseurs de grève de la législation fédérale, mais
j'aurai l'occasion d'y revenir.
Nous avons présenté un amendement, en apparence anodin, qui
ne demandait pas au gouvernement de déboursés additionnels, qui
ne changeait pas la philosophie du gouvernement. Qu'avons-nous
demandé? Je vous le donne en mille. Nous avons demandé que les
minoteries, la farine, soient de juridiction provinciale. Eh bien,
croyez-le ou non, c'est un amendement qui n'a pas été pris en
considération. Pourtant, nous avons été extrêmement clairs sur la
nécessité que les minoteries soient de juridiction provinciale.
Est-ce que quelqu'un en cette Chambre, le secrétaire
parlementaire peut-il se lever et nous expliquer en vertu de quelle
rationalité les minoteries étaient de juridiction fédérale dans un
contexte aussi extraordinaire que la Seconde Guerre mondiale? On
comprend,
8875
dans ce contexte, que les minoteries aient pu échoir au
gouvernement fédéral, mais en vertu de quelle rationalité? Je suis
convaincu que si on faisait un petit tour d'horizon et qu'on
demandait aux gens dans les tribunes s'ils peuvent nous expliquer
pourquoi les minoteries, en 1997, sont de juridiction fédérale, il n'y
en aurait pas un qui pourrait l'expliquer.
Tout le monde comprend bien qu'il serait beaucoup plus simple,
beaucoup plus sage, beaucoup plus intelligent que les minoteries
soient de juridiction provinciale.
Croyez-le ou non, avec une espèce de sans-gêne éhonté, le
gouvernement a rejeté notre amendement. J'avais parié moi-même,
vous savez que je le fais très rarement, mais je m'étais dit: «S'il y a
un amendement du Bloc québécois qui peut recevoir un accueil
favorable de la part de ce gouvernement, ce n'est pas celui sur les
travailleurs de remplacement, ce n'est pas celui sur le vote de grève,
c'est celui sur les minoteries.» Eh bien, mon amendement a été
rejeté. Je me suis retrouvé les deux pieds dans la farine.
Je veux vous lire ce que nous ont dit les gens de la CSN: «La
plupart des personnes qui interviennent dans nos relations de travail
pour la première fois s'étonnent toujours d'apprendre que les
travailleurs et les travailleuses de production de la farine relèvent du
Code canadien du travail. Quant à nous, après plus de 30 ans
d'existence de notre syndicat, cela nous intrigue toujours.
Pourquoi? Parce qu'avant l'entrée en vigueur des lois modernes
régissant les relations collectives de travail, le gouvernement
fédéral, utilisant son pouvoir déclaratoire-et je sais que le député
de Chambly, en juriste qu'il est, comprend bien la portée du pouvoir
déclaratoire-a décrété que les minoteries étaient sous sa
juridiction.»
(1050)
Le témoin poursuit: «Peut-être qu'à l'époque des guerres
mondiales et du protectionnisme, une telle initiative pouvait se
justifier, mais plus aujourd'hui, surtout depuis que les Américains
ont le contrôle de la majeure partie de cette production, surtout
depuis qu'on a aboli le tarif du Nid-de-Corbeau et que le blé peut
passer la frontière américaine plus facilement. La logique n'est plus
là.»
Et ce n'est pas le Bloc québécois qui le dit, ce n'est pas le
porte-parole de l'opposition pour les relations de travail, c'est un
témoin aussi neutre que la CSN, finalement. Alors, la CSN nous dit:
«La logique n'est plus là, tout comme la production de bière-ah,
voilà un exemple qui ne laissera personne indifférent-la
production de farine devrait relever de la compétence des
provinces.»
Rien n'y fit. J'ai eu beau plaider, j'ai eu beau présenter le
mémoire, j'ai eu beau questionner les témoins, le dossier n'a pas
levé. Voilà pour ce qui est de la farine.
Il y a un autre changement extrêmement important qui est passé
sous silence de la part du gouvernement. Les syndicats ont fait des
demandes, avec énormément de pertinence, vu qu'on est dans un
contexte de changements technologiques. Les mots «changements
technologiques» sont sur toutes les lèvres. On sait bien, d'ailleurs,
c'est une réflexion que nous devons faire là-dessus, dans un cycle de
production, il y a de très bonnes chances que la personne qui a 20
ans aujourd'hui se retrouve, dans sa vie d'adulte, à occuper cinq, six
ou sept postes de travail différents. On n'est plus dans un contexte
comme celui que mon père a connu.
Mon père, que je salue d'ailleurs, a occupé le même emploi
pendant 30 ans, et il était heureux de le faire. Il a commencé sa
carrière dans une entreprise, il a gravi tous les échelons,
évidemment, mais il a toujours été dans la même entreprise, en
faisant à peu près le même travail.
Aujourd'hui, l'homme et la femme modernes du marché du
travail occuperont cinq, six ou sept carrières. Qu'est-ce que ça veut
dire tout ça? Ça veut dire que les individus doivent être mobiles, et
c'est pour cela qu'on parle de formation continue, mais cela veut
dire aussi que les circuits de production sont extrêmement
changeants. Et la façon dont on produit un bien, en 1997, risque de
ne pas être la même que ce que l'on connaissait en 1985 et ne sera
pas la même que ce que l'on va connaître en 2003, 2004. C'est pour
cela que les syndicats ont demandé que tout ce qui est changement
technologique, que l'implantation d'un changement technologique
puisse permettre la réouverture de conventions collectives.
Non seulement permettre la réouverture de conventions
collectives, mais les syndicats souhaitent être associés à
l'implantation d'un changement technologique. Et pour que les
procédés de production puissent être une formule gagnante, il faut
que ce soit consensuel, il faut que la partie patronale, que les
dirigeants d'entreprises préviennent, non seulement préviennent
mais associent les travailleurs et les travailleuses. Croyez-le ou non,
le Code canadien du travail, que l'on prétend avoir modernisé, est
demeuré absolument silencieux sur une question aussi importante
que les changements technologiques.
Encore une fois, nous avons joué notre rôle d'opposition, nous
avons présenté un amendement, nous avons plaidé, et qu'est-ce qu'a
fait le gouvernement? Il a défait d'une façon cavalière nos
amendements. Je veux que nos téléspectateurs sachent bien, de
toutes les régions de ce pays qu'est le Canada, que tous les
amendements du Bloc québécois-nous en avons présenté une
cinquantaine-eh bien, le gouvernement n'en a retenu aucun,
malgré le fait que nous avons travaillé avec énormément
d'acharnement, que nous avons été présents à toutes les séances du
comité, que nos questions ont donné un éclairage spécifique aux
témoins.
Malgré le fait que nous avons été des collaborateurs, malgré le
fait que nous avons été là à toutes les séances du comité, croyez-le
ou non, le gouvernement n'a retenu aucun de nos amendements, ce
qui est une leçon de vie pour la suite des événements.
L'aspect le plus lacunaire du projet de loi, là où le ministre a été le
plus frileux, là où le ministre a été le plus peureux, là où le ministre
a manqué de courage, là où le ministre n'a pas eu de colonne, si on
me permet de le dire, c'est concernant les travailleurs et les
travailleuses de remplacement.
Je vais dire quelques mots sur le dossier parce que, comme vous
le savez, j'ai deux collègues qui, en cette Chambre, ont déposé des
projets de loi à cet égard.
(1055)
Le député de Bourassa, qui est lui-même issu de cette grande
centrale syndicale qu'est la FTQ, a déposé, aux premières heures de
sa vie de député, un projet de loi en ce sens. Il a toujours manifesté
un intérêt pour la question des travailleurs de remplacement, et on
sait combien c'est un élément d'équilibre important lorsque
survient un conflit, mais j'y reviendrai. Je sais que le député de
Bourassa s'exprimera sur cette question. Notre collègue, le député
8876
de Manicouagan, si je ne me trompe pas, a déposé, lui aussi, un
projet de loi à cet égard, très tôt.
Lorsque nous avons formé l'opposition officielle, nous avons
posé des questions au gouvernement, nous avons sollicité son
intervention, nous avons déposé des projets de loi. De quoi
parle-t-on? On parle de la réalité suivante. On sait qu'une grève,
c'est un élément ultime, c'est vraiment le dernier recours dans la
gradation des moyens à la disposition du syndicat pour faire valoir
un point de vue. Personne ne va en grève de propos délibérés, par
plaisir. Lorsqu'on recourt à un moyen aussi ultime que la grève,
c'est vraiment parce qu'on a le sentiment qu'il n'y a pas d'autres
moyens à notre disposition pour faire entendre notre point de vue.
Il est important que l'on sache qu'en vertu du Code canadien du
travail, aucune grève ne peut être autorisée sans que le ministre n'ait
donné son accord. C'est dire que ce n'est pas un processus
anarchique, c'est un processus encadré. Il y a des étapes qui sont
prévues, des délais qui sont prévus. Il y a même le recours à la
conciliation qui est possible en une seule étape, c'est une des
bonifications du projet de loi. Que valent tous ces amendements si
on se retrouve dans une situation où l'employeur peut avoir recours
à des travailleurs de remplacement? Qu'est-ce que cela signifie?
Cela signifie que lorsqu'une unité de négociation est en grève,
que cette unité de négociation a reçu l'aval du ministre du Travail, il
est possible que des travailleurs dûment autorisés à faire la grève
voient une partie de leurs tâches, une partie de leur travail effectuée
par ce qu'on appelle des «scabs». C'est extrêmement négatif dans
un milieu de travail, parce qu'on conçoit que cela crée deux
catégories de travailleurs et de travailleuses. Cela crée un climat
d'hostilité.
Nous aurions souhaité que le gouvernement canadien s'inspire de
ce qui existe au Québec. Au Québec, en 1977, le ministre du Travail
du temps, Pierre-Marc Johnson, membre du Cabinet Lévesque, a
présenté une législation faisant en sorte d'inclure dans le Code du
travail du Québec une disposition déclarant pratique déloyale
l'utilisation de travailleurs de remplacement.
Quand un employeur a recours à des travailleurs ou à des
travailleuses de remplacement, cela donne droit à un recours
automatique pour le syndicat. C'est considéré comme une pratique
déloyale qui peut être sanctionnée et qui peut amener des poursuites
pénales et des amendes. Ce n'est pas équivoque, c'est clair. C'est
une règle du jeu admise et partagée par tous. C'est un moyen ultime,
je le rappelle.
On ne dit pas qu'on ne demande pas d'abord aux parties de
négocier, ou que la possibilité de recourir à des conciliateurs et des
médiateurs n'existent pas. On vous dit que lorsque tous les recours
ont été épuisés et qu'il est impossible de s'entendre, on exerce le
droit de grève de façon telle qu'on s'assure qu'il n'y ait pas de
travailleurs et de travailleuses de remplacement qui soient utilisés.
Le gouvernement canadien n'a pas eu le courage de ses
convictions. Lorsque les libéraux étaient dans l'opposition, ils
souhaitaient que l'on adopte des politiques pour restreindre le
recours à des travailleurs de remplacement. Maintenant qu'ils
forment le gouvernement, ils sont aussi frileux que peureux.
Soyons clairs. Peut-il y avoir, dans une société, un consensus sur
cette question? Bien sûr que non. Il n'y en avait pas au Québec, en
1977, quand Pierre-Marc Johnson a proposé cette législation. Le
Conseil du patronat menaçait de recourir aux tribunaux.
Je vous prie de m'excuser, monsieur le Président, je relève d'une
grippe. Mais je veux me faire extrêmement rassurant à l'endroit du
gouvernement, je serai sur les rangs aux prochaines élections, car
j'ai une capacité de récupération à nul autre pareil. Donnez-moi
deux jours, et je serai un homme neuf.
(1100)
S'agissant des travailleurs de remplacement, je veux vous
rappeler que l'argument qu'a invoqué le gouvernement ne résiste
pas à l'analyse, parce que le gouvernement dit que dans le rapport
Sims, il n'y avait pas de consensus.
Bien sûr qu'il n'y avait pas de consensus. Est-ce qu'il peut y
avoir un consensus sur un élément aussi délicat que celui-là?
Pensez-vous que si le gouvernement du Québec, dirigé à ce
moment-là par le gouvernement de René Lévesque, avait attendu
qu'il y ait un consensus, que le Québec aurait eu une loi comme
celle dont je vous parle? Bien sûr que non.
Il y a des moments, en politique, où ce n'est pas par consensus
qu'il faut procéder, des moments où il faut être animé par une
certaine dose de courage, un certain don d'élévation. Vous allez
comprendre que le gouvernement qui est devant nous en a été, lui,
totalement dépourvu.
Qu'est-ce qu'une loi interdisant le recours à des travailleurs de
remplacement depuis 1977 a donné au Québec? Cela a fait en sorte
que les conflits de travail ont été moins nombreux. Bien sûr, ce n'est
pas une résolution automatique des conflits, mais cela a fait en sorte
qu'on a, non seulement moins de conflits de travail, mais surtout
que ces conflits-là durent moins longtemps et sont moins violents.
On comprend que, sur les piquets de grève, il y a moins de
violence, puisqu'il n'y a pas de travailleurs de remplacement. Ne
pourrait-on pas s'inspirer ou prendre exemple de ce qui s'est passé à
la minoterie, chez les travailleurs d'Ogilvie où il y a eu de la
violence, où le conflit a duré en longueur et où ce fut extrêmement
pénible? Est-ce qu'on n'a pas le devoir, comme législateurs, de se
rappeler que, lorsqu'il y a une grève, ce sont, non seulement les
travailleurs et les travailleuses qui en souffrent, mais c'est
également leurs familles.
Quand un travailleur est en grève pendant un an et demi, deux ans
ou deux ans et demi, cela a des conséquences extrêmement
importantes pour sa famille. Cela veut dire un manque à gagner sur
le plan financier; cela veut dire, dans un certain nombre de cas, un
découragement, une déprime, ce qui est tout à fait humain, tout à
fait légitime.
Il aurait été possible de prendre fait et cause pour les travailleurs
et les travailleuses en ayant le courage de nos convictions. Ce
gouvernement aurait pu nous inviter à adopter des dispositions
anti-travailleurs de remplacement et il aurait obtenu le concours
indéfectible de l'opposition officielle. Tous les députés de
l'opposition officielle, quels que soient leur région, leur formation
ou leur âge, auraient voté en faveur d'une disposition comme
celle-là. Malheureusement, le gouvernement a refusé d'aller de
l'avant.
Je vous disais qu'on ne s'est pas préoccupé des arguments de
l'opposition officielle s'agissant des minoteries, des travailleurs de
remplacement et des changements technologiques. On a fait fi de la
collaboration de l'opposition. C'est malheureux et nous ne
l'oublierons jamais. Nous ne pourrons pas vivre assez longtemps
pour oublier un mépris de l'opposition comme celui qu'on a connu.
Je le dis sans gêne, parce que j'ai travaillé extrêmement fort dans ce
dossier. Si c'était à refaire, nous déposerions à nouveau les mêmes
8877
amendements et nous tiendrons les mêmes arguments, parce que
nous sommes des gens de principe.
Une autre disposition lacunaire au projet de loi: le gouvernement
aurait pu s'inspirer de ce qui se fait au Québec. Lorsqu'une
convention collective est expirée au Québec, il y a une clause de
tacite reconduction, ce qui veut dire que jusqu'à ce qu'une nouvelle
convention collective prenne force et soit signée par les parties, il y
a ce qu'on appelle une clause de tacite reconduction.
Je ne pourrais pas vous le dire en latin, bien sûr, d'autres
pourraient le faire, mais il n'en demeure pas moins que sur le
principe, cela fait en sorte qu'aucun travailleur ou travailleuse n'est
privé de la protection que peut leur offrir leur convention collective
parce qu'ils sont dans un processus de négociation.
Vous pouvez deviner ce qui s'est passé: le gouvernement a
disposé de notre amendement comme il l'a fait pour le reste. Cet
amendement a été défait. Je sais que c'est un sujet de surprise pour
mes collègues, mais la réalité est celle que j'exprime.
Je crains que mon temps soit expiré. Monsieur le Président,
pouvez-vous m'indiquer combien de temps il me reste?
Le vice-président: Il vous reste dix minutes.
M. Ménard: Monsieur le Président, c'est le bonheur total. Dix
minutes, c'est beaucoup plus de temps qu'il ne m'en faut.
(1105)
Je voudrais également soumettre à votre réflexion ce que le
rapport Sims dit. Si le projet de loi a été bonifié dans un certain
nombre de ses dispositions, le fait demeure que nous sommes en
présence d'un projet de loi qui, à certains égards, est
particulièrement paternaliste.
Pensez au pouvoir qu'a le ministre d'imposer, de demander aux
parties de tenir un vote secret concernant la grève. C'est là un
élément extrêmement paternaliste, parce que ce que les syndicats
sont venus dire, c'est qu'ils n'ont pas besoin du ministre pour tenir
un vote secret, c'est une pratique syndicale qui est déjà en force. On
ne reconnaît pas au ministre ce pouvoir autoritaire, paternaliste,
passéiste, désuet, d'un autre temps, alors que dans les conventions
collectives, dans les pratiques syndicales, on reconnaît que,
lorsqu'il y a un élément aussi important, une décision aussi
stratégique, une décision aussi liante pour les parties que celle du
recours à la grève, d'entrée de jeu, d'emblée, doit être soumise au
vote des travailleurs et des travailleuses. Ce pouvoir que s'arroge le
ministre est tout simplement de mauvais goût. Vous comprendrez
que nous avions déposé un amendement pour le restreindre.
Dans le Code canadien du travail, il y a un certain nombre de
vestiges d'un autre temps qui prennent la marque d'un paternalisme
éhonté que je veux vous citer. D'ailleurs, le rapport Sims proposait
que huit pouvoirs, présentement détenus par le ministre, soient
dévolus au Service fédéral de médiation et de conciliation.
On parle bien sûr du paragraphe 57.5 qui est le pouvoir de
nommer les arbitres et les conseils d'arbitrage; le pouvoir conféré
en vertu de l'article 59 concernant la possibilité de recevoir, d'abord
et avant tout, de façon privilégiée, des copies des sentences
arbitrales; le pouvoir conféré en vertu de l'article 71, concernant les
avis de différend; le pouvoir conféré en vertu de l'article 72, de
nommer les conciliateurs et les commissaires-conciliateurs; le
pouvoir conféré en vertu de l'article 105 de nommer les médiateurs;
le pouvoir, le plus extravagant sans doute, conféré en vertu de
l'article 108.1 d'ordonner la tenue d'un scrutin sur les dernières
offres de l'employeur; et l'article 97(3) qui est la possibilité que le
ministre autorise une des parties, le syndicat, à déposer une plainte
devant le Conseil canadien des relations de travail, concernant des
allégations de mauvaise foi.
C'est très explicite; c'était très clair, dans le rapport Sims, que
tous ces pouvoirs devaient être transférés au Service fédéral de
conciliation et de médiation.
Voilà une autre série d'amendements qui auraient été avantageux
pour le gouvernement, qui lui auraient permis d'obtempérer et
d'offrir son concours à l'opposition officielle.
Je le rappelle, et je me résume de la façon suivante: nous
reconnaissons que le projet de loi a été bonifié parce qu'il y a un
certain nombre de dispositions qui permettent au Conseil canadien
des relations de travail d'agir avec plus de célérité. Nous
reconnaissons que le Conseil canadien des relations de travail, qui
va devenir le Conseil canadien des relations industrielles, devient
plus représentatif des parties, et c'est quelque chose que nous
saluons.
Mais nous pensons que le ministre aurait eu avantage, aurait pu
être beaucoup plus entreprenant, beaucoup plus courageux,
beaucoup plus téméraire, et qu'il aurait pu doter le Code de
dispositions très claires concernant les travailleurs et les
travailleuses de remplacement et qu'il aurait dû, comme l'a fait le
Québec, en faire une pratique déloyale.
Nous reconnaissons également qu'il aurait été important que ce
Code canadien puisse se prononcer sur l'avènement des
changements technologiques, que nous reconnaissons comme
quelque chose d'inévitable, et qu'il aurait été avantageux,
avant-gardiste, visionnaire pour le gouvernement de permettre aux
syndicats d'être associés à l'implantation de changements
technologiques. Non seulement d'y être associé, mais ultimement,
faute d'être d'accord, de pouvoir réouvrir les conventions
collectives.
Nous pensons également que parmi les choses pertinentes à ce
projet de loi, nous aurions dû permettre à l'Alliance canadienne de
la fonction publique et à l'Institut professionnel de la fonction
publique de pouvoir être régis comme ils le demandent depuis
bientôt une décennie, que leurs travailleurs et leurs travailleuses
puissent être régis par la partie I du Code canadien des relations de
travail.
(1110)
Mais la honte la plus grave va s'abattre sur le gouvernement
lorsque l'on va constater, dans la population canadienne, l'état de
discrimination dans lequel ils entretiennent les travailleurs et les
travailleuses de la GRC parce que, je vous le rappelle, peu importe
où on a les pieds à travers le pays, les corps policiers ont accès à la
négociation collective.
Est-ce quelque chose d'acceptable de savoir que, lorsqu'un grief
émerge dans le milieu de travail de la GRC, c'est le commissaire de
la GRC qui est appelé, qui est à la fois juge et partie. Cela va à
l'encontre du principe le plus fondamental, un principe de justice
naturelle qui est foulée du pied.
Alors, c'est une réforme inachevée, une réforme qui a manqué
d'envergure, je pense qu'on doit le dire, une réforme qui a manqué
8878
d'aplomb, une réforme qui a manqué d'allant, mais nous avons été
là, nous avons présenté des amendements. Tout le monde doit savoir
que le gouvernement a fait peu de cas de nos amendements; on les a
défaits de façon cavalière, alors que ces amendements auraient
contribué énergiquement à bonifier le projet de loi.
Mais c'est ma conclusion, et si c'était à refaire, si nous étions à
nouveau saisi du projet de loi, nous n'hésiterions pas, parce que
nous sommes des gens de principe, à présenter exactement les
mêmes amendements.
[Traduction]
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président,
la première phase des modifications du Code canadien du travail
sera bientôt renvoyée à l'autre Chambre pour qu'elle l'entérine
d'office. Tout indique également que les modifications aux parties I
et II du code devront attendre jusqu'à une autre législature. Il est à
espérer que la prochaine législature regardera d'un oeil plus
impartial les révisions qui s'imposent.
Durant le débat à l'étape du rapport j'ai préposé 16 amendements
au projet de loi. Aux yeux des réformistes, ces amendements
avaient le mérite de clarifier le projet de loi et de l'améliorer. Nous
voulions fournir aux syndicats et au patronat un mécanisme leur
permettant de régler leurs différends. Mais le gouvernement préfère
s'attirer les bonnes grâces des séparatistes plutôt que de proposer
des lois du travail équilibrées.
Les questions liées au travail qui relèvent du gouvernement
fédéral sont de portée interprovinciale et internationale. Le Code
canadien du travail régit moins d'un million de Canadiens, mais les
industries relevant de la compétence du gouvernement fédéral sont
principalement axées sur les services et participent à la libre
circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes au
Canada. En raison du caractère unique du régime fédéral, il arrive
souvent que des sources de remplacement ne soient pas disponibles.
L'exploitation de ces secteurs industriels est essentielle à
l'économie nationale et au fonctionnement quotidien de notre pays.
Le Canada a un système de transport et une infrastructure de
communications de classe internationale qui devraient être à l'abri
des fermetures. Une interruption dans les opérations quotidiennes
dans les secteurs vitaux du transport mettrait en danger le
fonctionnement de l'économie canadienne. Les conséquences
potentielles d'un arrêt de travail, même de courte durée, dans
n'importe quel service fédéral, sont catastrophiques pour
l'entreprise canadienne et pour l'économie du pays dans son
ensemble.
Une grève dans le secteur du rail, le transport routier ou les
secteurs desservant l'industrie automobile canadienne qui doit
quotidiennement acheminer les produits finis, les matières
premières et les pièces dans toute l'Amérique du Nord pourrait être
catastrophique. Par exemple, deux millions d'emplois
manufacturiers dépendent du secteur relevant de la compétence
fédérale pour les services et l'infrastructure qui sont essentiels à
leur existence. De nombreux manufacturiers fonctionnenent selon
le mode d'approvisionnement juste à temps et une interruption de la
source d'approvisionnement se fait sentir immédiatement.
Ainsi, chaque jour, General Motors utilise plus de 100 wagons et
925 camions pour acheminer des pièces à ses usines canadiennes et
plus de 225 wagons et 180 camions pour assurer le transport desproduits finis vers toutes les régions du Canada et des États-Unis.
Un arrêt de travail dans ces secteurs vitaux touche tous les employés
de GM qui risqueront des licenciements lorsque des pièces et des
composants font défaut. Les entreprises doivent être flexibles,
adaptables et efficaces pour pouvoir suivre les changements et les
besoins nouveaux des consommateurs.
(1115)
Le gouvernement devrait limiter ses intrusions sur le marché du
travail et dans les relations employeur-employés en adoptant une loi
qui permette aux deux parties de négocier dans des conditions
équitables et justes.
La loi et la réglementation doivent aider à créer un
environnement qui favorise la croissance économique,
l'investissement et des relations de travail harmonieuses.
Je voudrais parler brièvement de l'arbitrage des propositions
finales. Ce n'est évidemment pas la première fois que j'aborde la
question à la Chambre. Dans son discours, le député de
Hochelaga-Maisonneuve a vanté à plusieurs reprises les avantages
d'une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement.
L'adoption de l'arbitrage des propositions finales éliminerait la
nécessité d'une telle loi car dans le cas où les deux parties ne
pourraient pas parvenir à une entente, les propositions de l'une ou
l'autre leur seraient imposées. Les réformistes préfèrent cette
solution à l'autre, que le Parlement a déjà utilisée à tant de reprises.
Lorsque le gouvernement adopte une loi de retour au travail,
comme il l'a fait à 19 reprises au cours des 20 dernières années, les
parties doivent ensuite se soumettre à l'arbitrage des propositions
finales et parvenir à un règlement.
Si cette approche est valable dans une situation donnée, pourquoi
ne serait-elle pas disponible au départ? Le secrétaire parlementaire
a convenu avec nous que l'adoption de lois forçant le retour au
travail n'était pas une méthode efficace. En fait, il dit-et je suis
d'accord avec lui-qu'elle encourage les syndicats et le patronat à
dépendre de l'adoption de lois forçant le retour au travail.
L'arbitrage des propositions finales a entre autres ceci d'unique
qu'il ne diminue en rien le processus de négociation. Il l'améliore
en ce sens qu'il aide à rapprocher au maximum les deux parties qui
savent que si elles ne font pas un effort, elles risquent de devoir faire
face à un arbitrage final qui ne les satisfera pas du tout.
Ce qui donne son caractère unique à l'arbitrage des propositions
finales, c'est que s'il est là pour être utilisé au cas où les parties
n'arriveraient pas à s'entendre, le but est d'éviter d'y avoir recours.
Il encouragerait les deux parties à arriver d'elles-mêmes à une
8879
entente. Toute entente conclue par les parties elles-mêmes est
préférable pour tous.
Des relations de travail stables encourageront l'investissement et
le réinvestissement dans un pays considéré par les employeurs
comme instable sur le plan des relations de travail. Les employeurs
peuvent être tentés, sinon forcés, d'aller s'installer dans d'autres
pays.
Notre économie est telle que nous ne pouvons nous permettre que
des entreprises créatrices d'emplois aillent s'installer dans d'autres
pays. Il nous incombe, à nous législateurs, de créer un climat
permettant de veiller à ce qu'un aussi grand nombre de personnes
que possible restent employées à l'intérieur de nos frontières. Nous
devrions encourager les entreprises, les fabricants et les employeurs
de toutes sortes à s'établir au Canada et à employer des Canadiens.
Sinon, nous risquons de perdre notre réputation d'exportateur et de
fournisseur mondial. Nous risquons aussi de voir les employeurs
aller s'installer dans d'autres pays où la législation du travail leur
est un peu plus favorable.
(1120)
L'arbitrage des propositions finales ne favorise aucune des
parties. C'est un instrument auquel peuvent recourir l'une ou l'autre
partie. Les deux parties doivent se mettre d'accord sur le choix d'un
arbitre. Elles doivent soumettre les points de l'entente sur lesquels
elles sont tombées d'accord et ceux sur lesquels elles n'ont pas
réussi à s'entendre, et leurs positions finales sur ces derniers.
À partir de là, l'arbitre choisit globalement l'une ou l'autre des
positions. Grâce à ce processus, les deux parties se rapprochent le
plus possible d'un accord, sachant très bien que l'arbitre peut
trancher en faveur d'une position ou l'autre. Évidemment, la
décision de l'arbitre est exécutoire.
Il faut mettre en place un processus de règlement permanent et
équitable qui ne soit pas soumis aux caprices du gouvernement. Les
lois de retour au travail sont devenues trop fréquentes. Les parties
patronales et syndicales s'y sont habituées et comptent parfois
là-dessus. Une mesure législative permanente offrirait aux deux
parties des règles prévisibles et un calendrier de négociation.
On a parlé des emplois au Canada. Je ne crois pas qu'il y ait un
seul député à la Chambre qui ne s'inquiète pas du taux de chômage
élevé au Canada en ce moment. Nous devrions tous chercher des
moyens de faire en sorte que de plus en plus de Canadiens
travaillent, et je suis sûr que c'est ce que nous faisons. Les mesures
qui sont prises à la Chambre devraient contribuer à éliminer les
facteurs qui menacent les emplois au Canada.
Si les différends ne sont pas réglés, des emplois seront perdus
dans le secteur des exportations et ceux dans les ports seront
gravement menacés. Au point où nous en sommes, les utilisateurs
des services de transport maritime se tourneront vers d'autres ports,
si nous ne pouvons pas régler la question des arrêts de travail,
surtout dans les ports de la côte ouest du Canada. Que cela nous
plaise ou non, nous devons faire concurrence aux ports de la côte
ouest des États-Unis, surtout celui de Seattle.
Toute interruption des services prévus à la partie I du Code
canadien du travail peut avoir des conséquences dévastatrices pour
l'économie canadienne. Les divers ordres de gouvernement doivent
prévoir une certaine réglementation. Il ne sert à rien de prendre des
mesures inutiles chaque fois que les parties syndicale et patronale
n'arrivent pas à s'entendre. C'est ce qui se produisait auparavant.
On peut résoudre les différends entre les deux groupes sans
interrompre le déroulement ordinaire des travaux du gouvernement.
Nous ne parlons pas de mesures qui décourageraient ou
menaceraient le processus de négociation collective. Nous parlons
d'une façon de l'améliorer, c'est-à-dire l'arbitrage des propositions
finales.
Chaque fois qu'on a eu recours à une loi pour imposer le retour au
travail au Canada, on a obtenu des effets qui ne sont pas censés se
produire au Canada. Cette façon de faire abolit le droit de grève ou
de lock-out et usurpe le processus de négociation collective. Cette
pratique devrait être remplacée par l'arbitrage des propositions
finales.
(1125)
Selon certains, le fait d'inclure dans ce projet de loi les grains et
le chargement des navires lorsque les grains sont déjà rendus au port
améliorera la situation. Comme l'a souligné l'orateur précédent, les
meuneries et les élévateurs à grains relèvent de la compétence
fédérale depuis la Seconde Guerre mondiale. On les avait alors
considérés comme des secteurs essentiels pour l'intérêt national.
Le fait que les grains déjà rendus au port seront maintenant
chargés sur les navires constitue une bien mince amélioration.
Autrement dit, cela équivaut à déclarer que le service fourni par un
groupe en particulier est un service essentiel. Je suis très surpris que
l'on ne soit pas parvenu à cette fin en désignant un groupe de
personnes comme entité chargée d'un service essentiel.
Compte tenu des critères qui font du grain un produit essentiel sur
le plan de l'intérêt national, on doit admettre que bien d'autres
produits appartiennent aussi à cette catégorie. La potasse, le
charbon, le soufre et le bois sont autant de produits qui ont eux aussi
un impact considérable sur l'économie. La lacune du projet de loi
c'est qu'aucun de ces produits n'y est mentionné.
Au cours des 20 dernières années, le Parlement a été prié ou du
moins il s'est senti dans l'obligation de mettre fin à 19 arrêts de
travail. Nous voyons que grâce à l'article 87.7, lorsque les grains
arrivent au port ils sont sûrs d'être chargés. Toutefois, il n'y a
aucune disposition qui garantisse que ces grains arriveront
effectivement au port. Beaucoup d'arrêts de travail peuvent se
produire entre l'exploitation agricole et le port et perturber tout le
système. La Chambre pourrait alors encore avoir à intervenir en
adoptant une mesure de rappel au travail.
Je suppose que nous devrions être heureux d'avoir une
demi-mesure, mais pourquoi devons-nous progresser par
demi-mesures? Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas faire
des modifications
8880
au système qui permettrait d'assurer la concurrence avec d'autres
ports très compétitifs comme celui de Seattle.
Dans l'intérêt national, l'arbitrage des propositions finales serait
une façon bien plus efficace de garantir le transport continu des
grains vers les marchés nationaux.
Les grains représentent environ 30 p. 100 du commerce du port
de Vancouver. Je suis d'accord avec le gouvernement pour dire que
c'est une denrée importante, mais ce n'est pas la seule denrée qui est
importante pour l'économie nationale. Un groupe comme
l'Association des employeurs maritimes de la
Colombie-Britannique représente 77 sociétés d'exploitation des
quais et terminaux et sociétés de manutention, à Vancouver et
Prince Rupert. Ces sociétés craignent que la disposition concernant
les grains n'aggrave une situation historiquement difficile dans le
domaine des conflits de travail au port. Si les débardeurs peuvent
continuer à gagner leur salaire en chargeant les navires, ils
pourraient être moins enclins à mettre rapidement fin à leur grève.
Nous devons maintenir notre réputation de fournisseur fiable. Je
dirais qu'il est très facile de nuire à notre crédibilité et d'inciter les
clients à chercher ailleurs. Ces clients sont souvent contactés par
d'autres fournisseurs. Pour eux l'important c'est de ne pas attendre
trop longtemps que les navires soient chargés. Ils doivent obtenir
leur cargaison et la faire livrer pour pouvoir continuer de payer leurs
employés et satisfaire leurs clients. Nous sommes dans une
situation où nous devons, que nous le voulions ou non, concurrencer
des ports dynamiques, tournés vers les marchés.
(1130)
C'est certes dans notre intérêt de régler ces différends le plus
rapidement possible et de veiller à ce que lorsque les navires
arrivent pour venir chercher du charbon, du grain, du bois d'oeuvre
ou n'importe quel autre produit, ils puissent obtenir une pleine
cargaison de ce qu'ils sont venus chercher et être suffisamment
impressionnés par le service offert pour revenir une autre fois.
Cela cadre très bien avec la position du gouvernement qui
voudrait créer des emplois et, bien entendu, il ne peut pas
simplement créer des emplois à partir de rien, mais il peut certes
établir un climat dans lequel les entreprises et les industries peuvent
prospérer et créer certes des emplois. La création d'emplois n'est
pas une fin en soi, mais nous devons avoir des clients pour acheter
les produits que les titulaires des emplois en question produisent ou
fabriquent.
On estime qu'en 1994, la grève dans les ports de la côte ouest a
coûté aux Canadiens plus de 125 millions de dollars. Les coûts
indirects s'élèvent probablement à deux fois cela. En ce qui
concerne la perte possible de ventes de grain à l'avenir, on estime
qu'il en coûterait à l'économie canadienne 5 milliards de dollars.
Je prétends donc qu'il doit y avoir certaines dispositions dans ce
projet de loi qui protègent l'économie et les tierces parties
innocentes contre des arrêts de travail dans le secteur public,
lorsqu'il n'y a aucune autre solution de rechange. Ou nous utilisons
le secteur public pour transporter nos produits ou nous ne les
transportons pas. Le Canada a un réseau de transport et une
infrastructure en matière de communications de réputation
mondiale qui ne devraient pas être vulnérables en cas
d'interruptions de travail.
Certains des témoins qui ont comparu devant notre comité
permanent avaient des points de vue extrêmement intéressants en ce
qui concerne l'importance accordée au grain. Je voudrais vous citer
Donald Downing, président de l'Association charbonnière
canadienne, qui a déclaré: «Il est impossible d'adopter cette
modification puisqu'elle effectue une discrimination entre des
produits de base et vise à faire de l'un d'eux un cas à part. Elle laisse
entendre que le gouvernement du Canada accorde aux céréales une
priorité et un statut particuliers qu'il nous serait impossible
d'expliquer à nos précieux acheteurs de charbon dans plus de 20
pays.»
Sharon Glover, vice-présidente principale de la Chambre de
commerce du Canada, déclare que «ce ne sont pas uniquement les
céréales qui sont touchées par un conflit portuaire et les
répercussions économiques de la fermeture d'un port sont tout aussi
importantes pour les exportateurs et les importateurs d'autres
produits comme les produits forestiers, le charbon, le soufre, la
potasse et les produits pétrochimiques. Nous sommes convaincus
que ce genre de dispositions qui créent des règles du jeu inégales
pour divers secteurs de l'économie est inutile et ne favorisera pas
les investissements au Canada.»
Mon collègue s'est longuement prononcé sur la nécessité d'une
loi anti-briseurs de grève. Ce sont environ 700 000 employés
canadiens qui sont ainsi visés par le Code canadien du travail.
J'affirme pour la nième fois que si nous adoptions l'arbitrage des
propositions finales, nous n'aurions que faire d'une loi anti-briseurs
de grève.
(1135)
Si les deux parties ne parvenaient pas à s'entendre sur une
convention collective ou achoppaient sur un point litigieux
quelconque, elles soumettraient leurs différends à un arbitre qui
trouverait une solution, car il va de soi qu'en cas d'impasse une des
parties ferait appel à l'arbitrage.
La particularité de l'arbitrage des propositions finales est la
suivante: c'est un outil qui, poussé à la limite, fait qu'on ne l'utilise
pas du tout. En somme, les parties trouvent d'elles-mêmes une
solution sans que le gouvernement ait à intervenir.
Ce projet de loi anti-briseurs de grève est une mesure qui n'est ni
chair ni poisson. D'une part, le gouvernement n'a déclaré aucun
service comme étant essentiel et, d'autre part, il n'a pas interdit le
recours à des travailleurs de remplacement.
Toutefois, le projet de loi confère au Conseil canadien des
relations industrielles le pouvoir de décider si le recours à des
travailleurs de remplacement empiète sur les responsabilités d'un
syndicat ou mine son travail. Nous savons tous que les dirigeants
syndicaux vont insister énormément auprès du conseil en disant
qu'un recours
8881
à des travailleurs de remplacement nuit toujours à un syndicat. De
toute évidence, c'est la position que défendront les syndicats.
Le ministre a donné l'assurance que les nominations au conseil
ne seront pas politiques, mais qu'elles seront fondées sur le mérite
et la compétence. J'ai très hâte de voir ce qui va se produire. Peu
importe les qualités des membres du conseil, ils devront notamment
faire preuve de détermination, parce qu'ils feront l'objet d'un
lobbying à toute épreuve, surtout de la part du mouvement syndical,
pour traiter cette disposition comme une interdiction visant les
travailleurs de remplacement.
Je n'envie pas du tout les membres du CCRI qui se pencheront
sur ces dispositions. Si le gouvernement voulait une mesure
législative sur les travailleurs de remplacement, il aurait dû se
dépêcher et l'inscrire dans le projet de loi.
Le gouvernement a souvent procédé comme cela. Il adopte une
idée qu'un parti d'opposition a fait valoir et la dilue tellement que le
parti d'opposition ne peut plus l'approuver. Les membres du
gouvernement disent alors qu'ils ont fait de leur mieux, qu'ils ont
essayé de nous donner satisfaction, mais que nous avons rejeté leur
proposition. C'est précisément dans cette position que se trouvera le
Parti Québécois, quand le projet de loi aura été mis aux voix.
Cette disposition laisse trop de pouvoir au CCRI. Ses membres
subiront une forte pression, surtout de la part des syndicats et des
membres du conseil qui viennent du milieu syndical. Une pression
sera exercée sur le conseil pour qu'il en vienne à considérer que le
recours à des travailleurs de remplacement mine toujours l'action
syndicale.
Il n'y a aucun équilibre. Le ministre a déclaré que son objectif
consistait à établir un équilibre. C'est un objectif valable, mais je ne
vois pas comment ce projet de loi permet de l'atteindre.
Nancy Riche a déclaré ce qui suit: «À mon avis, chaque fois
qu'on fait appel à des travailleurs de remplacement, cela
compromet la capacité de représentation de l'unité de négociation.»
Elle a ajouté: «Cependant, tous ceux qui ont quelque chose à voir
avec cette disposition nous disent que ce n'est pas ainsi qu'elle doit
être interprétée. Nous verrons ce que dira le conseil.»
(1140)
Elle a absolument raison sur ce point, le Conseil se prononcera.
Dans tous les cas d'utilisation de travailleurs de remplacement, le
Conseil sera saisi, soit par la direction de l'entreprise, soit par les
membres du syndicat qui ne sont pas d'accord avec la grève et qui
tentent de franchir les lignes de piquetage, et il devra se prononcer.
Voici ce que disait M. Ed Guest, directeur général de la Western
Grain Elevator Association: «Nous nous opposons vigoureusement
à la disposition du projet de loi qui créera un handicap potentiel pour
les employeurs qui utilisent les services de travailleurs de
remplacement. Le projet de loi fait intervenir le Conseil canadien
des relations industrielles dans le conflit et donne a une partie
seulement, la partie syndicale, le droit d'intenter des poursuites à ce
sujet. Cela, en soi, crée un terrible déséquilibre dans le projet de loi.
Un concept à sens unique qui empêche un employeur d'exploiter
son entreprise par quelque moyen que ce soit pendant un conflit de
travail supprime toute notion d'équilibre dans la confrontation
économique entre les parties.»
Encore ce mot, «équilibre». Voilà encore quelqu'un qui soutient
que le projet de loi ne parvient pas à l'équilibre qu'il s'était proposé
d'établir.
À propos des travailleurs à distance, le projet de loi C-66 donne
au CCRI le pouvoir d'ordonner à un employeur de divulguer les
noms, adresses et autres renseignements pertinents concernant ses
travailleurs à distance aux syndicats et aux syndicalistes qui
cherchent à obtenir une accréditation syndicale. L'obligation de
donner des renseignements sur les travailleurs à domicile et même à
donner aux syndicats l'accès aux systèmes de communication
électronique de l'entreprise soulève de sérieuses inquiétudes en
matière de protection de la vie privée et de sécurité des employés.
On foule aux pieds les droits des individus en permettant ainsi de
divulguer les noms, adresses, etc., des travailleurs à distance.
Plusieurs des témoins entendus devant le comité ont dit craindre
le risque de violation de la vie privée si on donne aux syndicats
l'accès à l'adresse personnelle des employés sans leur approbation.
Voilà les mots clés, sans leur approbation. Si les employés ne voient
pas d'objection à ce que l'on communique ces renseignement à des
organisations syndicales, pas de problème. Il s'agit d'un contrat
entre deux individus ou entre l'individu et le syndicat. S'ils s'y
opposent, cependant, ils devraient pouvoir exiger que l'on garde ces
renseignements confidentiels. Le projet de loi ne prévoit rien à cet
égard. Nous avons proposé un amendement qui a connu le sort de
tous les amendements que proposent les partis d'opposition à la
Chambre. Notre amendement visait à donner à l'employeur le choix
de partager ou non ces renseignements avec le syndicat.
Le 3 septembre 1996, le ministre du Travail a annoncé la création
d'une commission de 600 000 $ chargée d'étudier le milieu de
travail en évolution. Encore une autre commission. Cet aspect,
parmi ceux qui sont pris en considération, devrait faire l'objet de
consultations et d'une étude avant d'être mis en oeuvre. Le
gouvernement est toutefois déterminé à faire adopter ce projet de loi
ici et à l'autre endroit le plus tôt possible. En fait, il voudrait bien en
finir avec lui cet après-midi et s'attaquer ensuite à d'autres mesures
législatives inscrites au Feuilleton.
Nous croyons toutefois que ces dispositions ne permettent pas
d'atteindre le niveau d'équité souhaité par le ministre. Nous
croyons qu'elles privilégient le syndicat au détriment de l'employé
ou de l'employeur.
Je voudrais encore une fois citer certains témoins. Michael
McCabe, président-directeur général de l'Association canadienne
des radiodiffuseurs, a dit ceci: «Nous estimons essentiel pour le
syndicat de pouvoir communiquer avec tous les employés membres
de l'unité de négociation. Toutefois, le fait que le paragraphe
109.1(1) n'exige pas que l'employé autorise la communication de
pareils renseignements personnels nous préoccupe. Si l'employeur
communique cette information au syndicat sans le consentement de
l'employé, il y aura violation des rapports de confiance et de
confidentialité qu'entretient l'employeur avec l'employé. De plus,
de nombreux employés refusent que des renseignements personnels
8882
à leur sujet soient communiqués par crainte de compromettre leur
sécurité personnelle.»
Je suis tout à fait de cet avis. Les syndicats devraient pouvoir
obtenir une accréditation et s'organiser, mais cela devrait se faire en
respectant rigoureusement ceux de qui on veut obtenir de
l'information. Il s'agit d'une question très fondamentale, celle de
savoir si les renseignements personnels sur quelqu'un devrait être
divulgués en vertu de la loi ou avec l'autorisation de la personne
visée.
(1145)
Je voudrais citer une autre personne, Mme Sharon Glover,
vice-présidente directrice de la Chambre de commerce: «Ces
dispositions, qui traitent des travailleurs à distance, un aspect qui
n'a pas été abordé lors des consultations générales des deux
dernières années et qui a figuré dans le rapport du groupe de travail
Sims, n'auraient pas dû faire partie du projet de loi.»
Le Conseil canadien des relations industrielles, qui s'appelait
auparavant Conseil canadien des relations de travail, s'est vu
confier des pouvoirs vaguement définis, mais importants, en
matière de travailleurs de remplacement. Nous devons également
nous occuper des travailleurs à distance et des droits du successeur.
Le gouvernement a tenté de régler le problème initial dans le
projet de loi en modifiant l'article traitant de l'industrie du transport
aérien. Toutefois, il n'a pu résister à la tentation d'ajouter une
disposition qui conférerait au Cabinet le pouvoir d'accorder, à son
gré, des droits du successeur à toute composante de l'industrie du
transport aérien. Voici encore un projet de loi qui accorde une
latitude et des pouvoirs excessifs au gouverneur en conseil.
Nous nous rendons compte que le gouverneur en conseil doit
avoir une certaine latitude. Nous sommes d'avis qu'il n'est pas
nécessaire, en légiférant, de tout prévoir dans les moindres détails.
Le ministre et le Cabinet doivent disposer d'une certaine latitude.
Mais dans l'industrie du transport aérien ou d'autres secteurs, je
crois que le ministre a une trop grande latitude.
En guise de conclusion, je voudrais souligner que les syndicats et
les employeurs doivent disposer des outils nécessaires pour régler
leurs différends d'une manière juste et équitable sans que pèse sur
eux la menace d'une intervention de l'État. En fait, j'estime que si le
gouvernement se retirait d'un grand nombre de secteurs, les
Canadiens verraient une amélioration dans l'économie. Les parties
ne sont pas portées à négocier sérieusement quand l'adoption d'une
loi de retour au travail est inévitable. C'est un fait incontournable.
Je voudrais présenter un autre argument en faveur de l'arbitrage
des propositions finales. Je sais que le ministre n'est pas un partisan
de cette formule, mais c'est une solution viable. Malgré ce que
prétend le ministre, bien des gens sont en faveur de cette formule
qui, à mon avis, améliorerait les relations patronales-syndicales.
Le but d'une grève est de forcer un règlement et l'arbitrage des
propositions finales est un mécanisme qui forcera aussi un
règlement, mais avec ceci de particulier qu'il est tellement
contraignant que les parties feront tout pour éviter d'y recourir. Il
pousse les parties à s'entendre.
Comme je l'ai dit à maintes reprises, une solution négociée est
certes la meilleure solution pour tous. Cette formule incite les deux
parties à faire des efforts et il ne suffit pas de dire: «Peu importe
qu'il y ait une grève ou un lock-out, ce sera pour peu de temps.» Je
ne pense pas que cette façon de penser soit bien productive pour
quiconque.
(1150)
L'arbitrage des propositions finales n'enlève pas le droit de
grève. Le fait qu'une loi de retour au travail prive les travailleurs du
droit de grève aurait dû être pris en considération. Le projet de loi
aurait dû être reformulé de telle façon que l'on n'ait plus jamais
besoin de recourir à une loi forçant le retour au travail.
Les modifications proposées au Code du travail du Canada
n'auront pas un effet favorable sur les affaires, les investissements
ou la création d'emplois. Les charges sociales ainsi que la
réglementation patronale-syndicale vont augmenter les coûts des
entreprises au Canada et décourager les investissements. C'est bien
triste.
* * *
M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Je soulève la
question de privilège. J'estime que mes droits de député ont été
lésés à cause d'une mauvaise interprétation et d'une mauvaise
application du paragraphe 108(2) du Règlement.
Le projet de loi C-46 a été mis à l'étude à la Chambre et fait
l'objet d'un débat. Ce texte porte sur la production de documents
dans les causes d'infractions sexuelles. J'ai pris part au débat de
deuxième lecture et exprimé de sérieuses réserves parce que
j'estime que cette mesure porterait atteinte aux droits
fondamentaux du prévenu, qui doit pouvoir se défendre.
La Chambre poursuivra l'étude de ce projet de loi cet après-midi.
Le débat de deuxième lecture n'est pas terminé. Pourtant, au
moment où je vous parle, le Comité de la justice étudie le projet de
loi en vertu du paragraphe 108(2). Cela me pose de graves
difficultés, car je tiens non seulement à suivre le débat à la
Chambre, mais aussi à poser des questions aux témoins qui
comparaissent au Comité de la justice. Je ne peux pas le faire tant
que le débat n'est pas terminé à la Chambre.
Le Comité de la justice s'est donné le mandat d'examiner la
teneur du projet de loi C-46 en vertu du paragraphe 108(2) du
Règlement. Lorsque la Chambre est saisie d'un projet de loi, la
teneur et le texte du projet de loi sont une seule et même chose. Si la
Chambre examine le projet de loi maintenant, elle ne peut pas
l'examiner sans en examiner la teneur du même coup. Par
conséquent, si le projet de loi est à l'étude à la Chambre, on ne peut
pas examiner la teneur du projet de loi C-46 sans examiner le projet
lui-même.
Le paragraphe 108(2) du Règlement donne les autorisations
suivantes aux comités permanents pour qu'ils puissent étudier un
projet de loi ou sa teneur. En réalité, ce paragraphe ne donne pas au
8883
comité permanent, selon moi, le droit d'étudier un projet de loi
avant que l'étape de la deuxième lecture ne soit terminée.
J'attire très rapidement l'attention des députés sur les divers
éléments du paragraphe 108(2):
En général, les comités sont individuellement autorisés à faire une étude et
présenter un rapport sur
a) les textes législatifs liés au ministère qui leur est confié;
Je ferai observer que le projet de loi C-46 n'est pas encore loi. Il
est encore à l'état de projet. Le comité permanent n'a donc pas le
droit de l'étudier à cette étape-ci. Le paragraphe dit ensuite que le
comité permanent peut faire une étude sur
b) les objectifs des programmes et des politiques du ministère. . .
Cela ne s'applique pas en l'espèce. Il peut encore étudier
c) les plans de dépenses immédiats, à moyen terme et à long terme
du ministère. Cela ne s'applique pas ici. Il peut faire
d) une analyse de la réussite relative du ministère. . .
Etc., etc. Mais rien de tout cela ne s'applique dans ce cas-ci
Enfin, le paragraphe dit que le comité peut étudier
e) d'autres questions liées au mandat, à l'administration, à l'organisation ou au
fonctionnement du ministère. . .
Selon moi, le Comité de la justice n'a pas le mandat de priver un
député de l'occasion de prendre pleinement part aux délibérations
sur une mesure législative à l'étude à la Chambre.
Je veux écouter tout le débat sur le projet de loi C-46 à la
Chambre et y participer pour que, lorsque le comité entamera ses
délibérations sur le projet de loi, je puisse m'y présenter en
connaissant tous les aspects de cette mesure, participer à l'étude et
poser des questions pertinentes aux témoins.
À cause de l'interprétation qu'il donne du paragraphe 108(2) du
Règlement, le comité me refuse le droit de comparaître et de
prendre part à des délibérations qui sont importantes pour tous les
Canadiens et les intéressent.
(1155)
Le vice-président: Je remercie le député. La présidente du
Comité de la justice n'est pas présente pour l'instant, puisque,
comme le député l'a dit, le comité siège.
La présidence peut prendre note de l'intervention du député et,
avec sa permission, j'en présenterai la transcription à la présidente
du comité. Elle pourra peut-être alors exposer son point de vue, si
elle le souhaite, à 16 heures. Avec l'indulgence du député, je vais
renvoyer la question à 16 heures. Il serait très utile qu'il soit alors
présent.
8883
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi
C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur
les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres
lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.
M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du
Travail, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux
d'intervenir à nouveau dans le débat sur le projet de loi C-66, qui
modifie la partie I du Code canadien du travail, et qui a été présenté
par le ministre du Travail.
Je sais que beaucoup de députés voudront prendre part au débat
aujourd'hui, mais je tiens à féliciter les députés
d'Hochelaga-Maisonneuve et de Wetaskiwin d'avoir exprimé
leurs commentaires, leurs préoccupations et leurs inquiétudes quant
à certains éléments qui se trouvent dans le projet de loi et à d'autres
qui ne s'y trouvent pas. À notre avis, c'est un projet de loi très bien
équilibré. Il est vrai qu'il ne contient pas toutes les mesures que
nous devons prendre pour les travailleurs et les employeurs sous la
responsabilité du gouvernement fédéral, mais il en contient
beaucoup.
Le projet de loi a deux objectifs très importants. Tout d'abord, il
met à jour les dispositions relatives aux négociations collectives
afin les rendre plus efficaces. Deuxièmement, il accroît l'efficacité
de l'administration du droit du travail fédéral.
J'appuie fermement le projet de loi parce que je suis un ardent
défenseur du processus de négociations collectives. À mon avis, le
projet de loi mérite un appui enthousiaste de la Chambre des
communes parce qu'il est bon pour les travailleurs, bon pour les
employeurs et bon pour l'économie canadienne.
Les députés se souviennent peut-être que, en novembre 1994, le
gouvernement fédéral a présenté un document intitulé Innovation:
la clé de l'économie moderne. Dans ce document, le gouvernement
reconnaît que les organisations d'employés et la collaboration entre
les travailleurs et les employeurs comptent parmi les facteurs
nécessaires pour stimuler la croissance de l'emploi et
l'augmentation de la productivité. On peut lire dans ce document:
«Des travailleurs bien formés, des conditions de travail souples, des
relations syndicales-patronales efficaces, la participation des
travailleurs à l'entreprise et des milieux de travail sécuritaires, voilà
autant de facteurs contribuant directement au rendement
économique d'une entreprise et au bien-être des travailleurs.»
Autrement dit, le gouvernement fédéral reconnaît que le
mieux-être économique et le développement humain dépendent non
seulement du matériel technologique et de la virtuosité scientifique,
mais aussi de nos relations sociales et de nos processus sociaux.
8884
Les mécanismes que nous avons mis en place pour régler les
conflits politiques, économiques et sociaux sont aussi importants
pour le bien-être national que les structures que nous avons établies
pour fabriquer des robots, produire de nouveaux logiciels et
transporter nos ressources. De façon générale, on peut dire que le
processus de négociation collective fonctionne bien au Canada. La
Chambre de commerce du Canada a écrit ceci à ce sujet: «Le
système actuel de négociation collective, aussi imparfait qu'il
puisse être, a bien servi le Canada en cette période de turbulence
dominée par la concurrence économique mondiale et une
restructuration massive.»
Dans le mémoire qu'il a présenté au groupe de travail Sims, le
Congrès du travail du Canada a signalé que, malgré les plaintes
formulées et les améliorations suggérées, le code est accepté par les
personnes qui y sont assujetties.
Je suis certain que les députés ont entendu dire bien des fois que,
dans la grande majorité des cas, les négociations collectives
aboutissent à un règlement sans qu'il n'y ait arrêt de travail. Je crois
que la proportion est de plus de 95 p. 100. Toutefois, en cas
d'impasse, les parties peuvent faire appel à des médiateurs
hautement qualifiés et très respectés tant dans le secteur public que
dans le secteur privé. Le Service fédéral de médiation et de
conciliation a été particulièrement efficace pour ce qui est
d'empêcher et d'aider à résoudre les conflits de travail.
(1200)
Les changements qui nous sont présentés par le ministre du
Travail sont un investissement important dans le capital social du
pays. Ils modernisent la loi fédérale en matière de travail sans en
altérer la structure de base qui bénéficie de l'appui général des
syndicats et du patronat. Ils rendront l'administration de la loi plus
efficiente et, du même coup, rehausseront la légitimité du processus
de négociation collective.
Je m'attarderai quelques instants sur les modifications au code
relatives aux droits de négociation. Les modifications visent à
améliorer l'accès à la représentation syndicale pour les employés.
Une des modifications importantes apportées à cette disposition
prévoit le maintien des droits de négociation et de la convention
collective lorsqu'une entreprise provinciale devient régie par le
gouvernement fédéral, par exemple à la suite d'une vente.
Le code autorise actuellement la continuation des droits de
négociation prévus dans les conventions collectives uniquement si
le vendeur et l'acheteur relèvent tous deux de l'autorité fédérale.
Cette modification arrive à propos, compte tenu de la rapidité avec
laquelle les mouvements de capitaux s'effectuent de nos jours.
Le groupe de travail Sims soulignait d'ailleurs dans son rapport
que les entreprises qui réussissent sont rarement statiques. Les
réorganisations, fusions, acquisitions, cessions, transferts et
locations d'entreprises, en tout ou en partie, sont maintenant choses
courantes. Les changements de propriété peuvent se produire très
rapidement et s'accompagner d'un changement de l'autorité
compétente.
Les membres du groupe de travail ont affirmé avoir entendu dire
que certaines entreprises prennent des mesures délibérées pour
passer sous l'autorité d'un autre gouvernement afin de se soustraire
à leurs obligations en matière de négociation. Ce genre de pratique
est inacceptable. C'est une chose quand les employés d'une
entreprise votent contre la syndicalisation, mais c'en est une autre
quand un employeur utilise des tours de passe-passe pour se dérober
à ses obligations relatives à la négociation. C'est pourquoi j'appuie
cette modification.
La deuxième modification dans la catégorie générale des droits
de négociation se rapporte aux nouveaux fournisseurs. Le ministre
propose qu'un employeur qui en remplace un autre comme
fournisseur de services de sécurité pré-embarquement dans
l'industrie des transports aériens soit tenu de payer aux employés
qui assurent ces services le même traitement que celui que versait
l'employeur précédent.
Cette disposition a été incluse dans le projet de loi parce que,
dans le passé, les changements de fournisseurs survenus dans ce
secteur d'activité entraînaient pour les travailleurs, dont beaucoup
sont des femmes et des immigrants, une diminution de traitement et
des pertes d'emplois à la fin de chaque convention collective.
La mesure proposée par le ministre dissuadera les employeurs de
se concurrencer les uns les autres pour offrir les salaires les plus bas.
Elle créera des règles du jeu équitables pour les fournisseurs dont
les employés sont syndiqués et elle contribuera à réduire le taux de
roulement, un facteur de sécurité important dans l'industrie des
transports aériens.
Cette modification ne s'appliquera qu'aux services de sécurité de
l'industrie des transports aériens. Cependant, sur la
recommandation du ministre du Travail, le gouvernement serait en
mesure d'en étendre l'application au cas où une situation similaire
se produirait dans d'autres industries régies apr le gouvernement
fédéral.
Enfin, une modification du code permettrait au Conseil canadien
des relations industrielles de communiquer à un représentant
autorisé d'un syndicat une liste des noms et adresses des employées
qui travaillent normalement ailleurs que dans les locaux de
l'employeur.
Le conseil pourra aussi autoriser un syndicat à communiquer
avec les employés à distance au sujet de toute question pratique.
Toutefois, les conditions à respecter pour protéger la vie privée et la
sécurité des employés à distance devront être précisées.
La modification arrive à point, étant donné la croissance rapide
de l'emploi non conventionnel, notamment le travail à domicile. Il
donnera un choix aux travailleurs relevant de la compétence
fédérale. Si, par suite de cette modification, le conseil accorde à un
syndicat le droit de communiquer avec des travailleurs à distance,
ceux-ci pourront décider eux-mêmes s'ils veulent ou non être
représentés à la table des négociations collectives. Actuellement, ils
n'ont pas le choix.
Ce sont les principales propositions législatives concernant les
droits de négociation des travailleurs. Elles sont équitables et
raisonnables. Elles traitent fort bien des réalités du monde du travail
des années 90. Elles permettront de réaliser l'objectif qu'elles sont
8885
censées atteindre, c'est-à-dire améliorer le processus de
négociation collective pour toutes les parties intéressées.
(1205)
Je ne pense pas qu'un employeur relevant de la compétence
fédérale pourrait honnêtement qualifier ces modifications de
pénibles. À la fois les travailleurs et les employeurs assujettis au
Code canadien du travail devraient être satisfaits de l'équilibre des
modifications dont le ministre du Travail a saisi la Chambre.
[Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente,
j'aimerais participer, aujourd'hui, au débat en troisième lecture sur
le projet de loi C-66 modifiant le Code canadien du travail. Il s'agit
d'une réforme de la partie I du Code relative aux relations de travail.
Les modifications principales portent sur la création du Conseil
canadien des relations industrielles, la modification du processus de
conciliation, la clarification des droits et obligations des parties
devant un arrêt de travail, l'obligation pour les parties de maintenir
les services essentiels lors d'un conflit où la santé et la sécurité du
public sont en cause, l'interdiction de miner la capacité de
représentation d'un syndicat durant une grève ou un lock-out, ou la
possibilité pour les travailleurs à distance d'avoir un meilleure
accès à la négociation collective.
Le Code canadien du travail n'a pas été remanié en profondeur
depuis le début des années 1970. Nous savons tous que les relations
de travail changent et évoluent à un rythme accéléré. En 1995, la
ministre du Travail de l'époque avait mis sur pied un comité de
travail composé d'experts dans le domaine des relations de travail
dont Rodrigue Blouin, un professeur de relations industrielles à
l'Université Laval, Mme Paula Knopf, et le président, M. Andrew
Sims.
Le mandat de ce comité consistait à recommander des
modifications à la partie I du Code. Leur rapport intitulé «Vers
l'équilibre» a été rendu public en février 1996. Les syndicats et les
employeurs des entreprises privées, de compétence fédérale, se sont
déclarés en faveur de plusieurs recommandations générales du
groupe de travail. Cependant, il n'y a pas eu de consensus sur des
questions très importantes, telles que les travailleurs de
remplacement. Ce projet de loi contient des aspects positifs, je le
reconnais. Mais il contient également beaucoup de carences.
Il faut mentionner que le Code s'applique à quelque 700 000
travailleurs et à leurs employeurs relevant de compétence fédérale.
Ce secteur comprend les banques, les transports ferroviaire, routier,
par pipeline et maritime interprovincial et international, les
aéroports et les lignes de transport aérien, la radiodiffusion et les
télécommunications, les opérations portuaires et le débardage, la
manutention des grains et d'autres industries déclarées être à
l'avantage général du Canada, ainsi que certaines sociétés d'État.
Ce Code s'applique aussi aux employeurs et travailleurs du secteur
privé dans les Territoires.
Le Conseil canadien des relations industrielles, composé d'un
président et de vice-présidents et d'un nombre égal de membres
représentant les employeurs et les travailleurs, remplacera l'actuel
Conseil canadien des relations du travail. Ces personnes seront
nommées par le gouvernement. Je crains ici, comme dans d'autres
organismes tels que la CISR, que le critère principal de nomination
soit l'affiliation politique des candidats et non pas la compétence,
malgré le discours, qui se voulait rassurant, du ministre du Travail
plus tôt.
On s'attend à ce que le Conseil traite rapidement des questions
routinières et urgentes. Certaines affaires pourront être entendues
par un vice-président seul plutôt que par un banc de trois personnes,
comme c'est la cas actuellement. Une des difficultés importantes,
aujourd'hui, ce sont les longs délais dans le traitement des dossiers
par le Conseil.
Je me suis déjà adressé au ministre du Travail pour lui faire part
des graves problèmes existant au sein du Conseil et
particulièrement sur le manque de leadership de son président. La
réponse ministérielle n'était pas satisfaisante, ni appropriée.
(1210)
J'espère qu'à l'avenir, le fonctionnement de cet organisme
s'améliorera avec les modifications apportées par ce projet de loi. Il
est souhaitable que certains pouvoirs du Conseil soient clarifiés,
notamment en ce qui a trait à la révision des unités de négociation et
de vente d'entreprises. Il devra aussi apporter des redressements
appropriés à l'encontre de certaines pratiques de travail déloyales,
telles que celles reliées aux négociations de mauvaise foi. Il pourra
également accréditer un syndicat, même s'il n'obtient pas l'appui
majoritaire des membres, en cas de pratiques déloyales par un
employeur.
Le Conseil aura le pouvoir discrétionnaire d'accorder à un
représentant autorisé du syndicat la liste des noms et adresses des
employés qui travaillent à l'extérieur des locaux de l'employeur et
d'autoriser le syndicat à communiquer avec lui.
Je suis contre le projet de loi C-66 pour plusieurs raisons, même
si je reconnais plusieurs points positifs dans ce texte. Il s'agit d'une
réforme insuffisante et inachevée. Le gouvernement libéral a
manqué de courage sur des sujets très importants, tels que les
dispositions antibriseurs de grève. Les travailleurs de
remplacement pourront encore être utilisés, car le ministre n'a
apporté qu'un changement cosmétique à ce niveau.
Dans ce domaine, le gouvernement s'est montré incapable de
prendre le parti des travailleurs. Il a plutôt fait preuve d'un préjugé
favorable aux employeurs. Comme dans d'autres projets de loi, il a
accentué son virage à droite en cédant aux pressions patronales. Il
faut se rappeler que le Parti libéral du Canada avait voté en faveur
des dispositions antibriseurs de grève quand il était dans
l'opposition.
Ma critique majeure à ce projet de loi vise à l'absence de
véritables mesures antiscabs. Comme vous le savez, j'ai oeuvré19 ans au sein de la FTQ, la principale centrale syndicale au Québec,
qui représente presque un demi-million de membres, plus
précisément 480 000 membres, et qui a commémoré, le 16 février
dernier, son 40e anniversaire de fondation. J'ai participé à cette fête
dans la ville de Québec, au Château Frontenac, dans la même salle
où
8886
s'était tenue l'assemblée de fondation en 1957. Un vidéo a été
visionné sur l'histoire de la FTQ. C'était très bien fait.
C'était émouvant d'entendre les premiers dirigeants de cette
centrale, dont plusieurs vivent encore, centrale qui joue aujourd'hui
un rôle capital dans la société québécoise. Je suis très fier d'avoir
milité dans cette organisation à côté de dirigeants remarquables
comme Louis Laberge, Fernand Daoust, Clément Godbout, Henri
Massé, Claude Ducharme, Émile Boudreau, etc.
C'est justement à la suite d'une longue grève de plus de 18 mois
chez United Aircraft, aujourd'hui Pratt & Whitney, à Longueuil,
menée en 1974-1975 par le Syndicat des travailleurs canadiens de
l'automobile affilié à la FTQ, que le gouvernement du Parti
québécois et l'Assemblée nationale avaient adopté, en 1976, un
projet de loi antiscabs. C'était la première législation de cette nature
au Canada. Elle est entrée en vigueur en 1977.
Contrairement au régime québécois, l'absence de dispositions
antibriseurs de grève dans le Code canadien du travail permet à des
employeurs de faire appel impunément à des travailleurs de
remplacement durant un conflit de travail, et permet également
l'existence d'un déséquilibre qui bloque la tenue de négociations
libres de bonne foi. Elle constitue aussi une source de frustration et
de violence. La présence des briseurs de grève, escortés par des
agents privés de sécurité, souvent par la police, est inacceptable,
voire choquante. Les travailleurs qui ont bâti la réputation d'une
entreprise ou d'une institution voient, chaque jour, défiler des scabs
sous leurs yeux.
J'ai déjà dénoncé à la Chambre des communes l'utilisation de
briseurs de grève dans le cas de la minoterie Ogilvie à Montréal, où
les travailleurs sont représentés par la CSN. Nous avons constaté
également la violence dans d'autres conflits de travail,
particulièrement dans le secteur du rail.
(1215)
J'ai donc jugé bon de déposer en Chambre, le 22 octobre 1996, le
projet de loi C-338 visant à introduire des dispositions antibriseurs
de grève dans le Code canadien du travail et dans la Loi sur les
relations de travail dans la fonction publique fédérale. Il contient
également des dispositions quant au maintien des services
essentiels lors d'une grève ou d'un lock-out.
Si adopté, ce projet de loi s'appliquera à plus de 700 000
travailleurs canadiens qui oeuvrent dans des secteurs sous
juridiction fédérale.
En déposant ce projet de loi, j'ai rempli un engagement pris avant
mon élection en tant que député. Malheureusement, jusqu'à présent,
il n'a pas dépassé l'étape de la première lecture, n'ayant pas encore
été choisi par le tirage au sort.
Cependant, de nombreux dirigeants syndicaux, avocats,
professeurs universitaires et experts en relations industrielles ont
manifesté leur appui à cette initiative. Certains syndicalistes ont
même écrit à leur député leur demandant de voter, le moment venu,
en faveur de C-338. Bien que le gouvernement ait manqué de
courage dans ce domaine, je sais que plusieurs députés libéraux sont
d'accord avec une telle législation. Naturellement mon parti, le
Bloc québécois, s'est déjà prononcé en sa faveur et m'appuie dans
mes démarches. Il va falloir que le mouvement syndical fasse lui
aussi beaucoup de pressions pour que l'État fédéral se dote enfin
d'une loi antibriseurs de grève.
Le projet de loi C-66 devant nous ne prévoit pas l'interdiction
générale du recours aux travailleurs de remplacement pendant un
arrêt de travail ou un lock-out. Il les interdit dans un seul cas très
restreint. C'est ainsi que le nouvel article 94 du Code se lira comme
suit:
Il est interdit à tout employeur ou quiconque agit pour son compte d'utiliser, dans
le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat, les services de toute
personne qui n'était pas un employé de l'unité de négociation collective à la date, de
remise de l'avis de négociation et qui a été par la suite engagée ou désignée pour
exécuter la totalité ou une partie des tâches d'un employé de l'unité de négociation
visée par une grève ou un lock-out.
Malheureusement, le ministre, dans son discours de ce matin, en
réponse aux critiques patronales, interprète déjà cet article d'une
façon encore plus restrictive.
C'est le Conseil des relations industrielles qui décidera si une
pratique déloyale mine la capacité de représentation d'un syndicat.
Voilà une preuve difficile à faire. Dans un tel cas, le Conseil pourrait
enjoindre l'employeur de cesser d'avoir recours à des travailleurs
de remplacement pendant la durée du différend. J'espère que le
Conseil agira avec diligence dans des dossiers de cette nature. S'il
attend trop de temps pour trancher, l'article 94 restera inefficace. Le
conflit sera alors réglé avant la décision du Conseil au désavantage,
probablement, d'une des parties.
Il faudrait que le gouvernement s'inspire de l'expérience du
Québec qui, depuis 1977, a été très positive. Les dispositions
antibriseurs de grève ont diminué les tensions et la violence sur les
lignes de piquetage. Il faut se rappeler que ces mesures législatives
avaient engendré, à l'époque, la colère et des réactions très
négatives du patronat québécois qui a même contesté la
constitutionnalité de ces dispositions devant les tribunaux. Une
décision de la Cour suprême du Canada lui a accordé sa requête à
titre de représentant des employeurs. Cependant, plus tard, le CPQ
renonçait à poursuivre la contestation, car il considérait que le
climat de relations de travail au Québec avait beaucoup changé
depuis l'adoption de ces mesures et, par conséquent, il ne voulait
pas les antagoniser. Le patronat canadien devrait aussi avoir cette
même ouverture d'esprit.
J'ai plusieurs autres critiques à l'égard du projet de loi C-66. Par
exemple, l'exercice du droit de grève et de lock-out sera assujetti à
trop de conditions. Pourquoi un syndicat doit-il tenir un vote par
scrutin secret dans les 60 jours avant la grève? Pourquoi doit-il
donner un préavis de grève d'au moins 72 heures?
(1220)
Cette disposition oblige le syndicat à tenir plusieurs votes, si les
négociations traînent en longueur. Les mandats de grève auront
tendance aussi à disparaître. Le préavis est trop long, voire non
nécessaire. À cause de ces obligations difficiles à remplir, plusieurs
grèves deviendront illégales. Mais ce qui est encore plus
inacceptable, c'est le pouvoir que possède le ministre du Travail de
forcer la tenue d'un vote au scrutin secret sur les dernières offres de
l'employeur. Je condamne cette intrusion indue du pouvoir
politique en
8887
matière de relations de travail. C'est une ingérence injustifiée par
une tierce partie dans le processus de négociation collective.
J'ai déjà dénoncé l'utilisation de cette disposition, adoptée par le
Parlement en 1993, dans le conflit opposant les TCA et Les Lignes
aériennes Canadien, l'année dernière. Le vote a été tenu, les salaires
ont été coupés, des concessions ont été faites par les employés qui
s'ajoutent à d'autres concessions et coupures salariales imposées
auparavant. Mais ce n'est pas encore certain que la compagnie
aérienne Canadien pourra encore survivre.
J'ai déjà mentionné certains problèmes de fonctionnement du
Conseil canadien du travail. Le projet de loi prévoit certaines
réformes de cet organisme, mais il aurait dû aller un peu plus loin.
Par exemple, le gouvernement s'engage à consulter le mouvement
syndical et les employeurs au sujet des nominations, mais il a refusé
de procéder à de telles nominations sur la base de listes fournies par
les parties. Le ministre a manqué une bonne occasion pour faire en
sorte que le Conseil devienne vraiment représentatif des parties. Le
favoritisme politique, qui est une marque de commerce de ce
gouvernement, se poursuivra de cette façon.
Le Conseil n'a pas été doté, non plus, de pouvoirs étendus lui
permettant d'ordonner toute réparation qui, selon son jugement et
son expérience, corrige de façon raisonnable toute violation du
Code et tout préjudice qu'une telle violation peut avoir causé.
D'autre part, le projet de loi n'aborde pas une demande formulée
depuis plusieurs années par l'Alliance de la fonction publique du
Canada selon laquelle les fonctionnaires devraient être régis par la
partie I du Code canadien du travail. L'Alliance ne peut
actuellement négocier la question de la sécurité d'emploi, la
protection des changements technologiques, la classification des
postes, les nominations, les avancements, les mutations, etc., car
elle est régie par la Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique.
Aussi, le projet de loi ne permet pas aux agents de la GRC de se
syndiquer et de négocier collectivement leurs conditions de travail,
ce qui est regrettable.
Dans le domaine des changements technologiques, le
gouvernement aurait pu, là aussi, être un peu plus audacieux. Il
aurait pu aller plus loin dans ce secteur qui revêt une grande
importance dans le développement économique d'un pays
aujourd'hui. Il faut associer les travailleurs et les syndicats aux
changements technologiques.
J'aimerais aussi dire quelques mots sur le retrait préventif. La
condition reproductive des femmes entraîne de graves
discriminations dans les conditions de travail. Le Code canadien du
travail ne protège pas efficacement, encore aujourd'hui, les droits
des femmes enceintes ou qui allaitent. C'est donc pour cette raison
que j'appuie la campagne menée par l'Alliance de la fonction
publique du Canada, campagne qui vise à rétablir cette situation
pour le moins déplorable.
La grossesse ne devrait normalement pas empêcher les femmes
de travailler. Toutefois, les conditions de travail devront être saines
et sécuritaires, afin de ne pas nuire à la santé des femmes ainsi qu'à
celle de son enfant qu'elles portent ou qu'elles allaitent.
Malheureusement, les employeurs ne respectent pas tous ce
principe. Plutôt que de réaménager le milieu de travail en un milieu
plus sain et sécuritaire-ce dont bénéficieraient toutes les
travailleuses et tous les travailleurs-plusieurs préfèrent la
méthode facile et ainsi retirer les femmes enceintes de leur travail.
C'est donc pourquoi le Code canadien du travail devrait prévoir
des dispositions spéciales pour assurer le maintien des femmes
enceintes ou qui allaitent dans un milieu de travail sain et
sécuritaire. Les femmes devraient recevoir une indemnité
financière équivalente à leur salaire. De plus, il est important
qu'une telle législation puisse s'appliquer à toutes les femmes
canadiennes. Il est maintenant temps que la société prenne ses
responsabilités.
(1225)
Les femmes ne devraient pas être les seules à supporter tous les
désavantages de la reproduction. Encore une fois, je demande au
gouvernement de déposer un projet de loi en cette matière.
D'autre part, le rapport Sims recommandait que certains
pouvoirs détenus par le ministre du Travail soient transférés au
Service fédéral de conciliation, ce qui malheureusement n'a pas été
fait.
Enfin, je regrette que la majorité ministérielle n'ait accepté
aucun amendement proposé par le Bloc québécois qui visait à
améliorer le projet de loi. Pour tous ces motifs, je voterai contre le
projet de loi C-66.
[Traduction]
M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.):
Madame la Présidente, je veux aussi intervenir sur le projet de loi
C-66.
Je commence par souligner l'importance de cet enjeu, surtout
qu'il touche les producteurs de grain des Prairies qui sont souvent
victimes des conflits de travail dans le système de transport du
grain.
On risque fort de ne pas se rendre compte de l'importance de
cette mesure pour les gens. En tant que députés, nous devons
prendre garde de ne pas passer à côté de la réalité et bien prendre
conscience des difficultés qu'éprouvent des gens qui n'y sont pour
rien, quand des événements complètement indépendants de leur
volonté influe sur leur mode de subsistance.
Si c'est quelque chose comme une inondation, comme on en voit
parfois à la télévision, la dernière survenue aux États-Unis ayant
emporté des maisons et détruit des biens, ces gens ont toute notre
sympathie. Nous trouvons qu'ils n'ont pas mérité cela et que ça
n'aurait pas dû leur arriver, mais ils ne peuvent rien contre les
éléments. Très souvent, ces gens bénéficient d'un mouvement de
charité, et c'est normal. Nous reconnaissons les mérites de ceux qui
aident leur prochain quand les temps sont durs.
Quand c'est un conflit de travail qui empêchent d'autres
personnes de gagner leur vie, aussi sûrement que le ferait une
inondation
8888
ayant emporté tout ce qu'elles possèdent, nous n'y sommes pas
aussi sensibles. Nous ne reconnaissons pas la gravité de la situation.
Il y a des milliers de familles d'agriculteurs dans les Prairies qui
dépendent de l'acheminement du grain vers les ports à des fins
d'exportation. C'est ce qui leur permet de payer les factures. C'est
ce qui met du pain sur la table d'un bon nombre de mes électeurs,
dans Kindersley-Lloydminster. C'est ce qui leur permet de s'offrir
des petites choses, comme un nouveau lave-vaisselle, des cours de
musique ou cette nouvelle machine que l'agriculteur attend depuis
si longtemps de pouvoir se payer.
Ce sont des décisions bien réelles que prennent des gens en chair
et en os. C'est très décourageant quand on essaie de payer toutes les
factures et de rattraper le retard accumulé, surtout lorsque le prix
des produits augmente, comme il y a deux ou trois ans, et qu'un
conflit de travail vient annihiler toute chance de remonter la pente.
C'est très difficile pour un député de rentrer chez lui et de dire à ses
électeurs que la Chambre ne s'est pas trop préoccupée de leur sort,
qu'elle s'est davantage penchée sur d'autres questions, comme celle
de la société distincte au Québec ou les pensions des députés et ainsi
de suite, et qu'elle ne trouve pas particulièrement inquiétant qu'il y
ait sans cesse des grèves et des lock-out puisque, depuis 30 ou 40
ans, on n'a pas fait grand-chose pour remédier à la situation.
Les gens qui vivent dans une région rurale ont l'habitude de
prendre des risques. Ils savent qu'ils exercent un métier comportant
des risques. Leur succès dépend des conditions atmosphériques et
des fluctuations du marché international. Ils reconnaissent qu'ils ne
contrôlent pas entièrement leur avenir. Or, le problème de
l'incertitude des ventes à cause des problèmes de transport et des
interruptions du service est une autre menace dont ils n'ont pas
besoin. Cela vient s'ajouter aux autres risques inévitables et c'est
certainement un gros problème.
(1230)
On a pu voir la gravité de la situation il y a quelques semaines
lorsqu'il y avait 40 navires ancrés dans English Bay, à Vancouver,
ce qui coûtait aux agriculteurs des Prairies environ 10 000 $ par
jour d'attente pour prendre livraison du grain.
Le problème dans le système de manutention du grain ne
découlait pas d'un conflit de travail, mais, le plus souvent, c'est le
cas dans le système du transport du grain.
Que ce soit un conflit de travail, un problème de matériel ou une
question d'intempérie, c'est le producteur qui finit par en faire les
frais. Pourtant, dans tous les cas, le producteur n'a aucun contrôle
sur la situation.
Je voudrais rappeler une situation qui s'est produite lorsque j'ai
été élu pour la première fois en 1993. Au début de 1994, pour être
plus précis, il y avait un conflit de travail sur la côte ouest. Nous
avons porté le problème à l'attention de la Chambre. Le ministre de
l'époque, qui est actuellement ministre des Affaires étrangères, a
déclaré ceci: «Je pense que nous pouvons résoudre ce problème.»
Le ministre du Travail de l'époque a dit: «Nous ne pensons pas que
ce sera un problème sérieux. Ce lock-out prendra fin. Nous sommes
confiants que les parties s'entendront et résoudront leur différend.»
Je ne sais pas pourquoi le ministre pensait cela. L'histoire nous
montre que ce n'est pas ainsi que se terminent ces conflits de travail,
ces arrêts de travail. En fait, depuis 1972, six conflits de travail
concernant les ports de la côte ouest ont été réglés par des lois de
retour au travail. Deux autres conflits de travail ont été résolus de la
même façon en 1988 et en 1991. Au total, il y a eu huit conflits en
moins de vingt ans et chacun a coûté des millions de dollars aux
producteurs.
Nous avons présenté deux projets de loi à la Chambre, l'un en
1994 et l'autre en 1995, pour obliger les travailleurs à retourner au
travail. Je soutiens qu'il n'appartient pas en priorité à la Chambre
d'adopter régulièrement des lois de retour au travail.
En notre qualité de législateurs, nous avons certainement le
pouvoir de le faire et nous l'avons fait. Cependant, on pourrait
croire que, voyant qu'on devait avoir recours à cette méthode à
maintes et maintes reprises, quelqu'un quelque part se serait
réveillé et aurait réalisé que ce n'est pas une façon de résoudre le
problème puisqu'il semble s'envenimer.
Cela ressemble à l'art d'élever des enfants. Si l'on n'ose pas
affronter les situations difficiless, elles sont susceptibles de se
répéter. Les gens doivent trouver une solution aux problèmes, qu'il
s'agisse du comportement ou de la santé de leurs enfants.
Si un problème ne disparaît pas, s'il se répète sans cesse, ils iront
consulter un médecin ou un autre intervenant qui pourra leur
conseiller une façon de remédier à la situation.
Nous sommes confrontés à des conflits de travail qui ne cessent
de se reproduire sur la côte ouest. Ils ne sont pas toujours
attribuables aux travailleurs, ni aux employeurs. Ces deux groupes
se partagent sans doute la responsabilité à parts égales.
Néanmoins, chaque fois, nous recourrons aveuglément à une loi
de retour au travail, nous réglons ponctuellement le problème et,
entre temps, les producteurs des Prairies essuient des pertes de
millions de dollars. Puis nous continuons notre petit bonhomme de
chemin en espérant que le problème ne se posera plus.
Bien évidemment, quelques mois plus tard ou l'année suivante, il
surgit à nouveau, et nous reprenons le même débat en pensant qu'on
va résoudre le problème. Le gouvernement se traîne les pieds.
Enfin, la situation devient intolérable et il présente à contrecoeur un
projet de loi de retour au travail, tient un autre débat, adopte le
projet de loi et force les travailleurs ou la direction à reprendre les
activités pendant qu'on règle le problème.
En l'occurrence, rien ne pousse les deux parties qui sont en
désaccord à résoudre leurs problèmes. Elles savent que le Parlement
va le faire pour elles. Ainsi, elles adoptent des positions
intransigeantes. Elles ne profitent pas au maximum des possibilités
qu'offre le processus de négociation collective.
S'il s'agissait simplement d'une société de camionnage, d'un
grand magasin ou d'une autre organisation confrontée à une grande
8889
concurrence, il ne serait pas très important que les deux parties au
conflit ne puissent résoudre leurs problèmes et que la direction
mette les travailleurs en lock-out ou que les travailleurs déclenchent
une grève. Cela ne pose pas de problème, car s'il s'agit d'une
société de camionnage, on peut avoir recours aux services de 1 000
autres sociétés de camionnage. S'il est question d'acheter une
automobile, si un grand fabricant d'automobiles est paralysé par un
arrêt de travail, on peut compter sur d'autres compagnies.
(1235)
Ce qui importe dans les Prairies, c'est que lorsqu'il y a une
interruption de travail sur la côte ouest ou dans le réseau de la voie
maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs, c'est alors un revenu
essentiel pour un secteur important du Canada qui est menacé. C'est
pourquoi cette situation est si grave. C'est la raison pour laquelle on
doit y remédier en adoptant une mesure législative constructive et
progressiste.
Je parle du grain aujourd'hui car en tant que porte-parole en
matière d'agriculture pour le Parti réformiste, il m'incombe de
représenter cette industrie et les gens qui en dépendent. Cependant,
ce serait la même chose pour la potasse ou le charbon. Les grandes
sociétés minières et forestières sont touchées de la même façon.
Elles ont aussi de bonnes raisons de réclamer un bon service
ininterrompu en ce qui concerne le transport de leurs produits vers
les marchés.
Si on prend tous les secteurs ensemble, on s'aperçoit que des
millions d'emplois et le gagne-pain de millions de gens dépendent
du transport efficient des produits aux fins d'exportation. Après
tout, le Canada est un pays exportateur et lorsque nous n'exportons
pas de façon efficiente, nous subissons de graves répercussions au
Canada même.
J'ai parlé de toutes les interruptions du travail et de la
présentation de lois d'urgence à la Chambre. Enfin, le ministre du
Travail de l'époque a reconnu qu'il était important de mettre fin à ce
conflit de travail et qu'il fallait agir. J'étais alors leader du Parti
réformiste à la Chambre. Nous nous sommes réunis et avons
convenu d'adopter rapidement un projet de loi à la Chambre. La
deuxième fois que nous avons présenté un projet de loi lorsqu'un
autre problème de relations de travail a surgi, la collaboration a fait
défaut à la Chambre. Sauf erreur, la Chambre a dû siéger un
week-end, y compris le dimanche, pour adopter le projet de loi, car
les partis n'ont pas tous collaboré.
Une mesure législative d'urgence s'impose lorsque le
gouvernement a attendu trop longtemps pour présenter un projet de
loi. Il faut alors régler les détails techniques pour tenter d'adopter
rapidement le projet de loi, avant que d'autres torts ne soient causés.
Cela ne se passe pas toujours ainsi. Parfois, certains partis, le NPD
ou le Bloc québécois, ne collaborent pas. Il peut même s'agir des
libéraux. Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils ont fait volte-face
sur des questions de ce genre. Néanmoins, le projet de loi n'est pas
assuré d'être adopté sans encombre à la Chambre des communes.
Les parties au conflit ne sont pas motivées à parvenir à une
entente, car elles savent que, à défaut d'une entente, la Chambre des
communes adoptera une mesure législative les forçant à retourner
au travail, à un coût supplémentaire pour les contribuables.
Souvent, il coûte moins cher aux parties d'être assujetties à une loi
de retour au travail que de résoudre leurs différends d'une façon
plus constructive.
Enfin, nous avons effectivement adopté une mesure législative
d'urgence aux frais des contribuables. Les contribuables sont les
tiers innocents. L'économie des Prairies a perdu des millions de
dollars. En substance, rien n'a été réglé, car la même situation
pourrait se produire d'ici des mois. Elle se produira assurément
d'ici un an ou deux.
Qu'allons-nous faire à cet égard? J'ai cerné le problème. À mon
avis, les députés conviennent qu'il s'agit là d'un problème qui se
présente périodiquement. Mais il ne suffit pas de cerner le
problème.
Le gouvernement a déclenché une enquête. Il n'a pas son pareil
pour déclencher des enquêtes. Ce fut la commission d'enquête sur
les relations industrielles dans les ports de la côte ouest. Cette
commission a reçu un mandat et a tenu des audiences, surtout dans
l'Ouest, parce qu'elle s'intéressait particulièrement au cas des ports
de la côte ouest. Le problème ne se limite cependant pas aux ports
de la côte ouest. Il y a partout au pays des conflits de travail qui
gênent la circulation des produits destinés à l'exportation. Quoi
qu'il en soit, les ports de la côte ouest étaient les premiers visés
quand le nouveau ministre du Travail, qui occupe toujours ce poste
aujourd'hui, a commandé l'enquête.
(1240)
Il y a eu des audiences et le Parti réformiste a eu le privilège d'y
présenter un mémoire. Nous avons établi dans ce mémoire que les
coûts directement liés au conflit de travail dans les ports de la côte
ouest en 1994 étaient supérieurs à 125 millions de dollars. Les coûts
indirects, notamment ceux liés à la perte de contrats à venir, ont
dépassé les 250 millions de dollars. D'après les chiffres fournis par
l'ancien ministre du Travail et actuel ministre des Affaires
étrangères, les pertes éventuelles en ventes de grain ont avoisiné
500 millions de dollars. Voilà pour les coûts potentiels entraînés par
le conflit de travail dans les ports de la côte ouest en 1994.
La commission a entendu des mémoires émanant de diverses
sources, dont le Parti réformiste. La position du Parti réformiste
dans le dossier du transport du grain depuis qu'il s'est prononcé
pour la première fois sur la question, avant même les élections de
1993, est que le transport du grain doit être désigné service
essentiel. Nous reconnaissons l'importance de ce secteur, la
nécessité de faire en sorte que le transport du grain soit rapide et
efficace. En parlant avec des gens de l'Ouest et de partout au pays,
en parlant avec les intervenants du secteur, nous nous sommes rendu
compte qu'il existait peut-être une meilleure solution au problème.
Je veux parler de l'arbitrage des propositions finales.
Un des nôtres, le député de Lethbridge, a présenté un projet de loi
d'initiative parlementaire qui a fait l'objet d'un débat à la Chambre.
Il proposait la mise sur pied de ce mécanisme de résolution des
différends patronaux-syndicaux qui touchent le transport du grain
8890
vers les ports. Malheureusement, les députés d'en face n'ont pas
souscrit à cette mesure législative. Je suis partisan de ce concept
dans le contexte du projet de loi C-66 qui, malheureusement, ne
s'appuie pas sur l'idée de l'arbitrage des propositions finales.
Le Parti réformiste croit au processus de négociation collective.
Ce processus réunit la direction et le syndicat pour tenter d'aplanir
leurs différences et convenir d'un nouveau contrat de travail en
s'assoyant à la table de négociation. Nous respectons et appuyons le
droit de la direction et du syndicat de procéder ainsi.
Aucune de nos propositions concernant l'arbitrage des offres
finales n'empêche le processus de négociation collective de suivre
son cours normal ou ne le retarde. Au terme d'une négociation
collective qui échoue-ce qui arrive à l'occasion-, au lieu d'un
lock-out ou d'une grève, les deux parties se rencontreront et
engageront un processus d'arbitrage des offres finales. La loi exige
que les deux parties s'assoient et cherchent à s'entendre sur un
arbitre qui sera la personne qui se chargera de la médiation de leur
différend. Si les deux parties ne peuvent s'entendre sur la
désignation d'un arbitre, la loi confère au gouvernement le pouvoir
de trouver un arbitre neutre qui choisira la personne chargée de
surveiller le processus.
Les deux parties se présentent alors devant l'arbitre et expliquent
quels points font l'objet d'un accord ou d'un désaccord. Quand il y a
désaccord, chaque partie est invitée à présenter sa meilleure offre.
Les deux parties-qui ignorent les meilleures offres de
l'autre-attendent la décision de l'arbitre. L'arbitre se penche sur
les offres des deux parties et juge laquelle est la plus raisonnable,
compte tenu des positions défendues et des points qui ont pu fait
l'objet d'un accord ou d'un désaccord. Il retient alors l'offre
complète d'une partie.
Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour comprendre que cela
suffit pour faire rapidement entendre raison à des négociateurs
déraisonnables. Si une partie au conflit présentait une proposition
très exagérée, elle courrait un grand risque, car l'autre partie
présentera peut-être une proposition plus raisonnable et pourrait
donc la faire accepter dans le processus d'arbitrage des propositions
finales. C'est elle qui en sortirait gagnante.
Au lieu d'être déraisonnables, les deux parties tâcheront donc
d'être aussi raisonnables que possible et de présenter une
proposition légèrement meilleure que celle que présente l'autre
partie. C'est un changement radical dans le mécanisme de
règlement des conflits, et un changement très constructif, je me
permets d'ajouter.
(1245)
Je sais que mon temps de parole est presque écoulé. Il ne s'agit
pas d'un mécanisme de règlement qui n'a pas été mis à l'essai. Il a
servi à plusieurs reprises. Dans le projet de loi de retour au travail
qu'il a fait adopter en 1994, le gouvernement a imposé un processus
d'arbitrage des propositions finales pour régler le conflit.
Si le gouvernement l'a imposé aux deux parties dans ce
conflit-là, pourquoi ne pas l'imposer dans le projet de loi C-66 pour
étouffer le problème dans l'oeuf, de sorte que nous n'ayons pas à
revenir sans cesse sur le problème, à présenter des mesures
législatives d'urgence et peut-être même finir par mettre en oeuvre
le processus d'arbitrage des propositions finales, de toute façon?
C'est logique, mais, malheureusement, le gouvernement libéral
ne semble pas tenir beaucoup à faire quelque chose de logique. Il
semble plutôt tenir à compliquer les choses autant que possible.
Je rappelle au gouvernement que les entreprises céréalières, les
sociétés ferroviaires, les compagnies de transport maritime et les
clients continuent de vivre et survivront probablement très
longtemps, mais que les familles agricoles et les millions de
personnes dont le gagne-pain dépend des exportations canadiennes
ne pourront pas jouir d'un niveau de vie aussi élevé que celui dont
elles devraient pouvoir jouir dans un pays comme le Canada. Elles
ne seront pas en mesure de donner à leurs enfants certains des
plaisirs et des privilèges tout simples dont jouissent la plupart des
Canadiens, simplement parce que notre mécanisme de règlement
des conflits est vieillot.
Je signale ce fait à la Chambre. Je demande au gouvernement
d'écouter ce que nous disons et de remédier au problème au lieu de
conserver cette façon de faire improvisée et idiote que nous
adoptons depuis plusieurs années.
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, j'ai
une petite question à poser au sujet de la discussion qui a cours à
l'heure actuelle. Y a-t-il une meilleure solution à toute cette affaire?
Le conseil qui sera établi conformément au projet de loi dont nous
sommes saisis sera-t-il en mesure de satisfaire aux exigences des
agriculteurs?
Faisant moi-même partie de l'industrie, je reconnais que les
agriculteurs ne sont pas représentés dans cette démarche. Le
gouvernement met-il en place une structure pour offrir aux
agriculteurs la représentation dont ils ont besoin afin de protéger ce
secteur industriel et l'aider à demeurer viable?
M. Hermanson: Madame la Présidente, je remercie le député de
Lethbridge de poser la question. Il signale à juste titre un problème,
à savoir que, comme d'habitude, on a oublié les agriculteurs dans
tout ce processus. La nouvelle structure ne permet pas à des tierces
parties innocentes de participer à la recherche de solutions aux
conflits de travail que nous avons vus dans le passé.
Les agriculteurs sont des spectateurs dans toute cette démarche.
Ils ont toujours été des spectateurs. C'est pénible pour eux. Ce sont
eux qui souffrent et ils n'ont aucun mécanisme de défense.
Le ministre a proposé le projet de loi C-66. Nous en sommes à la
troisième lecture et ce ne sera pas facile à arranger. Le
gouvernement a encore raté une occasion de proposer une solution
constructive. Il pourrait écouter ce qu'ont à dire toutes les parties
touchées par le conflit, pas seulement la direction et le syndicat.
L'industrie dans son ensemble risque de souffrir en permanence
d'un arrêt important dans le transport des céréales ou de tout autre
produit d'exportation canadien.
8891
Le député a raison de dire qu'on a oublié les agriculteurs. Les
agriculteurs ont l'habitude d'être oubliés par le gouvernement
libéral. Ce n'est pas faute de solutions proposées par le Parti
réformiste.
Je le répète, le député de Lethbridge a présenté un projet de loi
d'initiative parlementaire qui aurait remédié à la situation. Des
députés réformistes ont présenté des mémoires dans le cadre de
l'enquête sur les ports de la côte ouest qui auraient réglé la question.
Nous avons aussi proposé d'apporter au projet de loi C-66 des
amendements constructifs qui auraient inclus la voix des
agriculteurs et d'autres tierces parties innocentes et leur auraient
accordé un rôle à jouer dans le règlement de ces conflits
patronaux-syndicaux. Ce n'est pas arrivé parce que les libéraux n'y
étaient tout simplement pas prêts.
(1250)
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente,
le député de Kindersley-Lloydminster a-t-il remarqué la partie du
projet de loi qui oblige les parties impliquées dans une grève ou un
lock-out à maintenir les activités qui sont nécessaires pour protéger
la santé et la sécurité du public? Pense-t-il qu'il faudrait aussi
prévoir cette obligation dans les cas où l'arrêt de travail pourrait
nuire à l'économie canadienne?
Les grèves et les lock-outs dans certains ports de l'Ouest en
particulier ainsi que dans le secteur du transport ferroviaire ont eu
des effets dévastateurs ou auraient pu tout au moins avoir des effets
encore plus dévastateurs sur l'économie canadienne si les
travailleurs en grève ou en lock-out n'avaient pas été obligés par la
loi à retourner au travail.
Mon collègue pourrait-il nous dire ce qu'il pense de la possibilité
de prévoir une telle obligation dans les cas où l'économie
canadienne risque de souffrir d'un arrêt de travail?
M. Hermanson: Madame la Présidente, je remercie le député de
Wetaskiwin de sa question. Il soulève un excellent point.
Lorsqu'on parle de loi de retour au travail ou de services
essentiels dans des situations d'urgence, on pense habituellement
aux travailleurs du secteur de la santé comme les médecins ou aux
policiers. S'ils interrompent leurs services, il peut y avoir du chaos,
des morts ou des blessés graves qui restent sans soins.
Nous n'avons jamais vraiment pris en considération les
répercussions de tout le processus de règlement de conflits
patronaux-syndicaux lorsque des industries sont menacées. En
pareil cas, on ne peut pas nécessairement parler de répercussions sur
la sécurité publique ni de sécurité nationale compromise. Ce n'est
pas le cas, mais cela reste tout de même un problème très réel.
Le député soulève un véritable problème qui, j'en conviens, a des
répercussions économiques dont on devrait tenir compte quand on
propose des dispositions législatives de cette nature ou qu'on en
discute, à plus forte raison lorsque des tierces parties innocentes
sont touchées.
Si nous avions de bonnes installations ferroviaires et portuaires
dans les quatre régions frontalières de notre pays, en cas de grève
sur la côte ouest, nous pourrions nous tourner vers le Mississipi, les
installations de Churchill ou celles de la côte est. Nous aurions
d'autres solutions de rechange, et ce type de projet de loi serait
inutile.
Mais il en est autrement. Presque que toute notre production est
acheminée par la côte ouest ou par le Saint-Laurent, la majeure
partie l'étant par les ports de la côte ouest. Il n'y a pas d'autres
solutions. Ce qu'il faut, c'est prévoir d'autres voies
d'acheminement pour transporter nos produits jusqu'aux ports et à
nos clients. Nous sommes en faveur de cela, mais l'infrastructure en
place ne permet pas à la concurrence d'intervenir comme il se doit
dans la commercialisation et le transport de nos produits.
À cause de cette limite qui pèse sur notre industrie, il est
important de prévoir un mécanisme de règlement qui évitera les
préjudices économiques graves qui peuvent presque compromettre
la sécurité publique. Nous avons besoin d'un mécanisme de
règlement pour les situations graves, par exemple, lorsqu'un conflit
de travail risque de sonner le glas de toute une industrie.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente,
c'est avec le sentiment du travail non terminé que j'interviens
aujourd'hui en troisième lecture sur ce projet de loi, pourtant si
important pour les travailleurs et les travailleuses du Canada. C'est
un projet de loi qui, de plus, va certainement avoir de l'influence sur
les autres codes qui font la loi des parties dans les provinces. Le
travail n'est pas terminé, compte tenu de l'extrême rapidité avec
laquelle les travaux ont été menés au Comité du développement des
ressources humaines qui est, rappelons-le, au plan parlementaire, le
lieu où les études et débats doivent se faire.
(1255)
Le ministre a préféré procéder par un groupe de travail dont les
consensus auraient été, nous dit-on, consignés dans un projet de loi
soumis à toute vapeur, et presque sans modification, au Comité du
développement des ressources humaines. Je rappelle que l'étape de
la deuxième lecture avait été escamotée par le gouvernement qui a
préféré envoyer le projet de loi directement au Comité du
développement des ressources humaines, soi-disant pour donner
davantage de souplesse au moment du débat, souplesse que nous
aurions aimé voir mais que, malheureusement, nous n'avons pas
vue, d'aucune espèce de façon.
Je tiens ces préliminaires parce qu'il m'apparaît extrêmement
dommage que cette occasion d'une révision en profondeur de ce
Code canadien ait été ratée. Je m'explique finalement en disant
qu'ici au Parlement nous adoptons plusieurs types de lois.
Il y a des lois que nous adoptons, par exemple sur le budget, qui
ne feront jamais l'objet d'appel d'aucune espèce de façon. C'est un
moyen pour le gouvernement de codifier ses décisions. Mais, quand
une loi sera la loi des parties, qu'elle sera interprétée, qu'elle fera
l'objet de demandes d'appel devant les divers tribunaux, et
possiblement jusqu'en Cour suprême, un tel type de loi devrait être
étudié minutieusement.
8892
On devrait donner aux parties toutes les occasions de s'entendre,
de discuter et de faire valoir leur point de vue, ce que nous n'avons
pas fait. Je regrette infiniment, et de toute façon ces propos resteront
consignés pour la postérité. J'espère que les représentants du
Québec ne seront plus à la Chambre des communes la prochaine fois
que ce Code canadien du travail sera révisé. Mais mes propos valent
aussi bien pour n'importe quel parti d'opposition dans des
situations semblables.
Étant donné que le temps m'est compté, je vais aller aux critiques
essentielles de ce projet de loi. Ce projet de loi a voulu transformer
fondamentalement certains des mécanismes qui avaient été
prouvés, et notamment le Conseil canadien des relations de travail,
dont on change le nom, qui devient le Conseil canadien des relations
industrielles. Cela marque l'intention du gouvernement d'en
transformer la nature, mais le sens de ces transformations n'est pas
vraiment limpide puisque la première caractéristique, dit-on, de ce
nouveau Conseil canadien, c'est qu'il devrait être représentatif.
Or, dès le point de départ, il y a confusion sur l'utilisation de ce
mot «représentatif». Un organisme est représentatif quand les
personnes qui y sont nommées représentent effectivement des
groupes ou corps constitués qui nomment des délégués à un conseil
qui, dès lors, est représentatif. Il est représentatif des groupes ou
corps qui délèguent.
Dans le cas qui nous occupe, le Conseil canadien sera formé de
représentants d'employeurs et de représentants de travailleurs qui
vont être choisis par le ministre, après consultation de groupes dont
lui-même décide de la nature, des représentants bien sûr des
travailleurs et des employeurs, mais qui agréent au ministre.
De dire qu'un conseil ainsi formé est représentatif des
travailleurs et des employeurs, c'est largement abusif. Cette
appellation risque même d'entraîner des inconvénients graves dans
des situations de crise parce que le Conseil a vraiment besoin d'être
au-dessus de tout soupçon.
(1300)
Il doit pouvoir arbitrer, dans des conditions difficiles, les conflits
les plus importants, les plus lourds au plan économique et social de
ce pays. Il ne faut pas qu'en partant, il soit constitué sur une
utilisation abusive des mots. Or, si on lit ce qu'il y a dans le projet de
loi, on utilise de façon abusive le mot «représentatif».
J'étais, pour ma part, extrêmement étonnée, d'une manière, et
satisfaite, de l'autre, que la représentante du CTC soit venue dire
que d'aucune façon, le CTC n'avait été d'accord sur les mécanismes
dits de représentativité. Elle partageait absolument notre point de
vue. Il n'y a pas là de mécanismes représentatifs. Pourtant, cette
représentativité est présentée comme l'une des pierres angulaires de
ce projet de loi.
Ce projet de loi veut aussi prévoir que ne puissent se représenter
les problèmes vécus par le Conseil, problèmes qui ont eu des échos
jusqu'au Comité permanent du développement des ressources
humaines, et qui ont paralysé, pendant un temps trop long, le
Conseil. Malheureusement, les dispositions prévues dans le Code
ne permettraient pas d'empêcher qu'une crise comme celle que le
Conseil canadien des relations de travail a connue se développe.
Les rapports conflictuels entre le président et les membres étant à
la source même de ce conflit, ce qui est disponible dans le Code ne
touche que le comportement des membres et non celui du président.
Le ministre ne s'est pas donné les moyens pour régler une crise
comme celle qui s'est présentée au cours des deux dernières années
de vie du Conseil canadien.
Dans ce projet de loi destiné à régler, au sens de prévoir le
déroulement et les règlements, des conflits, que ce soit à partir de la
demande d'accréditation jusqu'à une première convention
collective ou jusqu'au règlement d'une convention collective dans
les cas où le syndicat était déjà existant, dans ce coeur, dans ce corps
du Code, le gouvernement a opéré des changements profonds.
Ces changements étaient voulus et souhaités pour moderniser,
pour augmenter l'aptitude du Conseil canadien à régler les
problèmes vécus, aujourd'hui, dans le monde du travail. Force est
de constater qu'au lieu de donner au Code cette souplesse et au
Conseil l'utilisation d'un outil plus souple pour aider à la
conclusion de conventions collectives dans des conditions
difficiles, il y a eu, au contraire, comme un durcissement, une
rigidification des règles du Code, de l'exercice du droit de grève et
de lock-out qui pourrait se traduire-loin de moi l'idée d'appeler de
telles choses-par des grèves ou des lock-out illégaux, compte tenu
de la difficulté d'application légale de telles règles.
J'essaierai de les résumer pour montrer à quel point elles
changent les choses. Je n'ai pas encore parlé des services essentiels.
Les syndicats ou les entreprises qui veulent faire la grève ou exercer
un lock-out auront une limite de 60 jours pour aller chercher un
mandat de grève et l'exercer.
(1305)
Autrement, si à l'intérieur des 60 jours ils n'ont pas exercé leur
mandat, ils doivent retourner chercher un autre mandat. À sa face
même, plutôt que d'aider au règlement, cette disposition risque à
bien des égards de les faire achopper.
Les syndicats qui sont couverts par le Code canadien du travail
sont souvent des syndicats pancanadiens d'une côte à l'autre qui,
par conséquent, pour réunir les conditions d'un mandat de grève,
doivent mettre du temps. Ce temps est compté de façon très
parcimonieuse parce que si le fait de réunir un mandat de grève peut
accélérer la négociation de la convention collective, il faut quand
même laisser un certain temps à cette négociation pour qu'elle
puisse se dérouler.
Or, ce que nous constatons, c'est que si au bout des 60 jours le
syndicat et l'employeur étaient sur le point de régler le conflit mais
qu'il leur fallait encore du temps, ils ne pourraient pas. Le syndicat
risquerait, s'il a d'abord besoin de l'accord de l'employeur, de
refuser de se mettre dans cette situation-là. Au lieu de continuer les
négociations, le syndicat ou l'employeur selon le cas, parce qu'on
sait que les deux positions peuvent être prises indifféremment
dépendant de celui qui a l'initiative ou le rapport de force suivant les
conditions où ça se déroule, pourrait décider qu'il ne prendra pas la
chance de se retrouver avec un mandat expiré alors que les
négociations ne sont pas terminées.
8893
Au lieu de mettre tous ses oeufs dans la négociation, le syndicat
en question va, au contraire, arrêter la négociation pour pouvoir
aller chercher un nouveau mandat de négociation. C'est un péril réel
et je souhaite qu'il ne produise pas les effets que je prévois. Ses
effets sont dangereusement présents et au lieu d'assouplir, d'aider
les parties à arriver à un règlement, ce Code rigidifie les conditions
dans lesquelles l'exercice du droit de grève va se faire.
D'autre part, cet exercice du droit de grève ne peut se faire sans
qu'il n'y ait eu un avis de 72 heures donné par l'employeur ou par le
syndicat; 72 heures dans certains cas. Les représentants des
syndicats des ports sont venus devant le comité dire que si les
travailleurs débardeurs d'un port du Saint-Laurent avertissent leur
employeur 72 heures avant de faire une grève, il est certain qu'il n'y
aura aucun bateau à décharger dans le port en question, les bateaux
auront pris une autre direction. En fait, cette disposition enlève le
droit de grève c'est clair, net et précis.
Par ailleurs, cette disposition de 72 heures, appliquée par un
employeur qui dit que dans 72 heures il va exercer un lock-out,
risque de provoquer dans l'entreprise les inconvénients les plus
graves qui peuvent faire en sorte que l'employeur, plutôt que de
prendre ses 72 heures, va vouloir exercer le lock-out tout de suite.
Il me semble que c'est ne pas connaître comment fonctionnent
les relations de travail que d'imposer des règles de ce type-là,
surtout quand on parle du secteur privé dans son ensemble. Ce sont
des règles qui ne sont pas applicables. Si l'avis avait été à l'intérieur
de 8 jours là au moins il y a une souplesse. Le syndicat ou
l'employeur ne sont pas obligés de télégraphier leur stratégie, mais
dans le cas qui nous occupe, c'est tout à fait le contraire.
Donc, je doute énormément de la pertinence de ces dispositions
pour aider à avoir des relations de travail harmonieuses. J'arrive à la
disposition sur les services essentiels.
(1310)
Nonobstant ce que les collègues du troisième parti disent, je
pense que cette disposition sur les services essentiels était
manquante dans le Code canadien du travail. Je veux réaffirmer un
principe qui est appliqué mondialement: quand on reconnaît aux
travailleurs le droit de s'associer, ce droit doit avoir comme
contrepartie celui de faire la grève. Si cette grève semble nuire à la
sécurité publique, on demandera aux travailleurs en question de
respecter un certain nombre de services essentiels.
Là où on a essayé d'interdire la grève, l'insuccès est total; les
grèves se font, mais elles sont illégales. Ce qu'on cherche dans tous
les pays, c'est de régler, de faire en sorte que les relations de travail,
même dans les conflits, se déroulent de la façon la plus conforme à
l'intérêt de la santé et de la sécurité du public.
Donc, les dispositions sur les services essentiels sont des
dispositions valides, si je mets de côté la question de l'utilisation
des travailleurs de remplacement. Il me semble que même dans le
cas du grain de l'Ouest, elles pourraient s'avérer être une
amélioration, parce qu'on convient que les travailleurs et les
employeurs sont tenus, dans le cas du grain, d'assurer le chargement
du grain sans discontinuité.
C'est surtout du grain dont on a entendu parler comme étant une
urgence dans l'Ouest. Malheureusement, c'est dans le cas du grain
qu'on a dû procéder à l'adoption de lois spéciales. Là où ces
services essentiels présentent deux failles, une mineure et une
majeure, c'est dans les éléments suivants.
La faille mineure, c'est que le Conseil n'a pas à statuer sur
l'entente qui serait faite entre les travailleurs et l'employeur.
D'autres codes, comme celui du Québec, prévoient que même dans
le cas d'ententes, il doit y avoir une soumission de l'entente au
Conseil. Là où c'est vraiment plus grave, c'est que, compte tenu que
le Code n'interdit pas les travailleurs de remplacement, on pourrait
se trouver dans la situation aberrante où il y a, à la fois, l'utilisation
des dispositions sur les services essentiels, c'est-à-dire que
l'employeur et le syndicat seraient tenus, par le Conseil, de
répondre, pour la santé et la sécurité du public, à un certain nombre
de conditions, et qu'en même temps, l'employeur, lui, aurait
recours à des travailleurs de remplacement.
Il m'apparaît y avoir un trou béant dans ce Code qui pourrait
entraîner des problèmes énormes et, au lieu de régler une situation
et de faire en sorte qu'un conflit se déroule, tout en étant un conflit,
le mieux du monde, il me semble qu'on crée des conditions pour
qu'au contraire, le conflit soit perturbant pour l'entreprise, les
travailleurs et l'employeur.
Je vais conclure en disant que le trou majeur de ce Code, c'est
qu'il n'y a pas d'interdiction des travailleurs de remplacement, qui
sont malheureusement à la source de bien des problèmes et de la
violence qu'on constate dans les relations de travail régies par le
Code canadien du travail.
[Traduction]
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, la
députée a fait allusion aux problèmes du grain sur la côte ouest. Je
lui en sais gré. Elle a précisé que les perturbations dans cette
industrie ne devraient pas nuire au chargement du grain ni à son
expédition sur les marchés internationaux.
Comme la députée l'a si respectueusement souligné, c'est un
problème urgent dans l'Ouest. Je le répète, c'est un problème urgent
dans l'Ouest.
(1315)
Ce n'était pas un problème de relations de travail qui a arrêté le
transport du grain en janvier et en février de cette année, c'étaient
les chemins de fer. C'étaient eux qui ne livraient pas le grain. Cette
perturbation du marché coûtera entre 65 millions et 100 millions de
dollars aux agriculteurs en frais de surestarie. C'est un manque à
gagner pour la campagne agricole en cours.
Au cours de la présente législature, il y a eu un arrêt de travail sur
la côte ouest qui a coûté entre 20 millions et 30 millions de dollars
aux agriculteurs de l'Ouest. La députée peut-elle nous dire, en ce
qui concerne le maintien du processus de négociation collective,
comment l'agriculteur, en tant que producteur et expéditeur sur le
8894
marché international, peut-il avoir un mot à dire dans ce processus
de négociation collective, tout en essayant de garder intact le
modèle idéal de convention collective?
[Français]
Mme Lalonde: Madame la Présidente, j'espère avoir bien
compris la question du collègue. Quand il y a des syndicats et des
employeurs, la seule chose à faire, c'est de négocier, il n'y a pas
d'autre solution. Ce qu'il y a dans le Code relativement aux services
essentiels, c'est une réglementation de ce qui arrivera en temps de
conflit.
Par rapport à l'ancien Code, c'est quand même une amélioration.
Je me souviens, ayant été porte-parole du Bloc québécois lors de la
grève du rail, je disais: «If the Canadian economy cannot afford the
Canadian Labour Code, then change it; but until then, we defend
those who abide by the Code.»
Nous sommes maintenant à l'étape de la modification du Code
canadien du travail et c'est sûr que ce Code régit les relations de
travail entre les travailleurs et les employeurs. J'ai vu beaucoup de
problèmes. Je ne trouve pas que ces changements améliorent les
règles de négociation. Je ne peux pas vous dire que toutes les
solutions seront présentes, mais il y a au moins une disposition
relativement aux services essentiels qui devrait changer la situation
pour l'Ouest.
[Traduction]
M. Speaker (Lethbridge): Madame la Présidente, l'une des
suggestions que le Parti réformiste a faites à la Chambre, c'est
d'adopter l'arbitrage des propositions finales. L'agriculteur, en tant
que producteur, n'a rien à voir avec le processus de négociation
collective et cette formule lui donne certaines garanties quant à
l'expédition de son grain sur le marché.
La députée pourrait-elle donner son avis là-dessus ou existe-t-il
d'autres moyens, à son avis, qui permettraient à l'agriculteur, au
producteur, à celui qui dépend d'autrui pour acheminer son grain sur
le marché international, d'avoir son mot à dire?
[Français]
Mme Lalonde: Madame la Présidente, j'ai été longtemps
professeure de relations de travail et l'offre finale ne m'est jamais
apparue comme étant un moyen de régler, de se substituer à une
négociation conclue, même après l'utilisation d'un rapport de force.
Je pense que c'est un peu un leurre, parce que, si ce mécanisme ne
permet pas vraiment de régler les problèmes et n'est que la
conclusion insatisfaisante d'un processus de négociations qui
n'aurait pas abouti, à ce moment-là, cela ne réglera pas le problème.
(1320)
Le problème va se manifester autrement, légalement ou pas. Je
comprends que cela soit satisfaisant intellectuellement. On dit: «On
est sûr qu'il n'y aura pas de grève parce qu'au bout du processus on
fera choisir les travailleurs entre l'offre patronale et l'offre
syndicale.» Sauf qu'on pourrait imaginer plusieurs situations où
cela ne règle pas le problème. À ce moment-là on aurait un conflit
qui ne serait pas ordonné, un conflit qui éclaterait et qui ne serait pas
soumis aux règles qu'on prévoit là.
Dans le fond, l'offre finale, c'est une tentative pour empêcher
qu'il y ait grève ou lock-out. Si cette formule avait eu le succès
qu'elle serait censée avoir ou que vous lui prêtez, elle se serait
généralisée d'une façon rapide, or ce n'est pas le cas. S'il y avait une
solution, je serais bien contente de l'avoir mais il n'y en a pas.
[Traduction]
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente,
je sais que le parti de la députée de Mercier voudrait bien que soit
précisée la disposition sur les travailleurs de remplacement.
Y a-t-il des cas où, selon elle, des travailleurs de remplacement
pourraient être utilisés sans que la partie syndicale affirme que cela
nuit à sa position?
Je sais que la députée de Mercier a une grande expérience dans ce
domaine et j'aimerais entendre son point de vue à cet égard. Y a-t-il
des cas où la députée appuierait le recours à des travailleurs de
remplacement?
[Français]
Mme Lalonde: Madame la Présidente, dans le Code
québécois-je vais vous répondre par un code qui existe-aussi
longtemps que la grève est légale, il n'y a pas d'utilisation ou de
recours aux travailleurs de remplacement.
Ou bien les relations de travail sont basées sur la reconnaissance
réciproque d'un employeur qui a des droits et des travailleurs qui
ont des droits et, si les relations sont réciproques, ces travailleurs
organisés en syndicat deviennent responsable, et l'employeur est
responsable d'avoir des rapports ordonnés, ou bien la règle qu'il y a
entre les travailleurs et les employeurs est la loi de la jungle. C'est la
force, c'est la violence.
Dans le fond, il n'y a pas de choix. Il y a deux sortes de régime. Si
on veut que ce soit des rapports ordonnés, si on veut que les
syndicats soient responsables, il faut les reconnaître. Si on ne les
reconnaît pas et si, à la première occasion, on les remplace par des
travailleurs de remplacement dont on espère au bout du compte
qu'ils remplaceront même le syndicat, on ne peut pas faire
autrement que d'avoir en contrepartie des attitudes irrespectueuses
et des attitudes irresponsables. À la limite on a des attitudes
violentes qu'on provoque.
Ce n'est pas pour rien que je répète que quand le premier ministre
Robert Bourassa a repris le pouvoir en 1985, après que le Parti
québécois ait fait adopter en 1977 la Loi antibriseurs de grève,
Robert Bourassa a dit au patronat: «Ne cherchez pas à me
convaincre, nous avons au Québec la paix sociale et c'est un bien
précieux.»
Effectivement, c'est au Québec que vous trouvez le plus de
relations de travail où les syndicats et les employeurs sont dans un
rapport responsable. Ils vont développer ensemble des positions
pour la création d'emplois. Il me semble que c'est un type de
relation de travail qui correspond à l'ensemble de la reconnaissance
8895
mutuelle qu'on se donne. Cela ne veut pas dire qu'on a toujours les
mêmes intérêts, mais ce sont des rapports ordonnés.
[Traduction]
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Madame la Présidente, je
suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-66.
J'aimerais m'arrêter à trois aspects de ce projet de loi.
Premièrement, je voudrais parler de la situation de l'industrie des
céréales et des problèmes qu'ont les agriculteurs parce qu'ils ne
peuvent pas acheminer leurs céréales jusqu'aux ports. Ces
problèmes ne sont pas apparus hier, mais je tiens tout de même à en
parler un peu.
(1325)
Deuxièmement, je voudrais expliquer pourquoi nous sommes
dans cette situation et quels changements les gouvernements
auraient dû faire pour éviter que les choses en viennent là.
Je parlerai ensuite de ce que le Parti réformiste a fait. Je
mentionnerai les amendements que nous avons proposés et qui,
malheureusement, ont été rejetés par le gouvernement. Tout au long
de mon intervention, je me reporterai au projet de loi.
Comme le sait tout député qui connaît un peu l'ouest du Canada
et l'agriculture, l'Ouest est à nouveau plongé en pleine crise. Le
transport des céréales ne se fait pas. Par conséquent, nous avons des
accumulations de grain dans les exploitations agricoles, les silos et
les champs, et le printemps s'en vient. C'est là une situation
dangereuse. Il risque d'y avoir beaucoup de pertes.
Il est difficile pour les agriculteurs d'acheter des intrants pour la
campagne de cette année puisqu'ils ont vendu très peu de leurs
récoltes de l'an dernier. J'ignore l'état du carnet de commandes de
la commission du blé et des autres organismes de
commercialisation, mais je crois que la principale raison de la
paralysie c'est que les chemins de fer ne transportent pas les
céréales. Pourquoi? J'y reviendrai brièvement tout à l'heure.
Des agriculteurs m'ont dit-et je n'ai aucune raison de douter de
leur parole-qu'il leur sera impossible d'ensemencer les champs le
printemps prochain s'ils ne parviennent pas à expédier très bientôt
des céréales. Il y a déjà les problèmes causés par le fait que les
projections faites par la Commission canadienne du blé pour le prix
du blé étaient loin d'être exactes. Le prix du blé n'est qu'aux deux
tiers de ce que la commission avait estimé et même plus bas dans
certains cas. De plus, dans bien des secteurs des Prairies, la qualité
du produit est très basse, ce qui a contribué à réduire le prix
davantage.
Les agriculteurs seront loin d'avoir le revenu qu'ils prévoyaient
avoir. C'est une réalité avec laquelle les agriculteurs doivent
composer année après année. Il faut maintenant ajouter à cela le fait
que les céréales qu'ils ont, qu'elles soient de piètre qualité ou non,
ne sont expédiées nulle part.
Ce problème ne cesse de refaire surface. Nous avons dû étudier
plusieurs projets de loi de retour au travail pour les
manutentionnaires céréaliers de la côte ouest depuis mon arrivée à
la Chambre. Le deuxième discours que j'ai fait était sur ce sujet.
J'en reparlerai un peu plus tard.
Les agriculteurs et les compagnies céréalières, sans que ce soit
leur faute, sont des expéditeurs captifs. Ils n'ont vraiment pas
d'autre choix, sur le plan économique, que d'expédier leurs céréales
par rail. Je reconnais qu'ils ne sont pas les seuls dans cette situation.
Les producteurs de charbon, de produits forestiers et de potasse sont
aussi des expéditeurs captifs puisque le transport ferroviaire est la
seule option économiquement viable pour expédier leurs produits.
Encore une fois, sans que ce soit leur faute, les agriculteurs
voient leur gagne-pain menacé. C'est une menace très sérieuse.
Dans ma région, je crois qu'il y a des agriculteurs qui perdront leur
ferme si les céréales ne peuvent pas être expédiées. Ils n'auront tout
simplement pas l'argent nécessaire pour assumer le coût des
intrants des récoltes de cette année. Les banques hésitent de plus en
plus à prêter de l'argent aux agriculteurs qui continuent d'avoir des
problèmes année après année.
Dans ma région, les agriculteurs ont éprouvé beaucoup de
difficultés ces dernières années à cause de la sécheresse et d'une
qualité de grain inférieure à la normale. Voilà la situation.
(1330)
À cause de la situation dans laquelle nous sommes, les
agriculteurs ont un revenu instable et ne peuvent pas être certains
que leur produit se rendra jusqu'au marché afin qu'ils puissent avoir
le revenu dont ils ont besoin. Ces problèmes d'expédition des
céréales leur a fait perdre des ventes. C'est un problème à long
terme qui m'inquiète énormément et qui inquiète de nombreux
agriculteurs. Les arrêts de travail qui se succèdent et les problèmes
qui surgissent constamment entraînent des pertes économiques
graves pour les agriculteurs. Les ventes perdues sont une des pertes
les plus importantes subies par les agriculteurs.
Le transport du grain sur la côte ouest était paralysé à cause d'un
lock-out en 1994. À ce moment-là, on avait fait des estimations des
pertes à long terme. Les ventes perdues étaient estimées à des
centaines de millions de dollars. Il n'existe aucun moyen d'évaluer
de façon tout a fait précise les pertes passées et futures, mais il est
certain que de nombreux clients qui achètent nos grains, nos
oléagineux et autres produits semblables commencent à se lasser du
manque de fiabilité du Canada en tant qu'expéditeur.
Le problème tient-il principalement à l'incapacité de produire
des agriculteurs? Non, ce problème ne se pose même pas en période
de sécheresse. Ils réussissent à produire suffisamment pour
répondre à la demande. Faut-il attribuer la situation à l'incapacité
des agriculteurs d'acheminer leurs produits jusqu'aux silos
régionaux ou jusqu'à un terminal céréalier régional? Non, ce n'est
pas non plus le cas. Les agriculteurs livrent la marchandise dès
qu'ils en ont la possibilité, et souvent même lorsqu'ils n'obtiennent
pas le prix qui leur paraît juste, parce qu'ils savent que le système de
transport n'est pas fiable et qu'ils ont intérêt à profiter de toutes les
occasions d'acheminer leur grain. Le problème n'est pas là non
plus.
Le problème réside dans l'inefficacité du transport du grain d'un
bout à l'autre du système, depuis les élévateurs régionaux jusqu'aux
8896
systèmes de chemins de fer et de manutention sur la côte ouest ou
sur les lacs. C'est là que le bât blesse et c'est là que le projet de loi
intervient.
Le projet de loi modifie le code du travail. Il vise les arrêts de
travail qui affectent le transport du grain et d'autres produits.
Malheureusement, le seul article du projet de loi, qui en compte plus
de 90, qui concerne le transport du grain n'est pas adéquat. J'y
revendrai un peu plus tard.
Les agriculteurs se trouvent encore une fois placés dans une
situation injuste. Cela ne doit plus se produire. Le problème tient au
transport du grain. En quoi le projet de loi à l'étude améliorera-t-il
le transport du grain? Il serait peut-être plus juste de se demander en
quoi toutes les lois adoptées jusqu'à maintenant par le
gouvernement ont contribué à améliorer l'efficacité du système de
transport. Je dirais qu'elle n'a pas fait grand-chose. De certaines
façons, le système n'est peut-être plus aussi bon qu'il ne l'était
avant que la loi ne soit modifiée.
Les réformistes ont appuyé, par exemple, l'élimination de la
subvention du Nid-de-Corbeau. Nous avions un plan pour aider à
faire face aux problèmes qui surviendraient. Le gouvernement l'a
ignoré et a éliminé la subvention.
Je ne me souviens pas avoir vu les libéraux de l'autre côté faire
campagne en faveur de l'élimination de la subvention du
Nid-de-Corbeau. Je ne me souviens pas les avoir vu faire campagne
en faveur de changements importants à la Loi sur les transports au
Canada ou de la privatisation de CN Rail. Ils n'ont pas abordé ces
thèmes. Il n'en a été question dans aucun discours, parce que,
pendant la campagne électorale, ils se sont bien gardés de proposer
des changements d'importance qui touchent un grand nombre de
Canadiens.
Ils ont apporté des changements et nous en avons appuyé
certains, dont l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau.
Nous avions un plan pour aider à faire face à certains problèmes. La
privatisation du CN était certes la chose à faire, mais le projet de loi
posait beaucoup de problèmes.
(1335)
Durant l'examen à toutes les étapes, nous avons fait valoir les
trois grandes mesures législatives: la loi d'exécution du budget qui
éliminait la subvention du Nid-de-Corbeau, la modification de la
Loi sur les transports au Canada et la privatisation du CN. Nous
avons demandé que des modifications soient apportées avant que
les mesures législatives ne soient adoptées. Nous avons demandé
que des changements soient mis en oeuvre pour rendre le système
compétitif et réduire les coûts.
En ce qui concerne le grain, nous avons demandé que des
changements soient apportés au système d'attribution des wagons.
Nous les attendons encore. Ces changements auraient dû être
effectués avant de penser à en faire d'autres. C'était fondamental.
Nous l'avons souligné maintes et maintes fois, mais ça ne s'est pas
fait. La confusion règne.
Le gouvernement doit écouter les agriculteurs et doit nous
écouter aussi, parce que nous sommes la voix des agriculteurs de
l'Ouest, plus que tout autre parti politique.
Nous avons aussi réclamé des changements qui auraient donné
aux expéditeurs captifs, comme les agriculteurs céréaliers, un
certain pouvoir de s'entendre directement avec les services
ferroviaires qui ne leur donnent pas les services qu'ils désirent. On
n'a pas répondu à cette demande.
Pour ce qui est de la loi du travail, plus précisément, nous
réclamons des changements depuis ma deuxième intervention à la
Chambre, le 8 février 1994. J'ai entendu le député d'en face dire
qu'il souhaitait n'avoir jamais entendu cela ou quelque chose du
genre. Je le comprends, étant donné que les chances sont très minces
qu'il soit réélu aux prochaines élections, justement parce que nous
avons réclamé ces changements. C'est parce que nous avons fait ces
propositions. Les agriculteurs de l'Ouest le savent, c'est pourquoi je
comprends que ça l'inquiète.
Le 8 février 1994, nous avons commencé par mon intervention
sur la nécessité de mettre un terme au lock-out sur la côte ouest. J'ai
proposé que nous imposions l'arbitrage des offres finales pour
prévenir les conflits ultérieurs. Le député de Lethbridge a déposé un
projet de loi d'initiative parlementaire dont nous avons débattu à la
Chambre. S'il avait été adopté, ce système d'arbitrage des offres
finales serait maintenant en vigueur.
Cette façon de faire aurait permis d'empêcher les blocages dans
l'acheminement du grain entre le silo et la côte, et les négociations
collectives pourraient se poursuivre. Les deux enjeux auraient été
assurés. C'était la véritable solution au problème. Chaque fois
qu'un conflit se profilerait et qu'une échéance approcherait, on
pourrait imposer l'arbitrage des offres finales. Si le processus de
négociation collective ne fonctionnait pas comme il le devrait, et
c'est si souvent le cas entre parties syndicales et patronales, l'arbitre
choisirait la meilleure offre entre celle des travailleurs et celle de la
direction. L'arbitre pourrait choisir l'une ou l'autre des deux offres.
On peut parier que, dans une telle situation, le syndicat et la
direction feraient des offres très sérieuses. On laisserait le processus
de négociation collective se poursuivre jusqu'à l'ultime étape.
C'est très efficace. Cela donne lieu à des négociations honnêtes
entre le syndicat et la direction. Cela aiderait à dissiper certains des
sentiments négatifs qui existent entre le mouvement syndical et le
patronat en raison des lacunes de la législation du travail. C'est la
solution que nous avions proposée. Je suis convaincu que, si ce
système avait été mis en place, nous n'aurions pas été aux prises
avec un grand nombre de problèmes que nous avons eus à cause la
rupture des communications entre employés et employeurs.
Le député de Wetaskiwin pilote le projet de loi au nom du Parti
réformiste. Il a proposé l'arbitrage des propositions finales. Notre
porte parole en matière d'agriculture, le député de
Kindersley-Lloydminster, a également proposé cette solution.
Jusqu'à maintenant, elle est tombée dans l'oreille d'un sourd. Bien
que la partie syndicale ne l'ait pas accueillie à bras ouvert, elle ne l'a
pas non plus rejetée d'emblée. Les syndicats savent que notre
solution est de loin supérieure à celle qu'ont retenue le
gouvernement actuel et les gouvernements conservateurs
précédents. Leur solution était de
8897
tout laisser échouer, de laisser le processus de négociation
collective échouer. Le patronat et les syndicats savent
pertinemment que, lorsqu'il échoue, le Parlement intervient et
adopte une loi obligeant le retour au travail. C'est leur solution.
(1340)
Est-ce que cela s'appelle laisser le processus de négociation
collective faire son oeuvre? Je ne crois pas. Ce n'est pas du tout une
façon raisonnable de régler ces problèmes. Pourtant, c'est ce que le
gouvernement fait. C'est ce que les gouvernements font depuis 20
ou 30 ans.
J'ai grandi dans une ferme qui cultivait les céréales et élevait du
bétail. Nous dépendions surtout du grain. À maintes et maintes
reprises, lorsque je grandissait, j'ai vu mon père faire les quatre
cents pas et subir un stress démesuré pour quelqu'un qui doit nourrir
sa famille, tout simplement parce que l'on ne pouvait pas faire
transporter le grain. C'était souvent à cause de conflits de travail
entre le patronat et les travailleurs. Cela n'aurait jamais dû se
produire.
Le gouvernement affirme que ces questions doivent être réglées
entre patrons et employés. Il n'est pas entièrement vrai qu'ils sont
les seuls en cause dans ces négociations. Par exemple, des dizaines
de milliers de producteurs de grain se fient sur le bon
fonctionnement du système. Les patrons et les employés peuvent
retourner la question dans tous les sens, qu'ont-ils à perdre, en
réalité? Ils perdront une part de leur salaire, ce qui n'est pas facile
pour les chefs de famille, j'en conviens. Mais qu'arrive-t-il aux
agriculteurs? Ils ont perdu des revenus année après année. Pourtant,
ils ne sont pas admis à la table des négociations. Ce sont
d'innocentes victimes qui n'ont pas un mot à dire. Il faut que cela
change.
L'arbitrage des propositions finales contribuera à ce changement.
Il est temps que le gouvernement examine nos propositions en
oubliant tout esprit de parti, car ce sont probablement les meilleures
options jamais présentées. Ces solutions ne sont pas uniquement le
fruit de réflexions des députés réformistes. Elles ont été proposées
par des agriculteurs de l'Ouest et d'un peu partout au Canada.
Un de mes collègues vient tout juste de me faire remarquer que
ceux d'en face qui nous interrompent sans cesse ne comptent pas sur
le bon fonctionnement du système de manutention du grain pour
assurer leur subsistance. Ils ne relèvent pas de la Commission
canadienne du blé.
Nous avions réclamé d'autres modifications à la Commission
canadienne du blé pour que les agriculteurs aient le choix de faire
leurs expéditions par l'intermédiaire de la commission, d'une
société privée ou par leurs propres moyens. De cette façon, la
commission aurait eu de la concurrence.
La commission peut continuer à faire son travail, mais si un
agriculteur le désire, il n'est pas tenu de passer par elle pour le
transport de son grain. Voilà encore une modification qui aurait dû
être faite avant de présenter la législation dans ce dossier à la
Chambre. Je veux parler bien entendu de la mesure législative qui a
éliminé le tarif du pas du Nid-de-Corbeau et qui a modifié la Loi sur
les transports au Canada.
En conclusion, les choses que j'ai dites sont importantes pour les
agriculteurs canadiens, mais aussi pour les gens de l'industrie de la
potasse, l'industrie forestière et l'industrie minière qui sont des
expéditeurs captifs. Ces victimes innocentes n'ont pas leur place à
la table des négociations et ne profiteront en rien de la mesure
présentée à la Chambre.
Le seul article qui traite de l'acheminement du grain par le
système jusqu'à la côte ouest ne suffit pas. C'est un élément positif,
bien sûr, mais il n'aide pas à assurer l'acheminement du grain de
l'élévateur jusqu'à la côte ouest.
Malheureusement, je dois dire une fois de plus que je ne peux pas
appuyer cette mesure. C'est un pas en arrière plutôt qu'un pas en
avant. J'espère que le gouvernement verra son erreur et présentera
l'arbitrage par acceptation d'une des offres finales.
(1345)
M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de
l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du
Canada atlantique et ministre de la Diversification de
l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Madame la Présidente, je
signalerai au député, pour sa gouverne, que la Saskatchewan est
régie par la Commission canadienne du blé. Ce n'est peut-être
évident vu de l'autre bord de la frontière, mais nous savons ce qu'est
la Commission canadienne du blé. Ça l'étonne peut-être.
Il a fait allusion à une grève qui a eu lieu en 1994 dans le transport
et la manutention du grain dans l'Ouest en particulier, et au Canada
en général, et dont les coûts ont été excessivement élevés, puisqu'on
parle de centaines de millions de dollars. Cette grève aura en effet
coûté à l'économie canadienne dans les 200 millions de dollars par
jour. Le gouvernement a donc jugé qu'il y avait lieu de siéger le
samedi et le dimanche afin d'adopter une loi pour obliger les
employés à regagner leurs postes et arrêter l'hémorragie dont
souffrait l'économie canadienne. Ce qui fut fait, et les gens se
remirent au travail.
Le député pourra peut-être nous expliquer pourquoi ce samedi-là
seulement six réformistes étaient présents et pourquoi seulement 12
ou 13 se sont présentés le dimanche pour voter alors qu'il n'y avait
pas. . .
M. Gouk: Madame la Présidente, j'attire votre attention sur les
mots qu'emploie le député. Si c'est réglementaire, dans la mesure
où ce sont les règles du jeu, nous ne manquerons pas de faire
allusion à leur propre assiduité. À ma connaissance, on ne peut faire
allusion aux présences à la Chambre. Mais, si le Règlement le
permet, je serais très heureux de pouvoir jouer à ce petit jeu.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): J'ai pris
en considération le rappel au Règlement du député et je conviens
avec lui que les députés ne devraient pas faire allusion à la présence
ou à l'absence d'autres députés.
M. Bodnar: Madame la Présidente, je vais reformuler la
question. En ce qui concerne la loi de retour au travail qui a obligé la
Chambre des communes à siéger un samedi et un dimanche, le
député réformiste peut-il indiquer de quelle façon son parti a montré
l'intérêt qu'il portait aux agriculteurs de l'Ouest le week-end où
nous avons étudié cette mesure législative visant à obliger les
travailleurs à regagner leurs postes afin que le grain puisse circuler
8898
dans l'Ouest? De quelle façon les réformistes ont-il montré leur
préoccupation dans ce dossier au cours de ce week-end?
M. Benoit: Madame la Présidente, si le député vient bien prendre
la peine de consulter le compte rendu, il s'apercevra que nous avons
appuyé cette loi de retour au travail. Je me suis prononcé en faveur
de cette mesure à l'instar de beaucoup de mes collègues.
Il est stupide de la part du député d'affirmer que les lois de retour
au travail sont la façon de remédier à ces interruptions continuelles
dans le système de manutention du grain. Je l'invite à se rendre dans
les régions rurales autour de Saskatoon, d'où il vient, pour dire aux
agriculteurs que les lois de retour au travail sont la façon de
résoudre le problème. Il est évident que ce n'est pas le cas.
En ce qui concerne la possibilité pour la Chambre de siéger
durant la fin de semaine, cessons ce petit jeu. Nous savons
pertinemment que si le gouvernement veut faire adopter un projet
de loi à la Chambre des communes, il va le faire. Les députés
libéraux et les députés de l'opposition peuvent tous rentrer chez eux
et le premier ministre et un petit groupe de deux, trois ou quatre
députés pourront continuer de prendre les décisions, comme ils le
font maintenant. Cela ne fera aucune différence. Nous pourrions
tous rentrer chez nous.
La seule raison d'être des députés de l'opposition à la Chambre
est d'essayer d'influencer l'opinion publique. Le député et les
autres ministériels peuvent également rentrer chez eux, puisqu'ils
n'ont pas le droit de s'opposer à ce que le gouvernement propose.
Arrêtons de dire n'importe quoi. Les libéraux peuvent adopter
envers et contre tous cette mesure. Ils ont invoqué la clôture à des
dizaines de reprises à la Chambre. Ils ont établi des records à cet
égard.
(1350)
Le premier ministre a fait savoir comment il concevait la
démocratie. Seuls trois députés libéraux se sont prononcés contre le
projet de loi sur le contrôle des armes à feu alors qu'environ 60
ministériels ont déclaré que leurs électeurs voulaient qu'ils
s'opposent à cette mesure. Comment a-t-on récompensé ces trois
députés qui ont représenté leurs électeurs? On les a chassés de leurs
comités respectifs. Le premier ministre a déclaré publiquement
après cela que si un ministériel osait à l'avenir voter contre un projet
de loi d'initiative ministérielle, il ne signerait pas sa déclaration de
candidature et sa carrière politique serait alors terminée. C'est le
type de démocratie dans lequel le Parti libéral croit.
Arrêtons de dire n'importe quoi et commençons à parler de façon
honnête à la Chambre. Si nous avons des divergences d'opinions sur
des questions, eh bien soit. Si les libéraux ont une opinion différente
de la démocratie comme c'est manifestement le cas, ils devraient le
dire clairement. Nous allons continuer de défendre notre opinion de
la démocratie qui consiste à faire en sorte que nos électeurs aient
vraiment leur mot à dire dans ce qui se passe à la Chambre.
Le Parti réformiste a proposé de réaliser cet objectif par
l'entremise de plusieurs mécanismes. Par exemple, on a proposé de
donner aux électeurs le droit de révoquer un député, la capacité de
mettre à la porte un député, et il y en a peut-être qui auraient été
flanqués à la porte si cette disposition était en place. On a
recommandé de tenir des votes plus libres à la Chambre des
communes pour qu'on puisse rejeter une mesure ministérielle sans
que cela entraîne nécessairement la chute du gouvernement. Il
faudrait adopter une motion distincte de défiance pour causer la
chute du gouvernement. On aurait recours à des référendums sur des
questions essentielles comme la peine de mort et l'avortement. Ces
mesures, ainsi qu'un Sénat élu, égal et efficace feraient du Canada
un pays vraiment démocratique. Le Parti réformiste a présenté des
mesures législatives dans tous ces domaines.
Le député parle d'agir dans l'intérêt des électeurs. S'est-il
prononcé en faveur du projet de loi sur le contrôle des armes à feu?
Oui. Ses électeurs voulaient-ils qu'il le fasse? Pas du tout.
M. Blaikie: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je
croyais savoir que nous débattions le Code canadien du travail. Si la
présidence peut me démontrer que les toutes dernières interventions
ont un rapport avec le Code canadien du travail, je lui en serai
éternellement reconnaissant.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Il reste
deux minutes à la période de questions et d'observations.
M. Benoit: Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir
expliquer le lien qui existe entre un processus démocratique et cette
mesure législative, le projet de loi C-66.
Si nous avions une véritable démocratie à la Chambre, si nous
avions le pouvoir de révoquer des députés, si nous avions des votes
libres à la Chambre des communes, ce que le gouvernement avait
promis et qu'il a rejeté, si nous avions des référendums pour
trancher des questions comme la peine capitale et l'avortement, à
mon avis, le projet de loi. . .
M. Bryden: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je
voudrais poser une question pertinente au député de Végréville s'il
veut bien m'en donner l'occasion.
M. Benoit: Absolument, madame la Présidente. Qu'on pose la
question, et j'y répondrai brièvement.
M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Madame la
Présidente, le député de Végréville a mentionné le seul article du
projet de loi qui traite des expéditions de céréales. Nous sommes
tous d'accord pour dire que limiter l'interruption des expéditions
des céréales à la suite d'arrêts de travail de tierces parties constitue
une mesure progressiste remarquable.
Étant donné que cet article est si important et si progressiste et
qu'il contribuera grandement à encourager le transport des céréales,
le député va-t-il rejeter le projet de loi et, par conséquent, cet article,
parce qu'il ne répond pas à toutes ses autres attentes?
M. Benoit: Madame la Présidente, bien qu'il soit vrai que cet
article est important pour les céréaliculteurs et qu'il permettra au
moins le chargement des céréales qui sont acheminées vers la côte,
que dire du reste du système? Les libéraux n'ont rien fait pour
s'occuper du reste du système. Nous avons proposé une solution de
rechange de fond, l'arbitrage des offres finales, pour qu'il n'y ait
absolument aucun arrêt de travail.
Ils ont fait contrepoids à cette mesure, qui est positive, par une
mesure négative qui interdirait et empêcherait le recours à des
8899
travailleurs de remplacement par l'intermédiaire du Conseil
canadien des relations industrielles. Cette modification fera aux
agriculteurs beaucoup plus de tort que de bien. À tout prendre, le
projet de loi nuira beaucoup aux agriculteurs au cours des années.
Cette modification est positive. Les autres modifications feront plus
de tort que celle-ci fera de bien.
(1355)
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, je
poursuis le débat sur la question dont la Chambre est saisie, soit
celle du Code canadien du travail.
Une de nos principales préoccupations réside dans la façon dont
le gouvernement se comporte depuis son arrivée au pouvoir, en
1993. Quand il y a un problème, il évite de s'y attaquer ou alors il le
fait uniquement lorsque le problème a dégénéré en crise. C'est
toujours la même chose. Pendant huit ans, ces députés ont siégé
dans l'opposition, de ce côté-ci de la Chambre. Selon Beauchesne,
quand un parti est dans l'opposition, il est censé se préparer à former
le gouvernement.
Tous les libéraux qui ont occupé les banquettes de ce côté-ci,
avec le premier ministre comme chef et l'actuel leader du
gouvernement à la Chambre, ont eu le temps de se préparer. Mais ils
ne se sont pas préparés à légiférer ni à agir comme des dirigeants du
pays. Que s'est-il passé?
Nous avons été élus au Parlement et, en 1994, une grève nous a
forcés à siéger pendant un week-end. À titre de députés de
l'opposition, nous avons collaboré. Nous étions là pour aider à
régler le problème, mais le gouvernement a eu recours à la gestion
de crises. Voilà l'argument que je tenais à faire valoir au début de
mes observations.
Nous avons adopté un loi établissant un système d'arbitrage afin
de régler la grève et forcer le retour au travail. Ce sont les faits. Les
travailleurs sont rentrés au travail. C'était de la gestion de crises.
Cet exemple illustre comment le gouvernement a fonctionné depuis
1993, à maintes reprises.
Nous examinons le projet de loi C-66. Sommes-nous en train
d'étudier un problème qui risque de se présenter de nouveau dans
l'ouest du Canada? Les agriculteurs pourront-ils vendre leur blé
avec confiance sur le marché international? Rien dans le projet de
loi ne le garantit.
Cette mesure met à la disposition du gouvernement une clause
supplémentaire qui lui permet, dans le cas du blé qui se trouve sur la
côte, juste à côté des navires, de forcer le chargement sur les
navires, ce qui améliore un peu la situation. Mais qu'en est-il du blé
qui reste dans les prairies et des agriculteurs qui sont lésés parce
qu'ils ne peuvent livrer leur produit sur le marché international? Il
n'y a pas de solution.
Nos vis-à-vis veulent à tout prix former le gouvernement et avoir
du pouvoir, et ils ne font rien pour planifier et élaborer des mesures
législatives. Ils protègent les intérêts dévolus des syndicats, des
grandes sociétés. Ils veillent soigneusement sur leurs droits acquis.
Si l'on voulait vraiment s'occuper de ces questions, on s'y prendrait
autrement.
Le Président: Comme il est maintenant presque 14 heures, nous
allons passer aux déclarations de députés.
______________________________________________
8899
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[
Traduction]
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le
Président, je prends aujourd'hui la parole pour féliciter la
commission scolaire de Scarborough qui a implanté un programme
très fructueux dans les écoles de Scarborough.
Les actes de violence avec usage d'armes dans les écoles de
Scarborough ont diminué de 61 p. 100 depuis que la commission
scolaire a institué une politique de tolérance zéro il y a trois ans.
En vertu de la politique de sécurité appliquée dans les écoles de
Scarborough, il est obligatoire de tenir des audiences préalables à
l'expulsion pour une variété d'infractions violentes avec usage
d'armes. La violence à l'école a diminué considérablement depuis
la mise en oeuvre de cette politique.
(1400)
Si l'unification des municipalités se produit, ce programme
pourrait peut-être s'appliquer à l'échelle métropolitaine et servir de
point de référence. Les élèves de Scarborough ont beaucoup
bénéficié du fait que la commission scolaire a su leur fournir les
programmes et les services dont ils ont besoin tout en maintenant
bien sûr les coûts de fonctionnement au niveau le plus bas par élève
dans la région métropolitaine.
Il faut louer la commission scolaire de Scarborough d'avoir pris
cette initiative dans le but de réduire la violence et la criminalité
dans nos écoles. Je félicite encore une fois la commission scolaire,
son président et les commissaires.
* * *
[
Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, le
rapport dévoilé vendredi dernier à Montréal par la ligue B'nai Brith
révèle une baisse considérable de 26 p. 100 des incidents
antisémites au Canada entre 1995 et 1996.
Au Québec, où la communauté juive est une des plus importantes
au Canada, la diminution de tels incidents a été de plus de 40 p. 100.
Reconnu pour sa tolérance, le Québec devient ainsi une région où le
fléau de l'antisémitisme sévit le moins, avec 12 p. 100 des incidents
pour 24 p. 100 de la population.
En septembre 1996, j'ai visité le Musée de l'Holocauste à
Washington. J'ai pu constater l'ampleur de la tragédie et des
souffrances du peuple juif au cours de la Seconde Guerre mondiale.
J'invite les gouvernements à continuer la lutte pour éliminer
définitivement l'antisémitisme de nos sociétés.
Enfin, je profite de cette occasion pour rendre hommage à la
communauté juive pour sa contribution exceptionnelle au
développement du Québec et du Canada.
8900
[Traduction]
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, voici quelques exemples des priorités du gouvernement
libéral en matière de justice.
S'assurer que les administrateurs de la Commission canadienne
du blé coupables de délits criminels ne puissent être punis. Veiller à
ce que les agriculteurs qui vendent leur blé au meilleur prix aillent
en prison. Poursuivre les gens qui refusent de remplir le formulaire
de recensement. Protéger les libéraux haut placés en faisant des
menaces au juge Krever, de la commission d'enquête sur le sang
contaminé. Mettre fin à la commission d'enquête sur les
événements en Somalie afin que nous ne sachions jamais qui a
camouflé les meurtres. Promouvoir l'établissement de peines
alternatives grâce auxquelles un violeur dans ma circonscription est
remis en liberté parce qu'il a parfois manifesté de la compassion.
Frapper les coureurs automobiles de lourdes amendes s'ils
mentionnent le nom d'une compagnie de tabac à la télévision. Payer
des millions de dollars en honoraires d'avocats et en coûts de
règlement dans les affaires complètement bâclées de l'acquisition
d'avions Airbus et de l'aéroport Pearson. Permettre à des criminels
notoires expulsés d'autres pays de venir revendiquer le statut de
réfugié au Canada.
Et la pire initiative de toutes en matière de justice de la part du
premier ministre et du gouvernement actuels, c'est de donner à des
tueurs comme Clifford Olson une tribune nationale et le droit de
tourmenter davantage les familles de ses victimes.
C'est absolument honteux.
* * *
M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le
Président, la semaine dernière, dans la circonscription de Winnipeg
Transcona, un employé de chemin de fer a accidentellement perdu
la vie à cause d'un déraillement qui s'est produit derrière les ateliers
du CN.
Je suis persuadé que, en présentant mes condoléances à la famille
et aux amis de M. Dan McNeil ainsi qu'à ses compagnons des
Travailleurs unis des transports, je puis me faire le porte-parole de
tous mes collègues.
Le décès de M. McNeil doit nous rappeler que, tous les jours et
toutes les semaines, des Canadiens travaillent dans des conditions
qui peuvent mettre leur vie en danger, et que nous devons leur être
reconnaissants des services qu'ils rendent ainsi. Le transport
ferroviaire est un secteur dangereux, tout comme le sont les mines,
les services policiers, la lutte contre les incendies, et bien d'autres.
Plus tard cette année, nous célébrerons une journée nationale de
deuil à la mémoire des personnes tuées au travail. Nous devons cette
journée nationale à l'ancien député néo-démocrate de Churchill,
Rod Murphy. Cette commémoration est certes justifiée, mais nous
regrettons que, d'année en année, il y ait tant de nouveaux noms à
ajouter à la liste des disparus.
Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): Monsieur le
Président, le samedi 8 mars, j'ai assisté aux célébrations organisées
par le Lorne Scots Peel, Dufferin and Halton Regiment en l'honneur
de l'adjudant-chef Joe A. Sellors pour fêter ses 50 années de
services éminents.
Joe Sellors a amorcé sa distinguée carrière avec la fanfare The
Lorne Scots à titre de cornemuseur junior en octobre 1946. Son
talent et son travail acharné l'ont mené aux plus hauts sommets.
Grâce au soutien de son épouse Alice et de sa famille pleine de
magnétisme, il est devenu le cornemuseur-major de la fanfare au
début des années 1950 et, en 1975, il a obtenu le grade
d'adjudant-chef.
Joe Sellors a rempli son devoir avec dignité et fierté. C'est avec
grand plaisir que j'offre aujourd'hui mes meilleurs voeux à Joe
Sellors, à son épouse et à leurs enfants au nom de tous les habitants
de Brampton. Je remercie Joe pour 50 années d'excellent travail et
lui dis:
Ton front est ceint de fleurons glorieux.
* * *
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le
Président, l'accord qu'ont conclu le premier ministre du Canada et
le premier ministre Clark de la Colombie-Britannique le 6 mars
dernier met un terme à de graves conflits, notamment à l'obligation
imposée par le gouvernement provincial, selon laquelle les assistés
sociaux devaient avoir vécu trois mois en Colombie-Britannique
avant de pouvoir toucher des prestations, et à la décision
préjudiciable prise à propos des paiements de transfert fédéraux
versés à la Colombie-Britannique dans le but de couvrir les coûts de
l'intégration des immigrants dans la communauté.
(1405)
Cet accord crée des précédents. Premièrement, il reconnaît qu'il
faut de nos jours la collaboration de tous les ordres de
gouvernement, fédéral, provincial et municipal, pour trouver une
solution raisonnable à la plupart des problèmes. Il est impossible de
préserver un fédéralisme usé axé sur la confrontation, où le pouvoir
souverain est compartimenté en éléments bien distincts et définis,
fédéral ou provincial, et où les décisions prises en partenariat
relèvent de l'utopie.
Deuxièmement, bien que l'Acte constitutionnel de 1982 ait pu
ériger de grands obstacles juridiques aux modifications ultérieures,
les constitutions peuvent évoluer au moyen de conventions
spéciales portant sur des arrangements intergouvernementaux et des
mesures d'adaptation administrative, tout cela fondé sur le bon sens
et l'entraide.
C'est cela, le nouveau fédéralisme pragmatique axé sur la
coopération.
* * *
Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le
Président, vendredi dernier, j'ai eu l'honneur de participer à la
8901
célébration du 25e anniversaire de la fondation de la Chinese
Golden Age Society.
Les bénévoles de cette organisation organisent des sorties,
mènent des campagnes de financement et offrent compagnie et
soutien moral aux autres personnes âgées de la communauté
sino-canadienne.
Il est tellement important pour nous tous, peu importe notre âge,
d'avoir des amis et d'appartenir à une communauté. En cette étape
de la vie où il est plus difficile de se déplacer, la Golden Age Society
s'assure que personne ne se sente laissé pour compte. La société est
aussi un excellent exemple d'entraide entre communautés et entre
personnes âgées et un modèle de succès pour tout groupe similaire.
Les membres de la communauté sino-canadienne de
Beaches-Woodbine et moi-même félicitons et remercions la
Golden Age Society pour 25 années de dur labeur et lui souhaitons
25 autres années de succès.
* * *
[
Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, le
Bloc québécois tient à souligner le 38e anniversaire du soulèvement
national tibétain contre l'occupant chinois.
Le 10 mars 1959, dix ans après l'invasion du Tibet par la Chine,
le peuple tibétain se soulève contre l'oppresseur chinois. L'armée
chinoise écrase alors le mouvement légitime de contestation du
peuple tibétain.
Au cours des semaines suivantes, plus de 80 000 civils trouvent
la mort. Depuis ce temps, le dalaï-lama représente les Tibétains en
exil et fait campagne pacifiquement pour la souveraineté et
l'autodétermination de son peuple.
Le gouvernement chinois poursuit toujours sa campagne de
colonisation et d'assimilation du Tibet et refuse d'appliquer les
résolutions onusiennes demandant le respect des droits
fondamentaux du peuple tibétain, y compris le droit à
l'autodétermination.
Le Canada ne peut continuer à passer sous silence auprès des
autorités chinoises la situation catastrophique prévalant au Tibet.
Aujourd'hui, l'opposition officielle rappelle au gouvernement
canadien ses responsabilités internationales.
* * *
[
Traduction]
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, je suis fier cet après-midi de voir que mes deux filles sont
à la tribune.
J'ai commencé à oeuvrer au sein du Parti réformiste du Canada, il
y a près de dix ans, parce que je m'inquiétais pour leur génération.
Je me suis rendu compte que des réformes importantes s'imposaient
si nous voulions que les jeunes de notre pays bénéficient des mêmes
possibilités que nous.
En 1987, notre dette nationale se situait à la moitié des 600
milliards de dollars qu'elle atteint aujourd'hui et nous, réformistes,
voulions alors réduire le coût du crédit pour les programmes
sociaux. En 1987, les recettes fiscales étaient de 97 milliards de
dollars environ. Elles sont maintenant de 135 milliards de dollars.
Et nous avions alors l'impression d'être surtaxés.
En 1987, nous soupçonnions que les gouvernements se
préoccupaient davantage des droits des criminels que des droits des
victimes. Depuis, ils l'ont prouvé. En 1987, nous croyions que le
Parlement avait besoin de subir une métamorphose démocratique
complète. Aujourd'hui, nous le savons. En 1987, je croyais que la
seule chance d'un avenir meilleur pour nos enfants était la vision
réformiste d'un Canada renouvelé. Aujourd'hui, j'en suis persuadé.
1997 sera l'année d'un nouveau départ pour tous les Canadiens.
* * *
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, les
serveurs et serveuses du Nouveau-Brunswick ont lancé une
campagne de sensibilisation nationale afin de renseigner les deux
paliers de gouvernement sur les pourboires.
La plupart des serveuses et serveurs gagnent le salaire minimum
et comptent sur les pourboires pour joindre les deux bouts. Plus de
80 p. 100 des travailleurs de cette catégorie sont des femmes. Une
forte proportion sont des chefs de familles monoparentales. Bon
nombre ont un diplôme universitaire, mais aucune autre possibilité
d'emploi.
Revenu Canada considère que leurs pourboires sont imposables
et en tient compte pour déterminer leur admissibilité à la prestation
fiscale pour enfants et au remboursement de la TPS. Les pourboires
n'entrent toutefois pas en considération dans le calcul de leurs
prestations d'assurance-chômage, de leur indemnisation comme
accidentés du travail, du Régime de pensions du Canada et de leurs
prêts bancaires, ni aux fins du calcul de la cotisation autorisée à un
REER. Il semble y avoir certaines iniquités lorsqu'un
gouvernement considère un pourboire comme un revenu aux fins de
l'impôt, mais n'en tient pas compte dans le calcul des prestations.
(1410)
J'exhorte le gouvernement à envisager des modifications qui
permettront aux serveurs et aux serveuses de bénéficier pleinement
de leurs pourboires, de manière à ce que cette injustice puisse être
corrigée.
* * *
M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur
le Président, en tant que président du Comité permanent des
ressources naturelles, je félicite le gouvernement et, en particulier,
la ministre des Ressources naturelles d'avoir donné suite au rapport
final de notre comité sur la rationalisation de la réglementation
environnementale en matière d'exploitation minière.
Je suis heureux que les réformes proposées traduisent fidèlement
les recommandations que le comité a formulées à la suite de vastes
consultations auprès des groupes intéressés. Ces réformes
donneront aux investisseurs davantage de certitudes quant aux
exigences, elles réduiront les délais et les coûts inutiles et elles
assureront la
8902
nécessité d'un régime de protection environnementale solide et
efficace.
L'industrie minière emploie quelque 350 000 Canadiens, et des
centaines de localités des régions rurales et du Nord en dépendent.
C'est un aspect important par rapport à l'engagement que le
gouvernement a pris envers les régions rurales canadiennes.
Le rapport du comité et la réponse du ministère témoignent aussi
de l'engagement du gouvernement qui consiste à favoriser la
croissance économique et la création d'emplois, le développement
durable ainsi que la mise en place d'une réglementation efficiente et
efficace pour les entreprises.
* * *
[
Français]
Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le
Président, beaucoup de Canadiens sont très préoccupés par les
coupures qu'on a faites à Radio-Canada. La question est très
émotive. C'est une question d'unité, de message pareils de la côte
de l'Atlantique à la côte du Pacifique jusqu'à la côte de l'Arctique.
Radio-Canada nous a accompagnés toute notre vie et est devenue
partie de notre existence.
[Traduction]
Depuis un an, j'ai organisé trois assemblées publiques sur la
SRC. Les deux dernières, qui ont eu lieu au cours des deux mois qui
viennent de s'écouler, ont attiré beaucoup de monde. Pendant les
assemblées, les gens ont exprimé leur profond attachement à cette
institution.
Au moment de la dernière assemblée, Nigel Peck, un électeur,
avait réussi à recueillir plus de 23 000 signatures. J'ai été informé
que dès qu'elle comprendra 50 000 signatures, la pétition me sera
alors adressée. Près de 13 000 signatures supplémentaires ont déjà
été obtenues. Les pétitionnaires demandent un arrêt des
compressions et le rétablissement du financement de la SRC. La
ministre s'est rendue à leurs arguments et a réaffecté 10 millions de
dollars à la SRC.
La principale préoccupation concerne les compressions touchant
la programmation régionale. Ces compressions ont pour effet
d'enlever un moyen d'expression aux Canadiens vivant à
l'extérieur du Québec et de l'Ontario.
* * *
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président,
je prends la parole pour exprimer mes craintes au sujet de l'érosion
du régime d'assurance-maladie universel en Ontario. Le
gouvernement de Queen's Park semble imposer de plus en plus de
frais d'une semaine à l'autre. Outre les frais pour les médicaments
d'ordonnance, les patients hospitalisés en attente d'un transfert
dans un autre établissement doivent payer des frais de 43 $ par jour.
Pensez à ce que ces frais quotidiens font pour la santé de ces
personnes qui sont déjà malades.
Le gouvernement fédéral est le seul ordre de gouvernement qui
puisse protéger les services de santé de tous les Canadiens.
J'exhorte les ministres de la Santé et de la Justice à déterminer avec
soin si le gouvernement de l'Ontario se conforme aux exigences de
la Loi canadienne sur la santé.
* * *
[
Français]
M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président,
la 53e session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU
vient tout juste de s'ouvrir à Genève. Cet exercice important permet
à la communauté internationale de s'informer et de se concerter sur
des problèmes graves de violation des droits de la personne.
En cette ère où le marché impose son diktat, le gouvernement se
doit d'être à la hauteur de sa réputation passée. Il faut briser le
silence qui octroie une sorte d'impunité internationale à des
régimes qui bafouent les droits les plus élémentaires. Il faut
dénoncer vigoureusement ce qui se passe, entre autres, en Birmanie,
en Turquie, en Algérie, au Timor oriental, au Nigeria et dans la
région des Grands Lacs africains.
Ce gouvernement s'est donné comme mandat de promouvoir les
valeurs canadiennes. Ce gouvernement va-t-il s'affirmer et assumer
le leadership sur cette question fondamentale des droits de la
personne? Pendant qu'on continue à commercer impunément, des
hommes, des femmes et des enfants sont torturés, emprisonnés et
tués chaque jour. Il est grand temps de joindre à la dénonciation des
gestes concrets et fermes.
* * *
[
Traduction]
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
le système de justice du Canada s'est graduellement détérioré au
point où il n'est plus qu'une machine juridique qui tourne à vide. Il
ne sert plus les intérêts de la société ni des victimes du crime, mais
fait plutôt l'étrange promotion des prétendus droits des criminels.
L'audience d'Olson aux termes de l'article 745, qui commence
aujourd'hui, est un exemple de cette étrange promotion des droits
des criminels. Dieu merci, Olson est sans doute l'un des rares
criminels pour qui cette procédure ne sera vraiment qu'une faible
lueur d'espoir.
Pour près de huit criminels sur dix qui en font la demande,
comme tous le reconnaissent, à part le gouvernement, l'article 745
est en fait une garantie de libération. Cet article force les victimes à
revivre les événements qui ont si tragiquement changé le cours de
leur vie.
(1415)
La population du Canada demande l'abrogation pure et simple de
l'article 745. Il est à peu près temps que celui qui se fait passer pour
le ministre de la Justice fasse ce que la population lui demande.
8903
[Français]
M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.):
Monsieur le Président, les délégués au congrès d'orientation et à
l'élection du chef du Bloc québécois ne manqueront pas de
remarquer la présence très dominante de leur ancien chef, M.
Lucien Bouchard.
Il est prévu qu'il prenne la parole au moins à deux occasions, en
plus de toutes les rencontres informelles auxquelles il participera.
C'est quand même assez particulier de voir ce chef politique
provincial prendre autant de place dans un congrès d'un parti
politique fédéral.
Le chef du PQ a-t-il l'intention de noyauter le congrès bloquiste,
afin d'éviter qu'on lui impose un virage dont il ne veut pas? Ou
est-ce tout simplement qu'il veut réaffirmer qu'il est le vrai et le
seul chef de ce parti?
Quoi qu'il en soit, j'espère que les délégués bloquistes
réserveront un bon accueil à Lucien Bouchard, sinon, ils risquent
eux aussi de le voir quitter pour aller bouder.
______________________________________________
8903
QUESTIONS ORALES
[
Français]
M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, le ministre des Finances visait, pour 1996-1997, un
déficit de 24 milliards de dollars. Ses prévisions ont été réajustées à
l'occasion du dernier budget, voilà trois semaines, à 19 milliards.
Des voix: Bravo!
M. Gauthier: Aujourd'hui, après dix mois, le déficit accumulé
serait de 7,3 milliards, ce qui pourrait vouloir dire un déficit réel de
10 à 12 milliards en 1996-1997, au lieu des 19 milliards annoncés il
y a trois semaines.
Ma question s'adresse au ministre des Finances. Ou bien le
ministre des Finances savait qu'il avait une si grande marge de
manoeuvre et il l'a caché aux citoyens, ou bien il ne le savait pas,
parce qu'il avait été incapable de le prévoir. Est-ce que le ministre
des Finances est un cachottier ou un incompétent?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, lorsqu'on regarde les critiques qu'on avait à l'égard de
mon prédécesseur, lorsqu'il était incapable d'atteindre ses objectifs,
le fait qu'on me critique maintenant que je fais beaucoup plus
qu'atteindre mes objectifs est certainement une critique que je suis
prêt à accepter.
Comme le chef de l'opposition doit le savoir, il reste encore un
mois et demi avant la fin de l'année financière, nous n'avons pas les
données pour le mois de février, nous n'avons pas les données pour
le mois de mars. En même temps, le chef de l'opposition doit savoir
qu'il y a beaucoup d'ajustements qui sont faits dans le mois de mars
qui peuvent changer les chiffres.
Ce que j'ai donné est peut-être un chiffre prudent, mais je suis
convaincu qu'encore une fois, nous allons bâtir sur la crédibilité que
le gouvernement a établie.
M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, il faudrait que le gouvernement fasse un déficit de 12
milliards dans deux mois pour atteindre les chiffres absolument
extraordinaires du ministre des Finances, ceux qu'il nous a donnés
il y a trois semaines.
M. Duceppe: Ah, les drapeaux de Mme Copps.
M. Gauthier: Il sait bien que cela n'a pas de bon sens. . .
M. Loubier: Ça n'a pas d'allure.
M. Gauthier: . . .en homme raisonnable. Et je sais que sa
réponse n'a pas d'allure.
M. Loubier: Alors, il est incompétent. C'est de l'incompétence.
M. Gauthier: Je vais lui demander: pourquoi, avec une telle
marge de manoeuvre, n'a-t-il rien fait pour les pauvres, pour les
sans-emploi qui sont légion au Canada, plutôt que de saupoudrer
quelques petites mesures dans son dernier budget?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, regardons ce que nous avons fait: une dépense de 850
millions de dollars pour aider les familles pauvres ayant des
enfants, nos investissements dans le tourisme, nos investissements
dans la recherche et développement, nos investissements dans
l'éducation, tout ça, dans le but de créer des emplois.
Alors, la question que je pourrais peut-être poser au chef de
l'opposition est celle-ci: puisque, à la suite de la demande de M.
Landry et d'autres ministres des Finances, le président du Conseil
du Trésor a prolongé le Programme des infrastructures, justement
pour créer des emplois, comment se fait-il que M. Landry n'ait pas
encore accepté l'offre faite par le président du Conseil du Trésor
relativement aux infrastructures?
(1420)
M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, avec une erreur de quelque 12 milliards dans ses
prévisions, le ministre des Finances aurait été avisé de ne pas couper
4,5 milliards aux provinces, de ne pas couper 5 milliards aux
chômeurs.
Doit-on comprendre que ce que le ministre des Finances
s'apprête à faire, avec une sécurité invraisemblable de quelque 12
milliards, c'est de saupoudrer partout, à travers tout le Canada, au
cours de la prochaine campagne, quelques milliards par ci, quelques
milliards par là, pour gagner la faveur des électeurs?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, la vie doit être dure pour le chef de l'opposition lorsque la
seule chose qu'on peut reprocher au ministre des Finances du
gouvernement c'est qu'il a été trop prudent dans ses projections.
Est-ce que je peux suggérer au chef de l'opposition qu'il
demande à la maison mère d'accepter l'offre du gouvernement pour
8904
prolonger le Programme d'infrastructures pour qu'on puisse, le plus
vite possible, créer des emplois à Montréal et au Québec?
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.
Nous apprenons, trois semaines après le budget que la marge de
manoeuvre du ministre des Finances est encore plus grande que
celle que le Bloc québécois avait anticipée. Elle dépasse tout
entendement. Dès cette année, c'est au moins 12 milliards de plus
dont dispose le ministre des Finances par rapport à ce qu'il
prévoyait dans son budget 1996; l'année prochaine ce sera 17
milliards.
Il y a, aujourd'hui, au Canada, trois millions d'assistés sociaux,
1,5 million d'enfants pauvres, 1,5 million de chômeurs. Pourquoi le
ministre des Finances a-t-il préféré conserver une marge de
manoeuvre colossale plutôt que d'utiliser cet argent pour redonner
de l'espoir à ces gens?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, hier, en répondant à une question du chef de l'opposition,
je voulais citer quelqu'un et vous m'avez coupé la parole.
J'aimerais citer, aujourd'hui, la même personne en réponse au
député. Je serai beaucoup plus bref: «Nous sommes sur la bonne
voie, ce n'est pas le temps de lâcher, il faut continuer. Les
économies sont en mutation. Il faut redresser les finances
publiques, contrôler le déficit et faire en sorte que les taux d'intérêt
puissent baisser.» C'est Lucien Bouchard, il a raison, et j'ai raison.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le
Président, nous n'avons jamais nié, d'aucune façon, qu'il faille
atteindre un déficit zéro à un moment donné. Mais là, il exagère.
Des voix: Bravo!
M. Loubier: Est-ce que le ministre est conscient qu'il pourrait
atteindre un déficit zéro avant l'an 2000 en évitant de couper 4,5
milliards dans les programmes sociaux, en laissant aux chômeurs 5
milliards du surplus accumulé, en aidant substantiellement la
création d'emplois, et en payant 2 milliards qu'il doit au Québec
pour l'harmonisation de la TPS?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, encore une fois, le député n'a pas posé de question. Il a
fait une déclaration.
Je vous dirai simplement que lorsqu'on regarde le fait que le
gouvernement fédéral transfère au-delà de dix milliards de dollars
par année, dont 45 p. 100 des paiement de péréquation versés aux
provinces.
Il faut regarder le partenariat technologique mis sur pied par mon
collègue, le nombre de compagnies en aéronautique au Québec qui
y ont gagné.
[Traduction]
C'est remarquable! Jusqu'à maintenant, l'opposition officielle a
posé cinq questions et le pire reproche qu'elle a à faire au ministre
des Finances et au gouvernement c'est d'avoir réalisé des déficits
inférieurs à leurs prévisions. Nous acceptons ce reproche et je peux
dire que nous allons continuer sur notre lancée.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, ce matin, à Vancouver, l'audition préliminaire de la
demande de libération anticipée aux termes de l'article 745 du Code
criminel présentée par le tueur d'enfants Clifford Olson a
commencé.
(1425)
Cette audience sera une épreuve d'une horreur indescriptible
pour les familles des victimes. Elle ne devrait pas avoir lieu et elle
n'aurait pas lieu si le gouvernement avait agi plus tôt en abrogeant
l'article 745 plutôt qu'en y apportant des changements de pure
forme.
Des Canadiens indignés manifestent à Vancouver et ailleurs pour
demander comment le gouvernement peut être si insensible envers
les victimes de Clifford Olson.
Ma question s'adresse à la vice-première ministre. Comment le
gouvernement peut-il être assez insensible au sort des familles des
victimes de Clifford Olson pour permettre la tenue de l'audience?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, tous les
membres du caucus libéral n'éprouvent rien d'autre qu'une
profonde empathie pour les tragédies que vivent les familles de ces
victimes et pour tous ceux qui ont perdu un être cher aux mains d'un
criminel.
C'est à cause des victimes, dans leur intérêt et en leur mémoire
que le gouvernement a si souvent apporté des modifications aux lois
de droit pénal.
Pour ce qui est de l'article 745, il a été modifié après que j'ai
rencontré la veuve d'un agent de la GRC assassiné en Saskatchewan
qui m'a expliqué comment elle trouvait dur d'assister aux audiences
aux termes de l'article 745 sans pouvoir intervenir. C'est après ma
rencontre avec Marie King Forest que j'ai proposé de modifier
l'article 745 pour donner un rôle aux victimes lors de ces audiences.
C'est en raison du souci du gouvernement pour le sort des
victimes que, l'an dernier, nous avons présenté à la Chambre le
projet de loi C-45, qui fait en sorte que l'article 745 du Code
criminel ne peut être invoqué que dans les cas les plus exceptionnels
et pas dans le cas des criminels qui ont enlevé plus d'une vie. Avec
les modifications, un juge doit d'abord se prononcer sur le mérite de
chaque cas et un jury doit ensuite accepter à l'unanimité que la
demande soit étudiée. Le gouvernement a agi au nom des victimes.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, le ministre fait étalage de sa grande empathie et de sa
sympathie pour les victimes d'actes criminels et il nous donne une
liste de mesures de pure forme.
Quelles mesures concrètes le gouvernement a-t-il prises pour
traduire cette sympathie et cette empathie en actes? Il ne fait
qu'apporter des modifications mineures à l'article 745 plutôt que de
l'abroger. Il s'est dit en faveur de notre déclaration des droits des
victimes, mais il la laisse stagner devant le comité. Il consacre des
centaines d'heures-personne et des centaines de milliers de dollars
8905
pour accorder une audience à Clifford Olson, mais il n'investit ni
temps ni argent ni énergie en faveur de ses victimes.
Si le ministre éprouve tant de sympathie et d'empathie pour les
victimes d'actes criminels, s'engagera-t-il aujourd'hui même à
promulguer la déclaration des droits des victimes qui a été présentée
à la Chambre des communes il y a 11 mois par le député de Fraser
Valley-Ouest?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écrit au
président du Comité de la justice pour demander que le comité
commence à dresser la liste des modifications à apporter au Code
criminel en plus de celles que nous avons déjà proposées au nom des
victimes.
Cependant, je tiens à ce qu'il soit bien clair que, aussi loin que je
me rappelle, notre gouvernement a fait davantage pour les victimes
que tout autre gouvernement du Canada.
La défense fondée sur l'état d'ébriété pouvait être invoquée
jusqu'à ce que nous prenions des mesures au nom des victimes pour
changer les choses. Encore au nom des victimes, nous avons adopté
rapidement une mesure autorisant l'utilisation des tests d'ADN en
droit pénal.
Cependant, si nous regardons chez nos vis-à-vis, c'est une tout
autre paire de manches. Lorsque nous avons proposé le projet de loi
C-37, qui introduisait le concept de déclaration des victimes dans la
Loi sur les jeunes contrevenants, le Parti réformiste a voté contre.
Lorsque nous avons présenté le projet de loi C-41, qui contenait
des dispositions élaborées sur l'indemnisation des victimes, le Parti
réformiste a voté contre.
L'an dernier, lorsque nous avons présenté des modifications
visant à empêcher à l'avenir les auteurs de meurtres multiples de se
prévaloir de l'article 745, le Parti réformiste a voté contre.
(1430)
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, ce qui importe ici, c'est que, par la faute du ministre,
Clifford Olson obtient une tribune nationale. Les victimes n'ont
droit qu'à une étude.
L'article de la Charte canadienne des droits et libertés sur les
droits juridiques contient 16 dispositions affirmant le droit des
personnes soupçonnées de crimes, accusées de crimes ou reconnues
coupables de crimes. Il n'y a pas une seule disposition de la charte
qui porte sur les droits des victimes d'actes criminels. Les
Canadiens ne peuvent plus tolérer un tel déséquilibre. Ils veulent un
système de justice qui fait passer les droits des victimes avant les
droits des criminels comme Clifford Olson.
Le ministre de la Justice s'engage-t-il dès maintenant à adopter la
déclaration des droits des victimes qui croupit devant un comité ou
les libéraux ont-ils l'intention de laisser tomber les victimes de
Clifford Olson une fois de plus?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à un certain
point, on en vient à se demander pourquoi le chef du tiers parti pose
de telles questions puisque, chaque fois que nous présentons une
mesure favorable aux victimes, son parti vote contre. Si nous
devons présenter de nouvelles propositions, par exemple, si nous
proposions de modifier la charte, peut-être devrait-ce être pour
interdire l'exploitation éhontée des victimes.
On peut très bien comprendre pourquoi les familles des victimes
étaient sur la tribune à Vancouver hier. Elles sont motivées par la
douleur que leur causent les tragédies qu'elles ont vécues. On
comprend aussi pourquoi les réformistes étaient sur la tribune et
pourquoi les réformistes mènent le bal. Ils exploitent les tragédies
auxquelles ils se prétendent si sensibles.
J'ajouterai, ce qui est peut-être le plus important, que, en se
comportant comme ils le font, les réformistes donnent à Clifford
Olson exactement ce qu'il veut le plus obtenir, à savoir une tribune
qui lui permettra de devenir un personnage encore plus infâme.
Des voix: Bravo!
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur
le Président, depuis septembre 1993, la justice américaine demande
aux autorités canadiennes l'extradition du Hell's Angels Jacques
Émond. Jacques Émond, qui vit actuellement en
Colombie-Britannique, est accusé de complot, de trafic de grosses
quantités de haschisch et de cocaïne et d'avoir appartenu en
permanence à une organisation criminelle de janvier 1976 à février
1990.
Comment le ministre de la Justice peut-il expliquer qu'après trois
ans et demi, la cause pour la demande d'extradition ait été reportée
huit fois à la demande de la Couronne et que Jacques Émond soit
toujours au Canada?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ne connais pas
les détails de ce cas-là. J'ai l'intention de soulever la question avec
mes fonctionnaires, et je répondrai dans quelques jours.
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur
le Président, en reportant ainsi la cause, le ministre doit être
conscient qu'il y a danger d'abus de procédure.
Le ministre de la Justice réalise-t-il que son ministère est en train
de créer les conditions qui feront en sorte que l'extradition de
Jacques Émond sera impossible, protégeant ainsi un criminel?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai
dit, je ne connais pas ce cas, à l'heure actuelle, mais j'ai l'intention
de demander des détails aux fonctionnaires du ministère de la
Justice et je répondrai dans les jours à venir.
[Traduction]
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président,
comme nous le savons tous, c'est aujourd'hui que débutaient à
Vancouver les audiences concernant la demande de libération
conditionnelle anticipée présentée par Clifford Olson, l'homme qui
a sauvagement violé et tué onze jeunes enfants. À cause de la
demande de Clifford Olson, les familles de ces enfants sont forcées
de revivre la douleur et l'angoisse qu'elles ont déjà vécues.
8906
(1435)
Je demande au ministre de la Justice, qui est directement
responsable de ce qui se passe aujourd'hui, quelle mesure il prendra
pour s'assurer que ces onze familles n'aient plus jamais à vivre des
moments aussi douloureux et angoissants.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, l'an dernier,
notre gouvernement a présenté, et le Parlement a adopté, une
mesure législative visant à modifier l'article 745 du Code criminel
pour voir à ce que cette disposition soit utilisée seulement dans des
cas exceptionnels.
Les modifications apportées éliminent toute possibilité
d'examen judiciaire pour les auteurs de meurtres multiples à
l'avenir, prévoient un mécanisme d'examen préalable du dossier
par un juge et exigent l'unanimité du jury saisi de la demande avant
que toute réduction de la peine ne soit consentie.
Il me semble que c'est exactement là la façon d'empêcher que les
familles des futures victimes n'aient à vivre une expérience aussi
éprouvante, tout en laissant suffisamment de latitude pour les cas
exceptionnels où il convient de permettre la présentation de telles
demandes.
Dans ces circonstances, on se demande pourquoi le député et ses
collègues du Parti réformiste ont voté contre ces modifications.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, tous
les parents de victimes qui ont témoigné devant le comité
permanent qui a étudié le projet de loi C-45 étaient contre cette
mesure législative. C'est pourquoi nous exprimons leurs
inquiétudes ici aujourd'hui.
Le projet de loi C-234 aurait eu pour effet d'abroger carrément
l'article 745 du Code criminel. Le ministre de la Justice a voté
contre ce projet de loi. Il se trouve ainsi à avoir voté en faveur de
Clifford Olson et contre les onze familles qui ont perdu leurs enfants
aux mains de Clifford Olson.
Le ministre de la Justice peut-il expliquer aujourd'hui à ces
familles et à tous les Canadiens pourquoi il a voté en faveur de
Clifford Olson et contre les familles des victimes?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, au cours des
trois ans et demi où j'ai eu le privilège de servir le premier ministre
dans le poste que j'occupe actuellement, j'ai rencontré des
douzaines de parents de victimes de crime. J'ai rencontré des mères
qui ont perdu un enfant, des maris qui ont perdu leur femme.
L'importance que j'accorde à leur expérience, l'importance que
j'accorde au respect des victimes se dégage clairement des
nombreuses mesures législatives que nous avons présentées à la
Chambre pour protéger la position des victimes dans notre système
de justice pénale.
Le tribunal est actuellement saisi de la demande de M. Olson. Il
ne convient pas de porter quelque jugement que ce soit sur le mérite
de cette demande, mais je tiens à dire ceci. Quoi qu'on puisse dire
au sujet de la demande de M. Olson, cette procédure aurait pu se
dérouler dans l'obscurité à la Cour suprême de la
Colombie-Britannique. La douleur ressentie par les familles des
victimes serait différente de ce qu'elle est aujourd'hui si ce n'était
pas du député et de ses collègues réformistes, qui donnent à Clifford
Olson exactement ce qu'il veut, ce qu'il ne peut pas obtenir
autrement. Ils satisfont sa soif de notoriété.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ):
Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la
Justice.
Depuis le mois d'août 1995, où le jeune Daniel Desrochers est
décédé à la suite d'un attentat à la voiture piégée perpétré par le
crime organisé, plusieurs autres bombes ont explosé. Des personnes
innocentes ont été blessées; le sang coule. Des villes et villages
complets sont sous le choc. Des municipalités, telles que
Saint-Nicolas, Montréal et Québec, sont désemparées devant
l'ampleur du problème.
Le 21 septembre 1995, le ministre disait qu'il consultait et qu'il
était optimiste à l'idée de trouver une solution. Compte tenu que le
problème est toujours présent, et même pire qu'en 1995, le ministre
peut-il dire à la Chambre quelle solution il a trouvée pour régler le
problème des guerres des motards criminalisés?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): En fait, monsieur le Président, j'ai
rencontré la mère de Daniel Desrochers, celui qui a été tué dans les
rues de Montréal, l'année passée.
(1440)
J'ai travaillé, également, avec mon collègue, le solliciteur
général du Canada, et avec les chefs de police du Québec et
d'ailleurs pour trouver des moyens d'améliorer le droit criminel
afin d'aider les policiers dans leur lutte contre le crime organisé.
Au mois de septembre dernier, le solliciteur général et
moi-même avons eu ici, à Ottawa, un colloque sur le sujet du crime
organisé. Nous avons invité les chefs de police, les avocats, les
procureurs généraux des provinces et nous avons discuté de
plusieurs approches pour aider les policiers, pour leur donner les
outils dans leur lutte contre le crime organisé. Nous avons identifié
une douzaine de mesures concrètes.
Le solliciteur général et moi-même avons l'intention, dans les
mois à venir, de déposer des changements au Code criminel pour
l'accomplir.
M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ):
Monsieur le Président, en dehors des discours creux du ministre qui,
de toute évidence, ne solutionnent pas le problème, parce qu'on vit
encore le même problème au Québec, aujourd'hui, qu'est-ce que le
ministre a à dire à la famille de la petite Marianne qui, à la suite de
l'explosion d'une bombe, a reçu des éclats de verre, chez-elle, dans
sa couchette? Et qu'a-t-il à proposer aux gens de Saint-Nicolas qui
se sentent impuissants devant les organisations criminelles qui
occupent tout leur territoire?
8907
[Traduction]
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement
renouvelle son engagement, envers ces Canadiens qui vivent dans la
peur ou qui supportent les conséquences de crimes de ce genre,
d'améliorer la loi pénale pour que les services de police aient les
moyens de combattre les activités de ces gangs.
Il n'existe pas de solution simple à ce genre de problème.
Quelqu'un proposait d'adopter un projet de loi anti-gang, mais il est
très difficile de concevoir une loi qui soit valable et efficace. Il ne
suffit pas de criminaliser ces gangs car ils n'auraient qu'à changer
leur nom ou la nature de leur organisation.
Il est plus efficace à long terme, pour les victimes dont parlait le
député et pour l'ensemble des Canadiens, de continuer d'oeuvrer de
façon constructive avec la police pour modifier les lois pénales afin
qu'il lui soit plus facile de réunir des preuves et d'obtenir des
témoignages contre ce genre d'activité illégale.
C'est ce que le solliciteur général et moi-même avions en tête
lorsque nous avons convoqué un symposium anti-gang en
septembre dernier. Nous en sommes revenus avec une douzaine de
propositions concrètes de modifications de la loi pénale. Nous
entendons y donner suite dans les semaines et les mois à venir, et
donner ainsi à la police les moyens de réprimer le genre d'activité
dont parle le député.
Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, Christine, Colleen, Daryn, Sandra, Ada, Simon, Judy,
Raymond, Sigrun, Terry Lyn et Louise. Ce sont les noms des
victimes de Clifford Olson, ces victimes dont les familles devront
encore une fois souffrir à cause du gouvernement libéral.
Le gouvernement libéral offre une tribune à Clifford Olson tandis
que ses victimes doivent se battre pour être entendues. Pourquoi le
premier ministre refuse-t-il d'adopter une déclaration des droits des
victimes afin de reconnaître les droits des victimes avant ceux de
criminels comme Clifford Olson?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, si quelqu'un
offre une tribune à Clifford Olson, ce sont la députée et ses
collègues réformistes. Ils devraient avoir honte d'utiliser une
tactique pareille.
Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, les Canadiens sont heureux que quelqu'un accepte de
tenir ce genre de discours en faveur des victimes et de leurs
familles.
Le gouvernement libéral est clairement déterminé à privilégier
les droits de criminels brutaux plutôt que ceux de personnes
innocentes. Comment les Canadiens peuvent-ils confier leur
sécurité à un gouvernement qui a des priorités aussi tordues?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la priorité du
gouvernement en matière de justice criminelle a toujours été de
rendre notre société la plus sûre possible et de témoigner du respect
aux victimes d'actes criminels.
(1445)
Toutes les lois pénales que nous avons adoptées en trois ans et
demi sont inspirées de notre souci de rendre le système de justice
plus sensible et plus respectueux envers les besoins des victimes. La
députée et ses collègues réformistes ont cependant voté
systématiquement contre les mesures que nous avons proposées
pour les victimes.
Le Parti réformiste a voté contre le projet de loi C-41, qui
modifiait la loi sur la détermination de la peine et prévoyait le
dédommagement des victimes. Le projet de loi C-45 modifiait
l'article même au sujet duquel la députée s'est plainte, mais elle et
ses collègues réformistes ont voté contre.
La population canadienne aura l'occasion, en temps et lieu, de
porter son propre jugement.
* * *
[
Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le
Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.
Ce matin, le quotidien The Globe & Mail nous apprenait que le
juge Krever s'est plaint par écrit de l'ingérence du gouvernement
dans le déroulement de sa commission. Il a affirmé que le
gouvernement avait menacé de mettre fin aux travaux de la
Commission si celle-ci persistait à porter des blâmes envers certains
hauts fonctionnaires et certains ministres.
Comment la vice-première ministre peut-elle justifier, encore
une fois, l'intervention de son gouvernement auprès d'une
commission d'enquête qui devrait normalement pouvoir compléter
ses travaux sans interférence gouvernementale?
[Traduction]
L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur
le Président, je fais savoir à la députée qu'en décembre 1995, le
ministre de la Justice a demandé au tribunal de trancher certaines
questions.
Le tribunal qui a entendu la demande du ministre de la Justice l'a
rejetée. Par la suite, certaines personnes ont interjeté appel auprès
d'une instance supérieure.
La députée voudrait, j'en suis sûr, qu'il soit consigné que le
gouvernement du Canada n'a pas fait appel de cette décision qui, je
crois, a été prise en juin de l'année suivante.
Je tiens à préciser que ce gouvernement attend avec impatience le
rapport du juge Krever. Nous attendons avec impatience de
connaître ses recommandations et, que je sache, on n'a jamais eu
l'intention de mettre fin à l'enquête du juge Krever de quelque
façon que ce soit.
8908
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le
Président, dans toute cette affaire, il y a un fait accablant. Les deux
commissions, Krever et Létourneau, ont toutes deux été victimes
d'obstruction de toutes sortes de la part des fonctionnaires du
gouvernement et de ses ministres.
Avec cette façon de faire du gouvernement, la vice-première
ministre réalise-t-elle qu'elle discrédite les commissions d'enquête
et peut-elle nous dire quel juge, à l'avenir, acceptera de présider une
enquête, sachant qu'à tout moment le gouvernement peut intervenir
pour l'empêcher de faire son travail?
[Traduction]
L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur
le Président, je comprends très bien que les députés d'en face soient
au désespoir lorsqu'ils portent des accusations aussi ridicules.
La Chambre devrait savoir que la commission a tenu plus de250 jours d'audiences. Elle a entendu plus de 350 témoins, dont près
de la moitié étaient des victimes.
Le compte rendu des témoignages fait plus de 40 000 pages. Les
pièces justificatives font plus d'un demi-million de pages. La date
limite imposée à la commission pour achever ses travaux a été
étendue non pas une fois, non pas deux fois mais trois fois et la
commission dispose d'un budget de plus de 15 millions de dollars.
C'est nous, alors que nous formions l'opposition, qui avons
réclamé une enquête judiciaire dans l'affaire du sang contaminé. Je
suis heureux que le juge Krever préside cette enquête et, comme
toutes les provinces et tous les intéressés, j'attends avec impatience
ses conclusions.
* * *
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le
Président, le Parti réformiste préconise généralement une
réglementation beaucoup plus serrée sur l'immigration de réfugiés.
On dirait qu'il a changé de cap, car il s'inquiète du fait que nous
ayons imposé des restrictions.
Malgré tout, beaucoup d'habitants de ma propre circonscription
m'ont fait part de leurs préoccupations. Il y a beaucoup
d'immigrants et de réfugiés dans la région.
La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pourrait-elle
préciser le règlement qu'elle a imposé récemment concernant les
réfugiés?
(1450)
L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, les commentaires du
porte-parole du Parti réformiste m'ont également étonnée. J'en
déduis qu'à partir de maintenant, le Parti réformiste appuie notre
programme d'admission des réfugiés.
Le Canada a toujours répondu généreusement aux habitants de
partout dans le monde qui traversent une période de crise. Nous
n'avons jamais, par le passé, imposé de quotas en matière
d'immigration. Nous n'avons pas l'intention de le faire à l'avenir.
Au contraire, la nouvelle catégorie de personnes sélectionnées à
l'étranger à des fins de rétablissement nous donnera plus de moyens
de combler les besoins d'éventuels immigrants. Cette nouvelle
façon de faire nous permettra d'être plus généreux que par le passé.
Soyons fiers de cette nouvelle catégorie aux fins du rétablissement.
* * *
M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président,
Joe Thornley a joué un rôle majeur dans la campagne à la direction
de la ministre du Patrimoine. Maintenant, la ministre semble le
remercier avec l'argent des contribuables. J'ai des preuves que
Thornley a reçu de ce ministère un marché de 30 000 $ dans le
cadre du programme national de distribution de drapeaux.
Quelles connaissances spéciales a cet ami personnel de la
ministre sur le drapeau canadien qui vaille qu'on lui attribue 30 000
$ pris à même l'argent des contribuables canadiens?
L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du
Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, tous les
marchés conclus par mon ministère le sont en conformité des lignes
directrices du Conseil du Trésor.
Si le député du Parti réformiste veut faire des accusations
diffamatoires, je lui suggère de le faire en dehors de la Chambre,
parce qu'il pourra alors faire l'objet de poursuites pour diffamation,
comme il le mérite.
M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je
signale que Thornley n'a pas conclu un seul marché de services avec
le ministère du Patrimoine avant l'arrivée de la ministre. Depuis
que la ministre a été nommée à ce poste, en janvier 1996, Thornley a
réussi à obtenir au moins quatre marchés représentant 60 000 $. Je
remarque aussi que l'ami de la ministre est inscrit en tant qu'agent
officiel du Parti libéral du Canada.
La ministre du Patrimoine croit-elle vraiment que ces marchés
fédéraux attribués à son ami libéral aux bons filons, à son ami
personnel, stimulera le patriotisme canadien?
L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du
Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je répète que
tout marché attribué par mon ministère l'a été de façon tout à fait
conforme aux lignes directrices du Conseil du Trésor.
Si le député a des accusations diffamatoires à faire, je lui suggère
de sortir de la Chambre, en vrai parlementaire, et de les faire. Il
pourra alors faire l'objet d'une action en diffamation. Il essaie de
profiter de la protection accordée à la Chambre, mais il n'aurait pas
cette chance s'il tenait des propos aussi diffamatoires à l'extérieur.
8909
[Français]
M. Benoît Tremblay (Rosemont, BQ): Monsieur le Président,
ma question s'adresse à la vice-première ministre.
Il y a maintenant quatre ans, Karim, le fils de Mme Micheline
Tremblay a été enlevé par son ex-conjoint, qui le cache quelque part
en Égypte. Mme Tremblay a multiplié les démarches auprès des
autorités policières et judiciaires. Interpol a lancé un mandat
d'arrestation contre l'ex-conjoint. L'ancien ministre des Affaires
étrangères, M. André Ouellet, a promis, au début de 1996, un accord
bilatéral avec l'Égypte qui aurait permis de rapatrier l'enfant.
Pourtant, Mme Tremblay n'a revu son fils que durant trois heures et
elle crie toujours au secours parce que rien n'a vraiment bougé.
Les membres de ce gouvernement qui aiment bien voyager avec
Équipe Canada pour la promotion économique resteront-ils
insensibles à un cas humanitaire aussi troublant? S'engagent-ils
aujourd'hui à intervenir auprès du gouvernement égyptien pour
assurer le retour de Karim au Canada?
[Traduction]
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce
international, Lib.): Monsieur le Président, nous ne ménageons
aucune susceptibilité pour parvenir à nos fins dans cette affaire.
Nous suivons la situation de très près. Le ministre des Affaires
étrangères a rencontré la mère et nous continuons à faire des
démarches auprès du gouvernement égyptien.
La semaine prochaine, un fonctionnaire de notre ministère se
rendra au Caire pour poursuivre le dialogue et pour essayer de
mener l'affaire à bien.
On me dit également que l'affaire doit passer devant un tribunal
égyptien cette année.
[Français]
M. Benoît Tremblay (Rosemont, BQ): Monsieur le Président,
chaque fois que le gouvernement est interpellé sur cette question
depuis 1993, la réponse est toujours la même. On nous promet un
accord, on nous promet des efforts et le gouvernement semble
s'agiter chaque fois qu'un enlèvement suscite une tempête
médiatique, mais il n'y a jamais de résultat concret.
(1455)
Ma question est simple et elle s'adresse à la vice-première
ministre. S'engage-t-elle à signer un accord avec l'Égypte d'ici à la
tenue des prochaines élections et s'engage-t-elle à assurer le retour
de Karim au Canada?
[Traduction]
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce
international, Lib.): Monsieur le Président, apparemment les
autorités égyptiennes n'auraient confirmé que récemment que le fils
de Mme Tremblay se trouvait bien en Égypte.
Le tribunal saisi de cette affaire lui a accordé le droit de visite.
Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour mener cette
affaire à bien aussi rapidement que possible afin que la mère et le
fils puissent être réunis.
* * *
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense
nationale.
Ce matin, devant la commission d'enquête sur la Somalie dont
les jours sont maintenant comptés, le major Vince Buonamici a
accusé le gouvernement d'avoir camouflé un geste qui fut au moins
un homicide involontaire coupable, sinon un homicide coupable. Il
a déclaré qu'il existait une conspiration de haut niveau en vue de
faire obstruction à l'enquête sur cet assassinat par balle et que cette
obstruction a presque certainement causé la mort de Shidane Arone.
Si le ministre est déterminé à mettre fin à l'enquête sur la
Somalie, comment entend-il aller au fond de ces incroyables
allégations?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
le député sait très bien que, depuis le début de l'enquête et surtout
depuis que je suis ministre de la Défense nationale, je n'ai jamais
commenté les témoignages des témoins comparaissant devant la
commission d'enquête, parce que c'est aux commissaires qu'il
appartient de formuler des recommandations.
Je sais que le député a tout aussi hâte que moi de voir ces
recommandations. Le gouvernement a accordé une troisième
prolongation à la commission d'enquête en lui demandant de faire
rapport au plus tard à la fin de juin et il est certain que la commission
traitera de cette question dans son rapport.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, soyons parfaitement clairs sur la conduite du
gouvernement.
Un Somalien a été abattu par une balle dans le dos. On a tenté de
camoufler l'affaire. On a conspiré en hauts lieux pour retarder
l'enquête. Ce retard a causé la torture et la mort de Shidane Arone.
Les militaires ont ensuite détruit, déchiqueté et modifié des
documents afin de garder le secret. Et maintenant, le ministre de la
Défense veille à ce que le camouflage se poursuive afin que les
Canadiens et les Somaliens ne découvrent jamais la vérité.
Pourquoi le ministre est-il si déterminé à cacher la vérité au sujet
du camouflage mis en oeuvre aux plus hauts niveaux du quartier
général de la Défense nationale?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
nous avons commencé le 15 mars 1995 à tenter de déterminer ce qui
s'est produit en Somalie lors de l'incident dont fait état le député.
8910
Les commissaires ont eu presque deux ans pour convoquer toute
une panoplie de témoins et pour choisir ceux qu'ils voulaient
entendre.
Le témoignage dont parle le député a été entendu cette semaine,
comme il l'a précisé lui-même. Rien n'empêchait cette personne de
témoigner il y a un an et demi. Les commissaires savaient
parfaitement bien où en étaient les gens chargés de l'enquête sur les
incidents.
Nous n'allons pas contredire le chef du troisième parti qui a
déclaré, en septembre 1996:
Monsieur le Président, pour garantir qu'il n'y ait pas de camouflage dans
l'enquête sur l'affaire somalienne, le premier ministre est-il disposé à donner à la
Chambre l'assurance que les résultats de l'enquête seront intégralement rendus
publics avant les prochaines élections?
Je fais de mon mieux.
* * *
M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.):
Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du
Développement des ressources humaines.
De nombreuses personnes de ma circonscription ont du mal à
trouver du travail. Certaines se plaignent de ne pouvoir trouver
quelque chose que par l'intermédiaire d'agences de placement
temporaire. Il leur est difficile de faire vivre leur famille avec un
salaire de travailleur à temps partiel. Beaucoup se demandent si,
dans les conditions actuelles du marché du travail, les centres de
Ressources humaines Canada ont encore leur raison d'être.
Est-ce que le ministre a des suggestions en ce qui concerne les
services de ces centres pour les nombreux Canadiens qui cherchent
du travail pour vivre et faire vivre leur famille?
(1500)
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des
ressources humaines, Lib.): Je remercie le député de son
excellente question. Nous sommes très préoccupés par le haut
niveau de chômage.
Comme vous le savez, monsieur le Président, la nature du travail
évolue beaucoup en ce moment. Il est de plus en plus difficile de
s'adapter aux besoins. En tant que gouvernement c'est une chose
que nous essayons très fort de faire.
Les agences de placement sont utiles dans un certain nombre de
circonstances et nous avons eu de bons résultats avec celles avec
lesquelles nous avons travaillé.
Je voudrais que les Canadiens et la Chambre sachent que les
centres d'emploi de Développement des ressources humaines
Canada fonctionnent toujours très bien et que nous avons un certain
nombre de programmes importants. Un des éléments est de
réinvestir 800 millions de dollars dans des mesures actives. Nous
avons des programmes qui ont eu beaucoup de succès pour aider les
Canadiens à trouver du travail.
Le nouveau système électronique qui apparie employeurs et
demandeurs d'emplois à un taux de succès extraordinaire de 80 p.
100. Nous donnons toujours des services personnels à ces gens. La
banque d'emplois qui apparie les employeurs et les demandeurs
d'emploi est assez efficace également.
* * *
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD):
Monsieur le Président, ces dernières semaines, le ministre de
l'Agriculture et de l'Agroalimentaire dit craindre que les problèmes
survenus dans le transport du grain, cet hiver, ne se soldent par une
perte globale de quelque 65 millions de dollars pour les
agriculteurs. Par ailleurs, le gouvernement ne voit rien de mal à
accepter qu'on approuve de nouvelles augmentations des tarifs
marchandises qui totaliseront 15 millions de dollars.
Le ministre des Transports peut-il justifier cette mesure qui
récompense les compagnies ferroviaires de leur piètre performance
et leur permet de s'enrichir encore davantage aux dépens des
agriculteurs qui travaillent fort?
L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.):
Monsieur le Président, le député a oublié que bien des facteurs
interviennent dans le calcul de la déduction pour amortissement en
ce qui concerne les tarifs marchandises versés par les céréaliers.
C'est l'Office des transports du Canada qui s'en occupe.
Je signalerai au député que des rajustements à la baisse ont
accompagné les améliorations enregistrées sur le marché financier,
notamment le rajustement dont il a parlé, qui est fonction du risque
lié à l'actuel réseau de transport du grain et aux compagnies
ferroviaires elles-mêmes.
* * *
Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à
notre tribune d'un homme dont la réputation n'est plus à faire, non
seulement dans cette enceinte, mais également dans le monde
entier, un récipiendaire du Prix Nobel de la paix, l'ancien président
de la république de Pologne, M. Lech Walesa.
Des voix: Bravo!
* * *
(1505)
Le Président: Ce matin, le député de Hamilton-Wentworth a
soulevé la question de privilège et exposé le motif de ses
préoccupations. Le Président a alors dit que la présidente du comité
mis en cause répondrait ou apporterait des éclaircissements.
8911
Je vais maintenant donner la parole à la députée de
Windsor-Sainte-Claire, qui veut revenir sur la question de
privilège soulevée ce matin. Est-ce exact?
Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.):
Oui, monsieur le Président.
Ce matin, le député de Hamilton-Wentworth a soulevé la
question de privilège au sujet des activités du Comité permanent de
la justice et des affaires juridiques. Il a soutenu que le comité avait
interprété faussement le paragraphe 108(2) du Règlement et, ce
faisant, avait violé ses droits de député.
Par une motion adoptée sur présentation d'un rapport de notre
sous-comité de la procédure, notre comité directeur, les membres
du Comité de la justice et des affaires juridiques, que je préside, ont
accepté à l'unanimité que nous entamions l'étude d'une question
qui fait maintenant l'objet du projet de loi C-46, étudié par la
Chambre à l'étape de la deuxième lecture. Cette mesure vise à
modifier le Code criminel relativement à la production de
documents dans les causes d'infractions sexuelles.
Le député élève des objections et soutient qu'il a été porté
atteinte à ses privilèges. Je n'avais pas été prévenue de ses
objections ce matin, mais j'ai la transcription de ses observations.
D'après cette transcription, ses allégations semblent reposer sur les
faits suivants. Tout d'abord, il a exprimé de graves réserves au sujet
de la teneur du projet de loi et, deuxièmement, il veut rester à la
Chambre pendant le débat et en même temps poser des questions au
cours des séances du comité. Il dit qu'il ne pourra poser ses
questions que lorsqu'il aura entendu tout le débat.
À l'appui de sa position, il soutient que rien, au paragraphe
108(2) du Règlement, ne nous autorise à discuter de la teneur du
projet de loi dont la Chambre est saisie, à en délibérer ou à
l'examiner. Il soutient aussi, dans un argument qui me semble tenir
de la tautologie, que le projet de loi est la teneur du projet de loi et
vice-versa. On tourne en rond.
En guise de réponse, je dirai que, en juin 1985, le rapport
McGrath a proposé que davantage de pouvoirs soient accordés aux
comités des Communes, et c'est ainsi que le paragraphe 108(2) du
projet de loi a été adopté. C'est une tentative réussie de donner plus
de pouvoirs aux comités en leur permettant de bien maîtriser la
façon de faire de même que le sujet à l'étude. Outre l'étude des
questions qui leur sont renvoyées par la Chambre, les comités
peuvent aussi entreprendre de leur propre initiative d'autres tâches
qu'ils estiment importantes.
Dans ce cas particulier, l'ordre du jour est très chargé. L'ordre du
jour du Comité de la justice est probablement le plus chargé de tous
les comités de la Chambre. Nous voulions jeter un coup d'oeil sur
les initiatives de politique qui sont désormais contenues dans le
projet de loi C-46 et que nous avions résolu d'étudier en priorité.
Parce que le comité est très occupé, il a fallu établir un ordre de
priorité dans les sujets à étudier. La priorité est allée au projet de loi
C-55 sur les délinquants dangereux, dont il a été fait rapport la
semaine dernière. Le comité a alors voulu étudier le projet de loi
C-46 qu'il voyait venir.
Le sujet du projet de loi C-46 a beaucoup attiré l'attention,
suscitant lettres et réactions des Canadiens. Tous les partis
représentés au comité, y compris celui dont les membres
m'interpellent bruyamment à l'heure actuelle, avaient convenu à
l'unanimité que le sujet de ce projet de loi était hautement
prioritaire.
L'alinéa 108(1)a) nous autorise à nous réunir pendant que la
Chambre siège. Je tiens à le signaler parce que c'est là une des
objections du député.
(1510)
Le paragraphe 108(2) autorise les comités à faire une étude et à
présenter un rapport sur toutes les questions relatives au mandat-et
je paraphrase-des ministères qui nous sont confiées, y compris le
ministère de la Justice qui est la première source de notre
programme législatif à l'heure actuelle.
Dans le commentaire figurant à la page 324 du Règlement
annoté, on affirme ceci:
Les comités permanents sont maintenant autorisés par la Chambre à faire des
études et à présenter des rapports sur tous les aspects des ministères qui leur sont
confiés[. . .] l'article 108(2) accorde aux comités permanents un mandat
d'application générale qui leur permet d'examiner toute question relative aux
ministères concernés, et dont ils jugent l'étude nécessaire et légitime.
C'est exactement ce que nous faisons.
Avec le mandat qui tire à sa fin et sachant que l'ordre du jour serait très chargé, les
membres du comité ne peuvent vraiment pas nous permettre aucun temps
d'inactivité et c'est pourquoi nous avons établi un ordre de priorité dans les sujets à
l'étude.
Les initiatives de politique contenues dans le projet de loi C-46 constituent un
sujet que nous avons unanimement résolu d'étudier en priorité. Il y a des précédents
à cet égard. Le Comité des finances a été le premier à faire cela au cours de la
dernière législature et notre comité l'a fait pour les projets de loi C-45 et C-110. Je
crois comprendre que le Comité des transports a aussi étudié des questions de cette
façon.
Le député veut entendre le débat, puis aller au comité et interroger les gens. Soit.
Cela peut se faire de la façon suivante. D'abord, il a accès presque immédiatement
aux bleus. J'ai eu les bleus de sa motion avant midi, aujourd'hui. Il a accès au
hansard. Les mémoires du comité sont publics et il y a accès. Les listes des témoins
sont publiques et il y a accès. Comme tous les députés qui les ont demandés, il a
accès aux mémoires des hauts fonctionnaires ministériels. Tout cela peut l'aider à se
préparer pour le travail au comité.
Le paragraphe 108(2) autorise, à mon sens, les membres du comité à faire ce que
nous faisons. Vraiment, nous veillons seulement à maîtriser notre destinée et à
déterminer l'ordre de priorité et la nature de nos travaux.
Je voudrais remercier le vice-président de m'avoir fait part de cet avis de motion
et de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole.
[
Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ):
Monsieur le Président, je suis vice-président du Comité de la justice
et des questions juridiques.
Ce que la députée mentionne au sujet de la façon dont on a
procédé est vrai. Cependant, je pense que la députée a soulevé une
question extrêmement importante sur la façon de procéder. Il
vaudrait la peine que la Présidence rende une décision très éclairée
sur cette question pour qu'on puisse l'utiliser ultérieurement.
Lorsque j'ai donné le consentement, en comité, de procéder
ainsi, je connaissais fort bien le sujet, le projet de loi C-46, les
conséquences et également la rapidité avec laquelle on voulait
l'adopter, compte tenu que c'est un projet de loi qui, de part et
d'autre, faisait l'unanimité quant à son objet. On savait également
qu'il y avait beaucoup de groupes de femmes, entre autres, et qu'il y
8912
avait des jugements à la Cour suprême du Canada qui avaient été
rendus sur le sujet touchant le projet de loi C-46.
Tout cela a fait en sorte que, oui, en toute connaissance de cause,
l'opposition a donné son accord pour procéder différemment de ce
qui est prévu dans le Règlement. Où je voudrais qu'on éclaircisse
véritablement-et c'est votre travail, je pense, monsieur le
Président-c'est que je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord
avec l'interprétation que ma collègue fait relativement aux
nouveaux pouvoirs des comités. Je pense qu'il y a un règlement. Le
règlement nous dit que le comité, à la suite de la deuxième lecture,
est saisi de ce projet de loi, qu'il entend des témoins, et tout cela.
Il y a deux questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez.
La première est celle-ci: quelle règle prévaut, en conformité du
Règlement? Et la deuxième question à laquelle vous devrez
répondre pour nous aider éventuellement dans les comités est la
suivante: si les membres du comité permanent, dans le cas présent
le Comité permanent de la justice et des questions juridiques, de
façon unanime, s'entendent pour procéder différemment de ce qui
est prévu dans les règlements, est-ce qu'on peut le faire en toute
légalité?
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le
Président, sans vouloir me prononcer sur le bien-fondé de la
question de privilège, j'ai cru bon, puisque la députée de
Windsor-Sainte-Claire a mentionné la réforme McGrath,
d'intervenir très brièvement en ma qualité de dernier membre
survivant du comité McGrath.
La réforme McGrath ne visait certainement pas la réalisation de
plusieurs travaux simultanément. En fait, l'ensemble de la réforme
et de la réorganisation des travaux de la Chambre, des comités, et
cetera, avait pour but d'éviter les situations où la Chambre et un
comité seraient tous deux saisis de la même question en même
temps.
(1515)
Les comités sont encore maîtres de leur destinée ou du moins
devraient l'être, si nous pouvions changer la culture politique afin
que les partis ne dirigent plus les travaux des comités.
Du point de vue technique, la députée a raison. Je voulais
simplement signaler que la réforme McGrath avait pour but d'éviter
que certains travaux se fassent simultanément.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
je serai bref. Je veux remercier le député de Hamilton-Wentworth
qui a soulevé la question de privilège.
Lorsque vous étudierez la question, monsieur le Président, je
vous demande de tenir compte du fait que cela touche tous les
députés de la Chambre même si la question de privilège n'a été
soulevée que par un seul élu, le député de Hamilton-Wentworth.
Le Président: Le député est intervenu ce matin. Il a soulevé la
question de privilège. A-t-il quelque chose de nouveau à ajouter à ce
qu'il a dit ce matin?
M. Bryden: Non, monsieur le Président.
Le Président: Je crois que je saisis l'essentiel de la question.
Naturellement, vous me permettrez de prendre le temps nécessaire
pour examiner tout ce qui a été dit, y compris les renseignements
fournis par le député de Hamilton-Wentworth.
J'examinerai tout ce qui s'est dit aujourd'hui. J'étudierai les
précédents et tenterai de vérifier ce qui s'est produit, ce que visait le
rapport McGrath et, au besoin, je me pencherai sur les deux
questions soulevées par le député de Berthier-Montcalm.
Cela me permettra, du moins je l'espère, de mieux comprendre
ce qui s'est produit et de découvrir la voie que nous devrions
emprunter à l'avenir.
Je ferai rapport à la Chambre dès que j'aurai examiné tous les
faits qui m'ont été présentés et les résultats des recherches que je
mènerai.
______________________________________________
8912
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi
C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur
les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres
lois en conséquence, soit lu une roisième fois et adopté.
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, en
traitant du projet de loi C-66, nous devons savoir quel est son
objectif. Le gouvernement tente de modifier en quelque sorte le
cadre de la négociation collective.
Je tiens à souligner que, parfois, on comprend mal la position du
Parti réformiste à l'égard de la négociation collective. Il
conviendrait maintenant de la préciser clairement.
Nous estimons que la négociation collective constitue un moyen
équitable d'atteindre des résultats pour que le travail effectué dans
l'industrie ou dans la fonction publique soit rémunéré à sa juste
valeur et que, par ailleurs, la direction soit traitée équitablement et
puisse continuer d'exercer ses activités ou que la population puisse
s'offrir les résultats de la négociation collective.
Nous estimons également que la négociation collective
comprend le droit de grève, qui devrait faire partie intégrante du
processus. Je dois aussi dire que, dans des circonstances normales,
il s'agit là des conditions à réunir lorsque la direction et les
employés désirent négocier. Les deux parties doivent pouvoir
négocier et
8913
participer activement, et être bien représentées à la table des
négociations.
Ce qui préoccupe vivement mes collègues et moi au sujet du
projet de loi, c'est qu'il existe des circonstances qui ne sont pas
normales. Les personnes qui doivent payer pour les résultats du
processus de négociation collective ne sont pas présentes à la table
des négociations. Nous croyons qu'on doit prendre des mesures
pour protéger leurs intérêts et leurs droits lorsqu'ils ne sont pas là
pour se défendre.
(1520)
Comme l'ont dit très clairement à la Chambre les députés de
Kindersley, d'Alberta, de Végréville et de Wetaskiwin, on ne traite
pas de façon équitable, dans le cadre du processus de négociation
collective, les agriculteurs, les producteurs de grain et d'un éventail
de produits agricoles, y compris la luzerne et le foin qui sont
expédiés sur le marché international et qui sont très demandés parce
qu'ils sont des produits de qualité. Nous croyons qu'il faut prendre
des mesures pour protéger leurs droits.
À quelle solution sommes-nous arrivés? Nous devrions examiner
sérieusement la possibilité d'avoir recours à l'arbitrage des
propositions finales. Nous avons soumis cela à la Chambre. Nous
avons dit que, de cette façon, la trentaine de syndicats représentés
dans le transport des produits de l'exploitation agricole jusqu'au
port et dans le chargement des navires ne pourraient déclencher une
grève et empêcher que le grain puisse parvenir au port à temps et le
faire expédier sur le marché international. Nous connaissons les
résultats d'une grève à cause de ce qui s'est produit en janvier et
février 1997, alors que notre grain n'a pu atteindre la côte, ce qui a
entraîné des coûts importants pour les agriculteurs.
M. Hehn, de la Commission canadienne du blé, a déclaré que la
dernière interruption du trafic ferroviaire sur la côte avait coûté aux
agriculteurs, selon ses calculs, au moins 65 millions de dollars.
Cependant, il y a fort probablement de nombreux coûts directs et
indirects qui n'entrent pas dans ce chiffre de 65 millions de dollars.
On pourrait plus vraisemblablement atteindre les 100 millions de
dollars. C'est un coût important.
Si on prend l'exemple de l'Alberta, cette somme signifie que
chaque agriculteur recevrait un chèque d'au moins 14 $ l'acre sur
ces 100 millions de dollars. J'ai participé à l'administration de tout
un éventail de programmes qui permettaient d'offrir des chèques
aux agriculteurs de l'Alberta, une somme de 100 millions de dollars
divisée par le nombre d'acres que représente environ ce montant.
Si on examine cela en fonction des coûts de carburant pour faire
fonctionner le matériel d'irrigation, qui est d'environ 19 $ à 20 $
l'acre, une somme de 14 $ constitue une perte importante pour cet
agriculteur. Pour ce qui est des engrais, qui coûtent entre 30 $ et 60 $
l'acre ou plus dans certains cas, par exemple pour les cultures
spécialisées, ce montant de 14 $ ou 15 $ représente une perte
importante pour l'agriculteur.
Nous pourrions également parler des taxes et des coûts de
carburant qui varient entre 10 $ et 15 $ l'acre. On prend cet argent
aux agriculteurs, on le gaspille et, dans bien des cas, on le verse en
frais de surestarie qui s'élèvent, comme nous le savons tous, à
environ 10 000 $ par navire. Au cours des deux dernières semaines,
il y avait quelque 32 navires qui tournaient autour du port de
Vancouver et on a versé 320 000 $ par jour à ces bateaux. Ces gens
ramènent cet argent dans leur port d'attache qui n'est certes pas au
Canada, et tout cet argent est perdu pour l'économie canadienne. Il
est tout simplement inacceptable que cela se produise dans la
collectivité agricole.
Il faut faire quelque chose à ce sujet. Nous avons proposé comme
solution le recours à l'arbitrage des propositions finales.
Dans le projet de loi C-66, on parle des exploitations agricoles,
mais, comme d'habitude, ce secteur est relégué au bas de la liste. On
en fait mention en ce qui concerne les arrêts de travail et lock-out
qu'on pourrait régler dans le cadre du processus relatif au secteur
céréalier.
(1525)
Il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Si le blé est rendu
au port quand la grève éclate, le blé doit alors rester dans la cale du
navire. Que dire de tous les autres syndicats qui interviennent entre
la ferme et la cale du navire? Ils peuvent interrompre
l'acheminement du grain vers le marché, ce qui, comme je le disais
tout à l'heure, ferait perdre beaucoup d'argent à l'industrie. Il faut
faire quelque chose à ce sujet.
Nous avons, en outre, proposé à la Chambre que le gouvernement
règle le cas de la Commission canadienne du blé. Il conviendrait
d'envisager l'instauration d'un système de commercialisation
double, qui remplacerait le système à comptoir unique dont on se
sert actuellement au Canada, et plus particulièrement dans l'Ouest.
En vertu de cette loi spéciale que l'on appelle la Loi sur la
Commission canadienne du blé, les producteurs canadiens doivent
se comporter comme des producteurs, mais ils ne peuvent pas
commercialiser leurs produits sans passer par la Commission
canadienne du blé. Cela cause des problèmes.
Si l'on établit un rapport entre le projet de loi C-66 et la
commercialisation du grain, le problème qui se pose est de taille.
Nous vendons notre blé à des syndicats, la Commission canadienne
du blé assurant la supervision d'ensemble. Or, la commission joue
un rôle déterminant quand vient le temps de nous dire quel service
ferroviaire est disponible et de combien de wagons on dispose pour
transporter notre grain d'un bout à l'autre du pays en vue de son
expédition sur le marché international dans la cale de navires. Ce
genre d'intervention ne laisse pas le marché décider, puisque les
producteurs ne peuvent pas utiliser ce genre de système sans
l'intervention du gouvernement.
Il y a donc une intervention secondaire, qui est primaire dans un
certain sens. Par conséquent, dès lors qu'un des syndicats ouvriers
fait la grève, cela se répercute sur les producteurs parce que ceux-ci
sont les intermédiaires par lesquels notre grain est acheminé entre la
ferme et le bateau. L'accès à des moyens détournés, en passant par
les États-Unis, en ayant recours au transport par camion ou par
d'autres moyens, est limité en raison de l'obligation de passer par la
Commission canadienne du blé. C'est en fait un genre d'ingérence
8914
dont on se passerait volontiers. Raison de plus pour instaurer un
système de commercialisation double pour le grain de l'Ouest.
Comme producteur indépendant, si je le voulais, je pourrais faire
transiter ma production par le Montana jusqu'à l'État de
Washington en faisant appel à des installations de la côte ouest et, à
partir de là, faire affaire avec des installations américaines. À
l'heure actuelle, je ne peux pas le faire. Dès que j'essaie de le faire,
la Commission canadienne du blé intervient. Cela nuit au
fonctionnement du libre marché.
D'aucuns soutiennent que tous les producteurs n'auraient pas
accès à ce genre d'installations. Ils pourraient former des
coopératives, s'ils le voulaient, ou, si le cadre législatif s'y prêtait,
ils pourraient se constituer en société. Ils peuvent vendre leurs
produits par l'intermédiaire des syndicats du blé de l'Alberta ou de
la Saskatchewan, d'autres unions de producteurs de grain ou
d'autres organismes de commercialisation du grain. Ils peuvent
négocier des contrats avec des vendeurs de grain privés, de sorte
qu'ils seraient au courant des options et des possibilités à exploiter.
Le gouvernement a-t-il vraiment fait quelque chose? A-t-il
recherché une solution nouvelle? Non. Il a protégé le vieux système.
Il a déclaré: «Nous allons donner un léger coup de coude au
processus de négociation collective. Nous allons intervenir un peu
dans les activités portuaires. Nous allons intervenir auprès d'un
groupe syndical, celui des débardeurs.» Mais cela ne règle pas le
problème. La loi sur le travail ne fait rien pour régler le problème de
taille que confronte le Canada. Le gouvernement ne s'y attaque pas
du tout.
Pourquoi le gouvernement ne cherche-t-il pas des solutions de
rechange? D'ailleurs, peut-on s'attendre que le gouvernement
étudie des solutions de rechange? Les libéraux veulent préserver le
statu quo. Ils veulent surtout ne rien changer. Ils gardent la tête
basse et leur unique ambition dans la vie consiste à conserver le
pouvoir politique qui leur confère de l'autorité-apparemment pour
diriger le pays-, mais cela n'a rien à voir avec de nouvelles idées
ou options, des solutions de rechange et des tentatives pour trouver
des façons de faire qui soient plus progressives et positives.
(1530)
Le ministre de l'Agriculture a cherché à résoudre le problème
concernant l'expédition du grain des fermes en Alberta, en
Saskatchewan et au Manitoba vers la Colombie-Britannique et
jusqu'aux ports.
Qu'est-ce qu'il a fait? Il a réagi instinctivement à un problème,
qui avait atteint des proportions de crise quand il a décidé de tenir
une réunion à Calgary. Il a convoqué à une table ronde les
entreprises céréalières, les responsables, les sociétés céréalières, le
CPR, le CNR et divers agents d'expédition. J'espère qu'il a invité
des agriculteurs, mais j'en doute. Il n'a pas oublié les fonctionnaires
et tout ce monde a discuté du problème.
La seule conclusion à laquelle ils en sont arrivés c'est qu'il y
avait une crise et que six semaines allaient s'écouler avant que le
transport du grain ne reprenne. Dans l'intervalle, les agriculteurs
ont perdu des millions de dollars.
Pourquoi n'ont-ils pas trouvé de solutions? Pourquoi le ministre
n'est-il pas revenu à la Chambre en disant qu'il s'occuperait de ce
problème et trouverait des solutions?
Quelles sont ces solutions? Il est temps que les agriculteurs
cessent d'être les seuls à subir des coups de la part du
gouvernement, des syndicats, de la gestion et de ceux qui sont
chargés d'acheminer son produit jusqu'à la côte. Il est temps que
quelqu'un d'autre commence à payer, notamment les sociétés
céréalières et la gestion.
Lorsqu'il y a un ralentissement ou un arrêt dans l'acheminement
du grain, il faut que les sociétés céréalières et la gestion
commencent à payer, parce qu'elles ne sont pas assez alertes pour
empêcher de telles situations de se produire. Il est temps que la
Commission canadienne du blé soit ferme. Encore une fois, elle se
sert de l'argent des agriculteurs pour payer ce service. Celle-ci
n'assume pas une partie des coûts, alors qu'elle devrait le faire.
Le gouvernement canadien a aussi une responsabilité parce que,
à l'heure actuelle, les seuls représentants des agriculteurs à la table
des négociations-et souvent à titre très officieux-ce sont le
ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et le ministre du
Travail. Ceux-ci devraient être tenus responsables. S'ils agissent au
nom d'autres contribuables de ce pays et que les agriculteurs
perdent de l'argent, ces ministres devraient assumer une partie des
coûts liés à ces pertes. Il est temps d'appliquer la notion de
responsabilité à d'autres qu'aux seuls agriculteurs. Il est temps que
les agriculteurs cessent de devoir assumer tous les frais.
Il y a un autre groupe important qui s'en tire impunément. Je fais
allusion aux débardeurs, qui font partie de divers syndicats ouvriers.
Ils font la grève. La plupart des débardeurs qui travaillent sur la côte
n'ont jamais été dans une ferme. Ils ne sont même pas conscients
des problèmes qu'éprouvent les agriculteurs. Nous payons les
salaires de ces personnes, mais nous n'avons pas un mot à dire au
sujet de leur rémunération ou de leurs actions. Lorsque ces
débardeurs se mettent en grève, ils devraient payer les frais
supportés par les agriculteurs. Ces derniers, qui sont les producteurs
au pays, ne devraient pas être les victimes de telles situations.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président,
j'ai écouté le député de Lethbridge qui a certainement beaucoup
d'expérience dans le secteur agricole de même qu'une expérience
considérable dans le domaine législatif.
J'attire son attention sur une observation que le secrétaire
parlementaire a faite le 3 mars, telle que consignée au hansard:
Je vais maintenant aborder les dispositions touchant le grain. Le grain a été
déclaré à l'avantage général du Canada. Il s'agit d'une industrie de plusieurs
milliards de dollars qui exporte dans plus de 70 pays. Le gagne-pain de 130 000
agriculteurs et de leur famille dépend. . .
Je ne veux certes pas diminuer le moindrement l'importance de
l'agriculture pour l'économie canadienne, mais lorsqu'un projet de
loi modifiant le Code canadien du travail stipule que le grain qui
arrive au port sera chargé, cela revient à demander aux débardeurs
de franchir les lignes de piquetage dressées par d'autres syndicats
afin d'aller charger ce grain.
8915
(1535)
Quand on établit une distinction à l'égard du grain, que l'on dit
«déclaré à l'avantage général du Canada», on pourrait en dire autant
à l'égard de presque tous les autres principaux produits
d'exportation du Canada, comme la potasse, les produits
pétrochimiques et les produits forestiers.
Le député de Lethbridge pourrait-il nous dire ce qu'il en pense?
M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, nous devrions
adhérer au principe fondamental voulant que toutes les parties
concernées de quelque façon que ce soit par le processus de
négociation collective ont le droit d'être présentes à la table de
négociation. Ce principe fondamental devrait valoir pour le secteur
agricole, pour le secteur de la potasse aussi bien que pour les autres
secteurs que le député a mentionnés. Ces secteurs devraient avoir le
droit d'être représentés à la table.
Dans mon intervention, j'ai dit que ce n'était pas ainsi que les
choses se passaient actuellement. Cela a été une faille importante
dans le Code canadien du travail depuis aussi longtemps que je fais
de la politique. C'est une question que j'ai abordée à l'assemblée
législative de l'Alberta et avec les précédents ministres fédéraux de
l'Agriculture. Je leur ai dit qu'ils devaient remédier à ce problème.
En venant siéger à Ottawa, j'avais l'espoir que la nouvelle
ministre du Travail, nommée à ce portefeuille juste avant l'arrêt de
travail de 1994, tâcherait de régler ce problème. Le ministère a par
la suite changé de titulaire, et le ministre actuel du Travail ne voit
pas les choses de la même façon. C'est dommage, et maintenant le
problème subsiste.
Nous entrerons bientôt dans la prochaine campagne électorale
fédérale, et nous n'aurons probablement pas encore réglé le
problème, qui devrait revenir sur le tapis au cours de la prochaine
législature.
Le problème n'est pas encore réglé. Nous devrons encore nous y
atteler d'une façon ou d'une autre. Je ne puis qu'espérer, en ces
derniers jours où je siège à la Chambre, que quelqu'un qui écoute
prendra le relais et se chargera de résoudre le problème. Il faudrait
s'y employer le plus énergiquement possible dans l'intérêt de ceux
qui ne sont pas représentés aujourd'hui, comme les agriculteurs, les
producteurs d'un vaste éventail de produits ou les industries qui
transforment les matières premières en d'autres produits
commercialisables dans le monde entier. Il est absolument
nécessaire qu'on leur donne un avantage et un sentiment de sécurité
dans le processus de négociation collective.
M. Johnston: Monsieur le Président, je n'ai pas souvent
l'occasion de poser une question à quelqu'un qui a autant
d'expérience législative. Ce pourrait être ma dernière tentative en
ce sens.
Mon collègue est un ardent défenseur du processus d'arbitrage
des offres finales. Croit-il que l'arbitrage des offres finales soit, de
quelque façon que ce soit, préjudiciable au processus de négociation
collective? Ou croit-il que les lois imposant le retour au travail
portent davantage atteinte au processus de négociation collective?
Le député pourrait peut-être nous faire part de ses réflexions sur ces
deux aspects et comparer les deux.
M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, j'ai répondu
tout à l'heure, dans le cadre du débat, à une question semblable de la
députée de Mercier.
Dans un premier temps, le processus de négociation collective
vise à permettre à la partie patronale et au syndicat de négocier et de
déployer tous les efforts possibles pour en arriver à une conclusion
qui sera à la satisfaction des deux parties. C'est ce qui devrait se
produire. Les parties devraient suivre le processus et prendre le
temps nécessaire pour négocier de bonne foi et tenter d'arriver à un
dénouement positif. L'arbitrage des offres finales ne change rien à
cela.
(1540)
On a ensuite recours à la médiation. La médiation fait intervenir
un tiers qui tente d'amener les parties à discuter de la question,
simplement et de manière non coercitive. Le médiateur n'a pas le
pouvoir d'ordonner quoi que ce soit. Cependant, cela s'inscrit
toujours dans le processus de négociation collective et c'est
excellent.
Arrive ensuite le moment où l'on peut recourir à l'arbitrage ou
celui où les parties peuvent tenir un vote de grève ou décréter un
lock-out. À ce moment-là, les tierces parties, les agriculteurs, les
producteurs de potasse ou ceux qui veulent expédier leurs produits
par train, doivent acheminer ceux-ci jusqu'à leurs marchés
étrangers pour respecter leurs engagements, pour conserver la
confiance de leurs clients et pour maintenir leur réputation sur les
marchés. Lorsque le transport par rail est paralysé en raison d'une
grève ou d'un lock-out, il vient un moment où quelqu'un qui n'est
pas à la table des négociations est touché. Il faut donc résoudre
rapidement le problème.
Tous les syndicats qui interviennent entre l'exploitation agricole
ou l'usine de potasse et la côte doivent comprendre qu'il évoluent
dans un contexte particulier. Si nous recommandons l'arbitrage des
offres finales, c'est pour qu'un arbitre puisse rapidement intervenir.
Les deux parties, parce qu'elles se sont employées à présenter une
position finale, seront fort probablement très près de cela. Elles
seront invitées à présenter leurs offres finales, et l'arbitre choisira
l'une ou l'autre. Il n'y a alors pas de grève. Les travailleurs et la
partie patronale doivent accepter la décision de l'arbitre, et le
producteur principal, l'agriculteur-la tierce partie innocente-ne
subit aucun préjudice.
C'est la solution logique.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole sur le projet
de loi C-66.
On a beaucoup parlé jusqu'à maintenant des céréaliculteurs et
des problèmes avec lesquels ils sont aux prises dans le transport et le
chargement de leur grain sur les bateaux. J'ai pensé qu'il serait
intéressant d'avoir un son de cloche légèrement différent sur le
projet de loi. Il s'agit d'une lettre d'un de mes électeurs, un certain
8916
Brian Coles, que j'ai reçue hier. C'est un débardeur qui a 32 ans
d'expérience, notamment sur les quais de Vancouver.
Ma circonscription, celle de North Vancouver, donne sur le port.
Il y a un important terminal à grain dans ma circonscription, de sorte
que tous les habitants et les travailleurs de cette dernière sont
touchés par les arrêts de travail au port.
M. Coles habite dans ma circonscription depuis 21 ans. Il m'a
écrit pour me faire part de certaines de ses préoccupations du point
de vue syndical. J'ai cru qu'il n'était que juste que je fasse état de la
teneur de sa lettre.
Dans cette dernière, il dit que, depuis les années 60, il n'y a pas eu
de négociations faites de bonne foi avec la BCMEA, que les
lock-out et le refus de laisser les débardeurs faire leur travail ont
toujours été un problème, même s'ils voulaient le faire. Il dit qu'ils
ont même envoyé des émissaires au Parlement pour garantir que le
grain serait manutentionné et qu'il ne serait pas nécessaire de
recourir à une loi répressive. Toutefois, il estime que cela a toujours
été en vain et que l'employeur a toujours eu gain de cause, ce qui a
poussé le gouvernement à les obliger à retourner au travail. Cela le
préoccupe.
Gardant à l'esprit que c'est le point de vue syndical, il estime que
la BCMEA a toujours été davantage favorisé. C'est la
main-d'oeuvre la plus productive au Canada. La BCMEA peut
téléphoner n'importe quand et obtenir les services d'un ouvrier,
d'un chauffeur, d'un aiguilleur, d'un conducteur de machine, d'un
manoeuvre, d'un ouvrier, tout ce qu'elle veut, et elle a aussi le
gouvernement comme allié.
(1545)
Il estime aussi que ses homologues à Montréal, les débardeurs
qui ont fait la grève pendant trois semaines, ont obtenu plus qu'eux
sur le plan des équipes de travail, des salaires et des avantages. Il dit
qu'il vit dans un pays libre et démocratique, mais qu'il a
l'impression que celui-ci est dirigé par les grosses entreprises et une
dictature libérale. Il finit sa lettre en me demandant de clarifier ma
position et la position du Parti réformiste sur toute cette question.
Il est important de signaler qu'il y a souvent une forte tension qui
se crée entre les entreprises et les syndicats, chacun se croyant traité
de façon injuste par le gouvernement du jour. C'est une des raisons
pour lesquelles le député de Wetaskiwin a proposé 16 amendements
au projet de loi. Nous croyions que ces amendements auraient
contribué à clarifier et à améliorer le projet de loi, non seulement
pour les compagnies et les syndicats, mais aussi pour beaucoup
d'autres personnes qui sont touchées par cette mesure législative.
Il était important de donner aux syndicats et aux employeurs des
mécanismes pour résoudre leurs différends. Il semble toutefois que
le gouvernement soit plus intéressé à courtiser le Bloc québécois
qu'à doter le pays de lois du travail équilibrées.
Nous sommes probablement tous d'accord pour dire que le
système fédéral de réglementation du travail revêt un caractère
unique parce qu'il n'y a habituellement pas d'autres moyens de
transport pour amener les céréales jusqu'au port ou d'autres
débardeurs pour charger les bateaux. Si notre situation est unique,
nous avons besoin d'une solution unique pour chaque problème qui
survient.
Le député de Wetaskiwin disait plus tôt que le Canada possède un
système de transport de réputation internationale et une
infrastructure de communications qui, lorsqu'elle fonctionne bien,
nous permet d'assurer le transport du matériel. Toutefois, toute
perturbation engendre des problèmes majeurs qui nous empêchent
d'assurer le transport des marchandises, que ce soit du matériel de
la société General Motors ou du grain à destination de la côte. Ce
genre de situation a des conséquences graves sur les travailleurs de
toutes les régions du Canada. En peu de temps, des travailleurs sont
mis à pied, des entreprises subissent un contre-coup catastrophique
et toute l'économie s'en ressent. Le gouvernement actuel, qui ne
sait que taxer et dépenser, voit ses revenus diminuer et doit par
conséquent emprunter aux frais de nos enfants et de nos
petits-enfants.
J'ai lu la lettre de M. Coles plus tôt. J'ai précisé qu'elle
correspondait à une approche syndicale. Les entreprises ont bien
entendu leur propre point de vue. Ce genre de situation crée un
problème unique lorsque des tensions se produisent entre la
compagnie et le syndicat, que ceux-ci ne parviennent pas à régler
leurs problèmes et s'acheminent vers une grève qui touchera
l'ensemble du pays.
Je ne crois pas qu'une loi qui impose un règlement soit
satisfaisante. Une solution imposée à l'une ou l'autre partie ne fait
qu'engendrer de l'insatisfaction d'un côté ou de l'autre. Nous ne
pouvons pas adopter des lois pour obliger les parties à entretenir de
bonnes relations de travail. Le gouvernement peut cependant créer
les conditions propices à un règlement, des conditions qui
encouragent fortement les parties à poursuivre leurs efforts pour
parvenir à un règlement. C'est principalement dans ce but que le
Parti réformiste a proposé d'avoir recours à l'arbitrage des
propositions finales dans ces cas.
Il ne s'agit pas de lier les mains à l'employeur et aux employés,
mais de leur fournir une raison majeure de dialoguer en vue de
parvenir à une solution, sans avoir à craindre l'intervention d'un
médiateur dont les décisions ne seront peut-être dans l'intérêt
d'aucune des parties.
On donne aux parties les moyens de résoudre leurs différends. On
leur dit: «Écoutez, vous avez une chance de vous asseoir à la table et
de négocier. Vous feriez mieux de présenter votre meilleure offre,
parce que l'offre d'une partie ou de l'autre sera choisie, si l'on vous
impose l'arbitrage des offres finales.»
Il y va de l'intérêt des travailleurs, des employeurs, des
producteurs et des entreprises de transformation que ces conflits se
règlent avec aussi peu d'intervention que possible de la part du
Parlement. Il faut que l'affaire ait pris les proportions d'une crise
pour que ça arrive. Ça s'est produit en 1994 quand la Chambre a
siégé un samedi et un dimanche pour adopter un projet de loi, parce
qu'il était essentiel pour les affaires du pays.
C'est dans l'intérêt de tous les Canadiens d'avoir des services
essentiels fiables. Nous voulons garder les emplois de notre côté de
la frontière et non pas les perdre au profit des États-Unis. Le port de
Seattle est très proche de celui de Vancouver. Chaque fois qu'il y a
un problème dans le port de Vancouver, peu importe la cause du
problème, Seattle cherche à prendre la relève. Leurs vendeurs sont
très agressifs quand il s'agit de nous enlever nos clients. C'est
8917
essentiel de garder ces emplois au Canada. Tout le monde est
d'accord là-dessus. C'est pourquoi il importe que le gouvernement
incite les intéressés à s'entendre, plutôt que d'employer la force.
Comme je le dis toujours, il faut offrir des carottes et non employer
le bâton. L'arbitrage des offres finales ne favorise pas une partie
plus que l'autre. Cela donne les moyens aux parties de faire les
offres les plus proches possibles, assez proches pour que l'autre
partie puisse vivre avec la décision qui sera prise par l'arbitre.
(1550)
Ce n'est que lorsque le syndicat et l'employeur ne peuvent
s'entendre et conclure une convention collective qu'ils soumettent
conjointement au ministre le nom de la personne qu'ils
recommandent en tant qu'arbitre. Le syndicat et l'employeur sont
tenus de soumettre à l'arbitre une liste des questions sur lesquelles
ils se sont entendus, de toutes les questions réglées. Il n'y a là aucun
problème.
Ils soumettent ensuite une liste des points qui ne sont pas encore
réglés. Pour ce qui est des questions litigieuses, chaque partie est
tenue de faire une proposition finale de règlement.
Dans la plupart des négociations collectives menées dans le
secteur privé qui ne relève pas du contrôle fédéral, l'employeur ou
le syndicat dit qu'il a fait une proposition finale. Nous savons tous
que souvent c'est faux, qu'il ne s'agit pas vraiment d'une
proposition finale. C'est une sorte de menace. Quand la grève ou le
lock-out est voté, il faut l'approbation du syndicat pour que la grève
puisse avoir lieu. Cela permet de faire pression sur l'autre partie.
Comme il s'agit de l'arbitrage des offres finales, il faut vraiment
que ce soit une offre finale. Chaque partie comprend ainsi qu'elle
doit vraiment se concentrer ce qu'elle désire voir ressortir des
négociations.
L'arbitre décide ensuite entre l'offre finale soumise par le
syndicat et celle soumise par l'employeur. C'est tout l'un ou tout
l'autre. La décision de l'arbitre lie les deux parties.
Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que de ce fait les parties sont
encouragées à se rapprocher. Elles voudront vraisemblablement
s'assurer qu'elles ont fait autant de compromis que possible avant
de soumettre la question à l'arbitre.
Nous, réformistes, pensons qu'un processus de règlement
permanent et équitable comme celui-ci doit être mis en place pour
que le gouvernement n'ait plus aucun contrôle. Les deux parties au
conflit choisiraient elles-mêmes leur arbitre. Elle auraient alors le
plein contrôle de la position finale qu'elles soumettent à l'arbitre de
leur choix. Aucun gouvernement n'interviendrait pour forcer l'une
ou l'autre partie à accepter un règlement imprévisible.
Le risque que des Canadiens ne perdent leur emploi serait
minimisé. Le risque qu'une entreprise ne déménage à Seattle ou
dans un autre port aux États-Unis serait minimisé.
Nous ne pouvons permettre que la situation se détériore comme
elle l'a fait par le passé. Des entreprises vont alors s'installer dans
d'autres ports aux États-Unis où elles considèrent que la situation
est plus fiable et ce, au détriment des ports de la
Colombie-Britannique qui voient disparaître le fret et les emplois.
Ce gouvernement et celui qui l'a précédé ont prouvé qu'ils
avaient l'habitude de réagir aux urgences au lieu de mettre en place
un processus qui fonctionne vraiment et auquel on peut avoir
recours à chaque fois que la situation devient urgente. Ils ont eu
tendance à attendre que la crise éclate pour passer à l'action.
L'un des principaux avantages de l'arbitrage des propositions
finales est que le système existe déjà. Il est déjà en place. C'est
l'ultime étape du processus. Avec ce système, il n'est pas nécessaire
de rappeler le Parlement d'urgence quand la crise atteint son
paroxysme pour adopter une mesure au beau milieu de la nuit ou
pendant le week-end. Il n'est pas nécessaire d'interrompre les
travaux de la Chambre ni de déranger outre mesure le monde des
affaires.
Il est important de souligner que nous ne proposons pas de mettre
fin au processus de négociations collectives. Nous proposons de
l'améliorer et d'inciter les parties à se rapprocher avant d'en venir à
l'arbitrage.
(1555)
Malheureusement le ministre dit maintenant qu'il est opposé à
l'arbitrage des propositions finales. Je suppose qu'il fallait s'y
attendre. Peut-être s'y oppose-t-il pour la seule raison que l'idée
vient du Parti réformiste.
C'est d'ailleurs tout à fait étonnant de voir combien de fois des
idées excellentes qui nous sont proposées par le secteur des affaires
ou par de simples Canadiens et que nous portons à l'attention de la
Chambre sont rejetées par un ministre en dépit du fait qu'elles aient
l'appui de nombreux ministériels. Que des idées de ce calibre
puissent être rejetées par une ou deux personnes qui détiennent les
leviers du pouvoir soulève certainement la question de savoir si cet
endroit est vraiment démocratique.
Il y a plusieurs gros silos à grains dans ma circonscription et de ce
fait, beaucoup de pigeons. Peut-être que les préposés au
recensement devraient compter les pigeons dans ma circonscription
au lieu de se promener et d'imposer des amendes à ceux qui n'ont
pas rempli leur questionnaire de recensement. Ils seraient sans
doute surpris. Un des avantages de la grève, c'est que le nombre de
pigeons diminue, car ils manquent de nourriture pendant un certain
temps.
Les expéditions de grain sont très importantes pour ma
circonscription, mais d'autres marchandises sont aussi expédiées à
partir du port. La potasse et le soufre sont expédiés en grandes
quantités dans cette région, de même que les copeaux de bois. Il y a
un vaste dépôt de soufre sur la côte nord et à Port Moody d'où l'on
expédie aussi de la potasse, je crois. Par conséquent, les
interruptions dans le transport touchent d'autres secteurs.
Je sais que bien des députés réformistes viennent de régions
rurales où ils s'occupent des intérêts des agriculteurs; il a donc
beaucoup été question de leurs intérêts durant le débat sur ce projet
de loi. Cependant, lorsque l'activité portuaire cesse pour une raison
quelconque, d'autres industries souffrent aussi.
8918
L'article 87.7 proposé dans le projet de loi garantit que le grain,
une fois rendu au port, sera expédié, mais il n'existe aucune
disposition assurant que le grain se rendra au port. À quoi bon une
disposition stipulant que le grain sera obligatoirement expédié alors
que rien n'assure sa livraison jusqu'au port? Voilà une lacune
majeure du projet de loi; on peut se demander comment une telle
mesure fragmentaire a réussi à se glisser dans ce texte. L'un des
rédacteurs avait peut-être du mal à se concentrer lors de la rédaction
du projet de loi.
Dans l'intérêt national, l'arbitrage des propositions finales aurait
peut-être été un outil plus efficace pour assurer le transport du grain
et des autres produits jusqu'aux marchés.
Nous savons que la technologie progresse tout le temps. Il y aura
bientôt une autre génération de porte-conteneurs qui fera son
apparition au nouveau terminal de Vancouver. Il faudra 15 trains
avec des wagons portant deux étages de conteneurs pour le
déchargement et le chargement d'un de ces navires. Cela représente
un nombre impressionnant de wagons et un volume considérable de
marchandises. Avec l'amélioration de la technologie, le grain peut
être chargé rapidement et le port sera vide et désert avant
l'expiration du délai de 72 heures pour la grève ou le lock-out, si
nous devions rester dans les anciennes circonstances.
Le grain représente environ 30 p. 100 de l'activité du port de
Vancouver. Il est donc important de le considérer au même titre que
les autres denrées et marchandises.
Un groupe comme la B.C. Maritime Employers Association
représente 77 sociétés d'exploitation des quais et terminaux et
sociétés de manutention, à Vancouver et Prince Rupert. Ces sociétés
craignent que la disposition concernant le grain n'aggrave une
situation historiquement difficile dans le domaine des conflits de
travail au port. Si les débardeurs peuvent continuer à gagner leur
salaire en chargeant les navires, ils pourraient être moins
prédisposés à mettre rapidement fin à une grève.
Les acheteurs de grain utilisent les ports des États-Unis, comme
Seattle, parce qu'ils savent que le produit sera livré à la date prévue.
Nous ne pouvons pas sous-estimer la menace de ports situés si près
de Vancouver. Vancouver est maintenant le premier port canadien,
et nous devons vraiment assurer sa stabilité et faire en sorte que
nous respections nos promesses. Par conséquent, au fur et à mesure
que nous supprimons les subventions, les agriculteurs ne sont plus
réellement captifs des ports et des systèmes de transport canadiens.
Les deux parties, employeurs et syndicats, doivent reconnaître que
les agriculteurs ont de moins en moins de raisons de continuer à
utiliser ces routes, surtout si elles ne sont pas fiables. Nous devons
nous assurer que nous mettons en place quelque chose de fiable.
L'arbitrage des offres finales apporterait une de ces certitudes.
(1600)
Je pourrais parler d'autres aspects plus en détail, mais je dois
donc conclure pour donner aux députés le temps de me poser
quelques questions sur les dispositions du projet de loi.
M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du
Travail, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais commenter
brièvement le passage du discours de mon collègue où il est
question de l'homme qui lui a écrit une lettre au sujet du secteur du
débardage. Il peut rassurer cet homme et lui dire que ce projet de loi
répond à sa question.
Voilà des années que les débardeurs se plaignent de ce qu'ils
aimeraient bien pouvoir faire du débardage pendant que les
manutionnaires de céréales chargent les navires, mais que la
BCMEA ou toute autre compagnie les en empêche. Ce cas est
maintenant prévu dans le projet de loi. Cette mesure législative le
permet. Dorénavant, les débardeurs pourront s'occuper des
céréaliers.
Mon collègue de Wetaskiwin et d'autres ont beaucoup parlé du
recours à l'arbitrage des propositions finales. Le syndicat et la
direction s'accordent toutes deux pour qualifier cette formule de
«bandit manchot» des relations patronales-syndicales. Or, le projet
de loi n'impose ni arbitrage conventionnel ni arbitrage des offres
finales. Il reconnaît expressément le droit des parties à y consentir,
s'il le juge bon. Si c'est ce qu'elles souhaitent, qu'elles procèdent
ainsi. Si c'est un aussi bon mécanisme de résolution que les députés
d'en face l'affirment, les deux parties peuvent, bien sûr, y avoir
recours.
Cela répond à la question de l'homme qui a écrit à mon collègue,
du moins en ce qui concerne les débardeurs. Ils pourront maintenant
se charger de ces activités.
M. White (North Vancouver): Monsieur le Président, j'ignore
si je dois remercier ou non le député de son intervention, mais je
peux certes répondre aux questions.
Il a déclaré que le projet de loi règle la question que mon électeur
avait en tête lorsqu'il m'a écrit. Ce doit être un point de vue libéral
du projet de loi. Je vais encore citer un passage de la lettre de mon
électeur qui dit clairement ceci:
Je pensais vivre dans un pays libre et démocratique. Cependant, je crois qu'il est
dirigé par la grande entreprise et une dictature libérale.
Je ne pense pas que mon électeur est persuadé que les libéraux
ont agi dans son intérêt dans ce projet de loi. Ce n'est certes pas la
façon dont il voit les choses.
Le député dit également que le projet de loi reconnaît la capacité
des parties de s'entendre sur l'arbitrage des propositions finales, si
elles le désirent. Beaucoup de faits montrent que, lorsqu'il y a des
frictions entre une entreprise et son syndicat, quand le moment de la
négociation d'un contrat approche, il n'est pas facile pour eux de
s'entendre sur quoi que ce soit. Si, comme c'est généralement le
cas, leur «offre finale» n'est pas vraiment finale, mais simplement
une position de négociation conduisant à une proposition finale, on
peut difficilement s'attendre à ce que les parties s'entendent sur
l'arbitrage des propositions finales.
Si le gouvernement avait inscrit cela dans le projet de loi et si les
parties savaient qu'il va y avoir un arbitrage des propositions finales
à la fin du processus et que leur dernière offre va vraiment être la
proposition finale, cela les encouragerait certes à s'assurer que leur
dernière proposition est bien la bonne.
8919
En disant simplement aux parties qu'elles peuvent s'entendre sur
l'arbitrage des propositions finales, si elles le désirent, on peut voir
ce qui va se produire. Supposons que le syndicat présente vraiment
sa proposition finale. Il sait qu'il ne peut bouger. Il dit alors à
l'employeur qu'il aimerait avoir recours à l'arbitrage des
propositions finales. Entre-temps, l'employeur a joué le jeu et
soumis sa proposition finale qui n'en est pas vraiment une. Bien
entendu, il ne veut pas accepter l'arbitrage des propositions finales.
On peut voir le problème qui s'ensuit immédiatement.
L'inclusion de cette disposition n'est pas l'affaire à faire. Il faut
carrément prévoir dans le projet de loi que le processus se termine
avec l'arbitrage des propositions finales pour qu'on obtienne des
propositions finales. Je pense que cela répond à la question.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président,
le député est sûrement bien au courant du port de Vancouver et de
l'énorme quantité de marchandises qu'il reçoit pour les expédier
dans divers pays du monde entier. Que pense-t-il du statut spécial
que ce projet de loi confère au grain? À son avis, quelles en seront
les conséquences pour d'autres produits qui sont certes importants
pour la Colombie-Britannique et pour l'ensemble de l'économie
canadienne?
(1605)
Les produits forestiers et les produits pétrochimiques entrent
dans la même catégorie que le grain dans la mesure où ils ont des
conséquences analogues pour l'économie canadienne et pour les
produits à valeur ajoutée qu'ils créeraient.
M. White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, je
remercie le député de soulever cette question. J'ai brièvement
mentionné plus tôt le statut spécial qui est conféré au grain. Il est
vrai que beaucoup d'autres produits passent par ma circonscription
et sont chargés dans le port. Il a en mentionné quelques-uns, mais
ceux auxquels je pense sont le charbon, le soufre, le bois, les
produits du bois d'oeuvre, la potasse, les produits pétrochimiques et
le grain.
Beaucoup d'électeurs m'ont demandé ce qui se passait et
pourquoi ce projet de loi prévoyait une disposition spéciale pour un
produit, alors que, pour une raison ou pour une autre, il fait
abstraction des autres. Je ne peux pas conjecturer sur les motifs qui
ont poussé le gouvernement à prendre cette décision, mais on a
toujours l'impression que, puisque beaucoup de ces autres produits
viennent de la Colombie-Britannique, le gouvernement s'en prend
peut-être encore une fois à l'Ouest. Je ne devrais pas dire cela, car je
suis sûr que ce n'est que par accident que le projet de loi a passé ces
produits sous silence. Le gouvernement n'a tout simplement aucune
idée de ce qui se passe dans le port et il ne s'est jamais rendu compte
qu'il y avait également du charbon, du soufre, du bois, de la potasse,
des produits pétrochimiques et une foule d'autres produits qui sont
expédiés à partir de ce port, en même temps que le grain.
C'est manifestement une question qu'il faut examiner. Il est très
déplorable que le gouvernement ne l'ait pas fait. Cela suscite un
sentiment de frustration non seulement chez moi, mais également
chez mes électeurs et, certes, chez les entreprises et les travailleurs
de ma circonscription.
Je remercie beaucoup le député d'avoir signalé cette question à la
Chambre.
M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le
Président, je voudrais prendre la parole au sujet des modifications
que le gouvernement propose d'apporter au Code canadien du
travail en vertu du projet de loi C-66, modifications qui toucheront
quelque 700 000 travailleurs d'entreprises sous réglementation
fédérale.
Je m'oppose à cette mesure parce qu'elle s'attaque au mauvais
problème. Aux yeux des ministériels, le problème à régler est celui
des conflits de travail qu'il faut régler d'une manière précise. Il
aurait été beaucoup plus profitable à long terme de régler le vrai
problème, à savoir le fait qu'il existe des entreprises sous
réglementation fédérale.
Permettez-moi de résumer mon argumentation. Premièrement, le
rôle des syndicats est d'obtenir des salaires plus élevés pour leurs
membres. Ils ont beau dire qu'ils ne recherchent que la sécurité
d'emploi et d'autres petits avantages comme la réglementation du
travail et la sécurité professionnelle, cela se traduit toujours par des
avantages financiers. Essentiellement, les syndicats sont là pour
veiller aux intérêts des travailleurs.
Il est vrai, par définition, que, si une entreprise en exploitation est
forcée de payer des salaires plus élevés à ses employés par suite de
leur syndicalisation, elle devra trouver l'argent nécessaire quelque
part. Il y a quatre possibilités logiques.
On peut rogner sur les profits-c'est la vieille position
idéologique de la lutte entre les capitalistes et la classe ouvrière.
Vous vous doutez bien que cette position risque peu d'avoir un effet
marqué. Si les profits des sociétés diminuent trop, celles-ci peuvent
toujours déménager, même si on peut croire qu'elles sont
contraintes de rester là où elles sont. Fait plus important encore, on
n'établira tout simplement pas d'usines dans une région trop
fortement syndicalisée, la privant de ces investissements. La
mesure dans laquelle l'augmentation de salaire versée aux
travailleurs provient de la marge bénéficiaire est fonction de
l'entreprise; cette solution convient mieux à certaines entreprises
qu'à d'autres. Je m'explique dans un instant.
(1610)
La deuxième possibilité est de simplement majorer le prix des
produits et des services qu'offre l'entreprise syndicalisée qui fait
face à une augmentation soudaine de sa masse salariale. Dans ce
cas, la note est refilée directement aux consommateurs.
Évidemment, il s'agirait généralement des consommateurs d'une
tranche très circonscrite de produits. Par conséquent, l'argent ne
sortirait pas seulement de leurs poches.
Si toute la société était syndiquée, si tout le monde faisait partie
d'un syndicat, et si tout le monde revendiquait une hausse salariale,
il y aurait simplement une hausse des prix. C'est bien évident. La
différence que toucherait les travailleurs grâce à un salaire nominal
plus élevé serait annulée par les coûts plus élevés de leurs achats.
Cette situation s'est produite, par exemple, en Suède, où la
syndicalisation était pratiquement universelle, de sorte qu'il y a
fallu des
8920
accords tripartites entre le gouvernement, les industries et les
travailleurs pour prévenir ce cycle d'inflation.
La troisième façon de rémunérer des travailleurs qui réclament
avec insistance une hausse salariale consiste à le faire aux dépens
d'autres travailleurs. Dans un sens, les coûts de production
qu'entraîne la hausse salariale des travailleurs syndiqués se traduit
par une augmentation des prix. Au bout du compte, c'est le
consommateur qui paie la hausse salariale consentie aux
travailleurs par suite de l'intervention des syndicats.
Il est également possible que les travailleurs provoquent une
substitution de la main-d'oeuvre par du capital, de sorte que la
compagnie réalisera toujours les mêmes profits et n'augmentera pas
le prix de ses produits pour compenser les coûts plus élevés, mais
elle économisera au chapitre de la main-d'oeuvre. Ainsi, ses
travailleurs ou ceux qui auraient travaillé dans cette industrie avant
la hausse salariale, se retrouvent maintenant dans le secteur non
syndiqué où, s'ils trouvent du travail, ils toucheront des salaires
plus bas. C'est ce que les économistes ont constaté. Rien d'autre ne
distingue les industries, mais, dans celles qui sont syndiquées, les
travailleurs touchent des salaires qui sont de 10 à 15 p. 100
supérieurs à ceux des travailleurs des industries non syndiquées.
Quand un syndicat réussit à obtenir d'un employeur une hausse
salariale, d'où vient l'argent? Dans certains cas, il vient du
gouvernement.
Il serait illogique pour un gouvernement dans le monde
industrialisé de s'attaquer directement aux activités des syndicats,
aussi égocentriques soient-ils. La syndicalisation et le droit de
former un syndicat qui exige plus d'argent pour ses membres sont
des questions tellement idéologiques qu'un gouvernement qui
s'attaque directement à la capacité du syndicat de revendiquer une
telle hausse salariale ne peut qu'en souffrir énormément. C'est une
cause qui fait monter les travailleurs aux barricades. Des gens se
sont montrés prêts à mourir pour cette cause. Il ne vaut pas la peine
qu'un gouvernement s'en prenne directement aux syndicats, mais la
société peut choisir de restreindre nettement le pouvoir des
syndicats au moyen de certaines politiques. Je suis d'avis qu'il faut
éliminer les situations où l'on a accès à un montant d'argent, sinon
illimité, du moins très important. Ces situations découlent de la
politique gouvernementale comme telle.
(1615)
J'aimerais discuter plus en détail de cette idée fondamentale en
traitant de la syndicalisation au sein de quatre groupes d'industries.
Le premier groupe englobe les petites entreprises privées qu'il
serait relativement facile de syndicaliser puisque cela ne
demanderait pas un investissement important. En général, ces
entreprises ne comptent pas plus de dix employés. Elles sont
dirigées par un couple, un tailleur, un petit fabricant de rideaux, etc.
Dans ce genre d'entreprise, les gens ne font que survivre. Les
employeurs font souvent juste assez d'argent pour demeurer en
affaires. Ils sont en affaires parce qu'ils pensent qu'un jour ils vont
faire fortune, ou parce qu'ils aiment être à leur compte et être leur
propre patron. Si ces personnes évaluaient de façon rationnelle
combien d'heures elles travaillent pour le revenu qu'elles gagnent,
elles se rendraient compte qu'elles travaillent pour très peu
d'argent. En fait, elles pourraient probablement gagner plus
ailleurs.
Lorsque je retournerai à l'université et au Fraser Institute, après
les prochaines élections, j'espère pouvoir effectuer une étude sur les
petites entreprises. Je veux savoir ce qui fait qu'elles sont de si bons
employeurs, et je veux évaluer leur contribution à la société.
Les syndicats n'existent pas dans le secteur de la petite
entreprise. Pourquoi? Parce que tous savent que si les employés de
ces petites boutiques se syndicalisaient pour obtenir des salaires
plus élevés, l'employeur pourrait fort bien tout laisser tomber. De
toute façon, celui-ci ne fait pas assez d'argent. Par ailleurs,
l'entreprise pourrait ne pas survivre parce qu'elle ne peut payer des
salaires plus élevés en augmentant ses prix. Si une entreprise essaie
de vendre de la crème glacée, des chaussures ou des rideaux a un
prix plus élevé que celui de la concurrence, elle ne va pas survivre.
La deuxième catégorie d'entreprises dont je veux parler est celle
où l'on exerce une certaine forme de monopole. Par exemple,
l'industrie de l'acier jouissait auparavant d'un certain pouvoir
monopolistique. Je dis bien «auparavant». Il en est de même de
l'industrie automobile. C'était avant que les frais de transport ne
diminuent considérablement, et avant que la technologie ne soit
rendue accessible partout dans le monde, simplement en appuyant
sur un bouton.
Dans le passé, ces industries se trouvaient dans ce qu'on appelle
une situation oligopolistique. Elles étaient protégées par des
phénomènes naturels au sein de l'économie. Les frais de transport
étaient élevés. Il y avait une certaine syndicalisation du fait de
l'envergure de l'entreprise nécessaire pour construire une usine
automobile ou une aciérie. Dans les circonstances, les travailleurs
pouvaient, jusqu'à un certain point, se syndiquer et faire grimper les
prix, puisque l'on pouvait refiler les hausses. Comme le prix de
l'acier entrant dans la fabrication d'une voiture est encore
relativement faible, les prix des voitures ne s'en ressentent pas
quand les syndicats de l'industrie sidérurgique font augmenter un
peu les prix.
Dans les années 1960, 1970 et jusqu'au milieu des années 1980,
nous avons été témoins d'énormes grèves, très perturbantes, dans
les secteurs de l'acier et de l'automobile. Cette ère est révolue. Cela,
parce qu'il n'y a pas de profits d'oligopole et qu'il n'est pas possible
de refiler aux consommateurs les hausses des coûts de production
au moyen de prix de vente plus élevés. C'est à cause du
libre-échange. C'est à cause des faibles coûts de transport.
Il existe maintenant des limites très rigoureuses au pouvoir des
syndicats. Même la présence des syndicats internationaux a
diminué alors qu'elle était autrefois presque universelle. Même
dans les entreprises canadiennes où c'est le cas, la capacité des
syndicats à faire accepter les avantages que leurs membres méritent
à leur avis est très limitée.
8921
(1620)
La troisième catégorie d'activité où les syndicats ont autrefois
été très puissants sont les secteurs dans lesquels existe ce que nous
appelons la rente économique. Il s'agit de la valeur excédentaire
d'un produit par rapport au coût de production. Cela se rencontre
habituellement dans le secteur des ressources naturelles.
Prenons l'or. Une mine d'or peut avoir un coût de production de
100 $ l'once, alors que le cours de l'or atteint 450 $. La question qui
se pose est de savoir ce que l'on fait des 350 $. C'est dans un secteur
comme celui-là que les syndicats étaient puissants parce qu'il
voulaient une plus grande part du gâteau. Le même raisonnement
peut s'appliquer au cuivre, à l'étain, à tout ce qu'on peut extraire
d'une mine.
Cela était également vrai pour le secteur forestier de la
Colombie- Britannique. Nous avons hérité de la nature, demeurée
vierge durant des milliers, des centaines de milliers d'années, des
forêts exploitables où il en coûtait peut-être 3 000 $ pour abattre un
arbre, dont le prix de vente pouvait par la suite atteindre 10 000 $.
L'État n'essayait pas, à cette époque, d'obtenir les 7 000 $ de
bénéfices mais touchait seulement la valeur résiduelle de ce que
pouvait représenter le coût de production.
On peut imaginer que, dans ces conditions, les syndicats étaient
heureux de faire la grève et les employeurs étaient heureux de céder
afin d'obtenir une plus grande part de l'écart de 7 000 $ entre ce
qu'il en coûtait pour abattre l'arbre et l'acheminer vers le marché et
le prix de vente de 10 000 $. C'est ainsi que, dans les années
d'après-guerre, l'industrie forestière de la Colombie-Britannique
affichait les salaires les plus élevés au monde.
La lune de miel est terminée dans le secteur des ressources
naturelles. Il reste à l'heure actuelle très peu de ressources où il soit
possible aux syndicats de profiter de pareille rente économique. Le
pouvoir des syndicats en Colombie-Britannique a diminué et
continue de diminuer avec la disparition de cette rente économique.
Comme le temps dont je dispose sera bientôt écoulé, je
m'empresse maintenant de parler de la quatrième catégorie
d'activité où les syndicats sont puissants. Les syndicats les plus
puissants se trouvent typiquement dans le secteur qui a de profonds
goussets. Et qui a les goussets les plus profonds? L'État.
C'est ainsi que l'on trouve habituellement les syndicats les plus
puissants dans les entreprises du secteur public. Quand ces
entreprises augmentent les salaires de leurs employés, qui paie la
note? Cela ne se paie pas à même le capital de l'entreprise. Cela se
fait parfois au moyen de prix plus élevés, mais c'est habituellement,
et plus simplement, grâce à de nouveaux crédits de l'État.
Le monde a pris conscience de ce fait et c'est pourquoi, dans tout
le monde industrialisé, nous avons privatisé ces industries dont les
gouvernements étaient autrefois les propriétaires et les dirigeants.
Les subventions sont disparues, mais il existe encore un autre
domaine où les choses sont plus subtiles, et dont nous discutons
maintenant, celui des industries régies par l'État.
Au Canada, nous avons encore 700 000 travailleurs dans ce
secteur. La différence est subtile. Comme il y a réglementation, les
entreprises peuvent détenir un monopole. L'État les met à l'abri de
la concurrence. C'était autrefois le cas des lignes aériennes. C'est
encore le régime des services de messagerie. Il y a encore 700 000
personnes qui travaillent aujourd'hui dans ces secteurs.
Des études nous disent que, à cause du monopole garanti par les
gouvernements et les règlements, les coûts du transport aérien ont
beaucoup augmenté dans le monde entier.
(1625)
Je n'oublierai jamais que tout a commencé par le mouvement de
déréglementation aux États-Unis, qui a ensuite gagné le Canada.
Des lignes aériennes qui volaient entre États étaient soumises à la
réglementation de l'organisme fédéral des communications.
D'autres échappaient à la réglementation parce qu'elles volaient à
l'intérieur d'un seul État.
Résultat, un vol entre Boston et Washington coûtait exactement
le double d'un vol entre San Francisco et Los Angeles. Le premier
était assujetti à la réglementation, et l'autre pas.
Comment la réglementation joue-t-elle? Voici. Les syndicats de
pilotes disent: «C'est une très lourde responsabilité de piloter un
747 qui coûte 100 millions de dollars. Je suis responsable de la vie
de 500 passagers. Je ne vais pas faire ce travail à moins d'être payé
300 000 $ par année.» Alors, l'employeur dit: «Oh non, vous ne
pouvez pas toucher 300 000 $, vous devez accepter 250 000 $.
Sinon, allez en grève.» Que s'est-il produit? Après avoir fait toute
une histoire, résignant parfois ses employés à la grève, l'employeur
déclare: «Désolé, voici vos 300 000 $.» Le conseil de l'aviation
civile doit aujourd'hui majorer ses prix parce que ses coûts ont
augmenté. Voilà pourquoi le billet coûte deux fois plus cher dans le
secteur réglementé que dans le secteur non réglementé.
Il est bien évident que les 700 000 travailleurs canadiens qui
doivent se plier à la réglementation doivent réagir aux mêmes
incitatifs que les compagnies aériennes réglementées. Songez à ce
qui arriverait si le règlement canadien autorisait la déviation des
exportations de la commission du blé vers des ports de la côte ouest
autres que ceux de Vancouver et de Prince Rupert. Les syndicats
seraient-ils aussi forts qu'ils le sont de nos jours? Jamais de la vie.
Tout comme les employés de petites boutiques, ils seraient
conscients du fait qu'une grève pourrait mener leur entreprise à la
faillite, ce qui, en bout de ligne, ferait perdre des emplois.
Je conclus en disant que le projet de loi C-66 s'attaque à un
symptôme et non à une maladie beaucoup plus grave, soit la
réglementation et la participation de l'État dans certains secteurs,
qui fait presque disparaître complètement la concurrence.
Rétablissons la concurrence et nous verrons ce qu'il adviendra du
pouvoir qu'exercent les syndicats. Voilà ce qu'il faut faire.
[Français]
M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président,
j'ai écouté attentivement le député réformiste de Capilano-Howe
Sound. Je trouve désolant, en 1997, d'entendre des propos qu'on
8922
pourrait, si on n'avait pas peur des mots, appeler un plaidoyer
anti-syndical.
Ce député reproche, entre autres, aux syndicats de défendre leurs
propres intérêts. Si les syndicats ne défendent pas les intérêts des
travailleurs, qui le fera? Les employeurs? Le gouvernement? Je ne
pense pas. Si les syndicats n'ont pas le droit de défendre les intérêts
des travailleurs, que défendent alors les entreprises, elles, à
l'intérieur de leur corporation et à l'intérieur des chambres de
commerce?
(1630)
Est-ce que le député de Capilano-Howe Sound ne croit pas que
la rémunération des employés syndiqués exerce un effet à la hausse
sur le salaire, sur la rémunération des employés qui ne sont pas
syndiqués? Je pense que oui, et je pense que c'est absolument
nécessaire qu'il en soit ainsi.
Croit-il qu'en maintenant les travailleurs au salaire minimum, il
contribue à enrichir les hommes et les femmes de ce pays? Au bout
du compte, si les gens ne sont pas rémunérés équitablement pour le
travail qu'ils accomplissent, que doit-on mettre en place? Un filet
social qui vient pallier, répondre à la pauvreté créée par les
entreprises qui ne rémunèrent pas équitablement leurs travailleurs.
Je présume donc que le député de Capilano-Howe Sound est aussi
contre l'établissement du salaire minimum.
Je lui pose une dernière question. Avons-nous vraiment besoin
d'entreprises qui sont incapables de payer un salaire juste à leurs
employés? Je réponds, non. Si des entreprises n'ont pas le moyen de
payer un salaire juste, elles n'ont pas le droit d'exister, parce
qu'elles génèrent et créent de la pauvreté.
[Traduction]
M. Grubel: Monsieur le Président, je remercie le député de
poser la question. Il s'agit d'une question à laquelle on s'attendrait
de la part d'un syndicaliste.
On me demande ce qui est juste ou de définir concrètement ce qui
est juste. Je ne le sais pas, mais je sais qu'il ne faut plus prévoir des
conditions de vaches grasses et laisser les syndicats se débrouiller.
Je ne suis pas contre les syndicats. Comme dans le cas de
l'organisme de transport du blé, je suis contre le fait qu'on accorde
un monopole à une entreprise, à une poignée de travailleurs, qui se
servent alors du pouvoir que leur confère l'État pour en exploiter
d'autres.
On semble toujours penser que les salaires n'augmenteraient pas
s'il n'y avait pas de syndicats. La semaine dernière, dans l'avion
pour Vancouver, j'étais assis à côté d'un homme que son entreprise
canadienne envoyait à Singapour. Il m'a parlé des affaires qu'ils
faisaient là-bas. Un de leurs plus gros problèmes était qu'ils
subissaient chaque année le roulement de 30 à 40 p. 100 de leurs
travailleurs. «Ils viennent se faire former par notre société, puis ils
partent vers de meilleurs emplois», m'a-t-il dit. Je lui ai dit qu'il y
avait une solution à cela. Il a répondu: «Je sais. Il faut leur offrir de
meilleurs salaires.»
Voilà comment les salaires augmentent dans une économie libre
et de concurrence. Si une entreprise n'arrive pas à garder les
travailleurs qu'elle veut, elle doit offrir de meilleurs salaires. Si elle
hésite à le faire, elle ne les aura pas. C'est aussi simple que cela.
Je ne sais pas si cette entreprise est syndiquée ou non, mais
l'employeur paie pour former ces travailleurs. Il doit trouver un
équilibre entre le coût additionnel que cela comporte et la hausse de
salaire qui les empêcherait de partir en aussi grand nombre. Un petit
calcul montre qu'il y a un point où il est plus intéressant pour une
compagnie de payer des salaires plus élevés et de réduire le
roulement du personnel.
Cela explique la hausse des niveaux de vie moyens des
travailleurs dans une société libre où le gouvernement n'intervient
pas. Le processus est tout à fait naturel et évite les querelles sans fin
sur la définition de ce qui est juste. Qu'est-ce qui constitue un
salaire raisonnable? Ce qui pourrait paraître raisonnable à
l'honorable député ne l'est pas nécessairement à un autre député.
Comment le sait-on?
(1635)
Je crois que la solution consiste à laisser les syndicats s'organiser
mais à réduire le plus possible les pouvoirs monopolistiques
accordés aux employés et à leurs employeurs par le gouvernement.
À mon avis, c'est de cette façon qu'on mettra fin à la situation
déplorable où les grèves paralysent notre système de transport.
Si les travailleurs savaient qu'il y avait d'autres façons de
transporter la marchandise, ils hésiteraient beaucoup plus à faire la
grève. Ils sauraient qu'il y a deux possibilités: ou ils acculent la
compagnie à la faillite, ou celle-ci continue à faire affaire, mais à un
niveau beaucoup plus restreint. Tous les travailleurs seraient mis à
pied, et ils forceraient le syndicat à être plus raisonnable.
Ma solution au problème qui tourmente cette Chambre est un peu
différente. Ayant une formation en économie et ayant beaucoup
réfléchi sur ces questions, je pense que c'est la meilleure solution.
Peu importe si la Chambre règle le problème durant la présente
ou la prochaine session, je prévois que la tendance mondiale sera
d'obliger les syndicats à servir leurs membres et la société en
général.
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président,
mon collègue a très bien expliqué son point de vue. Il a dit que ses
principes s'appliqueraient à quatre catégories d'industries. Il
semble s'agir d'industries assez traditionnelles. Pour résoudre le
problème, il propose la déréglementation, le désengagement de
l'État et la concurrence sur les marchés.
Le ministre du Développement des ressources humaines a parlé
de la nouvelle économie en regard de l'assurance-chômage et ainsi
de suite. Je sais que mon collègue est plutôt un visionnaire. À son
avis, les principes qu'il a énoncés s'appliquent-ils aux changements
technologiques, aux nouveaux modes de communication mondiale,
ainsi qu'à l'organisation spatiale des travailleurs dans leur milieu de
8923
travail, ou est-ce que le député a, à ce sujet, d'autres idées plus
futuristes qu'il pourrait expliquer à la Chambre?
M. Grubel: Monsieur le Président, mon collègue devrait
peut-être lire un article qui est paru dans l'édition du week-end du
Globe and Mail, il y a quelques semaines, et qui traitait de cette
question. Les opinions divergent beaucoup, mais il semble que,
fondamentalement, le chômage n'est pas attribuable aux
changements technologiques ni aux exigences syndicales. Je suis
aussi de cet avis. Ce sont les programmes sociaux généreux qui en
seraient la cause. Je crois que c'est une opinion que partagent une
grande proportion d'économistes.
M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur
le Président, je voudrais simplement rappeler aux députés ce qui a
été déjà dit à maintes reprises aujourd'hui pour m'assurer que tous
comprennent. Le projet de loi dont nous sommes saisis porte sur le
Code du travail du Canada, et non pas sur les codes des provinces.
Cependant, il arrive souvent que les mouvements amorcés par un
ordre de gouvernement fassent leur chemin vers d'autres ordres de
gouvernement.
Je viens de la Colombie-Britannique. Les syndicats ont beaucoup
de poids chez nous. Nous avons un gouvernement néo-démocrate.
Quand ils ne sont pas au pouvoir, les néo-démocrates représentent
les syndicats. Ils parlent des droits des travailleurs et de toutes les
bonnes choses qu'ils font pour eux. Toutefois, quand ils arrivent au
pouvoir, les néo-démocrates oublient souvent ce sur quoi ils se sont
faits élire, de sorte qu'ils ne représentent plus vraiment ceux qu'ils
prétendaient représenter auparavant. Telle est la situation en
Colombie-Britannique.
(1640)
Quand on parle des syndicats et que l'on pense à leur histoire, on
se demande s'ils sont nécessaires. Or, quand on étudie l'histoire du
monde ouvrier, on se rend compte que les syndicats ne sont pas
seulement nécessaires, mais qu'ils ont absolument indispensables.
Les conditions qui étaient imposées aux travailleurs étaient
absolument déplorables. Dans l'est du Canada, par exemple, au
cours du siècle dernier, les travailleurs qui se regroupaient pour
demander une augmentation de salaire risquaient d'être envoyés en
prison. Voilà le genre de conditions qui étaient le lot des travailleurs
canadiens.
Mentionnons aussi le travail des enfants et des esclaves. Les
conditions de travail étaient dangereuses et tout à fait malsaines.
Les salaires étaient tels qu'une personne n'arrivait même pas à
subvenir à ses besoins. Les syndicats, lorsqu'ils ont fait leur
apparition, étaient absolument nécessaires.
Le modèle d'un syndicat est fort simple. Les travailleurs se
regroupent, vont voir l'employeur et demandent des conditions
sûres ou des salaires raisonnables. Si leurs revendications sont
refusées, ils cessent de travailler jusqu'à ce que l'employeur écoute
et leur donne un salaire raisonnable ou de meilleures conditions de
travail.
Le temps a passé et ce modèle s'est perpétué. Il demeure
essentiellement inchangé aujourd'hui. Il a vu le jour en Amérique
du Nord au XIXe siècle, et nous travaillons encore avec le même
modèle aujourd'hui, à la veille du XXIe siècle.
Un des nombreux attributs des députés réformistes, c'est que
nous écoutons ce que disent nos électeurs. Nous écoutons ce que
disent les différents groupes au sein de notre société. Non seulement
nous sommes différents des autres partis, mais, de temps en temps,
il y arrive qu'il y ait des différences au sein de notre propre parti.
Nous représentons les intérêts que nous avons été élus pour
représenter dans nos circonscriptions, sans toutefois perdre de vue
le but commun du Canada.
Je représente la circonscription de
Kootenay-Ouest-Revelstoke, dans le sud-est de la
Colombie-Britannique. Nous avons deux très grandes compagnies
et deux séries de syndicats dans chacune de ces compagnies. Les
travailleurs des autres secteurs sont aussi assez bien organisés du
point de vue syndical.
J'ai parlé à ces groupes syndicaux des divers problèmes auxquels
ils sont confrontés. La popularité des syndicats est à la baisse. Que
ce soit bon ou mauvais, la popularité des syndicats et l'affiliation
syndicale sont en perte de vitesse. Certains syndicats sont allés trop
loin, mais pas tous les syndicats, loin de là. Cependant, quelques
syndicats très puissants sont allés trop loin. Le député de
Capilano-Howe Sound a fait allusion à certains de ces syndicats.
L'image de tous les syndicats est entachée lorsque quelques-uns
deviennent trop puissants et exigent trop.
J'ai parlé à ces gens de solutions de remplacement de ce modèle
et des raisons qui faisaient que nous entrions dans le XXle siècle
avec des solutions de règlement des conflits de travail datant du
XlXe siècle.
Une des principales mesures contenues dans le projet de loi
gouvernemental vise à interdire le recours à des travailleurs de
remplacement. Je ne puis parler au nom de tous les députés de mon
parti, mais je ne suis pas en faveur du recours aux travailleurs de
remplacement. J'appuie le principe d'interdiction du recours à des
travailleurs de remplacement. Lorsque des travailleurs syndiqués
sont en grève, ils ne peuvent pas remplacer leur employeur. Dans ce
cas, pourquoi l'employeur devrait-il pouvoir remplacer les
travailleurs, si nous appliquons un système où ce sont les employés
qui retirent leurs services ou l'employeur qui décrète un lock-out? Il
m'apparaît absurde qu'une entreprise puisse décréter un lock-out
contre ses employés et avoir recours à des travailleurs de
remplacement.
Le grand problème est que les grèves ne comportent guère
d'avantages pour qui que ce soit. Elles sont un combat économique
entre l'employeur et les employés. À moins qu'il n'y ait des
avantages très lucratifs ou des concessions considérables à obtenir,
aucune partie n'y gagne. Les dommages indirects qui en résultent
sont les plus importants. Du point de vue fédéral, en particulier du
point de vue du système de transport, les pertes sont
catastrophiques.
(1645)
Il n'y a pas que les pertes. Ce sont des centaines de millions de
dollars qui se perdent durant ces grèves, et qui s'ajoutent à la perte
de confiance des acheteurs étrangers dans nos produits et nos
services. Ceux-ci commencent à penser qu'ils ne devraient pas faire
affaire avec des entreprises canadiennes parce qu'il y a trop de
grèves et qu'ils risquent de ne pas pouvoir obtenir ce dont ils ont
besoin au moment où ils en ont besoin. Ils préfèrent alors se tourner
vers des partenaires commerciaux plus fiables.
8924
L'ironie de la chose, avec le gouvernement qui impose une
restriction sur l'embauche de travailleurs de remplacement, c'est
que le gouvernement sait très bien que, en cas de grève ayant
entraîné les parties dans une impasse absolue, il imposera une loi de
retour au travail.
Ainsi, ce qu'il fait vraiment, c'est se donner plus de pouvoir pour
mettre un terme aux grèves. Que se passe-t-il en cas de grève qui
nuit à l'acheminement du grain? Le gouvernement adopte une loi
pour obliger les manutentionnaires céréaliers à rentrer au travail.
Une grève des débardeurs paralyse les activités portuaires. Le
gouvernement adopte une loi pour les obliger à retourner au travail.
Il l'a fait deux fois en Colombie-Britannique au cours de la présente
législature. Les sociétés ferroviaires sont en grève. Le
gouvernement adopte une loi pour les forcer à retourner au travail.
Le gouvernement a fait une erreur de raisonnement. Durant des
années, le système de contrôle de la circulation aérienne, le système
de navigation aérienne, a été assujetti à la loi fédérale. Durant tout
ce temps, les contrôleurs de la circulation aérienne n'avaient pas le
droit de faire la grève. En principe, ils en avaient le droit, mais en
cas de grève, ils avaient tous le statut d'employé désigné. Ils
devaient donc aller travailler. Ils devaient remplir leurs fonctions
normales. Voilà l'idée que le gouvernement se faisait d'une
autorisation à faire la grève. Ou bien le gouvernement joue à des
jeux avec les syndicats, prétendant les aider quand, en réalité, il fait
le contraire, ou bien il n'a pas suffisamment réfléchi à cette mesure
législative.
La population a ses idées. Un grand nombre de nos lois, de nos
règlements et de nos politiques sont basées sur la perception du
public. L'idée que, parce qu'il fait la grève, un policier assiste sans
rien faire à une attaque, un viol ou un meurtre est impensable. Le
public n'acceptera pas ça. La police le comprend et accepte le fait
qu'elle constitue un service essentiel. Et donc, ça n'arrive pas.
L'idée qu'un groupe de pompiers regardent sans rien faire une
maison brûler, avec peut-être un enfant à l'intérieur, est également
impensable. Les services assurés par les pompiers sont très
importants. Ce sont des services essentiels. Les pompiers
l'acceptent et le public a le droit de s'attendre à ce genre de service.
Comment nous y prenons-nous avec ces gens? Prenons une petite
entreprise. Je n'en nommerai aucune pour ne pas froisser
l'industrie. Si les services qu'elle offre sont de moindre importance
que ces deux exemples, que l'employeur et l'employé se livrent à
une petite guerre économique pour voir lequel des deux peut se
passer assez longtemps de recettes ou de salaires pour être déclaré
vainqueur, très bien.
En général, c'est à ce niveau que se situe la lutte. Il peut y avoir
des retombées sur les familles des travailleurs ou, si ça se passe dans
une petite ville, sur les autres entreprises parce que les gens
dépensent moins. Mais c'est surtout sur la compagnie qu'il y en a.
Essentiellement, ce que nous disons, c'est que, comme ils ne sont
pas importants, le gouvernement va les laisser interrompre leurs
services, il va les laisser mettre leurs employés en lock-out, il va les
laisser se livrer une guerre économique et que les plus riches
gagnent, car c'est parfois à cela que ça se résume.
Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce système. Il permet de
limiter le droit de grève des policiers, des pompiers, des aiguilleurs
du ciel parce qu'ils sont importants. Par contre, d'autres
compagnies, parce qu'elles ne sont pas aussi importantes, ont le
droit de faire la grève.
Il y a également ceux qui se trouvent entre les deux, comme les
compagnies ferroviaires qui ont le droit de faire la grève pendant un
certain temps, jusqu'à ce que le gouvernement déclare que ça a
assez duré. Nous avons démontré ce que nous voulions. Nous ne
pouvons pas les laisser faire la grève. On adopte alors une loi les
obligeant à retourner au travail.
Dans le cas des services essentiels, il devrait y avoir un
mécanisme garantissant que ces gens soient traités justement. Si on
trouve quelque chose de vraiment juste, pourquoi ne pas l'appliquer
à tout le monde.
J'ai mentionné plus tôt que j'avais demandé l'avis de syndicats.
J'ai parlé avec eux de moyens de régler un conflit de travail autres
que la grève et le lock-out.
(1650)
Lorsque nous parlons de l'arbitrage des propositions finales, les
gens pensent souvent que nous voulons entièrement contourner le
processus de négociation collective. On l'a déjà dit, mais je pense
qu'il faut encore le préciser. Lorsque nous proposons l'arbitrage des
propositions finales, il n'est pas question de supprimer les autres
étapes des négociations collectives. Le processus de négociation
existe encore au complet. Les parties peuvent avoir recours à la
médiation. Si elles le désirent, elles peuvent aller en arbitrage. Elles
peuvent avoir presque tout ce qu'elles veulent. Mais il faut qu'il y
ait un mécanisme lorsque les négociations échouent, lorsqu'on a eu
recours à tous les autres moyens pour régler le conflit et qu'il ne
reste plus d'option.
Certains leaders syndicaux m'ont fait remarquer que les
syndicats en viennent rarement à la grève lors des négociations
collectives. Ils ont parfaitement raison, mais ce sont justement les
cas où ils ont recours à la grève qui causent des problèmes. Ils
affirment que s'ils ont rarement recours à la grève, c'est justement
grâce à leur argument massue, c'est-à-dire la menace de grève.
Nous devons donc réinventer la massue. Je crois qu'il faudrait
adopter l'arbitrage des propositions finales. Nous en avons
amplement parlé aujourd'hui. Si nous ramenons cette proposition
assez souvent sur la table, le gouvernement commencera peut-être à
y prêter attention. C'est une solution pratique.
Si quelqu'un peut proposer mieux, je suis parfaitement disposé à
l'écouter. C'est ce que j'ai dit aux groupes patronaux et syndicaux
auxquels j'ai parlé.
Comme certains députés l'ont déjà expliqué, les parties
négocient, elles accomplissent tout le processus et tentent de se
rapprocher le plus possible l'une de l'autre. Ce qui se produit
invariablement lorsqu'on utilise l'arbitrage des propositions
finales, c'est que
8925
chaque partie sait que si elle s'éloigne trop de la norme qu'elle
devrait viser elle perdra au moment de l'arbitrage.
Par exemple, si, selon les normes d'une industrie, une entreprise
devrait accorder une augmentation de un dollar à ses travailleurs,
qu'elle leur offre 90c. et que le syndicat demande 3,75 $,
l'entreprise sortira gagnante de l'arbitrage. Par ailleurs, si
l'entreprise affirme qu'elle ne peut accorder aucune augmentation
pour l'année en cours, qu'elle songeait même à proposer une
réduction salariale, mais qu'elle accepterait de signer au même taux
et que le syndicat demande 1,35 $, ce dernier gagnera probablement
au moment de l'arbitrage.
Le syndicat et l'entreprise sont parfaitement au courant de cela et
ils se rapprochent peu à peu, parfois même à un point tel qu'ils
parviennent à s'entendre. Cela se produit souvent.
J'ai entendu des gens prétendre que le système pouvait
fonctionner s'il s'agissait seulement de salaires ou seulement de
quelque chose d'autre. Cependant, la crainte c'est que la compagnie
offre une forte augmentation de salaire, une augmentation donnant
un niveau égal ou légèrement supérieur à la norme dans l'industrie.
La compagnie peut aussi offrir les heures que le syndicat veut et
plusieurs autres avantages, mais elle peut avoir ajouté un élément
qui n'a pas particulièrement de valeur monétaire, mais qu'il serait
grave de perdre pour les travailleurs.
Il n'y a rien qui dit que dans un modèle à prévoir pour l'arbitrage
par sélection d'une offre finale on ne pourrait pas séparer ces points.
Il n'y a rien qui dit que tout doit être indissociable.
Ce serait des choses à considérer si le gouvernement acceptait
enfin un débat valable sur le principe de l'arbitrage par acceptation
d'une des deux offres finales.
Ce qui se produit trop souvent c'est que nous aboutissons à une
position antagoniste ou les gens doivent se ranger d'un côté ou de
l'autre. Ce qui arrive trop souvent dans le cas des syndicats c'est
qu'ils partent du principe que toutes les sociétés sont mauvaises; les
compagnies à leur tour prétendent que tous les syndicats sont
mauvais. C'est de cette façon que nous abordons la négociation.
En psychologie on appelle cela la théorie X et la théorie Y. Dans
la théorie X tout le monde est fainéant, personne ne veut travailler,
etc. Dans la théorie Y c'est l'inverse. Ce sont ces idées-là qui ont été
réellement mises de l'avant ces dernières décennies et on a laissé
entendre que la seule façon de faire travailler les employés est de les
pressurer. La plupart des gens veulent un emploi décent qui offre un
salaire décent.
(1655)
En période d'austérité, la plupart des gens reconnaissent qu'on ne
peut pas en demander trop à une entreprise et que les syndicats ont
fait beaucoup de concessions. À quelques exceptions près, les
syndicats n'ont pas la vie facile, tout comme certaines compagnies
d'ailleurs. Nous sommes à une époque marquée par les contraintes
budgétaires, le chômage et toutes sortes de problèmes économiques
et, pendant ce temps, il y a des banques à charte qui déclarent plus
d'un milliard de dollars de profits. Elles nous annoncent qu'elles
ont encore fait davantage cette année et, comme elles ont réalisé
encore plus de bénéfices, elles sont prêtes, dans leur enthousiasme,
à accorder des salaires variant entre 1 et 3 millions de dollars à leur
président.
Pas étonnant que les gens commencent à redresser l'échine. Pas
étonnant que les gens se mettent à évoquer le cas des riches sociétés
et à songer à faire la grève pour les forcer à consentir de meilleurs
salaires. De même qu'une poignée de militants peuvent corrompre
les syndicats, il suffit de quelques compagnies rapaces pour ternir la
réputation des entreprises. La plupart des emplois ne se trouvent pas
dans les sociétés offrant des salaires élevés, mais plutôt dans celles
qui luttent pour leur survie en ces temps marqués par les restrictions
de toutes sortes et la récession. Il faut se rendre à l'évidence.
Voilà pourquoi il convient de chercher à remplacer cette attitude
de confrontation qui gêne le règlement des conflits de travail. «Vous
me donnez tant, sinon je ne travaille plus. Vous acceptez cette
réduction de salaire, sinon c'est le lock-out.» C'était de règle au
XIXe siècle. Or, nous sommes à l'aube du XXIe siècle. Il nous faut
une solution nouvelle.
J'exhorte le gouvernement à se pencher sur la formule
d'arbitrage des offres finales. Je n'ai jamais entendu les ministériels
dire quelque chose de substantiel à ce sujet. J'aimerais qu'ils me
disent ce qu'ils en pensent. J'ose espérer que le secrétaire
parlementaire du ministre formulera une observation à cet égard et
que le gouvernement saura amorcer un fructueux dialogue à ce
propos. On pourrait parler de progrès, car il vaut mieux faire des
progrès que de se livrer à toutes sortes de manoeuvres.
Je crains que les libéraux ne se livrent à toutes sortes de
manoeuvres dans le cadre de cette mesure législative. Ils
introduisent des dispositions pour donner plus de poids aux
syndicats tout en cherchant à nous convaincre du contraire. Ils font
en sorte que les syndicats puissent se mettre en grève, mais ils les
forcent ensuite à retourner au travail en adoptant une loi. Ils jouent
au chat et à la souris. Ils collent du sparadrap sur des plaies béantes.
Il nous fait résoudre certains problèmes une fois pour toutes, au lieu
de nous contenter de mesures temporaires.
Si les libéraux s'intéressent vraiment aux travailleurs, pourquoi
ont-il décrété une augmentation de 70 p. 100 des cotisations
obligatoires au Régime de pensions du Canada? C'est toute une
augmentation pour l'employé! Pourquoi agissent-ils ainsi au
moment même où ils prétendent qu'ils se soucient du sort des
travailleurs, qu'ils vont leur conférer des pouvoirs supplémentaires
afin qu'ils puissent faire la grève pour obtenir des augmentations
salariales? Ils viennent d'obliger tous les travailleurs à demander
une augmentation de salaire de 700 $ et de leur dire: «Nous allons
prendre votre argent. Nous allons prendre 10 milliards de dollars de
plus dans l'économie uniquement pour payer les charges sociales du
Régime de pensions du Canada, mais nous allons renforcer le Code
du travail pour que vous puissiez faire la grève et soutirer cet argent
de vos employeurs.»
8926
Si le gouvernement voulait bien faire les choses, il n'aurait pas dû
augmenter ces charges sociales. J'ai hâte d'entendre le secrétaire
parlementaire dire qu'il envisagera l'arbitrage des propositions
finales.
Je propose:
Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en
les remplaçant par ce qui suit:
«le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi
sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en
conséquence, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois mais qu'il soit lu une
deuxième fois dans six mois à compter de ce jour.»
(1700)
Le vice-président: La motion est recevable.
Avant de passer aux questions et aux observations, je dois dire
quelque chose avant 17 heures.
[Français]
Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire
connaître à la Chambre la question que nous aborderons au moment
de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable député de
Frontenac-La somatotrophine bovine.
[Traduction]
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président,
j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, comme je le fais toujours
lorsque mon collègue de Kootenay-Ouest-Revelstoke parle. Je
suis très heureux de constater qu'il a pris le temps de parler avec les
syndiqués dans sa circonscription pour leur demander conseil et
obtenir des renseignements. Après tout, ce sont ses électeurs.
Je l'ai entendu dire que nous devons examiner des solutions de
rechange au système actuel qui semble consister à prétendre que
rien ne se produit jusqu'à ce que les travailleurs déclenchent la
grève ou soient mis en lock-out. Le gouvernement fédéral intervient
alors rapidement, il rappelle le Parlement au besoin et fait voter une
loi de retour au travail qui prévoit le règlement final de la situation.
Le groupe de travail Sims n'a pas recommandé l'arbitrage des
propositions finales dans son rapport, car il a jugé qu'il y aurait
alors un gagnant et un perdant. Cependant, je voudrais que mon
collègue nous précise ce qu'il pense de ce scénario qui risque de se
produire lorsqu'on impose une loi de retour au travail et l'arbitrage
aux parties.
M. Gouk: Monsieur le Président, je serais heureux de parler de la
notion de gagnant et de perdant dans le cadre de négociations
normales.
Un des problèmes qui se produit c'est que, selon les
circonstances, selon qu'on est en période d'inflation ou en
récession, certains syndicats seulement, je le souligne, passent
d'opprimés à oppresseurs.
En période d'inflation, les syndicats sont très puissants. Comme
mon collègue de Capilano-Howe Sound l'a signalé, lorsqu'il y a
beaucoup d'argent qui rentre, ils peuvent exiger une plus grande
portion de cet argent. C'est à ce moment-là que les syndicats
réclament davantage. Ils peuvent être justifiés de le faire dans
certains cas, car ils ont été durement frappés durant la dernière
récession, mais à l'heure actuelle, nous sommes en récession. Les
entreprises affirment que c'est maintenant leur tour. Elles
prétendent qu'elles peuvent maintenant faire baisser les salaires des
syndiqués, demander des concessions, réclamer des compressions
et exiger des travailleurs de faire deux fois plus en étant deux fois
moins nombreux. Elles peuvent réclamer toutes sortes de choses.
Cela ne veut pas dire qu'elles vont toujours l'obtenir, mais elles
peuvent s'essayer.
Curieusement, mon collègue de Wetaskiwin a parlé du fait que
j'avais pris le temps d'aller parler aux syndicats. À la suite de ces
discussions, j'ai constaté qu'il y a une certaine hésitation face à
quelque chose de nouveau et de différent. C'est normal. Cela
s'applique à tous les aspects de notre vie.
Cependant, à la réflexion, les syndicats affirment que la
proposition a un certain mérite et ils sont intéressés par cette
dernière, car la plupart d'entre eux cherchent une solution de
rechange raisonnable au déclenchement d'une grève, avec les pertes
de salaires que cela entraîne et les problèmes que subiront alors
leurs familles. Ils ne veulent pas mettre en danger des entreprises,
ce que des grèves font parfois.
Chose intéressante, parce que nous sommes en récession, lorsque
je m'adresse aux représentants des entreprises, je constate que les
plus grosses sociétés disent qu'elles ne sont pas certaines de
vraiment aimer cela. Elles pensent que le système fonctionne très
bien comme il est parce que le pendule est maintenant dans une
position qui leur convient. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il y a
toujours le retour du pendule.
(1705)
Il n'y aura pas de moment propice à l'avenir. C'est maintenant
qu'il faut apporter ce type de modifications. Si nous attendons que
les entreprises disent que le pendule est maintenant en leur faveur et
qu'elles peuvent accepter cela, les syndicats seront contre. Il faut
adopter cette mesure maintenant. À long terme, je crois que les
entreprises et les syndicats en profiteront. Les syndicats ont encore
pleinement le droit à la négociation collective.
Tout ce que nous modifions, c'est le mécanisme final de
règlement des différends. Les entreprises sauront avec certitude
qu'une fois le contrat signé, elles seront en mesure de le respecter et
que toutes les modifications aux conditions de travail des employés
seront dictées par le marché, par la capacité de l'entreprise de payer,
par les salaires versés dans des entreprises comparables, par tous les
divers facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. On peut
insérer toutes sortes de garanties dans cette mesure qui est la
direction dans laquelle nous devons nous diriger.
Je remercie mon collègue de sa question, mais je suis déçu que
certains de nos vis-à-vis n'aient pas dit qu'ils verraient d'un bon
oeil certaines des choses dont nous discutons aujourd'hui.
M. Johnston: Monsieur le Président, j'aimerais remercier le
député de sa réponse très instructive. J'aurais une autre question à
lui poser, lui qui est, à ce qu'il nous dit, en contact avec les
syndicalistes de sa circonscription. Les syndicats réclament-ils
vraiment des salaires plus élevés de nos jours? Ne cherchent-ils pas
8927
plutôt, en ces temps difficiles, à garantir la sécurité d'emploi, le
simple fait d'avoir un emploi, pour leurs membres?
M. Gouk: Monsieur le Président, la sécurité d'emploi importe
beaucoup de nos jours. Pour bien des gens, elle l'emporte sur le
salaire. De façon plus générale, je dirais que les gens recherchent
l'équité. C'est vrai dans tous les aspects de notre vie, et le travail ne
fait pas exception. Les travailleurs veulent un salaire équitable,
c'est-à-dire un salaire qui assurera leur subsistance, que leur
employeur pourra continuer de leur verser, parce qu'ils ne veulent
pas pouvoir dire qu'ils étaient les travailleurs les mieux rémunérés
de ma circonscription une fois qu'ils sont au chômage. Ils veulent
un salaire convenable qui ne mettra pas leur emploi en danger. Ces
deux éléments vont de pair. La sécurité d'emploi, on peut l'avoir en
gagnant 1 $ l'heure; ce qu'ils veulent, c'est la sécurité d'emploi en
gagnant un salaire raisonnable dans des conditions de travail
raisonnables.
Il se trouve bien sûr quelques radicaux qui demandent la lune, de
la même façon qu'il se trouve des sociétés qui ne manquent pas une
occasion d'exploiter leurs employés. Toutefois, la majorité des
travailleurs et des employeurs sont disposés à collaborer. Ce qui fait
problème et ce qu'il nous faut chercher à remédier, c'est le mode de
gestion des relations de travail axé sur l'affrontement. Sans cet
esprit d'affrontement, les deux parties vont se mobiliser pour
atteindre un objectif plus véritablement commun qu'à l'heure
actuelle. La sécurité d'emploi et d'autres considérations du genre
servent l'intérêt des travailleurs et de leur employeur à la fois. Pour
l'employé, qui dit sécurité d'emploi dit salaire qui rentre; pour
l'entreprise, cela veut dire qu'elle peut continuer de fabriquer son
produit, qu'elle peut ensuite vendre pour faire rouler les affaires.
Entreprises et travailleurs doivent apprendre à collaborer au lieu
de s'affronter tout le temps. Voilà le sens de la proposition
réformiste.
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD):
Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui, à
titre de porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de
travail, à l'étape de l'étude en troisième lecture du projet de loi
C-66, Loi modifiant la partie I du Code canadien du travail. Bien
sûr, cette mesure est importante et, d'une façon générale, devrait
recevoir l'appui de tous les députés.
Bien que certains amendements importants aient été rejetés par le
gouvernement libéral, je pense que la mesure dont nous sommes
saisis reste acceptable, parce qu'elle améliore nettement les
dispositions actuelles du Code canadien du travail. Même si le
gouvernement aurait dû aller plus loin en rédigeant le projet de loi,
il faut féliciter le ministre pour le processus de consultation qu'il a
engagé avant l'étape de la rédaction.
(1710)
Comme nous l'avons entendu au cours du débat d'aujourd'hui et
en pratique dans la population, la négociation collective est la pierre
angulaire des relations syndicales-patronales efficaces. Même le
ministre le reconnaît. Tout ce que le gouvernement peut faire pour
protéger, appuyer et améliorer le processus de négociation
collective en vaut la peine.
Bien entendu, nous savons que les modifications apportées à la
partie I du Code canadien du travail ne s'appliquent qu'aux
domaines de compétence fédérale. Il s'agit de la loi qui régit les
négociations collectives des employeurs du secteur privé et des
syndicats relevant de la compétence fédérale. Notons, entre autres,
les sociétés de chemins de fer, les lignes aériennes, les société de
radiodiffusion, les banques ainsi que les compagnies céréalières et
d'expédition. En gros, il s'agit d'entreprises et de syndicats
oeuvrant dans les domaines des transports, des communications et
des banques.
Selon les renseignements inclus dans le rapport Sims, dont
j'espère pouvoir discuter plus tard, la partie I du Code canadien du
travail s'applique à environ 680 000 employés, ou 6 p. 100 des
travailleurs au Canada. Près de 50 p. 100 de tous les travailleurs
relevant de la compétence fédérale sont protégés par des
conventions collectives.
Les arrêts de travail dans le domaine public se produisent à
l'échelle de tout le Canada. Depuis six ans, les grèves et les lock-out
dans les domaines de compétence fédérale ont représenté 4,5 p. 100
du nombre total des arrêts de travail survenus au Canada et 6 p. 100
de toutes les journées-personnes non travaillées à cause d'arrêts de
travail. Il n'est pas question ici de circonstances graves.
Une de mes inquiétudes, que partagent d'ailleurs mes collègues
néo-démocrates, c'est que la partie I ne s'applique pas aux
fonctionnaires fédéraux qui sont plutôt assujettis à la Loi sur les
relations de travail dans la fonction publique. Quant aux membres
de la GRC et aux militaires, ils ne sont ni visés par la partie I ni par
le LRTFP. Je pense qu'il devrait y avoir une seule loi, une seule
commission et une seule compétence pour tous les employés
fédéraux.
Il s'est écoulé un certain temps depuis qu'une révision complète
a été effectuée dans le but de moderniser le Code canadien du
travail. Le processus a été amorcé au début de 1995, lorsqu'un
groupe de travail a été mis sur pied par le ministre du Travail pour
effectuer une telle révision et, au besoin, formuler des
recommandations en vue de modifier la loi.
Le groupe de travail était dirigé par un avocat d'Edmonton,
Andrew Sims, et le rapport déposé par ce groupe a été appelé le
rapport Sims. Le groupe a fait du très bon travail. La mesure
législative dont nous sommes saisis reflète en grande partie les
recommandations faites par ce dernier.
Les recommandations du groupe de travail et la réponse du
ministre ont fait l'objet de consultations poussées. Sims est parti
d'une simple prémisse qui était pleine de bon sens. Permettez-moi
de citer un extrait du rapport Sims: «La libre négociation, comme la
libre entreprise, fonctionne lorsque les personnes, les groupes, les
syndicats et les employeurs prennent des décisions dans leurs
meilleurs intérêts et structurent leurs relations dans le cadre de la
loi.»
8928
Sims ajoute: «Les lois ne peuvent régler tous les problèmes, non
plus que le Code canadien du travail ou le Conseil canadien des
relations du travail ne peut régler chaque différend entre
l'employeur et les employés. C'est aux parties qu'il incombe de
régler leurs différends.»
Sims poursuit en disant: «Le grand avantage d'un règlement
négocié c'est que les parties, du moins sur papier, reconnaissent
qu'elles ont fait du mieux qu'elles le pouvaient dans les
circonstances. Par conséquent, elles sont plus susceptibles d'être
satisfaites du résultat obtenu et d'en assumer la responsabilité. Les
solutions négociées collectivement supposent souvent des
changements. Or, les changements donnent les meilleurs résultats
lorsque les deux côtés s'entendent sur l'orientation à prendre. C'est
la raison pour laquelle la négociation collective est tellement utile
aux organismes qui vivent des changements. Par conséquent, notre
cadre législatif favorise la libre négociation et n'essaie guère, sauf
dans des cas exceptionnels, d'imposer des solutions aux parties.»
De toute évidence, si l'on veut atteindre les buts visés avec le
projet de loi C-66, il faut appliquer le critère de la libre négociation
à toutes les dispositions législatives. Si celles-ci ne satisfont pas à
ce critère, alors la loi ratera l'objectif visé. Dans certains cas, le
projet de loi ne répond pas au critère des libres négociations
collectives et à l'idée que le système fonctionne le mieux quand on
laisse les négociations collectives suivre leur cours. Dans d'autres
cas, les changements proposés donnent de très bons résultats.
(1715)
Je voudrais parler d'abord du témoignage du Conseil canadien
des relations du travail devant le comité permanent qui a étudié le
projet de loi. Le Congrès du travail du Canada l'a qualifié de
domaine le plus fructueux d'élaboration de consensus
patronal-syndical facilité par le groupe de travail Sims.
Le CTC a dit qu'il avait été exaspéré à maintes reprises dans le
passé par le manque de consultation de la part du gouvernement
avec les syndicats à propos des nominations et des renominations au
Conseil. Étant donné que les activités et les décisions du Conseil ont
un impact direct sur les travailleurs, les syndicats et le patronat, le
CTC a soutenu que la composition du Conseil devrait être
«représentative des parties en cause». Les représentants du patronat
dans le processus de consultation ont été d'accord, tout comme les
membres du groupe de travail.
Le projet de loi C-66 adopte l'idée d'un Conseil canadien des
relations industrielles représentatif, et nous appuyons tous cette
idée. Il y a cependant quelques problèmes qui ont été abordés au
comité, mais qui n'ont pas encore été résolus.
Tout d'abord, les participants au processus de consensus ont
recommandé qu'un comité de sélection patronal-syndical puisse
examiner les dossiers des personnes à nommer ou à renommer aux
fonctions de président et de vice-président du nouveau Conseil et
exprimer leur avis à ce sujet. Le groupe de travail a appuyé l'esprit
de la recommandation, mais le projet de loi reste muet à ce sujet.
Deuxièmement, le groupe de consensus a recommandé, à propos
de la nomination ou de la renomination de membres représentatifs,
qu'ils soient choisis parmi les candidats figurant sur une liste de
noms fournis par les parties. Là encore, le groupe de travail a
appuyé la recommandation, mais le projet de loi ne parle que de
consultation des organisations représentant des employés ou des
employeurs que le ministre estime indiquées.
Troisièmement, les participants au groupe de consensus ont
recommandé que les nominations se fassent de façon échelonnées
pour empêcher que toutes les nominations arrivent à terme en même
temps. Le groupe d'étude a appuyé la recommandation, mais,
encore une fois, le projet de loi est muet à ce sujet.
Il y a d'autres recommandations qui n'ont pas trouvé d'écho dans
le projet de loi. Le gouvernement n'a pas vraiment expliqué
pourquoi il refusait d'accepter ces recommandations qui feraient
tant pour améliorer la loi et donner à toutes les parties une plus
grande confiance dans le conseil.
À un autre moment dans le débat et aux audiences du comité, j'ai
exprimé de vives inquiétudes parce que le projet de loi ne
comportait aucune disposition pour empêcher le recours aux
briseurs de grève. Je suis bien conscient qu'il n'a pas été possible de
dégager un consensus au sujet des travailleurs de remplacement ni
au cours des consultations, ni même à l'intérieur du groupe de
travail. Mais il n'y a aucune raison pour que le ministre ne prenne
pas solidement position en faveur de la négociation collective en se
prononçant en faveur de l'interdiction de tous les travailleurs de
remplacement. S'il y a quelque chose de décevant dans le projet de
loi C-66 tel qu'il se présente, c'est bien le fait qu'il n'interdit pas les
travailleurs de remplacement dans les secteurs de compétence
fédérale.
C'est le Québec qui a la plus longue expérience de l'interdiction
des briseurs de grève. Le membre du groupe de travail qui a
l'expérience la plus immédiate, dans cette province, est Rodrigue
Blouin et il appuie inconditionnellement l'interdiction totale des
travailleurs de remplacement. Au Québec, ils sont interdits depuis
19 ans, tout semble indiquer que cette mesure législative a été un
grand succès.
Permettez-moi de citer les propos de M. Blouin, comme je l'ai
fait au cours du débat sur les modifications que j'ai proposées
l'autre jour:
Je soutiens que les principes généraux sur lesquels reposent notre régime des
rapports collectifs du travail démontre l'illégitimité de la présence des travailleurs de
remplacement durant une grève ou un lock-out dont la légalité est assurée. Une
déclaration d'illégalité s'impose dorénavant.
Permettez-moi de poursuivre la citation:
L'utilisation des travailleurs de remplacement mine les données structurelles qui
assurent la cohésion interne du régime de la négociation collective. Il en est ainsi
parce que cette pratique injecte un corps étranger dans un conflit impliquant
exclusivement deux parties nettement identifiées, débalance l'équilibre du rapport de
force économique, brime la liberté d'expression des grévistes et lock-outés, déplace
la zone frontalière originale du conflit et aboutit en fin de ligne à une perception
d'une certaine forme d'exploitation de l'individu.
[. . .] Au bilan de notre analyse, il s'ensuit une situation d'ensemble d'illégitimité
que le législateur doit carrément dénoncer.
8929
(1720)
J'ai lu très attentivement le rapport minoritaire de M. Blouin. Je
suis très impressionné par son analyse et sa conclusion dans laquelle
il dit:
Le législateur a le devoir de rétablir le mince équilibre nécessaire pour que le
régime de la négociation collective atteigne sa finalité. La présence de travailleurs de
remplacement interfère dans un conflit économique qui a cours sur le lieu de travail,
en conformité d'une politique publique qui vise à promouvoir la démocratie
industrielle. Cette politique est contrariée par les remplaçants.
Cela me rappelle le témoignage du ministre devant le comité
permanent à cet égard. En réponse aux questions de membres du
comité, le ministre a déclaré qu'une des priorités du gouvernement
consistait à laisser le processus de négociation collective
fonctionner.
J'ai prétendu, comme l'a fait M. Blouin, que l'élément de ce
projet de loi qui empêche le bon fonctionnement de la négociation
collective est la disposition touchant les travailleurs de
remplacement. C'est pourquoi je suis tout à fait en faveur d'une
interdiction complète de l'utilisation de travailleurs de
remplacement et c'est la raison pour laquelle j'ai proposé un
amendement que les libéraux ont décidé de rejeter et qui, si on
l'adoptait, interdirait à toutes fins utiles le recours aux services
d'une personne qui n'était pas un employé dans l'unité de
négociation au moment où on a donné un avis de négociation
collective.
Le rapport Sims met en lumière plusieurs conflits très visibles
dans le secteur fédéral, notamment le conflit à la Giant Mines, à
Yellowknife, avec ses circonstances tragiques, ainsi que le recours
par la Société canadienne des postes à des travailleurs de
remplacement, en 1991, qui a entraîné plusieurs confrontations,
afin d'illustrer à quel point il peut être dangereux d'avoir recours à
ce genre de travailleurs.
Le gouvernement avait l'occasion de mettre un terme aux
affrontements qui ont lieu pendant des grèves et des lock-out, mais
ne l'a pas saisie.
Vingt années d'histoire d'une telle mesure législative dans la
province de Québec nous offre manifestement l'information dont
nous avons besoin pour évaluer l'utilité d'une telle disposition. Il
est temps que le gouvernement fédéral prenne les mesures qui
s'imposent pour interdire le recours à des travailleurs de
remplacement dans les conflits de travail relevant de sa
compétence, et mon amendement offre au gouvernement l'occasion
de faire exactement cela.
Le projet de loi C-66 n'offre pas la protection globale de
l'obligation du successeur qu'exige le climat économique et
politique actuel. Comme on l'a dit au comité, les phénomènes de la
restructuration économique, de la privatisation et de la cession font
en sorte que le code n'arrive plus à assurer la continuité des droits de
négociation et la protection des conventions collectives pour les
travailleurs qui ont choisi de se syndiquer.
De l'avis du Congrès du travail du Canada, que mes collègues
néo-démocrates et moi-même partageons, le code devrait être
modernisé afin de tenir compte de plusieurs situations, peu importe
qu'une entreprise passe de sa compétence à une autre ou d'une autre
compétence à la sienne.
Le CTC reconnaît que la réciprocité entre compétences est
nécessaire pour que cela fonctionne. D'autres situations devraient
être incluses, telles, par exemple, le travail à contrat qui fait
ultérieurement l'objet d'un appel d'offres et est accordé à un autre
entrepreneur, les opérations qui tombent entre les mains des
administrations ou syndics de faillites, et les opérations qui passent
de la portée de la LRTFP à celle du code.
Ce qu'il faut essentiellement ici, c'est une réforme qui empêche
que les droits de négociation des travailleurs soient supprimés sans
leur participation ni leur consentement. Ces droits devraient être
respectés et considérés comme partie intégrante d'une entreprise
par une autre. Cela serait parfaitement conforme au préambule et à
l'article 8 de la Partie I du code.
Je tiens aussi à dire un mot au sujet de l'article du projet de loi
C-66 qui a trait à la manutention du grain, car je représente ici une
circonscription rurale et beaucoup de mes électeurs gagnent leur vie
dans l'agriculture ou comptent pour vivre sur le succès de leurs
voisins agriculteurs. C'est un sujet qui m'intéresse.
(1725)
J'ai toujours pensé que les agriculteurs et les ouvriers ont
beaucoup en commun, même s'ils le reconnaissent rarement. Les
deux groupes ont été ou sont exploités par une économie organisée
par des intérêts supérieurs. Les deux groupes ont dû lutter contre les
multinationales pour accroître ou maintenir leurs revenus. Lorsque
l'un d'eux entreprend une lutte contre leur ennemi commun, les
deux groupes devraient conjuguer leurs efforts pour atteindre leur
objectif commun. Malheureusement, lorsque le transport du grain a
été en cause, ce fut rarement le cas. Les modifications proposées
dans le projet de loi à l'étude rendent toutefois cette perspective
plus probable dans l'avenir.
Quand on examine les derniers conflits qui ont paralysé le
transport du grain, on remarque qu'un fort pourcentage des arrêts de
travail ont eu lieu à la suite d'un lock-out plutôt que d'une grève. Il
convient de signaler que le gouvernement fédéral a été appelé à
intervenir en adoptant une loi de retour au travail permettant la
reprise des activités. Quand on voit cela, on en vient à se demander
si les parties, notamment les employés des ports, ne souhaitent pas
simplement que le gouvernement intervienne et règle leurs
différends à leur place. Je sais qu'il n'en est rien.
Les membres du Syndicat des débardeurs ont déjà été impliqués
dans un arrêt de travail qui empêchait le chargement du grain à bord
des bateaux, alors qu'ils avaient accepté de charger le grain. Leurs
employeurs les en ont empêchés.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est un
hommage aux débardeurs qui ont reconnu l'importance du transport
du grain au fil des ans. Ce projet de loi rend possible, voire
obligatoire, le chargement du grain en cas de conflit de travail entre
les employeurs du port et les membres du syndicat des débardeurs.
Mes collègues et moi appuyons cette disposition par respect pour
l'IL-
8930
WU, l'International Longshoremen's and Warehousemen's Union,
et les agriculteurs de l'Ouest.
Comme on peut le constater d'après la question que j'ai posée à la
Chambre aujourd'hui, je m'inquiète au premier chef du transport du
grain et de la façon dont le gouvernement s'est occupé du dernier
cas de mauvaise performance offerte par le chemin de fer à cet
égard. Ces dernières semaines, le ministre de l'Agriculture a parlé
de ce qui l'inquiète, le service offert par les chemins de fer, qui
pourrait avoir coûté 65 millions de dollars aux agriculteurs de
l'Ouest non seulement en frais de surestarie, mais encore en
manque à gagner pour cause de ventes perdues.
Cette semaine seulement, l'organisme qui réglemente les prix de
transport et qu'appuie le gouvernement a autorisé une autre hausse
des prix qui pourrait s'élever à 15 millions de dollars. Les chemins
de fer ont obtenu des prix plus élevés. Mais les agriculteurs ont vu
leurs coûts augmenter. Les chemins de fer ont été récompensés pour
un service médiocre, et c'est encore les agriculteurs qui en feront les
frais. Nous devons veiller à ce que des situations comme celles-ci ne
se reproduisent plus.
En guise de conclusion, je dirai que le projet de loi C-66 est une
mesure fort complexe, mais que le temps nous manque aujourd'hui
pour en aborder tous les aspects. Cependant, je m'attendais à ce que
le gouvernement aille plus loin en modifiant certains aspects clés du
Code du travail du Canada, notamment en ce qui concerne les
travailleurs de remplacement.
Compte tenu des progrès qui ont été réalisés aujourd'hui, nous
aurons l'occasion, dans l'avenir, de nous pencher de nouveau sur
cette question importante. Sur une échelle de un à dix, ce projet de
loi mériterait sans doute huit. C'est pourquoi je suppose que les
néo-démocrates à la Chambre l'appuieront.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente,
j'ai écouté avec grand intérêt les remarques de mon collègue.
Pense-t-il que cette mesure législative représente un juste équilibre?
Je l'ai entendu parler d'équilibre. D'ailleurs, le rapport Sims était
intitulé «Vers l'équilibre». Il a cité longuement Rodrigue Blouin,
qui a également parlé d'un équilibre.
Nous avons entendu le député donner au projet de loi une note de
8,0. Dans le monde du patinage artistique, c'est une très bonne note.
Croit-il que l'ajout de dispositions interdisant le recours à des
travailleurs de remplacement dans ce projet de loi aurait renforcé la
position des syndicats ou cela aurait-il contribué à renforcer cet
équilibre?
(1730)
M. Taylor: Monsieur le Président, je sais que je n'ai pas assez de
temps pour donner une réponse complète, mais je crois tout de
même que l'ajout de dispositions interdisant le recours à des
briseurs de grève aurait renforcé cet équilibre. Le projet de loi a fait
beaucoup pour réaliser cet équilibre, mais il aurait pu aller plus loin.
L'équilibre est la capacité de laisser le processus de négociation
collective suivre son cours. Tant que les employeurs peuvent
bouleverser cet équilibre en ayant recours à des travailleurs de
remplacement, le processus de négociation collective demeure
déséquilibré. Je crois donc qu'on aurait dû se servir de projet de loi
pour régler ce problème.
* * *
[
Français]
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 10 mars 1997, de la
motion: Que la Chambre reconnaisse que les familles de victimes de
meurtres doivent revivre leur expérience marquée par la souffrance
et la peur, quand elles sont confrontées à la possibilité de libération
du meurtrier en application de l'article 745 du Code criminel, et
qu'en conséquence, la Chambre presse le gouvernement libéral de
s'excuser officiellement envers ces familles d'avoir refusé à
maintes reprises d'abroger cet article; ainsi que de l'amendement.
Le vice-président: Comme il est maintenant 17 h 30, la Chambre
procédera au vote par appel nominal différé sur l'amendement
relatif aux travaux des subsides.
Convoquez les députés.
(1755)
(L'amendement, mis aux voix, est rejeté par le vote suivant:)
(Vote no 255)
POUR
Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Blaikie
Chatters
Duncan
Epp
Gilmour
Gouk
Grubel
Harper (Simcoe Centre)
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Johnston
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Mills (Red Deer)
Morrison
Ramsay
Ringma
Solberg
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Wayne
White (North Vancouver)
Williams -29
CONTRE
Députés
Adams
Alcock
Anderson
Arseneault
Assad
Asselin
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bertrand
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Byrne
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chamberlain
Chrétien (Frontenac)
Chrétien (Saint-Maurice)
8931
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Crête
Culbert
Cullen
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Discepola
Dromisky
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
English
Fewchuk
Fillion
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Godin
Graham
Grose
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Landry
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lee
Leroux (Shefford)
Loubier
MacAulay
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nunez
O'Brien (London-Middlesex)
Pagtakhan
Paradis
Paré
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Richardson
Rideout
Robichaud
Robillard
Rocheleau
Shepherd
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Walker
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed -161
DÉPUTÉS «PAIRÉS»
Assadourian
Augustine
Bachand
Barnes
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Canuel
Dubé
Finestone
Finlay
Godfrey
Lalonde
Langlois
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Le vice-président: Je déclare l'amendement rejeté.
[Traduction]
Le prochain vote porte sur la motion principale. Plaît-il à la
Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion
veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire
non.
Des voix: Non.
Le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
M. Epp: Monsieur le Président, je veux simplement rappeler aux
députés que la Loi sur le Parlement du Canada permet aux députés
de voter comme ils l'entendent. Personne ne peut leur dire comment
voter.
(La motion, mise aux voix, est rejetée.)
(Vote no 256)
POUR
Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Blaikie
Chatters
Duncan
Epp
Gilmour
Gouk
Grubel
Harper (Simcoe Centre)
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Johnston
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Mills (Red Deer)
Morrison
Ramsay
Ringma
Solberg
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Wayne
White (North Vancouver)
Williams -29
CONTRE
Députés
Adams
Alcock
Anderson
Arseneault
Assad
Asselin
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bertrand
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Byrne
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chamberlain
8932
Chrétien (Frontenac)
Chrétien (Saint-Maurice)
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Crête
Culbert
Cullen
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Dion
Discepola
Dromisky
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
English
Fewchuk
Fillion
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Godin
Graham
Grose
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Landry
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lee
Leroux (Shefford)
Loubier
MacAulay
MacDonald
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nunez
O'Brien (London-Middlesex)
Pagtakhan
Paradis
Paré
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Richardson
Rideout
Robichaud
Robillard
Rocheleau
Shepherd
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Walker
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed -161
DÉPUTÉS «PAIRÉS»
Assadourian
Augustine
Bachand
Barnes
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Canuel
Dubé
Finestone
Finlay
Godfrey
Lalonde
Langlois
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Le vice-président: Je déclare la motion rejetée.
Comme il est 18 heures, la Chambre passe à l'étude des
initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.
______________________________________________
8932
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 21 février, de la
motion: Que le projet de loi C-250, Loi modifiant la Loi sur le
Parlement du Canada et la Loi électorale du Canada (votes de
confiance), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur
le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet
de loi C-250, qui a été présenté par mon collègue de
Kindersley-Lloydminster. Il s'agit d'un projet de loi important, en
ce sens qu'il porte sur notre institution.
Ce projet de loi a été présenté pour instaurer des élections à date
fixe tous les quatre ans et mettre fin à la situation actuelle où un
gouvernement peut décider quand des élections auront lieu, ce qui
est un peu comme si un employé décidait de ses propres conditions
d'emploi. Malheureusement, cela reflète le fait que nous ne vivons
pas dans un pays démocratique. Nous vivons dans un système qui
ressemble davantage à un système féodal.
Et je ne parle pas à la légère. La population sera intéressée de
savoir que ce qui se passe à la Chambre des communes ressemble
très peu à ce qui doit se passer en démocratie. Le projet de loi, qui
est très bon, vise à faire en sorte que les Canadiens sachent que des
élections auront lieu tous les quatre ans. Il vise aussi à enlever au
gouvernement du Canada l'avantage injuste dont il bénéficie. C'est
une façon de rendre les règles du jeu équitables et de faire en sorte
que tous les députés, mais surtout les Canadiens, sachent quand des
élections auront lieu. Mon collègue propose que les élections aient
lieu la troisième semaine d'octobre tous les quatre ans à compter de
1997.
Ce projet de loi représente un effort modeste mais important pour
rendre la Chambre des communes plus démocratique et plus
attentive aux besoins et exigences des Canadiens. La Chambre est
loin d'être une assemblée démocratique.
Tous les quatre ou cinq ans, les électeurs élisent des députés dans
l'espoir qu'ils vont changer le pays, le renouveler et le renforcer.
Les Canadiens les élisent pour qu'ils défendent leurs désirs et
réalisent les bonnes et belles idées qui animent notre société. Ils
espèrent que leurs représentants présenteront ces idées à la Cham-
8933
bre sous forme de projets de loi pour résoudre les nombreux
problèmes avec lesquels notre pays est aux prises.
Malheureusement, tous les quatre ans la population canadienne
voit s'envoler ses rêves et ses espoirs d'un pays renouvelé et plus
fort. Les promesses non tenues et les attentes déçues dissipent ses
rêves. C'est une situation malheureuse qui montre bien que le
problème n'est pas imputable aux élus. Peu importe leur allégeance
politique, les députés viennent siéger à la Chambre pour défendre de
leur mieux les intérêts de leurs électeurs et du pays tout entier.
Malheureusement, ils arrivent dans un système, dans une Chambre
des communes qui n'a rien de démocratique et qui les empêche
d'agir dans l'intérêt du pays et de leurs électeurs.
(1810)
Ce qu'ils voient, c'est une Chambre non pas des communes mais
des illusions. Ils arrivent dans une Chambre où le pouvoir est
concentré entre les mains d'un très petit nombre de gens, quelques
ministres, quelques personnes du cabinet du premier ministre et le
premier ministre lui-même. C'est une organisation hautement
pyramidale où ces gens contrôlent les lois et dictent ce qui se passe
dans ce pays, cela grâce à une version bâtarde du système de
Westminster, en Angleterre-un système censé s'inspirer du
système anglais. Au lieu de cela, le système a été modifié de façon à
concentrer le pouvoir entre ce très petit nombre de gens.
Malheureusement, ces gens se servent de whips pour forcer les
députés à voter et à agir comme des moutons. C'est une situation
très regrettable que l'on observe non seulement au niveau des
habitudes des députés en matière de vote, mais aussi au niveau des
comités, des projets de loi d'initiative parlementaire et des motions.
Quelle belle occasion de tirer parti de l'immense expertise des
députés de la Chambre, de l'expertise des Canadiens, de proposer de
grandes idées, d'avoir un débat rigoureux, constructif et dynamique
et de trouver des solutions meilleures, des idées meilleures pouvant
s'appliquer aux problèmes de ce pays. C'est ainsi que les choses
devraient se passer dans une démocratie, mais ce n'est pas du tout
ainsi qu'elles se passent. Nous avons encore un système tout à fait
antidémocratique et qui semble s'inspirer de coutumes médiévales.
En 1993, le ministre de la Santé, le ministre des Affaires
intergouvernementales et le vice-président des comités pléniers de
la Chambre nouvellement nommé ont présenté un superbe
document sur la manière de démocratiser la Chambre. Le document
a été déposé à l'époque où les ministériels siégeaient dans
l'opposition. On y parlait de libéraliser la direction, de soumettre au
vote les projets de loi d'initiative parlementaire, de faire en sorte
que la responsabilité première des députés soit de représenter leurs
électeurs et que tous les votes à la Chambre des communes ne soient
pas des votes de défiance, que les députés aient le droit de faire part
de leurs bonnes idées à la Chambre sans craindre qu'on les fasse
taire ou que le whip du parti leur demande de se ranger. C'étaient de
bonnes idées.
Qu'est-il arrivé de ces idées? On les a mises de côté. Quand ces
députés sont revenus à la Chambre des communes pour siéger sur
les banquettes ministérielles, ces propositions ont été complètement
oubliées. On n'en a plus parlé. Ce n'est pas rendre service aux
députés et c'est encore moins dans l'intérêt des Canadiens. Ça nuit
au moral et au fonctionnement du gouvernement. Ça nous empêche
de devenir vraiment la grande nation que nous pourrions devenir.
Il y a des solutions que nous pourrions employer. Elles ont été
proposées à maintes reprises. Le projet de loi C-250 est un exemple
de la manière dont nous pourrions rendre les règles plus équitables,
démocratiser notre institution et faire en sorte qu'elle réponde
mieux aux besoins des Canadiens.
Selon moi, si le gouvernement voulait vraiment régler les
problèmes auxquels ce pays fait face, s'il voulait vraiment tirer
profit des connaissances de la Chambre et de la population
canadienne, il prendrait plusieurs mesures.
Premièrement, il adopterait le projet de loi C-250.
Deuxièmement, il permettrait aux députés de voter conformément
aux voeux de leurs électeurs au lieu de se comporter en moutons et
de faire ce que leur dit leur chef ou un petit groupe d'élites.
Troisièmement, il pourrait faire en sorte que les comités soient
entièrement indépendants du ministère et puissent présenter des
projets de loi à la Chambre. La participation du public aux travaux
des comités serait réelle et les documents publiés par ces derniers ne
ferait pas la une des médias pendant une journée pour être ensuite
mis aux oubliettes comme des douzaines d'autres rapports de
comité disant la même chose.
(1815)
Les comités auraient l'occasion d'inclure les bonnes idées du
public dans des projets de loi qui seraient présentés à la Chambre,
modifiés et renforcés.
Malheureusement, à l'heure actuelle, lorsque je siège à un comité
et que j'écoute des citoyens pleins de bonnes intentions qui nous
font des suggestions constructives, cela me fend le coeur car je sais
que leur bonnes suggestions vont finir dans un rapport qui va être
oublié sur les tablettes.
On n'a pas besoin d'aller voir plus loin que la Commission royale
d'enquête sur les peuples autochtones, qui a coûté 60 millions de
dollars et qui a pris trois ans à mener à bien. Qu'en est-il advenu?
Rien. Son rapport traîne sur les rayonnages.
Lorsque j'étais membre du Comité de la santé, ce dernier
cherchait à déterminer ce qu'il devrait étudier. Le comité n'a pas
tenu compte des vingt premières propositions sur la liste de priorité
des députés et s'apprêtait à étudier la santé chez les autochtones.
Mme Rosemarie Kuptana, chef de l'organisme Inuit Tapirisat, a
témoigné devant le comité; elle a déposé une pile de documents sur
le pupitre et a déclaré: «Si vous avez l'intention de faire encore une
autre étude, ce n'est pas la peine. Nous voulons des gestes concrets.
J'ai un garage plein de documents comme ceux-ci sur des études à
notre sujet.»
Qu'a fait le Comité de la santé? Il a décidé de mener une étude sur
la santé mentale des autochtones pendant que la commission royale
8934
procédait à sa propre étude. Il ne s'agit pas d'un incident isolé; cela
se produit souvent à la Chambre.
Malheureusement, les députés n'ont pas le courage d'agir à cet
égard parce qu'ils ont peur de leur chef. Celui-ci règne sur eux en
maître et, avec une poigne de fer, leur dicte quoi faire et quoi penser.
S'ils n'obtempèrent pas, ils subissent des représailles.
C'est ce qui rend l'institution totalement inapte à répondre aux
besoins, aux attentes et aux souhaits de notre pays et de sa
population. En outre, cela constitue un affront pour ceux qui siègent
en cette Chambre.
Je termine en disant une dernière chose. Nous avons l'occasion
de rendre notre pays vraiment fort en tant que nation. Avant d'y
parvenir cependant, nous devons renforcer le Parlement et pour ce
faire, nous devons le rendre vraiment démocratique.
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, je suis heureux de parler de ce projet de loi d'initiative
parlementaire. Le projet de loi C-250 imposerait des dates fixes
pour les élections générales et les élections partielles au Canada.
Ce serait une situation diamétralement opposée à la situation
actuelle où les élections sont déclenchées à un moment choisi.
J'ajouterais que c'est un régime qui résulte de centaines d'années
d'évolution du régime parlementaire.
La pratique veut que le premier ministre choisisse un moment
propice pour les élections et en avertisse le gouverneur général qui
dissout la Chambre.
Dans les circonstances normales, le premier ministre continue
d'avoir la confiance de la Chambre. Il demande simplement un
renouvellement anticipé du mandat de son gouvernement,
c'est-à-dire avant la date prévue par la Constitution et en particulier
l'article 4 des modifications de 1982.
Cette disposition est compatible avec nos conventions
constitutionnelles et fixe à cinq ans la durée maximale d'une
législature, sauf circonstances exceptionnelles comme la guerre ou
d'autres crises nationales.
Notre régime repose essentiellement sur l'important lien existant
entre la Chambre des communes et l'exécutif. J'aimerais attirer
l'attention des députés sur les rôles que remplissent le Cabinet, la
Chambre des communes et le premier ministre dans notre
démocratie parlementaire.
On se saurait comprendre notre régime uniquement à la lecture
du libellé de notre Constitution. Il convient de prendre en compte
les conventions constitutionnelles qui sont tout aussi importantes
que les conventions écrites et notre Constitution pour comprendre le
fonctionnement de notre régime.
(1820)
Une notion constitutionnelle clé est la responsabilité
ministérielle. Les ministres sont individuellement et collectivement
responsables devant la Chambre des communes. Lorsque nous
parlons de responsabilité collective, nous faisons allusion, dans la
pratique, au rôle du Cabinet. En discutant de ce projet de loi
d'initiative parlementaire, mon collègue, le député
d'Ottawa-Vanier, a dit que le Cabinet est responsable en dernier
ressort devant la Chambre des communes. Le leadership qu'assure
le Cabinet revêt une importance cruciale pour les travaux qui se
déroulent au cours d'une session parlementaire. Je répète que c'est
dans ce contexte général que le Parlement est convoqué et dissous
sur les conseils que le premier ministre donne au gouverneur
général, habituellement après avoir consulté les membres de son
Cabinet.
La Chambre des communes a amplement d'occasions de tenir le
gouvernement responsable, en appliquant les principes de la
responsabilité ministérielle individuelle ou collective. Cela
comprend les débats de la Chambre, la période quotidienne des
questions, les débats sur le budget, les importants travaux des
comités parlementaires et les projets de loi et les motions présentés
par de simples députés. Qui plus est, le gouvernement ne peut pas
demeurer au pouvoir après avoir perdu l'appui des députés de la
Chambre des communes.
Le député d'Ottawa-Vanier a souligné une autre dimension
importante des rouages de notre démocratie parlementaire. Il a
mentionné le rôle du premier ministre, qu'il décrit comme primus
inter pares, le premier entre égaux. Cela ne veut pas dire que nous
avons un régime présidentiel comme dans d'autres pays.
Cependant, le premier ministre peut donner une orientation aux
politiques du gouvernement et à un programme législatif et susciter
la solidarité du Cabinet, favorisant la cohésion entre les membres du
caucus. À mon avis, cela situe dans son contexte approprié le
pouvoir de notre premier ministre de déclencher des élections
générales. Cela est conforme au rôle de dirigeant que joue le
premier ministre et reflète les conventions de notre Constitution au
sujet de la responsabilité collective. Cela a bien servi les Canadiens
depuis 130 ans.
Selon le projet de loi C-250, des élections générales pour la
Chambre des communes auraient lieu tous les quatre ans, le
troisième lundi d'octobre. Le premier ministre ne demanderait pas
au gouverneur général de dissoudre le Parlement, sauf sur une
motion de défiance. Un régime analogue s'appliquerait aux
élections partielles, qui seraient tenues en cas de nécessité.
Les députés d'en face ont présenté un certain nombre
d'arguments en faveur d'élections à une date fixe. Parmi les
avantages qui, selon eux, découleraient du projet de loi C-250, il y a
l'équité, l'obligation de rendre compte, une plus grande certitude et
la réalisation d'économies. Nous avons aussi entendu critiquer le
régime actuel concernant les élections partielles. La période entre le
moment où un siège devient vacant et celui où l'on déclenche
l'élection partielle est soit trop longue, auquel cas les électeurs
risquent d'en souffrir, soit trop courte, favorisant alors la réélection
du député sortant.
Il est important d'attirer l'attention de la Chambre sur le rapport
de la commission Lortie. Les arguments que nous a présentés notre
collègue n'ont rien de neuf. En effet, comme il le sait, la
Commission royale sur la réforme électorale et le financement des
partis, mieux connue sous le nom de commission Lortie, a aussi
entendu ces arguments en 1990 et 1991.
8935
(1825)
La commission Lortie a fait ressortir plusieurs inconvénients
qu'elle jugeait convaincants. Elle n'a cependant pas recommandé
l'adoption d'un régime de dates fixes comme celui qui est proposé
dans le projet de loi C-250, et cela pour un certain nombre de
raisons.
Premièrement, la commission n'était pas convaincue que les
élections à date fixe élimineraient l'avantage dont bénéficie le parti
au pouvoir du fait qu'il peut déclencher une élection générale au
moment qui lui est le plus favorable sur le plan politique. Le parti au
pouvoir pourrait toujours s'arranger pour que son propre
gouvernement tombe au moment opportun, rendant ainsi nécessaire
le déclenchement d'élections générales.
Deuxièmement, la commission craignait que le déclenchement
d'élections à date fixe donne lieu à des campagnes électorales plus
longues, qui coûteraient par conséquent plus cher. L'expérience
relative à la tenue des élections à une date fixe et de campagnes
électorales plus longues aux États-Unis constitue un bon argument
pour nous, à la Chambre.
La commission a fait allusion à la hausse des coûts des élections
présidentielles aux États-Unis, qui sont souvent déclenchées 18
mois ou plus avant la date des élections.
La commission Lortie a aussi relevé des précédents concernant la
tenue d'élections pour une durée de mandat fixe. Toutefois, il
importe de décrire le modèle précis qui a été mis au jour. D'une
façon générale, les mandats d'une durée fixe sont une
caractéristique des systèmes présidentiels. Nous connaissons tous le
précédent américain. Même si les mandats de durée fixe ne sont pas
rares dans les démocraties, ils semblent très rares dans les
démocraties parlementaires.
Comme on l'a fait remarquer, par comparaison au système
américain, notre système ne fait pas une distinction aussi nette entre
les fonctions du législatif et de l'exécutif.
La commission a fait allusion a plusieurs des points énoncés
relativement au rôle de la Chambre des communes en tant qu'entité
à laquelle le pouvoir exécutif doit rendre compte, et en tant
qu'entité chargée de s'assurer que le pouvoir exécutif continue de
jouir de la confiance requise. Elle a aussi fait allusion au rôle du
premier ministre et à l'importance des règles constitutionnelles
régissant la dissolution de la Chambre.
Elle a traité du maintien de l'autorité du premier ministre et de la
loyauté du caucus. Comme l'a mentionné la commission, le fait
d'éliminer cette règle pourrait nuire à la capacité du premier
ministre de s'acquitter de son rôle et de ses responsabilités, tout en
perturbant l'équilibre entre le pouvoir exécutif et l'assemblée élue.
À mon avis, il est prudent de préserver un système qui sert bien
les Canadiens depuis des centaines d'années.
En ce qui a trait à l'argument selon lequel le fait d'avoir des
élections à date fixe favoriserait l'élection d'un gouvernement plus
représentatif, permettez-moi de dire que je ne considère pas que
cette option soit. . .
Le vice-président: Le temps accordé au secrétaire parlementaire
est écoulé.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, il
me fait grand plaisir, en cette fin de journée, de prendre la parole, en
cette Chambre, sur le projet de loi C-250. Ce projet de loi a été
présenté par le député de Kindersley-Lloydminster.
C'est un projet de loi très intéressant en ce sens qu'il prévoit que
les élections générales auraient dorénavant lieu à date fixe. La date
proposée par notre collègue, dans son projet de loi, est le troisième
lundi d'octobre.
Examinons un peu la situation actuelle. Nous savons qu'à l'heure
actuelle notre premier ministre s'interroge sur l'opportunité de
déclencher des élections dans les mois, peut-être même les
semaines, qui viennent. En fait, on s'interrogeait même, l'automne
dernier, à savoir s'il n'y aurait pas des élections précipitées.
(1830)
J'imagine que notre premier ministre doit sortir un thermomètre
de l'opinion publique et regarder la température. En ce moment, il
doit se dire que la température au Québec n'est pas très chaude pour
le Parti libéral. Il regarde en Colombie-Britannique et voit que la
température est intéressante.
La question qu'il doit se poser sans aucun doute est la suivante: si
j'attends encore quelques mois, disons à l'automne, est-ce que la
température pourrait s'élever au Québec? Ou encore: si j'attends
quelques mois, est-ce que la température va baisser en
Colombie-Britannique? Je parle de la température de l'opinion
publique bien sûr.
Probablement que dans son raisonnement, il se dira que, même
s'il attendait encore quelques mois, la température ne montera
vraisemblablement pas au Québec, donc, il n'a pas d'intérêt à
retarder les élections. Par ailleurs, s'il attend quelques mois,
peut-être qu'en Colombie-Britannique, les réformistes vont
s'organiser davantage, peut-être que le Parti conservateur va
reprendre du poil de la bête et peut-être que finalement la
température va baisser.
Donc, avec un jeu de mesures, le premier ministre en vient à
décider du moment le plus opportun pour lui pour déclencher des
élections générales. Je ne peux pas blâmer le premier ministre du
Canada d'utiliser la manière dont le système fonctionne pour y
trouver son avantage, et l'avantage bien sûr de son parti, le Parti
libéral.
Mais en même temps, on doit s'interroger sur les conséquences
de cette façon de faire. En effet, pendant que nous attendons tous et
toutes que le premier ministre prenne sa décision, nous ne pouvons
pas planifier d'une façon décisive, d'une façon déterminante, des
événements qui risqueraient de se produire durant la campagne
électorale. Par exemple, des comités qui devraient entreprendre
certains travaux doivent garder en perspective que ces travaux
pourraient être interrompus, voire annulés, par la tenue d'une
élection générale, par exemple, en mai ou en juin.
8936
Mes collègues et moi-même, députés en cette Chambre, devons,
parmi nos défis dans nos comtés, prévoir qu'il ne nous sera
peut-être pas possible d'entreprendre certaines démarches en mai
ou en juin parce que le premier ministre décidera peut-être de
déclencher une élection générale. En fait, vous le réalisez, cette
façon de procéder crée un niveau d'incertitude qui est tout à fait
contraire aux intérêts de la productivité des députés de cette
Chambre.
Effectivement, comment une entreprise pourrait-elle prévoir ses
opérations à court, à moyen et à long terme, si elle devait, à
l'improviste, et selon la volonté de son dirigeant, les interrompre
pour passer à une période d'élection du conseil d'administration?
En fait, cette incertitude est nuisible à l'efficience même de cette
Chambre et des responsabilités qui incombent à ses députés
individuellement ou collectivement, en comité, et davantage
collectivement au niveau de la Chambre.
Le mérite du projet de loi qui est devant nous, c'est d'éliminer
cette incertitude, c'est de faire en sorte que l'on puisse savoir à
l'avance à quel moment des élections seront déclenchées et ainsi, de
pouvoir planifier en conséquence et les travaux de cette Chambre, et
les travaux des comités, et les travaux qui incombent à chacun et à
chacune des députés de cette Chambre.
(1835)
En même temps, n'allons pas croire que cela va priver le parti
ministériel et son premier ministre de la possibilité de tirer avantage
des nouvelles règles. Le parti ministériel lui aussi saura quand des
élections seront déclenchées et, par conséquent, il pourra prévoir
l'agenda législatif, il pourra prévoir ses diverses interventions, ses
communiqués de presse, ses nouvelles politiques, de manière à
mieux servir ses intérêts au niveau de la perception publique, en
fonction de la date prévue et connue d'élections.
En fait, il s'agit donc ici, non pas d'ôter à l'aile ministérielle les
avantages que lui confère ce pouvoir, mais de changer les règles du
jeu, de telle façon que les effets pervers des règles actuelles soient
évités.
Je dois vous dire que je me sens un peu inconfortable de discourir
ainsi sur une mesure concernant les élections canadiennes, alors
que, d'autre part, j'espère, j'anticipe et je souhaite de tout mon
coeur qu'il n'y aura plus, au Québec, d'élections canadiennes, le
Québec ayant acquis sa souveraineté.
Je dois vous dire qu'au Québec, d'ores et déjà, depuis les
commissions sur l'avenir du Québec, on s'est interrogé sur
l'appareil parlementaire parce que, effectivement, vous le savez
tous et toutes, au Québec, le Parlement est copié sur celui d'Ottawa,
lui-même copié sur celui de la vieille Angleterre.
Or, dans un Québec souverain, pourquoi devrait-on conserver un
appareil parlementaire qui, sans doute, a eu son mérite dans les
siècles passés, mais qui, à l'aube du siècle prochain, semble
particulièrement moins bien outillé pour faire face aux défis
nouveaux, pour représenter cette démocratie vivante qui évolue,
pour assurer une population de plus en plus branchée, par média
interposé, sur l'actualité, pour gouverner une population qui est
extrêmement éveillée à toutes les dimensions sociales, culturelles et
économiques qui se jouent sur le parquet de cette Chambre?
Donc, un parlementarisme nouveau, un parlementarisme
réinventé, un parlementarisme qui sera transparent pour la
population et qui ira chercher la confiance de la population,
puisqu'elle pourra le comprendre, voilà ce que le Québec souverain
de demain se doit d'envisager maintenant. Or, voir le même débat
sous une forme restreinte, mais sous une forme brillante, être
présenté ici en cette Chambre, ce soir, ne peut faire autrement que
de recueillir mon assentiment.
[Traduction]
M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le
Président, c'est avec grand plaisir que je prends part au débat sur le
projet de loi proposé par le député de Kindersley-Lloydminster.
Le projet de loi C-250 propose des mandats électoraux de durée
déterminée, avec une date fixe pour les élections, qui auraient lieu
tous les quatre ans.
Je voudrais parler de notre système actuel, car il est tout à fait
faussé. Le premier ministre, et lui seul, choisit la date. Je suis sûr
que parfois, même lui ne sait pas quand elles auront lieu. Ce semble
être le cas en ce moment. Mais cela fausse tout de même le système.
Les libéraux, qui sont au pouvoir en ce moment-tout comme les
conservateurs qui étaient là avant eux-, savent quand ils veulent
déclencher des élections. Ils consultent les sondages. Si les résultats
sont favorables et si les perspectives semblent l'être aussi, ils
déclenchent les élections. Dans le cas inverse, comme les libéraux
le constatent en ce moment, puisque leur cote baisse un peu, il est
possible qu'ils repoussent les élections à un peu plus tard. Ils
consultent les sondages et peuvent proposer quelques nouveaux
projets de loi ou un budget rassurant comme celui que le ministre
des Finances a présenté le mois dernier.
(1840)
Voilà le genre de politique dont les Canadiens n'ont pas besoin.
Nous avons besoin de règles du jeu équitables. Nous avons besoin
de savoir quand auront lieu les prochaines élections. Le premier
ministre pourrait déclencher des élections à l'improviste lorsque les
sondages sont favorables au Parti libéral. Il pourrait les retarder si
les sondages lui étaient défavorables.
La mesure à l'étude porte sur la responsabilité et la démocratie.
Le système n'est pas démocratique parce qu'il est faussé. Il ne
favorise pas la reddition de comptes, car lorsque le premier ministre
déclenche des élections, il ne rend pas des comptes aux Canadiens,
mais au Parti libéral, ce qui est absolument mauvais.
Le député libéral qui est intervenu avant moi a dit que le système
canadien est comme il devrait être et qu'on ne tient pas d'élections à
dates fixes dans certains autres pays. Je rappelle au député que les
mandats de durée déterminée existent en Angleterre depuis 1694.
Les gouvernements qui se sont succédés en Angleterre ont gardé le
pouvoir pendant des périodes plus ou moins longues, mais le
mandat de durée déterminée est toujours demeuré le même. L'Acte
constitutionnel de 1852 de la Nouvelle-Zélande a poursuivi la
tradition, fixant à cinq ans la durée maximale du mandat. En 1875,
la durée du mandat a été ramenée à trois ans, mais les élections se
tenaient toujours à dates fixes.
Nos voisins américains tiennent leurs élections le premier mardi
du mois de novembre. Les membres de la Chambre des représen-
8937
tants sont élus tous les deux ans, les membres du Sénat, tous les six
ans et le président, tous les quatre ans. Les Américains ont réussi à
composer avec cet état de choses depuis 210 ans. J'invite donc le
député d'en face à consulter les livres d'histoire, à regarder ce qui se
passe ailleurs, parce que la tenue d'élections à dates fixes est un
concept qui remonte à des centaines d'années. Le régime canadien
est détraqué.
Que dire de l'emploi du temps et des dépenses? Cela coûte cher,
lorsque le gouvernement déclenche des élections à l'improviste. Si
les élections étaient tenues à dates fixes, nous pourrions planifier
nos activités. Nous saurions exactement quand les élections
auraient lieu. Tous les partis, y compris les partis de l'opposition,
sauraient ce qui se passerait.
Certains diront que le Parti réformiste se lamente parce qu'il veut
avancer. Nous ne disons pas que nous serons toujours le parti de
l'opposition. Nous serons un jour au pouvoir. Tout parti de
l'opposition et tout Parlement a besoin de règles du jeu équitables.
Pas seulement pour que le Parti réformiste avance, mais pour que le
Canada progresse.
Je rappelle des promesse du livre rouge: une plus grande
responsabilité gouvernementale ou, comme nous dirions, des règles
du jeu équitables. Que se passe-t-il en face? Les libéraux ont promis
une réforme parlementaire. Qu'en est-il des votes libres? Pas plus
tard qu'il y a une heure, nous avons vu ce que cela voulait dire à la
Chambre. Nous avons voté sur l'article 745 du Code criminel et
qu'ont fait les libéraux à un homme et à une femme? Ils ont rejeté
cette motion. S'il y avait des votes libres à la Chambre, un certain
nombre de libéraux voudraient appuyer la motion. Ils ne l'ont pas
appuyée parce qu'on leur a dit de ne pas le faire. C'est ça, les votes
libres.
Il faut démocratiser la Chambre des communes. Il faut
démocratiser le Sénat. J'aurai peut-être un jour la chance de siéger
au Sénat. Le sénateur Len Marchand, de la Colombie-Britannique,
doit prendre sa retraite. La Colombie-Britannique a une loi qui
permet l'élection d'un sénateur de cette province. Le précédent a
déjà été créé. Le sénateur Stan Waters a été élu en Alberta au milieu
des années 1980. Qu'est-ce qui empêche cela? Le premier ministre
lui-même. Les habitants de la Colombie-Britannique veulent
pouvoir élire un sénateur. La loi existe. Le premier ministre de la
province dit qu'il veut qu'on élise un sénateur. Qu'arrive-t-il? Le
premier ministre dit non. Encore une fois, c'est la démocratie à la
façon des libéraux, et cela ne fonctionne tout simplement pas.
M. Hermanson: La démocratie des temps anciens.
M. Gilmour: Vous l'avez dit. C'est exactement cela. Mon
collègue est sur la bonne voie. Les libéraux partagent notre avis sur
beaucoup de ces questions, mais je soupçonne qu'on leur dira
encore une fois de voter en bloc contre ce projet de loi. On leur dira
que c'est n'est pas bon pour le Canada. En réalité, c'est pour eux que
ce n'est pas bon.
J'appuie entièrement mon collègue. Des élections à date fixe tous
les quatre ans, c'est vraiment la meilleure solution.
(1845)
Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, moi aussi, je voudrais dire à quel point je suis heureuse de
pouvoir intervenir sur le projet de loi que mon collègue, le député de
Kindersley-Lloydminster, a présenté sur cette importante question
d'intérêt public.
Comme vous le savez, monsieur le Président, et comme le savent
aussi les Canadiens qui nous écoutent, les simples députés peuvent,
en vertu du Règlement, présenter des projets de loi et des motions
sur des questions d'intérêt public auxquelles le gouvernement du
jour ne s'intéresse pas.
Toute cette question d'une démocratisation accrue de nos
institutions démocratiques en est une dont les libéraux, ce qui est
caractéristique de leur part, ont fait beaucoup état avant les
élections. En effet, ils ont fait toutes sortes de belles propositions de
démocratisation du régime parlementaire, mais une fois élus, quand
le temps est venu de passer aux actes, ils ont été pris soudainement
de peur et n'ont rien fait ou presque de ce qu'ils avaient promis de
faire avant les élections.
Je tiens à donner aux Canadiens l'assurance que le Parti
réformiste a l'intention de démocratiser les institutions
parlementaires et les procédures de scrutin dans notre pays. Depuis
la fondation du Parti réformiste, nous nous sommes engagés à le
faire et nous avons en fait déjà rédigé un projet de loi pour apporter
les changements qui s'imposent, projet de loi que nous présenterons
dès notre élection. C'est une des mesures législatives que nous
présenterions.
Nous avons entendu des arguments pour et contre toute cette
question de la tenue d'élections à une date fixe. Je prendrai les
quelques minutes dont je dispose pour contredire les arguments
avancés par les opposants aux élections à date fixe et expliquer aux
Canadiens pourquoi nous ne trouvons pas du tout ces arguments
convaincants.
Tout à l'heure, un député libéral a laissé entendre que la
commission Lortie, une commission qui a fait une étude très
complète sur la réforme électorale au Canada et a présenté son
rapport récemment, n'appuyait pas l'idée des élections à date fixe.
Ce n'est pas exact.
Dans le sommaire du rapport de la commission, on lit ceci:
«L'argument en faveur de la tenue des élections fédérales à date fixe
repose essentiellement sur la plus grande facilité d'administrer et
d'organiser les élections et sur la production de meilleures listes
électorales. Un ou deux intervenants ont laissé entendre que la tenue
des élections à date fixe était aussi plus démocratique parce que cela
enlève au parti au pouvoir la possibilité de déclencher les élections
au moment qui lui est le plus favorable.»
Le rapport ne traitait pas de la question de la tenue d'élections à
date fixe, sauf pour dire qu'elle avait été soulevée et que des
arguments avaient été présentés en faveur de cette idée et contre
cette idée. On a induit les gens en erreur en citant certains des
arguments qui ont été présentés à la commission contre la tenue
8938
d'élections à date fixe et en laissant entendre que c'était là la
conclusion de la commission. C'est pourquoi je tenais à dire
clairement à la Chambre que la commission Lortie ne s'était pas
prononcée en faveur de la tenue d'élections à date fixe ni contre
cette idée.
On a fait valoir environ huit arguments principaux contre la tenue
d'élections à date fixe. Ces arguments ont principalement été
présentés dans un document préparé par Eugene Forsey et une autre
personne. C'était un document bien rédigé et fort intéressant qui
contenait une bonne dose d'humour, mais les conclusions laissaient
à désirer, et je vais expliquer à la Chambre pourquoi.
Quatre de ces huit arguments étaient en fait fondés sur l'idée que
la tenue d'élections à date fixe empêcherait qu'une motion de
défiance ne fasse tomber le gouvernement plus tôt. Ceux qui ont
suivi le débat savent bien sûr que le projet de loi de mon collègue
continue de prévoir l'éventualité où la Chambre adopte une motion
de défiance, et permet par ailleurs à la Chambre de continuer de
siéger au-delà de la date fixée pour les élections en cas de guerre,
d'invasion ou d'insurrection, comme cela est actuellement prévu
dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Les arguments selon lesquels les députés ne pourraient pas
provoquer la chute du gouvernement lorsque que ce dernier n'a plus
la confiance de la Chambre ne tiennent pas non plus. Le projet de loi
de mon collègue y répond clairement.
(1850)
Il y a quatre autres arguments, toutefois, dont je voudrais dire
quelques mots. Le premier est que, avec des élections à date fixe, il
serait plus difficile de se débarrasser d'un gouvernement
impopulaire entre les élections, en partie, je suppose, parce qu'on
présume qu'il ne saurait y avoir de motion de défiance. Je viens de
signaler que ce n'est pas le cas conformément à ce projet de loi. En
outre, les gouvernements ne seraient pas soumis aux mêmes
pressions si les élections étaient à date fixe.
J'estime que les gouvernements impopulaires ont la belle vie
dans cette démocratie où les gouvernements peuvent s'accrocher au
pouvoir même passée la période de cinq ans prévue par la
Constitution. Plus un gouvernement est impopulaire, plus il semble
s'accrocher au pouvoir et éviter de déclencher des élections. À mon
avis, des élections à date fixe nous permettraient d'avoir la certitude
de pouvoir faire sortir ces coquins à coups de pied quelque part, au
lieu de devoir attendre qu'ils déclenchent des élections à la dernière
limite.
Le deuxième point est qu'il est des circonstances où un
gouvernement a besoin de consulter ou veut pouvoir consulter la
population sur des questions importantes, comme le libre-échange,
et serait dans une impasse s'il ne pouvait le faire.
Je suis très heureuse de dire que, personnellement, j'ai réglé le
problème pour les gens qui m'ont fait cette objection. J'ai déposé un
projet de loi d'initiative parlementaire visant à modifier la Loi sur le
référendum pour que le public soit consulté sur les grandes
questions d'intérêt public à l'initiative d'un gouvernement ou des
Canadiens. Ce ne serait pas nécessaire de déclencher des élections.
J'ai moi-même déposé un projet de loi et mon collègue de
Vancouver Nord en a aussi déposé un pour qu'on puisse avoir
recours aux référendums. Cet argument n'est donc pas plus valable.
Le troisième argument, c'est que le déclenchement d'élections
est un outil important et légitime pour notre gouvernement. La
menace de dissolution permet aux gouvernements de s'assurer
l'obéissance des ministériels et de garder l'opposition dans
l'incertitude.Si c'est le meilleur argument qu'on puisse invoquer
contre l'idée des dates d'élections fixes, nous devrions avoir honte.
En fait, dans une démocratie, rien ne devrait jamais justifier que
l'exécutif menace les simples députés d'une dissolution du
Parlement pour les faire obéir et garder l'opposition dans
l'incertitude.
C'est très clair que les gouvernements de notre pays ont presque
tous les avantages possibles. Rien ne nous permet de supposer que
les gouvernements seraient pénalisés s'ils étaient privés de cet
avantage.
La dernière raison invoquée est que nous nous trompons en
croyant que les membres des gouvernements sont élus. En fait, ils
sont nommés. Ils doivent rendre des comptes à la Chambre des
communes et les élections ne concernent que les personnes siégeant
à la Chambre des communes. Parmi elles, certaines sont choisies,
censément par l'État, pour former le gouvernement. Tout cela est
totalement absurde.
Lorsque les gens votent, ils votent pour le parti qu'ils désirent
voir à la tête du pays. Les Canadiens ne prévoient pas élire tel ou tel
nombre de députés. La grande question est de savoir qui formera le
gouvernement. Tous les arguments invoqués contre les élections à
dates fixes ne tiennent tout simplement pas debout. Ils ne sont
même pas difficiles à réfuter. C'est incroyablement facile.
Je vais conclure en citant un extrait d'un article du chroniqueur
Andrew Coyne, publié le mois dernier dans la Gazette de Montréal.
M. Coyne écrit: «Le Canada est l'une des rares démocraties qui
laissent encore au gouvernement en place le soin de décider quand
des élections vont se tenir. Cette prérogative place de toute évidence
le gouvernement en situation de conflit d'intérêts. Le gouvernement
en place jouit déjà d'un avantage suffisant sans prendre les partis de
l'opposition par surprise.
«Les naïfs peuvent penser que les élections sont une occasion
pour la population de se choisir un gouvernement. Au Canada, c'est
le gouvernement qui s'adresse à la population au moment où il juge
que celle-ci est le plus susceptible d'être réceptive. Le seul véritable
changement qu'entraînerait le fait d'avoir des élections à date fixe
serait d'enlever au gouvernement le pouvoir qu'il détient
actuellement de déclencher des élections au moment le plus
avantageux pour lui.
«Le fait de tenir des élections à date fixe serait tout à fait
compatible avec une structure parlementaire. Ce n'est incompatible
qu'avec une dictature parlementaire telle que nous avons au
Canada.»
8939
(1855)
J'exhorte les députés de la Chambre à appuyer ce projet de loi
très sensé proposé par le député de Kindersley-Lloydminster.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je suis
heureux d'avoir l'occasion de participer à ce débat. J'ai été élu ici en
tant que réformiste très intéressé à reformer le Parlement. Les gens
de Elk Island, surtout les gens de l'Ouest où j'ai grandi et où j'ai
passé toute ma vie, ont dit très clairement qu'il fallait faire en sorte
que le Parlement travaille dans l'intérêt des gens qui nous ont élus.
C'est avec beaucoup de plaisir que j'appuie ce projet de loi
d'initiative parlementaire de mon collègue. C'est une autre façon de
demander des comptes au gouvernement. C'est une autre façon de
redonner le pouvoir aux Canadiens au lieu de le confier à leur
gouvernement entre les élections.
Cela fait partie d'un problème plus large, selon moi. Je suis
affligé par le fait qu'on constate sans cesse qu'une poignée de
personnes exercent tout le pouvoir au Parlement. On en a déjà parlé,
mais j'ai été particulièrement peiné ce soir durant le vote.
Le Règlement m'empêche de parler d'un vote qui a eu lieu et je
m'enfreindrai donc pas le Règlement, mais je tiens simplement à
dire qu'on voit constamment les ministériels voter comme on le leur
ordonne. J'ai bien du mal à croire que sur toutes les questions, ils
sont toujours tout à fait d'accord avec ce que le whip du
gouvernement dit. Si c'est le cas, je suis très surpris.
Je voudrais voir une véritable liberté au Parlement et la fin de la
manipulation à laquelle se livrent le premier ministre et les
ministres dans le cadre des votes.
Je voudrais m'arrêter sur la question dont nous traitons ce soir. Il
s'agit de la proposition selon laquelle les gens devraient, en fait,
être en mesure de planifier à l'avance la date des prochaines
élections fédérales.
Je suis nouveau sur la scène politique. J'ai travaillé en tant
qu'instructeur à l'Institut de technologie du nord de l'Alberta. À
partir de ma nomination en 1992 jusqu'au déclenchement des
élections, enfin, à l'automne 1993, j'ai vécu dans l'incertitude
pendant 16 ou 17 mois. J'ignorais si je devais oui ou non aviser mon
employeur et mes étudiants qu'ils pourraient continuer à compter
sur mes services jusqu'à la fin du semestre ou jusqu'à la fin de
l'année. Je n'étais pas en mesure de planifier financièrement et je ne
pouvais pas planifier non plus ma carrière et ma vie.
J'ai appuyé fortement à l'époque une des propositions faites par
le Parti réformiste dans son programme électoral, qui consistait à
tenir des élections périodiquement, à des dates déterminées à
l'avance.
Pourquoi ne pouvons-nous pas dire aux Canadiens que le
gouvernement va gouverner de façon démocratique et leur rendre
des comptes en déclenchant des élections? Certains parlementaires
disent que la meilleure façon de rendre des comptes, c'est de
déclencher des élections pour demander aux gens s'ils sont prêts à
nous réélire, ainsi que notre partie en fonction de notre bilan. Je
pense que c'est la force de la démocratie. Il n'y a rien au monde qui
puisse nous empêcher de procéder ainsi à des dates prédéterminées,
selon une certaine régularité. La seule exception admissible serait
une véritable urgence nationale.
(1900)
Je suis très favorable à la démocratisation du Parlement, de la
Chambre des communes, ce lieu où les Canadiens espèrent que
leurs aspirations seront entendues. Les Canadiens s'attendent à ce
que leurs désirs soient comblés quant aux règles qui sont élaborées
pour régir leur existence et l'usage qui est fait des deniers publics.
Ces réformes parlementaires sont absolument nécessaires. Plus
tôt nous les réaliserons, mieux cela voudra. C'est honteux de
tergiverser ainsi, j'allais dire pendant des siècles et des siècles, alors
que notre pays est encore tout jeune. Nous continuons d'aller notre
petit bonhomme de chemin sans nous préoccuper d'évoluer, de
changer pour le mieux-être du Canada, d'opter pour une véritable
démocratie.
Il est grand temps d'agir, surtout face aux défis auxquels nous
sommes confrontés. Il nous faut faire en sorte que les citoyens de ce
pays aient la possibilité d'élire un gouvernement juste et intègre, un
gouvernement qui tiendra compte de leurs aspirations, un
gouvernement qui fonctionnera à leur rythme.
Les grands problèmes ne manquent pas: la dette, la question de
l'unité nationale, notre système judiciaire et son incapacité de
répondre aux besoins des Canadiens, puis, au Parlement, on se
heurte encore et toujours à un mécanisme qui nous empêche de
procéder à de véritables changements. Je veux parler de
l'impossibilité d'équilibrer le budget. C'est de tout cela dont il
s'agit quand on considère la façon dont le Parlement fonctionne.
C'est donc avec grand plaisir que j'exhorte les parlementaires à
exercer leur droit, conformément à la Loi électorale du Canada et à
la Loi sur le Parlement du Canada. Personne ne devrait pouvoir
influencer leur vote. Lorsque viendra le moment de voter sur ce
projet de loi, j'espère qu'ils voteront comme il convient, et non
simplement comme on leur dira de le faire. Ils devraient y songer
individuellement et représenter leurs électeurs. Ce sont eux qui
nous ont élus. Ils devraient faire ce qui est mieux pour eux, et non ce
qui est mieux pour un parti. Ils ne devraient pas tout simplement
essayer de prolonger la période de temps où ils sont au pouvoir. Il
n'est plus acceptable que des gouvernements soient au pouvoir en
traitant les gens avec arrogance, en faisant abstraction de leurs
désirs, en poursuivant leurs activités, pour tenter ensuite de
manipuler le vote en choisissant très soigneusement la date des
élections.
Lorsque viendra le moment de voter, je vais surveiller les députés
autres que réformistes pour m'assurer qu'ils voteront comme il
convient, conformément à l'objet réel du débat.
Appuyons ce projet de loi, non pas parce qu'il a été présenté par
un député du Parti réformiste, mais parce qu'il se faisait attendre
depuis longtemps. Ce projet de loi est nécessaire pour améliorer
notre régime démocratique.
8940
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, c'est avec plaisir que je prends la parole ce soir pour
appuyer de tout coeur le projet de loi à l'étude, comme je l'ai fait
précédemment en comité. Je suis heureux de le faire ici, en public,
pour que mes propos soient consignés dans le hansard et donner un
caractère officiel à mon appui. Ce n'est pas que ma position diffère
de celle de mes collègues réformistes. . .
Le vice-président: Je suis désolé, mais la période réservée à
l'étude des initiatives parlementaires est écoulée. J'accorderai la
parole au député la prochaine fois que la Chambre reprendra l'étude
de cette question.
(1905)
[Français]
La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés
est maintenant expirée et l'ordre est reporté au bas de la liste de
priorité au Feuilleton.
______________________________________________
8940
MOTION D'AJOURNEMENT
[
Français]
L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité
de l'article 38 du Règlement.
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le
Président, jeudi dernier, je posais une question en cette Chambre à
l'honorable ministre de l'Agriculture concernant la somatotrophine
bovine recombinante.
Cette fameuse hormone qu'on peut injecter à une vache peut
augmenter sa production laitière de 10 p. 100, 15 p. 100 et parfois
jusqu'à 25 p. 100. Elle devient une vache bionique ou presque.
Évidemment, l'industrie pharmaceutique a investi plusieurs
centaines de millions de dollars pour mettre au point cette fameuse
hormone miracle. Cependant, on est incertain de l'effet de cette
hormone sur les vaches d'abord, mais également chez les
consommateurs de ce lait produit grâce à notre vache bionique.
J'ai rappelé à l'honorable ministre de l'Agriculture que les
douaniers ont intercepté à au moins trois reprises soit des
agriculteurs ou encore des gens malhonnêtes qui importaient cette
fameuse hormone qui est interdite de fabrication, d'importation et
aussi d'utilisation au Canada.
Un douanier, tout à fait par hasard, a demandé d'ouvrir le coffre
arrière d'une automobile rempli de seringues de somatotrophine.
C'est un peu comme la drogue. La drogue saisie ne représente
même pas 1 p. 100 de ce qui est importé et consommé au Canada. Si
on applique le même ratio à la somatotrophine, on peut présumer
présentement qu'au Canada, on risque de boire, sans le savoir, du
lait produit par des vaches bioniques.
J'ai demandé au ministre ce qu'il entendait faire pour corriger la
situation. Il m'a répondu bêtement: «Ce sont les douaniers qui
doivent faire leur job, et j'espère qu'ils font bien leur job.» Ça, c'est
une réponse que je ne pouvais malheureusement accepter, venant de
la bouche même du ministre de l'Agriculture.
D'autre part, nous sommes présentement, pour une année encore,
en période de réflexion, d'analyse, ayant un moratoire sur
l'utilisation de cette fameuse hormone. Le ministère, le
gouvernement, subit, c'est certain, le lobby de la Monsanto, par
exemple, la compagnie pharmaceutique qui a mis au point cette
fameuse hormone, puisqu'il y a une fortune de liée à la vente de
somatotrophine au Canada.
Donc, je réclame de ce gouvernement, et je terminerai là-dessus,
une enquête, un débat public sur l'utilisation de l'hormone. Ce
serait un débat où les consommateurs seraient invités à faire valoir
leurs droits, ainsi que les producteurs, les transformateurs et
également les producteurs de somatotrophine, donc l'industrie
pharmaceutique.
On n'a pas le droit d'imposer ce produit aux Canadiens et aux
Canadiennes, notamment pour protéger la santé publique. On vient
d'adopter, supposément pour protéger la santé publique, une loi
anti-tabac. Alors, je souhaite que ce gouvernement, qui veut le bien
et la santé de nos enfants, tienne un débat public, à savoir si on doit
utiliser, produire, vendre ce produit qu'on appelle la
somatotrophine.
[Traduction]
M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de
l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le
Président, je remercie le député d'en face de sa question.
Santé Canada a révélé que, selon son évaluation, le lait et les
produits laitiers venant de vaches traitées avec la STbr, ou
somatotrophine bovine recombinante, ne présentent aucun risque
pour la santé des humains. Toutefois, le ministère continue
d'analyser le produit pour assurer la santé des animaux et pour des
raisons d'efficacité, et aucune décision n'a encore été prise
concernant l'octroi d'une licence au Canada. Par conséquent,
l'importation au Canada de STbr à des fins commerciales et
personnelles est interdite.
Les fonctionnaires des douanes de Revenu Canada ont fait preuve
de diligence pour contrôler l'importation illégale de produits non
autorisés. Ils ont intercepté trois livraisons en 1996. Revenu Canada
peut porter des accusations contre les personnes qui importent tout
produit illégal, et pas seulement la STbr. Autre preuve de cette
diligence, une nouvelle alerte douanière a été lancée en janvier
dernier.
Quant à la tenue d'un débat sur la STbr, permettez-moi de
rappeler à tous les députés que, en 1995, le gouvernement a mis sur
pied un groupe de travail pour examiner les questions que soulève
ce produit, en dehors des problèmes de santé et de sécurité, comme
les coûts et les avantages pour l'industrie laitière canadienne et les
conséquences possibles pour la santé et la génétique animales. Une
étude a également été commandée sur les réactions du consomma-
8941
teur américain avant et après l'autorisation de la STbr aux
États-Unis. Cette information a été remise au ministre le 1er mai
1995 et, immédiatement après, aux comités permanents de
l'agriculture et de la santé.
Pour ce qui est de l'avenir de la STbr au Canada, tant que mon
collègue, le ministre de la Santé, n'aura pas décidé si le produit doit
être autorisé ou non, je continuerai de soutenir les efforts de son
ministère pour étudier le produit, et nous appuierons aussi les
efforts que déploie Revenu Canada pour faire respecter la
réglementation en vigueur.
[Français]
Le vice-président: La motion portant que la Chambre s'ajourne
maintenant est réputée adoptée. La Chambre demeure donc
ajournée jusqu'à demain, à 14 heures.
(La séance est levée à 19 h 12.)