TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 17 avril 1997
Projet de loi C-95. Adoption des motions de présentation etde première lecture 9845
Projet de loi C-96. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 9845
Adoption de la motion; première lecture et impression duprojet de loi 9845
Projet de loi C-97. Adoption des motions de présentationet de première lecture 9846
Projet de loi C-406. Adoption des motions de présentationet de première lecture 9846
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 9846
Projet de loi C-46. Étape du rapport 9848
Motion d'approbation 9848
Adoption de la motion 9848
Projet de loi C-46. Motion de troisième lecture 9848
Adoption de la motion; troisième lecture et adoption duprojet de loi 9854
Projet de loi C-34. Troisième lecture 9854
M. Chrétien (Frontenac) 9854
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 9858
M. Hill (Prince George-Peace River) 9864
M. Hill (Prince George-Peace River) 9868
Adoption de la motion; troisième lecture et adoption duprojet de loi 9872
Projet de loi C-38. Étape du rapport 9872
Motion d'approbation et de deuxième lecture 9872
Adoption de la motion; deuxième lecture du projetde loi 9872
Motion de troisième lecture 9872
M. Chrétien (Frontenac) 9873
M. Harper (Churchill) 9877
M. Speaker (Lethbridge) 9878
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 9879
M. Hill (Prince George-Peace River) 9881
M. Hill (Prince George-Peace River) 9881
M. Martin (LaSalle-Émard) 9881
M. Hill (Prince George-Peace River) 9882
M. Martin (LaSalle-Émard) 9882
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9882
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9882
M. Martin (LaSalle-Émard) 9883
M. Martin (LaSalle-Émard) 9883
M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 9885
M. Martin (LaSalle-Émard) 9885
M. Martin (LaSalle-Émard) 9886
M. Martin (LaSalle-Émard) 9886
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 9886
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 9886
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9888
Projet de loi C-38. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 9888
M. Hill (Prince George-Peace River) 9896
Adoption de la motion; troisième lecture et adoption duprojet de loi 9900
Projet de loi C-77. Motion de deuxième lecture 9900
Adoption de la motion; deuxième lecture du projet deloi; avec le consentement unanime, étude en
comité;rapport 9902
Motion d'approbation 9902
Adoption de la motion 9902
Motion de troisième lecture 9902
Adoption de la motion; troisième lecture et adoption duprojet de loi 9902
Projet de loi C-95. Motion de deuxième lecture 9902
Adoption de la motion; deuxième lecture du projetde loi 9905
Reprise de l'étude de la motion 9907
M. Speaker (Lethbridge) 9912
9845
CHAMBRE DES COMMUNES
Le jeudi 17 avril 1997
La séance est ouverte à 10 heures.
_______________
Prière
_______________
AFFAIRES COURANTES
[
Français]
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai
l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse
du gouvernement à 22 pétitions.
* * *
[
Traduction]
L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du
Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, conformément
au paragraphe 32(2) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans
les deux langues officielles, le plan de gestion du parc national
Banff.
* * *
L'hon. Roger Simmons (Burin-Saint-Georges, Lib.):
Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux
langues officielles, le septième rapport du Comité permanent de la
santé.
(1005)
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, votre
comité a convenu d'adopter le rapport sur les stratégies de
prévention pour que les enfants soient en bonne santé.
Conformément à l'article 109 du Règlement, le comité demande à
avoir une réponse globale à ce rapport dans les 150 jours.
Je me permets de signaler l'excellent travail de tous les membres
du comité de tous les partis représentés à la Chambre que je
remercie sincèrement pour leur diligence à l'égard de ce que nous
croyons être une importante contribution à la recherche de
stratégies pour que les enfants soient en bonne santé.
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans,
BQ): Monsieur le Président, à titre de président du Comité
permanent des comptes publics, j'ai l'honneur de présenter le
huitième rapport de ce comité.
Conformément à son ordre de renvoi du jeudi 20 février 1997, le
Comité a examiné le crédit 30 sous la rubrique Finances du Budget
des dépenses principal pour l'exercice financier se terminant le 31
mars 1998, et en fait rapport. Un exemplaire des procès-verbaux
pertinents, qui comprend le présent rapport, est déposé.
* * *
[
Traduction]
L'hon. Herb Gray (au nom ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.) demande à présenter le projet de loi
C-95, Loi modifiant le Code criminel (gangs) et d'autres lois en
conséquence.
(Les motions sont adoptées, et le projet de loi est lu pour la
première fois et l'impression en est ordonnée.)
* * *
[
Français]
L'hon. Alfonso Gagliano (au nom du ministre des Pêches et
des Océans) demande la permission de déposer le projet de loi
C-96, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et la
Loi sur la marine marchande du Canada afin de mettre en oeuvre
l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982
relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont
les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones
économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de
poissons grands migrateurs.
(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la
première fois et imprimé.)
9846
[Traduction]
L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader
adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
demande à présenter le projet de loi C-97, Loi modifiant la partie II
du Code canadien du travail portant sur la santé et la sécurité au
travail, et d'autres lois en conséquence.
(Les motions sont adoptées, et le projet de loi est lu pour la
première fois et l'impression en est ordonnée.)
* * *
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.) demande à
présenter le projet de loi C-406, Loi modifiant le Code criminel, la
Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
et la Loi sur l'immigration, afin de faire de la propagation du VIH et
du sida de nouvelles infractions et rendre obligatoire chez les
détenus et les immigrants le dépistage des maladies sexuellement
transmissibles en vue d'enrayer la propagation de la maladie.
-Monsieur le Président, chaque projet de loi que je présente à la
Chambre s'inspire d'une histoire triste et celui visant à faire de la
transmission du VIH et du sida une infraction criminelle et à rendre
leur dépistage obligatoire ne fait pas exception à la règle.
(1010)
En septembre 1992, Margot Blackburn, de Dunham, au Québec,
a été violée dans une église par un détenu qui bénéficiait d'une
permission de sortir.
En 1994, Mme Blackburn a présenté une pétition de 50 000
signatures au ministre de la Justice, qui y a répondu en donnant aux
droits des criminels préséance sur ceux des victimes et en refusant
de modifier la loi de manière à obliger les violeurs à se soumettre à
des tests de dépistage du sida. Mme Blackburn a décrit l'enfer
qu'elle a vécu depuis cinq ans.
Mon projet de loi donnerait à Mme Blackburn et à toutes les
victimes l'espoir que ce simulacre de justice peut être enrayé. Il
prévoit un certain nombre de mesures visant à limiter la propagation
du VIH, du sida et des maladies sexuellement transmissibles en
créant de nouvelles infractions criminelles relativement à la
transmission du VIH et du sida, en rendant obligatoires les tests de
dépistage du VIH pour 13 catégories d'infractions criminelles, en
exigeant le dépistage régulier du VIH chez les détenus, en créant un
établissement carcéral axé sur la santé pour les détenus dont les
résultats des tests sont positifs et en ajoutant les tests de dépistage
du VIH et du sida à ceux que doivent subir les immigrants et les
réfugiés.
Le projet de loi accorde aux droits des victimes la préséance sur
ceux des criminels. Il accorde à la santé et à la sécurité des gardiens
de prison la préséance sur les droits des prisonniers. Le projet de loi
enrayera la propagation du VIH et du sida, il améliorera aussi la
santé et la sécurité des citoyens canadiens et il sauvera des vies.
(Les motions sont adoptées, et le projet de loi est lu pour la
première fois et l'impression en est ordonnée.)
* * *
Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.):
Monsieur le Président, je suis heureuse de présenter une pétition au
nom d'un certain nombre d'habitants des comtés d'Essex, de Kent
et de Lambton ainsi que de la ville de Windsor.
Cette pétition a trait à la question de l'équité salariale dans la
fonction publique fédérale.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
j'ai deux pétitions à présenter aujourd'hui.
La première vient de St. John's, à Terre-Neuve. Ces
pétitionnaires voudraient attirer l'attention de la Chambre sur le fait
que les policiers et les pompiers mettent leur vie en danger tous les
jours en répondant aux appels d'urgence des Canadiens. Ils
affirment également que, dans bien des cas, les familles des
policiers et des pompiers tués dans l'exercice de leurs fonctions
sont souvent laissées sans ressources pécuniaires suffisantes pour
faire face à leurs obligations.
En conséquence, les pétitionnaires demandent au Parlement de
créer un fonds d'indemnisation des agents de sécurité publique, qui
pourrait recevoir des dons ou des donations pour les familles des
policiers et des pompiers tués dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
la deuxième pétition vient de Saskatoon, en Saskatchewan. Les
pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que la
gestion d'un foyer, dont le soin des enfants d'âge préscolaire,
constitue une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste
valeur dans notre société.
Les pétitionnaires prient donc le Parlement de prendre des
mesures pour éliminer la discrimination fiscale envers les familles
qui décident de s'occuper à la maison des enfants d'âge préscolaire,
des personnes handicapées, des malades chroniques ou des
personnes âgées.
M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, je veux
présenter une pétition préparée par des élèves de l'école secondaire
parallèle de Ladner, en Colombie-Britannique. Je les félicite pour
l'intérêt qu'ils manifestent pour les travaux de la Chambre des
communes.
Le texte de la pétition est le suivant: «Nous, habitants de la
municipalité de Delta, en Colombie-Britannique, attirons
l'attention de la Chambre des communes sur les problèmes
suivants: le nombre de jeunes chômeurs augmente sans cesse et leur
sentiment d'aliénation en pousse beaucoup vers la criminalité et le
suicide; il existe chez les jeunes un manque de motivation qui est en
grande partie attribuable au chômage qui conduit à la
consommation de drogues et à l'abus d'alcool; les programmes
d'emploi existants ne sont pas facilement accessibles aux jeunes de
niveau secondaire et
9847
ils sont exagérément axés sur un groupe sélect de participants. Par
conséquent, les pétitionnaires prient humblement le Parlement de
soutenir les programmes d'emploi locaux destinés aux jeunes
comme le Delta Youth Services.»
Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.):
Monsieur le Président, je suis heureuse de présenter une pétition
signée par 87 habitants de Guelph-Wellington.
Ces pétitionnaires exhortent le gouvernement, particulièrement
la ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et
de logement, à suspendre immédiatement les négociations sur le
transfert des programmes de logement social à la province de
l'Ontario et à ne les reprendre qu'à la condition que la ministre
adopte une série de principes établis en consultation avec les
intervenants du secteur du logement coopératif.
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Monsieur le Président, j'ai
deux pétitions à présenter ce matin. La première est signée par des
milliers d'habitants de ma ville, North Bay, en Ontario.
Les habitants de North Bay prient humblement le Parlement de
ne pas faire d'autres réductions d'effectifs, compte tenu du fait que
242 emplois seront supprimés à l'escadre 22 au cours des dix-huit
prochains mois. Les pétitionnaires demandent aussi que l'escadre
22 et les escadrons 21 et 51 restent à North Bay, que le
gouvernement annonce que le maintien de la base aérienne à North
Bay avant les prochaines élections, que le système informatique
prototype pour la surveillance aérienne soit installé à North Bay en
1998, que le site canadien permanent pour le nouveau système de
surveillance demeure à North Bay et qu'on tienne davantage de
consultations publiques avant de supprimer d'autres emplois ou
d'autres installations, y compris le site souterrain.
(1015)
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Monsieur le Président,
conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de
présenter une pétition.
Les membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada
dans la circonscription de Nipissing, que je représente, prient
humblement le gouvernement de garantir que le Conseil du Trésor,
représentant l'employeur, agira de bonne foi en ayant recours à des
pratiques de négociation ouvertes et honnêtes et de garantir aussi
qu'il n'abusera pas de son pouvoir en légiférant à l'égard de toute
partie de la convention collective négociée et signée par le Conseil
du Trésor, représentant l'employeur, et l'Alliance de la fonction
publique du Canada, représentant les employés; de garantir que la
question de l'équité salariale sera réglée avant les prochaines
élections et que ce règlement n'entraînera pas la suppression
d'autres emplois.
Les pétitionnaires demandent que cette pétition soit lue à la
Chambre des communes et appuyée par un député
démocratiquement élu avant les prochaines élections fédérales.
M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, je
suis heureux de présenter deux pétitions.
La première pétition est signée par 99 électeurs de ma
circonscription. Les pétitionnaires demandent au Parlement de
veiller à ce que les dispositions actuelles du Code criminel
interdisant l'aide au suicide soient appliquées rigoureusement.
Ils demandent au Parlement de n'apporter à la loi aucune
modification qui aurait pour effet d'approuver ou de permettre
l'aide au suicide ou l'euthanasie active ou passive.
M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, la
seconde pétition es signée par 52 de mes électeurs. Les
pétitionnaires demandent au Parlement d'exhorter le gouvernement
fédéral à se joindre aux gouvernements provinciaux pour remettre
en état le réseau routier national, comme cela se fait aux États-Unis
et au Mexique.
M. Brent St. Denis (Algoma, Lib.): Monsieur le Président, j'ai
l'honneur de présenter un pétition signée par environ 100 résidents
de ma circonscription, Algoma, principalement dans la région
d'Elliot Lake et de Blind River.
Les pétitionnaires s'inquiètent à la pensée qu'il y a 30 000 armes
nucléaires sur la terre à l'heure actuelle. Ils citent l'ancien secrétaire
général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, qui déclarait:
Le moyen le plus sûr et le plus rapide d'éliminer la menace des armes nucléaires
est de les éliminer complètement.
Puisque le Canada est signataire du Traité de non-prolifération
des armes nucléaires, les pétitionnaires croient que le
gouvernement canadien devrait poursuivre les négociations de
bonne foi et prendre des mesures qui mettront rapidement un terme
à la course aux armes nucléaires et qui aboutiront au désarmement
nucléaire.
* * *
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, je demande que toutes les questions restent au
Feuilleton.
Le Président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
9848
9848
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Traduction]
La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-46, Loi modifiant
le Code criminel (communication de dossiers dans les cas
d'infraction d'ordre sexuel), dont le comité a fait rapport avec des
propositions d'amendement.
L'hon. Alfonso Gagliano (au nom du ministre de la Justice)
propose que le projet de loi, tel que modifié, soit agréé.
(La motion est adoptée.)
Le vice-président: Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la
troisième fois? Avec le consentement de la Chambre, maintenant?
Des voix: D'accord.
M. Gagliano (au nom du ministre de la Justice) propose que le
projet de loi C-46 soit lu pour la troisième fois maintenant et agréé.
M. Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président,
j'invoque le Règlement. Est-il proposé de voter sur le projet de loi
C-46 à l'étape de la troisième lecture?
Le vice-président: Nous examinons maintenant le projet de loi à
l'étape de la troisième lecture.
M. Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, nous
avions cru comprendre que le gouvernement allait faire quelques
observations pour ouvrir le débat et qu'un député de notre parti
allait pouvoir ensuite prendre la parole. Nous sommes peu
nombreux à vouloir prendre la parole, mais nous aimerions faire des
remarques sur cette question.
Le vice-président: Peut-être serait-il plus facile que le secrétaire
parlementaire fasse d'abord ses observations et que la parole soit
ensuite accordée aux députés du Parti réformiste.
(1020)
M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de
la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour
appuyer le projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel à
l'égard de la communication de dossiers dans les cas d'infraction
d'ordre sexuel.
J'ai décrit les amendements proposés à cette mesure et exposé les
problèmes que ces amendements visent à corriger quand j'ai pris la
parole à la Chambre le 4 février dernier.
Je félicite le ministre de la Justice des efforts qu'il a faits pour
réaliser des réformes progressistes à la législation canadienne sur
les infractions d'ordre sexuel. Ces réformes visent à assurer le
respect de la charte, qui garantit que tous ont droit à la même
protection et au même bénéfice de la loi.
En tant que société, nous ne tolérons pas les comportements
crapuleux. Nous comptons sur notre droit pénal pour nous protéger
et pour étayer les poursuites en justice intentées contre ceux qui ne
respectent pas la loi.
Les infractions d'ordre sexuel ne sont pas n'importe quelle
infraction. Elles constituent le délit le plus agressant, le plus
perturbant et le plus dégradant dont une personne puisse être
victime. N'importe lequel d'entre nous pourrait être victime d'un
acte criminel mais, comme nous le savons tous, les femmes et les
enfants courent plus de risques d'êtres victimes d'une agression
sexuelle.
Les attitudes dépassées qu'on entretient à l'endroit des
infractions d'ordre sexuel et des femmes qui en ont été victimes
sont en train de changer, mais la situation évolue lentement. De
nombreux mythes et stéréotypes persistent dans notre société et au
sein du système de justice pénale en ce qui a trait à ce type
d'infraction.
Cela crée un climat qui mine notre confiance dans la justice
pénale, conçue pour être juste et équitable. Come on l'a déjà
signalé, les infractions d'ordre sexuel ont ceci de particulier qu'il y
a rarement des témoins.
La notion de consentement et la crédibilité des plaignants sont à
la base des arguments de la poursuite. Il semble que le fait d'avoir
été victime d'une agression sexuelle stigmatise davantage une
personne que le fait d'être accusé d'agression sexuelle. La
crédibilité du plaignant et son caractère sont passés au peigne fin.
Une bonne part des agressions sexuelles et autres infractions de
même nature ne sont jamais rapportées. On ne peut qu'estimer le
véritable taux d'agressions sexuelles au moyen de sondages, mais
les statistiques de la police nous en donnent aussi une idée. Environ
110 agressions sexuelles sont rapportées annuellement, sur un
échantillon de 100 000 personnes, mais seulement 10 p. 100 de ces
agressions sont rapportées.
Nous ne devrions pas être fiers de ces statistiques. On compte
tellement d'agressions sexuelles par année que c'en est révoltant,
mais le fait que tellement peu d'entre elles soient dénoncées, c'est
encore plus révoltant.
Je suis fier de faire partie d'un gouvernement qui est déterminé à
améliorer le système de justice pénale, déterminé à améliorer la
sécurité publique et déterminé à supprimer plusieurs des obstacles
qui empêchent les victimes d'avoir accès au système de justice.
Le fait que l'accusé puisse exploiter certains des dossiers les plus
personnels et privés de la plaignante est plus que simplement
gênant. C'est une atteinte à la dignité, à l'intégrité et à l'autonomie
personnelle de la plaignante.
Je veux pouvoir dire en toute confiance que la loi nous protégera
contre la criminalité et que la loi nous donnera les outils pour
poursuivre les contrevenants dans le respect des principes de la
justice fondamentale qui réservent un traitement équitable tant à
l'accusé qu'à la victime. Les amendements que l'on propose au
projet de loi C-46 contribueront grandement à la réalisation de cet
objectif.
Cette mesure législative nous garantira que les demandes de
communication de dossiers seront fondées sur la pertinence. Dans
toutes les autres procédures au criminel, les tribunaux ne semblent
avoir aucune difficulté à déterminer la pertinence d'une preuve ou
de documents dont on demande la production ou la divulgation.
Dans les poursuites pour crime sexuel, il semble qu'une fausse
déclaration de la part de l'avocat de la défense sur les raisons pour
lesquelles il a besoin des dossiers suffise pour que la vie privée de la
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victime soit violée. Il semble qu'on soit incapable de débarrasser
notre société de ces attitudes.
C'est pourquoi j'accueille aussi favorablement ce projet de loi
qui va aider les tribunaux à déterminer si les dossiers sont pertinents
et à s'assurer que seules les parties pertinentes de ces derniers sont
communiquées à l'accusé.
J'aimerais m'arrêter sur certains éléments importants du projet
de loi. Il renferme un préambule, chose que l'on retrouve
maintenant assez couramment dans les projets de loi. Un préambule
est un outil efficace pour aider les tribunaux à interpréter la loi et
pour préciser les intentions du Parlement et les raisons qui l'ont
poussé à proposer ces modifications.
Dans le préambule du projet de loi C-46, nous faisons part de nos
préoccupations à l'égard de la violence faite aux femmes et aux
enfants et du besoin de promouvoir et de protéger les droits garantis
à tous par la Charte. Nous reconnaissons l'inicidence que peut avoir
l'obligation de communiquer des dossiers privés et confidentiels
sur les plaignantes et sur les témoins. Autrement dit, il décrit
exactement les défauts que les amendements cherchent à corriger.
(1025)
On peut lire dans le préambule que toute demande de
communication de dossier devrait être examinée avec prudence et à
la lumière des droits accordés par la Charte à l'accusé, au plaignant
et au témoin.
La Cour suprême du Canada a bien souligné qu'il n'existe aucune
hiérarchie entre les droits accordés par la Charte. Il faut, dans toute
la mesure du possible, rapprocher, concilier les droits conflictuels
ou concurrents. Les amendements proposés reflètent cet objectif de
conciliation entre les droits conflictuels.
Le ministre a précisé que les amendements visaient une cible
bien limitée. Ils exigent que l'accusé prouve la pertinence possible
des renseignements personnels et que le tribunal examine très
attentivement les demandes de communication de dossiers, en se
conformant aux dispositions détaillées sur le fond et la procédure,
mais le nouveau régime de communication ne s'applique qu'aux
infractions d'ordre sexuel.
Le processus de consultation exhaustif entrepris par le ministre
de la Justice et ses fonctionnaires a fait ressortir que la grande
majorité des demandes de communication de renseignements
personnels étaient faites dans le cas des infractions d'ordre sexuel.
La jurisprudence le confirme. Dans les causes pour infractions
sexuelles, on demande toute une panoplie de renseignements
personnels que l'on n'exige jamais dans les autres genres de causes.
Par conséquent, ce type de régime de communication ne semble ni
nécessaire, ni justifié dans les autres poursuites pénales.
Les amendements ne s'appliquent qu'aux poursuites pour
infractions d'ordre sexuel et ont été attentivement rédigés et adaptés
à ces infractions, mais ils serviront à protéger d'autres dossiers de
toutes sortes. Le projet de loi définit un dossier comme étant toute
forme de document contenant des renseignements personnels pour
lesquels il existe une attente raisonnable en matière de protection de
la vie privée. La définition peut s'appliquer à une variété de dossiers
et s'adapter à de nouvelles situations éventuellement.
En outre, la définition décrit certains dossiers précis pour que
chacun comprenne bien que ces documents sont visés par le régime
de communication.
Je tiens à féliciter le ministre de la Justice de ses initiatives. Le
projet de loi C-46 montre qu'il a choisi une approche juste et
équilibrée pour régler un problème fort complexe. Pour élaborer le
projet de loi, le ministre a été attentif à l'opinion des gens les plus
touchés par la communication de renseignements personnels,
c'est-à-dire les fournisseurs de services aux victimes, les groupes de
défense de l'égalité des femmes, les procureurs de la Couronne et
les avocats de la défense. Tous ces gens ont contribué à l'élaboration
d'un meilleur projet de loi sans qu'aucune opinion ne domine les
autres.
En conclusion, le projet de loi C-46 est donc un excellent
exemple de mesure législative qui met en pratique les valeurs que
nous prônons en notre qualité de parlementaires: la justice et
l'égalité. Je demande à tous les députés à la Chambre d'appuyer le
projet de loi C-46.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le
Président, je suis heureuse aujourd'hui de prendre part au débat sur
une mesure législative qui vise à contribuer, un tant soit peu, à la
diminution de la violence à l'égard des femmes.
Responsable et critique officielle en matière de condition
féminine, ce dossier m'intéresse au plus haut point. Le projet de loi
C-46 vise donc à encadrer la communication des dossiers des
victimes d'agression sexuelle qui sont malheureusement trop
souvent les femmes et les enfants. Ce projet de loi est devenu
nécessaire à la suite d'un jugement rendu en décembre 1995 par la
Cour suprême du Canada dans l'affaire O'Connor.
Il s'agissait d'une cause d'agression sexuelle où un homme
accusé d'agression sexuelle envers quatre jeunes filles réclamait
l'accès aux dossiers scolaires, médicaux et socio-psychologiques
des plaignantes. La Cour suprême, dans une décision très partagée,
a déclaré que, dans certains cas, l'accusé devait avoir accès aux
dossiers des plaignantes.
Il faut resituer le débat dans son contexte d'alors. Depuis
quelques années déjà, les victimes d'agression sexuelle étaient
protégées par les nouvelles dispositions du Code criminel,
dispositions qui prévoyaient qu'un accusé ne peut attaquer la
réputation de sa victime, surtout sa réputation sexuelle. On se
rappellera que ces dispositions avaient été adoptées à la suite de
décennies d'abus des victimes aux mains des accusés. Ces derniers
pouvaient, et ne se gênaient surtout pas pour le faire, chercher à
ternir la crédibilité de leurs victimes en étalant sur la place publique
le passé sexuel de ces dernières. On maintenait ainsi le mythe à
l'effet qu'une femme qui n'était plus vierge méritait d'être violée.
(1030)
Les moeurs ont changé. Les femmes ont graduellement acquis
leurs droits à l'égalité, incluant leur droit à la liberté sexuelle. La
bataille a été longue et ardue, et il n'est pas si évident qu'elle soit
entièrement gagnée. Nous en avons la preuve régulièrement, quand
certains juges se laissent aller à exprimer publiquement leurs
sentiments véritables à l'égard des femmes.
9850
Les femmes avaient gagné une certaine protection judiciaire.
Cette protection est importante, parce qu'elle incite les femmes
victimes d'agressions sexuelles à porter plainte. Elle les incite
également à continuer dans le processus, une fois la plainte initiale
déposée. La protection judiciaire permet également aux victimes de
minimiser, tant que faire se peut, l'impact que l'agression a eu sur
elles, en les encourageant à aller chercher l'aide disponible dans la
communauté et auprès des professionnels.
Ce contexte de protection judiciaire est essentiel à la lutte que
mènent les femmes, et c'est pourquoi il est si important que nos lois,
tout en assurant aux accusés le droit à une défense pleine et entière,
protègent l'accès des victimes aux tribunaux. Cet accès concrétise
les droits à l'égalité entre les femmes et les hommes. En effet,
comment pourrait-on parler d'égalité entre les femmes et les
hommes dans un contexte où les hommes pourraient continuer
presque impunément à agresser sexuellement les femmes, puisque
celles-ci s'empêcheraient de dénoncer les agressions dont elles sont
victimes par peur de voir leur vie privée révélée au grand jour?
Si on veut une société où les hommes et les femmes sont égaux, il
faut que nous prenions tous les moyens à notre disposition pour que
le droit à l'intégrité et à la sécurité soit le même pour les femmes et
pour les hommes. Or, le meilleur garant de ces droits demeure,
malgré ses imperfections, le système judiciaire.
Parlant de protection des droits, j'aborderai le premier sujet qui
soulève des interrogations: celui de l'équilibre entre les droits de
l'accusé et les droits de la victime. Le projet de loi mentionne, dans
le préambule, le droit de l'accusé à une défense pleine et entière et le
droit de la victime à la protection de la vie privée et à l'égalité de la
personne. Le préambule mentionne également qu'il faut viser à
l'équilibre entre ces droits dans la mesure du possible.
C'est sur ces derniers mots, sur ce concept d'équilibre que repose
l'argumentation des parties qui s'opposent à ce projet de loi. D'un
côté, les avocats de la défense réclament un plus grand accès aux
dossiers des victimes, justifiant cette demande par le droit absolu de
l'accusé à une défense pleine et entière. L'idée derrière cela, c'est
qu'il vaut mieux, peut-être, que 1 000 personnes coupables soient
libérées qu'une seule personne innocente soit condamnée
injustement.
De l'autre côté, les représentants des victimes traditionnelles
d'agressions sexuelles, c'est-à-dire les femmes, disent que le
nombre de procès basés sur de fausses accusations d'agressions
sexuelles est pratiquement inexistant et que le droit des femmes à ne
pas se faire agresser et leur droit à la vie privée passent par une
interdiction absolue d'accès aux dossiers. Comment se situer entre
ces deux positions? Comment atteindre l'équilibre entre les droits
de l'accusé et ceux des victimes? On pourrait se demander si, dans
le contexte actuel, les droits des accusés ne sont pas mieux protégés.
Je m'explique.
Le droit d'un accusé à une défense pleine et entière est, comme
on le sait, constitutionnalisé depuis 1982. Cependant, ce droit était
déjà bien protégé par les tribunaux, même avant l'adoption de la
Charte canadienne. Comme je le disais plus tôt, il est inscrit dans
nos moeurs juridiques qu'on doit à tout prix protéger les innocents
contre des condamnations erronées. De fait, les tribunaux, surtout
depuis l'adoption de la Charte, ont développé toute une série de
critères et de règles qui visent à protéger encore mieux ce droit à une
défense pleine et entière. Les jugements sur cet article de la Charte
pullulent, et on peut prévoir qu'il y en aura encore beaucoup
d'autres.
Cependant, le droit à la vie privée et à la sécurité de la personne
est beaucoup moins connu du public. Il ne fait pas encore partie de
notre culture juridique et populaire. Il n'a pas fait l'objet d'autant de
décisions judiciaires percutantes et donc perçues à tort comme étant
moins importantes. Pourtant, les deux droits se côtoient dans la
Charte et nulle part n'y trouve-t-on, en quelque indication, qu'ils
soient moins importants. Comment expliquer cet état de fait? Il me
semble que ce déséquilibre reflète malheureusement l'importance
moindre qu'on a traditionnellement accordée aux droits des
femmes.
Comme le soulignait Mme Michele Landsberg, une journaliste du
Toronto Star, a-t-on déjà vu un officier de police qui témoigne à un
procès contraint à dévoiler ses dossiers médicaux ou sa vie sexuelle
afin d'établir sa crédibilité comme témoin? D'ailleurs, plusieurs
témoins qui ont comparu devant le comité ont fait la même
remarque.
(1035)
Pourquoi les femmes ont-elle été traditionnellement soumises à
de telles humiliations, si ce n'est qu'on ne leur accordait pas la
même crédibilité? Pourtant, comme le rapport la journaliste dans
les autres causes criminelles, on n'envahit pas la vie privée des
victimes. C'est quand on lie femme et sexualité que notre société a
toujours ressenti le peu de besoin d'imposer des contraintes aux
femmes. Pourtant, leur droit à la vie privée est protégé par la Charte
lui aussi.
Ce problème étant posé, je reviens spécifiquement au projet de
loi du ministre de la Justice. Par ce projet de loi, le ministre veut
établir un équilibre entre les droits de l'accusé et ceux de la victime.
Présentement, le droit actuel permet à l'accusé de demander un
large éventail de dossiers, en prétextant simplement qu'ils
pourraient être pertinents. Le droit actuel laisse également plusieurs
question en plan. Par exemple, quels dossiers sont visés, quelles
conditions peuvent être imposées pour la production de dossiers,
quelle information doit être incluse dans le subpoena et que faire
des dossiers en attendant les procédures d'appel?
Le projet de loi C-46 veut s'attaquer à toutes ces questions. Le
projet de loi veut obliger l'accusé à préciser les raisons qui lui font
croire que tel dossier serait pertinent à sa défense. Il veut aussi
éliminer les parties de pêche.
Je sais que plusieurs témoins qui représentent les organismes
voués à la défense des victimes d'agressions sexuelles ou encore
des consultants auprès des victimes auraient souhaité qu'aucun
dossier à caractère confidentiel ne puisse être transmis à l'accusé,
mais tous et toutes savent très bien que cela est difficilement
réalisable parce que, selon certains experts, ils ne passeraient pas le
test de la Charte.
Donc, la communication des dossiers porte aussi potentiellement
atteinte aux droits des femmes à avoir accès à des services sociaux
et de santé qui sont essentiels à leur sécurité physique et
psychologi-
9851
que. En effet, la possibilité qu'un entretien entre une femme et sa
thérapeute soit dévoilé au juge du procès et à l'avocat à la défense
risque de décourager bon nombre de femmes à obtenir les soins et le
soutien dont elles ont besoin pour remédier aux effets d'une
agression sexuelle. Cela faisait l'unanimité des propos tenus par les
témoins lors des audiences du comité.
Tous s'entendaient à dire qu'il y aurait une diminution de la
fréquentation des femmes pour avoir accès à certains services de
thérapeute.
Compte tenu de l'importance des enjeux pour les victimes
d'agressions sexuelles et du fait que l'information qui est contenue
dans les dossiers risque fort probablement de ne pas être pertinente
pour la défense de l'accusé, je crois qu'il faudrait exiger que la
défense démontre que, d'une part, l'accès aux dossiers confidentiels
est probablement nécessaire pour assurer la défense pleine et entière
de l'accusé et que, d'autre part, les effets bénéfiques de la
communication du dossier dépassent substantiellement ses effets
préjudiciables sur les droits constitutionnels de la plaignante.
Tout comme plusieurs groupes qui ont été entendus, j'aurais
souhaité plusieurs modifications à ce projet de loi. D'ailleurs, j'en
ai présenté plusieurs en comité. Vous ne serez pas surpris si je vous
dis, ce matin, qu'elles ont toutes été refusées par le comité composé
en majorité de députés du Parti libéral. Cela vous surprend-il,
monsieur le Président?
Pourtant, je crois en toute sincérité que ces modifications étaient
très réalistes et tenaient surtout compte des suggestions apportées
par les témoins, par ceux et celles qui accompagnent très souvent la
victime qui a subi des abus sexuels contre sa personne.
Un des premiers amendements souhaités était d'inclure le
préambule dans le texte de loi. Parmi les groupes qui ont fait ces
recommandations, on retrouve le Regroupement québécois des
centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel,
l'Action ontarienne contre la violence faite aux femmes, le Fonds
d'action et d'éducation juridique pour les femmes, et un dernier
groupe, METRAC.
Plusieurs de ces témoins nous ont affirmé que certains juges se
laissent facilement aller à exprimer publiquement leur sentiment
véritable à l'égard des femmes.
(1040)
C'est pourquoi il aurait été souhaitable d'inclure le préambule
dans le texte de loi afin de combattre ces mythes et ces préjugés
sexistes encore bien présents dans notre système judiciaire. Pour
mieux comprendre ou encore saisir l'importance du message de ce
préambule, je vais en faire la lecture. Voici ce que le préambule
disait:
Attendu que les cas de violence et d'exploitation sexuelle au sein de la société
canadienne continuent de préoccuper sérieusement le Parlement du Canada, et, en
particulier, la fréquence des agressions sexuelles contre les femmes et les enfants;
Attendu que le Parlement du Canada reconnaît que la violence a des effets
particulièrement néfastes sur les chances d'égalité des femmes et des enfants au sein
de la société et sur leurs droits à la sécurité de leur personne, à la vie privée ou aux
mêmes bénéfices de la loi qui sont garantis par les articles 7, 8, 15 et 28 de la Charte
canadienne des droits et libertés;
Attendu qu'il entend promouvoir et contribuer à assurer la pleine protection des
droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés pour tous, y compris ceux
qui sont accusés de violence ou d'exploitation sexuelle et ceux qui sont ou pourraient
devenir des victimes de violence ou d'exploitation sexuelle;
Attendu que les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés le
sont pour tous et qu'en cas de conflit, l'équilibre entre eux doit être assuré dans la
mesure du possible;
Attendu que le Parlement du Canada souhaite encourager la dénonciation des cas
de violence ou d'exploitation sexuelle et faire en sorte que leur poursuite s'effectue
dans un cadre juridique compatible avec les principes de la justice fondamentale et
équitable à la fois à l'égard des plaignants et des accusés;
Attendu qu'il reconnaît que l'obligation de communiquer des renseignements
personnels peut avoir un effet dissuasif sur la dénonciation d'agressions sexuelles et
sur le recours aux traitements, thérapies ou services de consultation nécessaires;
Attendu qu'il reconnaît que le travail de ceux qui fournissent de l'aide et des
services aux victimes d'agressions sexuelles est entravé par l'obligation de
communiquer des renseignements personnels et par la procédure qui oblige à cette
communication;
Attendu qu'il reconnaît que si la communication de renseignements personnels au
tribunal et à l'accusé peut être nécessaire à une défense pleine et entière de l'accusé,
elle peut aussi constituer une atteinte aux droits à la vie privée et à l'égalité de la
personne qu'ils concernent et que, de ce fait, la décision de l'accorder ne devrait être
rendue qu'avec prudence.
Donc, on constate, à la lecture de ce préambule et de l'objectif
qu'il vise par son inclusion dans le Code criminel en introduction à
la huitième partie portant sur les crimes contre la personne, il est
difficile de comprendre pourquoi le comité a refusé les
recommandations faites par plusieurs témoins et par le Bloc
québécois.
Je comprends très bien qu'il ne faut pas alourdir le Code criminel
indûment et que bien des principes se retrouvent dans les
dispositions générales; c'est souvent l'argument qu'on nous sort.
Mais compte tenu du but recherché de vouloir changer les
mentalités, il aurait été souhaitable de consentir à cet amendement.
Il a été possible d'inclure un préambule dans le cadre du projet de
loi sur les jeunes contrevenants. Pourquoi alors refuser de l'inclure
dans le cadre de ce projet de loi? Est-ce à dire que les mentalités sont
plus difficiles à changer lorsqu'il s'agit des femmes? Il faudrait
peut-être répondre à la question.
Donc, il aurait été très important d'inclure ce préambule dans le
projet de loi C-46. Le préambule a non seulement une grande valeur
éducative auprès de la profession juridique et du grand public, mais
il aurait également pu être d'un grand secours advenant une
contestation judiciaire de la part des avocats de la défense,
puisqu'on aurait pu l'invoquer afin d'assurer une interprétation qui
tienne compte des droits constitutionnels des femmes autant que
ceux des accusés.
L'introduction de ce préambule dans le Code criminel avait pour
but de reconnaître les conséquences négatives de la communication
des dossiers confidentiels sur la vie des femmes, ainsi que
l'importance d'assurer le respect et la promotion de leurs droits
constitutionnels.
Un deuxième amendement aurait aussi été souhaitable afin de
limiter l'accès au dossier confidentiel de la victime. Cette
modifica-
9852
tion avait pour but d'exiger de l'accusé qu'il démontre que l'accès
au dossier confidentiel est «probablement essentiel», au lieu du
terme «vraisemblablement pertinent» utilisé dans le projet de loi.
Ainsi, le fardeau de la preuve aurait été supérieur avec le concept de
la balance de la probabilité qu'avec celui de la vraisemblance
pertinente.
(1045)
Donc, la balance de probabilité est un concept juridique qui
demande davantage à celui qui désire obtenir le dossier et qui
requiert une preuve précise. Cependant, il faut admettre que je suis
heureuse que l'on ait accepté de revoir les effets de ce projet de loi
d'ici les trois prochaines années. Cet amendement a fait l'unanimité
au sein du comité. C'est un amendement qui avait été proposé par le
Bloc québécois, et je sais qu'une collègue du Parti libéral avait
déposé un même amendement. Il y a donc eu unanimité au comité à
cet égard, parce que cela respecte la volonté de la majorité des
témoins.
Ainsi, on pourra vérifier certaines craintes quant à l'application
de cette loi, et je vais en citer quelques-unes: crainte par rapport à
l'inclusion du journal intime dans la définition de «documents»;
cette inclusion amènerait les tribunaux à accepter l'accès à d'autres
documents domestiques rédigés par la victime, contrairement au
dossier institutionnel. C'est une des craintes exprimées par les
différents témoins entendus.
Il y a aussi la crainte qu'il y ait une diminution de consultation
des victimes auprès des groupes ou individus leur venant en aide,
que les femmes victimes n'aient pas à choisir entre la justice et la
thérapie; crainte qu'une fois qu'un subpoena a été émis, la
conseillère ou le conseiller, la ou le thérapeute ne puisse plus avoir
de contact avec sa cliente, ce qui isolerait encore plus la victime;
crainte de l'insensibilité des juges qui auraient à examiner des
dossiers; crainte que la consultation de dossiers personnels ou
thérapeutiques ne soit pas pertinente dans un procès; et crainte que
les motifs invoqués soient de nature frivole et visent à intimider
davantage la victime.
Aussi, il y a cette crainte que les femmes ne portent plus plainte
de peur de voir étaler leur vie privée sur la place publique; crainte
que la défense tente d'avoir accès aux dossiers thérapeutiques ou
personnels, afin d'établir que la plaignante a un mobile pour mentir
au sujet de l'agression sexuelle, qu'elle entretient une intention
malicieuse à l'égard de l'accusé ou qu'elle a déjà fabriqué une
fausse plainte contre lui.
Cette évaluation, après trois ans d'application de la loi, pourra en
effet permettre de mesurer l'impact de cette loi sur les victimes et
les différents consultants et consultantes du milieu.
Au Québec, on constate que les demandes d'accès aux dossiers
des victimes sont beaucoup moins nombreuses que dans les autres
provinces. Cependant, le milieu concerné par cette problématique
s'inquiète du phénomène et reste toutefois vigilant quant au
rattrapage qui pourrait se faire au Québec concernant cette pratique.
C'est pourquoi l'adoption de ce projet de loi viendra en quelque
sorte limiter sensiblement l'accès aux dossiers des victimes, et c'est
cette préoccupation qui est ressortie lors de la consultation du
comité, bien qu'on aurait voulu en limiter davantage l'accès à
certains dossiers.
Le Parlement se devait de rétablir sans plus tarder un cadre légal
et procédural qui rétablisse un réel équilibre entre les droits des
femmes à la sécurité, à l'intégrité et à la vie publique, et ceux des
accusés à une défense pleine et entière. Et le projet de loi C-46 tente
de refermer partiellement une porte qui, selon nous, n'aurait jamais
dû être ouverte de cette façon.
C'est pourquoi nous allons appuyer le principe de ce projet de loi.
Toutefois, nous allons être vigilants et garder l'oeil ouvert quant à
l'application de ce projet de loi, pour que nous puissions mesurer les
craintes qui ont été exprimées au sein du Comité de la justice. Je
suis certaine que l'adoption de ce projet de loi est un bon pas en
avant, parce qu'il y avait quand même une situation qui n'était pas
souhaitable pour les victimes d'agression sexuelle.
[Traduction]
Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, nous en sommes à la troisième lecture du projet de loi
C-46. C'est un projet de loi destiné à renforcer la protection des
renseignements personnels et des droits des plaignantes dans les cas
de poursuites pour différentes infractions d'ordre sexuel. On
donnera cette protection accrue en ne permettant pas aux avocats de
la défense de demander la production et la divulgation de
documents personnels comme des dossiers médicaux et
thérapeutiques, des dossiers des services-conseils, etc.
Les modifications au Code criminel que propose le projet de loi
n'autoriseraient la demande de production de dossiers sur la
plaignante qu'à l'étape du procès et après un processus en deux
étapes.
(1050)
Tout d'abord, l'accusé devrait établir que le dossier est
vraisemblablement pertinent quant à un point en litige ou à
l'habileté d'un témoin à témoigner. Si l'accusé démontre que le
dossier est vraisemblablement pertinent, il serait communiqué au
juge qui présidera le procès. À la première étape, seul le juge verrait
le dossier.
À la deuxième étape, le juge examinera le dossier en privé pour
déterminer dans quelle mesure il est pertinent et en prenant en
considération les droits reconnus par la charte de la plaignante et de
l'accusé. Le juge décidera alors dans quelle mesure l'accusé pourra
avoir accès au dossier. Sa décision n'aura pas d'effet sur le test
d'admissibilité de toute question que l'accusé voudrait présenter
comme preuve au procès.
Le rôle de l'opposition est de passer au peigne fin les mesures et
les propositions du gouvernement, de tenir le gouvernement
responsable des mesures qu'il présente et d'agir comme chien de
garde, autrement dit de faire contrepoids au pouvoir du
gouvernement de présenter des mesures qui touchent les citoyens,
leurs droits et leur vie. En tant qu'opposition, nous prenons cette
responsabilité très au sérieux.
J'ai dit dans mes observations au moment de la deuxième lecture,
avant le renvoi au comité, que je surveillerais attentivement les
délibérations du comité pour voir ce que l'on présenterait comme
9853
faits, quelles inquiétudes on soulèverait et quelle serait l'opinion
des gens les plus touchés.
En principe, le Parti réformiste appuie vigoureusement toute
mesure qui accorde un supplément de protection aux citoyens
respectueux de la loi et aux victimes de crime. Nous réclamons avec
insistance une amélioration des droits des victimes. Le 9 avril, nous
avons eu un exemple de personne touchée par ce dont nous parlons
aujourd'hui. Je me reporte à un cas survenu à Edmonton, où l'on a
ordonné la remise des dossiers de thérapie d'une adolescente de 13
ans à l'homme de 27 ans qui était accusé de l'avoir agressée
sexuellement.
La mère de l'adolescente a dit: «Ma fille a été victime d'une
agression il y a un an et demi, et voilà que ça recommence. Il semble
bien que les victimes n'aient aucun droit.»
Le Parti réformiste a maintes fois exhorté la Chambre et le
ministre de la Justice à adopter une déclaration des droits des
victimes, et nous avons présenté une ébauche substantielle des
mesures que cette déclaration devrait contenir. Jusqu'ici, le
gouvernement et le ministre de la Justice n'ont pas pris ces
exhortations à coeur et n'ont pas mis en place une déclaration des
droits des victimes qui conférerait une capacité légale et une
protection à toutes les victimes, et non seulement aux victimes
d'agression sexuelle.
Il est bien évident que les personnes qui ont été agressées
sexuellement s'inquiètent beaucoup du fait que le système de
justice continue de les victimiser en permettant la communication
de renseignements très confidentiels à leur sujet. Ces personnes
deviennent alors des victimes une deuxième fois.
Cependant, ce qu'il faut considérer, malheureusement, c'est que
les plaignants ne sont pas tous des victimes. Parfois, des gens
deviennent des victimes parce qu'ils ont été accusés faussement et
se retrouvent dans une situation où ils doivent prouver leur
innocence. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de m'attarder sur le
fait qu'une accusation d'agression sexuelle ou d'inconduite
sexuelle portée contre un homme a des conséquences extrêmement
sérieuses pour lui, les membres de la famille et ses proches.
(1055)
Comme je l'ai déjà dit en discutant du projet de loi, nous devons
prendre bien soin d'établir un équilibre entre, d'une part, le droit des
victimes d'agression sexuelle à la protection de leur vie privée et
leur droit à l'égalité et, d'autre part, le droit à la liberté et à une
défense pleine et équitable des personnes qui sont faussement
accusées de ces actes et qui sont les véritables victimes.
Cet équilibre est difficile à atteindre. Je suis certaine que tous les
députés de la Chambre, le Comité de la justice et le ministre de la
Justice désirent vivement établir un juste équilibre dans cette
situation.
Le projet de loi renferme un préambule soulignant la
préoccupation du Parlement à l'égard de la violence sexuelle contre
les femmes et les enfants. Je pense qu'il y a très peu de gens au
Canada qui ne sont pas de tout coeur en faveur de protéger les
femmes et les enfants contre les types de violence terrible dont nous
parlons à la Chambre depuis quelques jours. Je ne veux pas répéter
certaines des situations auxquelles des citoyens innocents, des
femmes innocentes, ont été confrontés.
Le projet de loi C-55 aurait pu permettre de désigner délinquants
dangereux les délinquants violents qui ont commis des agressions
sexuelles et des crimes sexuels contre des femmes et des enfants, et
de les garder en prison indéfiniment.
Pour des raisons qui me dépassent, ce projet de loi a oublié les
prédateurs sexuels et les délinquants sexuels dans la liste des
individus qu'on peut désigner comme délinquants dangereux. Je le
répète, j'exhorte le gouvernement à rectifier ce que je pense être un
très grave oubli qui va tout à fait à l'encontre de sa prétendue
préoccupation pour la sécurité des femmes et des enfants.
Je voudrais maintenant formuler deux observations au sujet des
audiences du comité sur ce projet de loi. J'ai été inquiète de
constater qu'un seul exposé sur le projet de loi présentait le point de
vue des accusés. Des groupes et des particuliers très inquiets des
droits et de la protection des plaignants et des victimes d'agression
sexuelle ont présenté d'excellentes instances. Ces instances
venaient de particuliers et de groupes qui se sont donné beaucoup de
mal pour s'occuper avec compassion, de façon très pratique, des
femmes et des enfants victimes d'une agression sexuelle, cet acte si
traumatisant.
À l'instar de tous les membres du comité, j'en suis certaine, je
félicite ces gens pour le travail qu'ils accomplissent pour
encourager, soutenir et aider les victimes d'agression sexuelle dont
la vie est brisée. Nous avons apprécié leurs instances. Toutefois, un
seul exposé se préoccupait du droit à une défense complète et
équitable des individus qui peuvent être accusés à tort de ces
terribles crimes. Je ne suis pas tout à fait satisfaite du type d'analyse
et des points de vue communiqués sur cet aspect pourtant essentiel
de la question.
Un amendement apporté à l'étape du comité m'a également
troublée. Non seulement il faut demander le dossier en suivant la
procédure voulue et non seulement il faut prouver que ce dossier est
pertinent, mais encore, on a ajouté dans cet amendement qu'on
n'exigerait la présentation de ce dossier, même s'il était pertinent,
que si cela était dans l'intérêt de la justice.
Il me semble que si un dossier est pertinent dans le cadre d'une
procédure judiciaire, ce devrait certes être dans l'intérêt de la justice
qu'on le présente. Cela laisse la porte ouverte à une contestation aux
termes de la Charte.
(1100)
Cette question me préoccupait. Je l'ai soulevée devant le comité.
Les fonctionnaires du ministère chargés de rédiger le projet de loi
ont souligné qu'ils voulaient que, dans la demande de dossiers, on
tienne compte des préoccupations aussi bien que des droits des
intéressés, ce qui est le fondement même du projet de loi. J'accepte
cette explication.
Cependant, je crains quelque peu que, dans sa forme actuelle, le
projet de loi ne soulève l'argument suivant: si un document est
pertinent, mais n'est pas remis au cours d'une procédure judiciaire,
9854
cette décision serait illégitime. Les avocats de la défense avec qui je
me suis entretenue à cet égard ont la même crainte.
Les fonctionnaires du ministère se sont efforcés d'établir un bon
équilibre dans ce projet de loi. J'ai été convaincue qu'ils ont fait un
excellent travail et consulté beaucoup de gens. J'ai été fort
impressionnée par le soin, le souci et la compétence dont ils ont fait
preuve dans la rédaction de ce projet de loi. Il convient de les en
féliciter, ainsi que le ministre et son ministère.
Le projet de loi soulève d'autres préoccupations; il aurait
d'importantes conséquences sur le plan des coûts, car, non
seulement le plaignant, mais également le détenteur du dossier ou
l'organisme qui s'est occupé d'un plaignant ont le droit d'être
représentés par un avocat aux audiences sur la production de
dossiers.
On a soulevé la question de savoir qui paiera pour cet avocat. Le
ministère y avait réfléchi et avait des propositions à faire. Il s'agit là
d'une question d'ordre pratique à laquelle on n'a pas encore trouvé
de réponse.
Il y a également la crainte que ces causes se prolongent
considérablement à cause des audiences supplémentaires et des
dispositions supplémentaires qui s'appliquent à ce genre de causes
pour l'examen des dossiers, la production de demandes et ainsi de
suite.
Les avocats chevronnés qui seraient peut-être disposés à se
charger de ces causes sous le régime de l'aide juridique pourraient
être plus enclins à se désister à cause de tout le temps qu'il faudra y
consacrer, en abandonnant aux jeunes avocats la tâche de
représenter les plaignants face à des procureurs de la Couronne
chevronnés.
Voilà quelques considérations pratiques que l'on a évoquées, et
avec raison. Tout compte fait, l'objet du projet de loi est satisfaisant.
Les fonctionnaires et les légistes ont établi dans le projet de loi un
équilibre aussi prudent que possible.
Il est justifié de soulever certains des sujets de préoccupations
que je viens d'exprimer. Je dois dire que les avocats de la défense et
les criminalistes sont très mécontents de voir jusqu'où peut nous
mener le projet de loi en érigeant des obstacles à la production de
documents qui pourraient être utiles pour assurer une défense
entière et équitable.
Il est juste de le mentionner, mais une chose qui nous encourage,
c'est l'amendement apporté par le comité prévoyant le réexamen
des dispositions du projet de loi après trois ans. Nous allons
surveiller très attentivement l'application du projet de loi dans la
réalité. Nous serons alors en mesure de préconiser énergiquement
des modifications si nous en constatons la nécessité.
Tout compte fait, après les audiences du comité et après avoir
discuté avec un certain nombre de gens directement concernés par
le projet de loi, mon parti est disposé à l'appuyer. Nous
surveillerons cependant comment les choses se passent dans la
réalité.
Nous voulons nous assurer que cette mesure maintient un
équilibre convenable, mais nous devrions l'accepter pour voir si
elle assure la protection nécessaire aux innocentes victimes d'un
crime aussi révoltant.
(1105)
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la
Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième
fois, est adopté.)
* * *
[
Français]
L'hon. Ron Irwin (au nom du ministre de l'Agriculture et de
l'Agroalimentaire) propose: Que le projet de loi C-34, Loi
constituant des programmes de commercialisation des produits
agricoles, abrogeant la Loi sur l'Office des produits agricoles, la Loi
sur la vente coopérative des produits agricoles, la Loi sur le
paiement anticipé des récoltes et la Loi sur les paiements anticipés
pour le grain des Prairies et modifiant certaines lois en
conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le
Président, j'interviens une fois de plus ce matin dans le débat
entourant le projet de loi C-34. C'est avec intérêt et surtout avec
plaisir que je réitère mon appui et l'appui du Bloc québécois à cette
mesure législative qui, d'ailleurs, est fortement attendu de la classe
agricole. Cependant, je ne voudrais pas que cet appui soit considéré
par le gouvernement comme un cautionnement inconditionnel de la
part de l'opposition officielle.
Entendons-nous bien, nous endossons le principe et la majorité
des modalités de ce projet de loi, mais nous maintenons certaines
réserves quant aux dispositions relevant de l'imputation budgétaire.
Dans cette expectative, j'aimerais élaborer davantage sur la
nature et le fondement de mon intervention un tantinet hésitante qui
consiste à soulever des irritants relatifs à l'imputation budgétaire.
Nous avons longuement discuté, lors des délibérations du Comité
permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, des avantages et
surtout des gains que pouvait réaliser l'industrie de l'agriculture,
tant au Québec que dans le reste du Canada.
L'irritant principal à l'origine de la contestation ou, du moins, de
la prise de position hésitante du Bloc québécois se situait davantage
au niveau de la répartition budgétaire. En effet, l'un des aspects
majeurs du projet de loi C-34 consiste en l'élaboration du
Programme de paiements anticipés.
J'ignore, monsieur le Président, si vous êtes personnellement
suffisamment au fait de la problématique agricole, mais je me
permets quand même de vous éclairer ou de tenter de vous éclairer
sur la question. Le projet de loi C-34 prévoit l'attribution,
l'allocation de 120 millions de dollars en parts égales pour les trois
prochaines années en paiements anticipés des récoltes.
9855
Inutile de préciser que ces sommes sont plus que nécessaires à la
survie ou, du moins, au maintien de la santé financière des
entreprises agricoles. Dans bien des cas, le paiement final pour une
récolte peut parvenir à l'exploitant des semaines, voire des mois
plus tard, alors que, dans les faits, les montants afférents à
l'exploitation même de la ferme parviennent à l'agriculteur dans un
délai très court.
Ici, j'aimerais citer un cas précis. Par exemple, les acériculteurs.
La période où les érables coulent peut durer deux, trois ou quatre
semaines au maximum. Évidemment, durant cette période intense,
l'acériculteur doit investir énormément et avant également,
puisqu'on sait très bien que le travail débute dès le lendemain du
jour de l'An, dans bien des cas, par des entailles, par la préparation
des tubulures et de tout ce qui est nécessaire à la cabane à sucre.
(1110)
Durant trois ou quatre semaines intensives, l'acériculteur doit
investir énormément. Bien sûr, il pourra détailler un tant soit peu ses
produits au détail à des visiteurs qui passent par la cabane à sucre,
mais le gros de la récolte est vendu en gros, en baril, et souvent,
l'acériculteur doit patienter plusieurs mois, voire des années, avant
de récupérer son dû final.
Alors, avec cette formule de paiements anticipés, l'acériculteur
pourra recevoir un bon pourcentage de la valeur juste de son sirop.
Cela implique également que les paiements anticipés des récoltes
permettent un équilibre dans la gestion financière de l'entreprise
agricole. Est-il nécessaire également de mentionner que cet élément
représente, dans bien des cas, la planche de salut de l'exploitation
agricole, la différence entre une gestion parsemée d'angoisses et
d'inquiétudes, ou la prospérité et la rentabilité des entreprises
agricoles qui sont la fierté des représentants des régions rurales.
Vous êtes à même de constater la nécessité pour un agriculteur de
pouvoir compter sur une instance supérieure afin de garantir les
investissements qu'engendre l'exploitation d'une entreprise
agricole.
D'un point de vue strictement analytique et non partisan, le projet
de loi du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire est certes
très louable et rempli de bonne volonté. Cependant, certains
éléments du même projet de loi me laissent perplexe quant aux
véritables intentions, aux véritables motivations du ministre,
lorsqu'on aborde l'idée principale de la commercialisation de ces
produits agricoles.
Comme je le soulignais dans mon allocution du 17 juin dernier,
tout juste avant l'ajournement de la Chambre pour la période
estivale, on note une absurdité relativement évidente orchestrée par
le gouvernement dans la mise en marché de ces récoltes. Je
m'explique.
Agriculture et Agroalimentaire Canada utilisera des sommes
considérables afin de faciliter la mise en marché des récoltes
annuelles, mais ces fonds proviennent déjà de l'enveloppe
budgétaire prévue pour les programmes de protection du revenu. Il
y a donc là une incohérence de taille. À mon humble avis, le
gouvernement tente de camoufler des coupures budgétaires qu'il
impose à une catégorie de contribuables, lesquels doivent déjà
jongler avec une certaine précarité financière.
Cela m'amène à parler du traitement injuste, inéquitable que le
ministère de l'Agriculture fera subir à la classe agricole,
particulièrement aux producteurs laitiers. Je rappelle que le 1er août
1995, l'hectolitre de lait de transformation a été coupé de 81c. Le 1er
août 1996, on a appliqué la même dose, encore une coupure de 81c.
l'hectolitre, et le 1er août prochain, dans quelques mois, on
s'apprête à administrer 76c. par hectolitre, jusqu'à épuisement,
c'est-à-dire jusqu'au 1er août 2001, et là, il ne restera plus rien du
subside laitier qui, à l'origine, était de 5,43 $ l'hectolitre.
Je vous donne ici l'exemple d'une ferme moyenne du Québec,
puisque le Québec produit à lui seul 47 p. 100 du lait de
transformation au Canada. Une ferme moyenne, une ferme dite
familiale, qui produit 1 900 hectolitres de lait de transformation par
année, verra ses pertes s'établir à 1 500 $ par année, et sur la
période de coupures appliquées à une dose régulière et constante
durant les cinq années en question, cela fera perdre à chaque
agriculteur, en moyenne, 7 500 $ sur ces cinq années. Cela
représente une baisse de 5 p. 100 à 5,5 p. 100 de son revenu.
(1115)
Souvent, ce sont les derniers 5 p. 100 qui sont un revenu net, qui
restent à la fin de l'année dans les poches de l'agriculteur, lui
permettent, par exemple, de se payer une petite sortie, un petit
voyage durant la saison.
Cette coupure ici, malheureusement, le gouvernement d'en face
se garde d'en parler. Par exemple, de 1994 à 1995, où le subside
était de 5,43 $ l'hectolitre-or, un hectolitre c'est 100 litres-ce qui
veut dire 5,5c. environ par litre que le gouvernement donnait en
subvention pour le lait de transformation. Le 1er août de l'an 2001,
ce sera zéro.
Savez-vous ce que cela entraîne pour les producteurs laitiers du
Québec, les 26 000 producteurs laitiers du Québec? Cela entraîne
une coupure de 108 millions de dollars, seulement pour le Québec;
pour l'ensemble du Canada, cela représente 228 millions de dollars.
Comme le Québec produit 48 p. 100, vous comprendrez que c'est
d'abord et avant tout les producteurs agricoles québécois qui sont
les plus pénalisés.
Le ministère de l'Agriculture a subi, plus que tous les autres
ministères, les coupures du ministre des Finances. Du budget de
1994-1995 au budget de 1998 qu'on aura l'année prochaine, ce sont
des coupures de 35,5 p. 100, près de trois huitièmes des coupures
qu'on appliquera à l'agriculture. Dans le projet de loi C-34, c'est
l'utilisation du principe des vases communicants. Ce qu'on avait
prévu comme source de revenu, ce qu'on va donner en paiements
anticipés, on devait le garantir en revenu, advenant de mauvaises
récoltes.
C'est donc prendre les montants d'argent dans une assiette pour
les transférer dans une autre. On ne crée pas ici d'argent frais,
d'argent neuf. Si bien qu'avec les coupures de subsides aux
producteurs de lait industriel, cela entraînera inévitablement une
augmentation pour les transformateurs de ce lait.
J'invite ici les producteurs laitiers à bien écouter ces chiffres.
Selon une étude, chaque fois qu'on augmente le prix du beurre de10 p. 100, le beurre coûte au-delà de 3 $ la livre actuellement, on
l'augmente de 30c. Est-ce que les gens consommeront plus de
beurre? Non. Cela entraîne une chute des ventes de 7 p. 100.
9856
Notre problème, ici, au Québec, ce n'est pas une difficulté
d'approvisionner les usines de transformation, bien au contraire.
Chaque producteur laitier pourrait garder une vache ou deux de plus
et il serait très heureux. Bien sûr, il serait très heureux, mais si on
augmente le prix du lait de transformation, cela n'entraînera pas la
possibilité de garder une vache de plus, mais il faudra qu'il enlève
une vache, ce qui fait une différence de deux vaches. Vous
comprendrez comme moi que ce n'est pas la première vache qui est
payante dans le troupeau, c'est toujours la dernière. C'est la
dernière vache qui est tout profit, c'est celle-là qui permettra à
l'agriculteur de se payer un petit peu de luxe, comme tous les
travailleurs spécialisés dans notre pays.
J'ai un autre exemple à propos du fromage, et c'est la même
chose, si on augmente le fromage de 10 p. 100. Je vois le secrétaire
parlementaire du ministre de l'Agriculture qui m'écoute
attentivement; je l'invite à correspondre avec moi s'il ne comprend
pas bien ces chiffres, mais surtout à bien écouter.
(1120)
Donc, dans le cas du fromage par exemple, si on l'augmente de
10 p. 100, cela entraîne une baisse de 4 p. 100. Là aussi, chaque fois
qu'on va augmenter le prix, il y aura une baisse. Monsieur le
Président, vous semblez indifférent à ces problèmes que je signale
concernant les producteurs laitiers, et cela me fait beaucoup de
peine, car ceux-ci ne doivent pas travailler cinq jours par semaine,
mais bien sept jours par semaine.
La traite du matin, la traite du soir et l'entretien des animaux, cela
se fait la semaine et le dimanche, même le jour de l'An, le jour de
Noël et à Pâques. Ils ne peuvent se permettre de perdre, et on n'a pas
le droit, nous, de couper 5,5 p. 100 de leurs revenus. On n'a pas le
droit de couper unilatéralement des subsides que le gouvernement
central, ici, avait établis au début des années 1970.
Je crois qu'il est important de souligner ceci à la Chambre, et si le
secrétaire parlementaire n'est pas d'accord avec moi, je l'invite à
contredire mes chiffres. Le budget global du ministère de
l'Agriculture n'a investi que 9 p. 100 l'année dernière au Québec.
En moyenne, semble-t-il, ce serait 11 p. 100. L'année au cours de
laquelle ce ministère a été le plus généreux envers la classe agricole
québécoise, il a investi au Québec, en achat de biens et services ou
encore dans des stations d'agriculture, même s'il en a fermé 5 ou 6 il
y a déjà deux ans, il a investi 17 p. 100. Cela a été un sommet.
Pourtant, au Québec, on produit une activité agricole de 17 p.
100, une activité agricole brute. Mais lorsqu'on inclut des usines de
transformation, ce qu'on appelle communément la valeur ajoutée,
la valeur ajoutée lorsqu'on fait du fromage, du yogourt, du beurre et
de la crème glacée, le Québec génère, dans l'ensemble du Canada,
une activité économique agricole de 24 p. 100. Pourtant, on
n'investit au Québec qu'un maigre 9 p. 100, alors que la moyenne
est de11 p. 100. C'est honteux, c'est scandaleux.
Lorsque je rencontre les producteurs de mon comté, je leur
explique régulièrement l'iniquité qu'on administre, pas seulement
une fois à l'occasion, mais chaque décennie, et j'oserais dire depuis
le début de ce semblant d'union entre le Bas-Canada et le
Haut-Canada qui s'est effectuée en 1841, avant la Confédération de
1967 où on avait justement fusionné les deux dettes du Haut et du
Bas-Canada, le Haut-Canada étant l'Ontario d'aujourd'hui et le
Bas-Canada, le Québec. On avait additionné les deux dettes, on les
avait fusionnées et tout le monde devait payer.
L'Ontario, le Haut-Canada, était endetté 12 fois plus que le
Québec et évidemment, ses infrastructures, son port à Toronto, les
routes et les chemins de fer étaient aussi 12 fois plus développés
qu'au Québec. On pourrait comparer cette situation à une louve qui
met au monde quatre petits louveteaux. Vous savez déjà par
expérience que c'est le premier louveteau qui prendra la première
tétée et c'est lui qui sera le plus fort, le plus vigilant et le plus
vigoureux de toute la meute de loups. Dès 1841, l'Ontario avait pris
les devants et conserve toujours cette avance.
Un autre exemple d'iniquité, c'est lorsque, il y a deux ans, le
gouvernement d'Ottawa a aboli la LTGO dans l'Ouest. Lorsqu'on a
aboli ici la subvention aux producteurs de lait industriel, on l'a
coupée et, bien sûr, on n'a absolument rien versé comme
compensation, zéro. Mais lorsqu'on a coupé la LTGO, la Loi sur le
transport du grain de l'Ouest, pour épargner 860 millions par année,
le gouvernement a investi 2,9, pas millions, mais milliards de
dollars pour économiser 860 millions.
(1125)
On a réparti ces 2,9 milliards en trois tranches. Nous avons tout
d'abord alloué 1,6 milliard aux producteurs céréaliers, dépendant
de la grandeur de leur ferme, du nombre de boisseaux qu'ils avaient
vendus l'année précédente et ainsi de suite. Alors, la situation
géographique de leur ferme proche de ceci, proche de cela, était un
critère. Alors, 1,6 milliard mais, tenez-vous bien, on a fait le
chèque, mais on n'a pas remis de TP4 ou de T4, donc c'était sans
impôt à payer; c'était de l'argent clair, ce qui est assez rare. Il faut le
faire, n'est-ce pas.
Alors, le gouvernement fédéral leur a remis des montants très
importants, alors que ceux qui les ont reçus n'avaient pas à les
inclure dans leur rapport d'impôt, ce qu'on appelle de l'argent au
noir.
De plus, on a prévu un montant de 300 millions de dollars en
mesures d'adaptation, amélioration de routes, amélioration de
chemins de fer, location, construction de silos, ainsi de suite. On a
également prévu un milliard de dollars en garantie de prêt à certains
pays étrangers qui voudraient, mais qui n'ont pas les moyens
d'acheter des céréales de l'Ouest. Additionnez tout cela et vous
obtenez un montant de 2,9 milliards.
Voyez-vous encore une fois l'iniquité du ministère de
l'Agriculture entre les producteurs agricoles de l'Ouest et les
producteurs agricoles de l'Est, et ce n'est pas seulement le Québec,
j'inclus là-dedans les producteurs des provinces Maritimes et, bien
sûr, les producteurs de l'Ontario.
Le projet de loi C-34, dans un certain sens, pourra donner certains
avantages aux producteurs agricoles qui doivent subsister pendant
une longue période sans revenu, car il arrive seulement dans un
pouf, lorsque la récolte se fait. Je donnais le plus bel exemple, celui
qui est facile à bien cerner puisqu'on est à la toute fin de la récolte,
c'est l'acériculture et la production de sirop d'érable. L'acériculteur
peut essayer de vendre sa récolte d'un coup, mais les produits seront
détaillés l'année durant.
9857
En terminant, je voudrais rappeler que ce gouvernement, même
s'il essaie de faire des améliorations, a un talon d'Achille, que je me
chargerai de rappeler dans mes différents discours durant la
prochaine campagne électorale, et c'est l'équité. On dirait que le
gouvernement ne connaît pas l'équité.
Comme le journaliste André Pratte du quotidien La Presse l'a si
bien décrit dans son volume intitulé Le syndrome de Pinocchio: la
classe politique au Canada, malheureusement, à force d'abuser de
l'électorat, a perdu toute crédibilité.
Un sondage paru dans une revue spécialisée, il y a quelque temps,
disait que les politiciens, et on décrivait une trentaine de professions
qui s'appliquent au Canada, arrivaient avant-dernier au bas de la
liste, juste avant les vendeurs d'automobiles usagées. Les médecins
et les policiers occupent le sommet, évidemment, et on descend. Les
avocats, comme ils ont un travail assez difficile à accomplir
souvent, étaient assez près des politiciens. Lorsqu'on regarde les
fonctions de plusieurs de nos collègues, ici, plusieurs étaient
avocats. Bref, les politiciens se retrouvent très bas sur la liste, juste
avant les vendeurs d'automobiles usagées, parce que les vendeurs
d'automobiles neuves se classent quand même relativement bien.
Alors, le vendeur de Ford va vanter la Ford au détriment d'une
Chrysler et ainsi de suite, mais outre cela, les politiciens font dur
là-dedans. Malheureusement, j'en suis devenu un tout à fait par
hasard, et je vais essayer de garder le syndrome de Pinocchio le plus
loin de mon coeur et de mes aspirations. Mes enfants me disent
souvent ceci: Papa, il y a quelqu'un d'autre qui porte ton nom à la
Chambre des communes.» Je leur dis: «Écoutez, lui, c'est le roi; sa
vice-première ministre est la reine dans ce domaine.» On l'a vu avec
la TPS, lorsqu'on promettait de la «scrapper». Nous, dans notre
langage coloré, lorsqu'on dit «scrapper quelque chose», cela veut
dire qu'on va le jeter, le détruire, et on va l'envoyer à la «scrappe»,
au rebut.
(1130)
Alors, on comprenait, nous, lorsque le premier ministre affirmait
qu'il allait «scrapper» la TPS, qu'il allait l'abolir et peut-être
trouver une autre façon imagée pour ramasser les 19 milliards de
dollars que la TPS rapporte au Trésor public. Rappelons ce qu'il a
dit vouloir dire: «Si vous avez compris que j'étais pour la
«scrapper», vous avez mal compris; et si vous ne l'avez compris,
c'est que vous avez les oreilles bouchées. Et si vous ne comprenez
pas, c'est que vous êtes des imbéciles.» On a eu droit à cette
réplique justement pendant la période des Fêtes, lorsque le premier
ministre a été interrogé par plusieurs citoyens choisis au hasard à la
grandeur du Canada.
Donc, les politiciens ne sont pas très populaires du côté de la
moralité publique, bien sûr, et pourtant, on va se lancer, dans
quelques jours, dans une campagne électorale. Ces distorsions de la
vérité afflueront. Le président du Conseil du Trésor, qui est venu
dans ma région à Thetford Mines à la veille du référendum de 1995,
disait qu'il donnait au Québec beaucoup plus d'argent que cette
province n'en payait. On donne, bon an mal an, 30 milliards de
dollars en taxes, en droits, en douanes et en impôts à ce
gouvernement, à cette institution qu'on appelle le gouvernement
fédéral. Et le président du Conseil du Trésor essayait de nous faire
croire qu'il nous en donnait trop. Si on coûte trop cher à ce
gouvernement, à ce Conseil du Trésor, à ce ministre, qu'ils nous
laissent partir, bon sang. Je n'ai jamais vu quelqu'un vouloir tant
garder quelque chose qui lui coûte un surplus à garder.
Je suis convaincu que le Québec, quand on examine ministère par
ministère, ne reçoit pas sa juste part. Je viens de vous donner
l'exemple du ministère de l'Agriculture qui nous donne 9 p. 100 et
qui, en moyenne, en donne 11 p. 100. L'année dernière, on a reçu, au
Québec, 9 p. 100 de l'enveloppe globale du ministère de
l'Agriculture, alors qu'on forme 24 ou 25 p. 100 de la population,
qu'on paie 24 p. 100 des impôts, qu'on génère 17 p. 100 des
activités agricoles directes. Lorsqu'on inclut à l'intérieur de cela les
usines de transformation, on atteint facilement les 24 p. 100. On
pourrait retrouver davantage d'exemples d'iniquité comme celle-ci,
si on se donnait la peine de les chercher.
Somme toute, nous allons voter en faveur du projet de loi C-34.
On va l'appuyer, bien que ce ne soit pas un projet de loi parfait. Je
vous ai parlé du principe des vases communicants pour aller
chercher 120 millions de dollars. Ce n'est pas de l'argent frais, ce
n'est pas de l'argent neuf. On le prend dans une autre pochette, qui
était dévolue aux agriculteurs, et on va le placer pour générer des
paiements anticipés. Cependant, selon le voeu de plusieurs
agriculteurs et de plusieurs associations de ces agriculteurs qui ont
communiqué avec mon bureau pour nous demander d'appuyer le
projet de loi C-34, on va acquiescer à la demande de ces agriculteurs
de l'ensemble du Canada, parce que, il faut bien le signaler, il y a du
bon.
On aurait pu présenter un projet de loi bien meilleur que celui-là
si on s'était donné la peine d'accepter les amendements que le Bloc
québécois avait présentés. C'étaient quand même des amendements
très sérieux-et le secrétaire parlementaire s'en souviendra-qu'on
avait présentés au Comité permanent de l'agriculture et de
l'agroalimentaire. Mais comme le veut la coutume, quand ça vient
de nous autres, ce n'est pas bon, et quand ça vient d'eux autres, c'est
bon.
Je me rappelle, encore cette semaine, lors de l'étude du projet de
loi C-72 où on devait élire une majorité de producteurs céréaliers au
bureau de direction de la Commission canadienne du blé. Une
majorité, c'était rédigé comme cela dans le projet de loi.
(1135)
Je leur ai dit: «Écoutez, on va inscrire le nombre. Sur 15, on
pourrait mettre 9. C'est majoritaire, 9 sur 15. On pourrait mettre 8,
c'est majoritaire aussi. Pour éviter les pelures de banane, on va
mettre un chiffre.» J'ai placé la barre à 12. J'ai présenté un
sous-amendement. Le Parti réformiste était d'accord avec le Bloc
québécois; le Parti libéral, les huit députés présents, y compris le
secrétaire parlementaire, ont voté contre, parce que ce n'était pas
leur idée. Trente-six heures plus tard, on demandait l'unanimité du
comité pour présenter un amendement qui fixait le nombre à 10 sur
15. Ce sera écrit dans le projet de loi C-72, «dix sur quinze seront
élus par les producteurs céréaliers».
C'est une amélioration, mais 36 heures auparavant, c'était l'idée
du Bloc québécois, et même mon collègue de Malpèque avait voté
contre, un déshonneur pour la classe agricole de
l'Île-du-Prince-Édouard. Il avait voté contre. Mais 36 heures plus
tard, ils sont revenus, ces bons libéraux, et ont proposé 10. Alors, 10
sur 15, 66 p. 100. J'ai dit: «Je vais tester le coeur et le courage de
mes collègues
9858
d'en face. Soixante-six pour cent, 12 sur 15, 75 p. 100, on va couper
la poire en deux» et j'ai présenté un sous-amendement pour 11.
La Commission canadienne du blé, il faut le rappeler, n'a pas été
créée, il y a 60 ans, en pleine crise économique, pour les agriculteurs
de l'Est, pour faire plaisir aux députés de cette Chambre, pour les
consommateurs ou pour les vendeurs de tracteurs, il n'y en avait pas
à ce moment-là, ou très peu. La Commission canadienne du blé a été
créée en pleine crise économique, dans les années 1930, pour
subvenir, pour aider les céréaliers qui faisaient faillite l'un après
l'autre, pour assurer une bonne mise en marché des céréales. Cela
s'adressait donc à eux. Or, si c'est pour eux, on va leur donner le
contrôle. Mais là, évidemment, le gouvernement veut en profiter
pour faire trois ou quatre nominations partisanes.
Moi, j'ai proposé 12. Trente-six heures plus tard, ils sont revenus
avec 10. Le lendemain, séance tenante, j'ai proposé 11. On s'est
regardés dans le blanc des yeux et mes collègues libéraux ont voté
contre. Mes collègues du Parti réformiste se sont ralliés au Bloc
québécois et ont accepté 11. Mais comme le parti ministériel a le
plein contrôle et que, souvent, les comités, ce n'est qu'une
mascarade, une perte de temps, dans ce cas-ci, cela a été une bonne
chose, puisqu'au moins, on les a sensibilisés avec nos arguments
pour, au moins, voir «10» dans le projet de loi, et ce ne sera pas du
superflu.
Si le Parti libéral était davantage à l'écoute de l'opposition
officielle, souvent, ces projets de loi seraient plus acceptables et
auraient un meilleur impact sur la classe agricole.
[Traduction]
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le
Président, je vais vous entretenir aujourd'hui du projet de loi C-34,
Loi sur les programmes de commercialisation agricole.
Pour rafraîchir la mémoire des auditeurs, je rappelle que cette loi
regroupe en un seul texte quatre lois distinctes et un programme qui
concernent l'agriculture. Elle porte sur la commercialisation des
produits agricoles.
Les quatre lois ainsi regroupées sont la Loi sur le paiement
anticipé des récoltes, la Loi sur les paiements anticipés pour le grain
des Prairies, la Loi sur la vente coopérative des produits agricoles et
la Loi sur l'Office des produits agricoles. Le programme visé est le
programme d'accroissement des liquidités.
Je voudrais passer en revue les trois grandes parties du projet de
loi avant d'en venir à certaines choses que les réformistes
aimeraient recommander. La nouvelle loi regroupe les dispositions
actuelles de la Loi sur le paiement anticipé des récoltes et de la Loi
sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies dans le
programme des paiements anticipés. Cela garantira des prêts sans
intérêts. Le nouveau programme comprendra des rajustements et une période de transition permettant aux producteurs qui vendent leur blé et leur orge par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé de devenir admissibles aussi.
(1140)
La deuxième partie du projet de loi porte sur la mise en commun
des prix. La nouvelle loi regroupe les dispositions de l'actuelle Loi
sur la vente coopérative des produits agricoles, qui garantit les prix
des produits agricoles dont la commercialisation est faite en
application d'un plan coopératif. En outre, le processus
d'administration et d'approbation du nouveau programme sera
clarifié, modernisé et simplifié, étant donné que l'approbation
relèvera désormais du ministre plutôt que du Cabinet et du Conseil
du Trésor.
Le troisième volet du projet de loi touche au programme d'achats
gouvernementaux. La nouvelle mesure législative comprend les
dispositions actuelles de la Loi sur l'Office des produits agricoles
qui vise les achats, la vente et l'importation de produits agricoles et
abolit l'Office des produits agricoles.
Elle vise également le recouvrement des frais administratifs, crée
des infractions, prévoit la présentation de rapports au Parlement et
modifie certaines lois en conséquence. Elle prévoit un examen
législatif obligatoire de la loi cinq ans après son entrée en vigueur,
excellente proposition qui devrait s'appliquer à toutes les lois.
Dans sa politique agricole, le Parti réformiste appuie le maintien
du programme de paiement anticipé des récoles, qui a réussi par le
passé à stabiliser le marché tout en maintenant un niveau acceptable
de risques pour les contribuables.
Les réformistes conviennent que les trois lois qui traitent du
paiement anticipé des récoltes en espèces devraient être fondues en
une loi, dans le but de réduire les frais administratifs. Nous avons
proposé des amendements qui, premièrement, préciseraient dans la
loi le plafond de la dette éventuelle que pourrait accumuler le
gouvernement ou qui permettraient au Comité permanent de
l'agriculture d'examiner toute nouvelle augmentation;
deuxièmement, permettraient aux agriculteurs de toucher sans frais
une avance de secours, qui serait toutefois comprise dans la portion
de 50 000 $ sans intérêts de l'avance; troisièmement, aboliraient le
programme d'achats gouvernementaux, parce qu'il est
incompatible avec l'économie agricole canadienne moderne, qui est
régie par la concurrence; et quatrièmement, traiteraient de façon
égale toutes les organisations agricoles, en cas de défaut de
paiement, ce qui signifie que la Commission canadienne du blé
n'aurait plus droit à une exemption spéciale de deux ans.
Malheureusement, les libéraux n'ont tenu qu'environ 25 p. 100
des promesses électorales qu'ils ont faites au sujet de l'agriculture
au cours de la campagne électorale de 1993. J'ai parcouru le livre
rouge et il est même très difficile de trouver ces promesses dans les
quelque 100 pages de promesses creuses. Ils avaient notamment
promis de consentir des avances de fonds sans intérêt aux
agriculteurs. En rejetant les amendements des réformistes, les
libéraux vont à l'encontre de leur propre promesse.
Je viens d'entendre le député bloquiste parler du processus suivi
au comité et des amendements qui y sont souvent proposés afin
d'améliorer des projets de loi. De tels amendements sont
fréquemment rejetés parce qu'ils ne viennent pas des libéraux.
C'est regrettable, parce que les libéraux avaient promis d'élargir le
rôle législatif des comités. Ils ne l'ont pas fait et c'est une autre
promesse électorale qu'ils n'ont pas tenue.
9859
Tous les amendements des réformistes ont été rejetés au comité,
même si le prétexte fourni pour renvoyer le projet de loi au comité
avant l'étape de la deuxième lecture était de permettre aux députés
d'apporter des modifications de fond. La promesse que les libéraux
ont faite dans leur livre rouge, soit d'élargir le rôle des députés à
l'égard de la rédaction de lois, était vraiment une promesse en l'air.
Cette promesse des libéraux est faite dans le livre rouge, aux pages
87 et 88. C'était bien une promesse en l'air. Elle est restée lettre
morte depuis trois ans et demi.
(1145)
Si les membres libéraux du comité avaient vraiment voulu
remplir les promesses de leur livre rouge, ils auraient voté pour
certaines propositions réformistes qui auraient apporté des
modifications de fond, dont une qui aurait justement permis de
réaliser une de leurs promesses du livre rouge.
Le fait qu'ils ont rempli à peine le quart de leurs promesses faites
aux agriculteurs pendant la campagne électorale de 1993 est très
grave. Il faut adopter une vue d'ensemble. Voici, par exemple, ce
qu'ils avaient promis à la page 13 du livre rouge:
Les pouvoirs publics ont une marge de manoeuvre réduite côté fiscalité; ils
doivent, à long terme, viser à alléger la charge fiscale.
Le fait est que le gouvernement a amassé 24 milliards de dollars
de plus en recettes fiscales. Malheureusement, c'est là une très
importante promesse qu'il n'a pas tenue.
À la page 52, les libéraux ont enfoui quelques-unes de leurs
promesses à l'égard de l'agriculture. Ils avaient dit qu'ils
développeraient de nouveaux marchés nationaux et internationaux
pour les denrées alimentaires canadiennes, qu'ils réduiraient les
coûts des facteurs de production dans un souci de rentabilité et
qu'ils mettraient en place un programme «agro-global» d'aide aux
revenus agricoles.
La question de la réduction des coûts de production m'est bien
familière. Je vis dans une exploitation agricole et j'entretiens des
relations étroites avec la communauté agricole. J'écoute presque
tous les jours les préoccupations des agriculteurs. Et une de leurs
préoccupations les plus critiques et les plus graves est que leurs
coûts de production sont élevés. Beaucoup de ces coûts
comprennent des taxes.
Par exemple, l'engrais est fabriqué à partir du gaz naturel, qui est
fortement taxé. C'est ainsi qu'un produit que les agriculteurs
doivent utiliser pour leur travail comporte un élément qui est
fortement taxé. Tout cela parce que le gouvernement perçoit des
taxes pour faire vivre une lourde administration au lieu de réduire
les coûts et la taille du gouvernement.
Une autre préoccupation extrêmement sérieuse des agriculteurs
réside dans les frais de transport élevés. J'ai parcouru tout le livre
rouge et il n'y est dit nulle part que les libéraux devaient supprimer
le tarif du Nid-de-Corbeau dès leur élection. Cela a été un choc pour
les agriculteurs. Ce qui est extrêmement grave, très souvent, c'est
que non seulement les libéraux n'ont pas tenu des promesses qu'ils
avaient faites pendant la campagne électorale, mais encore ils ont
fait une fois au pouvoir des choses auxquelles les gens ne
s'attendaient pas du tout.
Le député bloquiste parle du cynisme de la population à l'égard
des politiciens. Je suis d'accord. Nous devons être tenus
responsables. Il faut prévoir un mécanisme dans notre structure
démocratique qui permettra aux électeurs de vraiment tenir leur
député responsable. C'est là un changement clé que nous,
réformistes, apporterons lorsque nous formerons le gouvernement.
Je vais maintenant dire quelques mots de nos amendements.
Nous proposons de limiter l'endettement des gouvernements. Le
gouvernement laisse de plus en plus à des bureaucrates plutôt qu'à
des élus le soin d'examiner la politique, la réglementation, les
dépenses et les dettes.
J'ai demandé à la Bibliothèque du Parlement de me faire savoir
combien des mesures législatives dont la Chambre a été saisie
dernièrement enlèvent des pouvoirs aux élus du Canada pour les
donner aux bureaucrates. Cette question ne lui avait jamais encore
été posée. Les personnes qui ont fait la recherche ont été renversées
et scandalisées de découvrir que de nombreux projets de loi dont la
Chambre est saisie enlèvent des pouvoirs aux gens qui sont élus
pour diriger les affaires de notre pays et les donnent aux
bureaucrates.
(1150)
Le projet de loi à l'étude a le même effet. C'est une question très
grave. C'était l'une de nos réserves au sujet de la Commission
canadienne du blé. Il n'y a aucune raison pour que les agriculteurs
ne puissent prendre en main toutes leurs affaires. Il n'est pas
nécessaire que tout se fasse sous la direction du ministre de
l'Agriculture, que celui-ci nomme le président-directeur général et
qu'il contrôle entièrement les affaires de la commission du blé. Ce
sont les provinces les plus visées par la commission, soit la
Saskatchewan, l'Alberta et le Manitoba, qui devraient administrer
celle-ci.
Fort de sa compétence, le comité permanent devrait examiner
toute augmentation du passif éventuel aux termes du programme
d'avances en espèces. Le ministre de l'Agriculture aurait
simplement à aviser suffisamment à l'avance le comité de son
intention de hausser le montant en question, de sorte que ses
membres puissent tenir des audiences afin de rapidement
déterminer si une hausse est bel et bien nécessaire.
Nous aimerions parler en tant que réformistes de l'octroi
d'avances sans intérêts. En comité, les libéraux ont voté contre un
amendement réformiste concernant le versement d'avances
printanières sans intérêt. Il s'agissait d'une de leurs promesses
électorales. Ils ne l'ont pas tenue. Pas plus qu'ils n'ont appuyé
l'amendement proposé par les réformistes.
Permettez-moi maintenant de parler de l'imposition de limites
concernant les achats gouvernementaux. Dans le cadre des achats
gouvernementaux, le ministre dispose d'une vaste gamme de
pouvoirs lui permettant d'acheter, de vendre ou d'importer des
produits agricoles pour stabiliser la conjoncture sur le marché
intérieur ou de conclure des accords de vente avec d'autres
gouvernements ou organismes gouvernementaux.
9860
Bien qu'il n'ait pas prévu de fonds pour le programme, le
gouvernement a été incapable de justifier de façon satisfaisante la
prolongation de ce programme en l'enchâssant dans une nouvelle
loi. Les pouvoirs étendus accordés pour ce programme n'ont pas été
utilisés depuis 1985 et ne l'ont été qu'à quelques reprises depuis 20
ans. Qui plus est, l'objet de ce type de programme est incompatible
avec l'économie canadienne moderne axée sur le marché.
Par exemple, quelles sont exactement les conditions
inhabituelles du marché pour les denrées périssables sur lesquelles
le gouvernement se fonde pour justifier le recours à ce programme?
Le gouvernement devrait expliquer en détail pourquoi il continue de
vouloir avoir la haute main sur l'économie agricole du Canada.
Je voudrais maintenant parler du traitement égal pour tous les
producteurs. En vertu de la nouvelle loi, la portion de l'avance en
défaut qui sera la responsabilité de l'administrateur du programme
ou de l'organisation de producteurs sera fondée sur ses paiements en
défaut précédents. Le montant à payer variera de 1 à 15 p. 100, selon
les rendements antérieurs.
Le Parti réformiste est en faveur de cette modification, mais
s'oppose au délai de deux ans pour la Commission canadienne du
blé. Bien que le gouvernement prétende que la Commission
canadienne du blé a besoin de temps pour apporter les correctifs
administratifs, le principe de l'équité et de la responsabilité
financière devrait être respecté.
Je me demande si certaines des tactiques politiques qu'utilise le
gouvernement visent à détourner l'attention du public de ses projets
de loi plus controversés. Je pense souvent à ce qui est arrivé ces
dernières semaines alors que l'on se prépare aux prochaines
élections. On a remarqué une hausse soudaine des dépenses du
gouvernement dans certains secteurs. Cette augmentation des
dépenses vise-t-elle à détourner notre attention de ce que le
gouvernement a fait auparavant, en Saskatchewan notamment? Le
projet de loi sur le contrôle des armes à feu a été un sujet de
préoccupation pour une foule de gens. Mentionnons, de plus, la
modification relative aux droits des homosexuels.
En présentant certains projets de loi renfermant de bonnes
nouvelles, le ministre de l'Agriculture cherche peut-être à faire
oublier ce que le gouvernement a fait depuis trois ans et demi. S'il
est une chose que les Canadiens veulent, c'est avoir une plus grande
maîtrise de leurs propres affaires. Ils veulent qu'en tant que députés
nous améliorions les lois et les rendions plus efficaces. Cela n'est
pas arrivé.
Ma plus grande préoccupation est que l'agriculture n'est pas une
grande priorité pour le gouvernement. Bien peu a été fait pour les
agriculteurs. La suppression du tarif du Nid-de-Corbeau sans
avertissement, sans possibilité d'adaptation dans le secteur des
transports a durement frappé les agriculteurs et aura un effet
dévastateur sur toute l'économie agricole. Le gouvernement aurait
dû faire ce qui était nécessaire pour réduire les coûts d'intrants des
agriculteurs avant de prendre certaines de ces mesures.
(1155)
M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de
l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le
Président, je suis très heureux de participer au débat sur le projet de
loi C-34 pour présenter le point de vue du gouvernement.
Le projet de loi C-34 établira la Loi sur les programmes de
commercialisation agricole. Il s'agit d'un projet de loi important
que le gouvernement a présenté pour aider les agriculteurs
canadiens à soutenir la concurrence mondiale en modernisant les
systèmes d'avances en espèces et de mise en commun des prix.
La nouvelle loi remplacera la Loi sur les paiements anticipés
pour le grain des Prairies, la Loi sur le paiement anticipé des
récoltes, la Loi constituant des programmes de commercialisation
des produits agricoles et la Loi sur la vente coopérative des produits
agricoles. Les quatre lois ont été adoptées à des époques différentes
pour combler des besoins différents. Cependant, elles avaient toutes
un objectif en commun: soutenir et favoriser la commercialisation
ordonnée des produits agricoles.
Le projet de loi remplit la promesse faite dans le livre rouge de
rétablir le programme d'avances en espèces sans intérêt aux
agriculteurs, qui avait été aboli par le gouvernement précédent. Il
est vrai que les avances en espèces ont été rétablies chaque année à
titre spécial par le Cabinet, mais les producteurs, aux prises avec des
problèmes de liquidités, ne pouvaient jamais être certains que les
avances seraient rétablies d'une année à l'autre.
Le rétablissement du programme d'avances en espèces sans
intérêt est important parce que les agriculteurs ne peuvent pas
choisir le moment où ils ensemenceront leurs champs et où ils
feront leurs récoltes. Parfois, ils ne peuvent même pas décider
quand ils vendront leurs produits. Des pressions financières peuvent
parfois les obliger à vendre immédiatement après la récolte, au
moment où, bien souvent, les prix sont les plus bas.
Avec le projet de loi, le gouvernement aidera à alléger les
pressions financières que subissent les agriculteurs et à lever
l'incertitude causée par l'attente de l'annonce du rétablissement
temporaire des avances en espèces sans intérêt.
Au printemps de 1995, Agriculture et Agroalimentaire Canada a
enclenché le processus rétablissement en lançant des consultations
sur la mesure législative concernant les avances et la
commercialisation ordonnée auprès de plus de 160 groupes de
producteurs. Nous avons eu d'autres consultations à l'hiver et à
l'été de 1996. Le ministère voulait connaître l'avis de tous les
intervenants sur le projet de loi et voulait que les programmes
financiers prennent la forme que souhaitaient les agriculteurs.
Les consultations ont permis de recueillir beaucoup de bonnes
suggestions que le gouvernement a intégrées dans le projet de loi, y
compris l'idée de combiner les quatres programmes en un seul. Les
producteurs ont dit que c'était très déroutant d'avoir quatre lois
différentes. Ils ont dit aussi que les quatre lois existantes ne
traitaient pas tous les producteurs de façon égale et que certains
produits n'y étaient même pas inclus. La nouvelle loi élimine ces
injustices et ces anomalies.
9861
L'agriculture est une entreprise risquée. Le succès dépend
beaucoup de différentes conditions à l'égard desquelles
l'agriculteur n'exerce aucun contrôle. La Loi sur les programmes de
commercialisation agricole apportera un peu plus de certitude aux
agriculteurs canadiens qui sont vulnérables. Elle leur donnera un
certain contrôle et une certaine flexibilité qu'ils n'auraient pas
autrement. Elle les aidera à demeurer concurrentiels à l'échelle
internationale.
Cette nouvelle mesure législative représente une véritable
amélioration pour les contribuables et une utilisation plus efficace
de leurs impôts. Elle représente aussi une amélioration pour les
agriculteurs, qui jouiront d'une plus grande stabilité grâce au
rétablissement, en vertu de la loi, d'un programme d'avances sans
intérêt. Elle leur redonnera le contrôle et la flexibilité qu'ils n'ont
plus depuis la fin des années 80.
Le projet de loi aidera les agriculteurs à soutenir la concurrence
de leurs homologues sur les marchés internationaux. Ce sont là de
bonnes nouvelles pour l'ensemble du Canada, car le succès des
agriculteurs canadiens a un impact direct sur la création d'emplois
dans le secteur agricole et agroalimentaire ainsi que dans l'industrie
d'un bout à l'autre du pays.
Je voterai en faveur du projet de loi et j'exhorte tous les députés à
faire de même.
(1200)
M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le
Président, nous avons vu hier que la question du pilotage n'avait pas
été réglée dans le projet de loi maritime. Je sais que les agriculteurs
auraient bien voulu que cette question soit réglée, car ils auraient
alors pu s'attendre à payer moins cher pour expédier leur grain.
Que pense le secrétaire parlementaire des frais exorbitants exigés
par les pilotes étant donné qu'on n'a plus vraiment besoin d'eux
aujourd'hui avec l'avènement du système de positionnement
global? Les agriculteurs doivent encore payer 53 000 $ par voyage,
soit une moyenne de 5 200 $ par jour par pilote. C'est le genre de
question que les agriculteurs souhaiteraient qu'on règle pour
pouvoir souffler un peu et espérer une réduction de leurs frais
d'expédition.
M. Pickard: Monsieur le Président, le gouvernement a fait tout
ce qu'il a pu pour que le coût des intrants, du transport et autres
soient le plus abordables possible pour les agriculteurs.
Il va de soi que des coûts exorbitants doivent être examinés et
qu'une solution raisonnable doit être apportée au problème. Tous
les Canadiens ne souscrivent pas à la prémisse voulant que les coûts
ne soient pas équitables, mais lorsqu'il s'est avéré que des coûts
étaient trop élevés, nous avons examiné la situation et tenté de
ramener les prix à un juste niveau.
Cette question se rapporte cependant à une autre mesure
législative. Pour l'heure, notre attention porte sur les paiements
anticipés et la restructuration de quatre projets de loi qui traiteront
tout le monde, toutes les communautés agricoles sur un pied
d'égalité et avec équité. Il s'agit d'une question fondamentale.
Je sais que les consultations qui ont eu lieu à la grandeur du
Canada ont presque fait l'unanimité. Le projet de loi C-34 est une
mesure très importante pour nous tous et nous en avons besoin pour
permettre aux Canadiens de bénéficier d'un traitement équitable au
chapitre de la concurrence agricole, tant sur le marché international
que national.
M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le
Président, c'est un plaisir pour moi de prendre la parole à la
Chambre aujourd'hui pour traiter de cette question. Nous avons
examiné différents types de lois, et je sais que beaucoup des
problèmes des agriculteurs ne tiennent pas seulement à une ou deux
des lois que nous avons tenté d'améliorer, mais à six ou sept
mesures législatives qui relèvent de la compétence du ministre de
l'Agriculture. Nous devons tenir compte du fait que les problèmes
ne sont pas réglés simplement parce que nous avons amélioré
quelques-unes des lois en cause.
Le secrétaire parlementaire a mentionné que ce projet de loi
réunissait plus ou moins trois lois: la Loi sur le paiement anticipé
des récoltes, la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des
Prairies et la Loi sur la vente coopérative des produits agricoles.
L'intégration de ces programmes est un pas dans la bonne direction,
cela ne fait aucun doute. Si l'on peut réduire la lourdeur
administrative des lois concernant l'agriculture, on ne fait que
rendre service aux agriculteurs.
Le Parti réformiste est très favorable à la réduction des coûts
d'administration, de la lourdeur administrative et de la paperasserie
dont les agriculteurs doivent s'accommoder. Je pense que j'ai dit
clairement hier, au comité, que l'harmonisation des règles sur
l'enregistrement des produits chimiques et sur l'inspection des
aliments était aussi un enjeu très important, en plus de ces lois.
Ce n'est que juste de montrer à quel point la législation
concernant les agriculteurs peut parfois être injuste. Quand
j'examine les témoignages formulés par les meuniers devant le
comité permanent, il y a à peine quelques jours, je remarque que
ceux-ci ont le droit d'importer du grain des États-Unis sans que la
Commission du blé se mêle de la mouture ou de la transformation de
leur produit. Cependant, quand les agriculteurs trouvent pour le
grain qu'ils cultivent aux États-Unis un marché où le boisseau se
vend 2 dollars de plus qu'au Canada, on les jette en prison.
(1205)
Ce n'est pas une façon équitable de traiter un secteur de notre
économie. D'un côté, nous permettons une chose qui est profitable
pour les produits à valeur ajoutée et de l'autre, nous refusons aux
producteurs de matières premières qui essaient de capturer un
marché l'accès à ce dernier. C'est contre ce genre de choses que les
agriculteurs protestent et ils en tiendront compte lorsqu'ils voteront
aux prochaines élections.
Nous sommes en faveur de maintenir les programmes de
paiements anticipés car ils ont un effet stabilisateur sur le marché et
9862
réduisent les risques de défauts de paiement pour les contribuables.
Les agriculteurs sont en général assez honnêtes et font leur possible
pour honorer leurs engagements.
Le gouvernement libéral est loin de tenir ses promesses. Il est très
facile de faire des promesses, mais il est plus difficile de les tenir. Le
gouvernement avait entre autres promis de verser au printemps des
paiements anticipés pour les récoltes ne portant pas d'intérêt. Je sais
que le député de Malpèque s'était prononcé fortement en faveur
d'une telle avance, mais comme c'est un libéral d'arrière-ban, il ne
semble guère avoir d'influence sur son gouvernement.
Le Parti réformiste est en faveur d'un tel paiement anticipé et
estime qu'il devrait être porté à au moins 50 000 $ et inclus dans les
autres programmes de paiements anticipés si l'on veut traiter les
agriculteurs de façon équitable. Certains députés libéraux ont
parfois de bonnes idées, mais étant donné l'absence de démocratie
au sein du gouvernement, ces députés n'ont guère d'influence ou
d'impact.
Nous avons vu ce qui est arrivé quand tous les membres du
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire ont dit
qu'il fallait mettre fin au retour en arrière dans l'expédition du
grain, car cela nous coûtait des millions de dollars. Cette pratique a
fait perdre quelque chose comme 60 millions de dollars aux
contribuables jusqu'à ce qu'on y mette fin finalement en éliminant
la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.
Voilà des domaines où les agriculteurs apprécieraient que la
Chambre prenne des mesures lorsqu'elle est saisie du problème au
lieu de simplement promettre, à la veille des prochaines élections,
que la question sera étudiée en septembre lors de notre retour à la
Chambre ou lors de la prochaine législature, comme on me l'a dit
hier dans le cas des droits de pilotage pour le transport du grain.
Le Parti réformiste a proposé certains amendements qui auraient
assuré une mise en oeuvre plus responsable de ce projet de loi. L'un
d'entre eux portait sur les règlements du gouverneur en conseil
régissant l'obligation du gouvernement dans le cas des accords de
garantie d'avance. Nous constatons que le gouvernement a de plus
en plus tendance à procéder par décret au lieu d'agir directement à la
Chambre. C'est une orientation déplorable. Lors des prochaines
élections, les contribuables et les électeurs le feront nettement
savoir au gouvernement.
Nous voulions que les règlements soient présentés à la Chambre
des communes, mais personne n'a voulu nous écouter. Tout cela
leur est bien égal. Ils se disent: «Nous sommes au pouvoir et nous
faisons comme il nous plaît.»
Nous voulions que les agriculteurs aient accès à des avances de
secours, mais, comme nous l'avons entendu, le gouvernement ne l'a
pas permis. Nous voulions que le gouvernement élimine le
programme d'achats gouvernementaux et qu'il traite toutes les
organisations agricoles également.
Lorsque j'examine certaines questions étudiées à la Chambre, je
suis toujours étonné de voir que nous analysons ce qui se passe dans
une industrie en oubliant qu'elle a un impact sur les autres.
(1210)
Lorsque nous avons vu arriver le boeuf de l'étranger, il y a à peu
près un an, du fait que les quotas du GATT étaient passés de quelque
chose comme 75 000 à 115 000 tonnes, nous n'avons pas réfléchi
au nombre d'emplois que cela supprimait. Nos éleveurs ont été
obligés d'exporter leurs veaux aux États-Unis pour les faire abattre.
Cela a supprimé au moins trois emplois pour chaque emploi créé par
l'importation de ces quantités supplémentaires de boeuf.
Qui plus est, les pays qui exportaient ce boeuf avaient un
excédent d'exportations. Nous avons dû emprunter de l'argent pour
financer ces importations. À mon avis, ce n'est pas comme ça qu'on
dirige une entreprise et encore moins un pays.
Ce pays devrait être dirigé comme une entreprise. Si on est dans
le rouge, il faut s'en sortir.
Par ailleurs, l'un des amendements proposés par les réformistes a
été défait parce qu'il n'était pas politiquement avantageux à
l'époque. Ce serait peut-être différent maintenant.
Cela prouve que la promesse du livre rouge de donner aux
députés un rôle plus important dans l'élaboration des mesures
législatives n'est rien d'autre que des paroles en l'air. C'est une
autre de ces promesses que les libéraux n'ont pas tenues et dont ils
vont devoir rendre compte à l'électorat.
Nous aurions voulu que le comité soit plus démocratique. Nous
aurions voulu que le comité lise le livre rouge et mette en oeuvre les
promesses qu'il contient. La preuve est là. Ce sera tout à notre
avantage de pouvoir le brandir de temps à autre pendant la
campagne électorale en disant: «Les voilà leurs promesses. Voyez
par vous-mêmes s'ils les ont tenues.»
Ce sera un plaisir d'avoir de la documentation qui nous sera
réellement utile durant la prochaine campagne électorale. Parfois,
les promesses qui sont consignées par écrit peuvent revenir vous
hanter plus tard.
Je ne peux m'empêcher d'admirer mon collègue de
Yorkton-Melville qui mentionnait un certain nombre de choses
concernant la Commission canadienne du blé. Nous constatons une
fois de plus que, ces derniers six mois, nous avons beaucoup de mal
à assurer le transport des grains.
La Commission blâme les chemins de fer. Les chemins de fer
blâment le temps et sans doute que les Libéraux blâment le Tout
Puissant, ce que fait le gouvernement lorsqu'il est à court
d'excuses.
Jusqu'où cela ira et qui prendra la responsabilité reste à
déterminer. J'ai été stupéfait que l'an dernier, au printemps 1996, la
Commission canadienne du blé ait annulé le quota C pour l'orge,
sous prétexte qu'il n'y avait pas assez de grain, qu'il n'y avait rien à
vendre.
Nous avions des milliers de wagons-trémies vides sur des voies
de garage. Nous ne savions qu'en faire. Tout d'un coup, lorsque la
nouvelle récolte arrive, on se rend compte que l'on a un reliquat
record de grains de provendes de l'an dernier, ainsi qu'un reliquat
record de blé durum. Nous avions tous ces wagons qui ne faisaient
rien et personne n'a fait quoi que ce soit.
9863
Lorsque la LTGO a été abolie, les Libéraux nous avaient promis
que le grain serait transporté. Ils allaient suivre la situation et mettre
en place des règles et règlements que les chemins de fer devraient
respecter.
Cela n'a pas été fait. Selon le plus récent rapport d'une des
compagnies de chemins de fer, elle a transporté au cours du dernier
mois 2000 wagons-trémies vides qui n'avaient jamais été chargés.
On se rend compte de la situation déplorable de notre réseau
ferroviaire. Le gouvernement ne fait rien pour corriger la situation.
Ces projets de loi essaient d'y parvenir. Ils auront un succès partiel,
mais je pense que c'est loin d'être ce que veulent les agriculteurs et
ce dont l'industrie a besoin.
(1215)
Le système de transport ne fonctionne pas. Les agriculteurs
canadiens qui pourraient facilement se rendre aux États-Unis et
profiter de débouchés viables là-bas ne peuvent le faire, car nous
sommes confrontés à un monopole qui ne veut pas coopérer face
aux problèmes auxquels nous sommes confrontés ou à l'évolution
du marché durant l'année.
Je sais aujourd'hui qu'il y a une énorme demande pour notre
grain fourrager aux États-Unis. Dans ma petite région de
Morden-Winkler, durant la dernière semaine ou les 15 derniers
jours, on a exporté plus de 200 000 boisseaux vers les États-Unis,
car quelques agriculteurs ont trouvé un marché là-bas. Ils ont
développé ce marché au point où il est devenu extrêmement lucratif.
C'est le type de politique agricole dont nous avons besoin, alors
que les agriculteurs prennent le contrôle de la situation et
demandent au gouvernement de rédiger des règlements établissant
des lignes directrices équitables pour tout le monde. Ce n'est pas ce
qui se produit. Là encore, je dois signaler ce que nous ont dit les
témoins que nous avons entendus encore récemment, des meuniers.
Ils ont affirmé qu'ils pouvaient importer le grain des États-Unis
sans aucune restriction alors que les agriculteurs n'ont pas cette
liberté, car ils doivent passer par le programme de rachat. Comme
nous l'avons entendu dans le cadre des audiences du comité
permanent, ce programme n'est pas ce que les agriculteurs
souhaitent. Il n'est pas équitable pour tous les agriculteurs et on
devrait le modifier.
Il est regrettable de constater à quel point les agriculteurs sont
devenus méfiants à l'égard du gouvernement et des bureaucrates. Il
est très difficile pour eux de vraiment prendre au sérieux ce qui se
produit à la Chambre. Un incident très amusant s'est passé le 1er
avril. J'ignore si la Chambre a déjà entendu parler de l'article paru
dans Grainews, selon lequel le ministre de l'Agriculture avait
annoncé un nouveau projet de carburant diesel biologique et créé
une société de la Couronne appelée Petro Canola.
J'ai reçu un certain nombre d'appels de mes électeurs qui se
demandaient si cela aurait pu vraiment se produire à Ottawa.
Lorsque j'en ai entendu parler pour la première fois, j'ai jugé que
c'était une idée folle. Je me suis demandé pourquoi quelqu'un allait
même jusqu'à croire une chose comme celle-là.
Je voudrais simplement vous lire quelques passages tirés de
l'article en question pour que les députés aient une idée des
sentiments des agriculteurs au sujet du gouvernement fédéral et de
la confiance qu'ils font aux politiciens. On dit dans cet article que le
premier ministre avait un meilleur plan que l'ancien Programme
énergétique national du début des années 80. «Nous allons mettre
sur pied des raffineries près d'Ottawa, des deux côtés de la frontière
séparant l'Ontario et le Québec, pour obtenir une industrie
équilibrée. Les agriculteurs de l'Ouest profiteront de la culture du
canola et les Canadiens de l'Est profiteront, quant à eux, de la valeur
ajoutée d'une nouvelle industrie. Tout le monde y gagne.»
Cela ressemble vraiment à un projet viable auquel un bureaucrate
ou un politicien a rêvé. On ajoute ceci dans l'article: «La nouvelle
société de la Couronne Petro Canola va acheter du canola aux
agriculteurs de l'Ouest à un prix moyen inférieur de 15 p. 100 au
cours mondial, mais les agriculteurs pourront compter sur un
marché garanti.» Je suppose qu'après avoir été liés à un monopole,
soit la Commission canadienne du blé, ils croient vraiment qu'on va
leur demander de vendre leurs produits à un prix probablement
inférieur aux cours mondiaux.
Je peux imaginer certains d'entre eux mordre à cet hameçon,
mais on dit ensuite dans l'article: «La commission transportera
ensuite vers l'Est, au tarif subventionné de la pie d'Amérique, le
canola qu'on raffinera et revendra aux agriculteurs de l'Ouest et à
d'autres utilisateurs de diesel.» Lorsqu'on voit cela, je pense que
tout le monde devrait avoir compris que cela ne peut être vrai et que
si cela l'était, je suis persuadé que nous aurions davantage de
provinces qui voudraient se séparer.
Cependant, c'est le type de problèmes auxquels nous, les
agriculteurs, sommes confrontés depuis de nombreuses années. Je
voudrais simplement préciser clairement au secrétaire
parlementaire et aux députés que dans l'ouest du pays surtout,
l'agriculture est encore le moteur de l'activité économique.
(1220)
Lorsque les agriculteurs et l'industrie agricole disparaîtront, il ne
restera pas grand-chose à sauver dans les provinces de l'Ouest ou,
probablement, dans tout le pays. C'est pourquoi j'estime qu'il est
très important que nous commencions à collaborer, à la Chambre,
pour protéger les agriculteurs, les usines de transformation
alimentaire et les offices de commercialisation, de manière à ce que
les agriculteurs réalisent davantage de bénéfices.
En ce qui concerne les prêts sans intérêts sur certains montants,
ce programme d'avances en espèces est, à mon avis, la bonne voie à
suivre. Cependant, lorsqu'un agriculteur subit une catastrophe et a
probablement un besoin criant d'un peu d'argent au printemps, il
me semble tout à fait ridicule de l'obliger à payer des intérêts sur les
premiers 50 000 $. Je ne crois pas que c'est ce que veulent
réellement les agriculteurs ou que cela bénéficiera à l'ensemble de
l'industrie agricole.
Le Parti réformiste croit fermement que l'agriculture devrait être
une industrie rentable et axée sur le marché, et que les agriculteurs
devraient être payés pour leur travail et obtenir un prix raisonnable
pour leurs produits.
9864
Lorsque je considère le coût de production d'un boisseau de
céréales de nos jours, l'efficacité grandement accrue des
agriculteurs, l'accroissement de leur volume de production chaque
année et leur capacité accrue de nourrir la population mondiale,
alors qu'ils sont frappés de toutes parts par le gouvernement ou par
des règlements, je suis d'avis que les choses doivent changer.
Un exemple que j'ai présenté hier concernait la lutte
antiparasitaire et l'harmonisation des règlements entre les
États-Unis et le Canada. L'année dernière, j'ai aperçu dans un des
journaux agricoles un article disant que les agriculteurs ontariens
avaient importé illégalement au Canada des produits chimiques
d'une valeur d'environ 11 millions de dollars pour les utiliser sur
leurs récoltes de maïs, et que les autorités avaient fermé les yeux sur
cette situation. Elle ne semblait pas contrarier les agents chargés
d'exécuter la loi ou les fonctionnaires fédéraux.
Dans un autre document, on peut lire que des agriculteurs sont
allés en prison parce qu'ils voulaient vendre leur boisseau de grain
un dollar de plus. Quelque chose va de travers au Canada.
Les bureaucrates et les politiciens agissent comme cela depuis
belle lurette. En 1992, avant mon élection à la Chambre, je sais qu'il
y avait de la contrebande de blé grandin au Canada. Certains
agriculteurs l'approuvaient, d'autres s'y opposaient, mais tout le
monde a refusé de voir cette violation de la loi.
Quand des agents des douanes ont voulu intervenir parce que
certains agriculteurs non seulement violaient la loi, mais réalisaient
probablement des bénéfices considérables, des représentants
d'Agriculture Canada et d'autres hauts placés du gouvernement leur
ont conseillé de fermer les yeux car, disaient-ils: «Nous
n'intenterons pas de poursuites.»
Je suis venu à la Chambre pour qu'on fasse respecter les lois au
Canada. Quand je constate que des questions restent lettre morte,
comme celle-ci ou encore le dossier des avances de fonds, et
mettent dans le pétrin un agriculteur dont le cycle de production est
ruiné, je pense qu'il faut changer le gouvernement. Depuis 25 ou 30
ans, nous voyons bien que les conservateurs et les libéraux, c'est la
même chose. Ils ne pensent qu'à enrichir l'Est. Pour eux, l'Ouest
pourrait disparaître.
Voilà pourquoi il y a 52 réformistes à la Chambre. Leur slogan
est: «L'Ouest veut avoir voix au chapitre.» Nous sommes ici et nous
allons y rester.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, j'ai apprécié le discours de mon collègue, comme je le
fais toujours d'ailleurs. Il connaît bien l'agriculture et les mesures
législatives qui s'y rapportent et dont la Chambre est saisie.
Sur les 50 réformistes élus aux dernières élections, il y en a sept
qui sont toujours des agriculteurs actifs ou qui l'étaient juste avant
de devenir députés. Il y a un certain nombre de députés réformistes
qui peuvent parler des questions agricoles en connaissance de
cause, et le député de Lisgar-Marquette est de ce nombre.
(1225)
Dans les quelques minutes dont je dispose, je voudrais raconter
une chose qui m'est arrivée récemment en ma qualité de député de
Prince George-Peace River en rapport avec la Commission
canadienne du blé. Je vais raconter mon histoire à mon collègue et
lui demander ce qu'il en pense, car je sais qu'il a fait beaucoup de
recherche et adopté des positions bien arrêtées sur la réforme de la
Commission canadienne du blé.
La Chambre a été saisie d'un projet de loi qui, pour quelque
raison mystérieuse, ne lui est pas encore revenu depuis le congé de
Pâques, le projet de loi C-72. Je voulais savoir s'il existait un
consensus chez les agriculteurs de ma circonscription de sorte que
je puisse m'exprimer avec autorité à la Chambre à ce sujet et voter
en conséquence.
Je me suis adressé à la Commission canadienne du blé. J'avais
une dizaine de questions que je voulais poser précisément au sujet
de ce projet de loi. Je voulais poser ces questions aux titulaires de
carnets de livraison de la Commission. Évidemment, comme tous
ceux qui ont déjà fait des sondages le savent, nous ne voulons pas
édulcorer les résultats sur un dossier comme celui-ci en interrogeant
des éleveurs ou des producteurs laitiers ou autres qui ne s'occupent
pas d'exportation de céréales. Pour obtenir les meilleurs résultats
possibles de mon sondage, il était essentiel de m'adresser aux
titulaires de carnets de livraison de la Commission.
J'ai appelé aux bureaux de la Commission canadienne du blé à
Winnipeg pour expliquer que je voulais obtenir la liste de tous les
titulaires de carnets de livraison de la Commission dans le nord et le
sud de la vallée de la Peace River, en Colombie-Britannique. La
commission m'a expliqué qu'elle ne pouvait en aucune
circonstance divulguer la liste postale. Cette liste devait demeurer
secrète.
J'ai dit qui j'étais. J'ai envoyé mon questionnaire par télécopieur.
Je n'essayais pas de cacher quoi que ce soit. Je ne posais pas de
questions tendancieuses. La commission refusait toujours de
m'aider, alors que je suis un représentant élu par les habitants de
cette région.
Voici ce que j'ai dit alors: «Je vais utiliser mon budget de député
pour vous envoyer le questionnaire scellé dans des enveloppes. Il
suffira d'imprimer les étiquettes, de les coller sur les enveloppes et
d'expédier les enveloppes.» La commission a refusé de me rendre
ce service, même si j'étais prêt à assumer les coûts. Je n'ai donc pas
pu faire un sondage précis auprès des détenteurs de permis de ma
circonscription.
Il est profondément troublant qu'un organisme comme la
Commission canadienne du blé, qui est censée travailler dans
l'intérêt des agriculteurs, refuse à un député, quelle que soit son
allégeance politique, les moyens de sonder avec exactitude
l'opinion de ses électeurs sur une question importante.
Voilà l'histoire de l'une de mes expériences avec la commission.
Elle est très cachottière. Il est bien connu que la Commission
canadienne du blé, tout comme le SCRS, n'a pas à se conformer aux
demandes d'accès à l'information. Cela dérange de plus en plus les
agriculteurs et les autres Canadiens.
9865
Dans ses contacts avec la commission, mon collègue s'est-il lui
aussi heurté à un mur? A-t-il été incapable d'obtenir la liste postale
de la commission pour pouvoir consulter sérieusement ses
électeurs?
M. Hoeppner: Monsieur le Président, je remercie mon collègue
pour sa question.
Comme les députés le savent probablement, j'ai souvent critiqué
la Commission canadienne du blé, non pas parce qu'il s'agissait de
la Commission canadienne du blé et qu'elle avait un travail à faire,
mais à cause de son manque de transparence. Elle ne donne pas aux
agriculteurs le droit de diriger ses affaires. Elle ne leur donne pas le
droit de vérifier ses livres pour voir ce qui se passe.
Je voudrais signaler à mes collègues que, il y a environ un an et
demi, à l'époque où je siégeais au sous-comité des transports, des
représentants du conseil consultatif de la commission sont venus
témoigner devant nous. À l'époque, l'orge était acheminé à Thunder
Bay, puis chargé dans des wagons couverts et expédié en Californie,
dans le but de respecter des contrats de vente. Il était absolument
absurde d'acheminer l'orge jusqu'à Thunder Bay, puis de l'expédier
par chemins de fer en Californie, quand on aurait pu passer par
Vancouver et descendre le long de la côte, ce qui aurait fait
économiser beaucoup d'argent aux agriculteurs canadiens.
(1230)
J'ai vu l'article et j'ai appelé à la Commission canadienne du blé
après avoir entendu les membres du comité consultatif. On disait
que les wagons couverts partaient de Thunder Bay pour se rendre en
Californie. Selon notre politique des transports, les wagons
couverts sont censés aller à Churchill et non à Thunder Bay. Les
wagons-trémies, eux, sont censés aller à Thunder Bay.
J'ai demandé à ma recherchiste de contacter la Commission
canadienne du blé à ce sujet. Je voulais savoir combien de wagons
couverts étaient réservés à l'expédition du grain vers la Californie
plutôt que d'être envoyés à Churchill où on a besoin d'eux. On a dit
à ma recherchiste que cette information n'était pas divulguée au
public, que ce n'était pas de mes affaires. Voici que j'essaie, en tant
que député, de faire que les organismes fédéraux, que la
commission du blé rende des comptes aux producteurs, aux gens qui
dépendent vraiment d'elle, et on me dit que cette information n'est
pas pour moi. Cela veut peut-être dire qu'il se passe quelque chose
qui ne devrait pas se passer.
Le port de Churchill avait désespérément besoin de céréales.
Nous pouvions expédier des céréales par ce port à 35 $ moins cher la
tonne que par Thunder Bay, mais c'est comme cela que la balle
rebondit pour les agriculteurs. Cela commence à me déranger
sérieusement, et ces questions seront soulevées aux prochaines
élections.
Cela fait 25 ou 30 ans que les gouvernements conservateurs et
libéraux successifs négligent les organisations agricoles et les
agriculteurs. Ces gouvernements ont plus ou moins concentré leur
attention sur les intérêts de l'Est. La Voie maritime du Saint-Laurent
n'a pas sa raison d'être sans le transport des céréales. Le
gouvernement ne veut pas faire que le grain soit produit au meilleur
coût possible ou qu'il soit expédié à l'étranger par les moyens les
plus économiques pour que nous soyons concurrentiels sur le
marché international. Tout ce qu'il veut, c'est acheter des votes pour
les prochaines élections. Je crois que cela va changer. Je remercie
mon collègue d'avoir posé cette question.
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, je
suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-34. Nous
appuierons ce projet de loi parce qu'il prévoit suffisamment de
mesures qui méritent d'être présentées aux agriculteurs.
Pourquoi la Chambre est-elle saisie du projet de loi à ce
moment-ci pour le débat final? Je pense que ce projet de loi date
d'au moins deux ans. Les agriculteurs demandent que cette mesure
soit adoptée depuis longtemps. Or, elle dormait sur une tablette.
Elle ne présentait pas beaucoup d'intérêt pour le gouvernement,
malgré le menu législatif très léger de la Chambre.
Le gouvernement a débattu de mesures fort peu importantes
pendant l'actuelle législature, et celles qu'il a adoptées étaient
d'une importance très secondaire. Malgré cela, les projets de loi
C-34 et C-38 sont restés là, oubliés dans une pile de documents, sur
le bureau d'un secrétaire parlementaire ou ailleurs. C'est
inacceptable.
Le gouvernement s'est tellement désintéressé et peu soucié des
agriculteurs. Nous présenterons le bilan de ce qu'il a fait pour les
agriculteurs d'un océan à l'autre, et ils pourront le comparer aux
mesures que nous avons proposées et préconisées en matière
agricole avant les dernières élections. Nous avons présenté de
nombreuses idées. Les agriculteurs verront que le choix à faire est
effectivement très simple et ils opteront pour le Parti réformiste.
(1235)
Pourquoi sommes-nous maintenant saisis de ce projet de loi?
Pourquoi a-t-il été oublié sur le bureau d'un secrétaire
parlementaire? Je ne connais évidemment pas la réponse à ces
questions. Il y a une rumeur que je trouve difficile à croire, une
rumeur selon laquelle il y aura des élections. J'ai du mal à croire
cela puisqu'il reste encore six mois avant la fin du mandat de quatre
ans. Je pense que les élections devraient avoir lieu dans six à
dix-huit mois. C'est ce qui se produit habituellement.
Un gouvernement ne déclenche des élections hâtives, notamment
aussi hâtives que celles-ci, après seulement trois ans et demi, que
s'il a peur d'attendre encore un peu. Le gouvernement a bien raison
d'avoir peur de déclencher des élections après quatre ans, comme
c'est la coutume au Canada. La population lui a confié un mandat de
cinq ans. Déclencher des élections après trois et demi signifie qu'il
y aura des élections supplémentaires sur une période de dix ans, ce
qui entraîne des coûts supplémentaires. Que coûte un appel aux
urnes? Possiblement 400 millions de dollars, tout cela aux frais des
contribuables. C'est quelque chose comme cela. Nous dépenserons
un montant supplémentaire de 400 millions de dollars au cours
d'une décennie, c'est pourquoi je doute que la rumeur soit fondée.
9866
Supposons que la rumeur soit fondée et que les élections soient
déclenchées dans quelques mois, voire dans quelques semaines. J'ai
même entendu cette rumeur. Pourquoi le gouvernement aurait-il
attendu jusqu'à maintenant pour présenter ce projet de loi?
Pourquoi donc?
Se peut-il que le gouvernement craigne au plus haut point d'être
rejeté en masse par les agriculteurs à cause du projet de loi C-68, le
projet de loi sur le contrôle des armes à feu? Ce projet de loi a en
effet été largement rejeté par des agriculteurs et nombre d'habitants
de villes et de villages d'un bout à l'autre du pays. C'est une loi
médiocre. Les agriculteurs vont y penser à deux fois quand ils iront
aux urnes.
Se peut-il que le projet de loi ait été délibérément oubliée sur le
bureau du secrétaire parlementaire. Comme on ne se préoccupait
des effets qu'il pourrait avoir sur les agriculteurs, se peut-il que le
ministre l'ait mis de côté pour ne le ressortir qu'un peu avant les
élections afin de faire oublier tout cela aux électeurs grâce au
montant de 120 millions de dollars qui vient avec ce projet de loi. Ce
n'est pas le montant exact, mais c'est celui qui circule. Se peut-il
qu'on ait attendu au déclenchement des élections pour l'annoncer
afin de faire oublier le projet de loi C-68?
Ou se peut-il qu'il ait été oublié sur le bureau du secrétaire
parlementaire parce que les agriculteurs se souviennent du projet de
loi C-33, qui accorde des droits spéciaux aux homosexuels? Si un
membre de mon personnel dit être engagé dans une relation avec
une personne du même sexe, il faut accorder à cette personne les
mêmes avantages qu'à un conjoint de l'autre sexe. C'est là que nous
a conduit le projet de loi C-33. Cela a été rejeté d'un bout à l'autre
du pays, particulièrement dans les régions rurales.
Se pourrait-il que le projet de loi ait été oublié sous une pile de
documents dans le bureau du secrétaire parlementaire jusqu'à
aujourd'hui? Le gouvernement ne peut pas vouloir imposer aux
Canadiens des dépenses de 400 millions de dollars pour tenir des
élections qui ne devraient pas avoir lieu avant quatre ans. Et si
c'était le cas, le projet de loi servirait-il à racheter certains autres
projets de loi que le gouvernement aimerait bien savoir oubliés,
surtout dans les régions rurales? Je crois que c'est la raison.
Je parlerai un peu du projet de loi, puis de quelques sujets
connexes. La plupart des députés réformistes voteront en faveur du
projet de loi. Cependant, il donne lieu à quelques très sérieuses
préoccupations dont je voudrais parler un peu. Des députés ont
expliqué en quoi consiste le projet de loi et ce qu'il ne fait pas.
(1240)
Les préoccupations du Parti réformiste et les amendements que
nous avons proposés ont trait à quatre aspects de la question. Tout
d'abord, nous croyons que l'on devrait fixer une limite au montant
de la dette éventuelle du gouvernement. La plupart des
contribuables n'acceptent pas que le gouvernement risque de
contracter une dette dont le montant reste inconnu. Il faut fixer une
limite maximale à la dette éventuelle dans la loi elle-même ou,
sinon, que le Comité permanent de l'agriculture et de
l'agroalimentaire examine régulièrement le montant de la dette.
Nous ne pouvons pas nous en remettre uniquement à des décrets en
conseil. Les décrets ont le pouvoir d'agir seuls. Cette mesure
législative donne au ministre le pouvoir de déterminer ce qui
constitue une dette acceptable sans n'avoir à consulter le Parlement.
Cela correspond tout à fait au manque de respect envers le processus
démocratique dont le gouvernement actuel a fait preuve depuis son
accession au pouvoir, il y a trois ans et demi.
Deuxièmement, les agriculteurs devraient pouvoir obtenir des
avances de secours sans intérêt, à condition que cela soit inclus dans
la tranche de 50 000 $ sans intérêt déjà prévue. Cela ne s'est pas
produit non plus.
Troisièmement, nous avons demandé au gouvernement
d'éliminer son programme d'achats, qui permet au gouvernement,
selon des conditions non précisées et dans des circonstances non
précisées, d'acheter certaines récoltes non précisées, soi-disant
pour aider les agriculteurs en difficulté. Ce programme n'a pas été
utilisé depuis 1985 et nous ne savons pas vraiment à quoi il doit
servir. Il n'a pas été défini d'aucune façon. Ce n'est pas une bonne
mesure législative lorsqu'il n'y a pas de lignes directrices.
Quatrièmement, nous avons réclamé tout au long du que toutes
les organisations agricoles soient traitées de la même façon par cette
mesure législative. Cela ne s'est pas concrétisé. À quel organisme
a-t-on accordé deux ans de grâce avant de devoir se conformer à
cette loi? La Commission canadienne du blé. Pourquoi cela ne
m'étonne-t-il pas?
Ce sont les commissaires qui dirigent la Commission canadienne
du blé. Les agriculteurs n'ont pas voix au chapitre. Nous ne savons
même pas ce qui se passe à la commission. Tout est gardé très
secret, à un niveau de confidentialité égal à ce qu'on voit au SCRS et
au Conseil privé. Incroyable. C'est la seule organisation qui n'aura
pas à se conformer à cette loi avant deux ans. Cela ne me surprend
pas. Les ministériels sont de connivence avec les membres de la
Commission canadienne du blé.
La Commission canadienne du blé est très utile aux agriculteurs
canadiens. Je l'ai toujours appuyée dans son rôle d'organisme de
commercialisation. Or, les agriculteurs veulent un organisme qui
rende compte de ce qu'il fait. Ils veulent savoir ce qui se passe à la
commission. Ils veulent avoir des réponses à leurs questions. Ils
veulent que le vérificateur général puisse examiner le
fonctionnement de la commission à l'interne, mais cela ne lui est
même pas possible. Nos questions demeurent sans réponse.
Il a fallu qu'une fuite se produise pour savoir que les
commissaires qui sont congédiés ou qui décident de partir reçoivent
une indemnité de départ pouvant atteindre 290 000 $. C'est
incroyable.
Pourquoi cet organisme est-il le seul auquel le gouvernement ait
accordé un sursis de deux ans relativement à l'adoption de cette loi?
La chose n'est pas étonnante, mais elle n'est pas acceptable non
plus. Voilà les modifications que nous avons tenté de faire apporter
au projet de loi C-34.
9867
(1245)
Nous appuyons ce projet de loi parce qu'il répond au voeu des
agriculteurs. Nous croyons que les paiements anticipés contribuent
à la stabilité de l'ensemble de l'industrie de la commercialisation du
grain. Cette mesure nous paraît nécessaire et c'est la politique que
nous avons toujours défendue. C'est pourquoi nous appuyons le
projet de loi, même si nous déplorons que les amendements que
nous avons proposés n'aient pas été retenus.
J'ai déjà parlé brièvement de la raison pour laquelle nous
sommes saisis de ce projet de loi maintenant. J'ignore la raison et je
n'ose même pas imaginer les motifs à l'origine du dépôt de cette
mesure à ce moment-ci. Le moment me paraît cependant bien
étrange. Se peut-il que le gouvernement soit vraiment préoccupé par
les problèmes survenus dans d'autres secteurs agricoles et qui sont
la conséquence directe de ce qu'il a fait ou n'a pas fait?
Par exemple, l'industrie céréalière a actuellement un problème.
J'ai des voisins qui devraient maintenant disposer de tout ce dont ils
ont besoin pour les semences. Ils sont censés commencer les
semailles dans deux ou trois semaines. Or, ils n'ont pas d'argent
pour le faire parce que, faute de pouvoir le transporter, ils n'ont pas
pu vendre leur grain. Pourquoi n'ont-ils pas pu le faire? Parce que
les trois mesures législatives du gouvernement relatives à la
commercialisation du grain sont un misérable échec.
Par exemple, le gouvernement a éliminé le montant
compensatoire du Nid-de-Corbeau ou, comme nous l'appelons, la
subvention du Nid-de-Corbeau que le Parti réformiste appuyait.
Notre politique était, pour qu'elle ne fausse pas le commerce, de la
faire rentrer dans le cadre d'un programme d'ajustement de façon à
ce qu'elle soit là pour nous aider à nous battre contre, par exemple,
certaines mesures commerciales de la Communauté économique
européenne et le programme de subventions aux exportations des
États-Unis. C'était la politique que nous défendions aux dernières
élections. Nous disions qu'il fallait affecter l'argent à un tel
programme. Cependant, nous avons reconnu que la subvention du
Nid-de-Corbeau était néfaste, en ce qu'elle favorisait le transport du
grain vers le Canada central, lequel profitait donc de toute la valeur
ajoutée, et qu'en fait, elle subventionnait les exportations si bien
que la transformation du grain se faisait à l'extérieur du pays. Ça
n'avait pas de sens, et il était logique de l'éliminer.
Toutefois, certains changements devaient avoir lieu avant de
prendre cette mesure. Or, ce n'est pas ce qui s'est produit.
Des changements du même genre auraient dû être faits lors de la
privatisation du CN. Des changements du même genre auraient dû
être faits dans le cadre de la nouvelle Loi sur les transports. Ils
auraient permis de rendre le système de transport plus efficace. Ils
auraient introduit une certaine concurrence au sein du système. Ils
auraient permis de régler le problème de la répartition des wagons
qui ne l'est toujours pas après trois et demi, alors que le
gouvernement savait pertinemment lors de son arrivée au pouvoir
que c'était un gros problème. Il savait que la répartition des wagons
posait un problème. Un sous-comité spécial a été mis sur pied pour
traiter cette question, mais il n'y a pas eu de suite. Le système
d'attribution des wagons est donc totalement inadéquat. La
Commission du blé a trop de pouvoirs sur le mode d'attribution.
Cela explique, en grande partie, les problèmes actuels
d'acheminement du grain.
À cause de cette façon de faire et de cette inaction du
gouvernement, j'ai des voisins qui n'auront pas l'argent nécessaire
pour acheter les semences de cette année. Ils devront aller
quémander à la banque. Bien sûr, certaines banques prêteront
l'argent, dans certains cas. Dans d'autres cas, étant donné la
sécheresse qui sévit dans notre région depuis plusieurs années,
beaucoup de banques refusent de prêter cet argent aux agriculteurs.
Certains agriculteurs seront tout simplement incapables de faire les
semailles cette année. Pour beaucoup d'entre eux, ce sera la fin
d'une carrière et la perte de la ferme familiale.
Pourquoi? Le gouvernement n'a rien fait pour favoriser un
système concurrentiel. Il n'a pas créé de facteurs incitatifs et
dissuasifs qui auraient stimulé le rendement des sociétés
ferroviaires et des sociétés céréalières. Il n'a pas voulu imposer,
comme nous l'avions recommandé, un régime d'arbitrage des
offres finales pour mettre un terme aux conflits avec les expéditeurs
captifs. Nous avons fait cette proposition quand on a discuté de la
nouvelle Loi sur les transports au Canada, de la privatisation du CN
et de la loi qui éliminait le tarif du Nid-de-Corbeau, ou lors du débat
sur cette question.
(1250)
C'est ce que nous avons proposé. Nous avons dit, faisons-le. Au
comité, nous avons proposé des changements qui auraient donné
aux expéditeurs captifs le pouvoir de traiter directement avec les
compagnies de chemin de fer et les compagnies de manutention du
grain lorsque leur performance n'étaient pas satisfaisante.
Malheureusement ces changements n'ont pas eu lieu.
Nous avons un système qui, faut-il s'en étonner, ne fonctionne
pas. Nous avions prédit qu'avec les changements proposés par le
gouvernement, il ne fonctionnerait pas. C'était prévisible.
Malheureusement, c'est ce qui s'est passé.
Les producteurs de grain se retrouvent maintenant dans une
situation très grave; dans certains cas, leurs céréales sont en tas sur
le sol où elles vont pourrir. Dans d'autres cas, les silos sont pleins
mais ils n'ont pas l'argent pour faire les semailles.
Bien entendu, la Commission canadienne du blé n'a rien arrangé,
l'an dernier, lorsque les agriculteurs ont ensemencé leurs champs et
qu'elle prédisait que les prix seraient très élevées. Et maintenant, le
prix réel que les agriculteurs touchent pour leurs céréales est
tellement bas que ça ne fait qu'aggraver le problème.
Là est le problème et c'est également la raison pour laquelle le
gouvernement a présenté cette mesure législative. Il veut dissimuler
son inaction et, dans certains cas, ce qu'il a fait depuis les dernières
élections.
Les libéraux veulent-ils faire oublier qu'ils n'ont tenu que 25 p.
100 de leurs promesses relatives à l'agriculture? C'est bien le cas.
Même si j'appuie cette mesure législative, je veux que les
agriculteurs reconnaissent que c'est une manoeuvre électorale;
d'ailleurs, je suis certain qu'ils s'en sont déjà aperçu. Le
gouvernement les a laissés pour compte pendant je ne sais combien
de temps. Il me semble que le projet de loi a été déposé il y a deux
ans. C'est la
9868
raison pour laquelle il est resté si longtemps sur les tablettes. Les
agriculteurs ne s'y tromperont pas.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, la présentation de mon collègue de Végréville a été très
instructive. Je suis étonné de voir la quantité d'information qu'il a
pu nous communiquer en vingt minutes seulement.
J'ai remarqué que les députés libéraux d'en face étaient captivés.
J'espère qu'ils portaient vraiment attention aux propos du député et
qu'ils ont profité de sa compétence et de ses connaissances dans ces
domaines très importants.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, le caucus du Parti réformiste
compte de nombreux anciens agriculteurs qui connaissent bien la
différence entre un boisseau de blé et une patate.
Je ne suis pas convaincu que les députés d'en face connaissent
cette différence ou même qu'ils s'en préoccupent. Ils veulent nous
faire croire qu'ils s'inquiètent du sort des agriculteurs de l'Ouest,
mais je ne vois aucun projet de loi qui témoigne de leur inquiétude.
Comme mes collègues l'ont dit, nous appuyons ce projet de loi
même s'il ne règle pas, tant s'en faut, les véritables problèmes des
agriculteurs, surtout les producteurs céréaliers de l'Ouest.
Puisque mon collègue s'est donné tant de mal pour exprimer avec
éloquence ses préoccupations au sujet de ce projet de loi et de la
situation des producteurs de grains, j'aimerais en entendre plus.
Durant son discours, il a précisé qu'il ne voulait pas présumer des
motifs pour lesquels le gouvernement présente ce projet de loi à ce
qui pourrait être la dermière minute. Il a parlé des rumeurs qui
courent au sujet d'élections prochaines alors qu'elles ne sont pas
vraiment nécessaires pour le moment.
Rien n'empêchait le gouvernement de prolonger son programme
législatif pour que l'on puisse débattre adéquatement de ce projet de
loi, l'améliorer et présenter des amendements. Au lieu de cela, il a
attendu à la dernière minute pour étudier à la hâte, juste avant les
élections imminentes, ce projet de loi et d'autres.
(1255)
Je demande donc à mon collègue d'expliquer pourquoi, à son
avis, le gouvernement est demeuré immobile pendant si longtemps
et accélère maintenant le programme législatif pour les quelques
jours qui restent.
M. Benoit: Monsieur le Président, je ne vais pas essayer de prêter
des intentions, mais d'après la situation et les rumeurs, des élections
seront déclenchées dans moins de six mois. Certains parlent même
du 27 avril. C'est une date qui a été beaucoup mentionnée, mais je
trouve cela tôt et je pense que les Canadiens tiendront rigueur au
gouvernement de déclencher des élections six mois avant le début
de la quatrième année de son mandat, plus tôt que le minimum
acceptable. Les agriculteurs aussi en voudront au gouvernement s'il
fait cela.
Je me demande pourquoi le gouvernement présente cela
maintenant, pourquoi il fait passer le projet de loi avant beaucoup
d'autres mesures qu'il a dit considérer comme importantes. Je
suppose que la raison c'est que les Libéraux veulent contrer la
réaction négative à leur projet de loi sur le contrôle des armes à feu.
C'est véritablement un projet de loi qui impose des sanctions aux
propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi et leur rend la vie
très difficile. Il passe outre aux principes judiciaires normalement
acceptés. Cette mesure crée un registre des armes à feu qui coûtera,
selon certains, au moins 500 millions de dollars. C'est de l'argent
qui ne sera pas disponible pour la santé ou autres choses réellement
importantes pour les Canadiens.
Peut-être que les Libéraux essaient de faire oublier cela à la
population. Peut-être qu'ils pensent que les agriculteurs vont
oublier ces autres mesures qui leur ont fait un tort considérable,
comme celle sur les transports qui a été un échec monumental.
Nous avons demandé des modifications à cette loi sur les
transports pour améliorer la situation des agriculteurs.
Malheureusement, nous ne les avons pas eues.
Le gouvernement prétend donner une haute priorité à
l'agriculture. Il y a deux autres mesures qui touchent les
agriculteurs de très près. Il y a le projet de loi C-65 sur les espèces
menacées, une mesure qui va vraiment placer les agriculteurs dans
une position délicate si le gouvernement en force l'adoption avant
les élections. Je parle des agriculteurs, car il est maintenant question
d'un projet de loi agricole. N'importe quel utilisateur ou
propriétaire de terrain pourrait se voir placé dans une situation
difficile par la loi concernant la protection des espèces menacées
qui donne au gouvernement le pouvoir d'obliger les utilisateurs et
propriétaires de terrains à dépenser de l'argent pour entourer d'une
clôture une zone afin de protéger les espèces menacées, sous peine
de se voir totalement refuser l'utilisation de leur terrain sans aucun
dédommagement. C'est la clé. On n'indemnisera pas les gens à qui
on aura interdit l'utilisation de leur terrain. On n'a prévu aucun
montant pour aider à financer le coût d'érection d'une clôture sur le
terrain.
Cela ne touchera pas que les agriculteurs. Pensez à quelqu'un qui
veut établir une entreprise dans un parc industriel où se trouve un
habitat pour des espèces menacées. La Loi concernant la protection
des espèces menacées peut exiger que ce terrain ne soit jamais
exploité. Il pourrait perdre presque toute sa valeur. Est-ce qu'on
indemniserait les propriétaires? Pas du tout.
C'est une autre mesure législative que les libéraux veulent
peut-être que les agriculteurs oublient. Ou pourrait-il s'agir de la
Loi sur la commission canadienne du blé? J'ai fait des sondages
dans ma circonscription et on en a effectué un dans la
circonscription de Beaver River au sujet de la Commission
canadienne du blé. J'ai soumis au comité de l'agriculture les
résultats de l'enquête effectuée par Tele Research à partir
d'Edmonton. Dans Beaver River,92 p. 100 des agriculteurs voulaient avoir le choix de
commercialiser leur grain comme bon leur semble. Ils veulent que
la Commission canadienne du blé demeure, mais qu'on lui retire
son monopole. Ils souhaitent ce que beaucoup appellent un double
système de commercialisation. Ils veulent avoir le choix du mode
de commercialisation de leurs produits.
9869
(1300)
Le projet de loi C-72 ne leur donne pas ce choix. Dans le cadre du
plébiscite que le gouvernement a tenu sur la commercialisation de
l'orge, il n'y avait même pas de choix à ce sujet sur le bulletin. Ou
les agriculteurs commercialisaient leur orge par l'entremise de la
commission qui détenait un monopole ou on abolissait la
commission. C'était le seul choix qu'on leur offrait.
Le gouvernement essaie peut-être, avec ce projet de loi, de
camoufler le projet de loi C-72 qui n'a pas l'appui des agriculteurs.
Il ne donnera pas aux agriculteurs un contrôle important sur la
Commission canadienne du blé. Il sera plus difficile pour les
agriculteurs de modifier la commission et de supprimer le
monopole.
On a adopté le projet de loi C-72 envers et contre tous au comité.
C'est un projet de loi extrêmement complexe. Il porte sur la
Commission canadienne du blé, qui est une organisation très
complexe et secrète. Je ne crois pas avoir eu suffisamment de temps
pour examiner chaque article dans le cadre de l'étude du projet de
loi. J'ai étudié les articles à l'avance et j'étais prêt, mais je ne pense
pas qu'on ait donné aux membres du comité le temps voulu pour
examiner en profondeur les articles et présenter des arguments. On
adopte le projet de loi envers et contre tous. Les agriculteurs n'en
veulent pas. Le gouvernement essaie peut-être de camoufler tout
cela avec ce projet de loi.
Les agriculteurs ne font pas tout un plat de ce projet de loi. Les
paiements anticipés existent depuis de nombreuses années. On ne
met en place rien de nouveau, on ne fait que modifier la loi pour
veiller à ce que les paiements anticipés ne soient pas éliminés.
Selon moi, nous sommes saisis de ce projet de loi maintenant
parce que, selon les rumeurs répandues dans les médias, on va
déclencher des élections dans un avenir très rapproché, aux
alentours du 27 avril à 13 heures.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président,
c'est avec plaisir que je prends part au débat sur le projet de loi
C-34, Loi sur les programmes de commercialisation agricole. Le
projet de loi regroupe un certain nombre de programmes, et j'estime
que ce regroupement entrepris par le gouvernement est une bonne
idée. Cela permettra d'alléger la bureaucratie au ministère de
l'Agriculture. Plus expressément, le projet de loi porte sur les
paiements anticipés. Je voudrais parler de façon assez détaillée de
ce programme et en faire l'historique pour expliquer pourquoi il est
nécessaire et comment il a évolué au fil des ans.
Beaucoup d'agriculteurs se prévalent de ce programme. Je l'ai
moi-même fait. Il continuera d'être utile aux agriculteurs qui
veulent mettre en commun leur production et recourir aux services
de la Commission canadienne du blé.
La Commission canadienne du blé n'achemine pas toujours le
produit au moment opportun. Elle ne répond pas toujours aux
besoins de chacun. Voilà une des raisons pour lesquelles ce
programme s'impose. Les agriculteurs s'en prévalent pour ne pas
avoir à s'inquiéter de mettre leur grain sur le marché très tôt à
l'automne, au moment où ils ont besoin de liquidités. Certains sont
très heureux que la commission se charge de la commercialisation
pour eux, et un de leurs moyens de gestion des liquidités est le
programme des paiements anticipés.
Un certain nombre d'agriculteurs de l'Ouest sont toutefois
mécontents de la commission. Ils ont essayé d'autres moyens pour
vendre leur production sans passer par la commission. Certains ont
des cultures dont la commission ne s'occupe pas. Ils veulent
s'affranchir de ce régime. Ils veulent avoir le choix. Ils veulent
pouvoir vendre leur grain lorsque cela leur convient le mieux. Ils
refusent de se prévaloir du programme de paiements anticipés.
Le président du Comité de l'agriculture était à la Chambre tout à
l'heure. Je crois qu'il commentera le projet de loi, à un moment
donné. Il s'est rendu à Grand Prairie avec le comité pour discuter du
projet de loi C-72. Un des agriculteurs qui faisait partie d'un des
groupes de discussion ce matin-là a dit que seulement le tiers de son
revenu provenait des récoltes assujetties à la Commission
canadienne du blé et que cette proportion diminuait au fil des ans.
(1305)
Un de mes voisins, Terry Balisky possède une grande
exploitation agricole dans la région. Il est réputé pour ses bonnes
méthodes de gestion. Il a dit que, au cours des années, il cesse de
produire des récoltes gérées ou contrôlées par la Commission
canadienne du blé pour adopter des cultures qu'il peut mieux gérer.
Le président du comité lui a posé une très bonne question: «Vous
ne produisez pas de récoltes assujetties à la Commission canadienne
du blé. Est-ce parce qu'elles ne se vendent pas bien sur le marché
mondial ou s'il y a d'autres raisons à cela?» Terry n'a pas su quoi lui
répondre.
Je l'ai interrogé à ce sujet, plus tard, pendant que nous prenions
un café, et il a dit: «J'ai réfléchi à cette question et je n'y ai vraiment
pas bien répondu. L'important, c'est le choix du moment.» À son
avis, la Commission canadienne du blé ne répond pas à ses besoins,
car elle achemine les récoltes à un moment inopportun. Il ne s'agit
pas uniquement d'une question de liquidités. Ses céréales
demeurent parfois pendant plus d'un an dans les cellules de
stockage de son exploitation agricole. Il se rend compte qu'il peut
gérer son exploitation beaucoup mieux en adoptant des cultures qui
ne sont pas assujetties à la Commission canadienne du blé. La
commission ne sert pas bien ses intérêts. J'ai entendu d'autres
agriculteurs tenir les mêmes propos.
Lorsque le groupe de consultation sur la commercialisation du
grain de l'Ouest se trouvait à Edmonton, j'ai écouté les agriculteurs
présenter des recommandations. Le groupe de consultation s'est
déplacé dans tout l'ouest du Canada, sur l'ordre du ministre de
l'Agriculture, pour connaître les voeux des agriculteurs au sujet de
la commercialisation du grain à l'avenir. J'estime désormais que les
agriculteurs veulent du leadership. Nous avions souhaité retrouver
cet esprit de leadership dans les recommandations que le groupe de
consultation sur la commercialisation du grain a faites au ministre
de l'Agriculture. Ce dernier pouurait donner suite aux
recommandations, une fois que le groupe aurait entendu des
agriculteurs oeuvrant partout dans l'ouest du Canada sur le territoire
de commercialisation visé par la Commission canadienne du blé.
Après ses consultations, le groupe devait remettre ses
recommandations et le ministre devait agir en conséquence.
9870
J'ai entendu un agriculteur de Prince George-Peace River, en
Colombie-Britannique, la circonscription voisine de la mienne. Il
s'agit de Gary Scott, qui est un excellent agriculteur de la région. Il a
déclaré au groupe de consultation qu'il ne cultive plus de produit
assujetti au contrôle de la Commission canadienne du blé. Je vais
résumer son témoignage.
Il n'a pas dit que la commission ne faisait pas du travail
satisfaisant pour son voisin. De nombreux agriculteurs veulent
passer par la Commission canadienne du blé. Il ne disait pas au
groupe que la commission n'avait pas sa raison d'être. Quant à
lui-il a une exploitation et il fait du bon travail-, la commission
ne le sert pas de façon satisfaisante. Les exploitations agricoles sont
différentes et elles ont des besoins différents.
Il a dit qu'il pouvait lui arriver d'avoir besoin d'argent pour faire
un paiement en octobre et qu'il y avait des limites au montant
pouvant être obtenu du programme d'avances de fonds. Il serait
peut-être obligé alors de vendre des produits, même à un prix
légèrement inférieur, pour pouvoir faire son paiement. Un de ses
voisins est en affaires depuis 35 ans et tout est payé chez lui, de sorte
que ses besoins sont différents. On voit donc que les besoins des
agriculteurs sont différents.
Ce que cet agriculteur voulait dire, c'est qu'il doit y avoir une
alternative en matière de commercialisation du grain, une
alternative tient compte des besoins différents des agriculteurs.
Mon fils, ma famille et moi exploitations 1 500 acres dans la région
de Peace River, en Alberta. Compte tenu de ma situation, je serais
heureux que la Commission canadienne du blé vende mon produit,
mais mon fils de 30 ans s'y oppose. Il veut être libre de vendre sa
récolte lui-même. Il est diplômé de l'université et s'y connaît un peu
en marketing. Je ne vois rien de mal dans la position qu'il défend. Il
y a quelque chose qui ne tourne pas rond si on l'interdit. Nous
vivons dans un pays libre et nous devrions tout simplement avoir le
choix.
En fait, nous avons probablement un choix dans 97 p. 100 de
l'économie. Au Canada, le PIB dépasse les 750 milliards de dollars.
Dans quelle mesure est-il en situation de monopole? Dans une bien
faible mesure.
Dans les domaines où il y a des monopoles, par exemple les
services publics, où il n'y a pas de concurrence, les gouvernements
ont vu à mettre en place des régies des services publics. Le public a
des recours pour obtenir des mesures de redressement. Cela n'existe
pas dans la commercialisation du blé et de l'orge destinés à
l'exportation.
(1310)
Tout comme mes voisins qui utilisent de moins en moins les
services de la commission, mon fils et moi sommes loin de confier
toute notre production à la commission. Nous cultivons le canola,
qui est une production importante. Dans l'Ouest, le canola dispute
même la première place au blé pour le volume des ventes annuelles.
Nous cultivons aussi la fétuque, pour produire des semences de
gazon. Nous produisons du seigle de temps à autre. Nous cultivons
aussi des pois et du trèfle. Les agriculteurs de l'Ouest cultivent de
très nombreux produits qui ne sont pas commercialisés par la
Commission canadienne du blé. J'ai pourtant l'impression que nous
nous débrouillons pas mal. Je suis heureux que nous ayons ce choix
et je suis d'avis que les agriculteurs qui veulent aussi
commercialiser du blé et de l'orge devraient pouvoir le faire.
Pour en revenir à ce qui s'est passé dans l'ouest du Canada, nous
devons remonter un peu plus loin, jusqu'à l'Uruguay Round du
GATT. Cette série de négociations a mis huit ou neuf ans pour
aboutir, en 1992. L'une de ses conséquences est que, pour la
première fois, l'agriculture a été assujettie aux règles
commerciales.
Nous avons des règles sur le commerce des marchandises et
produits industriels depuis longtemps. Après la Seconde Guerre
mondiale, le Canada a travaillé à l'établissement de ces règles dans
le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.
C'était dans notre intérêt. Après tout, 40 p. 100 de notre PIB a été
attribuable aux exportations l'an dernier. Et la progression continue.
Le Canada est un pays commerçant, et il nous faut des règles pour
encadrer le commerce.
Je me suis réjoui lorsque les négociations d'Uruguay du GATT
ont fini par aboutir à une entente et que l'agriculture a été soumise à
des règles commerciales pour la première fois. Une guerre
commerciale intense faisait rage à l'époque dans le domaine
agricole et avait des effets dévastateurs pour le Canada.
Je crois que nos producteurs agricoles peuvent rivaliser avec
ceux de n'importe quel autre dans le monde ou même les surpasser
au plan de la production, mais je sais fort bien que nous ne pouvons
pas rivaliser avec leurs trésoreries, spécialement celles des pays
membres de l'Union européenne et celle des États-Unis. Nos
gouvernements ont déployé à l'époque de vaillants efforts, très
nécessaires et très appréciés, pour soutenir les agriculteurs, mais,
comme nous le savons, la solution à long terme consistait plutôt à
réduire graduellement cette guerre commerciale et à appliquer
certaines règles dans le domaine agricole.
Après la conclusion de l'accord du GATT, l'agriculture a donc été
soumise à des règles commerciales. Comme il s'agissait de la
première étape dans ce processus, nous n'avons pas été en mesure
d'accomplir tout ce que nous voulions faire. Il s'agissait cependant
d'un pas dans la bonne direction. Le Canada a cessé de fermer ses
frontières aux produits des secteurs assujettis à la gestion de l'offre
pour imposer plutôt des droits tarifaires. Dans d'autres secteurs de
l'agriculture, nous avons été priés de réduire graduellement les
subventions et les droits tarifaires sur une période déterminée et
selon un taux déterminé, au même rythme que tous les autres pays
signataires de l'accord du GATT.
Cela a donc donné lieu à une diminution graduelle des droits
tarifaires et des subventions à l'échelle mondiale, et je m'en réjouis.
Presque immédiatement après l'entrée en vigueur des règles
commerciales au sein du GATT, la guerre commerciale qui faisait
rage en agriculture a pris fin. Les États-Unis n'appliquent à toutes
fins pratiques plus leur programme de subventions aux
exportations. Le Canada, quant à lui, a procédé plus vite que
n'importe quel autre pays. Nous avons mis fin au programme
RARB. Nous avons supprimé les subventions au transport,
c'est-à-dire le tarif du Nid-de-Corbeau. Nous avons été le bon élève
dans la classe du GATT. Nous
9871
avons réduit l'intervention de l'État plus rapidement que n'importe
quel autre pays.
Cela ne me pose pas de problème, même s'il se trouve, j'imagine,
des gens pour dire que nous aurions dû réduire nos activités au
même rythme que les autres États membres.
Nous avions déjà tiré des avantages du vieil accord de
libre-échange avec les États-Unis, dans le secteur de l'élevage du
boeuf. Nous profitons depuis dix ans, soit depuis la ratification de
l'accord de libre-échange avec les États-Unis, d'un marché
continental et d'un prix nord-américain. Nos exportations de boeuf
ont augmenté de plus de 50 p. 100. Voilà un exemple parfait d'une
industrie axée sur le marché. D'ailleurs, les éleveurs de bovins de
boucherie de l'ouest du Canada nous disent: «De grâce, ne nous
donnez pas de subventions. Ne mettez sur pied aucun programme
qui pourrait attirer l'attention des Américains et leur faire dire que
notre industrie est subventionnée, ce qui leur donnerait des raisons
pour ne pas faire affaire avec nous.»
(1315 )
L'application de règles commerciales en matière d'agriculture a
grandement amélioré la situation, mais, en 1992, j'ai critiqué le
gouvernement conservateur alors au pouvoir pour sa position
concernant la gestion de l'offre. Le gouvernement a défendu
l'article XI concernant la gestion de l'offre, soit la fermeture à la
frontière. Il ne voulait pas entendre parler de remplacer le système
en place par des droits tarifaires.
Le gouvernement libéral, élu en 1993, a poursuivi dans la même
voie et s'est retrouvé isolé à la table des négociations du GATT, à
Genève, avec l'appui du Japon et de la Corée. Je crois que tout cela
était intentionnel. Le gouvernement s'est rendu là-bas pour affirmer
qu'il n'allait pas céder et qu'il allait continuer de préconiser la
fermeture à la frontière. Or, il savait fort bien qu'il ne pouvait pas
gagner sur ce point. Cela contribuait à accroître sa popularité au
Canada, mais il savait qu'on allait lui imposer des droits de douane,
et c'est exactement ce qui s'est produit.
La situation se répète de nos jours, et cela me donne à réfléchir au
leadership. Nous avons un plan d'action pour la deuxième phase des
pourparlers sur l'agriculture que tiendra l'Organisation mondiale du
commerce en 1999. Il y a un plan d'action. Le gouvernement
canadien utilisera les mêmes tactiques cette fois-ci. Il sait qu'il y
aura une réduction massive des droits tarifaires imposés dans le
cadre du régime de gestion de l'offre. Il sait que les entreprises
commerciales d'État, comme la Commission canadienne du blé,
feront l'objet d'une révision, car cela figure à l'ordre du jour non
seulement du Canada, mais aussi d'un certain nombre d'États
membres, dont les États-Unis. Ces questions seront soulevées au
cours des pourparlers.
Cela m'ennuie que le gouvernement fédéral joue à prétendre
qu'il n'y aura pas du tout de changement alors qu'il sait que les
sociétés commerciales d'État, comme la Commission canadienne
du blé, vont probablement pâtir, parce qu'il n'y a pas de
concurrence et parce que c'est un monopole, de devoir faire preuve
de transparence. C'est le prix à payer pour l'absence de
concurrence.
On dit que Cargill aux États-Unis ou Cargill au Canada n'ont pas
à montrer leurs livres. C'est vrai, mais ces sociétés ont des
concurrents. Nous n'avons pas à traiter avec Cargill. Nous pouvons
traiter avec plusieurs sociétés céréalières. La Commission
canadienne du blé a un système très fermé et, très franchement, je ne
crois pas qu'elle survivra à la transparence.
Il faudait adopter une attitude proactive, faire preuve de
leadership et permettre aux 10 p. 100 d'agriculteurs qui le désirent
de commercialiser leur grain sans passer par la commission. Quel
mal y a-t-il à cela?
Dans une lettre qui a été publiée dans le dernier numéro de la
revue Maclean's, un agriculteur de l'Ouest dit essentiellement la
même chose. Il s'agit de Ken Motiuk, de Mundare, en Alberta. Sa
lettre figure à la rubrique réservée aux lecteurs, sous la mention:
«The Road Ahead» .Voici ce qu'il écrit:
Les agriculteurs de l'ouest du Canada se préparent à de nouvelles semailles.
Les agriculteurs luttent chaque année contre les éléments. Ils possèdent et utilisent
des instruments aratoires modernes qui valent des centaines de milliers de dollars. Ils
ont adopté de nouvelles techniques. Ils gèrent des liquidités qui approchent les
millions de dollars par année pour les plus grandes exploitations. Mais on ne les juge
pas assez intelligents pour commercialiser eux-mêmes leur blé et leur orge.
Les agriculteurs doivent céder cette responsabilité aux bureaucrates de la
Commission canadienne du blé, à Winnipeg-des employés fédéraux qui n'ont
aucun investissement dans l'affaire, des gens qui n'ont jamais eu à faire marcher une
entreprise, des gens qui ne gèrent pas leur propre régime de retraite parce que le
gouvernement fait même cela pour eux. Dans leur infinie sagesse, nos maîtres
politiques, à Ottawa, estiment que ces gens sont plus compétents que nous lorsqu'il
s'agit de vendre notre blé et notre orge. Si le prix est meilleur de l'autre côté de la
frontière, nous ne pouvons pas en profiter. Nous ne pouvons que fantasmer, comme
un adolescent qu'une revue défendue fait rêver. Seuls les heureux élus, à Winnipeg,
ont le droit d'accéder à ce marché pour nous- après toutes les déductions qui
s'imposent, bien sûr.
Et il ne faut surtout pas aller porter soi-même son grain de l'autre côté de la
frontière, car Ottawa n'épargnera alors ni argent ni efforts pour vous traquer et
veiller à ce que justice soit faite. Si l'on ose vendre son grain de l'autre côté de la
frontière, on risque de se faire réveiller aux petites heures du matin par des agents
chargés d'exécuter la loi qui vont effrayer votre femme et vos enfants, saisir vos
biens, vous mettre menottes et entraves et vous jeter en prison. Voilà la justice. Car
vous avez enfreint la loi.
L'auteur de la lettre ajoute ceci:
Mon grand-père a quitté l'Ukraine parce que les soldats du tsar jetaient en prison
les paysans qui cachaient du blé.
N'est-ce pas analogue avec ce dont nous parlons ici? L'auteur de
la lettre dit ceci:
Cent ans plus tard, au Canada, on sévit contre ceux qui ne remettent pas leur blé
au gouvernement pour que ce dernier le vende.
Comprenez-moi bien. Ce pays est extraordinaire, et nous l'avons choisi pour y
élever notre famille et pour y exploiter notre entreprise, mais si nous ne dénonçons
pas la situation, les bureaucrates d'Ottawa et de Winnipeg qui ont l'ego gonflé à bloc
continueront de nous priver de nos droits et libertés.
(1320)
C'est une déclaration assez puissante. Le débat qui a lieu dans
l'ouest du Canada porte sur la liberté de choix. Le ministre de
l'Agriculture n'a pas bien défini le débat actuel. Selon lui, il y a
ceux qui veulent détruire la Commission canadienne du blé et ceux
qui souhaitent son maintien. C'est de la foutaise.
9872
Les gens avec lesquels je me suis entretenu dans ma
circonscription, ceux qui ont comparu devant le comité aux
audiences sur le projet de loi C-72 qu'il a tenues un peu partout au
Canada, ne souhaitent pas la destruction de la commission. Ce
qu'ils veulent, c'est que ceux qui souhaitent commercialiser leur blé
par l'entremise de la commission, qui veulent mettre en commun
leur produit et obtenir un prix moyen puissent leur faire, mais sans
qu'on les oblige, eux, à subir le même sort, contre leur gré. Je
rappelle aux députés que l'économie canadienne atteint 750
milliards de dollars. Notre économie s'appuie généralement sur le
principe du marché libre. Qu'est-ce qu'il y a donc de mal à cela?
J'entends les députés libéraux nous expliquer ce qui est bon pour
nous, les agriculteurs de l'ouest du Canada. Mes collègues, les
députés de Lisgar-Marquette et de Végréville, dirigent, comme
moi, des exploitations agricoles. Je suis dans la zone visée par la
Commission canadienne du blé. Je pense qu'il faut maintenir la
commission pour ceux qui veulent s'en prévaloir, sans prétendre
qu'il est impossible de laisser le choix aux agriculteurs qui
souhaitent l'avoir.
Les députés libéraux ne savent pas de quoi ils parlent. Il n'y a
qu'un seul député de ce côté-là qui a une certaine crédibilité en la
matière. La plupart d'entre eux sont des avocats, des exploitants
assujettis à la gestion de l'offre; il y a aussi un député qui cultive la
pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard et qui n'a jamais été
assujetti aux règles de la Commission canadienne du blé. Les
députés d'en face n'ont aucune crédibilité dans ce dossier.
Les agriculteurs veulent du leadership. Ils veulent une approche
proactive. Ils veulent pouvoir bien fonctionner et participer à
l'économie de notre pays, à l'aube du XXIe siècle. Ils reconnaissent
les aspects agricoles qui, en vertu des règles commerciales
actuelles, sont bons pour le Canada. Ils reconnaissent aussi qu'il y
aura d'autres réformes de l'Organisation mondiale du commerce
dans le domaine agricole. Nous pourrions bénéficier de cela. Nous
n'avons pas à craindre les changements qui surviennent.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle
prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président suppléant (M. Milliken): Le vote porte sur la
motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Avec dissidence.
(La motion est adoptée.)
* * *
La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-38, Loi visant à faciliter la
médiation entre les agriculteurs et leurs créanciers, modifiant la Loi sur les
sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et
d'agroalimentaire et abrogeant la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, dont
le comité a fait rapport, avec des propositions d'amendement.
L'hon. Ron Irwin (au nom du ministre de l'Agriculture et de
l'agroalimentaire, Lib.) propose: Que le projet de loi modifié soit
agrée et lu pour la deuxième fois.
Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre
d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième
fois.)
(1325)
Le président suppléant (M. Milliken): Quand le projet de loi
sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec la permission, maintenant?
Des voix: D'accord.
M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de
l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le
Président, c'est avec grand plaisir que je présente le projet de loi
C-38, Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, à
l'étape de la troisième lecture.
Ce projet de loi remplacera les bureaux d'examen de
l'endettement agricole par un service de médiation nouveau et
renforcé. Il maintiendra les principales dispositions de l'ancienne
loi, y compris le sursis des procédures et l'examen du processus de
médiation. Il sera mis en oeuvre en même temps que le nouveau
service de consultation en matière d'endettement agricole auquel il
sera lié.
La loi reflète les points de vue des agriculteurs, des créanciers et
des gouvernements provinciaux d'un bout à l'autre du pays. Nous
avons tenu de nombreuses consultations avec ces trois éléments. Il a
fallu 18 mois de consultations auprès des intéressés pour élaborer le
projet de loi. Les institutions prêteuses, les bureaux d'examen de
l'endettement agricole, des membres de groupes d'experts, des
spécialistes financiers, des représentants des gouvernements
provinciaux et de la Fédération canadienne de l'agriculture ont tous
participé au processus de consultation.
Je voudrais faire ressortir qu'il s'agit là d'un parfait exemple
montrant que le gouvernement remplit ses promesses en faisant
davantage appel aux députés et aux comités parlementaires pour
rédiger les projets de loi.
Des députés de tous les partis de même que de nombreux témoins
informés et expérimentés provenant tant du gouvernement que de
l'extérieur ont participé aux délibérations du comité permanent.
Nous avons donc devant nous une mesure législative qui remplacera
la Loi sur l'examen de l'endettement agricole en mettant en place
un nouveau système de médiation simplifié pour les agriculteurs
insolvables. Ce système aura tous les avantages de l'ancien et
plusieurs autres. La nouvelle loi réduira les chevauchements,
rationalisera l'administration des services de médiation et de
consulta-
9873
tion financière et mettra en place un éventail plus large de services
consultatifs.
Le projet de loi reconnaît que les agriculteurs et les créanciers
apprécient le processus actuel de médiation, qui vise à trouver des
solutions à l'endettement des agriculteurs. Cependant, ils réclament
un système plus souple, plus efficace et moins lourd qui soit adapté
à ce que vivent les agriculteurs. Ce système aidera les créanciers. Il
aidera les gouvernements provinciaux à s'occuper des problèmes
financiers en ayant une image globale du problème de
l'endettement agricole. Nous recherchons des mécanismes utiles
tant aux agriculteurs qu'aux créanciers.
Comme l'ont recommandé les organisations de producteurs, la
nouvelle loi contiendra un mécanisme d'appel qui n'existait pas
dans l'ancienne loi. Les agriculteurs et les créanciers auront donc
accès à un mécanisme impartial d'examen des décisions relatives à
la suspension des procédures. Nous aurons une loi qui permettra aux
agriculteurs de retenir les services de conseillers financiers pour la
préparation de plans de redressement.
La nouvelle loi sur la médiation en matière de dette agricole et le
service de consultation complémentaire seront financés par le
programme d'adaptation et de développement rural. Ce
financement aidera les secteurs de l'agriculture et de
l'agroalimentaire à être plus efficients, plus autonomes et plus
concurrentiels.
J'insiste sur le fait que le nouveau service de consultation qui
sera fourni aux agriculteurs en difficulté financière sera aussi
étendu et peut-être même plus que tout autre service de consultation
jamais prévu dans une loi jusqu'à maintenant.
(1330)
Le nouveau service sera plus proactif. Il aidera les agriculteurs à
trouver les conseillers dont ils ont besoin et il leur offrira l'accès
direct à un conseiller assez tôt au cours du processus, avant que les
difficultés deviennent graves. Il fournira des services d'évaluation
non agricoles et des analyses de dossier aux agriculteurs aux prises
avec des difficultés graves, ce qui inclut l'élaboration de plans
opérationnels de trois ans. Cela en aidera certainement beaucoup à
redresser leur situation. Essentiellement, les services prévus sont
plus étendus que ceux de l'article 16 de la loi.
Il y a dix ans, la Loi sur l'examen de l'endettement agricole est
venue apporter une solution aux graves problèmes d'endettement
des agriculteurs en établissant un bureau d'examen de
l'endettement agricole dans chaque province. Leur mission était
d'aider les agriculteurs et leurs créanciers à conclure des
arrangements financiers satisfaisants pour les deux parties.
Il y a actuellement quelque 32 membres de bureaux d'examen
nommés par décret à la discrétion du ministre. Ces personnes
nommées par décret participent aux réunions entre les agriculteurs
et les créanciers et facilitent les discussions conduisant à la
conclusion d'un arrangement. Aux termes de la nouvelle Loi sur la
médiation en matière d'endettement agricole, il n'y aura plus de
nominations par décret. Les personnes ayant une expertise
spécifique dans le domaine de la médiation et de l'expérience dans
les domaines de l'agriculture et des finances pourront présenter une
demande pour se faire inscrire sur une liste d'offres à commandes
pour la prestation de services de médiation en vertu de la loi.
La loi existante exige aussi que trois personnes, soit un médiateur
et deux experts, soient présentes à chaque réunion entre les
agriculteurs et les créanciers, qu'on ait besoin d'elles ou non. Cela
occasionne souvent des dépenses inutiles en indemnités
journalières et en frais de voyage et d'hébergement. La nouvelle loi
n'impose pas cette exigence, permettant que des experts soient
invités à participer aux réunions seulement lorsque les
circonstances l'exigent.
Je suis heureux que nous soyons arrivés à cette étape de l'étude
du projet de loi C-38, qui a bénéficié de l'apport précieux de
beaucoup d'organisations et de particuliers. Je suis heureux que,
ensemble, nous ayons réussi à façonner une loi qui préserve les
éléments les plus utiles de l'ancien régime tout en créant une
approche novatrice pour l'avenir.
Je sais que le service plus efficace et plus amical que nous
fournissons aujourd'hui sera accueilli favorablement par bien des
gens. Il aidera les agriculteurs à améliorer leur situation financière
et favorisera la croissance et la prospérité du secteur agricole et
agroalimentaire canadien.
Ce projet de loi est très avantageux pour les agriculteurs
canadiens, et j'espère que tous les députés l'appuieront.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le
Président, c'est avec plaisir que j'interviens sur le projet de loi C-38
immédiatement après le secrétaire parlementaire.
Cette loi vise à faciliter, comme on l'a si bien dit tout à l'heure, la
médiation entre les agriculteurs insolvables et leurs créanciers,
modifiant ainsi la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires
en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et abrogeant la Loi sur
l'examen de l'endettement agricole.
Le ministre de l'Agriculture, avant de préparer le projet de loi
C-38, aurait dû s'interroger sur une prémisse, à savoir comment il se
fait que de nombreux agriculteurs éprouvent de sérieuses difficultés
financières. Comment cela se fait-il? Des agriculteurs peuvent
éprouver des situations difficiles s'il arrive un divorce ou une
séparation. Cela peut causer des problèmes financiers, comme
lorsqu'il est question de maladie, par exemple. L'agriculture,
aujourd'hui, est très loin du fameux téléroman, qui est repris
présentement sur les ondes de la SRC, Le Temps d'une paix.
(1335)
Les agriculteurs, aujourd'hui, doivent être de bons
administrateurs, puisqu'ils gèrent de petites industries. Souvent, la
mise de fonds approche ou dépasse le million de dollars. Mais est-ce
que ne serait pas aussi une raison reliée directement au
gouvernement fédéral, avec son manque de clairvoyance, face à
l'agriculture canadienne, et québécoise par incidence?
Lorsque nous regardons ce gouvernement, depuis bientôt quatre
ans, administrer à l'aveuglette les dossiers de l'agriculture, il n'est
pas étonnant de constater que des centaines et des centaines
d'agriculteurs éprouvent des difficultés chaque année et doivent
déclarer faillite.
9874
Juste avant d'intervenir, je regardais les annonces classées du
journal le plus lu au Canada français, au Québec, La Terre de chez
nous, et lorsqu'on voit, au mois d'avril, de pleines pages d'annonces
d'encans, de liquidations, c'est qu'il y a un malaise. Le malaise
n'est pas uniquement dû à la mauvaise gestion des agriculteurs, à
des problèmes de couple, ou encore à de la maladie à l'intérieur de la
famille, mais il est dû aux conditions exécrables que le
gouvernement impose, mois après mois, en en ajoutant chaque
mois, à la classe agricole.
Je prends par exemple le cas de nos agriculteurs, à l'exception
bien sûr des agriculteurs qui oeuvrent dans un secteur où la gestion
de l'offre est incluse, comme les producteurs laitiers, de volaille et
d'oeufs qui sont, heureusement pour eux, à l'abri, enfin «à
l'abri»-et je reviendrai tout à l'heure sur les producteurs
laitiers-de la fluctuation des prix.
Prenons l'exemple des veaux d'embouche. Il y a trois ans, on
pouvait espérer obtenir 1,15 $, 1,20 $ la livre, à l'automne, pour les
veaux de lait. Il y a un an, sept mois plus précisément, l'automne
dernier, on pouvait se procurer de très beaux veaux à 50 p. 100 de
leur valeur d'il y a deux ans. Le producteur agricole qui souhaitait
recevoir 700 $ pour son veau recevait 350 $ ou 360 $. Ce ne sont
plus des baisses de 2 ou 3 p. 100, ce sont des baisses de 50 p. 100.
Vous me rétorquerez qu'il doit avoir l'assurance-stabilisation
vaches-veaux. Oui, vous avez raison, mais une assurance, vous
savez ce que c'est: plus on utilise notre assurance, plus les primes
augmentent. Comme le gouvernement s'apprête à sabrer également
dans la péréquation dans le système d'assurance-stabilisation pour
les agriculteurs, il est à prévoir, là aussi, une augmentation
importante des primes, d'une part, et également une diminution des
services.
On peut parler du sirop d'érable. Cette année, la récolte semble
inférieure, et de beaucoup, en qualité et en quantité à ce qu'elle était
l'année dernière. Donc, les prix vont augmenter légèrement, mais
l'acériculteur ne recevra pas un salaire équitable. Les porcs, ça va
bien; la vache de réforme, c'est complètement à terre. Pour le bois
d'oeuvre, avec l'entente que le gouvernement fédéral a négociée
avec nos voisins américains, lorsqu'on aura atteint le quota
d'exportation, on y goûtera là aussi.
La Commission canadienne du blé, qu'un de mes collègues
réformistes a ramenée sur le tapis tout à l'heure avec le projet de loi
C-72, qui exerce un monopole, bien sûr, essaie d'obtenir les
meilleurs prix, sauf que l'agriculteur, le céréalier de l'Ouest n'est
pas libre de vendre directement à ses voisins d'outre-frontières à
des prix bien souvent supérieurs à ce qu'il pourrait obtenir de la
Commission canadienne du blé.
(1340)
Donc, à l'exception des producteurs qui jouent à l'intérieur d'un
système de gestion de l'offre, pour les producteurs de lait, de
volailles et d'oeufs, c'est l'incertitude quant à la fluctuation des
prix.
Cela m'amène à me demander si ce gouvernement saura mettre
ses culottes pour défendre la gestion de l'offre devant l'OMC,
puisque la représentante américaine au Commerce extérieur a juré
qu'elle ne laisserait pas lettre morte les tarifs imposés dans le cadre
d'une négociation acceptée en décembre 1993 par le GATT, qui est
devenu par la suite l'OMC, et qu'elle se battrait jusqu'à la mort s'il
le faut pour avoir gain de cause. Les États-Unis semblent décider de
porter ce litige devant un panel de l'OMC.
J'ai questionné le ministre de l'Agriculture à savoir s'il mettrait
autant de vigueur et d'ardeur à défendre nos tarifs. On verra si ce
gouvernement saura nous défendre. Évidemment, il ne reste que
quelques jours de séance en cette Chambre. On sera appelés à se
faire reconfirmer dans chacun de nos comtés. Alors, on ne sait pas
qui sera en position de nous défendre. Est-ce qu'on aura un
gouvernement minoritaire? Est-ce qu'on aura un gouvernement
majoritaire? Toutes les hypothèses sont sur la table quant à qui
formera le prochain gouvernement.
Cela nous amène également à examiner le rôle que pourrait jouer
la Société du crédit agricole. J'espère que, lorsque la Société du
crédit agricole évalue un agriculteur sur sa solvabilité et qu'elle
accorde un prêt de l'ordre de 300 000 $ ou 400 000 $, elle est assez
sérieuse pour faire une évaluation très complète. Si le risque est trop
grand, ce serait honnête, de la part des représentants de la Société du
crédit agricole, d'octroyer le prêt, de le consolider ou de le refuser
tout simplement.
Donc, les agriculteurs sont comparables, à certains égards, à un
travailleur spécialisé ou encore à un industriel, à l'exception qu'ils
ne doivent pas s'attendre à travailler seulement 40 heures par
semaine et cinq jours par semaine. Pour le producteur laitier, il faut
traire les vaches deux fois par jour et sept jours par semaine. S'il
quitte le vendredi soir, il n'y aura pas de voleur d'ouvrage sur sa
ferme; il doit obligatoirement se faire remplacer ou encore échanger
du temps avec un voisin, qu'il lui faudra remettre, puisqu'il n'y a
pas, comme je vous l'ai signalé tout à l'heure, de voleur d'ouvrage.
Alors, l'agriculteur doit travailler sept jours par semaine et bien
souvent, 60 à 70 heures par semaine. Malheureusement, son revenu,
dans bien des cas, est inférieur à un ouvrier spécialisé qui, lui, se
contentera de 40 heures par semaine réparties sur cinq jours et
même, dans bien des cas, un peu moins de 40 heures réparties sur
quatre jours. Donc, l'agriculteur consacre beaucoup de temps à la
ferme, bien souvent avec sa conjointe et ses enfants, pour arriver à
joindre les deux bouts.
Récemment, ce gouvernement a fait des coupures et la classe
agricole a été frappée de plein fouet. Si je prends l'exemple d'un
producteur laitier qui produit du lait de transformation, classe
industrielle, le gouvernement, pour les trois années à venir et les
deux dernières, a trouvé le truc de baisser son revenu de 5,5 p. 100
en moyenne. Ensuite, le gouvernement se demande pourquoi des
producteurs laitiers doivent abandonner leur ferme ou encore
déclarer faillite.
(1345)
On baisse leur salaire et ensuite, on leur dit: «Vous êtes des
mauvais gestionnaires.» Vous savez comme moi que pour le
producteur laitier, ce n'est pas la première vache de l'étable qui est
payante mais bien la dernière qui est à tout profit. Le coût de
l'électricité est le même, sauf que ça coûte un peu plus cher de
moulée et de foin bien sûr, mais le lait qu'elle donnera sera à tout
profit.
Le Bloc québécois de même que le Parti réformiste se sont
opposés avec beaucoup de vigueur, mais ce gouvernement, même
avec les députés qui oeuvrent dans le domaine laitier, comme le
député de la circonscription de Malpèque à l'Île-du-Prince--
9875
Édouard, a voté en faveur de la coupure au subside laitier. C'est un
vrai scandale.
Pourtant, dans quelques semaines, il va se promener dans sa belle
circonscription de Malpèque, et il oubliera. Il va jouer au Pinocchio
lui aussi, comme le disait si bien André Pratte, en cachant ou encore
en falsifiant le fait qu'il a voté contre les producteurs laitiers de son
comté pour abaisser à zéro le subside qui était de 5,43 $ l'hectolitre
de lait, ce qui représente 5,5c. le litre. Cinq cents et demi le litre,
cela représente, pour une ferme moyenne, comme c'est exactement
le cas pour mon collègue de Malpèque, une perte de 7 500 $.
Il n'est pas étonnant de voir des producteurs laitiers qui, sans
nécessairement déclarer faillite, annonceront une vente par encan le
samedi telle date et à telle heure afin de tout liquider. On prend une
retraite avant d'être obligé de la prendre. Le pire, c'est que les
producteurs laitiers, on les retrouve à 48 p. 100 sur le sol québécois.
Donc, ce gouvernement, comme c'est son habitude, frappe d'abord
et avant tout sur le Québec et cela impose à nos producteurs laitiers
une diminution de 108 millions de dollars par ce subside. Donc,
c'est encore une fois le Québec qui en paie le gros prix.
Le pire, je le rappelle, c'est que si les cultivateurs laitiers
souhaitent obtenir le même revenu pour leur lait, on devra
augmenter, et c'est la Commission canadienne du lait qui décidera
cela, le prix du lait de transformation. On n'a pas besoin d'avoir un
cours de droit pour savoir que si on augmente le prix du lait de
transformation, de ce fait, on augmentera le prix du beurre, du
fromage et de tous les dérivés de transformation.
Selon une étude commandée par les producteurs laitiers du
Canada, chaque fois qu'on augmente le prix du beurre de 10 p. 100,
cela entraîne une baisse de la consommation de 7 p. 100. Quand je
vous disais, monsieur le Président, que c'était la dernière vache qui
était payante, vous avez opiné pour approuver mes allégations.
Alors, si on doit maintenant baisser la consommation de 7 p. 100 ou
de 14 p. 100, il ne sera pas possible d'en garder une de plus, mais
possiblement deux ou trois de moins. Ce sont de telles situations qui
entraînent des difficultés financières désagréables pour la classe
agricole.
Lorsque vous augmentez le prix du fromage de 10 p. 100, la
consommation baisse de 4 p. 100, selon la même étude, ce qui
entraîne, encore une fois, une diminution du nombre de vaches du
troupeau. Le pire, lorsqu'on prend le budget global d'Agriculture
Canada, le pourcentage qu'il investit au Canada, c'est qu'au
Québec, cet investissement n'était que de 9 p. 100 l'année dernière.
Et lorsqu'on est chanceux, ce chiffre s'élève à 16 p. 100.
Le Québec, à lui seul, génère une activité agricole de l'ordre de
17 p. 100 directement. Lorsqu'on ajoute à cette activité agricole les
usines de transformation-le fromage, le beurre, le jambon,
etc.-cette activité agricole grimpe à 24 p. 100. On paie facilement
24 p. 100 des impôts fédéraux, soit 30 milliards de dollars
globalement. On en retourne, sur le sol québécois, à peine 9 ou 10 p.
100, année après année. C'est scandaleux.
(1350)
Au cours de la prochaine campagne électorale, je vous attends,
mes amis libéraux, lorsque vous allez venir dans le comté de
Frontenac affirmer, comme le président du Conseil du Trésor l'a fait
lors du référendum, que le Québec paie 30 milliards de dollars mais
qu'il en reçoit 31 ou 32 milliards. Pourquoi tenez-vous tant à nous
garder dans votre fédération canadienne si ça vous coûte si cher de
nous garder?
Non, monsieur le Président. Dans les faits, on regarde qui, dans
ce pays, a eu la première bouffée d'air frais. Rappelez-vous qu'en
1841, lorsqu'on a fusionné le Bas et le Haut-Canada-le
Haut-Canada étant ce qu'on appelle l'Ontario aujourd'hui, et le
Bas-Canada, le Québec-on a additionné les deux dettes. La dette
du Haut-Canada était de 1,195 million de livres, alors que le
Bas-Canada n'avait qu'à peine 200 000 livres. Qu'a-t-on fait avec
la dette? On a dit A plus B, on vit ensemble, donc, on la paie
ensemble; bingo! Payez, mes petits Canadiens français. À l'époque,
on les appelait des Canadiens et de l'autre côté, on les appelait des
Anglais. Ce fut cela, les débuts de la colonie.
Lorsque ce gouvernement a aboli, il y a deux ans, la LTGO, la Loi
sur le transport du grain de l'Ouest, cela coûtait, bon an mal
an-oui, regardez-moi bien dans les yeux, monsieur le secrétaire
parlementaire du ministre de l'Agriculture-il en coûtait à ce
gouvernement 860 millions de dollars par année, bon an mal an.
Qu'est-ce que vous avez fait pour dorer votre pilule dans l'Ouest,
pour faire accepter cette coupure aux agriculteurs de l'Ouest? Vous
avez donné aux agriculteurs 1,6 milliard de dollars. Pire encore,
vous avez donné cet argent-là au noir. Les agriculteurs n'étaient pas
tenus de le déclarer dans leurs revenus d'impôts. C'est de l'argent
en-dessous de la table. C'est scandaleux.
Vous avez constitué un fonds de 300 millions de dollars pour les
mesures d'adaptation, l'amélioration de routes, la construction de
silos, l'amélioration et la construction de nouvelles lignes de
chemins de fer. On a pris un milliard de dollars qui ont été destinés à
un fonds qui pourrait servir de garantie de prêt à certains pays pour
acheter des céréales au Canada. Additionnez tout cela, cela fait 2,9
milliards de dollars. Où est l'équité? Pour les producteurs céréaliers
de l'Ouest, il s'agit de 2,9 milliards de dollars pour économiser 860
millions de dollars. Lorsqu'on a coupé l'aide aux producteurs
laitiers d'une somme de 228 millions de dollars, que leur a-t-on
donné en compensation? Zéro.
Monsieur le secrétaire parlementaire du ministre de
l'Agriculture, 48 p. 100 du lait est produit en sol québécois. C'est
ça, votre équité. Vous viendrez débattre avec moi dans le comté de
Frontenac, et on en parlera.
Le Président: Mon cher collègue, il faut toujours se souvenir
qu'il faut s'adresser à la Présidence, et ainsi, tout va se régler.
M. Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, vous avez
entièrement raison. J'étais dans le feu de l'action. J'invite, par votre
entremise-en même temps, il pourra prendre un bain de
francophones-le secrétaire parlementaire à venir débattre de
l'équité de son gouvernement dans la circonscription de Frontenac.
En terminant, puisque qu'il est 13 h 55 et que vous occupez le
fauteuil pour la période des questions orales, en ce qui concerne le
projet de loi C-38, le Bloc québécois donne son aval et votera en
faveur. Évidemment, j'espère que nos producteurs agricoles
n'auront jamais à se servir du projet de loi C-38. Il serait préférable
que nos producteurs agricoles reçoivent un revenu décent, quoique
je
9876
comprenne très bien qu'il peut arriver qu'un mauvais gestionnaire
puisse avoir des problèmes à rentabiliser et à rembourser son prêt.
Là où j'en ai, monsieur le Président, et j'aimerais que vous le
transmettiez au secrétaire parlementaire, c'est en ce qui concerne
les fameuses nominations, nos médiateurs. Quand je regarde dans
mon comté, qui a été nommé, par exemple, au comité d'arbitrage à
l'assurance-emploi? Nathalie. Qui sera candidate du Parti libéral?
Manon. Alors voyez-vous, tout se tient. Dans nos petites
municipalités, tout le monde se connaît. Ce sont des promotions et
des nominations dites partisanes. Quelle ne fut pas ma surprise,
cette semaine, lorsque j'ai demandé à un témoin quel était le salaire
des cinq commissaires à la Commission canadienne du blé-et mes
collègues et amis du Parti réformiste ont été aussi surpris que
moi-d'apprendre que leur salaire varie de 114 000 $ à 144 000 $
par année.
On nomme parfois des députés à ces commissions pour libérer
des comtés, afin de pouvoir présenter des personnes qui vont
occuper des postes de ministre, comme on l'a fait au Québec, lors
d'une élection partielle, alors que deux personnages sont devenus,
un, ministre du Développement des ressources humaines, et l'autre,
ministre des Affaires intergouvernementales. Semble-t-il qu'on
s'apprête, pour le comté de Beauce, à le libérer pour espérer faire
passer le candidat du parti ministériel.
Mais qui paie en bout de course? Toujours les mêmes, les
contribuables. Monsieur le Président, je collabore avec vous en
terminant mon discours et en réaffirmant que, pour le bien de nos
agriculteurs, nous allons appuyer le projet de loi C-38.
Le Président: Puisqu'il est maintenant presque 14 heures, nous
allons reprendre le débat après la période des questions orales.
Maintenant, nous allons passer aux déclarations de députés.
______________________________________________
9876
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[
Traduction]
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, le mois
dernier j'ai déposé à la Chambre le projet de loi C-391, qui vise à
accroître la peine maximale prévue par le Code criminel dans les
cas d'infraction d'ordre sexuel impliquant des enfants. L'auteur
d'un tel délit serait passible d'une peine d'emprisonnement à vie,
sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.
Il est peu probable que ce projet de loi soit adopté avant la fin de
la session, mais je tiens néanmoins à dire à mes électeurs que je
demeure déterminé à lutter contre ce problème. Nous devons faire
comprendre à ceux qui s'en prennent à nos enfants qu'ils risquent de
passer le reste de leur vie derrière les barreaux. La peine maximale
actuelle, qui est de 10 ans d'emprisonnement, n'est pas suffisante
pour quelqu'un qui vole l'innocence d'un enfant.
Mes collègues députés et les électeurs d'Oxford peuvent avoir
l'assurance que je poursuivrai mon combat.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président,
en fin de semaine, ma ville, Ponoka, était l'hôte des championnats
provinciaux de SchoolReach. Je félicite les gagnants et
représentants de l'école secondaire polyvalente Leduc, Joanne
Brownlee, Neil Jackie, Danny Jackson, Colin McIntrye, Taeed
Quaddusi et Evan Saumer, ainsi que leurs entraîneurs Sandy
Ogrodnick et Mme Senio.
Les concurrents, qui se disputaient les honneurs provinciaux, se
sont livré une chaude lutte. J'étais un des juges et j'ai été
impressionné par l'ampleur des connaissances, l'esprit de
compétition et les réponses articulées des concurrents. Ces
étudiants sont à l'image de parents qui prennent la peine d'inculquer
à leurs enfants le goût de la connaissance et le fair-play.
L'esprit de participation et la confiance manifestés par ces jeunes
nous prouvent que notre avenir est entre bonnes mains.
Je souhaite bonne chance à l'équipe SchoolReach de la
polyvalente Leduc à la finale nationale. Je sais qu'elle sera une
force formidable à Vancouver, mais qu'ils gagnent ou perdent ces
étudiants auront fait la fierté de leurs parents, de leurs camarades
d'école et de leur communauté.
* * *
(1400)
Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Durant la
Semaine nationale de l'action bénévole, du 13 au 19 avril, les
communautés de partout au Canada rendent hommage à leurs
bénévoles et réfléchissent aux nombreuses façons dont ils servent
les particuliers, les organismes et diverses causes.
Le bénévolat est l'une des plus belles preuves de civisme. Le
bénévolat nous aide à développer notre sens d'appartenance à notre
communauté et à notre grand pays. Citoyens exceptionnels dont les
efforts contribuent à améliorer la qualité de vie de tous, les
bénévoles jouent un rôle déterminant dans chaque communauté.
Le ministère du Patrimoine canadien, dont le mandat consiste
entre autres à assurer la croissance, la diversité et la vitalité de
l'action bénévole au Canada, collabore avec un vaste réseau de
centres bénévoles et d'autres organismes bénévoles à la promotion
de la Semaine nationale de l'action bénévole.
Je félicite tous les bénévoles de Lambton-Middlesex, qui
deviendra prochainement Lambton-Kent-Middlesex, et de
partout au Canada pour les services qu'ils rendent à nos
collectivités.
* * *
Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.):
Monsieur le Président, nos jeunes bénévoles joueront un rôle très
important au prochain millénaire.
9877
Aujourd'hui, je désire rendre hommage à un jeune homme de
Tatamagouche, Angus Bonnyman, qui a reçu le titre de Jeune
bénévole de l'année de la Nouvelle-Écosse. Angus a fait du
bénévolat pour le foyer de personnes âgées, la cantine de l'école et
des associations d'étudiants. Il a aussi organisé des activités
d'assainissement de l'environnement. Il était l'an dernier le délégué
du Rotary Club de Truro à Ottawa pour le programme «Le
Patriotisme vécu».
C'est la deuxième année qu'un élève de la North Colchester High
School remporte ce titre prestigieux, et je voudrais féliciter le
directeur et le personnel de cette école pour l'esprit de leadership et
de solidarité qu'ils continuent d'inculquer à leurs élèves.
Toutes nos félicitations à Angus et à tous les bénévoles du
Canada qui servent si généreusement leurs collectivités.
* * *
Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.):
Monsieur le Président, le 17 avril marque la Journée internationale
de l'hémophilie.
Dans le budget de cette année, le ministre des Finances a dit:
«Notre gouvernement est fermement attaché aux principes énoncés
dans la Loi canadienne sur la santé. Nous maintiendrons ces
principes». Il faisait ainsi écho à la promesse faite par le premier
ministre dans le discours du Trône d'assurer l'avenir de notre
système de santé financé par les fonds publics.
Depuis, les partis de l'opposition rivalisent d'arguments sur
l'importance des soins de santé. C'est une chose de faire des grands
discours sur l'importance du régime d'assurance-maladie, mais ce
qui importe réellement, c'est de nous donner les moyens de le
financer.
Grâce à sa bonne gestion financière, le gouvernement nous a
donné les moyens de préserver et de renforcer nos programmes
sociaux. Du fait que chaque année depuis notre arrivée au pouvoir,
nous avons atteint, voire dépassé nos objectifs en matière de
réduction du déficit, nous avons pu allier le geste à la parole et
engager quelque 300 millions de dollars sur trois ans pour la
promotion de la santé.
Santé Canada appuie les travaux remarquables menés par la
Société canadienne de l'hémophilie en vue d'améliorer le
traitement des troubles de saignement et d'assurer aux Canadiens
des approvisionnements de sang ne présentant aucun danger pour la
santé. Célébrons la Journée internationale de l'hémophilie.
* * *
Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, les années 50 et 60 ont été de bonnes années pour les
Canadiens. Nous pouvions avoir l'emploi de notre choix, nous
gardions une plus grande partie de nos revenus, nous avions du
respect pour notre système de justice pénale et que sais-je encore.
Depuis le début des années 70, les vieux partis ont appliqué leurs
politiques libérales et conservatrices de telle manière que les
Canadiens se sont mis à perdre du terrain. Par exemple, ces partis
ont adopté des lois qui rendaient presque nulles nos possibilités
d'avoir l'emploi que nous désirions, diminuaient l'argent qu'il nous
restait dans nos poches et que sais-je encore.
Les Nations Unies ont peut-être dit que le Canada est le meilleur
pays où vivre, mais la majorité des Canadiens disent que même le
meilleur pourrait encore s'améliorer. Nous avons déjà eu tous ces
avantages et nous pouvons les ravoir. Nous avons les ressources
nécessaires et, après 20 ans de mauvaise administration par les
vieux partis, nous avons la motivation nécessaire.
Il est temps de modifier notre orientation et de prendre un
nouveau départ. Le Parti réformiste a des plans tout tracés pour ce
faire.
* * *
M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Monsieur le Président,
c'est avec plaisir que j'annonce que le gouvernement libéral vient
de signer avec la première nation de Shoal Lake, en Saskatchewan,
une entente tripartite sur les services de police, la 100e du genre
dans le cadre de la politique sur la police des premières nations. La
politique sur la police des premières nations offre aux premières
nations des services de police professionnels, efficaces et tenus de
rendre des comptes à la communauté.
Cette politique est une manifestation de l'engagement du
gouvernement à collaborer avec les premières nations. Au
Manitoba, une seule entente a été signée, et ce, avec le conseil tribal
dakota- ojibway. Nombreuses sont les premières nations de ma
circonscription qui sont prêtes à négocier sérieusement une entente
tripartite sur les services de police avec le gouvernement du
Manitoba, mais elles n'arrivent à rien.
Il est grand temps que le gouvernement du Manitoba embarque.
* * *
[
Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, je
dénonce l'attitude du ministre des Affaires intergouvernementales
et du premier ministre qui sermonnent le gouvernement du Québec
en lui imposant leur définition de ce qu'est un consensus au Québec
dans le dossier des commissions scolaires linguistiques.
(1405)
C'est ça, le résultat de 1982: un gouvernement fédéral qui agit
envers les assemblées provinciales comme si elles étaient
irresponsables, et ce, même dans leurs domaines exclusifs de
compétences.
Je condamne donc sans réserve l'attitude du gouvernement
fédéral dans ce dossier. Il n'existe qu'une seule façon pour le peuple
du Québec d'accomplir sa destinée sans croc-en-jambe d'Ottawa,
c'est de faire la souveraineté.
9878
M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président,
sous le titre «En mai la campagne fédérale sera la priorité de
Bouchard», le quotidien
La Presse nous a appris, hier matin, que le
premier ministre du Québec entend se mettre au service du Bloc
québécois lors de la future élection fédérale. Cette position est
confirmée par son attaché de presse qui déclare, et je cite: «On
attend de voir quelles seront les attentes du Bloc et on va répondre à
leurs demandes».
En tant que Québécois, je trouve que ça prend un sacré culot à
Lucien Bouchard pour abandonner ses responsabilités de premier
ministre du Québec pendant plus d'un mois afin d'aller travailler
comme bénévole à la campagne du Bloc québécois.
Quand on connaît la situation sociale et économique très difficile
que traverse le Québec, le premier ministre aurait peut-être mieux à
faire qu'aller réchauffer des salles pour le député de
Laurier-Sainte-Marie. Est-ce ça, leur façon de gouverner? Ou
encore, si les députés du Bloc québécois cherchent un vrai slogan
pour la prochaine campagne électorale, je pourrais leur proposer:
«Le Québec, ma passion, le Canada, ma pension».
* * *
M. Clifford Lincoln (Lachine-Lac-Saint-Louis, Lib.):
Monsieur le Président, pendant les votes qui eurent lieu hier
après-midi, certains d'entre nous, siégeant de ce côté de la
Chambre, ont clairement entendu, venant des bancs du Bloc
québécois, des interjections de «traître», de «vendu» et de «salaud»
lorsque le ministre des Affaires intergouvernementales s'est levé
pour voter.
Ce genre d'intolérance et d'insultes personnelles est inacceptable
dans une société ouverte et démocratique. Ces qualificatifs sont
d'autant plus inacceptables qu'ils viennent d'un secteur de la
Chambre dont l'objectif central est de détruire le même pays que
ces députés ont le mandat de représenter.
[Traduction]
Les insultes personnelles sont le propre des brutes et n'ont pas
leur place ici. Le Bloc québécois devrait se regarder dans une glace
pour reconnaître les traîtres et les vendus qu'ils sont. Ce n'est
certainement pas le cas du ministre. Il n'a fait que demander la
tenue d'audiences démocratiques, lesquelles ont été refusées par le
gouvernement séparatiste du Québec à ses citoyens.
* * *
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je
prends la parole à la Chambre aujourd'hui pour féliciter k.d. lang,
chanteuse et compositrice originaire de Consort en Alberta, qui hier
a été décorée de l'Ordre du Canada.
J'ai vu k.d. lang pour la première fois en 1985. Elle se produisait
devant les députés de l'Assemblé législative de l'Alberta où elle a
donné un spectacle endiablé qui devait devenir son image de
marque.
Depuis, elle s'est taillé une brillante carrière dans le monde de la
musique, remportant de nombreux prix et maints honneurs, y
compris, en 1989, le prix de l'artiste de l'année de la musique
Country au Canada et, en 1990, celui du disque de l'année avec
«Twang».
Connue partout en Amérique du Nord, k.d. lang ajoute son nom à
la longue liste des artistes canadiens qui n'ont pas hésité à relever le
défi de se produire avec succès sur la scène internationale. Elle est la
preuve vivante que les musiciens canadiens peuvent relever la
concurrence où que ce soit, contre qui que ce soit, non pas grâce aux
subventions ou à la politique du gouvernement, mais parce qu'ils
excellent dans ce qu'ils font.
Sincères félicitations à k.d. lang pour avoir été décorée de
l'Ordre du Canada.
* * *
[
Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président,
aujourd'hui, jour de deuil, deux semaines avant le déclenchement
probable des élections, le peuple québécois doit se rappeler que le
premier ministre actuel est celui qui, en avril 1982, a organisé
l'isolement du Québec en cette nuit des longs couteaux. Cette
Constitution, qui ne reconnaît pas le Québec et limite ses pouvoirs,
a été rejetée unanimement par l'Assemblée nationale de l'époque.
Le peuple québécois doit se rappeler que le premier ministre
actuel est celui qui a promis, lors du dernier débat référendaire, de
reconnaître dans la Constitution la société distincte, un droit de veto
au Québec et le respect des champs de compétence. Ce même
premier ministre a renié ses promesses aussitôt le danger
référendaire passé.
Que ce soit lors de cette élection ou lors du prochain référendum,
le peuple québécois doit se souvenir que le Parti libéral du Canada
n'a qu'un seul but: anéantir la spécificité du Québec.
* * *
(1410)
[Traduction]
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le
Président, l'objet de la Charte canadienne des droits et libertés est la
dignité humaine. D'ailleurs, son préambule se lit comme suit:
«Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui
reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit». C'est
donc un honneur et un privilège de prendre la parole aujourd'hui
pour marquer le 15e anniversaire de la Charte.
La Charte canadienne des droits et libertés reflète l'identité
unique des Canadiens. Elle établit un juste équilibre entre les droits
individuels des citoyens et leurs responsabilités envers la société,
entre les citoyens et le gouvernement et entre le pouvoir des parle-
9879
ments et celui des tribunaux. Elle instaure un système de contrôles
qui nous protège contre les abus de pouvoir.
La charte correspond à un jalon dans l'histoire canadienne; elle
témoigne de l'ingéniosité de notre peuple. Nous pouvons en être
fiers car elle reflète l'âme de la nation canadienne.
* * *
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le
Président, nous connaissons tous les défis que les jeunes doivent
relever de nos jours pour réussir la transition entre les études et le
marché du travail. Le gouvernement fédéral offre maintenant divers
programmes, tout en assurant leur financement, et différents
services qui aident les jeunes à relever ces défis.
Dans London-Ouest, nous avons organisé collectivement un
salon d'information pour les jeunes où nous avons présenté tous ces
programmes et services, permettant aux jeunes d'acquérir une
expérience de travail fort précieuse.
Le salon, tenu au Junior Achievement Centre de London-Ouest, a
réuni des jeunes représentatifs de leur génération, des partenaires
éventuels et les organisateurs des divers programmes. Les jeunes
ont reçu des informations sur l'esprit d'entreprise, les divers
services, les stages, les possibilités d'emploi et les activités de
création de partenariats, grâce à un groupe de la région, le Team
London for Youth, un partenariat qui réunit le milieu des affaires, le
gouvernement, les clubs philanthropiques non gouvernementaux et
les conseils scolaires.
Durant tout le salon d'information, j'ai été frappée par
l'engagement des organisations participantes et leur détermination
à aider les jeunes de la collectivité. . .
Le Président: Le député de Yorkton-Melville.
* * *
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le
Président, la semaine dernière j'ai assisté, comme observateur, au
congrès du NPD à Regina. Tommy Douglas ne serait pas heureux de
voir que les syndicats et des groupes de pression se sont appropriés
le programme du parti qu'il a créé.
Un thème récurrent du congrès était que le NPD existe non pas
pour former le gouvernement, mais pour faire pression sur les
Libéraux pour qu'ils consacrent davantage d'argent à de grands
programmes gouvernementaux. Le coût de toutes les résolutions
adoptées n'a jamais fait l'objet de discussions.
Non seulement il n'y a pas eu de débat valable sur les questions
abordées au congrès, mais en plus il y a eu une absence totale de
débats sur les grandes questions auxquelles les Canadiens sont
confrontés. Y a-t-il eu un débat sur les questions touchant la
sécurité, comme la Loi sur les jeunes contrevenants, la justice
criminelle, la réforme des pénitenciers, l'enregistrement des armes
à feu?
Y a-t-il eu un débat sur les questions de démocratie comme le fait
de donner aux électeurs un plus grand contrôle sur leur député entre
deux élections, améliorer le fonctionnement du Parlement et donner
aux Canadiens une voix directe dans les affaires du pays? De plus,
qu'un parti politique fédéral reste muet sur la question de l'unité
national me paraît un grave oubli.
Le NPD fédéral est devenu quelque chose qui se comporte
davantage comme un groupe de pression. . .
* * *
[
Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, il y a 15
ans, c'est-à-dire le 17 avril 1982, le gouvernement du Canada
rapatriait unilatéralement la Constitution canadienne malgré
l'opposition unanime de tous les partis politiques du Québec.
À l'époque, 73 des 75 députés fédéraux du Québec à Ottawa ont
laissé tomber le Québec et appuyé le premier ministre actuel et
Pierre Elliott Trudeau qui lui, a affirmé, et je cite: «Désormais, la
fortune favorisera la gouvernement canadien. Même un front uni
des dix provinces ne pourra pas obliger le gouvernement canadien à
bouger: en assurant un équilibre créateur entre les provinces et le
gouvernement central, la fédération va pouvoir durer 1000 ans.»
Malheureusement, le Bloc québécois n'existait pas. Mais
aujourd'hui, il y a sur la scène fédérale un parti qui a eu comme
mandat de défendre les droits et les intérêts des Québécois et des
Québécoises.
Aujourd'hui, heureusement, le Bloc québécois est là.
* * *
[
Traduction]
Le Président: Je signale aux députés la présence à notre tribune
de M. Martin Lee, parlementaire et président du Parti démocratique
de Hong Kong.
Des voix: Bravo!
______________________________________________
9879
QUESTIONS ORALES
(1415)
[Français]
M. Gilles Duceppe (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, il y a 15 ans, en 1982, jour pour jour, le premier ministre
actuel était à Ottawa et le gouvernement canadien rapatriait la
Constitution à l'encontre de la volonté du gouvernement du Québec,
9880
à l'encontre de la volonté de l'Assemblée nationale du Québec, à
l'encontre de l'opinion d'une vaste majorité de Québécois et de
Québécoises.
J'aimerais demander au premier ministre ou à celui qui le
remplace aujourd'hui, comment il peut considérer que la
Constitution de 1982 est légitime, alors que le Québec n'a jamais
reconnu cette Constitution, alors qu'aucun gouvernement du
Québec, qu'il soit dirigé par des souverainistes ou des fédéralistes,
n'a reconnu cette Constitution?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, étant donné que cela fait 15 ans que la
Loi constitutionnelle de 1982 est en vigueur, on peut maintenant
juger l'arbre à ses fruits.
Cette Loi constitutionnelle nous vaut une charte des droits et
libertés qui est populaire partout au Canada, y compris au Québec.
Elle nous vaut un renforcement du contrôle des provinces sur leurs
ressources naturelles. Elle nous vaut la place du français renforcée
partout au Canada dans ses droits . . .
Des voix: Oh, oh!
M. Dion: . . .elle nous vaut la péréquation mise dans la
Constitution, dont le Québec profite pour près de la moitié, et elle
nous vaut aussi la possibilité d'avoir des amendements bilatéraux,
quand c'est nécessaire entre le Parlement canadien et celui d'une
province.
C'est pas mal. Bien sûr que cette loi est perfectible; on pourrait,
par exemple, avoir une meilleure formule d'amendement, une
meilleure reconnaissance du Québec. Tout est perfectible mais,
dans l'ensemble, c'est une belle réalisation.
M. Gilles Duceppe (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, c'est un peu triste de voir des représentants du Québec
applaudir la Constitution de 1982, quand je pense à la ministre de la
Citoyenneté et de l'Immigration qui faisait partie d'un
gouvernement qui n'a jamais reconnu cette Constitution, quand je
pense au ministre du Développement des ressources humaines, qui
était l'adjoint de Claude Ryan, qui a dénoncé cette Constitution. On
voit ce qui arrive à certains Québécois quand ils deviennent
ministres à Ottawa.
Le ministre des Affaires intergouvernementales agit comme
premier ministre aujourd'hui, j'imagine. En effet, il faut juger
l'arbre à ses fruits. Le ministre voudrait-il qu'on oublie le passé, le
rôle que son chef, le premier ministre, a joué depuis 30 ans, qu'on
oublie que toute la carrière de ce premier ministre a été marquée par
son opposition systématique envers le Québec, qu'on oublie que ce
premier ministre a oeuvré toute sa carrière à rabaisser le Québec,
qu'on oublie qu'il a passé sa carrière à vouloir remettre le Québec à
sa place, à sa petite place? Comment ce ministre peut-il venir nous
dire aujourd'hui que les Québécois devraient être fiers de l'acte
ignoble posé par le Parti libéral du Canada en 1982?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, je pense que les sarcasmes qui ont été
lancés en face ne sont vraiment pas responsables. Je répondrai
simplement que cette Charte canadienne des droits, nous la devons
en effet au ministre de la Justice de l'époque.
Je dois rappeler aussi qu'à l'époque, les Québécois étaient plutôt
derrière le premier ministre du Canada, les sondages le montraient.
Beaucoup de mythes ont été créés autour de cela. J'aimerais un jour
qu'on tienne un débat de fond sur la Loi constitutionnelle de 1982 et
sur les bienfaits qu'elle a apportés partout au Canada, y compris au
Québec. Qu'on cesse de sataniser continuellement l'actuel premier
ministre et qu'on ait un jour un débat intelligent sur l'avenir du
Québec dans le Canada. C'est très difficile d'en avoir un avec les
propos du chef de l'opposition aujourd'hui.
M. Gilles Duceppe (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, j'aurais bien aimé avoir ce débat avec le premier ministre
aujourd'hui en Chambre, 15 ans après la rapatriement de la
Constitution. J'aurais bien aimé avoir ce débat.
(1420)
Je demande au ministre, s'il veut avoir ce débat, est-il prêt, au
Québec, dans tous les comtés, à ce que les députés libéraux fédéraux
signent symboliquement, au nom des Québécois, cette Constitution,
dans chacun des comtés du Québec, et viennent la défendre contre
les souverainistes et contre les fédéralistes québécois qui n'ont
jamais accepté cette Constitution?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, ils satanisent la Constitution. Ils sont
incapables d'en discuter calmement, pour voir en quoi c'est un tel
scandale. Si on montrait cela à l'ONU, est-ce qu'on dirait: «Mon
Dieu, quelle Constitution inacceptable du point de vue des droits
humains!»
Bien sûr que non, ils ne pourraient pas faire cela, comme ils
seraient incapables de dire que la province de Québec n'a pas des
responsabilités très élargies, si vous comparez à ce qui se passe dans
d'autres fédérations. Ils seraient incapables de dire que la fédération
ne s'est pas décentralisée depuis 1982. Bien sûr qu'elle s'est
décentralisée dans un ensemble de domaines, on clarifie les rôles
entre les ordres de gouvernement. Encore hier, pas rien que pour le
Québec, pour la Colombie-Britannique, on vient de signer un
accord qui clarifie les rôles dans le domaine essentiel des pêcheries.
C'est du bon fédéralisme, quand on clarifie les rôles dans le
domaine de la main-d'oeuvre, de l'environnement, du logement
social. Mais bien sûr, l'opposition n'est pas intéressée à faire ce
débat. Tout ce qu'elle veut faire, c'est sataniser l'oeuvre de l'actuel
premier ministre.
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le
Président, 15 ans après le rapatriement unilatéral de la Constitution,
après deux tentatives avortées de réforme constitutionnelle, après
une série de promesses non respectées à la veille du référendum de
1995, le gouvernement fédéral n'a plus rien à offrir aux Québécois.
Il a donc décidé de jouer la ligne dure et de contester le droit des
Québécois à décider de leur avenir.
9881
J'aimerais demander au premier ministre ou à celui qui le
remplace s'il admet qu'il y a un problème constitutionnel du fait
qu'aucun gouvernement du Québec, fédéraliste ou souverainiste,
n'a jamais voulu reconnaître la Constitution canadienne depuis
maintenant 15 ans?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, il serait souhaitable, en effet, qu'on
arrive à un accord qui fasse en sorte qu'un gouvernement du
Québec, qui croirait dans le Canada, rentre dans le giron
constitutionnel. Là-dessus, il n'y a pas de désaccord.
Le désaccord est le suivant: est-ce qu'on doit juger le Canada et
ses bienfaits uniquement en fonction d'un désaccord sur certains
aspects de la Constitution? À mon avis, ce serait une grave erreur de
faire de telles choses. On doit plutôt regarder ce que les Québécois
et les autres Canadiens ont fait ensemble, à quel point le pays que
nous avons réalisé est un pays que nous envient des milliards d'êtres
humains, et se demander pourquoi on y est arrivés. Et surtout,
considérer ce que voudrait dire, pour les Québécois et les autres
Canadiens, renoncer à la solidarité qui les unit aujourd'hui au sein
d'une grande fédération.
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le
Président, c'est assez surprenant d'entendre le ministre des Affaires
intergouvernementales nous dire que ni Bourassa, ni Johnson ne
croyaient au Canada. C'est surprenant, très surprenant.
Des voix: Bravo!
Mme Venne: La personne qui remplace le premier ministre
reconnaît-elle que c'est le premier ministre actuel qui a agi à
l'encontre de la volonté des Québécois en 1982, que toutes les
tentatives de réparation depuis ont échoué, et que la seule solution
que ce gouvernement privilégie, c'est de faire en sorte que le
Québec n'ait plus les moyens de décider de son avenir?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, je pense avoir répondu déjà à toutes
ces questions.
Là, je serai obligé de me répéter, mais je constate qu'il est en effet
impossible d'obtenir du Bloc québécois exactement ce qu'il
reproche au contenu de la Loi constitutionnelle de 1982.
Des voix: Oh, oh!
M. Dion: Nous avons dit que nous préférions une formule
d'amendement qui donne le droit de veto à toutes les grandes
régions du pays et une reconnaissance plus affirmée du Québec dans
la Constitution.
Effectivement, nous essayons d'en convaincre tous les
Canadiens. Mais pour l'ensemble, c'est une bonne Constitution.
Cela ne nous empêche pas d'aller de l'avant, cela ne nous empêche
pas d'avoir une des meilleures qualités de vie au monde. Cela ne
nous empêche pas de réaliser qu'on peut progresser au point, par
exemple, que l'OCDE nous dise que nous sommes un des pays qui
est le plus en forme pour entrer en bonne santé économique dans le
prochain siècle.
Est-ce qu'on pourrait avoir tout cela si on n'était pas tous
ensemble à s'entraider entre Canadiens? C'est ça, le vrai débat, et
on est incapables d'avoir ce débat avec des gens qui ne cherchent
qu'à sataniser l'oeuvre du premier ministre.
* * *
(1425)
[Traduction]
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, on croirait assister à un jeu télévisé rondement mené par
le premier ministre. L'accord Pearson, la pêche au saumon, la pêche
à la morue, les nominations par favoritisme, la pluie de subventions.
Les seuls qui se retrouveront encore les mains vides dans quelque
temps sont les 1,4 million de chômeurs canadiens.
Étant donné que le premier ministre semble si empressé de
distribuer des faveurs pré-électorales, peut-il nous dire ce qu'il a à
offrir aux 1,4 millions de chômeurs au Canada?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des
communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, lorsque nous nous présenterons devant les électeurs, nous
pourrons leur offrir une belle réussite, soit la création de près de
800 000 emplois, et l'engagement de faire beaucoup mieux que ce
que propose le programme si décrié du Parti réformiste.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, la réalité, c'est que le Canada enregistre actuellement les
pires statistiques en matière de chômage depuis la crise de 1929.
Voilà la réalité et le gouvernement la connaît trop bien. On pourrait
croire que les libéraux tenteraient de trouver de nouvelles façons de
redonner du travail aux Canadiens, mais le gouvernement est si
dépourvu d'idées qu'il veut déclencher des élections après
seulement trois ans et demi au pouvoir.
Le premier ministre a-t-il quelque chose de nouveau à offrir aux
chômeurs canadiens ou croit-il encore, comme il l'a dit au cours de
l'assemblée publique télédiffusée par Radio-Canada, que certains
sont chanceux, d'autres malchanceux et que c'est la vie?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, si le député et ses collègues du Parti réformiste se
préoccupaient vraiment du sort des chômeurs, ils auraient appuyé le
gouvernement lorsque nous avons proposé le programme de
rénovation des infrastructures, lorsque nous avons proposé les
programmes stimulant le tourisme, lorsque nous avons proposé les
programmes visant l'éducation, lorsque nous avons proposé les
programmes appuyant la recherche et le développement.
Le Parti réformiste a voté contre chacune de ces mesures, peu
importe s'il s'agissait de lutter contre le chômage chez les jeunes ou
de créer des emplois d'été. Le Parti réformiste s'est toujours opposé
aux mesures proposées par le gouvernement. Par contre, on peut
comprendre pourquoi il s'est opposé à ces initiatives. Le leader à la
9882
Chambre a rappelé ce que le Parti réformiste avait à dire au sujet de
son propre programme pour les chômeurs.
Dans le budget des contribuables, document qui renferme les
propositions du Parti réformiste, on peut lire que le programme du
Parti réformiste entraînera sur l'emploi à court terme des
répercussions négatives, mais acceptables. Jusqu'à quel niveau le
chômage est-il acceptable? Quel est le niveau de souffrance
humaine que le Parti réformiste est prêt à tolérer? À quel niveau de
misère le Parti réformiste condamnera-t-il les familles canadiennes
afin de pouvoir appliquer ses politiques archaïques?
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, le ministre peut râler et bluffer tant qu'il veut. Il peut
parler de documents qui datent de plusieurs années. Nous pourrions
rappeler ce que le gouvernement a déclaré à l'époque où il siégeait
dans l'opposition et ce qu'il a fait depuis. D'ailleurs, ce débat aura
lieu au cours de la prochaine campagne électorale et je l'attends
avec impatience.
Depuis trois ans et demi, les libéraux font bien peu pour redonner
du travail aux Canadiens. Le ministre a énuméré divers
programmes. J'imagine qu'on n'a pas pu construire des musées du
canot, des hôtels et des manèges militaires partout, seulement à
Shawinigan. En tout, 1,4 million de Canadiens sont en chômage,
deux à trois millions de Canadiens sont sous-employés et un
Canadien sur quatre craint de perdre l'emploi qu'il occupe
actuellement. Voilà l'héritage que nous laissent les libéraux.
En 1993, le premier ministre a déclaré qu'il avait un plan. Le seul
plan qu'il a en 1997 consiste-t-il à envoyer tous les chômeurs
s'établir à Shawinigan?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, l'encre est à peine sèche sur le budget des contribuables,
publié il y a deux ans, que déjà des réformistes le renient. Le Parti
réformiste n'a-t-il aucune politique qu'il est prêt à défendre?
Le budget des contribuables n'est vieux que de deux ans et nous
le rejetons. Le faux départ date de six mois et nous le rejetons.
(1430)
Très souvent, on voit des députés réformistes se lever à la
Chambre pour nier ce que leurs collègues ont affirmé. Voilà
pourquoi tant de députés réformistes ont déjà décidé de partir.
Toutes les politiques du Parti réformiste se contredisent les unes
les autres. Les réformistes ne sont conséquents que dans leur
inconséquence.
Nous n'hésiterons pas à comparer n'importe lequel de nos
budgets aux déclarations que nous avons pu faire. Nous défendons
notre premier budget. Nous défendons notre deuxième budget.
Nous défendons notre troisième budget. Nous défendons notre
quatrième budget. Et nous espérons avoir l'occasion d'en déposer
quatre autres.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ):
Monsieur le Président, depuis des mois, le ministre des Affaires
intergouvernementales dit qu'il devait y avoir un consensus
raisonnable pour aller de l'avant avec la modification
constitutionnelle demandée par le Québec. Hier, il a finalement
admis qu'il y avait un consensus sur la question au Québec, mais
qu'il ferait tout en son pouvoir pour inclure Alliance Québec dans le
consensus.
Le premier ministre admettra-t-il que la seule raison pour
laquelle son gouvernement exige des audiences publiques à la veille
d'une élection fédérale, c'est pour satisfaire un groupe de pression,
Alliance Québec, allié des libéraux fédéraux, à qui il donne plus de
poids qu'à tous les députés allophones, anglophones et
francophones démocratiquement élus au Québec et qui ont voté à
l'unanimité à l'Assemblée nationale?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, hier, c'était quand même une bonne
nouvelle. Le gouvernement du Canada dit qu'il appuie la
proposition de modification constitutionnelle qui lui arrive de
Québec. Nous l'approuvons, et on va la défendre. Ça va se faire;
c'est quand même une bonne nouvelle.
En quoi c'est un tel scandale d'avoir une commission
parlementaire sur une question aussi importante qui rejoint des
aspects comme la langue, la religion, l'éducation? En quoi c'est un
problème? Pourquoi est-ce que l'opposition officielle est incapable
d'accueillir une bonne nouvelle? Est-ce que c'est parce que, par
définition, elle craint qu'une bonne nouvelle soit interprétée au
Québec comme une nouvelle preuve des bienfaits d'un Canada uni?
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ):
Monsieur le Président, le ministre des Affaires
intergouvernementales, au lieu de nous répondre n'importe quoi,
devrait répéter ce qu'il a dit sur les ondes de RDI hier. Il a dit qu'il
fallait voter libéral aux prochaines élections si on voulait que
l'amendement constitutionnel soit adopté, parce que ça ne se fera
pas avant les élections. C'est ce qu'il a dit.
Une voix: C'est du chantage.
Mme Tremblay: Monsieur le Président, il s'agit de chantage
vraiment inacceptable et éhonté.
Ma question s'adresse au premier ministre suppléant.
Convient-il qu'il peut, s'il le veut, mettre tout en oeuvre pour que
son gouvernement adopte la modification constitutionnelle, et ce,
avant les élections, quitte à en retarder la date?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Tout d'abord, monsieur le Président, je constate que
l'opposi-
9883
tion officielle applaudit à l'idée de voter libéral, c'est déjà un
progrès.
Deuxièmement, ce que j'ai dit, c'est qu'en effet, si cela ne peut
pas se faire avant les élections, les gens sauront que s'ils votent pour
les libéraux, ils votent pour des candidats qui appuient la
modification. Ce sera une information intéressante. Je ne vois pas
en quoi c'est un tel problème.
Et enfin, en ce qui concerne la durée que ça prendra, eh bien, ça
prendra bien moins de temps que cela n'en a pris pour le
gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec, qui a été
élu en septembre 1994, n'est arrivé avec la proposition que le 7
février dernier, n'a présenté le libellé exact de la modification que le
24 mars, et l'a adoptée mardi dernier, après avoir attendu six jours
pour que le chef de l'opposition officielle revienne de vacances.
C'était gentil de la part du premier ministre Bouchard, mais cela
montre où sont ses priorités.
* * *
[
Traduction]
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, les
libéraux veulent se faire élire au cours des prochaines élections en
fonction de leur bilan. C'est tout un bilan.
(1435)
Le gouvernement a dépensé des millions de dollars pour
construire des manèges militaires dans les circonscriptions du
ministre de la Santé, de la vice-première ministre et du premier
ministre, et des millions de dollars pour bâtir des hôtels et un musée
du canot à Shawinigan. Il a également consacré des millions de
dollars à des terrains de golf, à des marquises pour des mairies, à des
terrains de boules et à d'autres projets du genre dans le cadre du
programme d'infrastructure. Enfin, il a offert des comptes de
dépenses de 500 000 $ à des gens nommés par favoritisme
politique. Depuis trois ans et demi, le gouvernement administre mal
les deniers publics, il les gaspille.
Le gouvernement libéral croit-il que la politique de l'assiette au
beurre est la meilleure façon de créer des emplois?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, lorsqu'on consacre 50 millions de dollars à la Banque de
développement du Canada pour financer des petites et moyennes
entreprises, s'agit-il d'une politique de l'assiette au beurre?
Lorsqu'on consacre 50 millions de dollars à la Société du crédit
agricole pour favoriser la diversification rurale, est-ce qu'on
pratique la politique de l'assiette au beurre? Lorsqu'on donne à la
Fondation canadienne pour l'innovation 800 millions de dollars
pour que les universités canadiennes et nos hôpitaux
d'enseignement puissent faire naître la nouvelle économie,
pratique-t-on la politique de l'assiette au beurre? Est-ce le cas,
lorsqu'on accorde des crédits pour frais de scolarité pour aider les
étudiants à retourner à l'école et aider les parents à économiser pour
l'éducation de leurs enfants?
La réponse est non. C'est le fruit d'une politique judicieuse qui
assurera à notre pays un avenir florissant. Le Parti réformiste
devrait se joindre à nous dans cette entreprise.
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, le
ministre des Finances se vante de toutes ces nouvelles dépenses
alors que les contribuables n'ont même pas les moyens de payer
leurs factures, et encore moins les impôts qu'il veut leur arracher.
Voyons le bilan du gouvernement. Les cotisations
d'assurance-chômage ont augmenté de 900 millions de dollars. Les
recettes tirées de l'impôt sur les sociétés ont augmenté de 1,3
milliard de dollars. Celles provenant de la TPS ont augmenté de 700
millions de dollars. On constate une augmentation de 1,3 milliard
de dollars des autres recettes. Et je pourrais poursuivre ainsi bien
longtemps. Le ministre a réussi à arracher aux contribuables 3,5
milliards de dollars de plus sous forme d'impôt personnel.
Qu'obtiennent les Canadiens dont la situation financière est
catastrophique en retour de tout cet argent supplémentaire, si ce
n'est la plus longue période de chômage depuis la grande crise de
1929 et un piètre programme de création d'emplois?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, voyons la situation.
Depuis notre arrivée au pouvoir, les cotisations
d'assurance-chômage qui, sous les conservateurs, étaient censées
grimper à 3,30 $ par tranche de 100 $ ont maintenant baissé à 2,90 $.
Au cours des trois dernières années du gouvernement conservateur,
ces cotisations ont augmenté chaque année. Nous les avons fait
baisser ces trois dernières années.
Le député veut parler de réductions d'impôt. Que fait-il des
réductions d'impôt et des crédits qu'on a accordés aux étudiants
pour leur permettre de retourner à l'école? Qu'en est-il des crédits
d'impôt accordés aux Canadiens handicapés pour leur donner des
chances égales? Que fait-on des 600 millions de dollars en
nouveaux crédits d'impôt pour les enfants pauvres pour leur donner
une véritable chance de s'en sortir?
Le député s'oppose au fait que les recettes gouvernementales
provenant des sociétés sont en hausse. Il devrait comprendre que
c'est le cas parce que les affaires vont mieux et que l'économie est
florissante. C'est une bonne chose, pas une mauvaise.
* * *
[
Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur
le Président, ma question s'adresse au premier ministre, ou à
quiconque aspire à le remplacer.
Hier, en écoutant les réponses du ministre des Affaires
intergouvernementales, on se serait cru en 1982 devant Pierre
Elliott Trudeau. Encore une fois, le gouvernement s'affairait à nier
la légitimité de l'Assemblée nationale et à bafouer le peuple
québécois en intervenant directement dans des questions qui
relèvent des compétences exclusives du Québec.
Le premier ministre se rend-il compte que, par l'attitude
arrogante de son ministre des Affaires intergouvernementales,
Ottawa s'érige en juge des décisions démocratiques de l'Assemblée
nationale?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, si je comprends bien la question,
l'honorable député dit que nous sommes les juges de la question à
9884
l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale a fait ce qu'elle
estimait devoir faire en son âme et conscience. Il appartient
maintenant au Parlement canadien de faire ce qu'il estime devoir
faire en son âme et conscience.
Nous, le gouvernement du Canada, estimons que ce que
l'Assemblée nationale a adopté est une bonne chose.
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur
le Président, hier, le premier ministre nous disait qu'il était fier
d'avoir rapatrié unilatéralement la Constitution.
Comment le premier ministre peut-il être fier de continuellement
passer par-dessus la tête de l'Assemblée nationale? Sa fierté
n'est-elle pas plutôt du mépris à l'endroit des institutions
québécoises?
(1440)
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine
pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales,
Lib.): Monsieur le Président, pour justifier une chose aussi grave
qu'une sécession, et quand on n'a vraiment pas d'argument pour
briser un pays qui est un succès comme le Canada, eh bien, à ce
moment-là, évidemment, on doit s'inventer des choses graves. On
doit dire qu'il y a eu des complots; on doit dire qu'il y a eu des
choses scandaleuses . . . j'ai oublié les épithètes utilisées tout à
l'heure par le chef de l'opposition officielle à ce propos.
Qu'on montre donc la Constitution canadienne à travers le
monde, et trouvez-moi un pays au monde qui la trouverait
scandaleuse. Trouvez-vous un autre pays où la minorité linguistique
a autant de possibilité de développement que c'est le cas au Canada
et notamment, évidemment, dans la province de Québec, qui a des
responsabilités que lui envierait n'importe quelle autre entité
fédérée à travers le monde. Où est le scandale? Ce qui est déplorable
de l'opposition officielle, c'est qu'elle ne peut pas justifier une
sécession autrement qu'en satanisant l'actuel premier ministre du
Canada.
* * *
[
Traduction]
Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, le gouvernement fédéral gère extrêmement mal la pêche
à la morue. Le tout dernier rapport du ministère des Pêches et des
Océans dit que le stock est encore extrêmement bas. Pourtant,
aujourd'hui, à la veille d'élections anticipées, le ministre a annoncé
la réouverture de la pêche à la morue au large de Terre-Neuve.
Pourquoi le ministre met-il en péril une ressource si précieuse et
si importante pour l'économie de la région de l'Atlantique?
L'hon. Lawrence MacAulay (secrétaire d'État (Anciens
combattants) (Agence de promotion économique du Canada
atlantique), Lib.): Monsieur le Président, le ministre a fait
aujourd'hui une annonce sur des prises très limitées, annonce qui a
été faite sur la recommandation du Conseil pour la conservation des
ressources halieutiques.
Le total des prises autorisées qui a été annoncé aujourd'hui est
moins élevé que celui qu'a recommandé le conseil.
Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, la décision du ministre permettra au mieux de créer
quelques emplois à court terme. Les prises seront beaucoup trop
faibles pour permettre la réouverture d'usines de transformation
arrêtées.
À cause de cette décision, il est pratiquement assuré que le
secteur et les localités de pêche de Terre-Neuve ne pourront pas
survivre, tout cela parce que les libéraux cherchent à obtenir
quelques votes de plus aux prochaines élections.
Quelle est la véritable préoccupation du ministre: la survie de la
pêche à la morue ou celle des libéraux?
L'hon. Lawrence MacAulay (secrétaire d'État (Anciens
combattants) (Agence de promotion économique du Canada
atlantique), Lib.): Monsieur le Président, je garantis à la députée
que les deux survivront.
Je le répète, l'annonce d'aujourd'hui a été faite sur la
recommandation du Conseil pour la conservation des ressources
halieutiques. Tous les renseignements qui proviendront de ce
programme de pêches expérimentales sont cruciaux pour évaluer
les stocks et pour connaître exactement la situation dans ce secteur.
Nous avons agi aujourd'hui sur la recommandation du conseil et
des pêcheurs.
* * *
[
Français]
M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Monsieur le Président,
ma question s'adresse au premier ministre suppléant.
Des membres éminents de la collectivité québécoise se
mobilisent derrière Pierre Falardeau et son projet de film portant sur
les Patriotes de 1837 et refusé par Téléfilm Canada. Téléfilm est
accusé de censure politique. Or, il n'y a pas si longtemps, le Comité
du patrimoine convoquait les grandes institutions culturelles
canadiennes, dont Téléfilm et le Conseil des arts, pour leur
demander ce qu'elles faisaient pour promouvoir l'unité nationale.
Le premier ministre suppléant est-il conscient qu'en
transformant son ministère en outil de propagande au service de son
gouvernement, il a entaché la réputation d'indépendance et
d'intégrité dont jouissaient, jusqu'à ce jour, les grandes institutions
culturelles canadiennes?
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme)
(Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, la
prétendue propagande dont parle le député apporte beaucoup aux
Canadiens.
Permettez-moi de mentionner certaines réalisations du BIC. Le
BIC a notamment permis de mettre en oeuvre des programmes pour
promouvoir des échanges entre les Canadiens, par exemple, le
récent programme prévoyant des échanges d'élèves au Canada.
Grâce au programme de leadership dans la collectivité, il a travaillé
de concert avec des chefs de file, des bandes et des institutions
partout au Canada. Le BIC a beaucoup fait pour promouvoir la
richesse et la diversité à l'échelle nationale.
9885
(1445)
Nous n'avons pas de leçons à recevoir du député, pour ce qui est
de la propagande. Nous avons vu que le parti d'en face a consacré
des sommes faramineuses à la propagande faisant sa promotion.
[Français]
M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): D'après moi, monsieur
le Président, la ministre s'est trompée de page. Il vaut quand même
mieux entendre ça qu'être sourd. Pourtant, j'avais parlé d'un cas
spécifique, le film de M. Pierre Falardeau.
Le ministre des Affaires étrangères poursuit également ses
activités de propagande. Malgré des demandes du Bloc et du
gouvernement québécois, il maintient le critère de promotion de
l'unité nationale comme un des critères d'attribution d'une
subvention.
La ministre se rend-elle compte qu'en refusant d'abroger ce
critère indécent, elle soumet, elle aussi, la culture canadienne à des
impératifs de propagande?
M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre
des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le ministère
des Affaires étrangères a comme objectif de promouvoir la culture
canadienne à l'étranger, et pour ce faire, nous utilisons les formes
qui sont à la disposition des Canadiens, y compris des Québécois.
C'est une partie des objectifs de notre gouvernement.
* * *
[
Traduction]
M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Monsieur le Président, ma
question s'adresse au ministre des Finances. Les députés de tous les
partis représentés à la Chambre reconnaissent que les organismes de
bénévolat et de bienfaisance accueillent avec joie les incitatifs
fiscaux améliorés que le ministre des Finances a mis en oeuvre pour
encourager les Canadiens à faire des dons.
En même temps, nous craignons que la dernière motion des voies
et moyens ait des effets imprévus pouvant être néfastes.
Le ministre peut-il garantir à la Chambre que le gouvernement va
consulter les organismes de bienfaisance afin d'éviter qu'il y ait des
effets nuisibles ou imprévus?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, comme le député vient de le souligner, nos budgets ont
fait de l'aide à la levée de nouveaux fonds par les organismes de
bienfaisance une priorité. Une grande partie du leadership à cet
égard est venu du président et des membres du Comité des finances.
Nous avons accru la générosité du système, mais nous avons aussi
veillé à garantir son intégrité.
Le député a laissé entendre que le libellé d'une mesure en
particulier, qui porte sur les opérations d'emprunt avec garantie,
serait actuellement trop flou. J'assure le député que le
gouvernement consulte actuellement les organismes de
bienfaisance et continuera de collaborer avec eux pour que la loi
n'ait aucun effet imprévu ou nuisible.
* * *
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président,
revoyons la liste des dépenses du gouvernement: 745 millions de
dollars, mais pas d'hélicoptères; 2 millions de dollars pour apaiser
Brian Mulroney et 260 millions de dollars à l'aéroport Pearson sans
qu'une seule pelletée de terre n'ait été déplacée.
Est-ce là ce que les libéraux considèrent comme une saine
dépense des fonds publics?
M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des
Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député a mentionné
l'aéroport Pearson. Chose intéressante, je lisais aujourd'hui dans le
journal que le chef du tiers parti a dit qu'on y avait dépensé de
l'argent pour absolument rien.
Est-ce qu'une nouvelle piste «vent de travers» nord-sud à
l'Aéroport international Pearson, c'est rien? Et la construction de
postes d'incendie à l'aéroport Pearson, c'est rien? Et la nouvelle
installation de dégivrage à l'aéroport Pearson, c'est encore rien?
Voilà à quoi ont servi les 185 millions de dollars dépensés à
l'Aéroport international Pearson.
Lequel de ces travaux d'immobilisations pour améliorer la
sécurité et l'environnement à l'aéroport Pearson le député
considère-t-il comme rien du tout?
(1450)
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, il
n'est pas étonnant qu'on appelle cette partie de la séance la période
des questions. Nous ne pouvons pas obtenir de réponses de nos
vis-à-vis. Nous posons une question parfaitement légitime, et nous
obtenons en retour une série de questions racoleuses. Comme nous
sommes en pleine période des questions, je vais tâcher encore une
fois d'obtenir une réponse des gens d'en face.
Puisque le gouvernement se targue de créer des emplois,
comment pense-t-il pouvoir expliquer aux électeurs que la dépense
de 260 millions de dollars à l'aéroport Pearson n'a pas permis de
créer un seul emploi?
Si on s'était occupé correctement de ce dossier, cela aurait pu être
un des plus grands programmes de travaux d'infrastructure mis en
oeuvre sous le gouvernement actuel.
M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des
Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député essaie de
déformer la réalité aux yeux des Canadiens, mais ils ne se laisseront
pas berner. Ils comprennent que le gouvernement a voulu les proté-
9886
ger contre l'argent des lobbyistes qui allait être déboursé et exigé
par ce consortium privé.
La réalité, c'est que le gouvernement a dépensé les 185 millions
de dollars dont je viens de parler pour tous ces travaux
d'immobilisations qui s'imposaient tellement à l'aéroport Pearson
pour améliorer la sécurité.
L'aéroport international Pearson n'est pas le seul aéroport dans
lequel le gouvernement ait investi. Et l'aéroport de Calgary? Le
député nous reproche-t-il d'avoir consacré des fonds publics à des
travaux d'immobilisations visant à améliorer la sécurité et
l'environnement à cet aéroport? Et les 127 millions de dollars que
nous avons dépensés à l'aéroport d'Edmonton? Et les 45 millions
dépensés à l'aéroport de Vancouver? Et les 120 millions dépensés à
l'aéroport de Montréal?
Nous avons une politique nationale des aéroports qui confiera la
prise de décisions aux administrations aéroportuaires locales pour
en faire les joyaux de l'économie locale qu'elles méritent tant de
devenir.
* * *
[
Français]
M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ):
Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des
Finances.
Il y a deux mois, l'opposition officielle faisait remarquer au
ministre des Finances que ses prévisions de déficit pour l'année
financière 1996-1997 apparaissaient comme étant totalement
erronées à 19 milliards de dollars. Le ministre refusait alors
d'admettre son erreur et tentait de nous expliquer que dans les deux
mois à venir, les chiffres pouvaient varier énormément. Or, après 11
mois sur 12, les chiffres révèlent maintenant que le déficit s'établit
effectivement à 7,8 milliards de dollars, ce qui est très loin des
prévisions du ministre.
De deux choses l'une, ou bien le ministre des Finances a
volontairement surestimé les chiffres de son déficit pour mieux
faire accepter les coupures importantes qu'il a imposées aux
provinces et aux chômeurs, ou bien le gouvernement fonctionne à
l'aveuglette, le ministre des Finances étant incapable de faire
quelque prévision crédible que ce soit. Laquelle des deux
hypothèses est la bonne?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, comme le député le sait fort bien, lorsque j'ai présenté le
budget, j'ai dit que le déficit, pour l'année en cours, ne dépasserait
pas-cela veut dire qu'il serait en-dessous-19 milliards de dollars,
ce qui est certainement le cas.
J'ai dit en même temps que nous n'avions pas les chiffres pour les
mois de janvier, février et mars. Nous ne les avons pas encore pour
le mois de mars. Certainement, lorsque j'aurai les chiffres pour le
mois de mars, cela nous donnera une meilleure idée.
En même temps, je dois rappeler au député qu'à la fin de l'année,
il y a toujours des ajustements, historiquement parlant, entre 4 et 6
milliards de dollars, lorsqu'on regarde les années antérieures.
Enfin, j'aimerais rappeler au député que le fait que le déficit baisse
n'est pas une mauvaise nouvelle, mais une bonne nouvelle.
M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ):
Monsieur le Président, quand on sait que 84 p. 100 de la réduction
du déficit pour les onze premiers mois a été strictement faite sur les
chômeurs, les assistés sociaux, les malades et les étudiants, on
trouve un peu ridicule d'entendre des applaudissements de l'autre
côté.
Étant donné que cette marge de manoeuvre grossit de mois en
mois et permettra au ministre d'atteindre un déficit zéro avant l'an
2000, le ministre des Finances peut-il s'engager à remettre les
sommes qu'il a dérobées aux provinces, aux chômeurs, aux assistés
sociaux, aux malades et aux étudiants?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, je crois que le député se trompe de gouvernement. Il parle
peut-être de certains gouvernements provinciaux, mais
certainement pas de celui-ci.
Lorsqu'on examine la raison pour laquelle on est en avance, c'est
parce que, d'abord, ce ne fut pas nécessaire d'utiliser notre réserve
pour contingence, deuxièmement, nos revenus sont à la hausse,
parce que l'économie est à la hausse, et troisièmement, parce que
les taux d'intérêt sont plus bas que prévus. Encore là, ce sont de
bonnes nouvelles.
* * *
(1455)
[Traduction]
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le
Président, à la page 88 du livre rouge on lit ceci:
Les conservateurs ont également pratiqué le copinage lorsqu'ils ont comblé des
milliers de postes au sein des conseils . . .
En octobre, le
Hill Times a signalé que, depuis 1993, 3 000
libéraux ont obtenu une nomination par favoritisme.
Le titre du livre rouge parle de création d'emplois. Comme les
1,4 million de chômeurs canadiens, je ne peux faire autrement que
de me demander pour qui on crée des emplois.
Ma question s'adresse au premier ministre. Les 1,4 million de
chômeurs doivent-ils devenir membres du Parti libéral pour obtenir
des emplois?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des
communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, le gouvernement a fait ces nominations en fonction de la
compétence et du mérite. Nous ne croyons pas que l'allégeance
politique soit une raison d'écarter qui que ce soit.
Je remercie le député d'avoir brandi le livre rouge. Cela me
donne l'occasion de dire que les libéraux sont sommes satisfaits de
leurs réalisations, mais le Parti réformiste tente de prendre ses
distances par rapport à ses propres résultats.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le
Président, le premier ministre a nommé uniquement de loyaux
libéraux au Sénat, ce qui est un bilan bien pire que celui des
conservateurs qu'il décrie dans le livre rouge.
À la page 95 du livre rouge, on lit une série de statistiques qui
traduisent le cynisme des Canadiens à l'égard de la politique. Selon
un sondage Environics récent, 73 p. 100 des Canadiens pensent que
le premier ministre a mal fait son travail.
9887
Le premier ministre est-il d'avis que ses milliers de nominations
partisanes ont contribué à atténuer le cynisme au Canada?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des
communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, l'exemple du Sénat que le député a utilisé montre bien le
ridicule de l'analyse réformiste. Le Sénat est une instance
législative partisane, tout comme les Communes. Pourquoi le
gouvernement voudrait-il y perpétuer indéfiniment une majorité
conservatrice?
L'observation du député fait uniquement ressortir le ridicule de
l'analyse réformiste. J'ai dit et je répète que les libéraux ont toute
raison d'être fiers de leur bilan. Encore une fois, cela montre
pourquoi le Parti réformiste n'a d'autre solution que de faire oublier
ses résultats à lui.
* * *
M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur
le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et
de l'Agroalimentaire.
Il a été déclaré aujourd'hui dans les actualités aux États-Unis que
le Canada convient de limiter ses ventes de blé sur le marché
américain à 1,5 million de tonnes.
Le ministre peut-il dire à la Chambre et aux agriculteurs de
l'Ouest quelle est au juste la situation en ce qui concerne les
expéditions vers le marché américain?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de
l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je me demande
parfois ce que ces gens-là ne comprennent pas dans le mot «non».
Soyons clairs.
Il n'y a pas d'écart. Il n'y a pas de limite. Il n'y a pas d'entente.
Le Canada n'a aucunement l'intention d'aller dans ce sens.
Notre commerce céréalier avec les États-Unis est équitable. Il
respecte toutes les règles de l'OMC et de l'ALENA. Il a fait trois
fois l'objet d'une enquête par les États-Unis. Par trois fois, les
pratiques commerciales canadiennes ont été justifiées. Nous allons
continuer à nous défendre.
* * *
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au premier ministre ou au
porte-parole du gouvernement aujourd'hui. Elle concerne ce que
l'on appelle, dans le monde de l'informatique, le problème du
millénaire, le problème de l'an 2000.
Le député n'ignore peut-être pas que beaucoup de vieux
macroordinateurs prévoyaient deux caractères numériques plutôt
que quatre pour les dates. Dans le monde entier, il en coûtera des
centaines de milliards de dollars pour modifier cela, ce qui aura
aussi une incidence importante sur le gouvernement fédéral.
Où en sont les divers ministères du gouvernement à cet égard?
Combien estime-t-on qu'il en coûtera pour redévelopper les
programmes? Quelle incidence cela devrait-il avoir sur les recettes
que le secteur privé reformule ses programmes au coût de centaines
de millions de dollars?
(1500)
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et
ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le
Président, le député a parfaitement raison de mentionner cette
affaire, qui est complexe non seulement pour le secteur public, mais
aussi pour le secteur privé. Nous y avons déjà consacré des millions
de dollars et nous avons commencé à songer à la façon d'adapter nos
divers réseaux informatiques.
Nous avançons, mais il reste beaucoup à faire et nous y voyons.
* * *
Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à
notre tribune de Son Excellence Miloslav Vyborny, ministre de la
Défense de la République tchèque.
Des voix: Bravo!
Le Président: C'est une journée assez spéciale, aujourd'hui. Au
nom des députés, nous avons mis en oeuvre, ces dernières années,
un programme qui consiste à inviter nos éminents Canadiens à la
Chambre des communes pour que nous, les représentants de la
population canadienne, reconnaissions leur mérite.
[Français]
Nous avons aujourd'hui l'honneur d'accueillir en cette Chambre
de nouveaux récipiendaires de l'Ordre du Canada.
[Traduction]
Ces 31 femmes et hommes de toutes les régions du Canada se
sont distingués dans différents domaines comme les arts, le
bénévolat et la philanthropie, les affaires, les sciences, l'éducation
et la fonction publique.
Je vais vous présenter un à un, à vous ainsi qu'à l'ensemble des
Canadiens, les récipiendaires de l'Ordre du Canada. Je sais que vous
aimeriez applaudir chacun d'eux individuellement, mais je vous
prierais d'attendre que j'aie fini de les nommer tous avant de leur
adresser vos applaudissements grandement mérités.
Quant à vous, chers concitoyens canadiens décorés de l'Ordre du
Canada, lorsque je nommerai votre nom pour qu'on vous rende
hommage ici, à l'endroit le plus honorable du Canada, je vous
prierais de vous lever et de rester debout jusqu'à ce que je vous aie
tous présentés.
Le très honorable Martial Asselin, Mary Frances Pratt, James
Downey, Arthur Horne, James Kenneth Irving, Malak Karsh,
Anne-Marie Alonzo, Sarah Anala, Simon Baker, Norman Barwin,
Jenny Belzbert, Anthony Dobell, Frank Gunston, Joan Fletcher
Harrison, Gerald Hatch, Simma Holt, Mary John, Charles
Linkletter, Jean Loiselle, Lawrence Mysak, Sarah Weintraub
Paltiel, Marilyn Ruth Peers, Jean-Henri Picard, Grace Davis Pine,
Charles-Albert Pois-
9888
sant, Bernard Riedel, Raymond Setlakwe, Bernard Snell, Charles
Alexander Thompson et Irving Zucker. Ce sont là les Canadiens
exceptionnels décorés de l'Ordre du Canada.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je vous invite tous cordialement à accueillir les
récipiendaires de l'Ordre du Canada dans la pièce 216, lors d'une
réception qui suivra immédiatement la période des questions, si
vous pouvez vous libérer de vos fonctions.
* * *
(1505)
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ):
Monsieur le Président, la Chambre a l'air en vacances ou presque,
mais j'aimerais demander au leader du gouvernement à la Chambre
s'il peut nous dire si on revient lundi.
[Traduction]
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, vous constaterez sans doute que les partis continuent de
négocier de façon régulière sur un certain nombre de questions qui
seront présentées.
Nous avons l'intention de saisir la Chambre des projets de loi
C-92 et C-93 et de voir comment les choses progresseront au cours
des prochains jours. Je voudrais remercier tous les partis à la
Chambre d'avoir collaboré à l'important travail que les Canadiens
estiment que nous faisons dans cette enceinte.
______________________________________________
9888
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi
C-38, Loi visant à faciliter la médiation entre les agriculteurs
insolvables et leurs créanciers, modifiant la Loi sur les sanctions
administratives pécuniaires en matière d'agriculture et
d'agroalimentaire et abrogeant la Loi sur l'examen de
l'endettement agricole, soit lu pour la troisième fois et adopté.
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, je
suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi
C-38, Loi sur la méditation en matière d'endettement agricole. Le
projet de loi vise à modifier la législation sur l'examen de
l'endettement agricole et à remplacer l'ancienne loi et son bureau
d'examen par une loi prévoyant un service de médiation pour les
agriculteurs qui risquent de se faire saisir leurs biens par des
créanciers.
Je vais d'abord dire quelques mots sur la loi actuellement en
vigueur, puis je passerai aux modifications qui y ont été apportées.
J'aborderai ensuite certaines questions liées à ce projet de loi sur
l'examen de l'endettement agricole. Les principales dispositions de
ce projet de loi visent à mettre en place un processus d'examen de la
situation financière des agriculteurs semblable à celui que prévoit la
loi en vigueur, à instituer un service de médiation entre les
agriculteurs et leurs créanciers et à remplacer l'ancien système, qui
faisait davantage place à la confrontation. Je connais fort bien ce
système, car j'en ai fait personnellement l'expérience avec des
agriculteurs.
Le projet de loi prévoit la suspension des recours des créanciers
contre les agriculteurs. Le véritable objectif du projet de loi est de
faire patienter les créanciers si les agriculteurs et le bureau sont
d'avis qu'il y a une possibilité de parvenir à une entente qui serait
avantageuse tant pour les créanciers que pour le débiteur. C'est
l'objet du projet de loi.
Le nouveau système remplacerait les membres du bureau
nommés par des médiateurs qui seraient engagés par suite d'un
processus d'appel d'offres. L'agriculteur menacé de saisie pourrait
demander un sursis de procédures de 30 jours, lequel pourrait être
renouvelé, à concurrence de 120 jours.
Dans les cas complexes, un expert en endettement et en
réorganisation de la dette pourrait être engagé afin d'évaluer la
situation financière de l'agriculteur. Cela se faisait aussi avec
l'ancien système.
(1510)
Le plus grand changement, c'est la plus grande place qui est faite
à la médiation. En fait, mon expérience personnelle me permet de
dire que, dans bien des cas, l'ancien système fonctionnait comme un
processus de médiation. Le projet de loi vient officialiser un
processus qui existait déjà.
Le comité d'appel serait composé d'agriculteurs reconnus pour
leur expertise financière et entendrait les plaintes concernant les
décisions et les subventions, la prolongation ou l'interruption des
procédures. C'est à cela que se résume le projet de loi.
La politique du Parti réformiste, même avant les dernières
élections, était d'appuyer les mesures gouvernementales destinées à
donner aux agriculteurs les instruments nécessaires pour devenir
plus autonomes. Les agriculteurs utilisent ces instruments, dont
certains existent depuis un certain temps déjà. Les agriculteurs les
utilisent très efficacement et sont beaucoup plus capables
maintenant qu'il y a quelques années de se débrouiller devant des
situations financières complexes ou de négocier le rééchelonnement
de leur dette.
Malheureusement, s'ils s'y connaissent aujourd'hui si bien en
rééchelonnement de dette, c'est que certains d'entre eux ont dû
passer par là à plusieurs reprises. Le secteur agricole a traversé des
périodes extrêmement difficiles. Malheureusement, les
gouvernements-et pas seulement le gouvernement libéral actuel,
mais les gouvernements conservateurs qui l'ont précédé aussi-ont
adopté des lois et mis en oeuvre des programmes qui ont causé
beaucoup de tort aux agriculteurs.
9889
Il est très triste de devoir étudier une mesure législative destinée
à aider les agriculteurs à rééchelonner leur dette ou à tenter de
s'entendre autrement avec leurs créanciers pour qu'il leur reste
quelque chose en cas de faillite ou de saisie par les créanciers. J'en
tiens les gouvernements responsables, et pas seulement le
gouvernement actuel. Il est clair que les gouvernements
conservateurs ont mis en place plusieurs programmes qui ont
aggravé la situation des agriculteurs et ont tellement perturbé les
marchés que les agriculteurs ne peuvent pas travailler dans un
marché libre, mais doivent le faire à l'intérieur du cadre défini par
les différents programmes gouvernementaux. Cela a causé un tort
incommensurable à la capacité concurrentielle des agriculteurs
canadiens.
Les gouvernements libéraux qui ont précédé les conservateurs au
pouvoir et le gouvernement libéral actuel doivent assumer une part
de responsabilité pour les programmes qui ont remplacé les règles
du marché, qui seraient beaucoup plus avantageuses pour les
agriculteurs.
Bien que cette mesure législative représente une amélioration par
rapport à la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, elle ne
règle pas le problème principal auxquel les agriculteurs sont
confrontés aujourd'hui. Le grand problème des agriculteurs, c'est
l'intervention excessive des gouvernements dans le secteur
agricole. Je ne parle pas seulement du gouvernement canadien, bien
qu'il ait certainement été coupable d'une telle intervention
excessive au cours des 20 ou 30 dernières années. Je parle aussi des
gouvernements européens qui ont fait du dumping, de façon tout à
fait déloyale, sur des marchés partout dans le monde qui, dans une
situation de concurrence, dans une situation de commerce loyal,
auraient été les marchés des agriculteurs canadiens.
Dans l'industrie du grain, par exemple, le gouvernement
américain a mis en oeuvre son programme de subventions aux
exportations, qui a affaibli les marchés partout dans le monde. Des
gouvernements canadiens, libéraux et conservateurs, ont mis en
oeuvre des programmes qui font que c'est extrêmement difficile
pour les agriculteurs de faire des affaires. C'est ce qu'ils veulent.
Les agriculteurs n'ont pas le choix à cause des accords
commerciaux en vigueur.
(1515)
Nous sommes retournés dans une certaine mesure au système de
libre entreprise que les agriculteurs veulent, mais nous avons encore
beaucoup de progrès à faire et le gouvernement n'a certainement
rien fait pour faciliter le changement. Il devrait être réprimandé
pour cela.
J'ai mentionné au début de mes remarques que je sais comment
fonctionne l'ancienne Loi sur l'examen de l'endettement agricole.
J'ai vu comment les comités fonctionnent. Dans certains cas, ce
système a aidé les agriculteurs à se sortir de situations difficiles.
Malheureusement, dans la plupart des cas, les agriculteurs doivent
cesser leurs activités. Au moins, dans certains cas, ils peuvent
cesser leurs activités sans avoir à traîner des dettes pendant des
années encore.
Dans d'autres cas, l'issue était plus heureuse. Des agriculteurs
qui ont eu recours aux bureaux d'examen de l'endettement agricole
ont réussi à garder leurs fermes. Dans certains cas, ils louaient leurs
terres à la Société du crédit agricole, qui en était devenue
propriétaire à la suite du processus d'examen de l'endettement
agricole. Les agriculteurs pouvaient cultiver les terres et, parfois,
réussissaient à les racheter à la Société du crédit agricole et à
d'autres créanciers.
L'ancienne Loi sur l'examen de l'endettement agricole
fonctionnait dans certains cas. Elle était bonne pour certains
agriculteurs. Elle tenait compte aussi des désirs des créanciers. Elle
réussissait à amener les agriculteurs et les créanciers à travailler
ensemble pour essayer de conclure un arrangement avantageux pour
les deux parties.
Par contre, il y avait beaucoup de chevauchement entre ce
programme et les programmes provinciaux déjà en place. J'en ai eu
personnellement l'expérience. J'ai été embauché comme consultant
par le ministère de l'Agriculture de l'Alberta pour travailler avec les
agriculteurs. Je sais que la Loi sur l'examen de l'endettement
agricole offraient des services qui étaient offerts aussi par la
province et par le secteur privé. Ce chevauchement était tout à fait
inutile. Malheureusement, la nouvelle loi n'y changera rien mais,
dans de nombreux cas, elle fait intervenir le gouvernement fédéral
dans des champs de compétence provinciale.
Les services que le médiateur et d'autres offrent aux agriculteurs
pour les aider à conclure des ententes avec leurs créanciers sont
fournis par des consultants privés et par les gouvernements
provinciaux. Les provinces ont eu recours aux services contractuels
d'agriculteurs pour faire ce travail. Il y a beaucoup de
chevauchement.
Il y a dix ans, lorsque la Loi sur l'examen de l'endettement
agricole a été adoptée, elle avait son utilité. Les provinces
remplissaient cependant cette fonction beaucoup mieux que ce n'est
le cas avec la loi fédérale. À la fin des années 80, l'intervention du
gouvernement sur les marchés a acculé des agriculteurs à la faillite,
ce qui a fait baisser les prix à une vitesse alarmante.
Je crois que les gouvernements provinciaux avaient un rôle à
jouer. Les consultants privés n'étaient pas disponibles et ils ne
possédaient certainement pas le niveau de formation voulu pour
pouvoir aider les agriculteurs à résoudre leurs problèmes.
L'intervention des gouvernements provinciaux avait alors un sens.
Ils avaient quelque chose à apporter.
J'ai travaillé pour le secteur agricole albertain. j'ai travaillé
auprès de douzaines et de douzaines d'agriculteurs en tant que
consultant en gestion d'entreprise. Je les ai aidés à traverser des
situations difficiles.
(1520)
J'ai souvent travaillé comme intermédiaire auprès de créanciers
afin de faciliter la conclusion d'ententes, parfois avec beaucoup de
succès, mais dans bien des cas il a malheureusement été impossible
de sauver l'entreprise. Toutefois, les agriculteurs qui étaient obligés
de quitter leur exploitation arrivaient souvent à récupérer un petit
quelque chose pour les aider à survivre.
Je crois que ce service était utile, mais je m'interroge
sérieusement sur l'utilité du chevauchement. Je sais maintenant que
les consultants privés ont une bien meilleure formation, qu'ils sont
là et qu'ils sont très disposés à aider les agriculteurs à traverser ces
9890
énormes difficultés et, surtout, à travailler avec eux avant que la
situation devienne tellement désespérée qu'ils doivent s'adresser au
Bureau d'examen de l'endettement agricole ou avoir recours à ce
nouveau système de médiation pour les entreprises agricoles.
Je crois que cette mesure législative comporte quelques
améliorations. J'ai mentionné un peu plus tôt quelques raisons de
croire que cette législation offrait un meilleur cadre de travail.
Toutefois, la somme d'agent engagée me préoccupe, d'abord parce
que le budget de réalisation est beaucoup trop gros. Ce n'est pas un
jugement arbitraire de ma part. En ce moment-même, le Bureau
d'examen de l'endettement agricole de la Saskatchewan s'occupe
d'environ la moitié de l'ensemble des cas, au Canada, au coût de
700 000 $. Pourtant, le budget de ce nouveau bureau de
l'endettement agricole est de 2,2 millions de dollars. On peut se
demander si le gouvernement ne prévoit pas une hausse radicale du
nombre d'agriculteurs qui auront besoin de ce service. Il faut bien
qu'il y ait une raison pour que le budget soit si élevé par rapport au
budget actuel.
Il faut se demander si le gouvernement ne prévoit pas réellement
une augmentation du nombre d'agriculteurs ayant de graves
problèmes financiers et devant invoquer cette loi pour se
dépatouiller de leurs difficultés financières, qui obligent trop
souvent les agriculteurs à se retirer et à perdre tous leurs biens, avec
pour seule consolation de ne plus avoir à payer leurs dettes.
Comme les députés le savent, beaucoup de députés réformistes
sont des agriculteurs ou l'étaient avant d'être élus à la Chambre. Sur
52 députés, entre 14 et 17 ont de l'expérience en tant
qu'agriculteurs, possèdent une ferme ou ont déjà travaillé pour
l'industrie de l'agriculture. C'est vraiment un grand nombre dans
un caucus de 52 députés. Quand des réunions sont prévues pour
discuter de questions agricoles, il n'est pas rare de voir de 14 à 16
députés réformistes y assister. L'intérêt pour l'agriculture n'a son
égal dans aucun autre caucus. Le niveau de connaissances en
agriculture n'a son égal dans aucun autre caucus de la Chambre.
L'importance que le caucus réformiste accorde à l'agriculture,
aux producteurs, aux éleveurs et autres intervenants de l'industrie
agricole n'a son égal dans aucun autre caucus de ce pays. Nous
avons prouvé que nous étions dévoués à la cause des agriculteurs, et
nous continuerons à l'être. À la veille des élections, qui ne sauraient
tarder, nous demandons aux agriculteurs, et à tous les Canadiens, de
prendre connaissance du programme de chaque parti. Nous leur
demandons d'étudier de près le programme de chaque parti non
seulement en ce qui concerne l'agriculture, mais dans tous les
domaines. Je leur demanderais ensuite de regarder le programme
des réformistes et de le comparer à celui des autres partis, pour ce
qui est de l'agriculture et des autres domaines.
(1525)
Qu'on fasse la campagne sur les questions à débattre et non les
étiquettes que chaque parti essaye de coller sur les autres. Qu'on
bannisse de la campagne les injures et les coups bas. J'invite tous les
autres partis politiques à comparer leur programme au nôtre, que ce
soit en matière d'agriculture ou dans d'autres domaines. Si cette
comparaison a lieu pendant la campagne, le Parti réformiste
formera le gouvernement après les élections.
Tout ce que je demande c'est que les partis comparent les
programmes pour que les Canadiens puissent faire de même et
votent pour celui qui a les meilleures idées, les meilleures
politiques, les meilleurs candidats pour les mettre en oeuvre et le
meilleur chef. Je sais qu'ils choisiront le Parti réformiste.
Un autre problème avec cette mesure législative, c'est qu'elle
donne trop de place au favoritisme. Cela n'a rien d'étonnant car,
toute la journée, les députés ont pointé du doigt les cas de
favoritisme libéral, tous les libéraux nommés au Sénat depuis que
ce gouvernement est au pouvoir. C'est incroyable.
Même à l'époque du gouvernement Mulroney, il y avait un
sénateur élu, Stan Waters de l'Alberta. Comme par hasard, c'était
un réformiste, mais ce qui importe c'est qu'il avait été élu au Sénat.
Il avait établi un précédent.
En Colombie-Britannique, la loi prévoit la possibilité d'élire des
sénateurs. Le premier ministre de la Colombie-Britannique a
demandé que les sénateurs soient élus. Les Albertains et le
gouvernement de l'Alberta ont demandé la même chose.
Qu'avons-nous obtenu? Depuis les dernières élections, tous les
nouveaux sénateurs ont été choisis par favoritisme et nommés par le
premier ministre du pays. C'est tout à fait inacceptable. Et ce n'est
que le début de la liste des nominations politiques. Elle est très
longue. Je n'ai pas le temps d'en faire la lecture complète
maintenant.
Ce projet de loi ouvre la porte à d'autres nominations politiques.
C'est totalement inacceptable. Cette raison à elle seule suffirait
pour que l'on refuse d'appuyer le projet de loi. Nous refusons
d'appuyer une mesure qui créera d'autres postes à combler par
nominations politiques.
Je reconnais que ce projet de loi n'est pas fondamental. Il apporte
des modifications mineures à la Loi sur l'examen de l'endettement
agricole. Il traite de questions secondaires, qui ne touchent qu'un
nombre limité de personnes, alors qu'il devrait résoudre des
questions beaucoup plus cruciales. Il propose au moins certaines
mesures qui amélioreront la loi existante.
Je tiens à féliciter le gouvernement de ces quelques
modifications. Par ailleurs, je le répète, bien d'autres modifications
auraient dû être proposées qui ne l'ont pas été. Le budget prévu est
de 2,2 millions mais, si nous pouvions avoir confiance dans la
capacité du gouvernement de prévoir avec précision, je pense que
les agriculteurs seraient très inquiets parce que c'est très au-dessus
de ce qui devrait être nécessaire considérant ce qu'il en coûte
actuellement.
Au lieu de s'occuper de cette mesure tout de suite avant les
élections, le gouvernement aurait dû s'attaquer à l'amélioration du
transport des grains, en autorisant la concurrence, en donnant aux
agriculteurs des recours contre les chemins de fer et les
manutentionnaires. Ce n'est pas ce qu'il fait. Il devrait nous
présenter une mesure éliminant le monopole de la Commission
canadienne du blé et la rendant plus responsable vis-à-vis des
agriculteurs; une mesure qui donnerait aux agriculteurs la liberté de
commercialiser leurs
9891
produits par l'intermédiaire de la Commission ou d'une compagnie
céréalière, ou encore par eux-mêmes. Ce n'est pas ce que le
gouvernement nous propose et c'est pourquoi nous parlons de cette
mesure. Nous aurions dû consacrer notre temps à des choses bien
plus importantes et c'est pour cette raison que je ne vais pas en dire
davantage.
(1530)
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, dans le
comté de Lévis, il n'y a pas un très grand nombre d'agriculteurs,
mais je tenais quand même à intervenir dans ce débat. D'ailleurs,
chaque fois qu'on parle d'agriculture à la Chambre des communes,
je suis intéressé par le sujet pour deux raisons.
Étant fils d'agriculteur, j'ai été sensibilisé, dès mon jeune âge, au
problème agricole. Les députés du Parti réformiste viennent de dire
qu'il existe beaucoup de problèmes sur le plan agricole et
agroalimentaire actuellement au Canada, plus particulièrement au
Québec. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas notre part des dépenses
fédérales en agriculture, pourtant, on paie 24 p. 100 pour
l'agriculture.
On étudie aujourd'hui le projet de loi C-38, Loi visant à faciliter
la médiation entre les agriculteurs insolvables et leurs créanciers.
On traite de cela, parce qu'il y a de plus en plus d'agriculteurs et
d'agricultrices qui ont de sérieux problèmes financiers, au Québec
et au Canada. Pourquoi ont-ils autant de problèmes financiers?
C'est parce qu'ils sont soumis à un contexte international de
libre-échange qui fait la vie dure aux agriculteurs. C'est aussi parce
que les politiques du gouvernement fédéral amènent plusieurs
agriculteurs au bord de la faillite, et malheureusement, trop
souvent, directement à la faillite.
Cette loi, bien qu'imparfaite, a pour effet d'adoucir un peu la
situation vraiment intenable que vivent certains agriculteurs. Pour
faire de l'agriculture, aujourd'hui, il faut investir, il faut s'endetter
de plus en plus. Pour obtenir une certaine rentabilité, les gens sont
obligés de fusionner leurs propriétés, leurs activités agricoles en
achetant les terres du voisin. Dans le rang où je vivais, il y avait
jadis sept ou huit agriculteurs, aujourd'hui, il n'y a plus qu'une
propriété agricole, une entreprise agricole.
La personne qui doit gérer tout cela doit s'endetter énormément,
prendre énormément de risques, d'autant plus que la relève agricole
n'est pas là. On ne se bouscule pas dans le domaine agricole
actuellement pour prendre la relève. Pourquoi cela? C'est en raison
du fort endettement que cela exige.
Il faut avoir la vocation agricole, il faut presque être missionnaire
aujourd'hui pour être agriculteur. C'est un domaine extrêmement
exigeant. Comme le porte-parole du Bloc québécois, le député de
Frontenac, le rappelait ce matin, c'est un travail de sept jours par
semaine. C'est un travail aussi exigeant que celui de député. Il faut
être ici durant la semaine et la fin de semaine chez nous, participer
aux activités. C'est très exigeant.
Mais les agriculteurs, on ne les fait pas pleurer avec ça. Les
députés ne feront pleurer aucun agriculteur québécois quant au
nombre d'heures qu'ils doivent faire, parce que les agriculteurs et
les agricultrices sont habitués, depuis des années, à faire un nombre
incalculable d'heures pour faire vivre leur famille. Lorsque tout va
bien, le bénéfice que peut véritablement retirer un agriculteur, un
producteur agricole, c'est lorsqu'arrive l'âge de la retraite et qu'il
réussit à convaincre son fils ou sa fille ou plusieurs de ses fils à
prendre sa relève, à contracter un prêt agricole et finalement, à
bénéficier peut-être de quelques douceurs de la vie.
(1535)
Pendant toutes ces années, pendant 30 et parfois 40 ans, les
agriculteurs et les agricultrices doivent travailler très fort. Je dis
agricultrices, parce que c'est un domaine, au Québec, où, s'il y a un
exemple d'entreprise familiale, c'est bien celui du monde agricole.
Les femmes d'agriculteurs ont autant de mérite que les
producteurs agricoles. Dans ce domaine, il y a un partage des tâches
qui se fait depuis des années. La femme est souvent responsable de
la comptabilité, qui devient de plus en plus compliquée. Il y a aussi
la gestion du lait.
Ayant vécu cela lorsque j'étais jeune, je sais de quoi je parle.
Mais les gens n'en ont pas idée. Il m'arrive parfois d'être scandalisé
d'entendre les gens de la ville-j'en suis maintenant, et ces gens
méritent aussi leur salaire, ils peuvent parfois avoir aussi leurs
problèmes, mais ils n'ont pas des horaires comme les
agriculteurs-faire des commentaires que je trouve déplorables.
Ils pensent que le gouvernement fait vivre les agriculteurs et
subventionne largement l'agriculture. Finalement, dans l'esprit de
plusieurs, comme il y a beaucoup de citadins qui font de tels
commentaires, ils finissent par influencer les législateurs et ceux
qui sont au gouvernement, j'entends surtout le gouvernement
fédéral, et ils finissent par penser que c'est justifié de couper dans
l'agriculture.
Alors, les gens ont une opinion à courte vue, car si notre
agriculture est moins subventionnée, si on n'aide pas les
producteurs agricoles dans cette activité, on parle du niveau
primaire, cela aura des conséquences dans l'industrie de la
transformation et donc dans le secteur tertiaire, celui de la
commercialisation, la vente des produits agricoles, et en bout de
ligne, c'est là qu'on rencontre les consommateurs.
J'écoutais plus tôt l'excellent critique à l'agriculture, le député
de Frontenac pour le Bloc québécois, qui nous rappelle souvent au
caucus l'importance de l'agriculture au Québec, et l'importance de
l'agriculture sans doute aussi au Canada et dans l'Ouest, tel que le
défend le Parti réformiste. Mais, on ne le fait pas assez.
Si je me base sur les années où j'ai été l'attaché politique de Jean
Garon, le ministre de l'Agriculture du Québec lors de l'élection du
Parti québécois, de 1976 à 1996-je n'hésite pas à le dire, le
meilleur ministre de l'Agriculture que le Québec ait jamais
connu-pendant cette période, il avait établi un concept, car il
n'était plus seulement question d'agriculture, mais c'était un
concept qu'on appelle l'agroalimentaire, c'est-à-dire faire le lien
entre la production, la transformation et la commercialisation.
Parce que cela se tient; c'est un tout.
9892
De plus M. Garon, à l'époque, parlait de l'importance de
l'autosuffisance, l'importance d'acheter des produits fabriqués chez
nous. C'est extrêmement important. Pourquoi? Parce que ça fait
vivre davantage les habitants du secteur rural.
S'il y a un problème actuellement dans les communautés rurales
au Canada, c'est parce qu'on a sûrement négligé l'agriculture. Sans
agriculture, les grandes régions rurales ne peuvent vivre et je pense
que le problème commence à la base. On a perdu de vue les
problèmes de la communauté agricole, des producteurs agricoles,
des gens qui font la transformation des produits agricoles et aussi de
ceux qui en font la vente. C'est extrêmement difficile dans ce
contexte de mondialisation.
Cette loi vient donc adoucir quelque peu ceux qui sont mal pris,
parce qu'on a vu trop souvent des situations où des gens étaient
acculés à la faillite. Je sais que vous savez comment cela
fonctionne, mais il est toujours bon de le répéter. Les gens
obtiennent un prêt agricole, mais souvent, ils ont une partie du
financement à débourser, à produire eux-mêmes.
Les parents, voulant tellement que leur fils ou leur fille leur
succèdent, sont quelquefois portés à prendre une partie des
nouveaux avoirs que leur procure la vente de leur propriété à leur
fils ou leur fille, et de le leur prêter pour qu'ils aient une source de
revenu afin de combler cet écart-là. Ce qui fait qu'à un moment
donné, on doit à la fois rendre le prêt agricole et ce qui a été
emprunté des parents. Il vient un temps où ce n'est plus possible de
rembourser, il n'y a plus de rentabilité, et certains sont presque
conduits à la faillite.
(1540)
Alors, cette loi permet d'adoucir les coins. Elle permet de créer
une nouvelle instance au niveau fédéral pour qu'il y ait une
médiation, pour que les gens aient justement la possibilité, avant
que ce soit la faillite, de s'arranger pour que l'activité de la ferme
puisse se poursuivre.
À quoi cela avancerait-il de mettre quelqu'un en faillite s'il n'y a
personne d'autre qui veut prendre cette propriété, si ce patrimoine
agricole, qui s'étale parfois sur des générations, était laissé à
l'abandon parce qu'on voudrait éponger une dette qui est devenue
insupportable pour une famille? Or, je pense que ce moyen est bon.
Le Bloc québécois, par son représentant à l'agriculture, le député
de Frontenac, à l'étape du rapport de ce projet de loi, a proposé
plusieurs amendements au comité. Nous aussi, tout comme le
troisième parti, nous avions des réserves. On s'inquiétait
notamment de toute la question des nominations politiques. On
voudrait que ce soit un choix non partisan, qu'on mette fin à la
tradition fédérale des nominations politiques, de récompenser les
candidats défaits. Il y en aura un lot à la prochaine élection fédérale.
Je sais que plusieurs s'attendent à remporter certains comtés
représentés par le Bloc québécois, car ils disent: «On va aller dans
certains comtés, même si le Bloc est très fort.» Mais il y aura des
reconnaissances politiques et bientôt, on retrouvera sûrement un
certain nombre de ces personnes qui siégeront sur ce genre de
commission que le projet de loi C-38 vise à créer actuellement.
Il est très difficile d'arracher des amendements aux libéraux au
comité, comme c'est l'habitude du gouvernement. Cela vient de
l'opposition, des députés souverainistes, de gens qui veulent
protéger les intérêts des Québécois, donc ils ne peuvent pas appuyer
ça, c'est eux qui ont le pouvoir. Alors, ils rejettent les amendements.
Malgré cela, en faisant preuve d'une grande objectivité, on
reconnaît que c'est un pas dans la bonne direction. Cela peut faire
économiser un million de dollars à l'ensemble des contribuables, on
votera en faveur de ce projet de loi en troisième lecture.
Beaucoup de lacunes ont été relevées par le député de Frontenac.
Malheureusement, ces lacunes ne seront pas corrigées. Mais à
défaut du meilleur, il faut prendre le moins pire. Cette loi étant une
amélioration par rapport à ce qui existait auparavant, nous allons
donc appuyer ce projet de loi.
Dans le reste de mon intervention, j'aimerais rappeler ce que je
disais au début, c'est que le Québec n'obtient pas sa part des
dépenses fédérales en matière d'agriculture. Selon les données du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du
Québec, on n'a que 10 p. 100 environ des dépenses fédérales dans ce
secteur pour, à peu près, 311 millions de dollars.
Pourtant, l'apport du Québec dans les recettes monétaires
agricoles canadiennes est d'environ 16,4 p. 100. Cela grimpe à 21,4
p. 100, si on considère, non seulement l'agriculture, la partie
production, mais l'ensemble du concept agroalimentaire. En ne se
basant que sur la transformation dans ce cas-ci, on se rend compte
que ce manque à gagner est de 201 millions de dollars de plus.
Au cours des années 1985-1986 à 1994-1995, donc, à l'époque
des conservateurs, les dépenses fédérales en agroalimentaire pour le
Québec n'ont atteint que 9 p. 100. Pendant cette période, les recettes
monétaires agricoles se sont élevées à 16,3 p. 100. Donc, pour ces
dix années, le manque à gagner cumulatif pour le Québec s'élevait à
trois milliards de dollars. Et on pourrait continuer.
On aurait pu penser que les libéraux auraient corrigé cela, mais
non. Ça continue et on est toujours soumis à la même iniquité.
Rappelons un élément important. Le chiffre de trois milliards
revient encore. On a aboli le Tarif du Nid-de-Corbeau. Or, qu'a
donné l'abolition du Tarif du Nid-de-Corbeau? On a accordé trois
milliards de dollars en mesures compensatoires aux fermiers de
l'Ouest, parce que le Parti réformiste réclamait cela. Dans ce cas, il
faut rendre hommage aux députés du Parti réformiste, ils ont obtenu
trois milliards de dollars en compensation pour les agriculteurs de
l'Ouest. Nous, du Québec, je ne sais pas ce qu'on a fait, on a
demandé notre part de compensation aussi, mais au lieu des
compensations, on a obtenu des coupures dans le domaine agricole.
(1545)
On n'a déjà pas notre part, voilà qu'on nous coupe davantage.
Une somme de 107 millions a été coupée en 1995-1996; en
1996-1997, c'est 30 millions supplémentaires, en plus des autres
coupures; pour 1997-1998, voilà que c'est 113 millions de coupures
additionnelles. C'est inacceptable. Les consommateurs pensaient
9893
être au purgatoire, voilà qu'on se dirige vers l'enfer. C'est de mal en
pis. Il faut le dénoncer avant les prochaines élections.
On ne le dira jamais assez. Les députés du Parti réformiste ont
parlé de l'agriculture, parce qu'ils se préoccupent des électeurs de
l'Ouest, mais je leur dis qu'au Québec, nos agriculteurs et nos
agricultrices souffrent également.
Au fédéral, malgré qu'on représente 24 p. 100 de la population,
nous ne recevons pas notre part. Tant qu'on sera dans ce régime, tant
que la population du Québec n'aura pas décidé de faire la
souveraineté, parce qu'on paie des impôts ici, à Ottawa, nous, du
Bloc québécois, continuerons à réclamer notre part.
Des compensations de trois milliards qui proviennent de
l'abolition du Tarif du Nid-de-Corbeau, on en exige autant.
Malheureusement, ce projet de loi adoucira un peu la plaie de
plusieurs agriculteurs, mais il ne règle rien. Il faudra que le ministre
de l'Agriculture du Canada mette ses culottes et règle les
problèmes, s'entende avec le gouvernement du Québec, notamment
pour éviter des dédoublements.
Oui, j'ai applaudi dans cette Chambre, il y a quelque mois, la
fusion des trois agences fédérales d'inspection des aliments. Il y en
avait une qui relevait du ministère de la Santé, une autre de celui de
l'Agriculture et une troisième, d'un autre ministère. On les a
regroupées sous une seule agence.
En réalité, il faudrait absolument mettre fin aux dédoublements
dans ce domaine et que le Québec reçoive sa compensation
financière, parce qu'il est plus proche des citoyens. L'agriculture,
cela ne se fait pas dans un bureau à Ottawa. L'élevage des vaches, la
pêche, ou autre, cela ne peut se faire dans un bureau à Ottawa, il faut
que le gouvernement se rapproche du milieu. Le gouvernement le
plus près est le gouvernement du Québec. Pourquoi ne pas travailler
davantage de concert au lieu de structurer et de réglementer, ce qui
parfois n'est d'aucune utilité pour le Québec?
Je conclus là-dessus en invitant mes collègues d'en face à
réfléchir, eux qui, malheureusement, voyant venir le vendredi, ont
déjà quitté. On ne peut pas parler des absents, mais on n'est pas très
nombreux en ce jeudi pour parler d'agriculture, ce qui est pourtant
un domaine extrêmement important. Si on veut travailler de
nouveau à l'économie, si le premier ministre était sérieux lorsqu'il
parle d'économie et de «jobs, jobs, jobs», il interviendrait, il
prononcerait des discours qui s'adressent au monde agricole.
Je répéterai une phrase qui peut faire rire mais qui est vraie. Dans
le domaine agricole, certains ministres libéraux, comme le disait
Jean Garon, se comportent comme des moustiques dans un camp de
nudistes, ils ne savent pas par où commencer. Je m'excuse de cette
petite anecdote, alors que la situation est triste.
[Traduction]
M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le
Président, je suis heureux de pouvoir traiter du projet de loi C-38.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je dois féliciter le député du Bloc
de tenter de faire comprendre à la Chambre l'importance de
l'agriculture pour le Québec. Les autres députés réformistes et moi
avons toujours été reconnaissants aux bloquistes de s'intéresser
d'une façon si particulière à l'agriculture. Ils se rendent compte
qu'il faut avoir le ventre plein avant d'entreprendre quoi que ce soit.
(1550)
Le projet de loi C-38 accélère le règlement des problèmes des
agriculteurs. Il réduit la période de souffrance, mais je préférerais
tout de même qu'on puisse s'en passer.
La Loi sur l'examen de l'endettement agricole a été créée en
1986 suite à des circonstances exceptionnelles. La fin des années 70
et le milieu des années 80 ont été une période difficile dans le
secteur agricole. De nombreuses familles ont dû abandonner
l'agriculture, car elle n'était pas rentable. Pourquoi n'était-elle pas
rentable? En raison d'une ingérence indue du gouvernement.
Certains députés se rappellent l'élection, en 1970 ou 1971, du
gouvernement libéral du premier ministre Trudeau. À cette
époque-là, le slogan était: Nous allons créer une société juste. Cela
sonnait bien. Tous les habitants de l'Ouest pensaient que les
conditions des agriculteurs de l'Ouest, de même que celles des
usines de transformation de l'Ouest et de l'industrie des cultures
spéciales, allaient peut-être s'améliorer.
La première chose que ce gouvernement libéral a faite, c'est
d'augmenter d'un coup de 68 p. 100 les salaires des
manutentionnaires de céréales. Ce geste paraissait démesuré bien
qu'à l'époque, les manutentionnaires ne gagnaient probablement
pas autant qu'ils auraient dû.
Cela a entraîné toute une série de problèmes. En raison des
faibles prix des céréales, la deuxième chose que le gouvernement de
l'époque a faite, c'est de mettre sur pied un programme de réduction
des stocks de blé. Monsieur le Président, j'ignore si vous étiez à la
Chambre à cette époque-là ou si vous vous rappelez ce programme.
Il visait à encourager les agriculteurs à pratiquer la jachère et à
réduire l'offre. Ils ont été payés 8 $ l'acre pour mettre leurs terres en
jachère pour l'été.
C'était une erreur grave. L'année suivante, la récolte a été
déficitaire et le milliard de boisseaux de trop dont tout le monde
avait parlé, et qui était censé déprimer les prix, était disparu. Il n'y
était plus, parce qu'à cause d'une mauvaise gestion, on avait mal
évalué les quantités en réserve. Cette situation s'est produite parce
qu'il y avait trois ou quatre céréalières différentes dans chaque ville
et que chaque céréalière avait plus ou moins relevé le nombre de
boisseaux dans la région, les avaient additionnés et avait obtenu un
total qui était trois ou quatre fois supérieur à ce qu'il aurait dû être.
En 1972, les prix du grain ont atteint des sommets sans précédent.
Le prix du boisseau est soudainement passé de 1,50 à 5 et 6 $.
L'inflation sévissait. Les agriculteurs ont fait de très bonnes
affaires. Ils ont commencé à être optimistes. On encourageait les
Canadiens à dépenser.
Le pire, c'est que les représentants du gouvernement ont invité
les agriculteurs à se spécialiser. Si un agriculteur voulait emprunter
9894
pour améliorer son cheptel de vaches laitières, sa laiterie ou son
entreprise porcine, et s'il demandait 5 000, 10 000 ou 15 000 $, la
Société du crédit agricole disait: «Pas question. Vous devez vous
organiser et centrer votre énergie sur une activité.» Si on ne
demandait pas un emprunt d'au moins 50 000 ou 100 000 $, on
essuyait un refus.
Les agriculteurs ont donc décidé de se spécialiser. De petites
exploitations ont tout abandonné et de grandes exploitations sont
apparues. Avant qu'on s'en rende compte, de nombreux agriculteurs
avaient des dettes dont ils ne pouvaient déjà assumer les frais, quand
les taux d'intérêt se sont tout à coup mis à grimper sous la pression
de la masse monétaire.
(1555)
Si je n'avais pas été à l'étranger en 1981 et si je n'avais pas vu ce
que l'inflation avait fait à d'autres pays, je ne me serais peut-être
pas rendu compte des ravages qu'elle pouvait faire au Canada.
Cependant, quand les taux d'intérêt ont touché la barre de 24 p. 100,
les agriculteurs qui avaient des dettes variant entre 100 000 et
200 000 $ ont alors vu leurs dettes augmenter du quart chaque
année, de sorte qu'ils ne pouvaient plus en assumer les frais.
Voilà ce qu'était la société juste. J'ignore si c'était une société
juste pour les banquiers et les financiers. Je sais qu'il y a eu à
l'époque un grand débat sur la question de savoir s'il fallait
supprimer le tarif du Nid-de-Corbeau et prendre certaines autres
mesures.
Je n'oublierai jamais une émission que je regardais un soir, Front
Page Challenge. Les députés se rappellent peut-être M. Gordon
Sinclair qui était un des spécialistes invités à l'émission. On y
parlait de la forte récession qui frappait le pays. M. Sinclair, qui ne
réussissait plus à contenir son impatience lança soudain: «Quelle
récession? Les taux d'intérêt sont à 24 p. 100! Quelle récession?»
Les institutions financières et les investisseurs réalisaient des
profits énormes. Les gens ne se rendaient pas compte que nous
perdions de plus en plus d'agriculteurs et d'entreprises.
Je n'oublierai jamais la caricature qu'on avait fait de la grosse
vache laitière libérale. Vous vous rappelez peut-être cette image,
monsieur le Président: il y avait cette vache énorme que les
agriculteurs de l'Ouest nourrissaient aussi vite qu'ils pouvaient. Ils
étaient efflanqués, pauvres, surmenés et avaient presque l'air de
squelettes comparés à la vache grasse. Tandis que les agriculteurs de
l'Ouest nourrissaient cette grosse vache laitière libérale, ils se
trouvaient en réalité à nourrir les capitalistes de l'Est, qui
récoltaient l'argent que leur procurait ce taux d'intérêt de 24 p. 100.
Le pire, c'est que lorsqu'on a une grosse vache laitière comme
celle-là, il en sort une matière organique dont il faut se débarrasser
parce que, sinon, elle est nocive pour l'environnement. Par
conséquent, cet engrais naturel était déversé sur les provinces de
l'Est qui en étaient presque enterrées. Nous avions donc trois petits
problèmes: les agriculteurs de l'Ouest mouraient de faim, les
capitalistes de l'Est s'enrichissaient scandaleusement et payaient
davantage d'impôts, et les provinces de l'Atlantique se trouvaient
couvertes d'une matière qui ne leur plaisait pas vraiment. Telle est
la situation qui a enfoncé les agriculteurs de l'Ouest dans un
profond endettement.
Avec le recul, nous pouvons dire que, si nous avions pu éviter les
taux d'intérêt élevés à l'époque, il y aurait aujourd'hui beaucoup
plus de dirigeants de petites entreprises encore en affaires dans
l'Ouest, et que l'exploitation agricole familiale n'en serait pas là.
Mais, je veux en revenir au Bureau d'examen de l'endettement
agricole. Ce bureau était au moins disposé à examiner la situation
des exploitations rentables, à les soutenir, à aider ces agriculteurs à
se réorganiser.
Le projet de loi C-38 a pour seul but, en somme, d'amener les
agriculteurs à renoncer à leur exploitation. Je suis convaincu que,
lorsqu'on en est arrivé là, les conseils ne suffisent pas. Comme les
députés le savent, lorsque les banques ou les institutions financières
s'apprêtent à saisir des actifs, elles peuvent s'appuyer sur les
meilleurs services juridiques et les meilleurs conseils qui soient.
Elles ne s'inquiètent pas des coûts. Lorsque l'agriculteur est placé
dans une situation aussi difficile, il n'a aucun moyen financier. Il
n'a pas les ressources pour s'offrir des services de la même qualité.
Si le gouvernement se souciait vraiment des agriculteurs et
voulait faire quelque chose pour eux, il mettrait des fonds à leur
disposition pour qu'ils puissent obtenir les conseils de spécialistes,
car les banques et les institutions financières ont un net avantage.
À cette époque, sous un gouvernement libéral, je crois, il y a eu
un très grand débat sur le tarif du Nid-de-Corbeau. Je crois que
quelqu'un avait illustré ses propos en montrant un corbeau pendu à
la Chambre. Cela avait donné lieu à un véritable affrontement. On
disait que les gouvernements étaient disposés à sortir les
agriculteurs de l'Ouest du pétrin avec cette subvention en leur
versant 15 milliards de dollars. Cela correspondait à la valeur qu'on
attribuait à l'époque à la subvention.
(1600)
Certaines organisations agricoles se sont entêtées, ne se rendant
pas compte à quel point la situation était critique. La somme leur
paraissait insuffisante. Elles pensaient qu'il n'était pas dans
l'intérêt des agriculteurs de l'Ouest d'accepter l'offre et elles l'ont
rejetée. Comparativement aux 15 milliards de dollars offerts en
1978 ou en 1979, la somme de 1,5 milliard de dollars aujourd'hui
paraît trois fois rien. L'ouest du Canada a commis de graves erreurs
dans le temps.
Lorsque nous examinons la situation dans le secteur du transport
des céréales, nous voyons que la Chambre a pris certaines mesures
au cours de la dernière année. Nous avons versé 1,5 milliard de
dollars pour nous débarrasser de la subvention du Nod-de-Corbeau,
mais nous n'avons pas le réseau de transport qui devrait être en
place.
Nos collègues de Peace River et de Végréville nous ont dit
aujourd'hui que les agriculteurs connaissent une période difficile, à
cause de toutes les céréales qui sont dans leurs silos ou encore dans
les champs. Le projet de loi C-38 sera probablement invoqué plus
que jamais pour liquider les actifs des agriculteurs.
Tout cela est très triste. Lorsque la situation est aussi désespérée
qu'elle l'est actuellement, les agriculteurs devraient avoir d'autres
recours, comme ceux qu'ont les grandes entreprises, au lieu de
devoir se contenter des services de consultations qu'on leur offre.
Ils demandent de jouir de la protection de la loi sur les faillites le
9895
temps de voir s'il n'y a pas moyen de s'en sortir. Ils n'ont pas l'actif
nécessaire pour se protéger.
Comme le député du Bloc l'a dit, la production de denrées
alimentaires doit passer en premier. Si nous sommes incapables de
protéger notre approvisionnement alimentaire ou nos producteurs,
le pays court à sa perte. Je l'ai toujours dit. Même si nous ne
souscrivons pas à beaucoup des idées des membres bloquistes du
Comité de l'agriculture, c'est un point sur lequel nous nous
entendons. L'agriculture est l'une des choses les plus importantes
dans ce pays. Si on a va dans un pays du tiers monde, ou du Bloc de
l'Est, on se rend vite compte de l'importance de la nourriture.
Peu après mon élection, j'ai eu l'occasion de rencontrer une
jeune femme qui accompagnait une délégation commerciale
chinoise au Canada. Je lui ai demandé ce qui lui plaisait le plus chez
nous. Elle m'a répondu que ce qu'elle aimait le plus, c'est la
nourriture bon marché. Je lui ai demandé ce qu'elle voulait dire par
cela. Je n'avais aucune idée de ce que ça signifiait pour les Chinois.
Elle m'a donné l'exemple du McDonald dans la ville où elle
habitait. Un hamburger là-bas coûtait exactement le double de ce
qu'il coûtait à Ottawa.
Je lui ai demandé ce que l'argent qu'on dépensait pour sa
nourriture en Chine représentait par rapport au pouvoir d'achat. Elle
m'a répondu qu'une personne qui gagne bien sa vie en Chine
dépense à peu près 30 à 50 p. 100 de son salaire pour la nourriture.
Au Canada, nous dépensons environ 11 à 12 p. 100 de notre salaire
pour la nourriture. Voila qui montre combien nous avons de la
chance au Canada.
(1605)
Comme l'a fait remarquer un autre député, on parle de
subventionner les agriculteurs, mais c'est vraiment les
consommateurs qui sont subventionnés du fait qu'ils peuvent
obtenir un produit meilleur à moins cher. Ce sont eux qui en
profitent.
Examinons le revenu net des agriculteurs aujourd'hui. Je me
réfère aux chiffres de Statistique Canada. Ces chiffres indiquent que
48 p. 100 du revenu agricole net de nos jours vient d'emplois à
l'extérieur de la ferme. Cela nous donne une idée de ce qui arrive au
secteur de la production alimentaire dans notre pays. Si l'on ne
veille pas à la viabilité du secteur de la production alimentaire en
l'adaptant aux exigences du marché, il s'effondrera en entraînant
d'autres secteurs avec lui.
Il est très important de réaliser qu'autrefois les agriculteurs se
spécialisaient dans la culture d'un produit. Ça n'a pas marché. Nous
leur avons dit qu'ils devaient être plus efficaces. Maintenant le
système les oblige à diversifier. Dans quelle mesure peuvent-ils
diversifier lorsque 48 p. 100 de leur revenu agricole net provient
d'emplois d'appoint à l'extérieur de l'exploitation agricole?
On dit aussi qu'il faut un secteur industriel à valeur ajoutée.
Lorsqu'un agriculteur éprouve des difficultés financières, il n'a pas
d'argent à investir dans des entreprises à valeur ajoutée. Quelqu'un
d'autre le fera.
Pour que l'économie agricole soit à nouveau viable, il faut
prendre de solides mesures. J'espère que, après les prochaines
élections, un gouvernement réformiste se chargera de rendre le
système plus efficace, viable et autonome. Cela aura un effet
d'entraînement dans d'autres secteurs et nous n'aurons pas besoin
de hausser les impôts ou de soutenir le gouvernement. Telle est
l'orientation que doit prendre notre pays.
J'ai été impressionné, hier, au banquet du Forum pour jeunes
Canadiens, par l'énergie et l'enthousiasme de ces jeunes et leur
détermination à trouver une solution por l'avenir du Canada. Pour
réussir, ils ont besoin d'un système qui s'occupera de l'énorme dette
que leur a légué le gouvernement. Ils peuvent faire du Canada le
pays viable qu'il devrait être.
Nous avons les ressources naturelles, renouvelables et humaines
qu'il faut pour y arriver. Nous avons besoin du savoir-faire qui nous
a manqué pendant les 25 ou 30 dernières années de gouvernements
conservateurs ou libéraux. Ils ont orienté notre secteur industriel et
nous ont trahis à chaque fois.
Il est essentiel que, aux prochaines élections, les électeurs
examinent le programme du parti réformiste. Il prévoit d'énormes
changements visant à donner aux provinces le droit de faire ce
qu'elles font le mieux et au gouvernement fédéral, les outils qu'il
lui faut pour réduire les impôts, éponger le déficit et faire du Canada
un endroit où il fait encore mieux vivre. Comme l'a dit maintes fois
notre chef, nous pourrions offrir un meilleur Canada et un meilleur
avenir aux jeunes Canadiens et aux générations futures.
Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.):
Madame la Présidente, c'est avec plaisir que j'ai écouté
l'intervention du député de Lisgar-Marquette sur l'agriculture et
l'agroalimentaire au Canada, étant donné que c'est une très
importante composante de notre économie.
Nous sommes le deuxième pays du monde pour le plus bas
niveau des prix des aliments. Nous avons une population de 29
millions d'habitants, notre PIB s'élève à plus de 700 milliards de
dollars, nos exportations se chiffrent à 17 milliards de dollars et
nous connaissons une croissance assez phénoménale.
Ce projet de loi et d'autres mettent l'accent sur la Société
canadienne du crédit agricole, des fonds accrus, des prêts garantis,
des programmes d'hypothèque à long terme, des programmes de
garantie de prêt pour les vendeurs et des programmes de
développement du capital agricole.
(1610)
Le député dit que le projet de loi C-38 acculera les agriculteurs
plus rapidement à la faillite. En fait, le projet de loi prévoit un
processus d'examen si un agriculteur devient insolvable. Si
l'agriculteur éprouve des difficultés financières, il pourra recourir à
un processus d'examen et de médiation, et à une suspension des
procédures s'il risque d'être saisi.
Le député peut-il nous dire si son parti abrogerait la loi C-38 s'il
formait le gouvernement et proposait de nouvelles orientations au
public?
M. Hoeppner: Madame la Présidente, je remercie la députée
d'en face de sa question.
J'ai essayé d'expliquer à la Chambre que l'industrie agricole
n'aurait jamais dû être placée dans cette situation. Le projet de loi
oblige les agriculteurs à abandonner. Rien, dans le projet de loi,
n'aide les agriculteurs à raviver leur exploitation ou à la rendre de
9896
nouveau rentable. C'est une mesure de dernier recours visant à
atténuer un peu leur douleur et à leur permettre de se retirer.
Ce n'est pas de cela dont nous avons besoin. Depuis une trentaine
d'années, nous avons vu le nombre d'agriculteurs diminuer et
atteindre un niveau inimaginable. Lorsque j'ai commencé comme
agriculteur, une demi-section suffisait à nourrir une famille. De nos
jours, un agriculteur ne peut survivre avec deux sections. Il faut que
sa conjointe travaille à l'extérieur de l'exploitation agricole ou qu'il
ait d'autres activités pour rentabiliser son exploitation.
Nous privons de leur emploi des gens qui méritent de travailler.
Les membres d'une famille d'agriculteurs devraient rester à la
ferme pour s'assurer que celle-ci fonctionne bien et qu'elle est
efficace et rentable. C'est pour cela que je trouve cette mesure
législative si mauvaise. Elle ne donne aucun espoir aux agriculteurs.
Elle atténue seulement un peu la douleur qu'ils éprouvent lorsqu'ils
abandonnent l'agriculture. Je ne sais pas s'ils deviendront assistés
sociaux ou s'ils essaieront de se lancer dans un nouveau domaine, ce
qui n'est guère facile non plus, de nos jours.
Ce qui m'étonne, c'est que, durant les années 70, le
gouvernement libéral nous disait constamment qu'il fallait des taux
d'intérêt élevés pour réduire l'inflation. Il fallait juguler celle-ci.
Nous l'avons fait. Les taux d'intérêt sont bas et les agriculteurs
n'arrivent pas à rentabiliser leur exploitation. Le projet de loi C-38
leur fera quitter le secteur agricole. C'est tout simplement insensé.
D'une part, des taux d'intérêt de 24 p. 100 contribuent à
l'inflation. D'autre part, pour rester rentables, les banques et leurs
semblables estiment que des taux de 24 p. 100 sont nécessaires. Si
pareils taux ne contribuent pas à l'inflation lorsque ce sont les
banques qui les imposent, pourquoi y contribuent-ils lorsque
l'agriculteur les paie? Voilà ce que je déplore de certaines
orientations du gouvernement. Celui-ci aime intervenir.
Tout d'abord, il a fallu nous spécialiser, mais cela n'a pas
fonctionné. Ensuite, il a fallu diversifier nos activités, mais ce fut en
pure perte. Il faut maintenant privilégier les produits à valeur
ajoutée, mais qui sait si cela fonctionnera? Si les agriculteurs ne
privilégient pas les produits à valeur ajoutée, ce sont d'autres
secteurs qui en bénéficieront, et il y aura encore moins
d'agriculteurs. Je le répète, le secteur agricole n'aurait jamais dû
être mis dans une situation qui rend nécessaire l'adoption de
pareilles dispositions législatives.
Ce sont les politiques gouvernementales des 30 dernières années
qui sont à l'origine de cette situation. Ce n'est pas la façon dont les
agriculteurs ont exploité leur ferme. Ils ont accru leur production.
Ils sont devenus plus efficaces. Ils ont travaillé plus fort. S'ils ont dû
abandonner l'agriculture, c'est à cause du régime fiscal et des
fonctionnaires. C'est très facile à prouver.
(1615)
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais):
Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à
la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de
l'ajournement: le député de Mississauga-Sud-La santé; le député
de Davenport-Les transports; le député de Sarnia-Lambton-La
santé.
Par ailleurs, le député de North Vancouver m'a avisé qu'il ne
pourrait pas présenter sa motion durant l'heure réservée aux
initiatives parlementaires le vendredi 18 avril. Il a été impossible
d'arranger un échange de position sur la liste de priorité.
Par conséquent, je demande aux services du greffier de placer cet
article au bas de la liste de priorité. L'heure réservée aux initiatives
parlementaires sera donc annulée, et la Chambre continuera l'étude
des affaires dont elle sera saisie avant le début de l'heure
normalement réservée aux initiatives parlementaires.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Madame la
Présidente, je suis heureux de participer cet après-midi au débat sur
le projet de loi C-38, qui est la Loi sur la médiation en matière
d'endettement agricole.
Je veux tout d'abord répondre très brièvement à la question qui a
été posée à mon collègue d'en face, le député de
Lisgar-Marquette, il y a un instant.
La députée libérale a fait allusion au fait que les aliments ne
coûtent pas cher au Canada. C'est certainement vrai, et tous les
consommateurs en sont très heureux. Tout le monde doit manger,
alors je suis certain que tout le monde est heureux d'une certaine
façon.
Je rappelle toutefois à la députée quelque chose que les députés
des circonscriptions rurales se font rappeler constamment, soit que
la politique des aliments à bas prix est une arme à deux tranchants.
Ce que les consommateurs gagnent grâce à ce genre de politique, ce
sont les producteurs alimentaires qui le perdent.
Elle a ensuite demandé si le Parti réformiste abrogerait le projet
de loi C-38. Lorsque nous formerons le prochain gouvernement,
nous examinerons certainement toutes les mesures législatives
adoptées par ce mauvais gouvernement libéral au cours de la35e législature et y apporterons peut-être des modifications.
Nous avons proposé un certain nombre d'amendements au projet
de loi C-38, comme nous l'avons fait pour beaucoup de projets de
loi, je dirais même pour la plupart des projets de loi qui ont été
présentés à la Chambre. Malheureusement, ces amendements-le
Parti réformiste en avait présenté quatre-ont tous été rejetés par le
gouvernement. C'est pourquoi nous nous opposons à cette mesure.
Les orateurs précédents du Parti réformiste, le député de
Végréville et le député de Lisgar-Marquette, ont fait remarquer
que nous ne nous opposons pas à l'intention visée dans ce projet de
loi. Aucun parti n'a le monopole des bonnes intentions et des
bonnes idées.
Aussi étonnant que cela puisse être, même le Parti libéral a de
bonnes idées de temps en temps.
M. Hoeppner: Particulièrement les simples députés.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.):
Particulièrement les simples députés. Tous les députés ont, de temps
à autre, de bonnes idées. Des députés de tous les partis proposent de
bons amendements lors des études en comité et des débats à la
Chambre des communes.
9897
Malheureusement, le Cabinet ou le ministre responsable impose
invariablement sa discipline et ordonne, pour des motifs purement
partisans, de défaire les amendements proposés, que ce soit lors de
l'étude en comité ou des débats à la Chambre des communes.
Il importe peut qu'un amendement soit raisonnable. S'il a été
proposé par un réformiste, un bloquiste ou un député indépendant, il
sera automatiquement déclaré farfelu et défait. «Nous sommes
majoritaires dans les comités et à la Chambre des communes. Et cet
amendement sera défait». À la Chambre des communes, ils disent
«ces réformistes votent contre toutes nos propositions, contre toutes
nos bonnes idées, ces réformistes votent contre.»
Peut-on s'étonner? Il semble que chaque fois que nous proposons
des amendements à un projet de loi, ils sont défaits. Ils sont
automatiquement rejetés. Ils sont déclarés mauvais tout simplement
parce qu'ils ont été proposés par des réformistes. C'est triste pour la
démocratie et je crois que cela efface la promesse qui a été faite dans
le livre rouge de restaurer la vraie démocratie et de permettre plus
de votes libres à la Chambre des communes. Nous avons vu tout le
contraire au cours de la 35e législature.
(1620)
Le Parti réformiste appuie l'objectif du projet de loi C-38. S'il
reste suffisamment de temps avant que les ministériels décident de
déclencher des élections, le projet de loi sera adopté et tous les
amendements que nous pourrons proposer seront défaits parce que
les libéraux sont en majorité.
Le projet de loi abroge la Loi sur l'examen de l'endettement
agricole, vieille de dix ans. Cette loi avait créé des bureaux
d'examen de l'endettement agricole qui offraient des services de
médiation de la dette aux agriculteurs dont les créanciers risquaient
de saisir les biens. Lorsque j'étais agriculteur, je n'ai heureusement
pas eu à subir ce genre de situation, mais certains de mes amis ou
voisins l'ont vécue à cause des difficultés qu'à connues
l'agriculture ces quinze ou vingt dernières années.
Même s'ils variaient d'une province à l'autre, les bureaux
d'examen de l'endettement agricole ont fait beaucoup de bonnes
choses et ont aidé des agriculteurs à surmonter les difficultés qu'ils
ont eues avec leurs créanciers. Ces organismes aidaient autant qu'ils
le pouvaient les agriculteurs à respecter leurs obligations
financières. Le projet de loi à l'étude, qui vise à remplacer
l'ancienne loi, repose certainement sur une intention valable et
bonne.
Le projet de loi prévoit l'examen de la situation financière d'un
agriculteur, la médiation entre lui et ses créanciers en vue de la
conclusion d'un arrangement financier et la suspension temporaire
des recours des créanciers contre l'agriculteur si ce dernier le
demande.
Des réformistes mais également de nombreux particuliers et
organisations qui ont comparu devant le comité permanent chargé
d'étudier le projet de loi C-38 ont exprimé des inquiétudes. Je vais
en dresser la liste pour que les téléspectateurs voient que de
nombreux témoins ont fait état de préoccupations au sujet du projet
de loi. Ils ont proposé des amendements à l'étape de l'étude en
comité.
Il y avait le Bureau d'examen de l'endettement agricole de
l'Alberta, l'Association des banquiers canadiens, la Fédération
canadienne de l'agriculture, le Syndicat national des cultivateurs, le
Bureau d'examen de l'endettement agricole de l'Ontario, le Bureau
d'examen de l'endettement agricole du Québec et le Bureau
d'examen de l'endettement agricole de la Saskatchewan. Un certain
nombre de mémoires ont été présentés et des préoccupations ont été
formulées à l'étape du rapport quant à l'objet du projet de loi. Mes
collègues de Végréville et de Lisgar-Marquette ont aussi exprimé
des préoccupations.
Il semble notamment que le budget soit assez important, si l'on
pense que le Bureau d'examen de l'endettement agricole de la
Saskatchewan traite actuellement la moitié des cas au Canada avec
un budget total de seulement 700 000 $, tandis que l'ensemble du
budget prévu pour la médiation est de 2,2 millions de dollars, en
vertu de cette nouvelle mesure. C'est un cas flagrant de bureaucratie
qui se soigne, s'assurant d'un généreux financement, comme nous
l'avons vu si souvent dans divers ministères pour assurer sa survie,
quelle que soit l'issue des prochaines élections.
Il y a autre chose qui nous préoccupe, et ce fut le cas pour
beaucoup d'autres projets de loi adoptés à la Chambre, c'est le
risque que cette nouvelle mesure engendre du favoritisme. Par
exemple, les membres des comités d'appel doivent être nommés par
le ministre sans que leur choix ait été examiné ou approuvé par le
Parlement ou le comité permanent.
(1625)
Comme dans le cas du projet de loi C-72, qui pour une raison
quelconque a disparu de la circulation, cette mesure législative dit
que le ministre aurait le pouvoir de nommer les membres du conseil
d'administration et que, dans son infinie sagesse, il pourrait faire
élire un ou plusieurs membres.
J'ai fait référence, il y a quelques heures, à une enquête sur le
projet de loi C-34. J'ai dit que la Commission canadienne du blé
avait refusé de me communiquer la liste de distribution contenant
les adresses des producteurs résidant dans la circonscription que j'ai
l'honneur de représenter à la Chambre. J'ai trouvé cela un peu
tragique en ce sens que les députés veulent servir correctement leurs
électeurs. Le credo du Parti réformiste du Canada, c'est de bien
représenter leurs électeurs dans la mesure où l'on peut déterminer
quel est le point de vue de la majorité dans une circonscription.
Dans ce cas, je visais les détenteurs de carnets de permis. Ce sont
eux qui seront les plus touchés par le projet de loi C-72. Je n'ai pas
réussi à obtenir la liste. La Commission canadienne du blé a même
refusé quand j'ai dit que je paierais pour faire imprimer les
étiquettes. Je lui ai dit que je lui enverrais les questionnaires.
Qu'elle pourrait regarder les questions. Que je n'essayais pas de
cacher quoi que ce soit. Que ce n'était pas de la propagande contre la
Commission du blé. Que c'était un simple questionnaire contenant
dix
9898
questions. Que je voulais faire une enquête auprès des détenteurs de
carnets de permis. Elle a refusé.
Une voix: Quelle démocratie.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Exactement.
Quelle démocratie. Comment un député est-il censé bien
représenter ses électeurs?
Je ne voulais pas diluer les résultats du sondage en expédiant le
questionnaire à des gens moins intéressés au projet de loi C-72
parce que leur subsistance n'en dépend pas.
J'ai donc fait parvenir le questionnaire à une liste plus longue de
personnes dont j'ai pu obtenir les noms. J'ai reçu 124 réponses, ce
qui est assez représentatif pour une région agricole aussi petite que
celle de Peace River. Je ne sais pas combien de carnets de livraison
sont en vigueur dans ma région parce que la Commission
canadienne du blé refuse de me le dire. Il y en aurait de 450 à 500
semble-t-il. Un retour de 124 questionnaires est donc assez
représentatif.
Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de parcourir toutes les
questions du sondage, mais j'aimerais expliquer la première. J'ai
demandé aux agriculteurs: «On a beaucoup discuté de l'avenir de la
Commission canadienne du blé. Décrivez votre attitude générale à
l'égard de la Commission canadienne du blé.» Je présentais ensuite
plusieurs options: «Il faut l'éliminer. Il faut la restructurer
complètement. Il faut y apporter certaines modifications. Je ne sais
pas. La commission devrait-elle s'occuper aussi d'autres cultures?
Il faut la conserver telle quelle.»
Neuf pour cent des répondants voulaient éliminer la Commission
canadienne du blé et 70 p. 100 ont indiqué qu'il fallait la restructurer
complètement ou la modifier quelque peu. De toute évidence, les
agriculteurs veulent conserver la Commission canadienne du blé,
mais il veulent des changements en profondeur, ils veulent pouvoir
faire des choix.
Malheureusement, comme dans bien d'autres cas, le
gouvernement n'entend pas le message de la communauté agricole.
Le ministre a demandé un vote par la poste au sujet de l'autre
projet de loi. Je ne sais combien cette mesure a coûté aux
contribuables. En fait, la question posée offrait un seul choix: «La
Commission canadienne du blé devrait-elle continuer à gérer la
vente de l'orge ou devrait-elle s'en retirer complètement?» Il ne
présentait pas d'autres options aux agriculteurs.
(1630)
Ce que nous avons vu, ce que nous avons dit au ministre et ce que
les regroupements d'agriculteurs et les exploitants parlant en leur
nom propre lui ont dit-je suis certain qu'ils l'ont fait car ils nous
l'ont dit-c'est que la question consacrait le statu quo. Elle ne
réglait rien.
Le fait est que les agriculteurs continuent d'être envoyés en
prison pour avoir essayé de vendre leurs propres produits. Cela ne
règle rien et les agriculteurs le savent. De même, le projet de loi
C-38 n'est pas une solution. C'est la raison pour laquelle nous avons
proposé quatre amendements.
Nous avons proposé que le projet de loi soit modifié de façon à ce
que le Comité permanent de l'agriculture examine la nomination
des administrateurs. Qu'y a-t-il de mal là-dedans? La communauté
agricole ne serait-elle pas en faveur d'une telle mesure? De toute
évidence, le comité serait l'endroit possédant les connaissances et
les qualifications pour, au cas échéant, entendre des témoins pour
savoir exactement qui nous nommons comme administrateurs.
Nous avons proposé un amendement en vue d'ajouter au projet
de loi un article stipulant que le gouvernement élabore des
règlements ou des lignes directrices portant sur l'évaluation du
rendement des administrateurs et des médiateurs. Qu'y a-t-il de mal
là-dedans? Cet amendement vise en plein l'obligation de rendre des
comptes.
S'il y a une chose que les députés ont entendu les réformistes
répéter jour après jour, discours après discours, au cours des trois
dernières années, que ce soit au sujet de la justice, des dépenses, de
la défense, de l'agriculture, de la santé ou des affaires autochtones,
quel que soit le ministère, c'est le terme «responsabilité». Les gens
haut placés doivent être tenus de rendre des comptes. Nous l'avons
dit au sujet de l'enquête sur la Somalie. C'est pour cela que nous
craignons ce qui semble être un camouflage au plus haut niveau.
Nous l'avons dit au sujet de beaucoup d'autres ministères, que,
malheureusement pour les Canadiens, ils ont trempé dans le
scandale et le népotisme. C'est pourquoi nous insistons tant sur la
responsabilité.
Nous avons proposé un amendement mineur. Nous demandons
que le gouvernement prépare une réglementation sur l'évaluation de
la performance pour tenir les médiateurs et les administrateurs
responsables, mais on nous le refuse. La majorité libérale ne le
trouve pas de son goût.
Le troisième amendement proposé portait sur l'article 15. Il se
lisait ainsi:
Que l'article 15 soit amendé pour permettre que le Comité permanent de
l'agriculture examine les nominations du ministre aux comités d'appel.
Que peut-on reprocher à cela? Qu'est-ce que le ministre veut
cacher, en refusant que ses nominations soient examinées?
Le quatrième et dernier amendement proposé était:
Que l'article 28 soit amendé pour permettre que le Comité permanent de
l'agriculture procède à un examen de l'application de cette loi après trois ans.
Cela aussi a été défait.
Lorsque je me lance dans certains de ces sujets, je ne vois pas le
temps passer. De toute façon, dans le peu de temps qu'il me reste, je
vais résumer.
En tant qu'ancien agriculteur dont la famille est toujours dans le
secteur agricole, et en tant que personne active dans des groupes
agricoles, je compte beaucoup d'amis et de partisans dans la com-
9899
munauté agricole de la circonscription que j'ai l'honneur de
représenter à la Chambre. Je peux dire à la Chambre que la majorité
des agriculteurs de ma région songent actuellement à essayer de
sauver la récolte de l'année dernière, qui est ensevelie sous la neige.
Ils veulent tenter de rentrer cette récolte ou d'en faire quelque
chose, même s'ils doivent la brûler et accepter de subir de lourdes
pertes, puis s'efforcer le plus possible, si les conditions climatiques
le permettent, d'ensemencer la récolte de cette année.
Une chose qui m'exaspère au plus haut point, c'est que les
députés d'en face ne semblent pas bien se rendre compte des
obstacles et des épreuves que doivent surmonter les collectivités
agricoles. Je suis très contrarié lorsque des gens disent que nous
faisons ceci ou cela pour les agriculteurs et qu'ils se demandent
pourquoi nous leur réservons un traitement aussi spécial.
(1635)
Beaucoup de Canadiens oublient d'où viennent les aliments et
combien de gens doivent leur gagne-pain à l'agriculteur qui a du
mal à sauver sa récolte. Ils oublient la personne qui vend les
herbicides pour l'arrosage, ou celle qui gagne sa vie en transportant
des céréales, qu'il s'agisse du conducteur de locomotive ou d'autres
personnes engagées dans le transport des céréales. Ils oublient les
gens qui vendent le matériel agricole, l'employé de magasin qui
vend des matériaux de construction pour bâtir un nouveau grenier à
blé. Ils oublient les centaines de milliers de personnes qui
dépendent directement ou indirectement de l'agriculture.
Je crois qu'il est grand temps d'avoir au Canada un
gouvernement réformiste qui mettra un peu l'accent sur
l'agriculture.
M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Madame la
Présidente, c'est toujours avec plaisir que j'écoute le député de
Peace River, car il connaît l'importance de l'agriculture.
Pourrait-il nous dire ce qu'il pense d'une question que nous
avons abordée ce matin lorsque nous étudions le projet de loi C-34?
Cela se répercute en quelque sorte dans le projet de loi C-38 qui
essaie plus ou moins de faire disparaître les exploitations agricoles
et dont nous espérons pouvoir éviter les effets. Ce matin, nous avons
demandé des avances d'urgence de 50 000 $ sans intérêt. On a
rejeté notre requête, car le gouvernement a refusé d'accepter nos
amendements au projet de loi C-34.
Cependant, au cours des derniers mois, le gouvernement libéral a
versé à une entreprise comme Bombardier 250 millions de dollars
environ. Cette somme représentait probablement un prêt sans
intérêt à remboursement conditionnel. Comment peut-on comparer
cela aux sentiments du député sur la façon dont les agriculteurs sont
traités dans l'Ouest et même au Québec, comme nous l'a dit notre
collègue du Bloc.
Le gouvernement libéral avait promis équité, égalité et
démocratie. Je ne pense pas qu'on ait vu quoi que ce soit de ce genre
dans les projets de loi qu'on a adoptés dernièrement.
Quels sont les sentiments de mon honorable collègue à ce sujet?
M. Hill (Prince George-Peace River): Madame la Présidente,
je remercie le député de Lisgar-Marquette de sa question et de ses
observations.
Les agriculteurs de la circonscription de Prince George-Peace
River et de tout le pays sont, en toute franchise, consternés par le
bilan du gouvernement libéral, qui distribue généreusement de
l'argent à ses amis des sociétés. Cependant, lorsque les agriculteurs
du Québec ou de l'Ouest, de la Nouvelle-Écosse ou de l'Ontario
éprouvent des problèmes, il fait la sourde oreille. Il affirme qu'il n'y
a pas d'argent, qu'on coupe au maximum et qu'on essaie de juguler
le déficit.
Personne ne comprend mieux le problème du déficit et de la dette
que les réformistes. C'est nous qui avons souligné ce problème au
gouvernement libéral avant même qu'il y ait un gouvernement
Mulroney. Nous savons ce que neuf années de gouvernement
conservateur ont apporté au pays. Les conservateurs ont doublé la
dette. Nous sommes bien au courant du problème de déficit
systématique.
Nous disons depuis des années qu'il faut établir des priorités en
ce qui concerne nos dépenses. Je ne vois pas comment le fait de faire
un cadeau à une société qui réalise déjà des profits de millions de
dollars est un bon investissement des deniers publics.
Cependant, lorsque des agriculteurs qui ont le dos au mur et se
tournent vers le gouvernement et demandent non pas un cadeau
mais un prêt sans intérêt pour les aider à court terme, sachant que le
gagne-pain de milliers et de milliers de gens dépend du secteur
agricole et des agriculteurs au Canada, le gouvernement répond
alors qu'il ne peut rien faire, car il ne s'agit pas d'une priorité. On
accorde plutôt la priorité à un terrain de boules dans la
circonscription du ministre ou à un musée du canot à Shawinigan.
Je tiens à dire que les agriculteurs et les Canadiens en ont assez de
ce genre d'attitude de la part du gouvernement.
(1640)
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La
Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Plaît-il à
la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous
ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous
ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À mon
avis, les oui l'emportent.
9900
Des voix: Avec dissidence.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je
déclare la motion adoptée avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième
fois, est adopté.)
* * *
[
Traduction]
L'hon. Diane Marleau (au nom du ministre des Affaires
étrangères, Lib) propose: Que le projet de loi C-77, Loi concernant
un décret pris au titre de la Loi d'aide au développement
international (institutions financières), soit lu pour la deuxième fois
et renvoyé à un comité.
M. John Godfrey (secrétaire parlementaire du ministre de la
Coopération internationale, Lib.): Madame la Présidente,
j'interviens à la Chambre aujourd'hui pour amorcer le débat de
deuxième lecture d'un projet de loi qui autorisera les paiements au
Fonds multilatéral du Protocole de Montréal et au Fonds pour
l'environnement mondial.
Ces organisations ont été établies en 1990 en tant que premiers
mécanismes financiers servant à protéger l'environnement
mondial. Depuis ce temps, le Fonds multilatéral du Protocole de
Montréal, ou FMPM, a agi comme principal mécanisme financier
aux fins de projets visant à ralentir l'appauvrissement de l'ozone
dans le monde en développement.
De même, le Fonds pour l'environnement mondial, ou FEM, est
le principal mécanisme financier international grâce auquel les
donateurs peuvent aider les pays en développement dans les
domaines touchant la biodiversité, le changement climatique,
l'ozone et les eaux internationales. L'organisme a été reconnu
comme tel à la conférence de Rio qui, en 1992, a marqué une étape
pour l'environnement et le développement.
Comme on le sait, madame la Présidente, nous remplissons
entièrement et en temps voulu nos engagements envers les
institutions internationales, afin qu'elles puissent poursuivre leurs
tâches essentielles sans éprouver des ennuis financiers. À cette fin,
il fallait ajouter le FEM et le FMPM à la liste des institutions
financières, aux termes de la Loi d'aide au développement
international. Un décret à cet effet a été approuvé le 15 novembre
1994 et publié dans la Gazette du Canada le 30 novembre 1994.
La Loi d'aide au développement international stipule également
que le décret soit déposé au Parlement dans les 15 jours de séance
après son approbation. En raison d'une erreur administrative, cette
obligation n'a pas été remplie dans le délai prévu.
Le projet de loi que je dépose aux fins de la deuxième lecture
corrigera cette erreur. Sur cette question, je sais que je puis compter
sur l'appui des députés des deux côtés de la Chambre, qui
connaissent la valeur que revêt la protection de l'environnement et
qui tiennent à ce que le Canada continue de remplir ses obligations
financières sans la moindre interruption.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La
parole est au député de Terrebonne.
M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Madame la
Présidente, vous avez raison, c'est Terrebonne, pour encore
quelques semaines et quelques jours parce que, comme je le disais à
votre substitut, il y a quelques jours, après le 2 juin ou une date
semblable, ce sera Repentigny.
J'ai fait une omission que je veux corriger, avant de parler du
projet de loi C-77. J'ai fait une omission, la dernière fois, lorsque
j'ai remercié les gens des cinq municipalités du comté de
Repentigny. J'ai omis de remercier les gens de mes deux anciennes
municipalités, c'est-à-dire Terrebonne et Bois-des-Filion, pour le
bon temps que nous avons passé ensemble pendant ces trois
dernières années et demie. Ce sont des gens avec qui, sous le règne
deM. Irénée Forget à Terrebonne et M. Paul Larocque à
Bois-des-Filion, on a pu, en concertation, travailler et conclure
plusieurs dossiers afin d'améliorer la qualité de vie des citoyens et
des citoyennes de ces deux municipalités avec beaucoup
d'enthousiasme, de dynamisme et d'intérêt.
(1645)
Lors de ma dernière intervention en cette Chambre, j'avais
oublié de remercier ces deux maires et la population de ces deux
municipalités. C'est ce que je m'empresse de corriger.
Concernant le projet de loi C-77, comme mon collègue l'a dit
tout à l'heure, effectivement, il s'agit de corriger un oubli. En
février 1994, le Cabinet fédéral a convenu de contribuer au Fonds
pour l'environnement mondial et au Fonds multilatéral du protocole
de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche
d'ozone.
Pour mettre en oeuvre cette décision, il fallait ajouter ces
institutions à la Loi sur l'aide au développement international.
Aussi, un décret du gouverneur en conseil a-t-il été approuvé, le 15
novembre 1994, et publié dans la Gazette du Canada le 30
novembre.
En vertu de la loi, un décret doit être déposé devant le Parlement
dans les 15 jours de séance suivant sa signature. Plus tôt cette année,
le Comité mixte permanent, sur lequel mon collègue siège, j'en suis
sûr, lors d'un examen de la réglementation, a informé le ministère
des Affaires étrangères de cette omission. Effectivement, cela avait
été publié dans la Gazette du Canada et on a oublié de mettre cette
loi en vigueur afin que les deux organismes mentionnés
précédemment, le Fonds multilatéral pour l'application du
protocole de Montréal ainsi que le Fonds pour l'environnement
mondial, puissent recevoir les sommes d'argent prévues du
gouvernement.
Comme les oublis peuvent arriver dans les meilleures familles,
ayant plusieurs dossiers très importants qui se discutent ici en cette
Chambre, nous comprenons l'urgence d'agir pour rétablir la
situation financière de ces deux organismes.
9901
Comme mon prédécesseur l'a dit tout à l'heure, il obtiendra
l'avis de cette Chambre pour encourager, pour accélérer l'adoption
du projet de loi C-77, afin que les deux organismes mentionnés plus
tôt puissent bénéficier des montants nécessaires afin qu'elles
puissent améliorer la qualité environnementale et même aider les
pays du tiers monde qui doivent eux aussi s'orienter vers une
démarche environnementaliste.
[Traduction]
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Madame la Présidente,
je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-77.
Cette mesure vise à remédier à un oubli commis en 1994. Je puis
comprendre comment une telle chose peut arriver et nous avons
accepté de participer au débat pour appuyer le projet de loi et
corriger cette erreur.
Je voudrais profiter de l'occasion pour parler de la politique
étrangère du Canada en général et du rôle qu'y joue le
gouvernement. La politique étrangère n'est pas l'apanage exclusif
du gouvernement, elle est aussi l'affaire du Parlement. Il est arrivé
souvent que le gouvernement libéral ne tienne pas tenu compte du
Parlement et omette de l'informer convenablement. Dans le
domaine des affaires étrangères, le Parti réformiste a exprimé de
nombreuses suggestions à la Chambre ces dernières années au sujet
de la politique étrangère, mais elles ont presque toutes été
complètement rejetées.
En octobre 1993, une motion d'initiative parlementaire a été
proposée au sujet de l'importante question du maintien de la paix,
qui devait par la suite occuper beaucoup de temps de la Chambre.
Qu'a fait le parti ministériel à l'époque? Il a voté contre parce que,
semble-t-il, il ne s'intéressait pas aux opinions des autres députés de
ce côté-ci de la Chambre. La même chose est arrivée à d'autres
occasions également.
Cela est arrivé malgré le fait que, lorsque le ministre actuel des
Affaires étrangères siégeait de ce côté-ci de la Chambre, il
reprochait beaucoup aux conservateurs de manquer de respect pour
le processus parlementaire. J'aurais cru qu'une fois devenu titulaire
de ce portefeuille, le ministre aurait été plus sensible à cette critique
qu'il soulevait quand il était dans l'opposition.
Nous savons que, au cours de cette législature-ci, on a
probablement utilisé davantage les dispositions sur la clôture et
l'attribution de temps qu'au cours de toute autre, y compris pendant
celles que le ministre des Affaires étrangères a tellement critiquées,
c'est-à-dire les neuf ans du gouvernement Mulroney.
Si nous examinons la politique étrangère du gouvernement, nous
constatons qu'elle a manqué de perspective et a échoué dans
certains domaines. Il nous semble évident que les libéraux veulent
utiliser la politique étrangère à leurs propres fins politiques. C'est là
une accusation plutôt grave.
(1650)
Que penser du fait que le premier ministre ait attendu que trois
ans et demi de son mandat se soient écoulés avant d'aller chez nos
amis, à Washington, pour rendre visite au président des États-Unis,
notre plus important partenaire commercial? D'aucuns diront que
c'était une occasion de faire prendre des photos flatteuses, une
bonne chance pour le premier ministre de se faire photographier
avec le président peu avant une campagne électorale. Le Canada et
les États-Unis ont des relations commerciales très étroites, et nos
échanges commerciaux réciproques sont maintenant de l'ordre de
un milliard de dollars par jour.
Sa motivation m'inspire un peu de cynisme. Toutefois, je
voudrais parler d'une question sur laquelle les libéraux ont opéré un
revirement complet, ce qui est tout à leur honneur. Il s'agit du
libre-échange.
Lorsque les libéraux siégeaient sur les banquettes de
l'opposition, ils ont vertement critiqué l'accord de libre-échange
avec les États-Unis. Ils l'ont combattu d'arrache-pied en 1988. Ils
ont aussi beaucoup critiqué le libre-échange pendant la campagne
de 1993. Ils allaient déchirer l'accord ou le renégocier à moins qu'il
ne soit accompagné d'un code des subventions et d'un code
antidumping. Cela ne s'est pas produit, bien sûr.
Le premier ministre a dirigé un certain nombre de délégations
commerciales à l'étranger. Excellente initiative. Ce sont les
missions d'Équipe Canada.
Je me demande ce que pensent nos exportateurs. Il semble que
nos exportations vers la plupart des pays où le premier ministre et
son entourage se sont rendus ces trois dernières années ont diminué
par suite de ces missions. Comment expliquer cela? La seule raison
que je peux trouver, c'est que le Canada a fait ses devoirs à la
maison pour veiller à ce que nos entreprises canadiennes puissent
profiter des retombées de ces importantes missions commerciales.
Le premier ministre devrait se concentrer davantage sur des
missions commerciales au pays même, afin de régler les problèmes
qui empêchent nos entreprises de s'épanouir pleinement.
Le comité a longuement entendu parler des coûts d'exploitation
d'une entreprise qui sont élevés au Canada. Il faut penser aux
charges sociales, aux taxes et aux impôts, aux obstacles au
commerce interprovincial, secteur où nous avons fait très peu de
progrès. Le commerce intérieur au Canada est aux prises avec de
graves problèmes.
Nous savons qu'à peine une centaine de sociétés canadiennes
sont responsables de plus de 40 p. 100 des exportations du Canada.
Nous voudrions que plus de sociétés s'adonnent à l'exportation. Le ministre du Commerce international a laissé entendre qu'il faudrait porter à environ 4 000 le nombre de sociétés exportatrices. Je suis d'accord avec lui.
Si nos entreprises ne peuvent même pas faire des affaires
efficacement d'une province à l'autre, comment pourraient-elles
exporter dans le monde entier? Comment nos entreprises
peuvent-elles réaliser les économies d'échelle dont elles ont besoin
pour soutenir la concurrence sur le marché international?
Le gouvernement fédéral doit prendre les choses en mains et
veiller à abolir les obstacles au commerce interprovincial. Cela
réglera bon nombre de nos problèmes.
Lorsque le Comité des affaires étrangères et du commerce
international a étudié la situation des petites et moyennes
entreprises, celles-ci nous ont expliqué ce qui les empêchait
d'exporter leurs produits. Certaines d'entre elles ont avoué qu'elles
allaient s'établir aux États-Unis. Elles auront plus facilement accès
au marché canadien à partir des États-Unis qu'elles ne l'ont à partir
de leur emplacement actuel au Canada. Le problème est grave.
9902
De toute façon, je suis heureux que les libéraux se soient
convertis, pour ainsi dire, au libre-échange. C'est la bonne solution.
Le Canada est un pays commerçant. D'ailleurs, 40 p. 100 de notre
PIB de même qu'un emploi sur trois sont attribuables aux
exportations. Ce secteur sera très important pour nous à l'avenir.
L'initiative que le ministre du commerce a mise au point pour
essayer de rallier davantage de pays de l'hémisphère sud profitera
au Canada. Efforçons-nous de corriger des problèmes que nous
avons ici, au Canada, afin de pouvoir bénéficier de ces initiatives
très importantes.
Quoique les libéraux soient de nouveaux convertis, je me réjouis
de la chose. J'espère qu'ils ont le coeur à la bonne place et qu'ils
continueront dans cette voie.
Je tiens à dire quelques mots au sujet de deux autres régions dont
il a été question pour ce qui est du maintien de la paix. Le
gouvernement n'a pas toujours tenu compte des conséquences à
long terme de la participation canadienne. Haïti, par exemple, est un
endroit où les Américains sont entrés tambour battant. Devinez qui
a dû aller nettoyer les dégâts? Le Canada.
Il semble que nous continuions à remplir ce mandat. Des agents
de la GRC sont là-bas pour aider à former des policiers haïtiens. Et
pourtant, nous manquons de policiers au Canada. Nous nous faisons
avoir, semble-t-il, par les Américains. Ils prennent la grande
initiative, ils y vont tambour battant, puis nous devons nettoyer les
dégâts. Des conséquences à long terme doivent être anticipées.
(1655)
Pourquoi ne tiendrions-nous pas un débat approfondi à la
Chambre, comme l'a proposé un de nos députés en 1993 dans une
motion d'initiative parlementaire? Faisons participer un peu plus la
Chambre afin de savoir ce que d'autres personnes pensent à cet
égard.
En Bosnie, le gouvernement s'est laissé entraîner dans une
mission pour laquelle il n'était pas équipé. Nous devons nous
demander si nous nous occupons de maintenir la paix ou de la faire.
Il y a eu la décision d'aller au Zaïre. Les choses ont changé très
rapidement, mais la situation était plutôt paradoxale. Nos forces de
maintien de la paix là-bas étaient paralysées. Elles ne pouvaient
même pas sortir leurs armes de l'aéroport. Elles devaient contribuer
à maintenir l'ordre dans la région, mais elles ne pouvaient même
pas sortir leurs armes de l'aéroport. Ce fut un fiasco. C'est une
bonne chose qu'il y ait eu un revirement majeur de la situation et
que les gens aient commencé à revenir de leur plein gré.
Il y a bien des choses à changer. Il faut réévaluer l'efficacité des
Nations Unies. Nous pensons que les Nations Unies devront réduire
leur bureaucratie.
Je m'inquiète de certaines organisations qui ont été créées peu
après la Seconde Guerre mondiale, dans un but tout à fait louable, et
qui ont accompli de l'excellent travail, par exemple, la Banque
mondiale, le FMI et les Nations Unies. Bon nombre essaient de se
trouver une nouvelle vocation pour justifier leur maintien. Si elle
n'ont plus de rôle à jouer ou si elles ont un rôle restreint, il faut le
reconnaître.
Des réformes s'imposent dans un grand nombre de ces
institutions, et le Canada doit être un chef de file à cet égard.
Nous appuierons la motion visant à rectifier cet oubli, mais
faisons en sorte que tous les parlementaires puissent se prononcer
sur la politique étrangère, car il y a d'excellentes idées qui
mériteraient d'être discutées.
M. Godfrey: Madame la Présidente, puis-je proposer, avec le
consentement de la Chambre, que cette question soit renvoyée non
pas au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce
international, mais plutôt au comité plénier?
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Est-ce
d'accord?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième
fois et, avec le consentement unanime, étudié en comité plénier;
rapport est fait du projet de loi.)
(1700)
M. Zed: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je
pense que vous constaterez qu'il y a unanimité pour que la Chambre
passe maintenant à la troisième lecture.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il
consentement unanime?
Des voix: D'accord.
L'hon. Diane Marleau (au nom du ministre des Affaires
étrangères, Lib.) propose: Que le projet de loi soit agréé.
(La motion est adoptée.)
La président suppléant (Mme Ringuette-Maltais): Quand le
projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec la permission
de la Chambre, maintenant?
Des voix: D'accord.
L'hon. Diane Marleau (au nom du ministre des Affaires
étrangères, Lib.) propose: Que le projet de loi soit lu pour la
troisième fois et adopté.
(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la troisième
fois et adopté.)
M. Zed: Madame la Présidente, je crois savoir qu'il y a
unanimité pour que la Chambre procède à la deuxième lecture du
projet de loi C-95 cet après-midi et, par la suite, au renvoi de se
dernier au comité plénier.
* * *
L'hon. Herb Gray (au nom du ministre de la Justice, Lib.)
propose: Que le projet de loi C-95, Loi modifiant le Code criminel
(gangs) et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième
fois et renvoyé à un comité.
9903
-Madame la Présidente, en proposant la deuxième lecture de ce
projet de loi, je dois commencer par remercier le Bloc québécois et
le Parti réformiste de collaborer avec nous en nous permettant
d'étudier ce projet de loi le plus rapidement possible à la Chambre.
Je compte sur une telle collaboration à toutes les étapes du processus
législatif, y compris l'étude en comité plénier et la troisième
lecture. Je dis cela parce qu'il est question ici d'une mesure très
importante.
Le projet de loi comprend une série de nouvelles mesures sévères
pour lutter contre les activités des gangs. Les propositions élaborées
à la suite de longues consultations avec les policiers d'un bout à
l'autre du Canada donneront à ceux-ci et aux autres services
d'application de la loi des outils plus efficaces pour faire enquête
sur ceux qui participent aux activités criminelles des gangs et les
poursuivre.
Les propositions prévoient une nouvelle façon de lutter contre les
activités des gangs, autrement dit le crime organisé, en créant une
nouvelle infraction, qui est la participation aux activités d'un gang.
L'infraction ne criminalise pas le simple fait d'être membre d'un
gang. La nouvelle infraction, avec les nouvelles définitions qui
seront incluses dans le Code criminel, établira la base nécessaire
pour l'utilisation ciblée des nouveaux outils d'enquête proposés et
des dispositions du Code criminel.
(1705)
J'en mentionne quelques-uns: un nouvel engagement à ne pas
troubler la paix, qui vise les chefs des gangs et rend plus difficile
pour les gangs la poursuite de leurs activités. De nouveaux pouvoirs
permettant aux policiers de saisir les produits des activités liées au
crime organisé et, avec une ordonnance d'un juge, de consulter des
données fiscales pouvant se rapporter aux activités de gangs. De
nouvelles dispositions du Code criminel créant des infractions se
rapportant à l'utilisation d'explosifs dans le cadre des activités des
gangs. L'inclusion dans le Code criminel de nouvelles dispositions
sur les peines visant les gangs, y compris la prolongation des délais
d'admissibilité à des libérations conditionnelles dans le cas des
auteurs de certaines infractions liées aux activités de gangs, et des
mesures visant à faciliter la surveillance policière des activités des
gangs.
En septembre dernier, le ministre de la Justice et moi avons
présidé un forum national sur le crime organisé. Les propositions
contenues dans le projet de loi à l'étude s'inspirent en grande partie
des recommandations formulées par les participants, qui incluaient
des représentants de corps policiers de tout le Canada, des experts
du droit et des avocats qui ont étudié le sujet.
Afin de donner suite à une recommandation faites lors de ce
forum national et que je n'ai pas encore mentionnée, j'établirai un
comité de coordination national et des comités régionaux. Il s'agit
d'une réponse aux préoccupations exprimées par les policiers au
sujet de la coordination et de la direction des activités d'exécution
auxquelles participent plusieurs agences. En plus du comité
national, il y aura cinq comités de coordination régionaux. Sauf
erreur, deux ont déjà été mis sur pied, un en Colombie-Britannique
et un en Ontario.
Cela démontre bien que le projet de loi ne vise pas une seule
région du Canada. Des préoccupations particulières ont été
exprimées à Montréal, à Québec et dans les régions environnantes
au sujet des activités des gangs de motards, mais on m'a dit qu'il y
avait des gangs de motards dans toutes les provinces du Canada à
l'exception, peut-être, de l'Île-du-Prince-Édouard. Par ailleurs, le
crime organisé est présent partout au Canada. Le projet de loi est un
projet de loi national important qui vise à accroître la protection de
la population.
Suite à la recommandation faite par des organisations policières
au Forum national sur le crime organisé, le solliciteur général fera
une déclaration annuelle à la Chambre des communes sur le crime
organisé. La première déclaration devrait être faite à la fin de 1997.
Nous saurons en temps et lieu qui la fera. J'ai ma petite idée au sujet
du parti qui formera le gouvernement, mais je n'aborderai pas cette
question étant donné le caractère relativement non partisan du débat
actuel à l'étape de la deuxième lecture.
Nous avons atteint deux objectifs en travaillant avec la police.
Nous avons donné aux organismes d'application de la loi de
meilleurs moyens de collaborer à la lutte contre le crime organisé.
[Français]
Dans ce même ordre d'idées, je veux citer mon collègue, le
ministre de la Justice, M. Allan Rock, parce que, comme je viens de
le dire, il a aussi dit que:
Grâce à la collaboration avec la police, nous avons réalisé deux objectifs: nous
avons fourni aux organismes chargés de l'application de la loi des meilleurs outils
pour combattre le gangstérisme, et nous avons mis au point un ensemble de mesures
qui résisteront vraisemblablement mieux aux contestations judiciaires. Ces mesures
constituent un premier pas dans la bonne direction. Le gouvernement fédéral avait
promis d'instaurer des mesures pour combattre le gangstérisme et le gouvernement
actuel a tenu parole; cependant, pour qu'elle soit efficace, cette lutte nécessite la
participation du gouvernement fédéral, des provinces et des organismes chargés de
l'application de la loi.
(1710)
[Traduction]
Les gangs du crime organisé représentent une menace
grandissante pour de nombreuses communautés partout au Canada.
Les agents de police ont bien fait comprendre qu'ils ont besoin de
moyens plus efficaces et d'un mécanisme qui leur permette de
mieux coordonner et intégrer leur efforts pour s'acquitter de la tâche
à accomplir.
J'ai bon espoir que ce projet de loi leur sera utile. Il ne permettra
pas de régler le problème du jour au lendemain, mais il dotera les
forces policières partout au Canada de nouveaux moyens
importants et efficaces qui leur permettront de réaliser des percées
dans leur lutte contre le crime organisé, où que ce soit au pays.
Je crois que cette mesure aidera beaucoup les forces policières à
préserver la sécurité publique. Les mesures contenues dans le projet
de loi sont le résultat de consultations menées auprès des
représentants provinciaux et municipaux partout au Canada, y
compris la
9904
province de Québec, ainsi qu'auprès d'organismes d'application de
la loi de toutes les régions.
Je ne parlerai pas de ces questions en détail. Je crois savoir que le
Parti réformiste et le Bloc québécois sont disposés à coopérer pour
permettre l'adoption rapide du projet de loi. Encore une fois, je les
en remercie.
En travaillant ensemble à la Chambre, nous pouvons contribuer à
assurer aux Canadiens une plus grande sécurité dans leurs quartiers,
dans les rues, dans leurs relations professionnelles partout au pays.
J'invite la Chambre à adopter rapidement le projet de loi en
deuxième lecture.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, à
l'invitation du solliciteur général, le Bloc québécois, qui constitue
l'opposition officielle, va collaborer à l'étude rapide de ce projet de
loi en deuxième lecture. Nous sommes d'accord avec le principe du
projet de loi qui, comme l'a reconnu le ministre de la Sécurité
publique du Québec, aujourd'hui, est un pas dans la bonne
direction, qu'il allait dans le sens qu'il désirait.
Cependant, il aurait souhaité que ce projet de loi aille un peu plus
loin, soit plus précis, étant donné les problèmes particuliers, au
Québec, que connaissaient les régions de Montréal et la ville de
Québec. Dans mon comté de Lévis, le 16 mars dernier, il y a eu une
mobilisation de la population de Saint-Nicolas à la suite d'un
incident. L'explosion d'une Jeep a provoqué beaucoup d'émoi dans
le quartier où se trouve le repère des Hell's Angels. Les citoyens ont
exprimé leur ras-le-bol concernant cette guerre entre motards qui
inquiétait et inquiète encore beaucoup de citoyens et de citoyennes.
Tant que cette guerre se faisait entre gangs, entre ces gens-là, on
n'y voyait pas de problème outre mesure, mais lorsqu'il s'agit de la
qualité de vie, de la vie même de citoyens et de citoyennes, on prend
conscience des problèmes. On a vu par exemple le dévouement qu'a
mis dans ce dossier le député de Hochelaga-Maisonneuve, lui
aussi, suite à un incident survenu dans son comté. On s'en
souviendra, je crois que c'était la mort d'un jeune garçon, Daniel
Desrochers.
Tout cela avait conduit le député de Hochelaga-Maisonneuve à
réclamer une loi antigang. À l'initiative de ce député, le Bloc
québécois s'était penché sur la question et avait restreint sa position
pour que, à l'instar du Québec, il y ait une loi contre des gangs de
motards criminalisés.
(1715)
Je me souviens qu'à plusieurs reprises, à la Chambre, l'ancien
leader parlementaire de l'opposition officielle, qui est devenu le
chef de notre parti, est intervenu auprès du ministre de la Justice et
auprès du gouvernement pour qu'il agisse le plus rapidement
possible. Finalement, cela a conduit le ministre de la Justice à se
rendre à Québec rencontrer le ministre de la Sécurité publique, le
ministre québécois de la Justice, des maires de la région de Québec
et les représentants des forces policières concernées pour examiner
une façon de résoudre ce problème.
Donc, l'opposition réserve son droit de critique, son droit
d'analyse plus complet, plus spécifique pour l'étape de l'étude en
comité. Mais à cette étape de la deuxième lecture, qui est une
tradition parlementaire, nous appuyons la motion et souhaitons
qu'on en fasse l'étude en comité le plus rapidement possible. On y
collaborera, vous pouvez compter sur nous.
[Traduction]
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, j'ai
quelques observations à formuler sur ce projet de loi.
Nous appuyons les éléments positifs du projet de loi, car il y en a.
Ce projet de loi suscite cependant des préoccupations pour nous et
nous les soulèverons quand le projet de loi sera examiné en comité
plénier.
Je veux signaler quels nouveaux moyens ont été mis à la
disposition de la police. Les lois sur les tables d'écoute seront
d'application plus large, ce qui est très utile pour réprimer un
certain type d'activité criminelle.
L'un des aspects les plus intéressants du projet de loi pourrait très
bien être la percée qu'on a effectuée sur le plan de l'accessibilité des
dossiers fiscaux. Cela permet de suivre à la trace les activités
administratives découlant des activités criminelles. Un autre
élément qui peut s'avérer très précieux, c'est l'engagement à ne pas
troubler l'ordre public. Les membres d'une organisation criminelle
peuvent être forcés de s'engager à ne pas troubler l'ordre public,
c'est-à-dire qu'on peut leur ordonner de ne pas communiquer ni
s'associer avec des membres d'une organisation criminelle. S'ils le
font, le seul fait qu'ils aient rompu leur engagement donne le droit
de les traîner en cour. À long terme, on peut ainsi parvenir à éliminer
les organisations criminelles. Ce sont trois éléments très importants
de ce projet de loi.
J'aborde maintenant deux aspects qui m'inquiètent, dans cette
mesure. D'abord, elle prévoit l'établissement d'une définition de
l'expression «organisation criminelle». Comment s'y prendra-t-on
pour ce faire? Est-ce possible d'établir une telle définition?
Certains projets de loi adoptés à la Chambre-par exemple le
projet de loi C-27, qui portait sur le tourisme sexuel impliquant des
enfants-paraissent bien mais pourraient s'avérer inapplicables.
Comment définir une organisation criminelle en vertu de ce
nouveau projet de loi? Il s'agit de tout groupe, association ou
organisation d'au moins cinq personnes, constitué de façon
formelle ou non et dont l'une des principales activités consiste à
commettre des actes criminels définis par la présente loi ou une
autre loi fédérale et passibles d'un emprisonnement maximal de
cinq ans ou plus.
C'est ce que la Couronne devra prouver pour qu'un groupe, une
association ou une autre organisation soit déclaré une organisation
criminelle. Comment va-t-on le faire? Il faut qu'il y ait au moins
cinq personnes dans le groupe, l'association ou l'organisation en
question. La Couronne devra aussi prouver que l'une des
principales activités des membres du groupe en question est de
commettre des actes criminels. Qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce
que ça veut dire que la Couronne doit avoir la preuve d'une
condamnation pour acte criminel ou seulement la preuve que les
personnes en question se livrent à des activités qui pourraient les
mener à commettre un
9905
acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans
ou plus? Il y a pas mal de questions que j'aimerais qu'on éclaircisse.
(1720)
Une fois qu'un groupe, une association ou une organisation est
déclarée organisation criminelle, nous devons nous pencher sur
cette nouvelle infraction. Le paragraphe 467.1 dit: «Est coupable
d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de
quatorze ans quiconque, à la fois participe aux activités d'un gang,
ou y contribue de façon importante, tout en sachant que les
membres de celui-ci ou certains d'entre eux commettent ou ont
commis, au cours des cinq dernières années, une série d'actes
criminels définis par la présente loi ou une autre loi fédérale et
passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus.»
À quoi la Couronne est-elle confrontée si elle peut prouve qu'une
personne est membre d'une organisation criminelle? Quelles
preuves doit-elle réunir pour le reconnaître coupable? Il doit
prouver, au-delà de tout doute raisonnable, que l'accusé participe
aux activités d'un gang, ou y contribue de façon importante, tout en
sachant que les membres de celui-ci ou certains d'entre eux ont
commis, au cours des cinq dernières années, une série d'actes
criminels passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou
plus.
J'espère que le gouvernement pourra nous expliquer ainsi qu'à la
population du pays, et cela de façon claire, que cet article du projet
de loi ne revient pas simplement à créer de faux espoirs dans l'esprit
des gens, leur faisant croire que c'est applicable, que le procureur
pourra obtenir une condamnation.
J'ai dit plus tôt que d'autres parties du projet de loi seront très
utiles à la police et permettront des interventions plus importantes
dans le secteur du crime organisé. Je ne m'attends pas à des tas de
condamnations en vertu de cette nouvelle infraction.
Le dernier point qui m'inquiète, c'est celui des gangs de jeunes.
Est-ce que ce projet de loi s'applique aux gangs de jeunes? Si oui,
est-ce que les peines consécutives s'appliquent également aux
jeunes? Si oui, comment réconcilie-t-on cela avec le fait que, en
vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, la peine maximale est
de trois ans? Qu'allons-nous faire? Est-ce que cette loi ne
s'appliquerait qu'en cas de transfert à un tribunal pour adulte?
J'espère que dans les prochains jours, avant que les élections
soient déclenchées, on répondra à ces questions, non seulement
pour les députés, mais pour toute la population du pays qui espère
que ce projet de loi aura des conséquences positives, qu'il donnera à
la police les outils dont elle a besoin pour briser le crime organisé.
Nous avons des réserves au sujet de ce projet de loi, mais nous
appuyons la direction suivie, car nous pensons que c'est la bonne.
Nous savons que les chefs de police et les forces policières le
veulent. Ils nous l'ont demandé.
Je termine sur cette note un peu triste. Je me demande pourquoi il
a fallu aussi longtemps avant que l'on propose cette initiative. Elle
va maintenant être étudiée à toute vitesse, sans que nous ayons le
temps d'établir sa constitutionnalité et son applicabilité en
entendant des témoins qui nous donneraient le point de vue de la
défense et de l'accusation. Je me demande pourquoi le
gouvernement a attendu deux ans après que ce jeune garçon ait été
tué du fait des activités du crime organisé pour présenter ce projet de
loi. La Chambre doit maintenant l'étudier à toute vapeur.
Nous avons vu cela trop souvent depuis trois ans et demi. Ce n'est
pas une bonne chose et je pense que c'était évitable. Néanmoins,
nous allons appuyer le principe de ce projet de loi. J'espère que les
questions soulevées par moi et d'autres recevront une réponse qui
satisfera la population.
(1725)
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La
Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Plaît-il à
la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième
fois.)
M. Zed: Madame la Présidente, je me demande si la Chambre
consentirait à l'unanimité à ce qu'il soit 17 h 30.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il
consentement unanime pour qu'il soit 17 h 30?
Des voix: D'accord.
______________________________________________
9905
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[
Traduction]
Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.) propose:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait ordonner à la Commission
nationale des libérations conditionnelles, lors des audiences de libération et les
délibérations qui s'y rapportent, de donner le bénéfice du doute, non pas au
prisonnier, mais à la victime, à la famille de la victime et à la sécurité du public.
-Madame la Présidente, je désire informer la présidence que je
partagerai mon temps de parole avec le député de
Nanaïmo-Cowichan.
J'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur la motion et lui
faire remarquer qu'elle porte spécifiquement sur la Commission
nationale des libérations conditionnelles. Elle demande à la
commission d'avoir comme objectif de faire passer les droits de la
victime et de sa famille ainsi que la sécurité du public avant les
droits du prisonnier.
Dans un certain sens, je suis très triste que nous soyons obligés de
proposer une motion de cette nature à la Chambre pour faire
reconnaître les droits des citoyens respectueux des lois, et plus
particulièrement des victimes. Leurs droits, en tant que citoyens,
devraient
9906
être respectés avant ceux des prisonniers, eux qui ont choisi de ne
pas obéir aux règles de la société.
Un certain nombre de questions découlent de cette motion, dont
la détermination de la peine et autres. Toutefois, j'aimerais me
limiter à la Commission des libérations conditionnelles et à son rôle
en tant qu'outil d'évaluation.
La commission est un outil du système de justice. Elle entre en
jeu une fois qu'une personne est condamnée. En gros, quand on
parle des audiences de libération on ne parle pas de juger une
personne relativement au crime commis, mais plutôt de juger de ses
possibilités de réinsertion après une certaine période
d'emprisonnement et de déterminer si cette personne est prête à
retourner dans la société.
En tant que société, nous avons convenu d'imposer certaines
règles que la majorité d'entre nous accepte de respecter. Nous
fixons les règles qui forment le fondement de notre société au
moyen de mesures législatives et avec le concours de plusieurs
autres organismes gouvernementaux répartis à travers le pays.
(1730)
Le fait que nous établissions ces règlements oriente l'évolution
des droits et des privilèges accordés aux Canadiens. Si on décide
d'enfreindre les règlements établis par la société, il s'ensuit qu'on
décide de renoncer aux droits et aux avantages accordés par la
société.
Il semble que nous nous soyons éloignés de cette notion pour
adopter le point de vue que les droits et les privilèges que la société
canadienne confère à l'honnête citoyen devraient également être
accordés à ceux qui les violent. Je soutiens que ce n'est pas
justifiable. Si on décide de ne pas respecter les limites imposées par
la société, on ne devrait pas avoir droit aux avantages et aux
privilèges que cette société a créés pour nous.
On peut dire que ce point de vue est dénué de compassion, mais
lorsque quelqu'un enfreint une loi et cause du tort à une autre
personne, nous considérons qu'il présente une menace pour la
sécurité publique. Nous décidons de l'incarcérer dans un
établissement que nous appelons une prison.
À une autre époque de notre histoire, c'est simplement ce que
nous faisions. Nous retirions cette personne de la société pour
l'enfermer quelque part, et le traitement qu'il y subissait n'était pas
beaucoup mieux que la garde en milieu surveillé. Des débats qui ont
eu lieu dans le passé montrent à quel point ce traitement était
inhumain. Depuis cette époque, nous avons progressé pour établir
dans le système carcéral un programme de réadaptation. Il me
semble que, lorsque nous retirons des gens de la société parce que
nous avons peur d'eux et du tort qu'ils risquent de nous causer, à
savoir que la sécurité publique est en jeu, et que nous les
incarcérons, nous devrions les guider et les conseiller pour qu'ils
puissent se réintégrer à la société et y participer de façon à ne pas
nuire à la population et à ne pas harceler leurs anciennes victimes.
Nous avons inséré dans la loi des mesures qui donnent à ces
personnes le choix de participer à un programme de réadaptation.
Nous pourrons tenir cet autre débat une autre fois. Pour le moment,
je dis que, lorsqu'un détenu se présente devant une commission des
libérations conditionnelles, la commission devrait déterminer s'il
s'est réadapté pendant la période où il a été incarcéré. A-t-il
participé à une sorte de programme qui modifiera sa conduite de
sorte qu'il puisse fonctionner dans la société, au lieu de présenter
une menace pour la sécurité publique et pour les victimes
auxquelles il a causé du tort?
Dans les circonstances actuelles, cela ne semble pas se produire.
On ne procède pas à cette évaluation du processus de réadaptation.
Les efforts semblent plutôt centrés sur les droits du détenu. Je crois
qu'il faut accorder davantage d'importance aux droits des victimes,
à la sécurité publique ou aux citoyens canadiens.
Lorsqu'une personne choisit de violer la loi et qu'on
l'emprisonne, elle doit comprendre qu'elle renonce à ces droits et
que la victime et la population passent en premier. Je me demande
souvent à partir de quand nous avons fait fausse route. J'ai tendance
à penser que, parfois, dans notre loi, et cela remonte à la
détermination de la peine probablement, nous avons oublié de nous
attarder d'abord et avant tout sur le crime qui a été commis. Nous
avons commencé à mettre l'accent sur les motifs de l'acte en
question. Je tiens à dire à la Chambre que c'est à partir de ce
moment-là que nous avons eu tendance à abandonner les victimes à
leur sort et à nous préoccuper davantage des détenus. Je pense qu'il
faut revenir en arrière et remédier à cette situation également.
Je suis très inquiète de constater que la tendance au Canada est à
l'établissement de groupes. Nous avons un groupe de défense des
droits des victimes. Nous devrions avoir des droits en tant que
citoyens canadiens et ces droits devraient s'appliquer à tous les
citoyens, qu'ils soient victimes ou pas.
(1735)
Étant donné la voie dans laquelle nous sommes engagés, je vois
la nécessité d'une déclaration des droits des victimes. En effet,
notre système est anormal puisqu'il semble favoriser le criminel au
détriment du citoyen respectueux des lois. Nous mettons alors sur
pied tous ces mécanismes comme les droits des victimes et les
divers groupes de défense des intérêts des victimes. Ce phénomène
semble prendre de l'ampleur, ce qui m'amène à penser qu'il y a un
manque de respect et de confiance dans le système actuel.
Si les personnes incarcérées pour avoir violé la loi ne profitaient
pas des mêmes droits et privilèges que les citoyens honnêtes, nous
n'aurions probablement pas besoin d'une déclaration des droits des
victimes.
Je tiens à dire à la Chambre que, comme il faut commencer
quelque part, nous devrions nous pencher sur les commissions des
libérations conditionnelles. On doit évaluer ce qui se passe une fois
qu'une personne est emprisonnée. Il n'y a aucune raison de libérer
une personne qui ne participe pas à un programme de réadaptation,
qui est incapable de réintégrer la société et de devenir un citoyen
productif. Elle devient un risque pour la sécurité publique et elle va
probablement causer d'autres dommages physiques à ses victimes
ou, chose certaine, des dommages moraux en les harcelant, etc.
9907
Puisque tant de choses sont refusées aux victimes devant la
Commission des libérations conditionnelles, je pense que nous
devrions revoir tout le processus ainsi que l'orientation ou les
objectifs de cette commission.
Ces criminels sont incarcérés parce qu'ils ont infligé du mal à
quelqu'un. Je ne vois donc pas pourquoi on s'opposerait à ce que les
victimes soient mises au courant du progrès que réalisent les
criminels qui suivent le programme de réadaptation. À l'heure
actuelle, dès qu'une personne est reconnue coupable, c'est la fin.
Les victimes ne reçoivent plus d'information, à moins qu'elles ne le
demandent par écrit à la Commission des libérations
conditionnelles et alors les renseignements sont limités.
La motion que je parraine a pour objet de demander au
gouvernement d'ordonner à la Commission nationale des
libérations conditionnelles, quand elle délibère ou quand elle évalue
la réadaptation des détenus, d'accorder le bénéfice du doute, le cas
échéant, non pas aux détenus qui risquent de nuire aux victimes ou
de compromettre la sécurité publique, mais bien aux victimes et à la
population. Les détenus peuvent alors poursuivre le processus de
réadaptation.
Je crains que mon temps de parole soit écoulé, de sorte que je
conclus en espérant que le gouvernement examine la question et
revoit l'orientation de la Commission des libérations
conditionnelles, afin de lui recommander de tenir compte des
intérêts des victimes.
* * *
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la
Présidente, peut-être la présidence pourrait-elle m'éclairer sur ce
point, mais je crois que, si vous le demandez, vous obtiendrez le
consentement unanime de la Chambre pour que, en dépit du vote sur
le projet de loi C-95, à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi
C-95 soit remis à l'ordre du jour afin que l'on puisse poursuivre la
deuxième lecture. Quand vous avez demandé le vote, comme
personne ne s'est levé, la motion a été mise aux voix et adoptée.
(1740)
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il
consentement unanime?
Des voix: D'accord
* * *
La Chambre reprend l'étude la motion.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Une
petite correction s'impose. La députée n'avait pas obtenu la
permission de partager son temps de parole avec son collègue. Le
Règlement ne permet pas aux députés de partager le temps qui leur
est accordé durant l'heure réservée aux initiatives parlementaires.
[Français]
M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur
général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, je vous remercie
de me donner la possibilité de me joindre à la discussion sur la
motion M-139 présentée devant nous.
Si je comprends bien, l'honorable député estime que le
gouvernement devrait ordonner à la Commission nationale des
libérations conditionnelles d'accorder le bénéfice du doute, non pas
au prisonnier, mais à la victime, à sa famille, et à la sécurité du
public, lors des audiences et des délibérations sur les libérations
conditionnelles.
Cette motion tient d'une préoccupation très légitime que le
gouvernement et moi-même partageons à l'égard des victimes, de
leurs famille et de la sécurité du public. Cependant, il est important,
je pense, de noter qu'il existe déjà un certain nombre de mesures
gouvernementales répondant aux préoccupations des victimes
d'actes criminels et assurant la sécurité du public.
J'aimerais commencer en soulignant que la protection de la
société est le critère prépondérant dans toute décision sur la
libération d'un délinquant. La Commission nationale des
libérations conditionnelles n'accorde la libération conditionnelle
que si, à son avis, soit le délinquant ne va pas présenter un risque
inacceptable pour la société avant la fin de sa peine, ou la libération
du délinquant contribuera à la protection de la société en favorisant
son retour dans la collectivité en tant que citoyen respectueux des
lois.
Le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale
des libérations conditionnelles consacrent déjà tous leurs efforts à
protéger la société en contrôlant les délinquants et en les aidant à
modifier les comportements et les attitudes qui les ont déjà
entraînés au crime.
Passer de l'emprisonnement à la liberté peut être difficile, et les
délinquants ont de meilleures chances d'y arriver s'ils bénéficient
d'une surveillance, de programmes adéquats, de possibilités de
formation et de soutien dans la collectivité à laquelle ils doivent un
jour se réajuster.
En contribuant à la réinsertion des délinquants dans la société, le
gouvernement assure la sécurité du public et veille à la sécurité des
victimes. Le Service correctionnel du Canada consacre déjà une
bonne partie de son énergie à aider des délinquants à se réadapter et
à réinsérer la société.
De même, la Commission nationale des libérations
conditionnelles contribue à la protection du public en prenant des
décisions judicieuses appuyant la réinsertion des délinquants en tant
que citoyens respectueux des lois.
J'ajouterais que l'information fournie par les victimes joue un
rôle clé dans les décisions que prend la Commission nationale des
libérations conditionnelles. Il faut réaliser un équilibre entre les
9908
préoccupations de la victime et la nécessité d'aider le délinquant à
réintégrer la société sans porter atteinte à la sécurité publique.
Le meilleur moyen pour réaliser cet équilibre, c'est d'évaluer et
de gérer le risque. Certains délinquants représentent un danger plus
important que d'autres. Conformément aux politiques de la
Commission nationale des libérations conditionnelles, les
commissaires examinent systématiquement le risque que
représenterait un délinquant pour la société s'il était libéré.
Ils examinent toute l'information pertinente qu'ils ont en main en
vue d'une évaluation initiale du risque. Ils prennent en
considération des facteurs comme l'infraction, les antécédents
criminels, les problèmes sociaux-par exemple la toxicomanie et la
violence familiale-l'état de santé mentale de l'individu, surtout
sous l'angle du potentiel criminel, le comportement lors de mises en
liberté antérieures, les rapports psychologiques et psychiatriques, la
motivation pour changer et l'information provenant de la victime.
(1745)
Après cette évaluation initiale, la Commission nationale des
libérations conditionnelles examine d'autres facteurs plus
particuliers, comme le comportement en établissement,
l'information fournie par le personnel de gestion des cas et autres
professionnels qui témoigne de changements, le profit tiré des
programmes que le délinquant a suivis, comme les programmes de
lutte contre la toxicomanie ou d'acquisition d'aptitudes cognitives.
Après avoir examiné toute cette information, les commissaires
prennent une décision. Si la mise en liberté est accordée, la
Commission peut ajouter des conditions en plus de celles imposées
par la loi afin d'appuyer la gestion de la réinsertion du délinquant et
d'assurer la sécurité du public.
Par exemple, elle peut exiger que le délinquant s'abstienne de
consommer de l'alcool si on juge que c'est raisonnable et nécessaire
pour la gestion du risque et la protection de la société. Il est courant,
si la victime le demande, qu'on interdise au délinquant d'avoir des
contacts avec elle.
La grande majorité des délinquants purgent des peines à durée
déterminée et finissent par retourner dans la collectivité. Comme
vous le savez, l'emprisonnement n'est qu'une mesure temporaire
qui ne suffit pas à garantir la sécurité du public.
Par conséquent, dès que la peine est imposée, le personnel
correctionnel commence à évaluer le risque et à préparer le jour où
le délinquant pourra être libéré. Le personnel dans la collectivité
recueille de l'information sur le délinquant à partir de sources très
diverses: famille, police, tribunal, victimes, autres membres du
public. L'information communiquée par la victime est un élément
intégral de l'évaluation du risque et de la décision de libérer le
délinquant.
Ce que je veux dire, c'est qu'en nous servant de toute
l'information à notre disposition pour prendre des décisions
judicieuses de mise en liberté sous condition, en permettant une
mise en liberté graduelle et en préparant le délinquant à réintégrer la
collectivité, nous protégeons le public et les victimes en même
temps.
Pour l'instant, j'aimerais vous parler des droits que notre
système correctionnel accorde aux victimes. Un pas important a été
franchi en 1992 quand la Loi sur le système correctionnel et la mise
en liberté sous condition a été adoptée. Pour la première fois, les
droits des victimes étaient officiellement reconnus dans les textes
de loi fédéraux sur les services correctionnels.
[Traduction]
Je voudrais également parler des droits des victimes tels qu'ils
existent dans notre système correctionnel. On a fait un pas
important à cet égard en 1992 avec l'adoption de la Loi sur le
système correctionnel et la mise en liberté sous condition. À partir
de ce moment-là, et pour la première fois, les droits des victimes se
trouvaient officiellement reconnus dans la loi fédérale sur le
système correctionnel.
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous
condition reconnaît clairement le rôle de la victime dans le contexte
du système correctionnel fédéral. Elle prévoit la communication de
renseignements aux victimes et leur permet d'avoir accès aux
audiences concernant la libération conditionnelle.
Aux termes de l'alinéa 101b) de la loi, les victimes peuvent
fournir à la Commission nationale des libérations conditionnelles
de l'information dont cette dernière doit tenir compte quand elle
examine le dossier de détenus pour toutes sortes de mises en liberté
sous condition. Elles peuvent le faire par écrit ou à l'occasion d'une
entrevue avec un agent de la Commission nationale des libérations
conditionnelles qui doit faire une recommandation à cet égard et
établir un compte-rendu de l'entrevue pour l'ajouter au dossier du
délinquant.
La loi permet au Service correctionnel et à la Commission
nationale des libérations conditionnelles de communiquer aux
victimes, à leur demande, des renseignements concernant les
délinquants dans l'affaire les concernant. À la demande de la
victime, le Service correctionnel et la Commission ont donc
l'obligation de divulguer certains renseignements au sujet du
délinquant, dont son nom, l'infraction dont il a été déclaré coupable,
les dates d'admissibilité et de réexamen du dossier pour la
permission de sortir ou la libération conditionnelle, la date du début
de la peine de prison et la durée de la peine. Cette information est
également mise à la disposition du public.
Les victimes ont cependant le droit d'avoir d'autres
renseignements qui ne sont pas normalement révélés au public. Ces
renseignements peuvent inclure la localisation du pénitencier où le
délinquant purge sa peine; la date, le cas échéant, où il bénéficiera
d'une permission de sortir avec ou sans surveillance, d'un
placement à l'extérieur, d'une libération conditionnelle ou de la
libération d'office; la date d'une audience aux fins de réexamen; les
conditions attachées à toute forme de mise en liberté; la destination
du délinquant pour toute forme de mise en liberté; si le délinquant
est en détention; et, sinon, pourquoi; si le délinquant a interjeté
appel ou non d'une décision de la Commission; et le résultat de cet
appel.
[Français]
On peut communiquer aux victimes ces informations précises, si
le président de la Commission nationale des libérations
conditionnelles ou le commissaire du Service correctionnel du
Canada estime que l'intérêt de la victime est de toute évidence plus
important que l'atteinte à la vie privée qu'entraînerait la révélation
de ces renseignements.
9909
(1750)
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous
condition tient également compte des inquiétudes et des besoins des
victimes en leur donnant la possibilité d'assister aux audiences de
libération conditionnelle à titre d'observateurs.
Autrefois, elles ne pouvaient le faire que si le délinquant était
d'accord; maintenant, c'est la Commission nationale des libérations
conditionnelles qui décide. Comme je l'ai déjà dit, les victimes
peuvent également donner de l'information à la Commission qui
devra en tenir compte au cours de l'examen du cas.
L'information fournie par la victime, dont la Commission doit
tenir compte au cours du processus d'examen, englobe la
déclaration de la victime présentée au procureur de la Couronne, les
rapports de police sur la nature de l'infraction et les renseignements
fournis directement à la Commission ou aux autorités
correctionnelles par la victime ou sa famille.
La Commission tient compte également de toute indication de
violence ou de mauvais traitements à l'égard des membres de la
famille ou des personnes ayant des relations d'intimité, de
dépendance ou de confiance avec le délinquant. L'information
communiquée par la victime est également importante lorsqu'il
s'agit d'évaluer la pertinence des conditions pour gérer un risque
particulier.
C'est aussi un facteur dont on tient compte lorsqu'on prépare le
plan de libération du délinquant, surtout si celui-ci est un membre
de la famille de la victime ou si, une fois libéré, il doit résider près
de la victime. La Commission tient compte des demandes de la
victime lorsque celle-ci estime que certaines conditions sont
nécessaires à sa protection.
[Traduction]
M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Madame la
Présidente, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour appuyer la
motion proposée par ma collègue, la députée de Surrey-Nord. Il
serait peut-être utile de répéter la motion:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait ordonner à la Commission
nationale des libérations conditionnelles, lors des audiences de libération et les
délibérations qui s'y rapportent, de donner le bénéfice du doute, non pas au
prisonnier, mais à la victime, à la famille de la victime et à la sécurité du public.
Bien que l'objet de la motion M-139 me paraisse clair, je
voudrais expliquer plus en détail l'objectif visé pour la gouverne de
ceux qui pourraient critiquer l'emploi de l'expression «bénéfice du
doute». Cette expression donne à la motion de la force et un
caractère raisonnable.
Le droit pénal est conçu de façon à ce que les accusés reprennent
leur liberté si leur culpabilité ne peut être prouvée hors de tout doute
raisonnable. Il s'agit d'un principe assez fondamental de notre
système de justice. Il est par conséquent tout à fait normal que la
demande de libération conditionnelle d'une personne reconnue
coupable et incarcérée soit rejetée s'il persiste des doutes quant à la
possibilité que l'individu puisse être réintégré dans la société.
Autrement dit, on a déjà tenu compte, en grande partie, du «bénéfice
du doute».
Malheureusement, il y a toujours des gens pour tenter de nous
convaincre que c'est simplement la façon dont le système
fonctionne maintenant. Je pourrais vous citer de nombreux
exemples qui montrent que les gens qui pensent ainsi font
l'autruche.
La circonscription de Surrey-Nord que représente ma collègue a
vécu de véritables cauchemars à cause de criminels qui ont été
libérés et qui ont récidivé, commettant encore une fois des crimes
violents. Par exemple, une fillette de 10 ans a été tirée de son lit,
sauvagement agressée puis tuée par un criminel en liberté
conditionnelle. Une dame a été tuée, dans sa propre maison, par un
individu en liberté conditionnelle, qui avait été reconnu coupable
d'une série d'infractions, y compris de vols d'auto. Des incidents
tragiques de la sorte se produisent dans toutes les localités du
Canada et sont très nombreux.
Voici les statistiques pour 1994-1995. Des contrevenants en
liberté conditionnelle, 256 ont récidivé et ont été accusés
d'infractions criminelles, allant du meurtre au vol à main armée.
Depuis 1987-1988, et dans presque chacune des années de cette
période, environ 250 criminels bénéficiant d'une libération
conditionnelle ont été accusés d'infractions graves. En 1989-1990
seulement,39 d'entre eux ont été accusés de meurtre et 63 d'agression sexuelle.
Il y a certainement lieu de se demander si le système fonctionne
correctement.
(1755)
Voici ce qu'on lit aujourd'hui dans un journal de la côte ouest, le
Sun de Vancouver:
Un homme qui purgeait une peine pour tentative de meurtre a été accusé mercredi
d'agression sexuelle contre une jeune femme bénévole des services correctionnels.
L'agression a été commise pendant une période de semi-liberté. Cette femme qui est
dans la vingtaine se trouvait seule chez elle lundi avec Clinton Dale McNutt, 29 ans,
et c'est à ce moment que l'agression aurait eu lieu, selon un policier d'Abbotsford.
«On ne saurait dire à quel point nous sommes préoccupés par tout le régime de
libération conditionnelle» a-t-il dit. «Lorsque ces détenus sortent, nos citoyens sont
en danger.»
C'est de cela que nous discutons ici. Parfois, lorsque nous nous
attaquons à ce système de justice, des députés d'en face répondent
que tout va bien et que le ministre de la Justice fait un excellent
travail. C'est tout le contraire, à mon avis. Nous nous faisons
chahuter parce que nous disons notre façon de penser, parce que
nous revenons toujours à la charge, surtout lorsque nous parlons au
nom des victimes.
Dans ma circonscription, et aussi partout ailleurs, semble-t-il, les
Canadiens en ont plein le dos d'un système de justice qui fait passer
les droits des criminels avant ceux des victimes. C'est aussi
élémentaire que cela.
Nos vis-à-vis nous critiquent. Lorsqu'ils vont frapper aux portes
des gens dans deux semaines, s'ils écoutent ce que les Canadiens
ont à dire, ils vont s'apercevoir qu'ils ont beaucoup de reproches à
leur adresser. Les gens ordinaires disent que le système ne
fonctionne pas. Lorsque les députés libéraux viendront les voir chez
eux, rien ne pourra empêcher les électeurs de leur dire ce qu'ils
pensent vraiment du gouvernement et du système de justice.
Je me demande si les députés libéraux ne vont pas essayer de
réprimander leurs électeurs lorsque ces derniers vont soulever la
question de la justice pénale durant la campagne électorale, de la
9910
même façon que le premier ministre a essayé de dire à une serveuse
de Montréal qu'elle avait cru lire et cru entendre que le
gouvernement promettait d'éliminer la TPS. Voilà pour les critiques
de nos vis-à-vis.
Qu'allons-nous faire? Nous allons prôner un changement
fondamental dans la façon d'établir qui sont les véritables victimes
de la criminalité. Il s'agit tout d'abord de modifier la définition à
courte vue que la Commission nationale des libérations
conditionnelles donne d'une victime, d'élargir cette définition. Les
réformistes donneraient à la définition une beaucoup plus grande
portée en considérant qu'une victime est toute personne qui subit,
par suite d'une infraction, un préjudice physique, psychologique ou
financier, ou tout conjoint, frère, soeur, parent ou enfant de la
personne contre qui l'infraction a été perpétrée, ou toute personne
ayant une relation équivalente sans qu'il y ait nécessairement un
lien de consanguinité. C'est une modification importante de la
définition de «victime».
Chose plus importante, le Parti réformiste reconnaît également la
nécessité d'apporter des améliorations à la Commission nationale
des libérations conditionnelles, qui fait totalement fi des droits des
victimes dans la société canadienne. Le gouvernement devra mettre
en oeuvre chacune des modifications suivantes pour que la motion
M-139 ait un sens.
Tout d'abord, il faut réformer la Commission nationale des
libérations conditionnelles pour veiller à ce que les conditions de
libération appliquées soient favorables à la victime, dont je viens de
vous donner une nouvelle définition, à la famille de la victime et la
sécurité du public, plutôt qu'au délinquant. En fait, cette réforme
fondamentale doit toucher non seulement la Commission des
libérations conditionnelles, mais tout notre système de justice.
(1800)
Il faut réformer la Commission des libérations conditionnelles et
confier ses responsabilités à des comités communautaires de
libération au mérite. On doit également procéder à cette réforme
pour veiller à ce que les délinquants violents purgent au complet les
peines qui leur sont imposées. Il faut réformer la commission pour
veiller à ce qu'on puisse demander à déclarer un détenu délinquant
dangereux à n'importe quel moment avant l'expiration de sa peine
et pas simplement au moment du prononcé de la peine. Enfin, une
réforme s'impose pour que les libérations conditionnelles soient
limitées, pour que les détenus soient forcés de les mériter et pour
qu'ils soient soumis à une surveillance serrée.
En conclusion, la motion dont la Chambre est saisie mérite d'être
étudiée attentivement. Je regrette que cette motion ne puisse pas
faire l'objet d'un vote. Si c'était le cas, je veux que les députés
sachent que je voterais certes en faveur de cette motion pour qu'on
puisse procéder à une réforme en profondeur du système de justice
pénale dans l'intérêt de tous les Canadiens.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la
Présidente, je suis heureux d'intervenir au sujet de la motion M-139
parrainée par la députée de Surrey-Nord.
Je voudrais rendre hommage à la députée, qui ne se portera pas
candidate aux prochaines élections. Comme bon nombre d'entre
nous, c'est en 1993 qu'elle a été élue à la Chambre pour la première
fois. Nous avons siégé tous deux au Comité de la santé. Je sais que
cette infirmière diplômée gardera de précieux souvenirs du grand
nombre d'amis qu'elle s'est fait à la Chambre. Au nom de tous les
députés, je lui signale qu'elle nous manquera. Nos meilleurs voeux
l'accompagnent dans sa prochaine carrière.
J'ai pu remarquer que, chaque fois que la députée intervient à la
Chambre et au comité, elle le fait avec beaucoup de calme et de
logique. Au moyen de sa motion, elle attire l'attention de la
Chambre sur un élément du système judiciaire, soit la Commission
nationale des libérations conditionnelles. Selon le principe qu'elle
fait valoir-et qui est important-, le bénéfice du doute devrait être
donné à la victime, de sorte que les intérêts de cette dernière soient
protégées dans les cas où des gens ont été reconnus d'infractions
pénales.
Le discours de la députée montre bien qu'elle ne tient pas à
incarcérer tout le monde à perpétuité et à jeter la clé. Ses
déclarations et ses raisonnements sont réfléchis. Elle a expliqué, en
se fiant à son expérience, que les victimes et leurs familles ne savent
pas toujours ce qui se passe. Dans une telle situation, on est pris au
dépourvu. Quand, malheureusement, un être cher, un ami, un
membre de la famille ou une connaissance a été victime d'un crime,
on vit une situation terriblement tragique. Cette situation se produit
si souvent et c'est très regrettable, mais il faut admettre que, dans
notre société, certains individus commettent des choses
épouvantables.
L'important, c'est que la députée a fait des propositions fort
logiques et constructives. Même le secrétaire parlementaire qui est
intervenu tout à l'heure l'a reconnu. Il faut féliciter la députée
d'avoir fait ces propositions et d'avoir procédé d'une manière très
logique.
(1805)
La députée a reconnu que les personnes qui sont incarcérées pour
des crimes n'ont pas toutes la même attitude. Les circonstances et
les situations varient. Imaginez le nombre de personnes visées par
l'appareil judiciaire qui ont commis des crimes contre des membres
de leur famille, y compris des meurtres, des agressions ou d'autres
infractions criminelles dont les victimes sont des êtres qu'ils
connaissent et qu'ils aiment. On n'a qu'à songer à ceux qui tuent
leur conjoint, par exemple.
J'ai été fort étonné de constater qu'un pourcentage élevé de
victimes d'homicides au Canada sont tuées par quelqu'un qu'elles
connaissent. C'est une honte. Ces crimes ne sont pas commis par
des êtres pervers comme Clifford Olson. Ils sont le résultat de
circonstances. Ces crimes sont provoqués par une raison profonde.
Un événement quelconque a déclenché la réaction qui a entraîné le
geste posé. Les auteurs de ces crimes ne risquent pas de tuer qui que
ce soit d'autre. Ces personnes n'ont pas une mentalité de criminel;
elles ont réagi de façon extrême, à un moment précis, lorsque
quelque chose de mauvais s'est produit.
9911
La députée a essentiellement dit qu'il serait peut-être possible de
faire certaines choses. Peut-être pourrait-on établir que, dans la
grande majorité de ces cas, nous ne retrouvons pas les circonstances
bizarres qui caractérisent les crimes dont il est souvent fait état à la
Chambre. Il importe que les Canadiens soient sensibilisés aux
genres de choses qui se produisent. Il y a beaucoup
d'incompréhension, ou de manque d'information, relativement à ce
qui se produit.
Je ne suis ni sociologue ni psychologue, et je ne connais guère la
théorie et la philosophie qui sous-tendent nos systèmes pénitentiaire
et judiciaire. Toutefois, je sais qu'une fois qu'ils ont purgé leur
peine, ceux qui ont commis des méfaits doivent réintégrer la
société. Ces gens-là devront réintégrer la société. Ils seront
peut-être mes voisins ou mes compagnons de travail. Ils en auront
parfaitement le droit.
Il nous faut donc un système efficace de libérations
conditionnelles qui doive tenir compte de la nécessité de la
réadaptation, et de la nécessité de sensibiliser l'opinion à tout ce
qu'il faut faire pour amener les détenus à comprendre, pendant leur
incarcération, ce qui leur est arrivé et pourquoi, et à faire face au
problème pour être en mesure de réintégrer un jour la société. C'est
ce qui se passe dans la grande majorité des cas.
Il y a maintenant des dispositions sur les récidivistes dangereux,
et nous savons qu'ils ne pourront peut-être jamais sortir de prison,
ce qui est probablement aussi bien.
J'aimerais aborder un autre sujet dans les quelques minutes qui
me restent. Les jeunes contrevenants forment également un groupe
important de personnes qui sont incarcérées ou qui ont commis des
crimes et n'ont peut-être pas reçu de sentence.
Beaucoup de Canadiens ont leur opinion sur les jeunes
contrevenants. Beaucoup diraient que nous devons abaisser l'âge,
parce que les jeunes contrevenants commettent des crimes en plus
bas âge qu'autrefois. Beaucoup estiment qu'il faut traiter les jeunes
contrevenants comme des adultes et que, s'ils commettent des
crimes d'adultes, ils doivent être traités comme des adultes. Il y a
des cas où c'est vrai jusqu'à un certain point. Les recherches que j'ai
faites sur la famille et le divorce me disent qu'environ 70 p. 100 des
jeunes contrevenants sont issus de familles monoparentales. C'est
beaucoup. Cela se rapporte à la motion de la députée. Il y a aussi
d'autres facteurs à prendre en considération.
Je ne suis pas sûr qu'il faille mettre tous ces 70 p. 100 des jeunes
contrevenants dans le même sac en disant qu'ils sont promis à tel ou
tel avenir parce qu'ils sont de mauvais garnements. Je veux savoir
ce que les parents ont fait, dans quelles conditions ils ont grandi,
s'ils ont souffert de la pauvreté, si les mauvais traitements étaient
chose courante dans leur petite enfance, s'il y a eu d'autres
circonstances dont nous ne pouvons pas être au courant.
(1810)
C'est un autre exemple qui explique pourquoi il ne faut pas, à
mon avis, mettre tous les criminels dans le même sac et les
considérer comme autant de Clifford Olson à qui il faut réserver le
même traitement. Ils ne sont pas tous des Clifford Olson. Certains
sont des voisins, des amis, des jeunes qui ont été en proie à des
difficultés pendant leur existence. Nous ne devons pas nous occuper
seulement des criminels endurcis. Nous devons aussi faire de la
prévention pour empêcher que certains problèmes ne surgissent.
Je remercie la députée, qui est une amie et une collègue, d'avoir
proposé cette motion.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente,
je voudrais dire moi aussi que notre collègue va sûrement nous
manquer. Je tiens à la remercier d'avoir proposé cette motion
aujourd'hui.
En 1968, quand le pays était en proie à la trudeaumanie, le
gouvernement libéral a entrepris de moderniser le système
juridique. Nous discutons aujourd'hui de certains des aspects de
cette modernisation qui découlait de la doctrine de la société juste
chère à M. Trudeau et sous laquelle nous fonctionnons depuis assez
longtemps. Par exemple, ce gouvernement libéral a aboli la peine
capitale contre les voeux de la majorité des Canadiens. Il l'a
remplacée par une peine de 25 ans de prison que l'on peut purger en
15 ans.
Comme mon collègue d'en face l'a fait remarquer, les
circonstances diffèrent dans chaque cas, et je vais en reparler plus
tard.
Ce gouvernement-là nous a également donné la Loi sur les jeunes
contrevenants. Le châtiment a été remplacé par un nouveau mot à la
mode: la réadaptation. Alors comme maintenant, les libéraux ont
omis d'établir la valeur d'une vie.
Depuis son arrivée à Ottawa, le Parti réformiste réclame des
changements au système de justice pénale, des changements visant
à réconforter les victimes et à punir les criminels reconnus. Nous
avons réclamé la suppression complète de la clause de la lueur
d'espoir, c'est-à-dire l'article 745 du Code criminel, qui permet aux
meurtriers de demander la libration conditionnelle après avoir
purgé 15 années de prison.
Les réformistes croient que le seul châtiment juste et équitable
pour le meurtre avec préméditation est la prison à perpétuité.
Comme les orateurs qui m'ont précédé l'ont déjà fait remarquer, il
existe des circonstances qui justifieraient que l'on accorde la
libération conditionnelle avant que le criminel ait purgé ses 25
années de prison.
Grâce aux libéraux mous, la prison à perpétuité veut dire au
mieux 25 ans, une peine qui peut être purgée en 15 ans. Quand on a
finalement réussi à convaincre le ministre que la loi devait être
modifiée, il y a laissé une échappatoire assez grande pour permettre
au criminel le plus notoire du Canada, Clifford Olson, de s'en
prévaloir.
Le ministre n'a rien fait pour empêcher Clifford Olson d'en
profiter. Il n'a rien fait pour empêcher Clifford Olson de forcer les
familles de ses victimes à revivre le cauchemar dont le souvenir les
hante quotidiennement depuis que leur enfant a été assassiné aussi
sadiquement. Ce tueur a violé tous les droits de ses victimes. Il ne
leur a même pas laissé l'ombre d'un espoir de survie.
9912
Personne ne s'attend à ce que sa demande de libération soit
couronnée de succès, mais il aura eu la chance de présenter sa
défense à un jury composé de Canadiens. Pensons à l'horreur que ce
sera pour les malheureux qui auront été choisis comme membres du
jury.
Maintenant, à cause de l'inaction du ministre, Clifford Olson
aura non seulement droit de cité, mais on lui offrira une tribune où il
pourra défendre le bien-fondé de sa demande de libération
conditionnelle, en août. Il n'y a rien de surprenant à ce qu'il ne
veuille pas que le jury entende les déclarations des familles de ses
victimes ou prenne connaissance des rapports de la police ou de la
prison à son sujet et qu'il ne veuille pas non plus se soumettre à un
examen psychiatrique, à la demande de la Couronne. Avec ses
antécédents, ce n'est pas surprenant qu'il ne veuille pas qu'un jury
ayant le sens des responsabilités soit saisi de ces renseignements.
De même, des lacunes du système de justice pénale font qu'il est
impossible de revenir sur l'entente de négociation de plaidoyers que
Karla Homolka avait obtenue en mentant aux procureurs de la
Couronne et aux policiers. Elle pourra présenter une demande de
libération conditionnelle cet été, après avoir purgé à peine quatre
ans de sa peine de douze ans de prison.
(1815)
Si elle décide de ne pas faire une demande de libération
conditionnelle en ce moment car elle fait les manchettes, elle pourra
exercer cette option à une date future. C'est probablement ce qu'elle
fera.
C'est cette sorte de cas auquel le parti Réformiste s'oppose tant.
Il y a certainement des gens qui obtiendront une libération
conditionnelle anticipée, mais dans les cas comme celui-ci, c'est
insensé, et le public canadien est révolté par une telle possibilité.
Les élections seront déclenchées dans dix jours, et le ministre et
ses collègues ont découvert que les Canadiens d'un bout à l'autre du
pays s'inquiètent du manque de justice dans le système judiciaire.
Où étaient-ils, depuis trois ans et demi? En faisant du porte-à-porte,
ils auront à convaincre les électeurs qu'ils se sont attaqués à la
criminalité et qu'ils ont adopté des lois pour moderniser le système
de justice pénal.
Voyons comment le gouvernement a modifié le Code criminel.
Les projets de loi C-37 et C-41 sur la détermination de la peine
n'améliorent en rien le sort des victimes. Le projet de loi C-45, qui
traitait de l'article 745, trahit les victimes de la criminalité. Le
ministre de la Justice a promis aux familles des victimes de meurtre
qu'elles pourraient se faire entendre au cours des audiences d'appel
de libération conditionnelle. Elles auront cette possibilité, mais pas
avant longtemps. Le ministre s'est arrangé pour que cette loi ne
s'applique qu'aux gens qui seront condamnés à l'avenir et non pas
aux gens qui purgent actuellement une peine d'emprisonnement à
perpétuité. Il a trahi les familles en deuil, qui ne pourront pas se
faire entendre au cours des quinze prochaines années. Voilà
l'engagement des libéraux envers les droits des victimes.
En décembre 1994, un projet de loi d'initiative privé du député de
York-Sud-Weston exigeant la suppression de l'article 745 a été
adopté par la majorité des députés de la Chambre des Communes,
dont 73 députés ministériels. Il a été ensuite renvoyé au comité de la
justice.
Comment le député de York-Sud-Weston a-t-il été récompensé
de ses efforts? L'histoire montrera qu'il a été expulsé du Parti
libéral. Le député de York-Sud-Weston a perdu la possibilité
d'apporter un changement important au système judiciaire et les
familles des victimes de meurtre ont perdu une chance de voir le
meurtrier de leurs proches payer en années d'emprisonnement les
vies qu'ils avaient fauchées.
Le ministre de la Justice se sert du vieil adage voulant que les
affaires difficiles font les mauvaises lois comme excuse pour ne pas
durcir sa position. Cela pourrait avoir du sens s'il était question de
cas isolés. Toutefois, il y a quelque 650 meurtriers condamnés qui
attendent leur chance de demander cette lueur d'espoir, qui est
devenue plutôt une garantie de libération à coup sûr dans bien des
cas.
Si nous avions adopté des lois sévères dès le départ, nous
pourrions contrer avec efficacité toutes les facettes de l'activité
criminelle.
Le premier ministre, les ministres et les simples députés
ministériels ne pensent pas qu'un meurtre est un crime très grave.
Qu'est-ce qui me faire dire une telle chose? Ils envoient le message
aux victimes que leur douleur n'est pas importante. Ils envoient le
message aux criminels que leurs crimes seront tolérés. Ils envoient
le message à tous les Canadiens que leurs rues, leurs foyers et leurs
terrains de jeu ne sont pas sûrs.
Je dirai au gouvernement qu'il n'est pas trop tard. Au lieu de faire
des promesses insensées dans le livre rouge, tome 2, comme il fera
sans doute, pourquoi le gouvernement ne profiterait-il pas de la
dernière semaine de la 35e législature pour faire oeuvre vraiment
utile en accordant aux victimes les droits qui leur reviennent. S'il le
fait, il s'assurera une meilleure réception quand il rencontrera les
Canadiens.
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, je
vous remercie de me permettre de participer au débat sur la motion
présentée par ma collègue, la députée de Surrey-Nord. Sa
contribution aux travaux de la Chambre est immense; on se
souviendra certainement de la compassion dont elle fait preuve à
l'égard de ceux qui sont dans le besoin, non seulement les familles
autochtones de notre pays, mais bien d'autres qui ont besoin qu'on
leur accorde une attention particulière et qu'on les considère avec
beaucoup d'humanité. Je remercie la députée de faire cela.
(1820)
J'espère que, lors des prochaines élections, elle pourra jouer un
rôle, être candidate, quelque part au Canada. Ce serait aussi une
perspective enthousiasmante.
La motion M-139 enjoint la Commission nationale des
libérations conditionnelles d'accorder la priorité aux droits des
victimes plutôt qu'à ceux des criminels et d'assurer un meilleur
équilibre. En
9913
présentant cette motion, ma collègue a voulu montrer la voie à
suivre.
Cela nous semble tout à fait sensé. Il convient toutefois de se
demander pourquoi il n'en est pas ainsi? Pourquoi n'avons-nous pas
pu, au fil des ans, reconnaître qu'il faut prendre en considération les
droits de la victime avant de relâcher le détenu dans la société, de le
libérer?
J'ai discuté de cette question avec des ministres de la Justice, des
procureurs généraux de diverses provinces et avec des avocats et
des spécialistes du droit. Ils disent souvent que leur tâche consiste à
déterminer si la personne qui a commis un crime devrait bénéficier
d'une libération conditionnelle ou si elle devrait demeurer en milieu
carcéral plus longtemps. C'est ce qui entre en ligne de compte.
C'est sur cet individu qu'ils se concentrent. Ils disent: «Les
victimes ne peuvent pas se présenter devant nous pour faire un
plaidoyer parce que ce ne sont pas les victimes que nous jugeons».
Ils disent que c'est le dilemme auquel ils sont confrontés dans ce
genre de décisions, que ce soit à titre de membre d'une commission
des libérations conditionnelles ou de juge.
Cependant, il faut avoir l'esprit ouvert et admettre que, si un
individu demande une libération conditionnelle, c'est qu'il a
commis un crime dans la rue ou dans la maison de quelqu'un, c'est
qu'il a porté atteinte à la propriété ou à la vie privée de quelqu'un,
c'est qu'il a blessé une autre personne, peut-être gravement. Un acte
criminel a été commis et il y a nécessairement une victime.
Au moment de remettre cet individu en liberté, ne conviendrait-il
pas de penser aux droits de la victime et de lui donner une voix au
chapitre?
Cette motion va dans ce sens. Elle vise, comme la députée le dit si
bien sans sa motion, à affirmer que nous en tant que députés de la
Chambre des communes devrions ordonner à la Commission
nationale des libérations conditionnelles de donner, lors des
audiences de libération et des délibérations qui s'y rapportent, le
bénéfice du doute, non pas à l'individu qui a commis le crime, mais
à la victime, à la famille de la victime et à la sécurité du public.
Qu'avons-nous obtenu du gouvernement depuis que nous
sommes arrivés ici, en 1994? Pas beaucoup en 1994. Mes collègues
ont exposé une foule de cas où le ministre de la Justice a été trop
mou avec les criminels sans accorder la moindre attention aux
victimes. J'ai entendu mes collègues de l'Alberta et de la
Colombie-Britannique dire cela à maintes reprises. On peut mettre
en doute le bien-fondé de l'article 745 du Code criminel lorsqu'une
personne reconnue coupable de meurtre au premier degré est
admissible à la libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans
d'une peine d'emprisonnement de 25 ans. Nous trouvons cela
insensé.
Comme nous l'avons dit souvent au ministre de la Justice, on n'a
pas tenu compte des nombreuses victimes de crime.
(1825)
Soudainement, en 1997, trois ans plus tard, le gouvernement
s'emballe. Il décide de faire quelque chose au sujet des criminels, de
prendre des mesures sévères à leur égard.
Dans un communiqué de presse en date du 17 avril 1997, le
ministre de la Justice et le solliciteur général réitèrent aux
Albertains qu'ils seront impitoyables envers les criminels. Ils disent
qu'ils ont présenté une série de nouvelles mesures sévères pour
lutter contre les activités criminelles des gangs dans notre pays.
Ce n'est qu'une façade. Cela fait partie de la stratégie du
gouvernement, qui veut que nous fassions cela aujourd'hui. Cette
mesure ne vise pas à donner plus de sens à notre système de justice
pénale. Si c'était le cas, ce serait excellent. Le but, c'est tout
simplement que le gouvernement veut faire cela. C'est ce que dit le
gouvernement fédéral.
M. Gallaway: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement.
Vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour passer
immédiatement à l'étude de la motion concernant l'amendement
apporté par le Sénat au projet de loi C-216 et pour l'adopter sans
autre débat ni amendement.
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il
consentement unanime?
Des voix: Non.
M. Speaker (Lethbridge): Madame la Présidente, le
gouvernement tente sans cesse de faire croire qu'il va durcir le ton
envers les criminels, rendre le système de justice pénale un peu plus
juste envers les victimes ou traiter ces dernières comme telles.
Voyons les motifs qui se cachent derrière cette attitude. La chose
est très claire. Le dimanche 27 avril, le premier ministre va
déclencher des élections. Le gouvernement doit, pour avoir la
faveur des électeurs canadiens, leur proposer un ensemble de
mesures pénales qui les convainquent qu'il durcit le ton envers les
criminels et travaille pour les victimes.
Ce sont là de faux motifs. Absolument faux. Si le gouvernement
voulait vraiment améliorer le système et prendre ses responsabilités
au lieu d'agir uniquement pour des motifs politiques, nous aurions
un meilleur gouvernement, une politique plus efficace à l'égard des
criminels et une meilleure reconnaissance des droits des victimes.
Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Cette réaction instinctive
du gouvernement est censée être une bonne politique.
Regardons maintenant les commissions des libérations
conditionnelles. Comment les membres sont-ils nommés? J'en
connais certains car ça fait environ 34 ans que je fais de la politique.
Je me souviens en Alberta de Mike Maccagno qui était un bon
libéral. C'était le chef du Parti libéral de l'Alberta. Il avait été élu à
l'Assemblée législative de l'Alberta et nous étions devenus de bons
amis en dépit du fait que j'étais ministre.
Je me souviens avoir eu un jour une discussion avec M.
Maccagno. Il m'avait dit: «Ray, je pense que je vais démissionner
en tant que chef du Parti libéral parce que je m'en vais au Paradis
fédéral. On va me nommer à la Commission nationale des
libérations conditionnelles.» C'est ce qui s'est passé et, par la suite,
il vécut très heureux.
9914
Ce qu'il faut se demander, c'est si les gens qui font partie de la
Commission ont les compétences nécessaires. Je ne le crois pas. Les
gens nommés à la commission doivent avoir de l'expérience et une
contribution à faire. Je sais que les députés en tiendront compte en
ce qui a trait à cette motion.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La
période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est
maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.
______________________________________________
9914
MOTION D'AJOURNEMENT
[
Traduction]
L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité
de l'article 38 du Règlement.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la
Présidente, en 1992, le Comité permanent de la santé a publié une
étude intitulée
Syndrome d'alcoolisme foetal-une tragédie
évitable. On y présente une brève description de ce syndrome. Il n'y
a aucun doute que la consommation d'alcool par la mère peut avoir
un effet terrible sur le foetus.
(1830)
Le fait est que, lorsqu'une femme enceinte consomme de
l'alcool, son bébé en consomme aussi. L'alcool véhiculé dans le
sang de la mère traverse le placenta pour se retrouver dans le sang
du foetus. Il se peut que le taux d'alcool dans le sang du bébé
demeure plus longtemps à un niveau élevé parce que son foie
immature métabolise l'alcool plus lentement.
La recherche a montré que le syndrome d'alcoolisme foetal est
responsable de 5 p. 100 des malformations congénitales. Il peut se
traduire par des troubles neurologiques graves, un comportement
asocial, des problèmes permanents de comportement, une tendance
à la criminalité, une réduction de la durée de vie, une atrophie du
cerveau, des troubles d'apprentissage, de l'hyperactivité, un retard
mental, un retard de croissance intra-utérin et post-natal, des
troubles de la parole et de la vue et autres malformations physiques.
Il ne fait aucun doute qu'au Canada le syndrome de l'alcoolisme
foetal ou SAF est un problème croissant. Des études récentes faites
en Ontario indiquent que, bien que tous les autres problèmes
associés avec la consommation d'alcool soient en baisse, le seul qui
ne le soit pas est le syndrome de l'alcoolisme foetal pour lequel on a
enregistré une augmentation des cas. Au cours de la dernière
décennie, le nombre de cas reconnus a augmenté de quelque 400 p.
100.
En juin 1995, j'ai présenté une projet de loi d'initiative
parlementaire, le projet de loi C-337, demandant que des étiquettes
soient apposées sur les contenants de boissons alcooliques mettant
en garde contre les dangers que représentent ces dernières pour la
santé. Une partie du message prévenait les femmes enceinte des
risques associés avec la consommation d'alcool. Par la suite, ce
projet de loi a été adopté à la Chambre et renvoyé au comité et
j'espère qu'il pourra revenir à la Chambre.
Il y a quelques semaines, le ministère de la Santé et la Société
canadienne de pédiatrie ont enfin émis un communiqué conjoint
affirmant que la meilleure voie à suivre pour les femmes enceintes
était de s'abstenir entièrement de boire de l'alcool. Voilà la nouvelle
sagesse du ministère de la Santé. Le ministre a signalé quelques
mesures qu'il avait prises. Tout ce qu'il faut savoir, c'est que la
consommation, même modérée, d'alcool durant la grossesse peut
nuire à la santé de l'enfant à naître.
J'espère que le ministre de la Santé entendra le message. Nous
devons prendre des moyens extraordinaires pour alerter les femmes
qui prévoient avoir des enfants ou sont maintenant enceintes et leur
faire comprendre qu'elles doivent s'abstenir de boire de l'alcool.
Nous devrions publier de pleines pages d'annonces dans tous les
journaux du pays pour faire savoir clairement, une bonne fois pour
toutes, que la consommation d'alcool durant la grossesse met en
danger la santé de l'enfant à naître.
M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la
Santé, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de répondre à
la question sur le syndrome d'alcoolisme foetal soulevée par le
député de Mississauga-Sud, qui s'intéresse inlassablement à ce
sujet.
La consommation d'alcool pendant la grossesse est un problème
national, car l'alcool peut nuire à la santé de la mère et du foetus,
ainsi qu'à la capacité de l'enfant d'avoir une vie adulte normale. Le
syndrome d'alcoolisme foetal est un diagnostic médical basé sur un
certains nombres de problèmes liés à l'alcool et associés à la
consommation d'alcool pendant la grossesse. Les enfants atteints de
ce syndrome souffrent de toute une gamme de problèmes physiques
et comportementaux, notamment des difficultés d'apprentissage.
Ces enfants ont tendance à avoir de mauvaises expériences scolaires
et, une fois adultes, ils courent plus de risques d'avoir des démêlés
avec la justice criminelle.
La déclaration sur la prévention du syndrome d'alcoolisme foetal
a été rédigée conjointement par 18 organisations de santé nationales
et communautaires et le ministère de la Santé. Le message principal
c'est que les femmes devraient éviter de consommer de l'alcool
pendant qu'elles sont enceintes. La déclaration demande également
la création de centres familiaux appropriés et des programmes de
traitement tenant compte des différences culturelles pour les
femmes alcooliques. Ces recommandations visent surtout la
prévention; il faut empêcher le problème de survenir.
Il faut également un diagnostic correct, des méthodes de
traitement des enfants et des services d'aide aux familles. De plus, il
faut avoir une meilleure idée de la proportion des cas de ce
syndrome au Canada et faire plus de recherches sur les effets des
programmes de suivi des enfants atteints.
Santé Canada travaille avec les cosignataires de la déclaration
pour répondre à ces besoins. L'alcoolisme, la consommation d'al-
9915
cool pendant la grossesse constitue un problème pour tous ceux qui
s'intéressent à la santé des femmes, des enfants et des familles.
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Madame la
Présidente, le 7 mars, j'ai demandé au secrétaire parlementaire du
ministre des Transports si le ministre allait donner suite aux
recommandations du Bureau de la sécurité des transports pour
veiller à ce que les normes de sécurité visant les wagons-citernes
soient plus sévères afin de protéger le public, pour ce qui est du
transport de produits chimiques dangereux.
(1835)
Je remercie le secrétaire parlementaire d'avoir précisé dans sa
réponse qu'on a déjà entrepris des travaux pour renforcer les
wagons-citernes. C'est un progrès certain, pour ce qui est de
protéger les Canadiens, leurs terres et leurs eaux contre les produits
chimiques en cas de déraillement. Cela devrait également aider
grandement à maintenir la confiance des Canadiens dans le
transport ferroviaire.
Cependant, même si c'est un pas dans la bonne direction,
l'intérêt public est beaucoup plus large que cela. Si nous voulons
élaborer une politique de transport réellement durable au Canada,
nous avons besoin non seulement d'un réseau ferroviaire sûr, si
important soit-il, mais nous devons également examiner les effets
de la pollution atmosphérique causée par la circulation accrue des
automobiles et des camions. Nous devons également nous attaquer
au sérieux problème que présentent les émissions de dioxyde de
carbone et leur contribution au changement climatique.
Permettez-moi de traiter plus longuement de l'un de ces aspects.
Dans une étude qu'a menée en 1995 la Table ronde de l'Ontario sur
l'environnement et l'économie, groupe de travail qui a examiné à
fond la question du transport, on a calculé que, pour chaque tonne de
marchandises transportées, le transport routier entraînait sept fois
plus d'émissions de dioxyde de carbone que le transport ferroviaire.
Il faut accorder la priorité à cette considération lorsqu'on prend des
décisions en matière de transport au Canada. Malheureusement,
nous nous dirigeons actuellement dans la mauvaise direction. La
quantité de marchandises transportées sur les routes du Canada
augmente considérablement, tandis que celle de marchandises
transportées par voie ferroviaire diminue.
En effet, la part du marché qu'occupe au Canada le transport
routier a augmenté, passant d'à peine 30 p. 100 dans les années
cinquante à 70 p. 100 en 1991. À l'heure actuelle, les subventions au
secteur ferroviaire font l'objet de compressions, tandis que les
subventions au transport routier ne cessent d'augmenter. Par
conséquent, nos autoroutes sont encombrées de camions, alors que,
dans certaines régions, les lignes de chemin de fer sont
sous-utilisées ou même abandonnées.
Il y a aussi l'aspect hygiène publique de toute politique de
transport durable qui met en relief les dépenses de santé liées au
smog urbain au Canada. Des centaines de millions de dollars sont
dépensés en soins médicaux et hospitaliers. Il y a manifestement un
lien entre la politique de transport et la santé publique. Il nous faut
donc trouver des façons de réduire le transport routier.
Il est utile de fabriquer des automobiles et des camions qui
polluent moins, mais cela ne suffit pas; il faut que cette mesure
s'accompagne d'une réduction de la circulation automobile. Il faut
renverser la tendance actuelle et amorcer un grand virage vers une
utilisation accrue du train, l'incitation à utiliser les transports en
commun en ville et une réduction des subventions au transport
routier.
J'ai une question pour le secrétaire parlementaire. Quand les
Canadiens peuvent-ils s'attendre à voir le gouvernement fédéral
présenter une politique de transport durable qui tienne compte de la
santé en favorisant la réduction de la pollution et des émissions de
dioxyde de carbone grâce à la promotion du transport de
marchandises par rail, et grâce aussi à des politiques favorisant les
services de transport en commun?
[Français]
M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la
Santé, Lib.): Madame la Président, si vous me le permettez, je
voudrais répondre, en français, à la question que soulevait le député
de Davenport, le 7 mars dernier.
Il faisait alors référence aux recommandations du Bureau de la
sécurité des transports, à l'effet que des restrictions
supplémentaires soient prises à l'égard des wagons-citernes de
catégorie 111A utilisés pour le transport des marchandises
dangereuses.
Je voudrais le rassurer et lui dire que la sécurité a toujours
constitué la première priorité de Transports Canada et qu'il
continuera d'en être ainsi. Le ministre travaille constamment à
rehausser la sécurité des systèmes de transport utilisés au Canada.
En ce qui concerne les recommandations précises du Bureau de la
sécurité des transports auxquelles le député fait référence, je désire
l'informer que Transports Canada avait effectué l'examen complet
des produits pouvant être transportés à bord des wagons-citernes de
catégorie 111A bien avant la présentation du rapport du Bureau.
À l'époque, des restrictions particulières avaient été imposées au
transport de 80 marchandises dangereuses qui, depuis, sont
interdites de transport à bord de ce type de wagon-citerne.
Récemment, deux autres produits dangereux ont été ajoutés à la
liste des produits soumis à des restrictions. Transports Canada
poursuit l'examen de 14 autres produits dangereux.
(1840)
De plus, je voudrais souligner que de tous les wagons-citernes,
ceux de la catégorie 111A constituent la bête de somme du parc
ferroviaire avec 165 000 wagons en service en Amérique du Nord.
Bien que Transports Canada estime que ces wagons représentent un
moyen de confinement sécuritaire, le ministère poursuit ses
recherches pour trouver des moyens efficaces d'améliorer
davantage la sécurité d'ensemble des wagons de catégorie 111A.
Des travaux sont en cours en ce qui a trait aux améliorations à
apporter aux wagons-citernes en aluminium et en nickel de
catégorie 111A. Ils devront désormais être munis d'un bouclier de
protection complet pour protéger les extrémités des
wagons-citernes de toute perforation lorsqu'ils seront affectés au
transport de marchandises dangereuses.
Enfin, je veux affirmer de nouveau que la sécurité a toujours
constitué la première priorité de Transports Canada et il continuera
d'en être ainsi à l'avenir.
9916
[Traduction]
M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): Madame la
Présidente, le 20 février j'ai posé une question à la Chambre au sujet
d'un dossier très important pour de nombreux Canadiens, soit leur
droit d'utiliser des herbes et d'autres produits naturels à des fins
médicinales.
Ces personnes disent tout simplement que Santé Canada, et plus
précisément la Direction générale de la protection de la santé,
n'écoute pas et, par conséquent, ne tient pas compte de la liberté de
choix des Canadiens.
Le secrétaire parlementaire va nous dire, comme il l'a fait le 20
février, que les produits vendus doivent être sûrs et efficaces. Il
parle d'éphédra et de Canadiens de l'Ouest qui ont mal réagi à cet
arbuste, mais il ne dit pas un mot des produits pharmaceutiques qui
font que des gens aboutissent quotidiennement dans les salles
d'urgence, alourdissant considérablement les coûts du système, tout
simplement parce que ces produits ne sont pas sûrs pour ceux
auxquels ils sont destinés.
Au fond, ce dont il est question, c'est du miracle qui se produit
quand, grâce à la magie de la Direction générale de la protection de
la santé, une plante qui pousse dans la terre ou dans l'eau n'est plus
seulement un aliment, mais devient un médicament dont la
distribution peut être restreinte ou carrément interdite. Un
supplément nutritif au sud de la frontière est considéré comme une
drogue au Canada. Un produit qui est utilisé depuis des centaines de
milliers d'années en raison de ses effets bénéfiques est interdit au
Canada. Un produit naturel et, pire encore, inoffensif est interdit par
des personnes non identifiables, au nom de la médecine au Canada.
Dans toute cette question, on a oublié le consommateur. C'est la
manie de tout réglementer et de recouvrer les coûts qui prime. Santé
Canada impose le fardeau de la preuve au consommateur, mais qui
défend vraiment le consommateur?
Il est à noter que la Colombie-Britannique va investir plus de5 millions de dollars pour financer un centre chargé de mettre à
l'essai d'autres remèdes et d'autres méthodes de soins. Avec
l'arrivée de gens originaires du bassin du Pacifique, on se rend
compte que leurs méthodes, sans que l'on sache trop pourquoi, sont
sûres et bénéfiques. Nous savons que c'est le cas, car leurs
méthodes donnent de bons résultats depuis des milliers d'années.
Or, la direction générale de la protection de la santé dit: «Jamais
entendu parler de ça. Prouvez ce que vous avancez!»
Je soutiens que les droits du consommateur l'emportent sur les
droits des bureaucrates. Je soutiens que les bureaucrates devraient
reconnaître le droit des Canadiens d'avoir accès aux produits
naturels qu'ils estiment bénéfiques pour eux.
J'exhorte le ministre à défendre les intérêts des Canadiens et non
ceux des entreprises, des puissants et des multinationales.
Dans la même veine, samedi dernier, le Globe and Mail publiait
un article sur le pouvoir de la prière, qui contribuerait à améliorer la
condition des malades. Pourquoi ce traitement est-il efficace? Sur le
plan scientifique, personne ne le sait. Je pourrais peut-être proposer
à la Direction de la protection de la santé de faire enquête et de
réglementer également cette activité.
Je pousse la comparaison un peu loin, mais pourquoi alors
réglementer l'utilisation des bulbes de narcisse, de l'huile tirée du
persil et du muguet qui poussent dans mon jardin? Si je crois que la
consommation de ces produits pourrait, d'une façon naturelle,
régler mon problème de santé, pourquoi la Direction de la
promotion de la santé devrait-elle s'en faire si ces produits, tout
comme la prière, ne peuvent réellement avoir d'effets bénéfiques
dans mon cas particulier?
Voici ce que je prescris pour Santé Canada. Une bonne dose de
logique et de discernement, avant que cela soit également
réglementé, contribuerait peut-être à persuader le ministre de
reconsidérer la position de mon ministère.
Les remèdes efficaces, comme les bulbes de narcisse ou la prière,
ne sont pas toujours quantifiables de façon scientifique.
M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la
Santé, Lib.): Madame la Présidente, c'est sans doute moi qui vais
répondre, puisque nous sommes partis pour utiliser plusieurs
langues.
[Note de l'éditeur: Le député s'exprime en italien.]
[Traduction]
Je ne veux pas revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure, mais le
député a présumé de ce que j'allais dire. Je vais sans doute l'étonner.
Je vais répondre au député de Sarnia-Lambton à propos des
produits à base d'herbes médicinales au Canada. Le mandat de
Santé Canada est de veiller à ce que les médicaments qui sont sur le
marché soient inoffensifs, efficaces et de haute qualité.
Nous n'entendons pas restreindre la liberté de choix, mais veiller
à ce que les choix puissent se faire sans préoccupation quant à
l'efficacité et à l'innocuité des produits. Tout produit à base
d'herbes présenté au consommateur comme produit à usage
médicinal doit avoir une identification numérique, le DIN. Si un
produit a un DIN, les Canadiens peuvent avoir l'assurance que le
gouvernement fédéral en a vérifié l'innocuité et l'efficacité.
Il faut signaler que c'est l'importateur qui doit s'assurer que ses
produits sont conformes à la réglementation. Il y a sur le marché des
milliers de produits en règle. Santé Canada encourage l'industrie
des herbes médicinales à faire des propositions au sujet de
l'utilisation acceptable de divers produits à base d'herbes.
Pour répondre aux nombreuses demandes de listes d'herbes et de
produits dérivés qui pourraient être refusés par les services
douaniers, notre ministère est en train d'élaborer un système qui
donnera une information plus sûre et plus transparente sur les
produits autorisés au Canada.
[Note de l'éditeur: Le député s'exprime en italien.]
9917
[Français]
La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La
motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée
adoptée.
La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures,
conformément à l'article 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 18 h 47.)