TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 21 avril 1997
Projet de loi C-250. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 9961
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9962
M. White (North Vancouver) 9965
Report du vote sur la motion 9968
Suspension de la séance à 11 h 52 9968
Reprise de la séance à 12 h 02 9968
Projet de loi C-93. Étape à l'étape du rapport 9968
Motion d'approbation et de deuxième lecture 9968
Report du vote sur la motion 9968
Projet de loi C-95. Reprise de l'étude en deuxième lecture 9968
Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi; avec le consentement unanime,
formation de la chambre en comité plénier, sous la présidence de M. Kilgour 9968
Rapport de l'état de la question 9984
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9988
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9988
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9988
M. Martin (LaSalle-Émard) 9989
M. Martin (LaSalle-Émard) 9990
M. Martin (LaSalle-Émard) 9990
M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 9992
M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 9992
M. White (North Vancouver) 9993
M. White (North Vancouver) 9994
M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 9996
M. Martin (LaSalle-Émard) 9996
Projet de loi C-407. Adoption des motions de présentation et de première lecture 9997
M. White (North Vancouver) 9999
Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9999
Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9999
Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9999
Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9999
Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9999
Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9999
Projet de loi C-95. Reprise de l'étude en comité plénier 10000
Rejet de l'amendement par 22 voix contre 4 10010
Adoption de l'article 1 10010
Adoption de l'article 2 10011
Adoption de l'article 3 10011
Adoption de l'article 4 10011
Adoption de l'article 5 10011
Adoption de l'article 6 10011
Adoption de l'article 7 10011A
doption de l'article 8 10011
Adoption de l'article 9 10011
Adoption de l'article 10 10011A
doption de l'article 11 10011
Adoption de l'article 12 10011
Adoption de l'article 13 10011
Adoption de l'article 14 10011
Adoption des amendements 10011
Adoption de l'article 15 tel que modifié 10011
Adoption de l'article 16 10012
Adoption de l'article 17 10012
Adoption de l'article 18 10012
Adoption de l'article 19 10012
Adoption de l'article 20 10012
Adoption des articles 21 et 22 10012
Adoption de l'article 23 10012
Adoption de l'article 24 10012
Adoption de l'article 25 10012
Adoption de l'article 26 10012
Adoption des articles 27 et 28 10012
Adoption du préambule 10012
Motion d'approbation 10012
Adoption de la motion 10012
Motion de troisième lecture 10012
Adoption de la motion 10012
M. Speaker (Lethbridge) 10013
Adoption de la motion 10013
Projet de loi C-95. Reprise de la motion de troisième lecture 10013
Adoption de la motion; troisième lecture et adoption du projet de loi 10024
Projet de loi C-92. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 10024
Adoption de la motion par 99 voix contre 35 10025
Adoption de la motion; troisième lecture et adoption du projet de loi 10025
Projet de loi C-93. Reprise de l'étude 10025
Deuxième lecture du projet de loi 10025
Projet de loi C-250. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 10025
Rejet de la motion par 97 voix contre 32 10026
9961
CHAMBRE DES COMMUNES
Le lundi 21 avril 1997
La séance est ouverte à 11 heures.
_______________
Prière
_______________
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 11 mars, de la
motion: Que le projet de loi C-250, Loi modifiant la Loi sur le
Parlement du Canada et la Loi électorale du Canada (votes de
confiance), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, je suis heureux de participer au débat sur cette importante
initiative parlementaire. Je félicite le député de
Kindersley-Lloydminster d'avoir présenté ce projet de loi. Depuis
le début, le Parti réformiste préconise l'adoption de mesures en ce
sens. Nous croyons que cela conférerait plus de crédibilité au
processus électoral. Les Canadiens apprécieraient l'adoption de
pareilles mesures.
Des sondages d'opinion récents révèlent que, malgré le
déclenchement probable des élections fédérales d'ici environ une
semaine, les deux tiers des Canadiens ne voient pas la nécessité
pour le gouvernement de déclencher des élections. Le
gouvernement ne joue pas avec les comptes, mais avec le calendrier
électoral, pour essayer de déclencher les élections dans la
conjoncture qui lui soit la plus favorable.
Cela n'a rien d'exceptionnel. Les gouvernements agissent ainsi
depuis des années. Cependant, les deux tiers des Canadiens trouvent
regrettable que, dans une démocratie comme la nôtre, le
gouvernement attende d'avoir suffisamment de cordes à son arc
pour déclencher soudainement des élections. Nous sommes tous
censés nous incliner, que ce soit la troisième ou la cinquième année
du mandat. Cela donne au gouvernement un atout considérable au
moment des élections.
Le programme qui a été présenté aux médias aujourd'hui en
témoigne: M. Bouchard doit rencontrer le premier ministre pour la
signature d'un accord, une séance de photos devant suivre; la
ministre des Ressources naturelles doit signer une entente
concernant un projet de recherche, une séance de photos devant
suivre; un accord doit être signé avec les responsables provinciaux
des pêches en Colombie-Britannique, une séance de photos devant
suivre. Tout le programme de cette semaine est assorti de séances de
photos.
Le gouvernement peut déterminer le programme, non seulement
les séances de photos, mais aussi le calendrier électoral. Pour arrêter
le moment des élections, le gouvernement ne cherche plus à savoir
si des élections sont nécessaires, si elles sont opportunes ou s'il y a
un enjeu urgent pour le pays, mais bien s'il a les meilleures chances
d'être reporté au pouvoir.
Il y a quelque chose qui cloche là-dedans. Les gens sont en droit
de se poser des questions quand le gouvernement peut déclencher
des élections en fonction de ses besoins. Ne vaudrait-il pas mieux
que les règles du jeu soient les mêmes pour tous? Ne vaudrait-il pas
mieux que le gouvernement demande au peuple d'aller aux urnes à
l'automne, la quatrième année de son mandat? Les règles du jeu
seraient les mêmes pour tous. Nous amorcerions la campagne en
même temps. Nous n'aurions pas à attendre qu'une crise éclate ou
qu'une entente soit conclue. Les élections seraient tenues à une date
donnée. Tous les partis le sauraient et pourraient se préparer en
conséquence. Ce serait équitable pour tous.
Quand nous avons étudié ce projet de loi en comité, j'ai soulevé
deux questions où le gouvernement s'est donné un avantage. Le
premier est un avantage que le parti au pouvoir a déjà, soit sa
capacité de déclencher les élections. Le deuxième est le
raccourcissement de la campagne électorale, qui ne durera
dorénavant que 36 jours. Et la campagne électorale commencera
vraisemblablement la semaine prochaine.
(1110)
Sachant à quel moment il déclenchera des élections, le
gouvernement dispose de tous les avantages. Il sait exactement
quand il le fera et peut donc mettre sur pied son programme de
publicité. Il peut préparer d'avance sa campagne de propagande.
Ses députés peuvent ouvrir leurs bureaux électoraux. Il peut faire
imprimer tous ses prospectus électoraux. Il peut faire tout cela.
Les stratèges du Parti libéral ont déjà tout prévu. Pendant ce
temps, nous sommes encore dans l'incertitude. Les élections seront
peut-être déclenchées la semaine prochaine, mais nos adversaires
ont déjà une longueur d'avance. Pendant ce temps, les Canadiens se
demandent quand auront lieu les élections. C'est regrettable.
Les élections devraient avoir lieu tous les quatre ans. Le député
de Kindersley-Lloydminster a expliqué en détail comment cela
pourrait se faire et dans quelle mesure ce serait juste pour tous les
partis. Aucun parti n'aura un avantage par rapport aux autres. Ce
serait juste pour tous les Canadiens, qui ne se poseraient plus de
questions quant au moment du déclenchement des élections. Ce
serait juste pour tous.
9962
Cela dit, ce projet de loi ne sera pas adopté. Je regrette de devoir
l'annoncer au député de Kindersley-Lloyminster. Ce projet de loi
n'a pas la moindre chance de l'être. Il enlève du pouvoir à ceux qui
sont assis sur les banquettes d'en avant.
Toutes les fois que cela risque d'arriver, que des votes libres
risquent d'être pris. . .
Une voix: Les ordres viennent d'en haut.
M. Strahl: C'est exact. D'après des rumeurs qui circulent en
haut lieu, le projet de loi ne doit pas être adopté. Chaque fois qu'il y
a un vote libre, chaque fois que l'on donne un pouvoir à un comité,
chaque fois que nous avons la chance d'arracher des miettes de
pouvoir au groupe de l'Édifice Langevin, on nous torpille. Nous
n'avons pas la moindre chance que ce projet de loi soit adopté. Je
suis désolé de l'apprendre au député de Kindersley-Lloydminster.
Cela étant dit, il est probable que nous serons en campagne
électorale la semaine prochaine. Est-ce que ce sera un enjeu des
élections? Est-ce qu'il en sera question lorsque nous parlerons aux
électeurs des questions sur lesquelles ils doivent se prononcer?
Ce ne sera certainement pas un enjeu crucial de la campagne. Il
reste que cela fait partie d'une certaine vision du Canada lorsqu'il
est question du rôle du Parlement et du rôle des députés en tant que
représentants de leurs circonscriptions.
L'autre vision, celle des libéraux, c'est que le Parti libéral sait
tout mieux que tout le monde. Ce parti n'estime pas devoir écouter
le peuple canadien ni même ses propres membres.
Le Parti libéral ne se sent pas tenu d'écouter la voix du peuple
dans le cadre de référendums, de votes libres et de la démocratie
représentative. Les libéraux disent aux Canadiens: «ne vous en
faites pas, soyez heureux, nous nous occupons de tout; tous autant
que vous êtes, vous n'êtes que des pions dans le grand processus
démocratique». Cela, ce sera un enjeu des élections.
Lorsque nous nous adresserons au peuple et que nous parlerons
de la réforme électorale et de la réforme du Parlement, lorsque nous
parlerons de la nécessité de réformer notre institution pour remettre
le pouvoir entre les mains des députés afin qu'ils représentent
vraiment ceux et celles qui les ont élus, ce sera un enjeu.
Nous parlerons du pouvoir de révocation. Nous parlerons du droit
aux référendums et à des initiatives de citoyens. Nous parlerons des
votes libres à la Chambre des communes et pas seulement sur les
projets de loi d'initiative parlementaire, mais également sur
l'ensemble des projets de loi.
Nous parlerons du pouvoir des comités et de la façon dont les
ministres se servent des comités actuellement pour défendre leurs
propres intérêts au lieu de donner la chance aux députés de proposer
des mesures législatives visant à répondre aux préoccupations de
leurs électeurs.
Toutes ces questions seront abordées durant la prochaine
campagne électorale. Des élections à date fixe font partie de la
politique du Parti réformiste. Selon des sondages menés
récemment, cette idée plaît aux gens. Ils n'aiment pas ce que les
libéraux font, c'est-à-dire déclencher des élections quand bon leur
semble, et les Canadiens n'ont qu'à endurer et à payer, c'est aussi
simple que cela.
Même s'il est censé y avoir un vote libre sur ce projet de loi, il ne
fait pas de doute que les députés libéraux ont reçu l'ordre de voter
contre. Il ne sera probablement pas adopté, et c'est dommage.
Cela étant dit, les libéraux devraient savoir que, s'ils sont
culottés de déclencher des élections dimanche prochain comme
nous croyons qu'ils le feront, nous sommes prêts. Cette question est
aussi valable que les autres. Nous verrons ce que les Canadiens
pensent vraiment d'un gouvernement qui traite les gens avec
arrogance au lieu de les écouter.
(1115)
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ):
Monsieur le Président, le projet de loi dont nous débattons
présentement vise à proposer que des élections générales se tiennent
tous les quatre ans à date fixe.
Plusieurs parlementaires peuvent être d'accord avec ce principe
de fixer une date, tous les quatre ans, où on tient des élections. Il y a
beaucoup d'avantages à ce processus, entre autres, toutes les
organisations peuvent s'organiser, c'est le cas de le dire, afin d'être
prêtes pour le déclenchement des élections.
Le premier ministre, qui a entre ses mains le pouvoir de décider
de la date des élections, donne à son parti un avantage considérable
par rapport aux autres partis en ce qui concerne toute l'organisation,
les campagnes de financement, le choix de ses candidats et aussi la
façon dont les travaux parlementaires vont être menés.
Si on savait, par exemple, que les élections sont à date fixe, le
gouvernement pourrait étaler son programme sur quatre ans: la
première année, il adopterait telle partie de son programme
électoral, la deuxième année, telle autre partie de son programme
électoral, et ainsi de suite pour la troisième année, ce qui nous
conduirait, tout le monde, la quatrième année, à des élections à date
fixe.
Nous avons été élus en octobre 1993. L'an dernier, à pareille date,
tout le monde spéculait sur des élections hâtives. Il y en avait même
qui gageaient que des élections auraient lieu l'automne dernier.
Alors, les organisations se sont mises en branle, on a commencé à
faire des investitures à gauche et à droite. Cela ne faisait pas encore
trois ans que nous étions élus que déjà, nous parlions d'élections
anticipées.
Il y a un an que ce Parlement est paralysé, d'une certaine façon,
parce que nous attendons le jour où le premier ministre va
déclencher les élections. Encore une fois, tout porte à croire que les
élections seront déclenchées dimanche, ce qui veut dire qu'elles
seront déclenchées presque un an et demi avant l'échéance du
mandat qui nous a été donné par la population.
Ce qui arrive, dans ce cas-ci, c'est que le gouvernement peut
gérer selon les sondages. Il fait faire des sondages lui-même, les
compagnies de sondage en font elles-même et on conclut que le
parti est populaire, qu'il est moins populaire, qu'il perd de son
intérêt, que tel ministre est en danger dans son comté, que le premier
ministre est en danger dans son comté, que le Parti conservateur
remonte, que le Parti réformiste baisse. On joue avec toutes les
9963
cartes des sondages pour arriver finalement à ne plus prendre en
compte l'intérêt de la population, mais l'intérêt du parti qui est au
pouvoir.
De cette façon, il peut essayer de trouver une date favorable au
renouvellement de son mandat ou, dans certains autres cas, comme
on l'a vu avec le Parti conservateur lors de son dernier mandat, il
peut retarder indûment, ou presque, la date des élections sachant
que sa popularité baisse considérablement et qu'il s'en va vers une
défaite de toute évidence.
Alors, les élections à date fixe permettraient aux débats publics
d'être plus clairs, plus francs, mieux organisés et on saurait vers
quoi on s'en va. Cela respecterait davantage le processus
démocratique. La population ne serait pas dans l'incertitude ou dans
l'expectative, à savoir quand vont avoir lieu les élections et on ne
serait pas dans la position d'entendre le gouvernement reprocher à
M. Bouchard d'avoir envoyé sa demande de modification
constitutionnelle à la dernière minute, alors que le gouvernement a
encore un an et demi de mandat devant lui.
On est rendu à des dernières minutes qui sont un peu exagérées.
Si M. Bouchard avait su qu'il y avait des élections, il aurait
probablement attendu après les élections, ou il se serait organisé,
connaissant la date des élections, pour présenter son débat. Il
n'aurait pas pris la peine de le faire à cette étape-ci. Donc, il serait
même mieux, pour l'ensemble de toutes les provinces, d'organiser
la démocratie au Canada.
Une chose est un peu dérangeante, et c'est quand le Parti
réformiste parle de référendum par-ci et de référendum par-là, de
vote libre, de vote selon le nombre d'appels téléphoniques ou de fax
reçus des électeurs et des électrices. Nous sommes dans un régime
de parlementarisme, un régime démocratique par délégation; nous
demandons à la population de nous élire pour les représenter. À
moins que l'on ne change le principe même de l'organisation
parlementaire au Canada, on ne peut pas embarquer dans toutes les
fantaisies du Parti réformiste qui veut finalement s'asseoir à une
table de poker, jouer ses propres règles et ne pas accepter les règles
qui conviennent à tout le monde.
(1120)
Si un parti se fait élire avec une position très claire, dans son
programme, à l'effet qu'il fera telle chose, celui qui se fait élire sous
la bannière de ce parti endosse forcément les objectifs de celui-ci. Il
n'y a donc aucune raison pour qu'une décision à la Chambre fasse
l'objet de vote selon les fax ou les appels téléphoniques qu'on
reçoit, c'est selon la ligne du parti.
Quand nous devons discuter de projets de loi qui n'étaient pas
dans nos programmes, là, il est sans doute normal que nous
retournions devant nos commettants pour les consulter. Mais nous
resterons toujours ceux et celles qui doivent représenter, parce que
ce n'est pas parce que nous consultons 40 ou 50 membres de notre
parti, ou 50 électeurs sans lien avec nos partis parce qu'on les a
invités à une assemblée publique, qu'on a pour autant un droit ou
une obligation morale de voter dans le sens de ces 50 personnes, ou
des trois fax qu'on a reçus. On représente l'ensemble des électeurs,
une fois que nous somme élus, et nous devons essayer, au meilleur
de notre connaissance, au meilleur de notre conscience, au meilleur
des intérêts du peuple, de prendre une décision, puisque nous avons
reçu le mandat de les représenter.
Dans ce projet de loi qui est devant nous, bien sûr, il y a un
ensemble de détails. Ce serait très intéressant de retrouver ce projet
de loi à l'étude devant le comité, pour que le comité puisse se
pencher en profondeur sur certains aspects problématiques du projet
de loi en question.
Personnellement, je vois difficilement que la date fixe des
élections puisse être le troisième lundi d'octobre, puisqu'à plusieurs
endroits du Canada, il y a des saisons hivernales qui commencent
tôt et le troisième lundi d'octobre est sûrement un très mauvais
lundi pour la tenue d'élections, d'autant plus qu'au Québec, cela
coïnciderait avec la campagne électorale pour les élections
municipales qui ont lieu le premier dimanche de novembre. Cela
nous poserait sûrement un problème que les élections fédérales
soient à date fixe pour le mois d'octobre parce que nous serions en
conflit d'intérêts.
Il faudrait que le comité prenne le temps de regarder ce qui se
passe dans chacune des provinces, pour choisir une date qui
conviendrait. Quand on s'en va vers des jours qui allongent, quand
on s'en va vers l'équinoxe d'été, c'est beaucoup plus intéressant de
penser tenir des élections avec du beau temps, des journées plus
longues, de la chaleur. C'est beaucoup plus facile pour faire du
porte-à-porte que de choisir une date comme celle du mois
d'octobre où on s'en va vers des jours courts, des jours pluvieux,
peut-être des tempêtes de neige qui risqueraient de nous poser des
problèmes.
Une voix: À moins qu'on ne soit plus là.
Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Si le Bloc n'est
plus là, il est bien évident que le Canada pourra faire ce qu'il veut en
ce qui concerne la date de ses élections. À ce moment-là, il pourra
décider pour le troisième lundi d'octobre et cela ne sera pas en
conflit avec nos élections municipales.
Il y a aussi un élément dans le projet de loi qui, pour moi, même si
nous sommes favorables au principe, il y a sûrement intérêt à
l'étudier en comité, c'est le problème des élections partielles qui
seraient déclenchées. On met des dates également pour les élections
partielles.
Qu'arriverait-il dans le cas où il y a un gouvernement minoritaire
et qu'on est dans l'impossibilité de former un gouvernement?
Donner des pouvoirs au gouverneur général, personnellement, ça ne
me tente pas du tout. C'est un poste qu'on veut plutôt faire abolir,
dans l'optique du Bloc, plutôt que d'augmenter ses pouvoirs. Il y
aurait sûrement beaucoup de choses à regarder dans ce projet de loi,
bien que le principe soit intéressant pour l'ensemble de la
population.
En démocratie, finalement, il est beaucoup plus clair pour les
gens de savoir exactement à quoi s'en tenir, d'autant plus que
maintenant ce sera beaucoup plus facile. Nous aurons une liste
9964
électorale permanente. Si on avait une date fixe pour les élections,
la démocratie serait mieux servie, elle se vivrait beaucoup mieux.
Cela éviterait aussi des abus ou des irrégularités, des pratiques
douteuses ou des allégations de pratiques douteuses, comme celles
qui ont été portées quelquefois contre des personnes qui abusaient
du pouvoir.
(1125)
Ce ne s'est pas vu seulement sous les conservateurs, cela s'est
déjà produit sous les libéraux. Il est intéressant de noter que la
population n'est pas dupe de ces gouvernements qui s'attachent au
pouvoir, parce que, règle générale, les gouvernements qui sont
restés presque cinq ans en fonction ont généralement été défaits lors
des élections subséquentes.
Un autre problème qui pourrait se produire avec des élections à
date fixe, c'est le problème d'un vote de méfiance à l'égard du
gouvernement.
Monsieur le Président, vous me faites signe que je dois clore le
sujet, donc, comme je vous le disais, nous sommes d'accord avec le
principe, mais le projet de loi mériterait un examen sérieux au
comité.
[Traduction]
M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président,
j'accorde mon appui au projet de loi C-250 présenté par mon
collègue, le député de Kindersley-Lloydminster. Le projet de loi
propose la tenue d'élections générales à intervalles fixes. Cette
année, les élections auraient lieu le 20 octobre et, par la suite, le
troisième lundi d'octobre tous les quatre ans.
Au début de son intervention, le député de
Kindersley-Lloydminster a déclaré que: «en plus des autres
mesures de réforme démocratique qu'il a proposées, comme la
révocation, la tenue de référendums et les initiatives des citoyens, le
Parti réformiste entendait relever le niveau de responsabilité, de
représentativité et d'équité du système politique canadien». Ces
trois choses justifient à elles seules la tenue d'élections a intervalle
fixe.
Je parlerai d'abord de la représentation. Je suis convaincu du
bien-fondé de ce projet de loi, qui fait d'ailleurs partie du
programme du Parti réformiste. Lorsque j'ai fait campagne en 1993,
j'avais l'impression que quelque chose n'allait pas dans notre
système politique, parce qu'il permet au premier ministre et à
quelques stratèges de déclencher les élections quand bon leur
semble, secrètement, derrière des portes closes. Ce n'est
certainement pas rendre service à la population canadienne. Le
système actuel empêche de nombreux Canadiens qui le voudraient
de poser leur candidature aux élections et de participer au processus
politique.
Parmi les raisons invoquées pour ne pas se porter candidats, on
note le choix d'une date inappropriée, le manque de temps pour se
préparer à entrer dans la vie publique, le manque de temps pour
lever des fonds et le manque de temps pour se faire connaître de la
population. La tenue d'élections à intervalle fixe résoudrait ces
problèmes. Elle permettrait à un plus grand nombre de personnes, et
notamment des femmes, d'envisager de poser leur candidature. Les
gens se plaignent du fait qu'il n'y a pas assez de femmes en
politique, que leur proportion n'est pas de 50 p. 100, que le nombre
de représentants femmes et hommes n'est pas équilibré.
La raison est qu'il n'est pas possible de planifier. Si les femmes
savaient que des élections avaient lieu tous les quatre ans, le
troisième lundi d'octobre, la planification familiale serait beaucoup
plus facile. Dans un couple, l'homme et la femme pourraient, après
une élection, décider lequel des deux devrait se présenter la fois
suivante. Les gens seraient plus nombreux à se présenter et nous
aurions affaire à des candidats mieux qualifiés. Les gens
respecteraient davantage les politiciens.
Le député de Kindersley-Lloydminster a parlé de
responsabilité. Les politiciens qui seraient élus en sachant que c'est
pour quatre ans, seraient plus soucieux d'assumer leurs
responsabilités, notamment de représenter leurs électeurs. Ils
feraient de leur mieux et laisseraient les faits parler d'eux-mêmes.
Ils n'auraient pas à attendre que le premier ministre fasse adopter
certains projets de loi à toute vitesse la veille d'une élection pour
améliorer leur image ou leur place dans les sondages. Ils n'auraient
pas à attendre que le premier ministre fasse des cadeaux pour
combler des lacunes et renforcer leur position.
Ce projet de loi et des élections à date fixe tous les quatre ans
conféreraient une plus grande stabilité au système politique. Ne pas
savoir quand une élection aura lieu crée des doutes et alimente les
spéculations quant à la date de leur déclenchement. Cela a pour
résultat de détourner l'attention des questions d'actualité.
(1130)
Voici près de quatre ans que je suis ici et je n'ai pas lu grand chose
au sujet de la dette à laquelle ce pays est confronté. Je n'ai pas lu
grand chose au sujet de l'augmentation du coût du service de la
dette. Tout ce que j'ai entendu dire, c'est que les taux d'intérêt sont
plus bas que jamais et que le gouvernement a fait du très bon travail.
L'économie canadienne n'est pas aussi forte que le ministre des
Finances et le premier ministre voudraient nous le faire croire. Le
danger là-dedans est que le problème réel qui se pose à ce pays n'est
pas abordé. Je crois que si les politiques savaient quand les élections
doivent avoir lieu, ils seraient plus enclins à trouver et à régler les
problèmes du pays plutôt que de parler des enjeux qui moussent la
popularité du parti et de ses représentants.
Je crois que le Canada est en retard sur son temps. Nous sommes
l'un des rares pays à n'avoir pas une d'élections à date fixe. Des
élections à date fixe sont plus faciles à planifier. Le grand public est
ainsi plus en mesure de juger ou d'évaluer un parti ou un
gouvernement quant à ses véritables objectifs.
Nous en avons eu un exemple, la semaine dernière, parce que le
gouvernement libéral a conclu plus d'affaires et en a fait davantage
9965
en dix jours qu'il n'en a fait au cours des trois premières années.
Même le premier ministre Bouchard a dit que le transfert de la
formation de la main-d'oeuvre n'est rien de plus qu'une manigance
pré-électorale. Il doit signer l'entente aujourd'hui. Il a dit aussi qu'il
devait la signer, en tant que premier ministre provincial, parce qu'il
est responsable envers les chômeurs de sa province et qu'il croit
qu'assumer cette responsabilité aidera à créer plus d'emplois. Je
suis d'accord avec lui là-dessus.
Toutes les provinces devraient avoir la responsabilité de la
formation de la main-d'oeuvre, plutôt que le gouvernement fédéral.
Pourquoi a-t-il fallu trois ans et demi pour que cela arrive?
Comment se fait-il qu'il ait fallu alors pas moins de cinq jours de
pressions politiques?
Une autre manigance pré-électorale, c'est la loi anti-gang
concernant le Québec. Ce n'est pas moi qui le dis. Les députés du
Bloc l'ont signalé, ainsi que le premier ministre du Québec.
Cela tourne en dérision notre régime politique. Le gouvernement
a la mainmise sur les affaires du pays et abuse de la confiance de la
population, qui ne se doute de rien. En général, les Canadiens font
assez confiance à leur gouvernement. Ils présument que leur
gouvernement va réaliser les promesses qui l'ont porté au pouvoir.
Nous avons été profondément déçus des deux gouvernements
conservateurs. Lorsque les libéraux étaient dans l'opposition,
lorsqu'ils tentaient de gagner la confiance des Canadiens, le 20
janvier 1993, le premier ministre a déclaré, en parlant des
Canadiens, que ceux-ci en avaient assez des abus du Parlement et de
l'arrogance du gouvernement.
Il me faudrait 30 minutes de plus pour parler des abus que le parti
maintenant au pouvoir décriait tant lorsqu'il était dans l'opposition
et dont il est maintenant coupable. Permettez-moi de citer quelques
cas d'abus, notamment les comités parlementaires, le vote libre, les
promesses de création d'emplois, l'aéroport Pearson, Airbus, la
Somalie, l'affaire Krever, l'attribution de pouvoirs, la promesse non
tenue concernant la TPS et les nombreuses promesses non
respectées dans tous ces dossiers où les libéraux avaient promis de
prendre des mesures une fois élus et dans lesquels ils ont souvent
fait tout le contraire.
J'espère que la population canadienne en a assez de tout cela.
J'espère qu'elle va commencer à récompenser l'honnêteté au lieu
des fausses représentations, la franchise en politique au lieu de
l'image.
Cet homme a aussi affirmé que la population canadienne méritait
un bon gouvernement. Il a parlé des abus du Parlement, mais son
gouvernement en a commis bien davantage, et il est encore plus
arrogant, que les gouvernements conservateurs. Songez seulement à
l'arrogance d'un premier ministre qui affirme: «Si vous ne pouvez
pas trouver un emploi, déménagez.» C'est assez arrogant.
Nous devrions tenir compte de cette l'arrogance du premier
ministre.
(1135)
Nous sommes habituellement ici pour cinq ans et, aux environs
de la quatrième année, le gouvernement commence la distribution
de cadeaux en prévision des élections. Cela ne fait que trois ans et
demi. Je me demande ce que le gouvernement nous cache. Il nous
cache quelque chose sur la Somalie. Il nous cache quelque chose à
propos de la commission Krever. Il nous cache des tas de choses. Il
nous cache quelque chose sur l'aéroport Pearson. Quoi qu'il fasse, il
cache quelque chose. Que nous cache-t-il sur l'économie? Que
sait-il que nous ignorons et qui le pousse à déclencher les élections
après seulement trois ans et demi?
C'est ce même premier ministre qui nous a dit qu'en politique,
tout était une question de perception. Le gouvernement essaie-t-il
de créer la perception que tout est merveilleux, avec l'espoir que
lorsque les Canadiens iront voter, ils ne se réveilleront pas. Les
candidats réformistes le diront. Je le dirai. J'espère que les
Canadiens se réveilleront et demanderont davantage des politiciens,
réclameront un peu plus d'honnêteté et de sincérité en politique, et
récompenseront les gens qui disent la vérité, les gens qui ont tenu
leurs promesses, les gens qui sont en faveur d'élections à date fixe,
tous les quatre ans, proposition sur laquelle nous allons voter
aujourd'hui.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
je suis heureux de pouvoir prendre la parole, aujourd'hui, pour
parler quelques minutes du projet de loi de mon collègue de
Kindersley-Lloydminster sur la tenue d'élections à date fixe.
J'ai promis à un de mes électeurs qui a la passion de ce genre de
sujet que je mentionnerais les conséquences négatives d'une date
fixe, et c'est ce que je vais faire.
Il prétend que si nous avons les élections à date fixe, il y aura un
ralentissement de l'économie six, neuf ou douze mois avant les
élections, parce que ceux qui prennent les décisions en matière
d'investissement attendront de connaître les résultats des élections
avant d'agir.
Il pense également que cela n'empêcherait pas le gouvernement
de jouer le jeu politique. Sachant que les élections seront à une
certaine date, il retarderait ses initiatives et ses projets spéciaux
jusqu'aux mois précédant l'élection, ce qui fait qu'il serait encore
capable de manipuler le programme pour répondre à ses intérêts.
Ces arguments semblent se défendre si l'on en juge par les
élections d'octobre dernier en Nouvelle-Zélande. Il y a quelques
années, la Nouvelle-Zélande a adopté une loi exigeant du
gouvernement qu'il donne à la population un préavis de six mois
pour les élections. Les élections sont donc annoncées six mois avant
la date. Pendant cette période le gouvernement est tenu de publier
les comptes publics. Soit dit en passant, on utilise pour cela des
pratiques comptables courantes, par conséquent, n'importe qui peut
en déduire l'état de l'économie, ce n'est pas comme les chiffres
manipulés que nous avons tendance à avoir ici.
9966
Du fait de toute cette information rendue publique à ce
moment-là, il s'établit un certain climat d'incertitude. Il y a eu un
net ralentissement de l'économie de la Nouvelle-Zélande durant
cette période de six mois. Le nombre d'emplois annoncés a baissé,
les sommes réinvesties ont été moindres et le cours du dollar
néo-zélandais a légèrement fléchi également.
Il y a bien eu reprise après les élections. Il y a eu relance de
l'économie et tout à coup, la situation de l'emploi s'est nettement
améliorée. La semaine dernière, il y avait 22 pages et demie
d'annonces dans un des journaux locaux pour des emplois à
Auckland seulement. On a assisté à une forte reprise dans tous les
domaines tout de suite après les élections, mais le fait est que ce que
mon électeur m'a signalé semble s'être produit en
Nouvelle-Zélande.
Il s'agit alors de savoir, lorsqu'on examine la situation dans son
ensemble, si les avantages de la tenue d'élections à date fixe sont
supérieurs aux inconvénients qu'il pourrait y avoir à ce qu'on
connaisse cette date à l'avance. Selon moi, c'est le cas, car en fin de
compte, la certitude est toujours préférable à l'incertitude pour
l'économie. Il se peut que l'exemple néo-zélandais soit un cas isolé,
car aux États-Unis, les élections sont à date fixe. On sait lorsque les
choses vont se produire et rien ne semble indiquer que cela a des
répercussions majeures sur l'économie, qu'il y a un ralentissement
ou une accélération de l'activité économique en fonction de la tenue
des élections à une date fixe.
L'expérience que mon électeur a portée à mon attention était
peut-être exceptionnelle. À mesure que les gens s'habituent à un
nouveau système dans lequel ils connaissent la date des élections,
ce facteur perdra de son importance. Lorsqu'on examine le pour et
le contre des deux solutions, je crois que la tenue d'élections à date
fixe est quand même préférable car elle donne aux entreprises une
certaine certitude puisqu'elles savent à quelle date les élections
vont avoir lieu et elles peuvent alors aller de l'avant avec leurs
projets.
Cela leur donne également aux groupes de pression et aux
électeurs la possibilité de poursuivre leurs projets, les efforts
politiques ou les campagnes de persuasion nécessaires en fonction
de cette date.
(1140)
Comme je lui ai promis, j'ai fait part du point de vue de mon
électeur à la Chambre aujourd'hui. En fin de compte, je
recommande à mes collègues de se prononcer en faveur de ce projet
de loi car la grande majorité des discours à ce sujet montrent bien
que cela serait extrêmement avantageux pour les Canadiens.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le
Président, au passage, je tiens à remercier mon collègue de
Calgary-Centre qui quittera son siège à la Chambre après la tenue
des prochaines élections. Je tiens également à le féliciter pour avoir
proposé plusieurs bonnes idées et, de façon générale, élevé le débat
dans cette enceinte, au cours de toutes ces années. Je suis persuadé
que, de retour dans le secteur privé, il sera tout aussi heureux en
affaires qu'il l'a été avant de venir ici.
Je vais parler en faveur du projet de loi C-250 qu'a proposé mon
collègue de Kindersley-Lloydminstrer. Il conviendra sûrement
avec moi que cette mesure législative porte essentiellement sur la
responsabilité dont il a fait état dans son communiqué. La
responsabilité est un élément éminemment important de nos jours.
Une des choses que j'ai trouvées quelque peu préoccupantes en
consultant un récent sondage, c'est de constater le rang que les
politiciens occupent, aux yeux de la population canadienne, par
rapport aux autres professions. Au premier rang il y avait les
enseignants, les infirmières, les médecins et d'autres professions du
genre. Venaient ensuite les gens d'affaires et le clergé qui occupent
un rang très élevé, puis les journalistes. Loin derrière eux figuraient
les avocats. Tout juste au-dessus des marchands d'armes se
trouvaient les politiciens. D'aucuns y trouveront matière à
plaisanterie mais, pour ma part, cela m'attriste beaucoup, car les
politiciens sont censés être la crème de la crème et représenter ce
qu'il y a de mieux au sein de la population canadienne. Or, pour
nombre de raisons, la population ne fait plus confiance aux
politiciens.
J'ajouterai que l'une des principales raisons à cela, c'est que le
gouvernement a usurpé tant de pouvoirs au fil des ans que la
population est très sceptique quand le premier ministre et le
gouvernement parlent de consulter davantage les Canadiens à
propos de tel ou tel dossier.
Ce projet de loi donne au gouvernement une occasion de se
racheter. Le projet de loi C-250 permettrait à la population de savoir
exactement à quelle date des élections seraient tenues et enlèverait
du pouvoir au gouvernement. C'est une très bonne chose.
La semaine dernière, j'étais en Saskatchewan, province d'origine
du député de Kindersley-Lloydminster. Il sera candidat dans une
nouvelle circonscription appelée Saskatoon-Rosetown Biggar.
J'ai grandi à Rosetown. Nous étions dans cette région à nous
entretenir avec diverses personnes. Que ce soit à Rosetown, Milden,
Biggar, Perdue, Fiske, D'Arcy, McGee ou n'importe où ailleurs, la
population désire vivement bénéficier d'une bonne représentation
et disposer d'un moyen pour obliger le gouvernement à rendre des
comptes.
Le député est un excellent homme. Il possède d'innombrables
qualités. Malheureusement, aux yeux de la plupart des députés,
toutes les bonnes qualités que possèdent bon nombre d'entre eux ne
sont pas mises à profit, car le système ne permet tout simplement
pas aux politiciens de représenter leurs électeurs dans tous les cas.
Je m'explique.
Lorsque nous allons voter plus tard aujourd'hui, le vote sera
censé être libre. Je sais que beaucoup de députés admettent que le
projet de loi comporte de bons aspects. Il est logique de tenir des
élections à une date fixe tous les quatre ans, pour les raisons que mes
collègues ont soulignées. Cela tombe sous le sens. Qui veut que les
règles du jeu penchent en faveur du gouvernement? C'est contraire
à la perception de franc-jeu qu'ont la majeure partie des gens.
Les Canadiens et la plupart des députés savent que ce projet de loi
est très sensé, mais je m'attends à ce que leurs attentes soient déçues
plus tard aujourd'hui, lorsque le gouvernement ordonnera aux mi-
9967
nistériels de voter contre. C'est déplorable, car ce projet de loi a
énormément de bon sens.
Il est vraiment ironique que les ministériels voteront
indubitablement contre un projet de loi qui traite d'une question
aussi importante que la responsabilisation. C'est malheureux. Le
projet de loi C-250 est très bien conçu. En examinant ce que mon
ami le député de Kindersley-Lloydminster y propose, nous nous
rendons compte qu'il a songé à tous les problèmes que pourrait
poser la tenue d'élections à date fixe. Il s'est penché sur le cas d'un
gouvernement minoritaire et certaines autres points soulevés par les
députés.
(1145)
Voilà une preuve que les députés de tous les partis représentés à la
Chambre doivent contribuer plus activement à décider ce qui
constitue une bonne mesure législative. L'étude des initiatives
parlementaires devrait occuper une plus grande place. Nous
comptons parmi nous un grand nombre de personnes talentueuses,
qui ont de bonnes idées à soumettre à la Chambre. Je signale en
passant que ce concept fait partie de la politique réformiste, qui
préconise depuis longtemps la tenue d'élections à dates fixes.
La raison d'être des initiatives parlementaires est justement de
recueillir les meilleures idées, d'où qu'elles viennent, même celles
de mon ami qui représente une circonscription rurale de la
Saskatchewan. Je ne crois pas que cela doive empêcher de tels
projets de loi de devenir loi. Celui-ci nous propose tout plein de
bonnes idées.
Il est très frustrant de voir de bonnes idées comme celle-ci, qui
sont le fruit de beaucoup de travail, en arriver jusqu'ici pour être
rejetées parce que le gouvernement ne veut pas perdre son emprise.
Comme mon ami le député de Fraser Valley-Est l'a dit, c'est ce dont
il s'agit. Le gouvernement a bien trop peur de décentraliser le
moindrement ses pouvoirs.
Le pouvoir est une chose étrange, qui existe en quantité fixe et
limitée. Plus le gouvernement en a, moins le reste d'entre nous en
avons. C'est ce que nous voulons corriger dans une certaine mesure
au moyen du projet de loi C-250, qui éliminerait le pouvoir du
gouvernement de fixer une date d'élections à sa convenance,
autrement dit selon ses chances d'être réélu.
Le député de Calgary-Centre a fait valoir un excellent argument.
Il est d'avis que nous consacrons énormément de temps à l'étude de
la stratégie. Il y a de nombreux articles dans les journaux sur la
façon dont le gouvernement va choisir la date qui lui est la plus
favorable.
Il n'y a pas si longtemps, dans la revue Atlantic Monthly, j'ai lu
un article de James Fallow, qui a réalisé une étude sur le fait que les
médias centrent l'attention sur la stratégie. On utilise plusieurs
tonnes de papier seulement pour prédire le moment où le
gouvernement utilisera son pouvoir de déclencher des élections,
afin de se maintenir en place. C'est regrettable, car ce n'est pas cette
stratégie qui devrait retenir l'attention.
Nous devrions débattre des questions telles que la dette qui
dépasse les 600 milliards de dollars ou les 37 hausses d'impôts que
le gouvernement a décrétées depuis trois ans et demi. Nous devrions
discuter du fait que le revenu disponible de la famille moyenne a
subi une baisse de plus de 3 000 $ depuis que les libéraux forment
le gouvernement. Voilà les questions qui devraient être analysées
dans les médias. Je n'approuve pas le fait que l'on consacre tant
d'articles dans les journaux et tant de programmes dans les médias à
la stratégie qu'emploie le gouvernement à l'égard de son pouvoir de
déclencher des élections au moment qu'il juge opportun.
Je termine simplement en disant que j'appuie le projet de loi
parce qu'il redonne le pouvoir aux Canadiens, conformément à un
principe auquel le Parti réformiste croit fermement.
M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): Monsieur le
Président, je suis certainement d'accord que cette question mérite
qu'on en discute. Il y a lieu de féliciter le député réformiste qui a
déposé ce projet de loi.
J'ai écouté le débat. Certains députés critiquent une institution
qu'ils comprennent mal, la Chambre des communes. Ils ne tiennent
pas compte de la perspective historique, à savoir que le Parlement
est une vieille institution qui a évolué avec le temps. Les
changements sont nécessaires et il se produit des changements au
Parlement, même si ceux-ci ne se font pas toujours de la façon ou
avec la rapidité souhaitée. Il n'en demeure pas moins que, depuis
mille ans que l'institution parlementaire existe, des changements se
sont produits.
(1150)
Je ne suis pas nécessairement contre l'idée de tenir des élections
à date fixe. Cela se fait aux États-Unis. . .
Le vice-président: Je regrette d'interrompre le député, mais la
période consacrée au débat est écoulée.
M. Hermanson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
J'aimerais prendre une minute avant que l'on passe aux Initiatives
ministérielles pour remercier tous les députés qui ont pris la parole
relativement à ce projet de loi. Un bon nombre d'entre eux se sont
prononcés en faveur de cette mesure et je leur en sais gré. Je veux
aussi remercier les Canadiens qui ont exprimé leur soutien.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion
veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien
dire non.
Des voix: Non.
Le vice-président: À mon avis les non l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
9968
Le vice-président: Convoquez les députés.
Après l'appel du timbre:
Le vice-président: Je crois savoir qu'il y a consentement
unanime pour reporter le vote à la fin des Initiatives ministérielles
d'aujourd'hui. Êtes-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
M. Kilger: Monsieur le Président, pourrions-nous suspendre la
séance jusqu'à midi?
Le vice-président: Consent-on à l'unanimité à suspendre la
séance jusqu'à midi?
Des voix: D'accord.
(La séance est suspendue à 11 h 52.)
_______________
La séance reprend à 12 h 02.
9968
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Traduction]
La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-93, Loi portant
exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement
le 18 février 1997, dont le comité a fait rapport sans propositions
d'amendement.
L'hon. Lucienne Robillard (au nom du ministre des Finances)
propose: Que le projet de loi soit agréé et lu pour la deuxième fois.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion
veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien
dire non.
Des voix: Non.
Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le vice-président: Convoquez les députés.
Après l'appel du timbre:
Le vice-président: Le vote inscrit sur la motion est différé
jusqu'après les initiatives ministérielles aujourd'hui.
* * *
[
Français]
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 18 avril, de la
motion: Que le projet de loi C-95, Loi modifiant le Code criminel
(gangs) et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième
fois et renvoyé au comité plénier.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Avec dissidence.
(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième
fois et la Chambre se forme en comité plénier, sous la présidence de
M. Kilgour.)
[Traduction]
L'article 1
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le président, par
l'entremise du comité plénier et au moyen des questions que nous
voulons poser au ministre, nous devons absolument déterminer la
constitutionnalité et le caractère exécutoire du projet de loi et veiller
à ce que cet article et l'article connexe qu'il crée, celui qui traite des
activités de gangstérisme et des infractions, ne soient pas vides de
sens, mais qu'ils soient plutôt exécutoires. J'ai certaines réserves
quant à la formulation de cet article et le ministre pourra peut-être
m'éclairer.
(1210)
Le premier article du projet de loi donne au mot «gang» la
définition suivante: groupe, association ou autre organisation.
Toutefois, l'expression «groupe, association ou autre organisation»
n'est définie ni dans le projet de loi, ni ailleurs dans le Code
criminel, si je ne m'abuse. Le ministre pourrait-il expliquer au
comité ce qu'il entend par l'expression «groupe, association ou
autre organisation» qui figure dans le projet de loi? Qu'entendait-il
par cette expression lorsqu'il l'a insérée dans la mesure législative?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le président, nous voulions
utiliser les définitions que donne le dictionnaire pour les termes
«groupe, association ou autre organisation». Nous n'avons pas cru
nécessaire de définir ces termes. Nous voulions qu'ils aient leur
définition régulière. Nous avons ajouté l'expression «constitué de
façon formelle ou non», afin de ne pas avoir besoin de cartes de
membre ou de constitution écrite pour déterminer si un groupe ou
une organisation correspond à cette définition.
À la lumière de nos discussions avec les autorités policières et
d'autres intervenants, nous sommes conscients du fait que le crime
9969
organisé prend diverses formes au Canada. On le retrouve parfois
sous la forme d'un gang de motards. Parfois, il est beaucoup moins
visible, comme dans le cas de la criminalité chez les cols blancs ou
dans le monde des affaires. Étant donné les infractions que nous
visions, nous en sommes venus à la conclusion que l'expression
«groupe, association ou autre organisation» suffisait à englober
toutes les formes du crime organisé tout en donnant une définition
équilibrée du concept.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
président, je conviens avec le ministre que la définition est assez
large pour englober les groupes qu'il veut cibler tels que les gangs
de motards qui ont probablement suscité la présentation de ce projet
de loi. Comment le ministre va-t-il s'assurer que la définition
n'englobe pas d'autres groupes qui sont officiellement ou
officieusement organisés? C'est une définition plutôt large.
Comment s'assurer que quelqu'un qui aime prendre une bière au
club de moto ne sera pas assimilé aux motards? Il risque d'être
coupable par association, ce que le ministre ne souhaite sûrement
pas.
M. Rock: Monsieur le président, il s'agit ici d'une définition et
non de la création d'un délit. Pour être visé par la définition, il
faudrait qu'un groupe soit une organisation dont l'une des
principales activités consiste à commettre des actes criminels
passibles d'un emprisonnement d'au moins cinq années et dont les
membres ou certains d'entre eux ont participé dans les cinq
dernières années à la commission d'une série de tels actes
criminels.
Nous ne parlons pas d'organisations inoffensives. Ces derniers
jours, j'ai entendu dire que cette définition risque d'englober des
groupes bien intentionnés comme des groupes environnementaux
ou des manifestants d'un mouvement ouvrier qui, pour bien faire
valoir un point, peuvent violer la loi dans un acte de désobéissance
civile.
L'article relatif à la définition ne crée aucun délit. Il ne fait que
définir ce qu'est une organisation criminelle, à savoir: un groupe
dont l'un des premiers buts est de commettre des actes criminels
graves et dont les membres ou certains d'entre eux ont commis de
tels actes dans les cinq dernières années. Il n'est pas question d'un
club de couture ou d'un groupe environnemental qui tient une
manifestation contre la politique gouvernementale. Nous parlons de
gens qui se consacrent à la criminalité et qui se sont constitués en
groupe à cette fin.
M. Ramsay: Monsieur le président, je voudrais savoir si la
définition englobe des groupes comme le FLQ?
(1215)
M. Rock: Encore une fois, il est difficile de savoir ce qu'est au
juste le FLQ. Si le FLQ ou un autre groupe satisfait aux critères de la
définition, il serait alors visé. S'il s'agit d'un groupe qui est voué à
la perpétration d'infractions criminelles graves, dont l'une des
principales activités consiste à commettre pareilles infractions et
dont certains de ses membres ont commis ce type d'infractions au
cours des cinq dernières années, le groupe serait alors visé par la
définition.
Il ne faut pas oublier que la définition ne crée pas une infraction.
Elle s'inscrit simplement dans une structure qui donne aux policiers
enquêteurs accès à certaines méthodes dont ils ne pourraient se
prévaloir autrement. Elle crée une structure concernant les peines
infligées à ceux qui sont trouvés coupables d'infractions perpétrées
au profit ou sous la direction de tels gangs.
M. Ramsay: Monsieur le Président, qu'entend-on par
«principales activités» à l'alinéa a)? Je cite: «[. . .] l'une des
principales activités consiste à commettre des actes criminels
[. . .]» Qu'entend-on par «principales activités»? Qu'entent-on par
cela? Puis l'alinéa se poursuit: «[. . .] à commettre des actes
criminels [. . .]» Faut-il entendre par là que, pour qu'une
organisation soit reconnue comme une organisation criminelle, elle
doit avoir commis des actes criminels et en avoir été reconnue?
Peut-être pourrions-nous régler une question à la fois. Le
ministre pourrait-il préciser au comité ce qu'il faut entendre par
principales activités?
Nous pourrions revenir au chiffre cinq qui constitue le nombre
minimal pour qu'une organisation soit considérée comme
criminelle. Pourquoi avoir choisi le chiffre cinq? Qu'arrive-t-il si un
des cinq membres meurt? La bande serait-elle toujours considérée
comme une organisation criminelle? Qu'arrive-t-il si l'un d'eux est
envoyé en prison? Pourquoi a-t-on choisi le chiffre cinq? Après
avoir obtenu une réponse à cette question, j'en poserai deux autres
relativement à l'alinéa 1a).
M. Rock: Ce sont de bonnes questions.
Je répondrai d'abord à question qui porte le nombre de cinq.
Quand nous avons commencé à examiner la question et à rédiger le
projet de loi, nous avons cherché à savoir ce qui se faisait dans les
autres pays en ce qui concerne le crime organisé. La solution
adoptée par certains pays ne nous convenait pas à cause de leurs
traditions constitutionnelles et judiciaires.
Certains États américains ont établi d'utiles précédents en
définissant un gang comme une organisation criminelle composée
de trois, voire de cinq membres. Nous nous sommes donc penchés
sur la question et avons déterminé qu'il fallait choisir un chiffre
donné.
C'est arbitraire, je l'admets. Nous aurions pu choisir le chiffre
trois, mais nous avons jeté notre dévolu sur cinq. À un moment
donné, j'ai envisagé la possibilité de faire inscrire deux ou plus. Or,
si le nombre avait été fixé à deux, un couple engagé dans une série
d'actes criminels aurait pu être déclaré constituer un gang, une
organisation criminelle. Ce n'était pas le but visé.
Nous avons fixé le nombre à cinq parce que c'était, j'imagine, un
moyen terme raisonnable, parce que nous voulions que le nombre
soit suffisant pour constituer un groupe sans être trop petit, de
manière à inclure un couple ou un couple et un ami, ni trop élevé, de
manière à permettre facilement la création de sous-groupes pour
échapper à la définition. Le chiffre de cinq a été choisi parce que
9970
nous voulions englober les associations entre personnes en excluant
les très petits groupes fondés sur des liens d'amitié. Il s'agissait de
trouver la masse critique sans que le nombre soit trop élevé, ce qui
rendrait la mesure inapplicable.
La deuxième question du député portait sur l'expression
«principales activités». Nous n'avons pas défini cette expression.
Nous nous contenterons de la définition du dictionnaire.
Nous nous attendons à ce que les tribunaux exigent qu'un
procureur établisse hors de tout doute que l'une des principales
activités d'un groupe donné consiste à commettre des actes
criminels graves, ce qui ne sera pas facile. Le procureur devra
produire des éléments de preuve faisant état d'un passé criminel, de
déclarations ou de situations qui ont amené des tribunaux à conclure
que, selon une définition généralement acceptable de l'expression,
une des véritables raisons d'existence du groupe, un de ses objectifs
fondamentaux, une de ses grandes occupations et une de ses raisons
d'être consiste à commettre des actes criminels graves.
(1220)
Un groupe de motards pourrait prétendre, par exemple, que sa
raison d'être, c'est de circuler à motocyclette et de discuter de
puissance de moteurs et de performances. C'est là une activité
principale. Cependant, le procureur pourrait inviter le juge à
conclure qu'une autre de ses activités principales consiste à
commettre des crimes en lui présentant des éléments de preuve en
ce sens. Dans chaque cas, ce sera au tribunal de juger, en se fondant
sur le bon sens et sur la preuve présentée, que la perpétration d'actes
criminels est une des principales activités du gang.
La troisième question qui m'a été posée par le député concerne la
nécessité d'établir officiellement la culpabilité afin de satisfaire aux
éléments de la définition, plus précisément à celui qui dit que les
membres du gang ou certains d'entre eux ont commis, au cours des
cinq dernières années, une série d'actes criminels. Nous avons parlé
de commettre des actes criminels au lieu de parler de culpabilité
afin qu'il ne soit pas nécessaire de produire un certificat de
déclaration de culpabilité.
Toutefois, dans chaque cas, il incombera au procureur de la
Couronne d'établir la preuve que de tels actes criminels ont été
commis pour satisfaire à la définition. Cela ne sera pas facile non
plus. La Couronne devra établir la preuve, preuves à l'appui, à la
satisfaction du tribunal-et nous parlons ici d'actes
criminels-hors de tout doute raisonnable, que ces gens ont
effectivement commis de telles infractions graves au cours de la
période pertinente. Ce ne sera pas facile de satisfaire à cette
définition.
C'est pourquoi, lorsque les gens me demandent si le filet n'est
pas trop grand et si nous ne risquons pas de prendre, même si le but
recherché est bon, des gens qui ne sont pas si méchants et que nous
n'avions pas l'intention de prendre mais qui pourraient commettre
des actes de désobéissance civile, je peux leur répondre avec
confiance que je ne crois pas que ce soit le cas.
Ce que nous créons ici est un obstacle de taille pour la Couronne
dans ce genre de cas exceptionnel, qui porte sur le gangstérisme;
nous devons, pour satisfaire aux divers éléments de la définition,
établir la preuve que le gang se compose d'au moins cinq personnes,
que la perpétration d'actes criminels est une des ses principales
activités et que ses membres ont commis une série d'actes criminels
graves.
M. Ramsay: Monsieur le Président, le ministre n'a pas répondu à
la question au sujet du gang et du nombre cinq. Que se passera-t-il si
un groupe ne correspond plus à cette définition parce qu'il ne
compte plus que quatre membres? Les gangs ne seront-ils pas tentés
de se fractionner en cellules de moins de cinq membres pour
pouvoir poursuivre leur infâme activité?
Il est regrettable que nous n'ayons pas entendu de témoins des
deux camps parler de la proposition. Ils auraient pu ainsi mettre à
jour des lacunes dans le projet de loi. Le ministre pourrait-il nous
donner un exemple de la façon dont un groupe serait reconnu
comme gang? Comment cela se ferait-il? Faudrait-il attendre qu'un
de ses membres soit arrêté ou condamné pour une infraction
criminelle, pour ensuite condamner avec lui ses quatre associés?
Comment ferait-on? Une fois qu'un gang, les Hell's Angels ou
autre, est réputé criminel, le sera-t-il indéfiniment? Est-ce que ce
serait la même chose pour un groupe criminel comptant cinq
membres?
Je voudrais que le ministre se penche sur ces points qui mettent
en évidence des problèmes très sérieux. Ils remettent en cause
l'applicabilité même de la définition de gang. Cette définition est
tellement nébuleuse que les tribunaux pourraient bien ne jamais
pouvoir déclarer un gang comme tel.
(1225)
Le président: Comme il s'agit d'une procédure inhabituelle, le
député voudra peut-être examiner les articles 100, 101, 102 et 103
du Règlement, qui concernent les amendements présentés en comité
plénier.
M. Rock: Monsieur le président, il faut se rappeler que l'idée
n'est pas de trouver des solutions à l'existence de groupes
marginaux, qui réunissent peut-être trois ou quatre petits criminels.
L'idée, c'est qu'il faut donner les moyens à la police de réunir les
preuves dont elle a besoin à l'égard des organisations qui
représentent un gros danger pour la collectivité et qui commettent
régulièrement des infractions graves d'un bout à l'autre du pays.
Le député me demande ce qu'il arriverait si un groupe se divisait
en cellules de quatre personnes pour échapper à la définition stricte.
À mon avis, si une telle chose se produisait, le tribunal pourrait ne
pas tenir compte de cette division artificielle d'un groupe plus
important et ne permettrait pas qu'une ruse ou un artifice de la sorte
vienne empêcher l'application de cette loi.
9971
Par exemple, si un gang de motards connu et actif dans le monde
entier crée des sous-groupes de quatre membres et leur donne des
noms différents, cela ne les protégera pas de cette loi. Le tribunal
pourrait s'en tenir aux faits, derrière cette façade, pour conclure que
ces quatre membres font partie d'une association ou d'un groupe
plus important et pourrait appliquer la loi.
Prenons maintenant la question du député dans son sens plus
large, soit la façon dont cette loi fonctionne. Elle fonctionne de deux
façons fondamentales.
D'abord, elle établit pour la première fois un cadre officiel qui
définit le crime organisé. Pour la police, ce cadre donne accès à des
outils d'investigation qui ne seraient pas normalement disponibles,
quand elle fait enquête: des dispositifs d'écoute électronique
empruntant des circuits différents, des extensions de ces dispositifs
qui ne seraient pas disponibles autrement, une prolongation de la
période où la police n'est pas tenue de révéler l'existence de tables
d'écoute. L'accès à l'information concernant l'impôt sur le revenu
est une autre technique ou un autre instrument d'enquête dont la
police ne disposerait pas autrement.
C'est la première chose que fait cette mesure législative. Elle
crée une nouvelle catégorie de crime organisé. En cas d'enquête, la
police peut faire certaines choses qu'elle ne pourrait pas faire dans
le cas d'autres infractions.
La deuxième chose que fait cette mesure législative, c'est de
prévoir des conséquences différentes dans le cas du crime organisé
par opposition aux autres types d'infraction. Les sanctions sont plus
sévères. Si une personne commet un crime similaire, mais qu'elle
agit au profit ou sous la direction d'un gang, ou en association avec
lui, les conséquences sont plus graves.
La loi sur les produits de la criminalité s'applique dans ce cas.
Qui plus est, la cour peut saisir non seulement les produits de la
criminalité, mais aussi les instruments utilisés pour commettre le
crime. Si une personne utilise un camion pour transporter des
explosifs d'un point A à un point B et les placer pour le compte du
gang, le camion peut être saisi si la preuve indique qu'il a servi à
commettre le crime.
Ce sont les deux éléments essentiels de ce projet de loi. Il y a
d'autres éléments. Premièrement, la création d'une nouvelle
catégorie dite «gang». C'est la première fois que le Code criminel
prévoit une catégorie de la sorte et met à la disposition de la police
des outils spéciaux pour enquêter sur le crime organisé, tâche des
plus difficile. Il prévoit aussi des conséquences spéciales, dont des
sanctions plus sévères et la saisie des produits de la criminalité et
des instruments qui ont servi à commettre le crime. Ce sont les deux
éléments essentiels.
(1230)
Mon collègue a posé une question au sujet d'un autre élément
dont j'aimerais vous parler brièvement. Il veut savoir comment on
peut le prouver, comment cela fonctionne. Par exemple, si la police,
pensant enquêter sur un gang, veut avoir recours à ces dispositions
ou à l'écoute électronique, par exemple, et être déchargée de
l'obligation de prouver qu'elle a fait cela en dernier recours, comme
nous proposons qu'elle puisse le faire, elle doit prouver qu'elle a
des motifs raisonnables de croire qu'elle enquête sur un acte de
gangstérisme, qu'un gang est impliqué et que ces dispositions
devraient s'appliquer à cette enquête. Elle doit fournir des preuves.
Elle doit convaincre le tribunal qu'elle a des motifs raisonnables
avant d'obtenir le mandat.
M. Ramsay: Monsieur le président, si, pour éviter d'être désigné
gang, un groupe se scindait en quatre, ce serait toujours au ministère
public de prouver qu'il existe un lien entre ces groupes. Le fardeau
de la preuve tel que prévu dans cet article existerait encore, il serait
toujours en vigueur, et il serait toujours aussi difficile et ardu pour le
ministère public d'établir la preuve.
Avec tout le respect que je lui dois, je dois dire que le ministre n'a
pas répondu à ma question. Je ne sais toujours pas ce qui se passerait
si un des cinq disparaissait et qu'on restait avec quatre.
Qu'arriverait-il à cette désignation?
Peut-être pourrais-je poser une question toute simple. Combien
de temps dure la désignation de gang?
M. Rock: Monsieur le président, j'aurais dû le dire plus tôt. Mon
collègue a d'abord parlé de déclaration, puis de désignation en ce
qui concerne les gangs. Ni l'un ni l'autre de ces termes n'est exact.
Nous ne disons pas: «Monsieur le juge, voici le groupe Allan
Rock. Pourriez-vous, s'il vous plaît, déclarer qu'il s'agit d'un gang
pour que, dorénavant, à chaque fois que nous enquêtons sur le
groupe Allan Rock, nous puissions avoir accès à ces outils et à ces
peines.» Je ne veux pas entendre mon collègue présenter des
preuves de l'existence d'un tel groupe, car je me plaindrais alors
que mes privilèges ont été violés.
Une voix: Il est juste derrière toi, Allan.
M. Rock: Voilà mon groupe Allan Rock. Il n'y a ni déclaration ni
désignation. C'est une question de faits à chaque fois. S'il n'y a que
quatre membres, la loi ne s'applique pas. Comme je le disais plus
tôt, je pense que si le groupe se scinde artificiellement pour qu'il n'y
ait que quatre membres, le tribunal ne se laisserait pas aveugler par
cet artifice. S'il n' y a réellement que trois ou quatre personnes qui
se livrent à des activités criminelles, la loi ne s'appliquera pas car
nous avons fait le choix de cinq.
Ce n'est pas comme si nous allions demander au tribunal de
déclarer qu'un certain groupe constitue un gang et que cette
désignation lui reste pendant cinq ou dix ans. À chaque fois que
quelqu'un fera une demande de mandat de perquisition, à chaque
fois que quelqu'un prétendra qu'une personne participe à des actes
de gangstérisme, il faudra faire la preuve qu'un gang est impliqué.
Et la preuve repose sur les faits. De façon pratique, ce sera sans
doute plus facile la troisième fois, la quatrième ou la cinquième
fois, car le tribunal n'aura qu'à regarder les preuves qui auront été
amassées les fois d'avant. Quoi qu'il en soit, à chaque fois le
9972
tribunal se fondera sur les faits pour déterminer qu'on a bien affaire
à un gang. Les conséquences s'ensuivront.
M. Ramsay: Monsieur le président, nous nous sommes arrêtés
là, aux paragraphes 1a) et 1b). D'après ce que je comprends, tout
repose sur l'article 1 au complet, jusqu'à l'article 2. Cet article ne se
limite pas à ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, il décrit aussi
l'acte de gangstérisme et les biens infractionnels.
Dans quelle mesure le ministère a-t-il demandé à l'extérieur des
avis et des conseils quant à la constitutionnalité de ce que nous
avons analysé jusqu'à maintenant, soit le gang tel qu'il est décrit
aux paragraphes a) et b)?
M. Rock: Monsieur le président, le ministère a étudié
attentivement la constitutionnalité du projet de loi et de chacun de
ses éléments. Il est difficile de parler uniquement de la
constitutionnalité du paragraphe a) de l'article 1 car il fait partie
d'un tout.
(1235)
Je peux affirmer au député que nous avons examiné de très près la
constitutionnalité du projet de loi C-95, tant les articles qui créent
des infractions que ceux qui modifient les articles existants du Code
criminel. Nous sommes convaincus que le projet de loi est
constitutionnel et conforme à la Charte et notre conviction repose
sur une évaluation attentive de tous ses éléments.
M. Ramsay: Monsieur le président, dans quelle mesure les
procureurs et avocats de la défense, en dehors du ministère de la
Justice, ont-ils été consultés sur la viabilité du projet de loi?
M. Rock: Dans une très large mesure. Le processus qui a conduit
au projet de loi à commencé en février 1996. À cette époque, le
solliciteur général et moi avons commencé à considérer diverses
approches possibles pour aider la police à enquêter sur le crime
organisé.
Nous avons tenu un colloque avec les forces de police du pays en
février 1996, où nous avons été amplement informés de la nature et
de l'étendue du crime organisé au Canada. Ces renseignements
portaient sur les gangs de motards, mais pas seulement eux.
Pendant l'été et l'automne, le ministère a envisagé diverses
solutions législatives possibles. En septembre de l'an dernier, nous
avons tenu un forum national sur le crime organisé auquel nous
avons invité des avocats de la défense, des procureurs, des
criminologues, des gens d'affaires, des spécialistes de la GRC et des
représentants d'autres pays. Alan Borovoy a bien voulu venir à cette
conférence.
Nous avons demandé l'opinion de nombreuses personnes, même
de défenseurs des libertés civiles. Nous avons testé un certain
nombre de solutions pour déterminer à quoi nous faisions face et de
quelle manière agir dans le respect de la Constitution. Cela a
conduit à des recommandations bien précises. Pendant l'hiver, le
ministère a continué son travail.
Lorsque le gouvernement du Québec nous a demandé, au mois de
mars, une mesure législative pour s'attaquer au problème des gangs
de motards au Québec, nous avons accéléré le travail qui était déjà
en cours, et même depuis pas mal de temps.
Depuis mars, nous avons eu d'autres discussions avec des
représentants des différents points de vue du système de justice
criminelle. Nous avons pris les principes du projet de loi C-95 et
nous en avons discuté avec des avocats de la défense, des
procureurs, des agents de police, des chefs de police, ainsi qu'avec
des procureurs généraux, des solliciteurs généraux et des ministères
de la sécurité publique des provinces.
Ils ont éveillé notre attention sur certaines préoccupations. Nous
avons consulté l'Association du Barreau canadien et le Barreau du
Québec. Nous avons parfois apporté des modifications ou des
rajustements au projet de loi à la suite des opinions que nous avons
entendues. Simultanément, nous avons fait notre propre évaluation
de sa constitutionnalité.
Est-il possible de mener une autre étude? Bien sûr, c'est toujours
possible. Nous n'avons le monopole ni de la sagesse ni de la
connaissance. Je suis certain que le député nous fera bénéficier
aujourd'hui de quelques réflexions utiles à l'égard de ce projet de
loi.
Je peux assurer au député et au comité plénier que nous avons
consulté les intervenants du système de justice pénale de façon
assez approfondie pour examiner ce projet de loi de leur point de
vue et, ainsi, prévoir les objections et les préoccupations qui
risquent d'être soulevées. Nous avons apporté des modifications
pour répondre à leurs préoccupations dans certains cas. Cette
enquête nous a convaincus que, dans l'ensemble, il s'agit là d'une
bonne politique et d'une bonne mesure législative. Nous avons donc
présenté le projet de loi à la Chambre.
M. Ramsay: Ce que je cherche, c'est de l'information
concernant toute objection ou toute réserve formulée au sujet soit de
la constitutionnalité des articles que nous avons étudiés, soit de leur
applicabilité. Je suis préoccupé par les deux aspects certes, mais
leur applicabilité m'intéresse au plus haut point.
Le projet de loi C-27 traite des voyages organisés pour permettre
à des gens de se livrer à des rapports sexuels avec des enfants. Des
juristes de renom nous disent que ce qui semble parfait sur papier
est inapplicable dans la pratique.
Quelles objections, le cas échéant, le ministre de la Justice a-t-il
rencontrées relativement à la constitutionnalité et à l'applicabilité
de ce que nous avons abordé jusqu'ici?
(1240)
M. Rock: Monsieur le Président, j'ignore quelles sont les
réserves exactes qui ont été formulées à l'égard des dispositions que
nous avons examinées jusqu'à maintenant. Chose sûre, on a émis
des réserves sur le projet de loi dans son ensemble. Il n'est pas
difficile de savoir ce sur quoi elles portent.
Alan Borovoy, dont je respecte au plus au point les avis, reproche
à ce projet de loi sa trop grande portée. Il craint qu'une définition
trop large soit attribuée à l'expression «organisation criminelle» et
9973
que ne soient pris dans nos mailles des gens qui ne devraient pas y
être, parce qu'ils ne font pas partie d'une véritable organisation
criminelle. J'ai abordé cet aspect dans une certaine mesure dans
mes réponses aux questions du député. Soit dit en passant, nous
avons pris dûment en considération les avis d'Alan Borovoy et
d'autres qui se sont plaints de la trop grande portée de la mesure
législative.
Par exemple, nous avons ajouté, dans l'un des nombreux
avant-projets, une peine minimale de cinq ans à l'égard des actes
criminels visés par la définition d'une organisation criminelle.
Nous avons accentué la gravité des crimes commis en stipulant que
seuls les crimes punissables d'un emprisonnement de cinq ans, le
maximum prévu, peuvent être visés par la définition. On ne parle
plus de peccadilles, mais de crimes nettement plus graves.
En ce qui a trait plus précisément à la question du député à propos
de la force exécutoire de la mesure et de ses avantages concrets,
notons que, depuis février 1996, les corps policiers participent très
activement au processus que j'ai décrit. L'Association canadienne
des chefs de police nous a fait savoir par écrit comment, à son avis,
nous devrions nous y prendre pour venir à bout du crime organisé au
Canada. Nous avons étudié attentivement sa recommandation et
conclu que, dans sa forme actuelle, elle n'était pas acceptable sur le
plan constitutionnel, et c'est ce que nous avons dit à l'association.
Nous avons dit aux chefs de police que nous allions poursuivre nos
travaux et que le projet de loi C-95 n'était qu'un point de départ.
Nous allons continuer de l'améliorer. Nous avons aussi avisé les
services de police des mesures que nous pensions pouvoir prendre
dans l'immédiat, en nous fondant sur les recherches effectuées ces
dernières années, et plus particulièrement au cours des 18 derniers
mois. Nous avons examiné ces propositions avec eux. La semaine
dernière, la Chambre a été à même de constater à quel point le
milieu policier nous appuie et pourquoi. Cet appui est très fort. Les
chefs de police y voient des outils qui vont leur être utiles.
Le vice-président de l'Association canadienne des chefs de
police et directeur de la police de Montréal, M. Jacques
Duchesneau, a collaboré étroitement à la mise au point de ces
propositions. Nous lui en avons soumis les grandes lignes et il nous
a fait part de ses commentaires. Nous avons échangé des idées et, la
semaine dernière, il a bien accueilli ces propositions qui
constituent, à son avis, un très bon point de départ en vue de fournir
à la police les outils nécessaires pour mener à bien la tâche difficile
de lutter contre le crime organisé.
Quand on interroge les experts, c'est-à-dire les chefs de police
qui travaillent dans ce domaine, on sait vraiment à quoi s'en tenir
quant à l'utilité et à l'efficacité des mesures proposées. Je peux vous
dire que le milieu policier a manifesté un très fort appui à ces
mesures et pense effectivement qu'elles seront utiles.
M. Ramsay: Monsieur le président, les chefs de police ont-ils dit
qu'ils appuieraient une réduction de la peine, la faisant passer de
cinq à peut-être trois ans?
M. Rock: Monsieur le président, je ne me rappelle pas qu'il en
ait été question. Nous avons étudié la possibilité de prévoir trois
ans. En Californie, la loi en prévoit trois. Si cela est important pour
le député, je l'invite à faire valoir son point de vue.
Ce n'est pas un point capital du projet de loi. Si le député voit un
avantage à prévoir trois ans, je ne saurais m'y opposer d'une façon
catégorique. D'après moi, le fait d'opter pour une peine plus sévère
de cinq ans montre clairement notre intention, soit celle de nous en
prendre aux groupes plus forts qui commencent à former un réseau.
Si le député attache beaucoup d'importance à cet élément, je suis
disposé à entendre ses arguments.
Le président: Le député veut-il proposer une modification?
M. Ramsay: Non, sauf si je sais pouvoir compter sur l'appui du
gouvernement. Je serais disposé si je pouvais compter sur son
appui. Nous n'avons pas les déclarations des témoins. Nous devons
nous fier uniquement sur ce dont le ministre se souvient du
processus de consultation.
Je crains que l'application de cette disposition fasse problème. Si
j'étais convaincu que le fait de réduire la peine à trois ans faciliterait
son application, je proposerais l'amendement.
Le président: Le député demande à M. Rock si le gouvernement
est disposé à appuyer l'amendement.
(1245)
M. Rock: Oui, monsieur le président. Si l'on se fie aux
observations que les Canadiens ont faites sur ces propositions,
certains ont dit que la peine devrait être supérieure à cinq ans,
certainement pas moins. Quand le projet de loi sera étudié à l'autre
endroit, il se peut que des témoins recommandent d'augmenter cette
peine, mais pas de la réduire.
Pour le moment du moins, je ne voudrais pas en ajouter
davantage à ce sujet. Nous pourrons peut-être y revenir quand nous
y aurons réfléchi davantage et quand j'en aurai discuté avec mes
fonctionnaires.
Le président: Le député a-t-il d'autres questions?
M. Ramsay: Oui, monsieur le président. Dans la mesure où cette
disposition n'est pas tellement différente des mesures législatives
sur le complot déjà présentées, je suis disposé à proposer un
amendement afin de réduire la peine de cinq à trois ans.
Le président: Le député est-il prèt à présenter cet amendement
par écrit?
M. Ramsay: Monsieur le président, si nous continuons,
pourrons-nous revenir sur ces articles pour faire des amendements?
Le président: Si la disposition est approuvée telle quelle, il sera
alors trop tard pour l'amender. Toutefois, si le député veut proposer
un amendement, il est possible d'en débattre et de le mettre aux voix
à moins qu'il soit agréé à l'unanimité.
Nous pouvons reporter l'article 1, si les députés des deux côtés le
souhaitent.
M. Ramsay: Monsieur le président, je ne propose donc pas
l'amendement tout de suite.
M. Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le président, j'ai des
questions à poser au ministre. J'ai écouté attentivement afin de ne
pas faire double emploi avec celles que le député de Crowfoot a déjà
posées.
9974
J'ai des préoccupations sur un certain nombre de points. C'est
d'après cette perspective que j'ai abordé le projet de loi. Je me
préoccupe, à l'instar du ministre, de l'impact que pourrait avoir
cette mesure sur les groupes de citoyens respectueux des lois. Je me
demande à quel point il est important que nous adoptions une
mesure reconnaissant l'existence d'un problème immédiat au
Québec à cet égard. Le problème est grave. Les policiers réclament
plus de pouvoirs pour s'attaquer à des groupes qui s'adonnent à des
activités criminelles.
J'estime quand même que si nous allons trop vite, si une loi mal
conçue est adoptée, ce sera pire que de ne pas avoir de loi du tout.
J'ai entendu le ministre dire parfois la même chose, notamment au
sujet d'une proposition de déclaration des droits des victimes en
réponse au député de Fraser Valley-Ouest. Le ministre a expliqué
pourquoi il ne voulait pas aller de l'avant à ce sujet. Il y a donc ce
point de vue.
Le ministre voudrait éviter d'adopter une mesure qui donnerait
lieu au genre de situation suivant: Un membre d'un de ces gangs
commet un crime puis, à l'issue de procès devant les tribunaux,
l'accusé est remis en liberté à cause d'une considération d'ordre
technique ou bien la Cour suprême infirme le jugement des
tribunaux six mois plus tard. Il faut nous demander si le temps
consacré à l'étude de cette mesure est du temps bien employé, ou si
ce sera un gaspillage de deniers publics au cas où la mesure donnait
lieu à une situation affreuse et embarrassante devant un tribunal
quelque temps après son adoption.
Tout d'abord, à l'article 1, le principal problème auquel le
ministre et le ministère de la Justice veulent s'attaquer est celui de la
définition d'un gang. Voilà un point d'une extrême importance. Je
crois pour ma part que la définition est trop restrictive et laissera
filer les groupes qui voient grossir énormément leurs rangs une fois
qu'ils ont entrepris leurs activités criminelles.
Le ministre aborde peut-être le problème sous un mauvais angle.
Si nous insistons pour stipuler des grands nombres dans la
définition, ces groupes auront déjà eu le temps de commettre
beaucoup de crimes. Il serait peut-être préférable que la définition
englobe aussi de plus petits groupes ayant l'intention de s'adonner à
des activités criminelles. Ces groupes sont constitués à cette fin. Le
terme «association» ne me pose pas de problème dans cette
première définition.
Toutefois, j'en ai contre le mot «groupe». Je sais que ce terme
désigne au moins trois personnes. Le ministre a dit aujourd'hui au
député de Crowfoot que cette définition correspondait au sens
courant du terme. Au sens courant, le mot «groupe» désigne au
moins trois personnes, non pas cinq ou plus. Si un groupe d'au
moins quatre personnes commet un crime, la loi proposée ne
s'appliquera pas. Ainsi, nous ne pourrons recourir aux mesures qui
y sont prévues, notamment les activités de surveillance et d'écoute
électronique, et les enquêtes liées à l'impôt sur le revenu. Cela
risque de nuire au but visé, si celui-ci est d'empêcher un gang de se
constituer.
(1250)
Je fais valoir cet argument à l'appui de l'amendement dont a
parlé le député de Crowfoot et qui pourrait être déposé plus tard afin
de faire baisser à trois le nombre minimum de personnes dans la
définition de «gang». Je suis d'accord avec le chiffre trois.
Le président: Êtes-vous d'accord pour reporter à plus tard les
amendements à l'article 1?
M. Strahl: Nous sommes d'accord, mais plusieurs autres
députés veulent quand même prendre la parole.
M. Silye: Monsieur le Président, j'ai une remarque à faire et trois
ou quatre questions à poser. Je voulais situer la perspective dans
laquelle je me place, un peu comme le ministre l'a fait lorsqu'il a
répondu, afin que nous puissions mieux comprendre ce qu'il essaie
de faire. Cela est important. Je n'essaie pas d'être verbeux comme
peut l'être un politicien. J'essaie de faire mon travail efficacement.
Toutefois, il se trouve que je suis une personne bavarde. Par
conséquent, je vous demande de bien vouloir vous montrer tolérant
à mon égard.
Premièrement, mon argument ou mon raisonnement est qu'il y a
lieu d'envisager de réduire le nombre minimum de personnes
constituant un gang, parce que si le ministre parle du sens courant
du terme, l'expression «au moins trois personnes» correspond
précisément à ce sens. Compte tenu de cela, et aussi du fait que le
ministre est avocat et qu'il a plaidé devant les tribunaux, y a-t-il un
précédent qui contredise les mots qu'il emploie dans sa définition et
qui exclut sa définition, qui dit «au moins cinq personnes»?
J'aimerais obtenir l'assurance qu'un tel précédent n'existe pas.
Deuxièmement, pour ce qui est de l'impact de cette mesure sur
les groupes respectueux des lois, y compris ceux que le ministre a
mentionné à titre d'exemple, ces conclusions ne sont-elles pas
hâtives? Une fois adoptée, cette loi va-t-elle signifier d'entrée que
les Hell's Angels et les Rock Machine sont de fait des gangs? Y
a-t-il actuellement des personnes connues du gouvernement et de la
police qui ont commis des actes criminels passibles de peines d'un
maximum de cinq années au sein de ces groupes? Si c'est le cas,
pourquoi ne pas faire en sorte de prévoir parmi les 800 et quelques
articles du Code criminel qui existent pour aider les policiers à
s'acquitter de leur travail une disposition permettant d'amener ces
personnes devant les tribunaux et de leur faire répondre des actes
posés par leur groupe?
M. Rock: Premièrement, monsieur le président, je suis tout à fait
d'accord avec le député. Le temps consacré à l'étude de ce projet de
loi est fort utile. Je suis très heureux de pouvoir ainsi échanger avec
les députés au sujet de cette mesure législative.
Le député a mentionné qu'un problème survenu au Québec a
inspiré ce projet de loi. Bien que le problème soit particulièrement
aigu au Québec en ce moment, à cause de la guerre de territoire que
s'y livrent certains gangs, il frappe l'ensemble du Canada. Au cours
des consultations qui ont précédé la rédaction du projet de loi, j'ai
discuté avec le chef de police de Vancouver, qui m'a décrit les
problèmes que connaît Vancouver à cause des gangs et du crime
organisé. D'ailleurs, un membre d'un gang de motards de
Vancouver venait, justement cette semaine-là, d'être accusé d'une
grave infraction criminelle.
J'ai discuté avec les procureurs généraux du Manitoba et de
l'Ontario de même qu'avec les chefs de police de Halifax, de
Toronto et d'Ottawa, qui m'ont tous dit la même chose. Le
problème ne touche pas simplement le Québec, mais il y est, par
contre, dépeint sous ses aspects les plus spectaculaires, à cause des
bombes qui ont éclaté et des gens qui ont perdu la vie. Cependant,
nous sommes aux prises avec un problème qui touche l'ensemble du
Canada, et non seulement le Québec.
Le président: Le député a-t-il d'autres questions?
9975
M. Silye: Monsieur le président, le ministre n'a pas répondu aux
deux questions.
M. Rock: Je vais répondre à ces questions maintenant. Je ne
devrais pas faire de pause. Je devrais continuer à parler sans
interruption et ne pas faire mine de m'arrêter.
Il y a deux questions auxquelles il faut répondre. La première
porte sur la proposition voulant que le nombre de membres d'un
groupe soit ramené à trois. Je ne suis au courant d'aucune décision
judiciaire qui nous lierait, en ce qui concerne la définition des
groupes, associations ou organisations. Je le répète, nous sommes
disposés à ramener le nombre à trois. Au moment où nous nous
parlons, il y a des gens qui suivent nos travaux et des fonctionnaires
du ministère de la Justice qui examinent de près les propositions
avancées ici pour voir s'il y aurait autre chose à ajouter au débat.
Avant que l'étude ne soit terminée, nous aurons une réponse à vous
donner sur votre proposition.
Deuxième question. Vous nous avez demandé quelles seraient les
conséquences pour les groupes respectueux des lois. Si l'une de ses
activités principales d'un groupe est de commettre des crimes
passibles de cinq ans d'emprisonnement ou plus aux termes du
Code criminel et si ce groupe compte parmi ses membres des gens
qui ont commis au cours des cinq dernières années une série de
crimes passibles des peines de cette durée, il ne s'agit pas d'un
groupe respectueux des lois. Par définition, les groupes respectueux
des lois échappent à l'application de cette disposition.
(1255)
Mon collègue demande aussi si l'on condamnera d'avance
certaines organisations ou bandes, les prétendus clubs? Non pas. Je
n'ai tout simplement pas pu acquiescer à la chose même que le
procureur général du Québec me demandait, à savoir que la seule
appartenance à un groupe donné constitue un délit et que figure en
annexe à la loi une liste des divers gangs dont les membres seraient
tous considérés comme des criminels; par conséquent, ils perdraient
certains droits et encourraient certains châtiments. Nous avons dit
que nous ne ferions pas cela, que nous ne pouvions pas faire cela.
Nous avons préféré parler de notions plutôt que de personnes,
d'équipes et d'idées, plutôt que de mentionner des groupes en
particulier. Nous allons établir une description dans le Code
criminel. Si l'une des principales activités d'un groupe consiste à
commettre des délits graves et si ses membres ou certains d'entre
eux ont commis au cours des cinq dernières années une série de
délits graves, il s'agit d'un gang. On ne crée pas là un délit. On ne
fait que décrire ce qu'est un gang.
Nous avons ensuite ajouté que si une personne commet un délit
au profit d'un gang, ce sera plus grave que ce ne le serait autrement,
car c'est là un méfait que nous essayons d'éradiquer.
Cela ne veut pas dire que des groupes donnés seront
automatiquement considérés comme criminels lorsque nous
adopterons ce projet de loi. Le fait est que le procureur de la
Couronne devra fournir la
preuve dans chaque cas que telle ou telle personne agit au profit
d'une organisation criminelle, d'un gang. Le tribunal devra être
convaincu que ces personnes répondent à la définition.
Mon collègue demande enfin pourquoi les 800 et quelque articles
du très épais et très complet Code criminel n'ont pas réussi jusqu'à
maintenant à assurer cela.
S'il faut en croire les forces policières, le crime organisé pose un
défi unique en matière d'enquête. La démarche policière typique
consiste à envoyer un informateur au sein de l'organisation, un
agent d'infiltration, ou à essayer de convaincre un membre de
l'organisation de devenir un informateur de la police. On cherche
aussi à obtenir des bribes d'information de gens qui sont disposés à
parler. Or, le crime organisé, et surtout les gangs qui sont
aujourd'hui actifs au Canada, ne peut pas être infiltré parce qu'il
faut commettre un délit grave pour être admis à faire partie du gang.
C'est une sorte d'initiation. Les forces policières ne peuvent pas
faire cela.
Ensuite, les membres du groupe que les forces policières essaient
de transformer en informateurs savent que ce sera pour eux la mort
s'ils sont pris. Cela les décourage sérieusement de fournir des
renseignements à la police. De la même manière, il y a un élément
d'intimidation pour les personnes qui fourniraient autrement des
renseignements.
Le fait est que la police trouve extrêmement difficile d'enquêter
sur ces gangs à la faveur des pouvoirs que lui confère le code. C'est
pourquoi les forces policières réclament des outils comme ceux qui
sont contenus dans ce projet de loi, qui se révéleront incomparables,
croyons-nous, dans ces cas exceptionnels.
J'espère que cela répond aux questions de mon collègue.
M. Silye: Monsieur le président, le ministre a répondu aux
questions que j'ai posées.
J'ai l'impression d'agir comme le directeur d'une vaste société
publique, le gouvernement du Canada, et, à ce titre, de veiller à ce
que toutes les questions pertinentes soient posées. À mon avis, c'est
ce que nous essayons tous de faire en l'occurrence.
Le ministre a dit que le projet de loi ne vise pas expressément le
Québec. Nous savons tous que le chef du Bloc québécois et son
porte-parole en matière de justice posent des questions à cet égard
depuis 1995. C'est en mars 1995 que la première question à ce sujet
a été soulevée à la Chambre des communes. À l'époque, comme
dernièrement du reste, le ministre a dit que le code prévoyait
suffisamment d'outils pour agir. D'un point de vue politique,
certains croient que cette mesure législative est présentée
précipitamment, à des fins préélectorales, pour accroître et
renforcer la popularité du gouvernement, dans une province où les
sondages ne sont guère favorables au premier ministre.
9976
Ce n'est pas moi qui le dis. Je ne suis pas l'auteur de ces
allégations. Les journaux et les médias en font largement état. Je
tiens donc à ce que nous n'adoptions pas le projet de loi à toute
vapeur, pour montrer aux Canadiens que nous avons à coeur de bien
gouverner le pays. C'est là la responsabilité du ministre de la Justice
et du ministère qu'il dirige. Si je fais une analogie avec la
déclaration des droits des victimes, c'est parce qu'on a fait valoir
l'argument qu'il ne fallait pas l'adopter. Voilà qui répond à la
question. Je voulais revenir sur les propos du ministre qui a dit que
le problème était d'envergure pancanadienne.
(1300)
Un gang, qu'il compte cinq ou trois personnes ou plus,
n'énoncera pas son objectif par écrit. Il y a une analogie à faire avec
le contrôle des armes à feu. Je déteste parler de cela, mais les
criminels qui ont besoin d'une arme de poing, d'une carabine ou
d'un fusil pour perpétrer un crime n'enregistrera pas son arme, car
cela permettra simplement de le retracer plus rapidement. Il
obtiendra son arme illégalement et commettra son crime d'une
manière ou d'une autre. Nous verrons bien si le contrôle des armes à
feu réduira la criminalité. Nous verrons aussi si cette définition du
mot «gang» réduira les guerres que pareils groupes se livrent d'un
océan à l'autre.
Compte tenu du préambule et de l'exposé d'intentions, si nous
définissons maintenant les gangs, ce que le Code criminel ne faisait
pas jusqu'à maintenant, quels pouvoirs différents donnerons-nous
ainsi aux policiers que les articles 800 ne leur confèrent pas déjà?
De la façon dont je comprends la loi, s'ils soupçonnent quelqu'un
d'un crime ou d'une autre infraction, s'ils ont des soupçons en ce
sens et qu'ils ont des preuves suffisantes, les policiers peuvent
obtenir un mandat. Ils peuvent procéder à des perquisitions et à des
saisies, exercer une surveillance, se livrer à l'écoute électronique
avec l'autorisation d'un juge, demander les déclarations d'impôt de
quelqu'un qui a commis une fraude fiscale. Je suis le porte-parole
de mon parti en matière de revenu et je sais à quel point les groupes
de vérificateurs chargés d'enquêter sur l'évasion fiscale travaillent
fort, sont efficaces et font de l'excellent travail. Je connais les
pouvoirs dont ils disposent.
Nous définissons maintenant les gangs. Cela conférera-t-il aux
services de police nettement plus de pouvoirs que ceux dont ils
disposent actuellement?
M. Rock: Je le crois, mais, ce qui importe davantage, la police le
croit aussi.
Il est utile d'avoir l'avis de ceux qui sont le terrain. Cela a
certainement été utile dans le cas de la loi sur le contrôle des armes à
feu. Nous avions l'appui des chefs de police et de l'Association
canadienne des policiers. Les chefs de police et les policiers
estimaient que cela ferait une différence en matière de sécurité
publique. Je sais que le député a voté en faveur du projet de loi C-68.
Il en est sûrement venu à cette conclusion, et je sais qu'il étudie
soigneusement la question avant de prendre une décision.
Le député a fait allusion au fait que nous avons l'occasion d'agir
vite. Je ne veux pas qu'il pense que je ne suis pas heureux d'avoir
l'occasion de discuter de ces dispositions du projet de loi C-95 avec
mes collègues. Bien au contraire, je suis très heureux d'entendre
leur point de vue à cet égard. Comme je l'ai déjà dit plus tôt, je suis
convaincu que leurs points de vue nous éclaireront. Nous avons
besoin de ce genre d'examen.
Quel nouveau pouvoir le projet de loi accordera-t-il à la police en
vertu du Code criminel? Pourquoi la police croit-elle que ce projet
de loi les aidera dans leur lutte contre le crime organisé?
À l'heure actuelle, si les policiers veulent faire faire de l'écoute
électronique ou des choses semblables, ils doivent d'abord le
demander à un juge. Ils doivent notamment prouver que tous les
autres moyens ont été essayés et qu'ils ont échoué ou qu'ils
échoueront à cause de la nature de l'enquête. Les policiers doivent
donc faire une déclaration sous serment ou un autre genre de
déclaration sur ce qu'ils ont déjà fait, donner la liste de solutions de
rechange et prouver que c'est la dernière solution qu'il reste pour
l'enquête en cause.
Le projet de loi leur enlèverait ce fardeau et simplifierait le
processus d'obtention de la permission de faire faire de l'écoute
électronique dans le cas d'une enquête sur les activités d'un gang.
La même chose va pour les mandats. Pour en revenir à l'écoute
électronique, cela réduirait les tracasseries administratives. Nous ne
prétendons pas que nous devrions permettre librement le recours à
des méthodes intrusives en raison des difficultés administratives
auxquelles se heurtent les forces policières. Nous disons qu'il faut
faire les changements parce qu'il est presque toujours évident que,
dans les enquêtes sur le crime organisé, il s'agit d'un dernier recours
pour les raisons que j'ai données. Ces enquêtes sont très difficiles.
Nous soulageons les forces policières d'un fardeau que nous
jugeons indu dans le cas des infractions dont nous parlons ici.
Certains diront que, si c'est ces méthodes se justifient aussi
facilement, les policiers ne devraient pas avoir de difficulté à
convaincre les juges. Cependant, nous voulons reconnaître le
caractère particulier du type d'infractions visé en donnant aux
forces policières les instruments dont elles ont besoin pour faire
leurs enquêtes. Si nous avons le courage d'admettre que dans les
faits ces méthodes sont presque toujours le dernier recours,
reconnaissons-le dans le Code criminel et ne forçons pas les corps
policiers à devoir faire des démonstrations inutiles. Ce faisant, nous
envoyons aussi un message clair.
(1305)
En outre, des policiers m'ont dit que, lorsqu'ils obtiennent
l'autorisation de faire de l'écoute électronique, ils doivent
commencer dès le lendemain à préparer les papiers pour obtenir un
renouvellement parce que les autorisations ne sont que de 60 jours.
Ils m'ont dit que, dans des actes de gangstérisme, c'est absurde
parce que les enquêtes exigent beaucoup de temps. Ils doivent faire
des recoupements entre différentes conversations et avec d'autres
renseignements. Le processus est très complexe. Il leur faut presque
toujours faire de l'écoute pendant plus de 60 jours.
Dans le projet de loi, nous permettons aux tribunaux d'autoriser
l'écoute électronique pendant de longues périodes pour que les
corps policiers puissent consacrer leurs ressources aux enquêtes sur
les crimes plutôt qu'aux formalités administratives nécessaires
pour demander des prolongations.
9977
De même, il faut informer les personnes mises sous écoute après
coup, pour qu'elles puissent entamer des procédures si elles le
veulent. Nous avons prolongé la période pendant laquelle les avis
doivent être donnés parce que certaines enquêtes sont d'une durée
exceptionnelle.
En ce moment, la catégorie d'infractions pour lesquelles les
enquêteurs peuvent avoir accès aux renseignements sur les
déclarations de revenus est très restreinte et c'est très bien ainsi. Les
contribuables canadiens produisent leurs déclarations de revenus en
tenant pour acquis que Revenu Canada ne divulguera à personne les
données qu'ils fournissent. Pour l'instant, c'est permis dans un
nombre très limité de cas. Les fonctionnaires connaissent les
articles pertinents. Ils ont presque tous trait à des infractions liées à
la drogue.
À cet égard, nous proposons un changement majeur. Ce que nous
proposons est important. Il s'agit d'élargir l'accès aux
renseignements fiscaux pour faciliter les enquêtes sur les actes de
gangstérisme. On ne pourra pas simplement entrer dans un bureau et
sortir des renseignements d'un dossier. Il faudra aller devant un
juge, obtenir un mandat, établir à la satisfaction du juge que
l'enquête porte bien sur un acte de gangstérisme et qu'on a besoin
des renseignements parce qu'ils sont directement liés à l'enquête.
Un mandat pourra alors être décerné, mais il pourra être limité aux
renseignements que le tribunal jugera pertinents. C'est néanmoins
une amélioration importante pour ce qui est de donner aux policiers
plus de renseignements pour les aider à déterminer qui est en
possession de quoi, quels sont les produits de la criminalité, quel
argent est blanchi et quelle activité illégale est commise.
De la même façon, nous proposons pour la première fois d'élargir
les dispositions législatives concernant les produits de la
criminalité, qui ne s'appliquaient auparavant qu'aux infractions en
matière de drogue et aux autres infractions du genre, pour y inclure
les actes de gangstérisme. Il n'est pas seulement question ici des
produits de la criminalité. L'argent comptant peut être saisi au
moment de l'arrestation, ainsi que les instruments du crime, ce qui
peut comprendre des biens immobiliers s'ils ont été fortifiés ou
modifiés pour faciliter la perpétration d'un acte criminel. C'est un
point très important.
Nous avons parlé au maire de Saint-Nicolas ou d'autres localités
où des gangs ont leur quartier général et nous voyons que cette
question préoccupe beaucoup les citoyens. Imaginons qu'un gang
s'est établi dans une municipalité, a pris une maison, l'a fortifiée, a
érigé des barrières afin que les policiers ne puissent pas y faire une
descente, a installé des caméras de surveillance sur le toit et se sert
de cette maison pour vendre de la drogue, pour entreposer des
explosifs ou pour faire d'autres choses du genre. Si un bien
immobilier a été modifié ou fortifié pour faciliter la perpétration
d'un acte criminel, il peut alors être considéré comme un des
instruments du crime et peut donc être saisi une fois que ses
propriétaires ont été reconnus coupables d'un acte de gangstérisme.
C'est un outil très important.
Le projet de loi prévoit une importante augmentation des peines
imposées pour les crimes commis au profit d'un gang ou en
association avec lui. Une personne qui est en possession illégale
d'explosifs est passible d'une peine maximale de cinq ans
d'emprisonnement. Si elle livre des explosifs à un gang ou qu'elle
place une bombe pour un gang, qu'elle fasse ou non partie du gang,
elle est passible d'une peine maximale de 14 ans
d'emprisonnement. Pourquoi? Parce que nous avons décidé de
lutter contre le crime organisé, qui est une menace pour nous, pour
nos familles et pour nos enfants. Voilà pourquoi.
Cette mesure n'est pas importante uniquement parce qu'elle
reflète l'opposition de la société à la criminalité organisée, mais
également parce qu'elle doterait la police d'un puissant moyen
d'action face à un individu qu'elle aurait arrêté et accusé, et qui
serait passible d'une lourde peine. La police pourrait ainsi proposer
au prévenu, s'il accepte de collaborer et de lui donner les
renseignements dont elle a besoin, de discuter avec lui des
accusations à porter en cour et de la sentence à recommander au
juge. Voilà un important moyen d'action policière qu'il ne faut pas
sous-estimer.
(1310)
Le projet de loi contient également une nouvelle disposition
concernant les engagements à garder la paix. Elle vise à permettre
aux policiers de traduire un individu devant le tribunal lorsqu'ils ont
des motifs raisonnables de croire qu'il va commettre une infraction
reliée à un acte de gangstérisme.
Les policiers pourront demander au juge d'examiner les preuves,
de tenir compte des individus auxquels le prévenu est associé et
d'examiner ses antécédents. Ils pourront également soumettre au
tribunal les résultats de l'écoute électronique, lui demander de tenir
compte de toutes les circonstances et de prendre en considération
les déclarations privées et publiques du prévenu, pour conclure qu'il
existe des motifs raisonnables de croire qu'il va commettre une
infraction reliée à un acte de gangstérisme.
Le tribunal pourrait, dans ces circonstances, imposer des
conditions à la liberté de l'individu pendant une période d'au plus
un an, comme lui interdire de communiquer avec des membres de
son gang, ce qui aurait pour effet de nuire considérablement à la
capacité des têtes dirigeantes de poursuivre leurs activités
criminelles. Les services de police estiment qu'il s'agit là d'un
moyen d'action puissant.
Je prends bonne note de ce qu'a dit le député. Il peut avoir
l'assurance que les mesures que nous proposons sont non seulement
légales, mais qu'elles seront efficaces. Suite aux discussions que
j'ai eues avec les services de police, les procureurs de la Couronne
et les procureurs généraux des provinces, je sais que les mesures
prévues dans le projet de loi ne seront pas suffisantes, mais elles
donneront de résultats. Elles permettront aux policiers de lutter plus
efficacement contre ce problème terriblement difficile à résoudre.
Nous proposerons d'autres mesures dans l'avenir. Nous n'en
sommes encore qu'à la première étape. La criminalité organisée
représente une menace pour le Canada. Je crois que la plupart
9978
d'entre nous ne se rendent pas compte à quel point la criminalité
organisée menace l'économie et l'avenir de notre pays.
Les mesures proposées ne sont qu'un début. Elles permettront
aux policiers d'être plus efficaces, et c'est pour cette raison que
nous légiférons.
M. Silye: Monsieur le président, j'ai une dernière question.
Plutôt que de dire que c'est un début, je dirais que c'est un nouveau
départ, parce que, selon moi, c'est un bon exemple de collaboration
entre tous les partis. Quoi qu'il en soit, étant donné la nature des
amendements au Code criminel, il faut veiller à ce qu'un juge en
chef de la Cour suprême ne puisse pas les abroger un jour.
Il y a beaucoup de choses à discuter dans ce projet de loi.
Pourquoi faut-il que ce soit terminé d'ici vendredi prochain?
Pourquoi ne pouvons-nous pas prendre deux à trois semaines? Nous
adoptons des mesures rapidement à la Chambre à la deuxième
lecture, à l'étape du rapport et à la troisième lecture avant de les
renvoyer au Sénat, à l'exception du projet de loi sur le sang de l'an
dernier. Pourquoi ne pas prendre deux ou trois semaines, à compter
d'aujourd'hui, pour régler ce cas un peu plus lentement et nous
assurer que nous ne portons pas atteinte aux libertés civiles des
citoyens ou des groupes honnêtes et respectueux de la loi?
M. Rock: Nous avons demandé l'accord de tous les partis pour
débattre de ce projet de loi maintenant. Mes collègues ont été assez
aimables pour accepter. Comme je le disais, nous traitons cette
question méthodiquement. Nous y travaillons depuis un certain
temps, mais nous avons accéléré les choses parce que le
gouvernement du Québec nous a demandé de l'aide dans les
circonstances actuelles.
Au cours des dernières années, la guerre des gangs a tué près de
50 personnes au Québec. La semaine dernière, j'ai rencontré Mme
Desrochers, dont le fils de 11 ans, Daniel, a été tué en août 1995. Il
marchait dans la rue, à Montréal, pour aller faire une commission
pour sa mère. La police croit que l'un de ces gangs a fait détoner un
explosif dans le cadre de cette guerre et qu'un éclat a atteint cet
enfant de 11 ans de l'autre côté de la rue, lui enlevant la vie.
J'ai rencontré Mme Desrochers l'été dernier à mon bureau. Le
député de Hochelaga a eu l'amabilité de me la présenter. Elle m'a
demandé combien de temps encore elle devait attendre pour que
l'on fasse quelque chose à ce sujet. Je lui ai dit que nous y
travaillions, que la police y travaillait. J'ai l'ai rencontrée de
nouveau la semaine dernière. Elle m'a dit qu'elle voulait que ce
projet de loi soit adopté et que la police dispose de ces outils. Tout ce
qui importe pour elle, c'est le projet de loi permette à la police de
retrouver les personnes responsables de la mort de son fils.
Peu de raisons justifient mieux que nous adoptions rapidement le
projet de loi. Je pense à cette pauvre mère. Je pense à ce jeune
garçon de 11 ans qui a perdu la vie. Je pense à la guerre des gangs
qui se poursuit. Nous ne savons pas d'un jour à l'autre où nous
allons découvrir une autre bombe, où une autre bombe va exploser.
Le droit pénal n'est pas une chose qui permet de réagir sur l'heure
aux décisions judiciaires qui ne nous plaisent pas ou aux explosions
de la criminalité dans notre pays. C'est un instrument que l'on
devrait utiliser lorsque nous estimons, en tant que parlementaires,
qu'il peut nous être utile.
(1315)
C'est un problème de longue date, une grande préoccupation
pour la deuxième province la plus peuplée du Canada. La province
nous a demandés notre aide, elle nous a demandé de faire quelque
chose de toute urgence. Nous avons produit un projet de loi qui,
pensons-nous, est légitime et changera quelque chose. C'est
pourquoi nous voulons qu'il soit adopté rapidement.
Je comprends ceux qui disent qu'on devrait prendre plus de
temps et étudier ce projet de loi plus soigneusement. Il se peut que
l'autre endroit ait son idée quant au moment où il l'étudiera et à la
façon dont il procédera.
Si le projet de loi prend force de loi sous peu, je nous vois très
bien nous engager à en surveiller le fonctionement, à en revoir
l'application, à voir ce que nous aurons appris de sa mise en oeuvre.
J'en ai parlé aux fonctionnaires. Ils pensent qu'à partir du moment
où nous aurons installé des tables d'écoute et où la police aura
recueilli des données empiriques d'un bout à l'autre du pays, il
faudra deux ou trois ans avant que nous puissions tirer des leçons
valables de ce que nous aurons appris.
Je serais heureux de dire au député que le gouvernement
reviendra dans trois ans avec une évaluation statistique du
fonctionnement de la loi, de son efficacité, des décisions judiciaires
prises aux termes de cette loi, de sa constitutionnalité, des
commentaires de la police sur son utilité en tant qu'outil mis à sa
disposition, des changements à y apporter du point de vue politique
ou pratique. Ce serait utile. Ça devrait être fait de toutes façons,
mais si ça peut aider le député, je me ferais un plaisir de lui
promettre que le gouvernement le fera.
M. Silye: Je respecte l'exemple que le ministre m'a donné en
parlant du jeune garçon de 11 ans, de sa mère et de la nécessité
d'agir rapidement. Cette situation rappelle les prières et les requêtes
présentées au ministre par Debbie Mahaffy, qui demandait
d'inscrire en droit la possibilité de présenter une déclaration des
droits des victimes, une déclaration de la victime sur les
répercussions du crime et d'autres déclarations semblables.
Le ministre est-il certain que ce qui l'incite à hâter l'adoption de
ce projet de loi n'est pas l'imminence des prochaines élections?
M. Rock: Monsieur le président, la question est valable. Le
ministre de la Justice et procureur général du Canada occupe un
poste unique au sein de tout Cabinet. C'est un politicien par
définition, mais il assume aussi une autre responsabilité, car il est le
gardien de la Constitution et de la règle du droit.
Le rôle du titulaire de ce poste est d'appliquer les principes aux
politiques. J'emprunte une phrase à Ian Scott, éminent procureur
général de l'Ontario pendant cinq ans, pour dire au député que j'ai
étudié attentivement la question, à chaque étape du processus. Je
peux lui affirmer honnêtement que, selon moi, ce projet de loi est
valable et nécessaire et qu'il correspond à une bonne politique.
9979
Je peux assurer au député que si la demande de la province de
Québec était survenue dans des circonstances différentes et à un
autre moment, j'aurais réagi de la même façon. Deux jours après
l'appel du ministre de la Sécurité publique, j'étais à Québec pour
rencontrer le ministre et 14 maires de la région parce que j'étais bien
conscient de l'intensité de leur inquiétude et de l'ampleur du
problème.
J'ai promis d'analyser immédiatement leur proposition. Je l'ai
examinée et je l'ai trouvée inacceptable, mais j'ai proposé autre
chose en disant: «Voici des outils conformes à la loi selon nous, qui
pourront changer la situation.» J'ai sollicité la participation des
autres au processus de consultation.
Nous avons produit le document dont les députés sont maintenant
saisis, c'est-à-dire le projet de loi C-95. Il représente une réponse
d'urgence à un problème grave et complexe. Je crois qu'il est tout à
fait approprié d'appliquer les principes aux politiques.
Il y a deux ans, les députés ont volontiers étudié le projet de loi
C-104 qui proposait d'ajouter le test d'identification génétique au
droit pénal. Le parcours a été semblable au présent processus. J'ai
siégé ici-même dans le cadre du comité plénier et nous avons étudié,
article par article, le projet de loi C-104.
Nous avons adopté ce projet de loi en un jour. Il a ensuite été
renvoyé à l'autre endroit, où il a aussi été adopté très rapidement
avant de devenir loi. Il n'a donc pas été soumis au processus long et
complexe habituellement associé à la promulgation des lois. Nous
sommes allés de l'avant parce que, de l'avis général, quelque chose
qui n'était pas déjà dans le Code criminel s'imposait. On pouvait
arguer que cela ferait une différence pour les enquêtes policières et
nous avons donc agi rapidement. Il n'y avait pas d'élections en vue;
ce n'était pas comme si la Chambre allait être dissoute et nous
allions tous nous lancer en campagne. C'était il y a deux ans, à la
moitié de notre mandat.
(1320)
Ce que je veux faire ressortir, c'est qu'il y a des périodes, autres
que les périodes électorales, où un besoin surgit et où les
circonstances exigent une action rapide. Je pense que c'est le cas ici.
En règle générale, comme je le disais à propos du projet de loi
C-104, il est préférable de prendre plus de temps. Dans le cas qui
nous préoccupe, nous sommes en mesure d'agir rapidement et nous
pensons que c'est dans l'intérêt du public.
Le président: Le député pourrait-il nous dire s'il souhaite que
cet article soit reporté jusqu'à la fin de l'étude de tous les articles?
M. Ramsay: Oui, mais il a d'autres aspects de cette disposition
que j'aimerais aborder avec le ministre si vous n'y voyez pas
d'objection, monsieur le président.
Le projet de loi concernant l'analyse génétique a été proposé
immédiatement après que le député de Wild Rose a assuré le
ministre de la Justice qu'il obtiendrait notre appui. C'est dans ce
contexte que le projet de loi sur l'analyse génétique a vu le jour, car
son libellé était franc et direct.
À propos du projet de loi dont nous sommes actuellement saisis,
un garçon de 11 ans est mort il y a deux ans. Or, je suis convaincu
que nous aurions disposé d'assez de temps pour l'étudier avec toute
la diligence voulue. Je suis très préoccupé par le fait nous n'ayons
pas des témoins des deux parties. J'aimerais connaître l'avis des
procureurs et les interroger à ce sujet, car ce sont eux qui, chaque
jour, devant les tribunaux, sont appelés à fournir les éléments de
preuve pouvant conduire à la conclusion qu'ils souhaitent.
J'aimerais savoir ce qu'ils ont à dire à ce sujet.
Soit, c'est bien de prendre le temps d'étudier ce projet de loi
comme nous le faisons actuellement, mais ce n'est pas comme si
des témoins comparaissaient devant nous et abordaient les divers
aspects du problème avant que nous allions plus loin. Si nous
sommes ici, c'est parce que nous sommes d'accord avec le principe
fondamental de ce projet de loi.
Néanmoins, je suis préoccupé par le caractère très vague de
certaines dispositions dont nous sommes actuellement saisis. Je
voudrais m'attarder à d'autres points. C'est ainsi qu'on laisse
beaucoup de latitude aux tribunaux en matière d'interprétation.
Nous savons ce qui s'est produit dans le cas du projet de loi C-41
concernant, entre autres, la condamnation avec sursis. Le ministre
de la Justice lui-même a admis que les violeurs ne devraient pas être
remis en liberté, alors que c'est en ce sens que les juges, un peu
partout au pays, interprètent et appliquent la loi.
Quand nous laissons aux tribunaux le soin d'interpréter certaines
définitions ou le sens de certains mots, nous risquons d'éprouver les
désagréables surprises que nous avons connues dans le passé, ce qui
va, à mon avis, à l'encontre des intérêts de la société.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais revenir au paragraphe b) de l'article
1, à la page 3. Il dit ceci:
ses membres ou certains d'entre eux commettent ou ont commis, au cours des
cinq dernières années, une série d'actes criminels passibles d'un emprisonnement
maximal de cinq ans ou plus.
Il y a un autre mot qui figure sans définition, et c'est le mot
«série». Que signifie-t-il? Quel était le propos du ministre de la
Justice quand il a inscrit ce mot dans le projet de loi?
M. Rock: Monsieur le président, nous avons voulu lui conférer
son sens habituel. Je serais heureux si un tribunal en examinait la
définition usuelle qu'on trouve dans le dictionnaire lorsqu'il s'agira
de l'interpréter et de l'appliquer.
Permettez-moi de dire qu'il arrive très souvent dans les lois, non
seulement celles qui traitent de la justice, mais également les
projets de loi en général, que le Parlement ne donne pas la définition
de tous les termes employés. Nous aurions du mal à le faire, car
l'article renfermant les définitions n'en finirait plus. Même si nous
pouvions le faire, il reste que les articles contenant les définitions
sont eux-mêmes l'objet d'une interprétation par les tribunaux. Les
tribunaux ont le dernier mot sur toutes les lois; c'est tout
simplement ainsi que les choses se passent dans notre démocratie.
Ce que nous avons voulu faire dans ce cas-ci, c'est véhiculer la
notion voulant que, lorsque des membres ont commis, au cours des
cinq dernières années, plusieurs ou, effectivement, une série d'actes
criminels, la définition de gang s'applique. Il ne s'agit pas ici d'une
situation isolée ou exceptionnelle. Il s'agit d'une série de situations
9980
et, par conséquent, nous précisons au tribunal la nature de
l'organisation en question.
(1325)
M. Ramsay: Monsieur le président, si le ministre de la Justice
croit qu'une série signifie plus d'un, cela clarifie la question dans
mon esprit, mais cette définition ne figure nulle part dans le projet
de loi. Comment les juges d'un bout à l'autre du pays vont-ils
l'interpréter? Le ministre de la Justice serait-il disposé à définir le
mot «série» et préciser que cela suppose plus d'un acte criminel?
M. Rock: Monsieur le président, j'ai dit qu'il fallait se fier à la
définition du dictionnaire. Nous pourrions peut-être avoir cela en
main. Je pourrais demander à un de mes fonctionnaires de me
fournir la définition de «série» selon le dictionnaire et nous
pourrions partir de là.
Le président: Le député a-t-il une question supplémentaire?
M. Ramsay: Monsieur le président, je voudrais attendre jusqu'à
ce que le ministre ait répondu à cela.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur
le Président, je voudrais poser une question et émettre un
commentaire. Plus tôt, mon collègue, le député de Calgary-Centre,
m'a rassuré, parce que j'ai craint, à un moment donné, que l'on
s'engage dans ce qui pourrait être apparenté à un filibuster. J'avoue
que cela m'aurait un peu attristé. Mon collègue m'a rassuré, et je
connais son fair play et son élégance. J'avais vraiment le sentiment
que les trois partis s'étaient entendus en Chambre pour faire en sorte
que le projet de loi puisse être adopté le plus rapidement possible.
Je suis reconnaissant au ministre d'avoir rappelé ce qui s'est
passé dans Hochelaga-Maisonneuve. Le ministre sait combien je
me sens concerné par toute la question du crime organisé. Je veux
faire deux commentaires et je n'interviendrai plus sur le projet de
loi, parce que je souhaite vraiment que nous puissions procéder le
plus rapidement possible.
J'ai eu l'occasion, j'en remercie le ministre et ses fonctionnaires,
de pouvoir échanger dans le cadre d'une séance de formation.
J'imagine que la même possibilité a été offerte à nos collègues du
Parti réformiste. C'est vraiment au cours de cette séance que j'ai pu
discuter des technicalités du projet de loi.
Donc, je veux lancer un appel à tous les députés de cette Chambre
pour que nous puissions procéder le plus rapidement possible. Je
veux également rassurer mes collègues du Parti réformiste, qui sont
très près du milieu policier, qu'il y a certainement trois
revendications importantes des associations policières à travers le
pays qui sont consignées dans un rapport.
Il me ferait plaisir de déposer ce rapport, intitulé La gestion des
produits de la criminalité au Canada, s'il y avait consentement de
cette Chambre. Une des principales recommandations de ce
document est qu'il puisse y avoir des circonstances aggravantes
lorsqu'une infraction est commise en lien avec le crime organisé. Je
comprends qu'on retrouve cette disposition dans le projet de loi et le
ministre pourra confirmer l'allégation que je soutiens.
La question que je veux demander au ministre est la suivante:
serait-ce possible de demander à ses fonctionnaires de dresser la
liste des infractions concernées par ce projet de loi, pour notre
meilleure compréhension? Je ne sais pas si des fonctionnaires du
ministère l'ont déjà fait, mais je sais par contre qu'on parle de toutes
les infractions punissables de plus de cinq ans de prison, et cela
concerne principalement des infractions déjà prévues au Code
criminel. Mais afin que tous les députés de cette Chambre
comprennent bien, il serait peut-être intéressant que d'ici la fin de
nos travaux ou d'ici la fin de la semaine, le ministère de la Justice
puisse s'engager à faire circuler cette liste. Je crois que ce serait
intéressant pour tous les députés.
Je termine en lançant un appel à l'adoption diligente du projet de
loi et j'assure le ministre de toute notre collaboration.
[Traduction]
M. Rock: Monsieur le président, il est question dans la définition
d'actes criminels, aux termes du Code criminel ou d'autres lois
fédérales, passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou
plus. Je ne suis pas sûr qu'il soit utile de fournir cette liste, car elle
est très longue.
Pour ce qui est des peines, le Code criminel se divise en une
série-puisqu'il faut bien utiliser un mot-d'infractions passibles
de six mois d'emprisonnement, de deux ans moins un jour, de deux
ans, de cinq ans, de dix ans, de 14 ans et de l'emprisonnement à
perpétuité. Ce sont les distinctions qu'on fait dans le Code criminel.
Les infractions passibles d'une peine maximale de cinq ans
forment un groupe extrêmement important dans le code et dans
d'autres lois. J'ignore s'il serait utile d'avoir cette liste. Ce que nous
essayons de faire, c'est de donner au tribunal une idée de la gravité
des crimes qu'une personne doit avoir commis pour qu'on puisse
affirmer qu'elle appartient à un gang. Ainsi, nous avons choisi les
actes criminels passibles d'une peine maximale de cinq ans, qui
comptent parmi les plus graves. Il n'est pas question de crimes
passibles de six mois, de deux ans moins un jour ou de deux ans
d'emprisonnement, mais d'infractions dont la gravité est au moins
moyenne. Il s'agit d'actes criminels graves.
(1330)
En réponse à la question de mon collègue de Crowfoot sur la
définition d'une «série», lorsque je vois la définition qui figure dans
Le Robert, je constate que si on disait deux actes criminels ou plus
au lieu d'une «série» d'actes criminels, on perdrait la notion de suite
successive ou de relation dans le temps entre les infractions. En
d'autres termes, si une personne commet deux infractions le même
jour, si elles sont toutes deux reliées au même événement, par
exemple, un vol qualifié et une agression, il s'agirait de plus d'une
infraction, mais elles seraient toutes deux commises dans le cadre
du même événement et on ne pourrait pas parler de série puisqu'il
ne s'agirait pas d'une suite successive d'occasions où des
événements de ce genre ont lieu. Par contre, il est question d'une
série
9981
lorsqu'une personne commet un crime en février, puis en commet
un autre en octobre, etc.
Lorsqu'on remonte sur une période de cinq ans, la notion de
«série» veut représenter non seulement un chiffre-plus
d'un-mais une suite d'actes criminels qui ont un lien dans le temps
l'un par rapport à l'autre. Il se dessine une tendance; à plus d'une
reprise, la personne a commis un acte criminel. C'est ce que le mot
«série» nous donne comparativement à l'expression «deux ou
plus».
M. Ramsay: Monsieur le président, je ne sais pas si cela va
vraiment aider, si la définition n'est pas plus précise que celle que je
viens d'entendre le ministre donner.
L'article précise en quoi consiste l'acte de gangstérisme.
J'aimerais que le ministre de la Justice me dise si ce type
d'infraction s'applique aux bandes ou gangs de jeunes. Le projet de
loi ne dit rien à ce sujet. Je me demande pourquoi il ne s'applique
pas aux jeunes et pourquoi la définition de «gang» ne s'applique pas
aux gangs de jeunes.
M. Rock: Mais si, monsieur le président. Cette définition
s'applique à toutes les personnes qui sont assujetties au droit pénal,
c'est-à-dire celles qui sont âgées de 12 ans et plus. Si des jeunes de
13 ans, au moins cinq de ces jeunes, se constituent formellement ou
non en un groupe dont l'une des principales activités consiste à
commettre des actes criminels passibles d'un emprisonnement
maximal de cinq ans et que ses membres ou certains d'entre eux ont
commis une série d'actes criminels au cours des cinq dernières
années, ceux-ci seraient réputés former un gang, peu importe leur
âge. Un acte de gangstérisme peut être commis, peu importe l'âge
des participants, pourvu que ceux-ci tombent sous le coup du droit
pénal, c'est-à-dire à partir de l'âge de 12 ans. La loi s'applique sans
distinction d'âge.
M. Ramsay: Monsieur le président, peut-être le ministre de la
Justice pourrait-il nous expliquer comment il se fait que, dans la loi
sur les jeunes contrevenants, seul le meurtre est passible d'un
emprisonnement de plus de trois ans. Comment cette nouvelle peine
pourrait-elle être imposée sans que la cause ne soit renvoyée devant
un tribunal pour adultes?
M. Rock: Monsieur le président, la Loi sur les jeunes
contrevenants régit ce à quoi s'expose le jeune en question, mais
l'infraction proprement dite est punissable d'au moins cinq années
d'emprisonnement en vertu du Code criminel. Si l'infraction
proprement dite est passible d'un emprisonnement maximal de cinq
ans par voie d'acte d'accusation, alors elle est conforme à la
définition.
M. Ramsay: Monsieur le président, la question doit être bien
claire. Si le ministre de la Justice soutient que les définitions des
termes «gang» et «acte de gangstérisme» s'appliquent aux jeunes
contrevenants, il contredit l'opinion juridique que nous avons
reçue. Malgré un court préavis, l'opinion dit autre chose.
Sauf erreur, la Loi sur les jeunes contrevenants ne prévoit aucune
peine qui dépasse trois ans. La personne qui est reconnue coupable
d'homicide involontaire, par exemple le jeune qui a aidé à torturer à
mort Sylvain Leduc, a reçu la peine maximale de trois ans pouvant
lui être imposée aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Autrement dit, pour cette infraction, la personne ne fait pas partie de
la catégorie des personnes qui ont commis une infraction pouvant
entraîner une peine de cinq ans ou plus. Cette personne, malgré ce
qu'elle a fait, ne ferait pas partie de la catégorie et ne serait pas visée
par la définition.
(1335)
M. Rock: Monsieur le président, je ne suis pas d'accord avec
cette affirmation. En fait, si, aux termes du Code criminel,
l'infraction entraîne une peine maximale de cinq ans ou plus, la
personne fait partie de la catégorie. Le fait qu'une personne soit
passible d'une peine moins sévère, du fait qu'elle est assujettie à la
Loi sur les jeunes contrevenants en raison de son âge, n'a rien à voir
avec la question.
M. Ramsay: Monsieur le président, je veux tirer cela au clair. Le
ministre de la Justice veut-il dire que le jeune délinquant qui a été
trouvé coupable d'homicide involontaire pour le meurtre sous la
torture de Sylvain Leduc et qui a été condamné à la peine maximale
de trois ans de prison prévue dans la Loi sur les jeunes
contrevenants appartient à l'une de ces catégories en tant
qu'individu ayant commis un acte criminel passible d'un
emprisonnement d'au moins cinq ans? Est-ce là ce que le ministre
veut dire?
M. Rock: Monsieur le président, nous devons débrouiller ce
raisonnement et l'exprimer autrement. Je crois comprendre ce que
le député veut dire, mais nous ne pouvons pas appliquer son
raisonnement à ce crime-là. Il n'a pas été allégué qu'il y avait
d'autres crimes.
Si l'on a affaire à un groupe d'au moins cinq personnes, constitué
de façon formelle ou non, dont l'une des principales activités
consiste à commettre des actes criminels définis par le Code
criminel et passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou
plus, et dont l'un ou l'ensemble des membres ont commis une série
de ces actes criminels au cours des cinq dernières années, ces
personnes n'échappent pas à la portée de la définition uniquement
parce qu'en raison de leur âge, ils seraient personnellement
passibles d'un emprisonnement maximal de trois ans en vertu de la
Loi sur les jeunes contrevenants. Mes collaborateurs sont de cet
avis, et moi aussi.
M. Ramsay: Monsieur le président, pour tirer cela au clair aux
fins du compte rendu et pour que ceux qui suivent nos délibérations
comprennent bien, dans le cas du jeune délinquant qui a été
condamné à une peine maximale de trois ans de prison pour
homicide involontaire en vertu de la Loi sur les jeunes
contrevenants, si le fait avait été établi et si la mesure à l'étude avait
eu force de loi avant que le crime soit commis-la meurtre de
Sylvain Leduc-aurait-il pu être inculpé sous ce nouveau chef
d'accusation d'acte de gangstérisme?
M. Rock: Monsieur le président, la mesure à l'étude concerne les
gangs. Je ne connais pas très bien les détails de l'affaire que le
député ne cesse d'évoquer. Je préférerais ne pas parler d'une affaire
dont les tribunaux sont encore saisis.
Il n'est pas question en l'occurrence d'une personne commettant
une infraction dans un cas isolé. Il est question de gangs composés
d'au moins cinq individus menant une vie de criminels sans pitié et
9982
qui ont commis une série de crimes au cours des cinq dernières
années. Nous parlons donc de gangs et d'actes de gangstérisme.
Le projet de loi ne s'applique pas à une personne qui commet une
infraction dans un cas particulier.
M. Ramsay: Monsieur le président, cette personne aurait été
membre du Ace Crew, qui est un gang. Il se livre au trafic de
drogues et il a été mêlé à l'enlèvement d'au moins deux personnes,
dont une a été torturée à mort. Si le projet de loi avait été adopté
avant que ce crime ne soit commis, ce jeune aurait-il pu être reconnu
coupable et condamné aux termes de cette nouvelle infraction
appelée «acte de gangstérisme»?
M. Rock: Non.
M. Ramsay: Pourquoi pas? Si le ministre dit que ces deux
nouvelles définitions, soit celles de gang et d'acte de gangstérisme,
s'appliqueraient aux gangs de jeunes, et que cette personne était,
semble-t-il, membre d'un gang de jeunes, pourquoi ne se serait-elle
pas appliquée à ce jeune qui a été condamné à seulement trois ans
pour homicide involontaire, si le projet de loi avait été adopté avant
que le crime ne soit commis? Le ministre dit que cette disposition ne
s'appliquerait pas. Je ne comprends pas.
(1340)
M. Rock: Monsieur le président, premièrement, je refuse
formellement de discuter de l'affaire Sylvain Leduc. Nous ne
devons pas en parler parce qu'elle est devant les tribunaux.
Je vais situer le problème à un niveau plus général et parler d'un
gang de jeunes qui aurait commis une série d'actes criminels sur
une certaine période. Comme je l'ai déjà dit au député, si un groupe,
une association ou une organisation, formelle ou non, de cinq
personnes ou plus a comme l'une de ses principales activités de
commettre des crimes qui, aux termes du Code criminel ou de toute
autre loi fédérale, sont punissables d'une peine d'emprisonnement
de cinq ans ou plus, et si tous les membres de ce groupe ou certains
d'entre eux ont commis au cours des cinq dernières années une série
de crimes passibles de peines de cette durée, alors il s'agit d'une
organisation criminelle et n'échapperait pas à la définition pour la
simple raison que ses membres ont moins de 18 ans, pourvu
cependant qu'ils aient 12 ans ou plus. Les crimes en question sont
déterminés en fonction des peines prévues par le Code criminel.
La Loi sur les jeunes contrevenants limite à trois ans la peine
maximum. Mais l'âge seul ne leur permettra pas d'échapper à la
définition, si les autres éléments sont présents. Je l'ai déjà dit tout à
l'heure, et je ne peux pas être plus clair.
M. Ramsay: Monsieur le président, le ministre de la Justice a
certainement réussi à m'embrouiller les idées. Devra-t-on porter
devant un tribunal pour adultes la cause d'un jeune contrevenant
accusé de l'acte criminel visé par la mesure législative, si l'on veut
que le nouveau projet de loi s'applique dans son cas?
M. Rock: Monsieur le président, si la Couronne veut demander
une peine d'emprisonnement de 14 ans, elle devra porter la cause
devant un tribunal pour adultes. Si elle peut se contenter d'une peine
d'emprisonnement maximale de trois ans, la cause peut être
entendue devant un tribunal pour adolescents.
M. Ramsay: Monsieur le président, il semble y avoir une
anomalie, puisque les membres de gangs de jeunes pourraient
encore être condamnés aux termes du Code criminel et que la peine
supplémentaire, qui sera purgée en même temps, conformément à
cette nouvelle disposition, ne peut s'appliquer que si le
contrevenant est jugé devant un tribunal pour adultes. Ai-je raison?
Est-ce ainsi que je dois comprendre ce que le ministre de la Justice a
déclaré au comité?
M. Rock: Monsieur le président, comme dans toutes les
procédures mettant en cause des jeunes contrevenants, si la
Couronne réclame des peines prévues dans le Code criminel, elle
doit faire porter la cause devant un tribunal pour adultes. Cela ne
change rien à la nature de l'organisation. Cela permet à la police
d'invoquer ces dispositions de la loi. Toutefois, pour qu'un
contrevenant soit condamné comme un adulte, sa cause doit d'abord
être entendue devant un tribunal pour adultes.
M. Ramsay: Monsieur le président, si je comprends bien les
propos du ministre, les peines ne peuvent s'appliquer aux jeunes
contrevenants, à moins que leur cause soit portée devant un tribunal
pour adultes? Est-ce exact?
M. Rock: Monsieur le Président, oui, comme dans tous les autres
cas.
M. Ramsay: Monsieur le président, si le tribunal opte pour
l'inversion de la charge de la preuve prévue dans le projet de loi
C-37, décide que la personne ne doit pas être jugée dans un tribunal
pour adultes, celle-ci se trouve alors à l'abri de la loi.
(1345)
M. Rock: Non, monsieur le président, mais les peines possibles
se limitent à celles qui sont prévues dans la Loi sur les jeunes
contrevenants.
M. Ramsay: Tant qu'à fendre les cheveux en quatre, je vais
présenter les choses de cette façon-ci. Si le juge dit que le jeune
contrevenant doit être jugé devant un tribunal pour adolescents, le
jeune contrevenant est alors à l'abri des peines prévues dans cette
nouvelle disposition, n'est-ce pas?
M. Rock: Monsieur le président, comme dans tous les autres cas,
si le tribunal décide de ne pas transférer le jeune à un autre tribunal
qu'à un tribunal pour adolescents, les peines prévues dans la Loi sur
les jeunes contrevenants s'appliquent.
Comme le député ne l'ignore pas, nous avons modifié, dans le
projet de loi C-37, les dispositions de transfert à l'égard des crimes
les plus violents. C'est ainsi que le projet de loi C-37, qui a
désormais force de loi, prévoit qu'une personne de 16 ou 17 ans, soit
d'un âge situé à la limite supérieure couverte par la Loi sur les
jeunes contrevenants, qui est accusée d'un acte de violence des plus
graves-à savoir, notamment, meurtre, tentative de meurtre, homi-
9983
cide involontaire coupable, agression sexuelle grave-sera jugée
dans un tribunal pour adultes à moins qu'elle puisse démontrer à la
satisfaction du juge qu'il est conforme à l'intérêt public qu'elle soit
jugée dans un tribunal pour adolescents.
Tout cela pour montrer que nous n'allons pas tolérer que des
jeunes commettent des délits violents et que le châtiment sera dans
ce cas prompt et certain.
Si la personne est transférée dans un tribunal pour adultes, elle est
alors évidemment assujettie à toutes les peines qui sont prévues
pour les adultes. Par rapport au projet de loi C-95, cela veut dire 14
années d'emprisonnement pour utilisation d'explosifs, par
exemple, 14 années pour participation à un gang, une plus longue
peine avant de pouvoir demander une libération conditionnelle, et
des peines consécutives si l'on est reconnu coupable d'autres délits.
La personne qui est transférée à un tribunal pour adultes risque de se
voir condamner à ces peines très sévères. Mais, comme dans tous
les autres cas, si le procureur de la poursuite ne demande pas son
transfert-ce qui incombe évidemment au procureur de la
Couronne provincial-ou si le tribunal ne veut pas la transférer, elle
est visée par la Loi sur les jeunes contrevenants dans un tribunal
pour adolescents et par les peines maximales qui y sont prévues.
M. Ramsay: Il est donc très clair que cette nouvelle infraction ne
tient pas devant les tribunaux pour jeunes, dans le cas de jeunes
contrevenants qui font partie de gangs, à cause de la transférabilité
de certaines de ces infractions, la série d'infractions couvertes par le
projet de loi C-37 étant restreinte. Cette nouvelle disposition ne
s'appliquera que devant les tribunaux pour adultes. Par rapport à la
peine, quelle est la différence? Dans le cas d'adultes qui ont recours
à des jeunes, comme l'ont fait les Ace Crew, ce gang qui a été à
l'origine de la torture et de la mort d'au moins une personne, un
individu a été traduit devant un tribunal pour jeunes et n'a été
condamné qu'à trois ans d'emprisonnement pour homicide
involontaire, peine qui aurait été beaucoup plus élevée s'il avait été
renvoyé à un tribunal pour adultes.
Il est très clair que cette nouvelle peine et, d'une manière
générale, la loi ne s'appliquent pas à quiconque est traduit devant un
tribunal pour jeunes.
Je voudrais poser au ministre la question suivante. Supposons
qu'un adulte soit trouvé coupable d'un acte criminel passible d'un
emprisonnement de plus de cinq ans et que l'on puisse prouver que
l'individu faisait partie d'un groupe, d'une association ou d'une
organisation dont les quatre autres membres sont des jeunes, la
définition continuerait-elle de s'appliquer?
M. Rock: Oui, à mon avis, elle s'appliquerait.
M. Ramsay: Très bien. Je vais alors passer au dernier aspect,
celui des biens infractionnels. Le ministre de la Justice a abordé
cette question tout à l'heure. J'aimerais qu'il explique au comité en
quoi les dispositions à ce sujet seront différentes de celles qui
s'appliquent actuellement. Pourrait-il expliquer au comité les
changements que prévoit le nouveau projet de loi?
M. Rock: Monsieur le président, le député parle-t-il des biens
infractionnels?
M. Ramsay: Oui.
(1350)
M. Rock: Monsieur le Président, le droit pénal prévoit à l'heure
actuelle que, pour certains crimes, le tribunal peut ordonner la
confiscation des produits de la criminalité. En effet, dans certaines
circonstances, le tribunal peut ordonner, avant même la
condamnation, que les biens soient confisqués, que l'accusé soit
privé de leur usage pendant le procès.
Il est arrivé que des chalets de ski soient confisqués en vertu de
ces dispositions dans les cas où le tribunal a pu prouver que les
produits de la criminalité étaient liés aux chalets.
Dans le projet de loi C-95, la portée de ces dispositions a été
élargie pour qu'elles couvrent les activités des organisations
criminelles, en plus de celles qu'elles couvrent maintenant.
Toutefois, nous avons établi une première. En effet, le tribunal
pourra dorénavant confisquer les biens utilisés dans la perpétration
d'une infraction. Cette question fait l'objet de débats depuis de
nombreuses années dans le droit canadien. Cela n'a jamais été fait
auparavant.
Cette disposition permettrait la saisie non seulement des produits
de la criminalité, mais encore des biens utilisés dans le but de
commettre le crime. Par exemple, si un gang se sert de canots à
moteur pour la contrebande, de camions pour le transport
d'explosifs sur les lieux du crime, d'un immeuble, surtout s'il est
fortifié ou modifié, pour faciliter la perpétration d'un crime, le
tribunal pourra ordonner la confiscation du bien en cause à titre de
bien ayant servi à la perpétration d'un crime, tout comme il peut
maintenant ordonner la saisie des produits du crime, ce qui serait
conforme à la pratique observée au Canada jusqu'à maintenant.
Nous estimons que cette loi permettra aux autorités de saisir les
biens dont les organisations criminelles se sont servis pour
commettre un acte criminel et, partant, de mieux contrer ces
dernières en les privant des outils dont elles ont besoin pour
poursuivre leurs abominables activités.
M. Ramsay: Monsieur le président, j'ai une dernière question. Je
veux revenir à la question des jeunes contrevenants. Compte tenu de
ce qu'il a dit aujourd'hui au comité au sujet de l'application du
projet de loi aux jeunes contrevenants, le ministre de la Justice
serait-il prêt à envisager de modifier la Loi sur les jeunes
contrevenants pour transférer devant les tribunaux pour adultes tous
les jeunes accusés d'infraction passibles d'une peine maximale de
plus de cinq ans?
M. Rock: Monsieur le président, je voudrais étudier une telle
proposition à fond avant de me prononcer. Peut-être le député
pourrait-il me la communiquer pendant la période des questions
afin que nous puissions l'examiner et en étudier les ramifications.
Je ne suis pas très sûr de savoir ce que le député a en tête, mais je
9984
suis convaincu qu'en discutant avec lui je pourrai mieux
comprendre et lui répondre.
Le président: Y a-t-il d'autres questions? S'agit-il encore de
l'article 1?
M. Strahl: Oui, monsieur le président. Je remercie le ministre de
me donner la chance de lui poser des questions. J'aime beaucoup ce
genre d'échange. Je crois que le comité plénier est un outil très utile.
Les gens qui nous regardent à la télévision et ceux qui liront le
hansard verront à quel point les échanges entre le ministre et les
députés de l'opposition sont profitables.
Je veux répéter un problème que nous avons. Les chefs de police
du Québec réclament une telle mesure législative depuis 1994.
Nous sommes probablement à cinq jours du déclenchement des
élections et, parce que nous voulons nous montrer coopératifs de ce
côté-ci de la Chambre, nous voilà obligés d'adopter le projet de loi
dans une journée, sinon il ne pourra l'être avant les élections. C'est
malheureux parce que cela entache une tentative par ailleurs
honnête de la part du ministre en vue de régler un grave problème.
Cela donne aussi l'impression que ce n'est qu'une autre occasion de
bien paraître la dernière semaine avant le déclenchement des
élections, ce qui est malheureux.
Toutefois, je crois le ministre sur parole lorsqu'il dit qu'on
travaillait à cette mesure depuis longtemps. C'est simplement
malheureux que nous soyons obligés de l'étudier à la dernière
minute. Je crois que cela va susciter toutes sortes de questions et de
remarques inutiles au sujet de ce projet de loi. J'ai lu de nombreux
articles de journaux qui disaient qu'on faisait passer la politique
avant les bonnes mesures législatives. Je suis certain que le ministre
n'a pas besoin de cela dans son curriculum vitae. C'est malheureux
que les choses se soient passées ainsi.
(1355)
Dans le même ordre d'idées, je rappelle au ministre que, il y a dix
jours, il a fallu apporter des modifications aux dispositions sur la
détermination de la peine contenues dans les projets de loi C-41 et
C-45. Certaines choses nous échappent lorsque nous allons trop
vite. Encore là, nous avons accepté de faire les choses à la hâte pour
permettre au ministre de corriger certaines imperfections dans ces
projets de loi. Même dans le cas du projet de loi C-68, au sujet
duquel nous ne cessons de réprimander le ministre, on a dû retirer la
première série de règlements et en présenter une nouvelle.
Ce sont tous là des signes qui montrent que les choses se font trop
vite. J'espère que le ministre a raison lorsqu'il dit que ce projet de
loi résistera à toute contestation en vertu de la Charte et aura l'effet
souhaité. Cependant, les choses faites à la hâte si près des élections
risquent de ne pas être bien faites.
C'est n'est pas un long projet de loi, mais il modifie beaucoup
d'articles du Code criminel. Certaines personnes n'ont reçu le
projet de loi que vendredi ou même ce matin. Il y a des gens qui ont
travaillé durant le week-end. Beaucoup d'entre nous voulaient
savoir exactement quel serait l'impact de cette mesure législative et
des modifications connexes. C'était très difficile à faire.
J'ai quelques questions à poser au ministre à ce sujet. Ai-je raison
de penser que, dans la première partie de la définition d'un gang où
l'on dit qu'il s'agit d'une organisation d'au moins cinq personnes,
le mot «personnes» se rapporte aux personnes âgées de plus de 12
ans? Est-ce bien là ce que le ministre a dit?
Le président: L'heure réservée à la période des questions est
arrivée. Nous devrons poursuivre l'étude de l'article 1 après la
période des questions.
(Rapport est fait de l'état de la question.)
Le Président: Comme il est près de 14 heures, nous passons
maintenant aux déclarations de députés.
______________________________________________
9984
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[
Traduction]
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le
Président, le club Lions Grantham de St. Catharines a obtenu sa
charte le 2 mai 1952 et célébrera dans le courant du mois le 45e
anniversaire de cet événement.
Depuis 1952, le club s'est voué à la promotion des principes de
bon gouvernement, du civisme et de l'aide aux moins fortunés, tout
en offrant une tribune de discussion et en encourageant les citoyens
à servir leur communauté.
Son action a notamment permis d'aménager l'un des plus beaux
parcs sportifs de St. Catharines, d'aider des programmes et
organisations comme les Cubs et les Beavers, des hôpitaux locaux,
la résidence Ina Grafton Gage, des handicapés visuels et auditifs, et
de contribuer à bien d'autres causes encore.
Depuis 45 ans, le club Lions Grantham joue un rôle
d'organisateur et de soutien communautaire de premier plan,
notamment par l'aide qu'il apporte aux jeunes, aux personnes âgées
et aux personnes moins favorisées. Deux membres du club méritent
une mention particulière. Il s'agit de Charles Boyagian et de Lee
Nichols, tous deux membres fondateurs. Je les félicite, ainsi que
tous les membres du club pour leur excellent travail, leur
dévouement à la communauté et leur sens du don.
* * *
M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le
Président, le ministre de la Santé a expressément dit à la Chambre
que le projet de loi C-7, présenté de nouveau sous le numéro C-8,
était un projet de loi sur les stupéfiants et n'avait rien à voir avec les
produits de santé naturels.
Cependant, les libéraux ont désigné médicaments les vitamines,
les minéraux et les herbes ayant une valeur thérapeutique. À
présent, sans avoir la preuve que ces produits sont dangereux, ils
retirent des rayons vitamines, minéraux, herbes et extraits naturels.
En outre, agissant de façon arbitraire, Douanes Canada saisit les
9985
produits de santé naturels à la frontière ou refuse leur importation au
Canada.
(1400)
Selon les nouvelles règles, les companies doivent garantir que
ces produits sont absolument sans danger. Seules les grosses
compagnies ont les moyens de commercialiser leurs produits en
vertu des nouvelles règles.
En fin de compte, les produits retirés des rayons dans l'intérêt du
public y sont replacés dans un contenant officiel à un prix deux ou
trois fois plus élevé.
Ce n'est pas une question d'innocuité; c'est une question
d'argent et de pouvoir. Sous les libéraux, les consommateurs et les
petites entreprises sont perdantes, et les grosses compagnies sont
gagnantes.
* * *
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président,
je suis heureux de porter à l'attention de la Chambre que, du 21 au
27 avril, c'est la Semaine nationale des textiles au Canada.
L'industrie du textile est un excellent exemple de secteur qui
s'est restructuré et qui a pris des moyens dynamiques pour
s'attaquer à de nouveaux marchés dans le monde entier. En fait, les
exportations de cette industrie ont presque triplé depuis 1989.
La Semaine nationale des textiles, organisée par le Conseil des
ressources humaines de l'industrie des textiles, est un excellent
exemple de partenariat de travail. Les entreprises, les syndicats, les
fournisseurs et diverses organisations de cette industrie se sont
partagés la commandite des activités intéressantes qui se
dérouleront au cours de cette semaine, à commencer par
FUTUR*TEX, une importante conférence organisée à Montréal.
Entre autres activités, il y aura aussi des journées portes ouvertes,
des visites d'écoles et des conférences de presse.
[Français]
Toutes ces activités servent à mieux faire connaître l'industrie
textile aux Canadiens de façon à assurer un avenir prometteur à ce
secteur de l'économie canadienne.
* * *
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ):
Monsieur le Président, le gouvernement fédéral est en avance dans
sa lutte contre le déficit, mais il n'a pas le même succès quand vient
le temps de réduire ses propres dépenses.
L'examen des données révèle qu'entre 1994-1995 et 1997-1998,
Ottawa n'a réduit ses dépenses internes que de 9 p. 100 au lieu de19 p. 100, comme promis dans le budget de 1995.
Selon le dernier document du Conseil du Trésor, à l'exclusion des
transferts aux provinces, les dépenses fédérales atteindront 50,2
milliards de dollars en 1997-1998, soit 8 milliards de dollars de plus
que prévu il y a deux ans.
Pendant ce temps, 54 p. 100 des compressions de dépenses auront
été réalisées en réduisant les transferts aux provinces. Les transferts
en espèces pour la santé et les programmes sociaux auront subi une
chute de 35 p. 100.
Les revenus du gouvernement fédéral et les dépenses de
ministères dépassent les prévisions, le service de la dette est plus
bas que prévu. En fait, la seule prédiction du ministère des Finances
qui s'est réalisée, c'est celle des coupures dans les transferts aux
provinces. Le fédéral a définitivement réduit son déficit sur le dos
des provinces et des chômeurs.
* * *
[
Traduction]
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le
Président, plus tard aujourd'hui, je présenterai une pétition portant
plus de 1 700 signatures de pétitionnaires qui s'opposent aux
compressions dont la SRC a été victime. Ce n'est qu'une petite
partie d'une pétition qui a d'abord été signée par une seule personne
en Colombie-Britannique. Maintenant, 36 000 l'ont signée, et ce
n'est pas fini. Dans toutes les provinces et dans les territoires, la
population manifeste d'une seule voix son appui à cette cause.
La pétition a commencé lorsque le Parti libéral a choqué la
population en négligeant sa promesse inscrite dans le livre rouge
d'assurer un financement à long terme solide à la SRC. Les gens la
signent aussi parce qu'ils dénoncent la politique de courte vue du
Parti libéral, qui est en train de tuer l'institution la plus efficace dans
la défense de l'unité canadienne. En effet, cette société favorise la
communication et chante les louanges des valeurs, qualités et
aspirations qui distinguent les Canadiens.
On prévoit encore réduire le financement de 100 millions de
dollars l'année prochaine. Pour protéger l'avenir du Canada en tant
que pays libre, indépendant et démocratique, il faut mettre un terme
à ces compressions.
* * *
Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.):
Monsieur le Président, j'ai entendu dire que l'avenir est tellement
prometteur, tellement brillant que nous devrons porter des verres
fumés pour ne pas être éblouis. Ce matin, j'ai vu les meilleurs et les
plus brillants de nos jeunes Canadiens de toutes les régions, lors
d'un petit déjeuner donné en l'honneur des gagnants des prix
d'excellence de YTV.
La huitième série de prix d'excellence de YTV est parrainée par
le réseau YTV et la banque CIBC. Contrairement à d'autres prix, les
prix d'excellence de YTV sont attribués à des futures étoiles
canadiennes et à des héros locaux.
Je suis donc très heureuse de féliciter les lauréats suivants: le
groupe Soup de Halifax, Nouvelle-Écosse, qui a remporté le prix du
meilleur groupe musical; Sabrina Perri de Saint-Léonard, Québec
dans le secteur innovation, science et technologie; Benjamin
Bowman de Toronto, Ontario pour la musique instrumentale; Nava
Mizrahi de Vancouver, Colombie-Britannique pour le service au
public; Travis Knight de Dollard-des-Ormeaux, Québec pour son
numéro de variétés; Joseph Radmore de Kemptville, Ontario pour
les sports; Kimberly Richard de Pierrefonds, Québec, qui a rempor-
9986
té le prix Terry Fox; Michel Irving de Moncton,
Nouveau-Brunswick pour les arts visuels; la chorale Holy Heart of
Mary de St. John's Terre-Neuve pour la présentation vocale, et
Jérôme Gariépy de Montréal, Québec pour la rédaction.
(1405)
Le Président: Chère collègue, il vous intéressera sûrement de
savoir que je présenterai officiellement tous ces jeunes gens à la
Chambre à la fin de la période des questions.
* * *
M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.):
Monsieur le Président, nous avons aujourd'hui avec nous à la
tribune les finalistes du concours organisé par les brasseurs
canadiens sous le titre «Stand up, Speak out, and Be Heard».
Pour ce concours, les jeunes Canadiens devaient soumettre des
idées et des concepts pour une campagne publicitaire visant à
sensibiliser la population à l'importance de boire de façon
responsable.
J'aimerais féliciter Brad Swaile, de Vancouver, ma
circonscription, Scott Robertson, de Yellowknife, Brian Brintell, de
Brighton, en Ontario, Justin Antippa, de Trois-Rivières, et Anthony
Slade, de Timberlea, en Nouvelle-Écosse.
Plus de 5 000 jeunes, d'un bout à l'autre du pays, ont envoyé des
bandes vidéo, des dessins animés par ordinateur, des nouvelles, des
poèmes, de la musique et des affiches. Leurs efforts témoignent de
la créativité de nos jeunes.
Je rends hommage à tous les jeunes qui ont participé à cette
campagne en faveur de la consommation raisonnable de boissons
alcoolisées. Je félicite les brasseries pour cette importante
initiative.
* * *
[
Français]
M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans,
BQ): Monsieur le Président, samedi dernier, à l'émission
Raison
passion de Radio-Canada, Aline Chrétien nous a parlé de son
illustre mari. Son impopularité a fait partie des sujets abordés dans
le cadre de l'entretien, et Mme Chrétien déclarait, et je cite: «C'est
sûr que ça fait mal. J'aimerais mieux que les gens l'aiment mieux au
Québec.»
Je sympathise beaucoup avec elle, mais moi aussi, ça me fait mal
de voir le premier ministre, un Québécois, bâtir sa carrière à frapper
à tour de bras sur le Québec, et ce, depuis les 30 dernières années.
Comment voulez-vous qu'il soit aimé lorsque ses amis sont Clyde
Wells, Howard Galganov et Guy Bertrand?
Souvenez-vous de la nuit des longs couteaux, sa fierté d'avoir été
l'homme de main de Pierre Elliott Trudeau lors du rapatriement de
la Constitution de 1982, sans l'accord du Québec, un événement
dont on a d'ailleurs célébré avec tristesse le 15e anniversaire la
semaine dernière.
Oui, madame Chrétien, le Québec se souvient.
* * *
[
Traduction]
M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur
le Président, l'apport de la ville de Trail à la culture sportive et à
l'économie de ce pays ne date pas d'hier. Cette petite localité, située
dans Kootenay-Ouest, est passée par des hauts et des bas alors que
Cominco, son principal employeur éprouvait de graves difficultés.
Maintenant, des inondations dévastatrices se sont abattues sur
Trail et sur les localités environnantes, qui ont besoin de l'aide du
reste du pays pour reprendre pieds. Des inondations de cette
magnitude sont désastreuses pour n'importe quelle localité et
encore plus pour une ville de la taille de Trail et des localités
environnantes.
Les inondations ont également causé la mort de Ken Plotnikoff
fils, alors qu'il s'acharnait à essayer de sauver l'entreprise
familiale. Je suis certain que la Chambre toute entière se joint à moi
pour offrir nos condoléances à sa famille et pour promettre une aide
financière à Trail et aux agglomérations voisines éprouvées par les
circonstances.
* * *
M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à un hôte très
spécial de la Chambre des communes, le premier premier ministre
du Canada, sir John A. Macdonald.
Mon prédécesseur dans la circonscription de Kingston est revenu
à Ottawa après 106 ans d'absence. Il m'a demandé d'inviter tous les
députés à visiter Kingston cet été pour voir l'acteur John Blackwood
l'incarner dans la comédie musicale Sir John, Eh?.
Écrite par Jim Garrard et Grant Heckman, cette comédie
musicale se déroule dans le cimetière Cataraqui où est enterré sir
John. La famille Macdonald visite la Kingston moderne et on
raconte son histoire, une vie publique triomphante malgré
l'adversité et les chagrins personnels.
Le spectacle raconte aussi l'histoire du Canada et la manière dont
les décisions de sir John continuent d'avoir une influence sur la
nation moderne. C'est une pièce fascinante, agréable et vraiment
distrayante dont la musique est magnifique. La première, comme il
se doit, aura lieu le Jour du Canada.
Au nom de sir John, j'invite tous les Canadiens à visiter Kingston
cet été et à assister à cette pièce de théâtre imaginative et
humoristique.
Le Président: Sir John, bienvenue chez vous, heureux de vous
revoir parmi nous.
9987
Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le
Président, avril est le mois de la sensibilisation à la maladie de
Parkinson. Plus de 100 000 Canadiens, dont 1 500 à Terre-Neuve,
souffrent des symptômes de la maladie de Parkinson, qui touche un
adulte sur 100.
La maladie se manifeste chez les plus de 55 ans par les
symptômes suivants: rigidité musculaire, lenteur des mouvements,
spasmes dans les membres au repos, difficultés de coordination des
mouvements, perte de volume de la voix.
La cause de cette maladie est toujours inconnue et elle reste
incurable. Le chapitre de St. John's de la Fondation canadienne du
Parkinson fait un effort tout spécial, ce mois-ci, pour sensibiliser la
population à cette maladie. La connaissance des symptômes, de la
médication, des exercices et de la thérapie est essentielle pour
permettre aux victimes de contrôler leur maladie.
(1410)
Je demande à mes collègues de m'aider à sensibiliser l'opinion à
cette maladie.
* * *
[
Français]
M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le
Président, mercredi dernier, les premiers ministres du Canada et de
la province du Manitoba ont signé l'entente Canada-Manitoba sur
le développement du marché du travail.
Cette entente, la quatrième signée entre le fédéral et les
provinces, est extrêmement importante pour ma province, et elle
comprend d'importantes différences sur le service dans la langue de
la minorité officielle, dans ce cas-ci, le français. La province du
Manitoba offrira ces services là où il y a une demande importante,
conformément à la Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
De plus, la province s'est engagée à faire de son mieux pour
appuyer la communauté de langue française du Manitoba grâce à sa
propre politique de services en langue française.
[Français]
Cette entente démontre que le gouvernement fédéral s'engage à
travailler en partenariat avec la province, afin de mieux desservir
tous les Canadiens et Canadiennes et la province semble être prête à
faire sa juste part pour tous ses citoyens et citoyennes.
[Traduction]
Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.):
Monsieur le Président, nos maisons, nos écoles et nos rues font écho
aux voix qui réclament des changements à notre système de justice.
Il y a trois ans, des milliers de personnes ont défilé dans les rues
de la circonscription de Port Moody-Coquitlam pour que des
modifications soient apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants,
demande qu'a ignorée le gouvernement libéral.
La collectivité a de nouveau fait entendre sa colère récemment
devant l'inaction du gouvernement qui a eu pour résultat la remise
en liberté d'un tueur en série qui oblige les familles des victimes et
leur localité à être de nouveau victimes.
De façon tragique, le mois dernier, l'auteur d'une violation de
domicile a privé une famille de néo-Canadiens de leurs parents,
quelques semaines à peine avant d'obtenir la citoyenneté
canadienne.
À l'instar de mes collègues du Parti réformiste, je m'engage, au
nom de tous les Canadiens, à tout mettre en oeuvre pour que des
modifications législatives soient apportées afin d'adopter notre
charte des droits des victimes et de rétablir un système de justice qui
accorde la priorité aux droits et à la sécurité des citoyens
respectueux de la loi face au système de justice pénale, y compris
l'abrogation de l'article 745.
* * *
[
Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, le
premier ministre, le président du Conseil du Trésor et la ministre du
Patrimoine canadien ont tous trois donné leur appui à SOS Montfort
pour le maintien de cet unique hôpital francophone de l'Ontario.
Pourtant, les actions passées de ce trio contredisent leurs paroles.
Ainsi, le premier ministre a fermé le seul collège militaire
francophone du Canada en faveur de Kingston, un bastion
anglophone.
D'autre part, en négligeant d'appliquer la Loi sur les langues
officielles qui accorde aux francophones le droit de travailler en
français dans la région de la Capitale nationale, c'est le président du
Conseil du Trésor qui force nombre de francophones à travailler en
anglais.
Enfin, en imposant à Radio-Canada les pires compressions de
son histoire, la ministre du Patrimoine est responsable du fait que
les services de Radio-Canada aux francophones hors Québec ne
sont plus que l'ombre de ce qu'ils étaient.
La morale de cette triste histoire est la suivante: Monsieur Harris,
s'il vous plaît, faites ce que ce trio vous dit, mais, de grâce, ne faites
pas ce qu'il a fait.
9988
[Traduction]
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
de jour en jour, le niveau de la rivière Rouge monte. Il continuera de
monter au cours des dix prochains jours, ce qui représente une
menace pour les habitants de la vallée de la rivière Rouge. Nous
sommes prêts à faire face à la situation et nous espérons que les
choses vont s'améliorer mais personne ne trouvera le repos tant que
le niveau de l'eau ne cessera pas de monter.
Si nous sommes prêts à faire face à la situation, c'est grâce au
travail de milliers et de milliers de personnes qui, depuis deux
semaines, se sont employées à élever des digues, à protéger les
maisons avec des sacs de sable, à organiser le travail des bénévoles,
à nourrir les bénévoles, à assurer le transport des bénévoles. Je tiens
à souligner les efforts du conseiller municipal John Angus, qui a
travaillé d'arrache-pied pour assurer la coordination de ces activités
à l'extrémité sud de la ville.
* * *
[
Français]
M. Réginald Bélair (Cochrane-Supérieur, Lib.): Monsieur le
Président, le ministre de la Justice a annoncé, la semaine dernière,
les principales mesures législatives visant à aider tous les
intervenants impliqués de près ou de loin dans la lutte contre la
criminalité.
Or, la plupart des intervenants s'entendent pour dire que ce projet
de loi répond en bonne partie aux demandes exprimées ces derniers
temps et procure les outils nécessaires dans la lutte contre le crime.
(1415)
Parmi ces réactions, je retiens celle du directeur du Service de
police de la Communauté urbaine de Montréal, M. Jacques
Duchesneau, qui n'a pas caché son enthousiasme en soulignant que
ce projet de loi est un bon début.
La rapidité avec laquelle le ministre de la Justice a répondu aux
demandes pressantes du milieu en a réjoui plus d'un. Son travail
reflète la volonté de notre gouvernement d'accroître la qualité de
vie de la population québécoise.
______________________________________________
9988
QUESTIONS ORALES
[
Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ):
Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre
suppléant.
Après des années de discussions entre Québec et Ottawa sur
l'important dossier de la formation de la main-d'oeuvre, une
entente de principe est finalement intervenue et a été signée ce
matin entre les deux gouvernements.
Depuis 32 ans, premier ministre après premier ministre, le
Québec réclame inlassablement la même demande. De son côté,
Ottawa s'est traîné les pieds jusqu'à l'échéance électorale
imminente et signe, pour la deuxième fois, une entente sur la
main-d'oeuvre, comme cela s'était fait en 1993 entre Bourassa et
Campbell.
Le premier ministre peut-il dire à la Chambre ce qui a changé
depuis sa fameuse déclaration où il qualifiait de caprice du Québec
la demande du premier ministre Johnson de rapatrier la formation
de la main-d'oeuvre? Est-ce parce qu'il a failli perdre le référendum
ou qu'il est à la veille d'une élection que le premier ministre devient
soudainement flexible?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des
communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, je me demande pourquoi il y a un si grand écart entre la
position, dans ce dossier, du chef du Bloc québécois et celle du
premier ministre du Québec. Je crois qu'il y avait une bonne entente
entre le premier ministre du Québec et le premier ministre du
Canada au moment où ils ont signé ensemble ce document très
important sur la main-d'oeuvre.
Alors, je me demande pourquoi le leader parlementaire du Bloc
québécois se plaint de cette grande réussite du gouvernement
fédéral et du gouvernement du Québec.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ):
Monsieur le Président, avec tout le respect que je dois à mon
honorable collègue, on n'est peut-être pas au courant de la même
entente; c'est peut-être ça le problème.
En juillet 1965, le premier ministre Jean Lesage, qui n'était
pourtant pas, que l'on sache, un souverainiste, réclamait déjà pour
le Québec le plein pouvoir constitutionnel en matière de
main-d'oeuvre, pas une entente administrative, le plein pouvoir
constitutionnel en matière de main-d'oeuvre.
Le premier ministre reconnaît-il que l'entente administrative
n'est qu'un premier pas, que le Québec ne récupère aucunement sa
compétence dans la formation de la main-d'oeuvre et que l'entente
de principe signée ce matin, presque dans la convivialité, est quand
même très loin de la demande initiale du premier ministre Lesage en
1965?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des
communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, je dois réitérer les faits. Le premier ministre du Québec a
parlé ce matin de façon totalement inverse. Il a accepté avec
beaucoup de plaisir cette entente et je me demande pourquoi le Bloc
québécois dans cette Chambre travaille à l'inverse de la position du
premier ministre québécois.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Je
suis quand même étonnée, monsieur le Président, qu'une personne
aussi expérimentée s'étonne que des représentants du Québec ne
tiennent pas tout à fait le même discours. On a déjà vu ça, nous
autres, au Québec, surveiller les fédéralistes et ne pas tenir le même
discours qu'à Québec. Ce n'est pas une nouveauté, ça.
Il se dit surpris de cela, mais je ne suis pas sûre qu'il a écouté la
même conférence de presse que nous. Bien sûr que M. Bouchard est
content, bien sûr qu'il a signé la convention, bien sûr que c'est un
9989
premier pas, un tout premier pas dans la bonne direction. Le pas est
très petit.
(1420)
On ne peut même pas dire, comme quand ils sont allés sur la lune,
que c'est «un grand pas pour l'humanité.» C'est un petit pas. Donc,
il ne faut pas se tromper dans les choses. La compétence est restée à
Ottawa. On est encore en tutelle dans une entente administrative, on
n'est pas souverains dans ce dossier.
Le premier ministre peut-il dire à la Chambre pourquoi Ottawa
ne fait pas un transfert complet, tel que demandé par le Québec, de
la compétence de la formation de la main-d'oeuvre, demande qui,
de toute façon, ne ferait que respecter la Constitution?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des
communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, le leader parlementaire du Bloc québécois a fait une très
importante admission, il y a un instant. Elle admet qu'elle ne désire
pas se séparer du Canada, mais seulement amender la Constitution.
Ça, c'est important.
* * *
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé.
Pendant des semaines, l'opposition officielle et les organisateurs
d'événements ont demandé au ministre de la Santé de modifier son
projet de loi antitabac. Ils ont, à chaque fois, essuyé un refus. À la
veille des élections fédérales, le premier ministre et le ministre de la
Santé promettent qu'avant la fin de l'année 1997, ils déposeront une
loi modifiant la Loi antitabac, qui respecterait les normes
internationales des commandites.
Comment le gouvernement explique-t-il qu'il décide maintenant,
à la veille des élections, de promettre des amendements à la loi sur
les commandites des compagnies de tabac, alors que ces
amendements ont été proposés par le Bloc québécois et qu'il les a
tous rejetés lors de l'étude au comité et à la Chambre?
[Traduction]
L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur
le Président, nous devons garder à l'esprit que la Loi antitabac est
une mesure législative très complète et très efficace. Elle impose
des restrictions sur le prix, sur le produit, sur les lieux de vente et
même sur la promotion. On va ainsi pouvoir réduire de façon
efficace l'usage du tabac au Canada.
En ce qui concerne la lettre transmise aux personnes dont elle a
parlé, la députée n'est pas sans savoir que j'ai précisé, à la Chambre
des communes et à l'autre endroit, aux groupes de tout le pays que je
suis prêt à tenir de véritables consultations et, au besoin, comme je
l'ai précisé dans la lettre, à apporter des modifications à la loi.
Je ne pense pas que la députée devrait préjuger des modifications
qu'on pourrait apporter.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le
Président, tout le monde se souvient de la promesse brisée: «On va
scrapper la TPS.»
Puisque l'on sait maintenant ce que valent les promesses de ce
gouvernement, serait-il possible de connaître maintenant, avant les
élections, les modifications que le ministre entend apporter à la loi
sur les commandites?
[Traduction]
L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur
le Président, je suis désolé que les députés du Bloc aient décidé de
faire preuve de sectarisme sur cette question.
Rappelons-nous que, dans le cadre de la deuxième lecture, les
bloquistes étaient en faveur du projet de loi. Cependant, lorsqu'on
en est arrivé à la troisième lecture, ils se sont prononcés contre les
principes du projet de loi, ils ont fait une volte-face complète en ce
qui concerne leur position face au tabac.
Je tiens à dire à la députée et à ses collègues qu'on ne doit pas
commencer à préjuger des amendements qui pourraient être
apportés, que ce soit sous la forme de règlements ou dans la loi
elle-même.
Nous devons nous lancer dans une période de consultation. Cela
fait partie intégrante du projet de loi et c'est ce que j'entends faire à
l'avenir.
* * *
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le
Président, selon le ministre des Finances, le nombre record de
faillites enregistrées au Canada en janvier est une bonne chose.
Si le ministre croit que c'est une si bonne chose, il doit vraiment
se réjouir du fait qu'il y a maintenant 78 mois d'affilée que le taux
de chômage au pays se maintient au-dessus de 9 p. 100. Le ministre
doit trouver bien drôle que 800 000 Canadiens soient obligés de
travailler au noir pour avoir de quoi manger.
Le ministre des Finances peut-il expliquer aux Canadiens sa
théorie insensée selon laquelle un nombre de faillites record, une
dette record, un taux de chômage record et un niveau d'imposition
record sont bons pour les Canadiens? Écoutons la logique libérale.
(1425)
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, les députés réformistes aideraient probablement leur
cause s'ils pouvaient citer les gens correctement et cesser d'agiter
des épouvantails en posant leurs questions.
Il est bien évident que personne n'a dit que les faillites étaient une
bonne chose. Ce que j'ai dit, c'est que le nombre de faillites
commerciales avait diminué et que normalement les faillites per-
9990
sonnelles suivent la même courbe. Par conséquent, il se pourrait fort
bien que l'on voit la lumière au bout du tunnel.
J'ai aussi dit très clairement que le nombre élevé des faillites
personnelles au Canada, aux États-Unis et dans la plupart des pays
occidentaux est une grave préoccupation. La plupart des gens
pensent que ces faillites sont attribuables, non pas au taux de
chômage élevé, comme le prétend le député-et c'est aussi le cas
aux États-Unis -, mais plutôt à une très grande utilisation du
crédit.
Il est clair que le député d'en face n'a pas compris ce que j'ai dit.
Cela lui arrive souvent. Le député tient à se faire entendre et il peut
bien le faire, parce que j'aime vraiment répondre à ses questions.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le
Président, je suis heureux de l'entendre.
Le ministre des Finances dit que les Canadiens devraient mieux
gérer leurs dettes. C'est ce qu'il a dit. Les Canadiens ont-ils des
conseils à recevoir d'un ministre qui a fait augmenter la dette
nationale de 100 milliards de dollars en trois ans et demi, et qui,
depuis une semaine, annonce la construction de manèges militaires
un peu partout au pays et dépense des centaines de millions de
dollars en cadeaux pré-électoraux?
Comment le ministre peut-il avoir le culot de sermonner les
Canadiens relativement à leur niveau d'endettement, lui qui a
pratiquement fait sauter les limites de crédit du pays au cours de la
semaine dernière? Comment peut-il oser?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, le très haut niveau d'endettement familial au Canada est
une conséquence directe de la récession de 1989 à 1992.
L'endettement personnel a augmenté, tandis que le revenu
disponible diminuait, de sorte que les Canadiens se sont retrouvés
en difficulté, dans une large mesure à cause de politiques comme
celles que prône le Parti réformiste.
Depuis 1993, année de notre arrivée au pouvoir, le niveau
d'endettement des familles a diminué, tandis que celui de leur avoir
net a augmenté et que leur revenu s'est stabilisé.
Cela dit, il y a un niveau de faillite au pays qui ne semble pas
vouloir baisser et c'est celui de la faillite intellectuelle des
réformistes.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le
Président, la réalité c'est que, sous le règne des libéraux, nous
enregistrons des niveaux record d'endettement personnel, de
faillites, d'impôts personnels et de chômage. Tel est le bilan des
libéraux.
Les Canadiens savent pourquoi il en est ainsi. L'une des
principales raisons à l'origine de ces problèmes est que le
gouvernement a fait grimper en flèche le niveau d'imposition.
Après avoir passé trois ans et demi à ne rien faire, sinon réduire
les revenus et faire augmenter les dettes, le ministre des Finances
peut-il expliquer aux électeurs pourquoi ceux-ci devraient être
masochistes au point de demander à subir le même sort pendant une
autre période de quatre ans?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, le député, qui a parlé de programmes de pacotille il y a
quelques semaines, élargit maintenant son registre. Je félicite le
Parti réformiste de son vocabulaire étendu.
Si le député veut connaître les réalisations du Parti libéral, je
veux bien les lui rappeler. En février, les expéditions de produits
manufacturés ont augmenté et 24 700 unités de logement ont été
mises en chantier. Les exportations réelles de biens ont grimpé de
1,3 p. 100. L'excédent commercial a augmenté de 2,5 milliards de
dollars. L'avoir net réel des familles a grimpé de 2,7 p. 100. Le
produit intérieur brut a encore augmenté, le chômage a diminué,
l'emploi a augmenté, de même que les ventes au détail. Tel est le
bilan des libéraux, et nous sommes prêts à le défendre.
Le Président: Je rappelle aux députés qu'ils ne doivent pas se
servir d'accessoires durant la période des questions orales.
* * *
[
Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense
nationale.
(1430)
Selon le budget des dépenses du ministère de la Défense
nationale, la décontamination de 21 des 42 sites des bases
américaines de radar DEW LINES est évaluée à 242 millions de
dollars. Donc, il est vraisemblable que la décontamination de tous
les sites coûte 484 millions de dollars. D'autre part, nous savons que
les États-Unis verseront 100 millions de dollars en
dédommagement au Canada pour la décontamination des sites
militaires.
En procédant à l'enfouissement des déchets, comme l'affirment
les Inuits, au lieu de procéder à une décontamination qui éliminerait
tous les produits toxiques mais qui serait aussi plus coûteuse, le
gouvernement tente-t-il uniquement d'économiser de l'argent?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
le travail qui devait se faire à la suite du départ des forces militaires
américaines était considéré, à l'époque, comme normal et
raisonnable. Évidemment, le gouvernement du Canada reconnaît
ses obligations à l'égard de l'environnement et nous reconnaissons
que nous devons prendre les moyens nécessaires pour essayer de
nettoyer les sites auxquels mon honorable collègue fait référence.
Cependant, je tiens à souligner que le gouvernement américain,
comme politique générale, n'a jamais compensé quelque pays que
ce soit pour des problèmes qui ont peut-être eu lieu à la suite de son
départ d'installations militaires.
Pour ce qui est de la situation avec le Canada, nous avons réussi à
négocier une entente qui veut que le gouvernement américain verse
100 millions de dollars américains, qui est une somme considéra-
9991
ble, et c'est une première. Peu importe la façon dont les Américains
se comporteront dans le dossier, le gouvernement du Canada
respectera ses obligations vis-à-vis de l'environnement.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le
Président, en enfouissant des BPC ou autres produits toxiques, le
Canada met en place une véritable bombe à retardement qui, très
bientôt, contaminera la nappe phréatique et l'habitat délicat des
régions nordiques.
Le ministre ne devrait-il pas imposer immédiatement un
moratoire sur l'enfouissement des déchets jusqu'à ce que son
ministère ait procédé à une évaluation complète et exhaustive de
l'état environnemental des sites militaires et trouvé une façon
écologique de détruire tous les contaminants?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
c'est un phénomène auquel plusieurs secteurs du gouvernement et
de l'entreprise privée doivent s'adresser. Les situations qui étaient
acceptables par le passé, on le reconnaît aujourd'hui, ne sont plus
tolérables.
Le gouvernement du Canada s'est engagé, dans la mesure du
possible, à faire de son mieux pour protéger l'environnement, que
ce soit dans le Nord ou ailleurs au pays. L'entente qui a été signée
avec les États-Unis et dont on attend toujours l'approbation du
Congrès américain nous permettra de faire un certain travail.
Il n'y a pas de doute que non seulement les sites auxquels
l'honorable députée fait référence créent un problème, mais le
ministère de l'Environnement, les provinces et nous-mêmes
sommes conscients qu'il y a plusieurs endroits au pays qui sont aux
prises avec le même problème. Cela ne relève pas seulement du
ministère de la Défense nationale.
Mais je tiens à réitérer à ma collègue que dans toutes les
circonstances, le gouvernement du Canada fera son possible pour
assurer l'intégrité de l'environnement dans une situation
contemporaine comme celle à laquelle on doit faire face et dans les
situations qu'elle a soulevées aujourd'hui à la Chambre.
* * *
[
Traduction]
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, la semaine dernière, le gouvernement séparatiste et le
Parti libéral du Québec ont affirmé ou prétendu que le Québec seul
peut déterminer son avenir, peu importe les minorités anglophones,
autochtones ou autres de cette province, peu importe ce que le reste
du Canada en pense et peu importe la primauté du droit énoncée
dans la Constitution du Canada. M. Johnson est même allé jusqu'à
dire: «Au Québec, nous avons le droit de nous prendre en main, et de
prendre en main notre développement et notre destinée.»
Au cours du débat sur le projet de loi C-95 qui a eu lieu plus tôt
aujourd'hui, le procureur général a dit qu'il était le gardien de la
Constitution et de la primauté du droit. A-t-il fait savoir àM. Johnson et au gouvernement séparatiste du Québec que les
grandes déclarations de mercredi dernier sont inacceptables aux
yeux du gouvernement fédéral et ne seront pas tolérées au cours de
la campagne électorale qui s'en vient?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ces dernières
années, le gouvernement fédéral a montré que les actes sont plus
importants que les paroles. Nous avons donc fait mieux que de
parler de cette question. Nous avons renvoyé à la Cour suprême du
Canada des questions fondamentales concernant la
constitutionnalité de la position qu'a adoptée le gouvernement du
Québec, qui prétend pouvoir procéder entièrement sans renvoi aux
tribunaux et à la Constitution.
Nous estimons que c'est répréhensible. Par conséquent, nous
avons demandé à la Cour suprême du Canada de répondre à la
question de référence suivante: le gouvernement du Québec peut-il
agir unilatéralement pour séparer la province du reste du Canada
sans renvoi à la Constitution?
(1435)
Nous estimons qu'il ne peut pas le faire. Nous avons exposé notre
position devant la Cour. Nous avons pris des mesures responsables
au sujet de la Constitution. Nous avons demandé à la Cour suprême
du Canada de statuer que la Constitution s'applique dans tout le
pays.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, le ministre devrait peut-être inviter son homologue du
Québec à se joindre aux intervenants pour voir s'il pourrait en
arriver à une entente sur ce plan.
Le premier ministre du Québec nous a promis que, d'ici 1998, il y
aura un autre référendum auprès de la population québécoise. Le
ministre de la Justice a-t-il décidé de ce qu'il fera en pareil cas pour
veiller à ce que la question posée soit équitable et que la déclaration
unilatérale d'indépendance n'ait aucun poids en droit canadien?
Les députés de ce côté-ci de la Chambre refusent de laisser les
séparatistes du Québec manipuler la question, établir le programme
et détruire le pays. . .
Des voix: Assoyez-vous.
Le Président: À mon avis, la question est hypothétique. Si le
ministre de la Justice le désire, il peut y répondre.
* * *
[
Français]
M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires
étrangères.
9992
L'opposition officielle a rappelé, le 10 avril dernier, le cas
pathétique de Suzie Robitaille dont les enfants se trouvent toujours
en Égypte à la suite de leur enlèvement par leur père, il y a bientôt
deux ans. Dans ce dossier, comme dans tant d'autres, le
gouvernement se traîne les pieds, même si l'un des enfants est
gravement malade. Or, nous apprenons que le Canada négocie
actuellement avec l'Égypte une entente bilatérale au sujet des
enlèvements d'enfants.
Le ministre s'engage-t-il à rendre la signature de l'accord
bilatéral avec l'Égypte conditionnelle au règlement des cas
litigieux, particulièrement celui des enfants de Suzie Robitaille?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères,
Lib.): Monsieur le Président, je précise tout d'abord que les
négociations sont en cours. Les fonctionnaires se trouvent en ce
moment au Caire pour négocier avec l'Égypte un nouvel accord
consulaire qui nous donnera un meilleur ensemble de règles, de
disciplines et d'initiatives pour protéger les droits des Canadiens.
Malheureusement, l'Égypte n'a pas adhéré à la convention de La
Haye sur l'enlèvement d'enfants. Elle ne l'a pas signée. Nous
n'avons donc aucun fondement en droit international pour exiger
que l'Égypte rende les enfants.
Nous continuerons de travailler le plus possible avec les autorités
égyptiennes pour les convaincre de la nécessité de donner àMme Robitaille la place à laquelle elle a droit devant les tribunaux,
de veiller à ce qu'elle puisse voir ses enfants et, si c'est le
moindrement possible, de reconnaître le jugement rendu au Canada,
selon lequel les enfants doivent être rendus.
Nous allons continuer de faire notre possible, mais nous sommes
limités par le fait que l'Égypte a ses propres lois et que nous devons
travailler à l'intérieur de ce cadre juridique. Je peux toutefois
promettre au député que nous continuerons de coopérer très
étroitement avec Mme Robitaille pour faire tout en notre pouvoir
afin de l'aider dans cette situation très pénible.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le
Président, il en existe, une loi. L'Égypte est signataire de la
Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU et ne respecte
pas cette Convention.
Compte tenu de l'état de santé de l'aîné des enfants deMme Robitaille, qui ne cesse de se détériorer, le ministre peut-il, à
tout le moins, mettre en place immédiatement des mesures de
rapatriement d'urgence pour cet enfant gravement malade?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères,
Lib.): Oui, monsieur le Président, j'ai l'intention de communiquer
avec mon homologue, le ministre des Affaires étrangères de
l'Égypte, au cours des prochains jours pour présenter ces instances.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, le
ministre de la Justice a fait savoir à M. Sheppard, de Calgary, en
Alberta, qu'il ne sera pas dédommagé de la perte de jouissance d'un
bien personnel. Parce que le décret que le ministre de la Justice a
pris rend illégale l'arme à feu de M. Sheppard, ce résident de
Calgary est forcé, comme des milliers d'autres Canadiens, de
remettre aux autorités locales un bien qui lui appartient, et cela sans
être dédommagé.
Comment le ministre de la Justice peut-il saisir un bien dont
l'acquisition et la possession étaient tout à fait légales sans verser de
dédommagement?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, par le projet de
loi C-68, notre gouvernement s'est donné les moyens de retirer du
marché les petites armes de poing bon marché qui se dissimulent
bien. Ces armes que les Américains les appellent des «Saturday
night specials», ou armes du samedi soir, ont servi à abattre plus de
policiers que n'importe quel autre type d'armes aux États-Unis.
Nous avons également retiré du marché certaines armes offensives
de type militaire.
Le gouvernement croit que les Canadiens ne veulent pas d'un
pays dans lequel les gens peuvent se procurer des armes de type
militaire et des armes du samedi soir.
(1440)
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, le
ministre de la Justice n'a pas répondu à ma question. C'est une
chose de prendre aux Canadiens une chose qui leur appartient, mais
c'en est une autre de le faire sans verser de dédommagement. Il
s'agit de biens dont l'acquisition et la possession étaient légales et
légitimes.
Comment le ministre peut-il prétendre défendre les droits des
Canadiens quand il leur prend leurs biens personnels sans même les
dédommager? Comment peut-il faire une chose pareille? J'aimerais
qu'il réponde à ma question.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député sait
très bien que, lorsque nous avons pris des décrets qui avaient pour
effet d'enlever aux gens les armes qu'ils possédaient, nous leur
avons versé un dédommagement.
Quant aux armes devenues illégales, elles ont été exclues de
l'application de la loi par une disposition d'antériorité. Il était
permis à leurs propriétaires de les garder et de leur utiliser durant
toute leur vie ainsi que de les vendre à d'autres personnes dans les
mêmes circonstances qu'eux.
Ce contre quoi le député en a, comme ses collègues d'ailleurs,
c'est le contrôle des armes à feu; ils s'y opposent. Réformistes,
conservateurs et néo-démocrates s'opposent au contrôle des armes à
feu.
Dans un avenir assez rapproché, les Canadiens auront l'occasion
de se prononcer sur la question. À ce moment-là, le député, ses
collègues réformistes, les conservateurs-s'il en reste-et les néo--
9993
démocrates vont voir qu'il y a un prix à payer quand ne donne pas
aux Canadiens ce qu'ils veulent, en l'occurrence, le contrôle des
armes à feu.
* * *
[
Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense
nationale.
Nous avons réclamé à plusieurs reprises du gouvernement un
fonds de compensation pour contrer les effets négatifs de la
fermeture de la base militaire de Saint-Hubert et nous avons
toujours exigé que la région soit traitée de la même façon que les
autres communautés canadiennes où il y a eu des fermetures de
base, comme Cornwallis qui a reçu plus de 7,5 millions de dollars.
Le ministre peut-il aujourd'hui confirmer l'intention de son
gouvernement d'accorder un dédommagement en compensation de
la fermeture de la base de Saint-Hubert?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
lorsque les bases militaires ont été fermées ou dans certain cas
réduites, des évaluations et des analyses ont été faites afin de
déterminer l'impact économique sur les régions.
Évidemment, il y a eu une série de fermetures où l'impact était
considérable, par exemple-l'honorable députée parle de
Cornwallis-dans ma province, dans mon coin de pays, la base
militaire de Chatham a été fermée avec une perte de 1 000 emplois
civils et militaires.
Je pense qu'avec toutes les réductions que nous avons vécues à la
Défense nationale et dans les forces canadiennes, dans la mesure du
possible, nous avons été équitables et des critères semblables ont été
appliqués, selon les circonstances, à travers tout le pays, incluant
Saint-Hubert.
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le
Président, je me demande si le ministre n'aurait pas l'intention de
profiter de la prochaine campagne électorale pour annoncer le
versement d'un dédommagement que nous évaluons à plusieurs
millions de dollars et à une perte nette de 1 400 emplois, alors qu'il
s'agit tout simplement de verser à Saint-Hubert ce qui lui revient de
plein droit.
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
il n'y a aucun doute que plusieurs communautés ont été affectées
par des restructurations et par la réduction du nombre
d'établissements militaires à travers le pays.
Cependant, je pense que le gouvernement du Canada a fait une
contribution majeure dans la région de Saint-Hubert. Je me rappelle
y être allé, il y a à peine une dizaine de jours, et d'y avoir vu
l'établissement relevant du gouvernement du Canada qui a été
établi à Saint-Hubert. On aurait bien aimé l'avoir dans le nord du
Nouveau-Brunswick plutôt que d'avoir des retombées économiques
très limitées suite à la fermeture de la base militaire de Chatham.
M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le
Président, il y a quelques heures, à Montréal, le premier ministre et
le ministre du Développement des ressources humaines ont signé
une entente de principe entre le gouvernement du Canada et le
gouvernement du Québec sur le développement de la
main-d'oeuvre.
Le secrétaire parlementaire peut-il expliquer à la Chambre ce que
signifie cette entente de principe pour les Québécoises et les
Québécois?
[Traduction]
M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du
Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le
Président, c'est aujourd'hui un jour très important pour le Canada et
pour le gouvernement du Québec.
Comme l'a dit mon collègue, c'est aujourd'hui que nous avons
annoncé officiellement l'entente de principe historique du marché
du travail avec le Québec.
(1445)
Il faut réaliser que les discussions durent depuis bien des années.
Il y a un consensus au Québec sur le développement du marché du
travail. L'entente est d'une importance considérable car quelque 3
milliards de dollars seront transférés au Québec au cours des cinq
prochaines années. Cela présentera des avantages immédiats pour
les travailleurs du Québec.
Je crois que nous pouvons parler de moment historique. Nous
espérons que l'entente sera réalisée très bientôt et que les mesures
actives du régime de l'assurance-emploi vont aider les employés et
les employeurs à redonner du travail aux gens de la province de
Québec.
* * *
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
le ministre de la Justice sait très bien que le Parti réformiste n'est
pas contre la réglementation des armes à feu, mais contre la
confiscation. . .
Des voix: Oh, oh!
M. White (North Vancouver): Nous sommes contre la
confiscation par l'État de biens détenus légalement sans
indemnisation.
Le gouvernement se fend maintenant en quatre pour faire adopter
une loi anti-gang pour le Québec avant que le premier ministre ne
déclenche des élections dimanche prochain.
Le ministre de la Justice pourrait-il expliquer pourquoi la
déclaration des droits des victimes languit sur son bureau depuis
plus d'un an alors qu'elle pourrait profiter à tous les Canadiens?
Pourquoi n'a-t-il pas accordé à cette déclaration une priorité aussi
grande que celle qu'il accorde au projet de loi anti-gang?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'espère que le
député a entendu les éclats de rire qui secouent les Canadiens d'un
océan à l'autre quand ils le voient essayer de modifier la position
lamenta-
9994
ble de son parti à la dernière minute. Son parti est contre la
réglementation des armes à feu et a toujours été contre.
Le député pose une question à propos des victimes. Je ne peux
que rappeler chaque fois les réalisations du gouvernement, qu'il
s'agisse des modifications apportées au Code criminel en matière
d'établissement de la peine ou de la loi sur la réglementation des
armes à feu. Je me rappelle très bien le jour où les familles de
victimes sont venues au Parlement, après avoir perdu des êtres chers
à la suite de crimes violents commis au moyen d'armes à feu, des
armes à feu qui étaient entre les mains de personnes qui n'auraient
pas dû en avoir l'usage. Elles nous ont demandé d'adopter le projet
de loi C-68 pour rendre obligatoire l'enregistrement de toutes les
armes à feu, un appel auquel son parti est resté sourd en refusant
d'appuyer le projet de loi.
Je le lui dis, à lui et à ses collègues du Parti réformiste, de même
qu'aux conservateurs et aux néo-démocrates, ils devront expliquer
aux Canadiens dans les mois qui viennent pourquoi ils n'ont pas
écouté les appels des victimes et ne se sont pas joints à nous pour
adopter une mesure sérieuse de réglementation des armes à feu.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
il n'y a rien de mal à demander à l'État d'indemniser les gens pour la
confiscation de biens qui ont été acquis légalement. Le ministre
peut bien nous dire que les gens éclatent de rire à ce sujet, mais ils
trouvent révoltant de voir que l'État puisse saisir leurs biens sans les
indemniser.
Quant au projet de loi anti-gang, si le ministre accordait la même
priorité à la déclaration des droits des victimes, cela aurait un
impact beaucoup plus considérable non seulement à l'égard des
gangs, mais pour tout le monde partout au Canada.
Pourquoi le ministre n'admet-il pas qu'il obéit au souci électoral
à la veille du déclenchement des élections et qu'il n'a aucune
intention de faire adopter un jour une déclaration des droits des
victimes?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce qui provoque
les éclats de rire, c'est que les députés du Parti réformiste
prétendent qu'ils ne sont pas contre la réglementation des armes à
feu. Nous savons tous qu'ils sont contre, et ils devront en payer le
prix, tout comme les conservateurs et les néo-démocrates.
Quant à la question du député, il parle des droits des victimes
comme s'il s'agissait d'une chose qu'on peut réaliser en rédigeant
un texte sur une feuille de papier et en le qualifiant de déclaration
des droits.
Je vais lui dire une chose à propos des victimes et de leurs droits.
Je me trouvais la semaine dernière à Montréal, où j'ai rencontré une
femme dont le fils de 11 ans a été tué par l'explosion d'une bombe
dans une rue de Montréal. Le Parti réformiste n'aime pas en
entendre parler, parce que c'est la vérité et parce que c'est un
événement bien réel par opposition aux grands discours et aux
propos superficiels.
Cette femme dont le fils de 11 ans a été victime de la guerre que
se livrent les gangs m'a demandé de faire tout en mon pouvoir, à
titre de ministre de la Justice, pour faire adopter le projet de loi C-95
par le Parlement de sorte que les policiers puissent disposer de plus
d'outils pour réussir à mettre la main au collet des gens qui ont tué
son fils.
(1450)
Voilà comment il faut agir pour faire triompher les droits des
victimes et c'est ce que le gouvernement a fait pour y parvenir. Nous
avons fait adopter des mesures législatives sérieuses qui changent
quelque chose au lieu de nous contenter de vaines paroles.
* * *
[
Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président,
ma question s'adresse au ministre de la Justice.
Le 3 décembre dernier, le ministre du Développement des
ressources humaines déclarait: «Si les ex-employés de la Singer
s'adressent aux tribunaux, je peux vous assurer que notre ministère
fera diligence. J'ai demandé à mon collègue, le ministre de la
Justice, de faire de même pour faciliter les procédures en question.»
Or, la poursuite a été signifiée le 13 décembre dernier et ces délais
continuent d'être inhumains pour ces retraités.
Qu'est-ce que le ministre de la Justice a fait, concrètement, pour
régler la situation des ex-employés de la Singer?
[Traduction]
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, cette question
relève du ministre du Développement des ressources humaines. Je
suis sûr qu'on fait tout pour régler la situation dans les plus brefs
délais possibles.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président,
par la réponse du ministre, on se rend parfaitement compte qu'il
n'est pas du tout au courant du dossier. Pourtant, il y a quatre mois,
le ministre du Développement des ressources humaines disait: «Je
vais faire diligence, et mon collègue fera diligence aussi.» Ce n'est
pas le cas actuellement. Ces gens-là ont une moyenne d'âge de 80
ans.
Quand le ministre de la Justice entend-il produire sa défense?
Normalement, il y a des délais pour produire une défense et, quatre
mois après, cette défense n'est toujours pas produite par les
procureurs du gouvernement fédéral. Quand le ministre de la Justice
entend-il la produire? Une fois pour toutes, comment va-t-il régler
le dossier des ex-employés de la Singer?
[Traduction]
M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du
Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le
Président, comme c'est le cas chaque fois que des ex-employés
intentent des poursuites judiciaires, il serait inopportun d'aborder la
question du procès en cours.
9995
Nous pouvons affirmer toutefois que nous sommes bien
conscients de la situation. Nous tentons de minimiser les délais. En
fait, dès que l'affaire sera réglée, que les délais et le procès seront
choses du passé, nous voudrons sûrement examiner les résultats du
procès.
* * *
M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.):
Monsieur le Président, les libéraux s'acquittent bien mal de leur
responsabilité au chapitre du transport du grain. Pour l'année en
cours seulement, les retards des expéditions de grain ont coûté aux
agriculteurs des Prairies près de 100 millions de dollars, parce
qu'ils ont entraîné des frais de surestarie et la perte de ventes. Les
libéraux sont à l'origine d'un resserrement monétaire dans les
Prairies.
Tragiquement, le premier ministre n'a rien trouvé de mieux à
faire que d'annoncer qu'il commencerait à étudier le problème au
plus tôt, sachant fort bien qu'il s'apprête à déclencher des élections.
Compte tenu de son incapacité de mettre en place, pour le
transport du grain, un système plus efficient et géré de façon plus
responsable et compte tenu des cours du blé sur les marchés
mondiaux, le ministre a-t-il l'intention de hausser les paiements
provisoires versés par la Commission canadienne du blé?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de
l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, comme la
Commission canadienne du blé l'a annoncé dernièrement, elle a fait
des recommandations concernant les paiements initiaux. Ces
recommandations sont actuellement à l'étude et suivent le
processus normal.
Je ferai toutefois remarquer au député que, depuis que le
gouvernement actuel est en place, il a considérablement réduit le
délai de réponse aux recommandations de la Commission
canadienne du blé. Le gouvernement précédent pouvait ne pas
donner suite à ces recommandations avant plusieurs mois. Il ne faut
que quelques jours au gouvernement actuel une fois l'étude
terminée.
La Commission canadienne du blé annoncera le résultat de ces
travaux en temps opportun, compte tenu de la nécessité de ne pas
compromettre les garanties, ce qui revêt beaucoup d'importance
aux yeux du ministre des Finances.
M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.):
Monsieur le Président, étant donné que le gouvernement libéral
tente actuellement de justifier 3 ans et demi d'échecs, et
s'empresse, avant les élections, de conclure des accords et de
s'assurer des votes, le ministre de l'Agriculture est heureux de
prétexter la confidentialité des travaux de la Commission
canadienne du blé de telle sorte qu'il pourra annoncer la hausse des
paiements provisoires au moment opportun à des fins politiques.
La campagne agricole est aux trois quarts terminée. Le ministre
de l'Agriculture va-t-il annoncer une hausse des paiements
provisoires avant l'annonce imminente des élections, probablement
cette semaine? Ou alors, est-ce possible qu'il veuille faire de cette
annonce un autre cadeau des libéraux pendant la campagne?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de
l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le député sait
pertinemment-toutefois, dans sa recherche frénétique
d'hyperboles et d'exagérations, il l'a peut-être oublié-qu'il ne
m'appartient pas de faire de telles annonces. C'est la Commission
canadienne du blé qui se charge de faire ces annonces en temps
opportun. Dès que la Commission sera en mesure d'annoncer
quelque chose, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes,
elle le fera peu importe s'il y a des élections ou non.
* * *
(1455)
M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le
Président, ma question s'adresse à la ministre de l'Immigration.
Compte tenu du fait qu'il y aura bientôt 11 ans que les Portugais
qui désirent visiter le Canada doivent obtenir un visa; compte tenu
du fait que le Portugal est le seul pays européen encore assujetti à
une politique restrictive obligeant ses citoyens à obtenir un visa;
compte tenu des répercussions négatives que cette politique a sur les
relations commerciales entre nos deux pays, la ministre peut-elle
expliquer à la Chambre la position du gouvernement sur le visa
exigé des Portugais désireux de venir en visite au Canada?
L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse
d'annoncer que, à compter du 1er mai, les citoyens portugais ne
seront plus tenus d'obtenir un visa de visiteur pour venir en visite au
Canada.
Nous savons tous que la communauté portugaise a grandement
contribué au développement social et économique de notre pays.
Nous espérons que notre décision de ne plus exiger de visa nous
permettra d'améliorer les échanges commerciaux, économiques et
culturels et de promouvoir le tourisme entre nos deux pays.
* * *
[
Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, ma
question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.
À quelques mois de la rétrocession de Hong Kong à la Chine,
celle-ci vient d'annoncer qu'elle prévoyait resserrer les règles de
démonstrations populaires, en plus d'interdire, pour les partis
politiques, tout contact avec l'étranger. Cette situation est pour le
moins inquiétante en regard des libertés dont jouiront les Chinois de
Hong Kong après la rétrocession.
Le ministre peut-il nous dire si le Canada prévoit prendre des
mesures contre la Chine pour éviter, après la rétrocession, une
érosion des droits de la personne et des libertés fondamentales des
Chinois vivant actuellement à Hong Kong?
9996
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères,
Lib.): Monsieur le Président, nous avons toujours fait les mêmes
démarches. Pas plus tard qu'aujourd'hui, au moment du déjeuner, le
secrétaire d'État à l'Asie et moi-même avons rencontré M. Lu Ping,
le ministre chinois chargé de la transition à Hong Kong. Nous avons
attiré son attention sur nos préoccupations relatives aux
changements proposés. Ces changements n'ont pas encore été
apportés et sont toujours à l'étude du Parlement de Honk Kong.
Nous avons certainement fait valoir notre point de vue. Nous
sommes d'avis qu'un maximum d'uniformité doit être maintenu en
ce qui concerne la liberté de la presse, le droit de manifester et le
droit des partis politiques de conserver leur autonomie.
Nous faisons tous les efforts pour garantir que les autorités
chinoises et celles de Honk Kong connaissent exactement la
position du Canada.
* * *
M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le
Président, les libéraux avaient promis d'abolir et d'éliminer la TPS.
Non contents de ne pas tenir leur promesse, les libéraux ont élargi
la TPS sous forme d'une taxe de vente harmonisée dans les
provinces Atlantiques et font aussi payer à des Canadiens des autres
régions du Canada cette taxe élargie.
À compter du 1er avril prochain, avec la nouvelle disposition de
récupération postale des libéraux, les Canadiens de partout devront
payer la taxe de vente harmonisée de 15 p. 100 sur les colis et les
lettres envoyées dans les trois provinces Atlantiques touchées.
Ma question s'adresse au ministre responsable de la Société
canadienne des postes. Pourquoi tous les Canadiens doivent-ils
payer la taxe de vente harmonisée de 15 p. 100 sur les colis et les
lettres envoyées dans les provinces Atlantiques?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, comme le député devrait le savoir, dans ces provinces, les
destinaires de lettres et de colis ont toujours eu à payer une taxe de
vente. La situation n'a donc pas changé.
Le changement qui est survenu c'est que, maintenant, les
provinces Atlantiques ont une excellente chance de réduire leurs
coûts pour amener les petites et moyennes entreprises à créer des
emplois. De même, de nombreux biens, allant des réfrigérateurs aux
automobiles, coûteront moins cher pour les Canadiens de ces
provinces. La mesure constitue un élément très important de la
reconstruction de l'économie du Canada atlantique.
C'est pourquoi les premiers ministres du Canada atlantique
parcourent le Canada. C'est quelque chose dont eux-mêmes et les
habitants des provinces Atlantiques peuvent être fiers.
(1500)
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le
Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine
canadien.
Plus tard aujourd'hui, je présenterai une pétition signée par plus
de 1 700 personnes. Elle fait partie d'une pétition plus vaste signée
par plus de. . .
Le Président: Je vous prierais de ne pas brandir d'objet.
M. de Jong: Monsieur le Président, en 1993, le gouvernement
avait promis du financement pluriannuel dans son livre rouge. Quel
genre de financement stable à long terme obtient-on en faisant des
réductions de centaines de millions de dollars? Comment les
ministériels peuvent-ils faire face aux électeurs et leur dire sans
rougir qu'ils ont respecté cette promesse du livre rouge?
L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme)
(Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, la ministre
a annoncé récemment que la Société Radio-Canada bénéficierait
d'un financement stable. C'est une occasion pour la SRC de
commencer à examiner comment elle remplit son mandat et de
chercher des façons d'accroître son efficacité et son efficience.
* * *
[
Français]
M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre de la Coopération
internationale.
[Traduction]
Certains de mes électeurs sont inquiets de l'insuffisance de
nourriture, de médicaments et d'énergie à prix abordable en
Bulgarie. La population a récemment élu un gouvernement de
coalition pour remplacer l'ancien régime communiste instable. Le
ministre peut-il me dire ce que fait le Canada pour améliorer la
situation humanitaire en Bulgarie?
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, depuis 1992, le gouvernement fédéral
a versé deux millions de dollars en aide à la Bulgarie. Il y a quelques
semaines, le Canada a décidé d'ouvrir une marge de crédit non lié de
10 millions de dollars que la Bulgarie pourra utiliser pour se
procurer notamment du blé et d'autres denrées provenant du
Canada. Cette mesure sera certainement utile au peuple bulgare. Le
Canada a aussi envoyé des personnes chargées d'observer le
déroulement des élections en Bulgarie et nous entendons le faire de
nouveau.
Pour l'instant, le gouvernement bulgare n'a pas fait de demande
d'aide humanitaire internationale. Le Canada a néanmoins mis à sa
disposition la marge de crédit dont je viens de parler.
9997
Le Président: Collègues députés, ceci met un terme à la période
des questions.
[Français]
Nous avons le plaisir d'accueillir dans nos tribunes un groupe de
jeunes Canadiens qui ont beaucoup apporté à leur pays.
[Traduction]
Il s'agit de jeunes hommes et de jeunes femmes qui se sont
distingués dans plusieurs domaines. Il s'agit de jeunes Canadiens
talentueux et travailleurs qui ont fait une différence, et ils
symbolisent l'excellence.
Je vous prie d'accueillir les gagnants des prix d'excellence du
réseau YTV.
Des voix: Bravo!
______________________________________________
9997
AFFAIRES COURANTES
[
Français]
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai l'honneur de présenter le 64e rapport du Comité
permanent de la procédure et des affaires de la Chambre portant sur
l'étude des crédits.
(1505)
[Traduction]
L'étude sur les crédits a été réalisée par un sous-comité que j'ai
eu l'honneur de présider. Je tiens à remercier les membres du
sous-comité pour leur dévouement et les efforts qu'ils ont consacrés
à une question peu connue du public et guère plus de la Chambre,
qui a trait à la responsabilité première du Parlement de dire au
gouvernement combien il peut percevoir et dépenser et comment il
peut le percevoir et le dépenser.
Je recommande vivement à la Chambre de soumettre ce rapport à
l'examen des députés de la 36e législature. Le Comité de la
procédure et des affaires de la Chambre a déjà convenu de demander
aux fonctionnaires de la Chambre de rédiger les amendements au
Règlement sur la base de ce rapport.
* * *
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.) demande à présenter
le projet de loi C-407, Loi modifiant la Loi électorale du Canada.
-Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter un projet de
loi modifiant la Loi électorale du Canada afin de remédier à une
situation qui s'est produite l'automne dernier, lorsqu'une
compagnie a essayé de blanchir ses contributions au Parti libéral en
demandant à ses employés de faire directement un don au Parti et en
leur promettant de les rembourser du plein montant de leurs dons.
Cette pratique a pour effet de dissimuler les dons faits par des
compagnies qui ont beaucoup d'influence sur le gouvernement.
C'est exercer des pressions inacceptables sur les employés qui ne
veulent pas appuyer le parti politique choisi par la compagnie et
voler les contribuables parce que le crédit d'impôt est plus élevé
dans le cas de dons provenant d'individus que dans le cas de dons
provenant de sociétés.
Élections Canada est d'accord sur la nécessité d'interdire cette
pratique dans la loi, et j'espère que ma proposition aura l'appui de
tous les députés.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la
première fois et l'impression en est ordonnée.)
* * *
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président,
j'ai deux pétitions à présenter au nom de mes électeurs.
Les signataires de la première pétition demandent au
gouvernement fédéral d'abolir la TPS et les autres taxes sur les
imprimés. Ils exhortent le Parlement d'abolir la TPS sur les livres,
les revues et les journaux. Ils demandent au premier ministre
d'honorer la promesse de son parti, maintes fois répétée, d'abolir la
taxe de vente fédérale sur les imprimés.»
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, la
deuxième pétition est signée par des électeurs qui sont choqués de
certaines décisions récentes des tribunaux concernant l'âge du
consentement. Ils demandent que l'âge du consentement soit haussé
à 18 ans. Ils disent que la majorité des Canadiens croient que l'âge
du consentement offre un moyen de sévir contre les adultes qui
veulent avoir des relations sexuelles avec des mineurs.
Les pétitionnaires prient donc le Parlement de modifier le Code
criminel du Canada pour fixer l'âge du consentement à 18 ans, sauf
dans le cas des relations entre mari et femme, de manière à protéger
les jeunes contre l'exploitation et les agressions.
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président,
j'ai une pétition signée par près de 50 électeurs de ma
circonscription de Peterborough qui s'inquiètent au sujet de la taxe
à l'immigration.
Attendu que le gouvernement fédéral a imposé une taxe à
l'immigration de 975 $, attendu que cette taxe est discriminatoire à
l'endroit des immigrants des pays en développement, où le revenu
annuel moyen est parfois inférieur au montant de cette taxe, et
9998
attendu que cette taxe est particulièrement odieuse quand elle
s'applique aux réfugiés, les plus démunis parmi les immigrants, les
pétitionnaires demandent au gouvernement d'en appeler
immédiatement de cette taxe à l'immigration, surtout dans le cas
des réfugiés.
Je sais qu'on a modifié cette taxe tout récemment, mais j'appuie
quand même cette pétition.
Le président suppléant (M. Milliken): Je demande aux députés
de ne pas préciser s'ils appuient ou non une pétition.
(1510)
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
la première pétition vient de Delta, en Colombie-Britannique. Les
pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que nos
agents de police et nos pompiers mettent quotidiennement leur vie
en danger en répondant aux urgences de tous les Canadiens.
Ils déclarent également que, dans beaucoup de cas, les familles
des pompiers et policiers tués dans l'exercice de leurs fonctions
restent sans moyens financiers suffisants pour répondre à leurs
obligations.
Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de créer un
fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique, qui
pourrait recevoir des dons et des donations et qui et servirait à aider
les familles des policiers et des pompiers tués en service.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
la deuxième pétition vient de ma circonscription, Mississauga-Sud.
Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le
fait que diriger un foyer et prendre soin d'enfants d'âge préscolaire
est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur
dans notre société.
Les pétitionnaires demandent donc humblement au Parlement de
prendre des initiatives visant à aider les familles qui décident de
s'occuper de leurs enfants d'âge préscolaire, de malades
chroniques, ou de personnes âgées ou handicapées.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président,
la dernière pétition vient d'Amherst, en Nouvelle-Écosse.
Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le
fait que la consommation de boissons alcoolisées peut entraîner des
problèmes de santé ou diminuer les capacités d'une personne, et
notamment sur le fait qu'il est possible de prévenir totalement le
syndrome d'alcoolisme foetal, ainsi que d'autres anomalies de
naissance liées à l'alcool, en évitant de consommer de l'alcool
pendant la grossesse.
Les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une
mesure législative visant à rendre obligatoire l'apposition sur les
contenants de boissons alcoolisées d'étiquettes mettant en garde les
futures mères et autres consommateurs contre les risques associés à
la consommation d'alcool.
Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le
Président, c'est avec plaisir que je présente une pétition au nom
d'électeurs de Calgary-Nord qui demandent au Parlement de
réaffirmer que les parents ont le devoir d'élever leurs enfants de
façon responsable, conformément à leur conscience et à leurs
croyances, et de ne pas toucher à l'article 43 du Code criminel.
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le
Président, j'ai le privilège de présenter une pétition portant quelque
1 700 signatures.
Les pétitionnaires attirent l'attention sur le fait qu'à compter du
1er avril 1997, environ 33 p. 100 de la programmation de la radio et
de la télévision de la SRC, tant à l'échelle nationale que régionale,
aura disparu. Ceci résulte du manque de ressources financières
découlant du fait que le Parti libéral n'a pas tenu les promesses qu'il
avait faites en 1993 dans le livre rouge.
Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de
rétablir, comme promis, le financement de la SRC au niveau
existant avant le 1er janvier 1994 afin de pouvoir annuler les
compressions et les mises à pied.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, c'est
avec plaisir que je présente une pétition au nom de 60 de mes
électeurs qui condamnent l'imposition de la TPS sur les imprimés.
La pétition explique que la TPS est la première taxe fédérale de
l'histoire du Canada qui s'applique à la Bible et aux autres
imprimés.
Imposer les imprimés est inéquitable et mal. La lecture et
l'alphabétisme revêtent une importance critique pour l'avenir du
Canada. Exonérer les imprimés de la TPS contribuerait à
promouvoir l'alphabétisme au Canada.
Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de
supprimer la TPS qui frappe les livres, les revues et les journaux.
Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.):
Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour présenter une
pétition relativement à l'article 43. J'ai ici des pétitions portant plus
de 175 signatures de particuliers du Manitoba, 350 de la région de
New Market-St.Catharines-Beamsville, 25 de la région de
Calgary, 125 de Beamsville, en Ontario, et 25 autres de Calgary.
Tous ces gens veulent attirer l'attention de la Chambre sur les
faits suivants: l'article 43 reconnaît le rôle fondamental des parents
dans l'éducation de leurs enfants; le gouvernement fédéral est incité
par diverses instances, notamment les Nations Unies, à modifier
l'article 43; l'abrogation de l'article 43 accentuerait le rôle des
bureaucrates et réduirait celui des parents; et le gouvernement
continue à financer la recherche menée par des gens opposés à
l'abrogation de cet article.
9999
Ces pétitionnaires demandent donc au Parlement de confirmer
que les parents ont le devoir d'éduquer leurs enfants de manière
responsable et selon leur propre conscience et croyances et lui
demandent de maintenir l'article 43 du Code criminel du Canada
dans sa forme actuelle.
Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.):
Monsieur le Président, je présente aussi une pétition concernant
l'âge du consentement.
Cette pétition a été signée par 185 personnes de Maple Ridge,
Burnaby et White Rock en Colombie-Britannique. Ces citoyens
prient le Parlement de modifier le Code criminel du Canada afin de
hausser de 14 à 16 ans l'âge du consentement pour toute activité
sexuelle entre une jeune personne et un adulte.
(1515)
Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, j'ai
deux pétitions ayant trait à la même question. Une pétition porte 54
signatures et l'autre, 28. Les pétitionnaires sont pour la plupart des
gens de la région d'Ottawa.
Ils font observer que, d'après l'étude de la politique sur le réseau
routier national, le programme national proposé serait avantageux
pour la création d'emplois, le développement économique et l'unité
nationale, et qu'il permettrait de sauver des vies, d'éviter des
blessures, d'atténuer les problèmes de congestion, de réduire les
frais de fonctionnement des véhicules et d'améliorer la
compétitivité nationale. Ils exhortent le gouvernement fédéral à
associer ses efforts à ceux des gouvernements provinciaux pour
faire en sorte que nous puissions remettre en état notre réseau
routier national.
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
je souhaite présenter une pétition au nom d'une de mes électrices,
Helen Hawthorne, et de 24 autres personnes qui sont d'avis que
l'obligation de verser d'impôts qui servent au financement de
l'armée canadienne constitue une violation de la liberté de
conscience des personnes qui refusent de participer à toute activité
militaire.
Les pétitionnaires demandent au Parlement d'instituer une taxe
pour la paix par l'adoption d'une loi sur l'objection de conscience
qui reconnaisse le droit des objecteurs de conscience de ne pas
payer une partie des dépenses militaires et d'appliquer plutôt cette
portion des recettes fiscales, qui autrement serait réservée au budget
militaire, à des fins pacifiques.
M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le
Président, c'est avec beaucoup de tristesse que je dépose cette
pétition, conformément à l'article 36 du Règlement.
Attendu que Jacqueline Mariana MacLellan, citoyenne
canadienne, a été kidnappée par son père le 27 octobre 1996 et
emmenée aux Bermudes; attendu que la mère, Marguerite M.
Kopaniak, a une ordonnance lui accordant la garde de l'enfant que
lui a octroyée la Cour suprême de l'Ontario, qui a jugé que le père,
Peter R. MacLellan, était coupable d'outrage au tribunal; et attendu
que les Bermudes n'ont pas signé la Convention de La Haye et
qu'on n'a donc pas, dans ce cas-ci, à respecter les règles
généralement acceptées qui veulent qu'on retourne les enfants dans
leur pays d'origine, les pétitionnaires demandent au Parlement de
prendre des mesures pour que les autorités des Bermudes
reconnaissent et respectent la compétence du Canada sur cette
enfant et fassent en sorte qu'elle soit renvoyée au Canada et remise
aux soins et à la garde de la mère.
M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai une deuxième pétition que je souhaite présenter au
sujet de l'OTAN. Les pétitionnaires demandent qu'on permette aux
pays de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est de se joindre à
l'OTAN élargie, sans qu'aucun pays n'en soit exclu d'office.
M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai une troisième pétition que je souhaite présenter au
sujet du logement coopératif. Les pétitionnaires exhortent le
gouvernement à ne pas céder au gouvernement ontarien et à
préserver plutôt le logement coopératif sous sa forme actuelle.
Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le
Président, je voudrais présenter des pétitions au nom de centaines
d'électeurs et de citoyens de tout le pays qui voudraient que le
Parlement se penche sur un certain nombre de problèmes.
Tout d'abord, plus de 600 pétitionnaires prient le Parlement de
promulguer une loi établissant un registre national des pédophiles.
Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le
Président, d'autres pétitionnaires demandent que les délinquants
violents ne soient pas admissibles à une libération conditionnelle
avant d'avoir purgé entièrement leur peine.
Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le
Président, une autre pétition demande que le Parlement n'apporte à
la loi aucune modification qui aurait pour effet d'approuver ou de
permettre l'aide au suicide ou l'euthanasie active ou passive.
Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le
Président, une autre pétition demande que le Parlement prévoie un
financement de base pour veiller à ce que toutes les femmes chez
lesquelles on a diagnostiqué un cancer du sein puissent, grâce aux
groupes de soutien formés de femmes ayant survécu à un cancer du
sein, avoir accès à de l'information sur les divers traitements
disponibles dans leur collectivité.
Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le
Président, une autre pétition demande que le gouvernement fédéral
se joigne aux gouvernements provinciaux pour remettre en état le
réseau routier national en 1997.
Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le
Président, la dernière pétition demande que le Parlement déclare et
confirme immédiatement que le Canada est indivisible.
10000
M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président
du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, je demande
que les autres questions restent au
Feuilleton.
Le président suppléant (M. Milliken): Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
______________________________________________
10000
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
(1520)
[Traduction]
La Chambre, formée en comité plénier sous la présidence deM. Milliken, reprend l'étude du projet de loi C-95, Loi modifiant le
Code criminel (gangs) et d'autres lois en conséquence.
Le vice-président: La Chambre se forme à nouveau en comité
plénier pour étudier le projet de loi C-95. Lorsque le comité a
interrompu ses délibérations à 14 heures, l'article 1 du projet de loi
était à l'étude. Les députés désirent-ils étudier plus longuement cet
article?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le président, lorsque le
comité a interrompu ses travaux à 14 heures, le député de Fraser
Valley-Est m'avait posé des questions. Par souci d'équité, je ferais
peut-être mieux d'y répondre tout de suite. Je peux le faire très
brièvement.
Le député a affirmé que les chefs de police réclament cette
mesure législative depuis 1994 et que, à cinq jours du
déclenchement des élections, nous sommes en train d'étudier le
projet de loi.
À mon avis, aucun de nous ne sait quand il y aura des élections, et
nous ne devrions pas décider de notre façon d'agir à la Chambre en
nous fondant sur de tels calculs. Nous devrions agir dans l'intérêt
public, et c'est ce que fait le gouvernement.
Les chefs de police et les services de police en général demandent
au Parlement, depuis au moins 1984, de leur donner des moyens
plus efficaces de lutter contre le crime organisé. La preuve que le
gouvernement a répondu aux demandes des services de police, c'est
qu'il a présenté ce projet de loi, qui n'a pas été élaboré seulement
ces dernières semaines, mais qui est plutôt le fruit de 18 mois de
préparation et de consultation méthodiques.
Le 21 mars, les principaux ministres du gouvernement du
Québec m'ont invité à une rencontre au cours de laquelle ils m'ont
dit, en présence de quelque 14 maires de municipalité, qu'ils
voulaient que nous accélérerions nos travaux, qui étaient déjà en
cours, pour lutter contre le crime organisé. C'est en raison de cela
que nous avons achevé les travaux entamés il y a 18 mois et que
nous avons présenté le projet de loi C-95.
Le député a fait référence à certains articles de journal qui disent
que le droit et la politique se confondent parfois. J'ose dire que nous
ne devrions pas trancher ces questions sur la foi du volume de papier
journal qu'on peut produire en faveur d'un camp ou de l'autre. Je
pense non seulement que le député trouvera que l'opinion est très
majoritairement en faveur d'une intervention gouvernementale
énergique en vue de sauver des vies grâce à ce projet de loi, mais que
c'est à nous de juger. C'est notre devoir de parlementaires.
Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour étudier les dispositions
du projet de loi en détail. Je suis heureux que nous puissions le faire
et je crois que nous devrions y mettre le temps.
Le député a également fait allusion à certains articles du projet de
loi C-42 que la Chambre n'aurait pas, selon lui, vu passer. Je tiens à
lui assurer que rien n'a passé en douce dans le projet de loi C-41. Il
s'agit d'une réforme globale des dispositions du Code criminel qui
régissent la détermination de la peine. Celle-ci instituait, entre
autres, la condamnation avec sursis, une peine de rechange que les
tribunaux peuvent imposer, s'il y a lieu. Loin de passer inaperçue,
cette disposition a fait l'objet de nombreuses années d'examen et de
vastes consultations publiques, après quoi le Parlement du Canada a
pris la décision stratégique d'offrir aux tribunaux chargés de
déterminer la peine une solution de rechange utile.
Il ne faudrait pas que les parlementaires se laissent décourager
par le fait que l'article en question a été modifié par le projet de loi
C-17. Nombre de mesures législatives sont améliorées par voie de
modification après leur mise en application. C'est exactement ce
qui s'est produit dans le cas des dispositions du projet de loi C-41
qui se rapportent aux condamnations avec sursis. Nous venons de
préciser, grâce à un amendement que tous les partis ont approuvé,
que les tribunaux devraient prendre en considération, outre le
danger que la personne en question pose pour la société, ce qui était
le critère de départ, tous les principes qui, par tradition, orientent la
détermination de la peine, notamment le désaveu, la réprobation de
la société et l'effet dissuasif, ainsi que la sécurité de la collectivité.
Rien n'a passé inaperçu. Le Parlement a adopté une mesure
législative à cette fin. La mesure est maintenant plus solide, grâce à
l'amendement que nous avons tous approuvé et qui fait désormais
partie du projet de loi C-17.
Traitant ensuite des dispositions essentielles du projet de loi
C-95, le député a soulevé des questions sur le lien entre le libellé et
les définitions, puis il a demandé si ces définitions étaient
appropriées, compte tenu de l'objet du projet de loi. Je suis d'avis
qu'elles le sont, parce qu'elles ont été conçues et rédigées afin de
piéger ceux qui ont décidé de passer leur vie à commettre des crimes
graves et qui s'associent à cette fin. Nous voulons mettre un terme à
leurs activités, et le libellé devrait nous le permettre.
10001
(1525)
Le député a fait allusion aux victimes. Comme je l'ai dit tout à
l'heure, quand on cherche vraiment l'intérêt des victimes, on ne
parle pas d'une prétendue déclaration des droits des victimes-dont
la plus grande partie traite d'ailleurs de domaines de compétence
provinciale-, mais on laisse tomber les belles paroles et on vise les
résultats, on met de côté les slogans et on s'attaque à la substance,
on oublie les symptômes et on remonte aux sources du problème, et
on se penche sur les dispositions du projet de loi C-95.
La semaine dernière, j'ai rencontré une victime, une femme qui a
perdu son petit garçon à cause des guerres que se livrent les gangs
dans la région de Montréal. À peine âgé de onze ans, ce garçon
innocent a perdu la vie, parce qu'il était, au mauvais endroit et au
mauvais moment, en train de faire une course pour sa mère. Cette
femme est une victime et elle demande l'aide du Parlement. Elle est
venue me voir pour me demander de faire tout ce que je peux pour
que le projet de loi soit adopté et donne aux policiers les outils
nécessaires pour retracer les responsables de la mort de son jeune
garçon.
Cette mesure que nous pouvons adopter, dans l'intérêt des
victimes, est importante. Il ne s'agit pas simplement de belles
paroles pour faire les grands titres dans les journaux, mais d'une
mesure de fond qui améliorera le système de justice pénale afin
qu'il y ait moins de victimes à l'avenir. C'est un objectif louable et
c'est celui que nous visions en présentant le projet de loi C-95.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ):
Monsieur le ministre, je trouve qu'il est très rafraîchissant de vous
entendre discuter de ce projet de loi sachant que cela fait 18 mois
que votre ministère travaille sur ledit projet de loi.
Cependant, je trouve cela fort étrange, parce qu'il y a à peine
quatre semaines, le premier ministre disait que ce n'était pas de son
ressort et qu'il s'en lavait les mains. Toutefois, je suis bien heureux
que le gouvernement ait révisé sa position et qu'il voie que c'est de
juridiction fédérale de légiférer dans ce domaine.
J'aimerais que vous me convainquiez sur un point, parce que je
vous ai écouté, et à quelques reprises, lorsque je regarde les
définitions et la façon dont le projet de loi est rédigé, on ne semble
pas s'entendre sur un point important. J'aimerais que vous
m'indiquiez clairement, lorsque vous mentionnez à la presse que
c'est un projet de loi qui touche les têtes dirigeantes, quel article
précisément de ce projet de loi touche les têtes dirigeantes?
Je dois dire immédiatement que ce projet de loi est un pas en
avant et qu'on fera tout pour pouvoir l'adopter. D'ailleurs, le pas
que vous avez franchi, on vous l'indique depuis 1995, parce que la
constatation que vous avez faite tantôt, nous, on la fait depuis 1995,
mais le gouvernement ne bougeait pas.
Si le gouvernement avait bougé à temps, on ne serait pas rendus à
l'étude de ce projet de loi à une semaine du déclenchement des
élections, bien que vous dites ne pas connaître la date. Mais ne
jouons pas à l'autruche, on est des adultes et on voit ce qui se passe
autant dans cette Chambre qu'à l'extérieur. Je ne comprends pas
qu'on n'ait pas agi plus rapidement. Cela étant dit, monsieur Rock,
où, dans le projet de loi, dit-on clairement que les têtes dirigeantes
sont touchées, puisque, selon la compréhension que j'en fais, avec
les définitions contenues dans le projet de loi, il faut avoir commis
un crime?
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. L'honorable député
doit s'adresser à la Présidence même si nous sommes en comité
plénier.
M. Bellehumeur: Monsieur le Président, tantôt, le ministre s'est
adressé directement à quelqu'un pendant environ 15 minutes et
vous ne l'avez pas remis à l'ordre. Mais je vais m'adresser au
ministre par votre entremise, monsieur le Président.
M. Bélair: C'est parce que tu es un député du Bloc québécois.
M. Bellehumeur: Oui, c'est parce qu'on est du Bloc québécois
qu'on se fait remettre à l'ordre, comme vient de le dire le collègue
libéral d'en face. Mais, je m'adresserai à vous, monsieur le
Président, et il me fait plaisir de le faire.
Une voix: Vous faites bien pitié.
M. Bellehumeur: Plus tôt, nous avons écouté les libéraux et
nous n'avons pas fait de commentaires désobligeants. J'aimerais,
monsieur le Président, que vous disiez aux députés d'en face de ne
pas faire de commentaires désobligeants non plus et on va bien
s'entendre.
(1530)
Monsieur le Président, j'aimerais que le ministre m'indique à
quel endroit dans le projet de loi on dit que les têtes dirigeantes sont
touchées, puisque, selon les définitions qu'on voit à l'article qu'on
est en train d'étudier et aux articles subséquents, l'individu doit
avoir commis une infraction. On sait fort bien que ce ne sont pas les
têtes dirigeantes qui commettent l'infraction, mais des hommes de
bras.
J'aimerais que le ministre m'indique très clairement où dans le
projet de loi on fait état que les têtes dirigeantes sont touchées par ce
projet de loi et de quelle façon il entend mettre en application ces
articles, si tel est le cas.
M. Rock: Oui, monsieur le Président. Premièrement, je dois
répondre au commentaire de l'honorable député, à savaoir que tout
le monde attendait depuis longtemps que le gouvernement agisse
dans ce dossier. En fait, nous y travaillons depuis longtemps, depuis
des années. Nous avons entendu les positions exprimées par les
chefs de police et les forces policières partout au Canada. Nous
avons étudié toute cette question et nous avons agi avec l'appui et en
consultation avec les forces policières.
Le premier ministre a dit ici, à la Chambre des communes, il y a
quelques jours, que la responsabilité de faire face à ce problème ne
reposait pas seulement sur les épaules du gouvernement fédéral. Les
provinces ont une responsabilité également, selon la Constitution,
d'administrer le système de justice.
Tout le monde sait qu'il n'existe pas de solution miracle. Les
gens savent que le problème ne sera pas résolu du jour au
lendemain. Nous devons donc tous faire notre part.
10002
Avec le projet de loi C-95, le gouvernement fédéral a commencé
à faire sa part. Maintenant, les autorités provinciales doivent
s'assurer qu'elles offrent aux policiers et aux procureurs les
ressources dont ils ont besoin, et elles doivent également faire leur
part.
À mon avis, c'est seulement grâce à ce travail conjoint des deux
paliers de gouvernement que nous pourrons avancer. C'est la
position prise par le premier ministre à laquelle l'honorable député
s'est référé durant la période de questions ici, à la Chambre.
L'honorable député me pose la question suivante: quels articles
s'adressent aux dirigeants des gangs et du crime organisé? Je
réponds que tous les articles, tout le projet de loi vise cet objectif.
On peut utiliser tous les aspects de ce projet de loi contre les
dirigeants. Par exemple, nous avons suggéré des changements pour
augmenter et améliorer les méthodes, les moyens d'enquête des
forces policières contre les dirigeants et les membres de gangs et
d'organisations criminelles.
C'est la même chose pour les articles qui touchent les produits de
la criminalité et les instruments de la criminalité. Également, cela
touche les peines, les sentences suggérées dans le projet de loi. Elles
sont plus sévères et elles visent autant les dirigeants que les autres.
Finalement, un article visera l'ordonnance de ne pas troubler la
paix et accordera à la cour le pouvoir de prononcer une ordonnance,
tout en limitant la liberté de quelqu'un, si la cour est convaincue
qu'il existe une crainte raisonnable qu'une telle personne commette
un crime décrit dans le projet de loi. Il s'agit d'un outil très valable
contre les dirigeants du crime organisé.
(1535)
Nous avons discuté de cet aspect particulier avec les forces
policières et je peux dire aujourd'hui, en réponse aux questions de
l'honorable député, que les forces policières ont trouvé cette
approche très valable, particulièrement en ce qui concerne les
dirigeants.
Alors, ce projet de loi contient tout un éventail de mesures et
d'étapes concrètes et spécifiques pour améliorer le Code criminel,
pour donner aux forces policières des outils très valables contre le
crime organisé en général, mais en particulier contre les dirigeants.
M. Bellehumeur: Monsieur le Président, je pense que le ministre
n'a soit pas compris ma question, soit est incapable de mettre le
doigt sur l'article précisément.
Je comprends que, selon le projet de loi-et là je vais sortir de
l'article 1, parce que cela conduit quand même à plus que l'article
1-il faut que l'individu ait commis un acte criminel. Pour ce qui
est de la «possession sans excuse légitime de substances
explosives», ce ne sont pas les têtes dirigeantes qui se promènent
avec des bâtons de dynamite dans leur valise d'auto. Et pour la
«possession liée aux activités d'un gang», celui qui fabrique ou qui
est en possession de substances explosives n'est pas non plus une
tête dirigeante.
De toutes les infractions que le ministre a incluses dans le projet
de loi C-95, il n'y a rien qui ait une portée directe sur les têtes
dirigeantes, absolument rien, sinon le ministre m'aurait indiqué
clairement l'article. Dans les définitions de «gang», au tout début,
on dit «qui consiste à commettre des actes criminels». On sait que ce
ne sont pas les têtes dirigeantes qui font les coups bas. Ce ne sont
pas les boss de la mafia qui installent la dynamite. Ce ne sont pas
non plus les chefs de bandes de motards criminalisées qui installent
la dynamite et qui commettent cette oeuvre néfaste pour la société.
Je ne comprends pas le député d'en face qui dit que ce n'est pas
suffisant, qu'il a l'appui des chefs de police canadiens et toute la
force policière du Canada et du Québec, et qui dit qu'au Québec, on
est très satisfaits de cela. C'est vrai qu'on est satisfaits, mais
pendant que le ministre avait les deux mains dedans, il fallait qu'il
en fasse davantage. Ce n'est pas vrai que tous les chefs de police et
toutes les forces policières disent que ce projet de loi touche surtout
les têtes dirigeantes. C'est déformer la réalité que de tenir de tels
propos, parce que ce n'est pas ce qui se passe au Québec. Ce n'est
pas l'avis des gens qui ont commenté ce projet de loi.
Je comprends que c'est un pas en avant, mais ce n'est pas un pas
suffisant. Je demande à nouveau au ministre de m'indiquer
clairement quel article, dans le projet de loi, fait référence de façon
particulière aux têtes dirigeantes, ceux qui dirigent les bandes de
motards criminalisées, ceux qui planifient, qui font exécuter les
coups, au Québec ou ailleurs au Canada.
Plus tôt, le ministre a dit à la Chambre qu'il a rencontré la mère
du petit Desrochers. Selon ce projet de loi, il y a sûrement des
pouvoirs supplémentaires qui sont donnés aux policiers pour mener
des enquêtes et pour tenter de trouver qui a installé la bombe, et
pourquoi tout cela s'est produit. À moins que je ne fasse erreur, la
personne qui a commandé ce geste-là, la tête dirigeante qui est
derrière tout cela n'est pas touchée par le projet de loi C-95, si je ne
m'abuse. Je demande au ministre où, dans le projet de loi C-95, on
touche aux têtes dirigeantes.
Encore là, le projet de loi est un pas en avant. Auparavant, il
n'existait rien. C'est grâce au Bloc québécois que le gouvernement
a décidé d'agir. Le ministre peut dire que ça fait 18 mois qu'il y
travaille, mais, nous, ça fait au moins deux ans qu'on le questionne
sur cet élément et il nous répondait qu'il n'y avait pas de problème,
que les policiers avaient tous les éléments dont ils avaient besoin
pour faire des enquêtes, etc.
Là, du jour au lendemain, il nous dit qu'il étudiait cet aspect
depuis 18 mois, en cachette probablement, parce qu'il ne nous a
jamais dit qu'il étudiait cette question. Il disait même que le Bloc
québécois était dans l'erreur et qu'on voulait faire de la petite
politique avec un dossier semblable. Je trouve étrange que le projet
de loi soit étudié une semaine avant le déclenchement des élections,
soit dit en passant.
(1540)
Donc, je demande encore au ministre de la Justice, quelqu'un qui
connaît fort bien la loi à l'étude, qu'il indique très clairement quel
est l'article. Je suis juriste moi aussi, je suis avocat, je vais
comprendre. Mais qu'il m'indique très clairement l'article de loi.
Moi, je n'en vois pas d'article qui traite spécifiquement des têtes
dirigeantes. Et c'est une des faiblesses du projet de loi C-95.
10003
J'ai hâte d'entendre le ministre, de façon très spécifique,
m'indiquer précisément l'article qui touche les têtes dirigeantes.
Est-ce que cela se trouve dans une définition? Est-ce au niveau
d'une infraction particulière? Où est-ce? Qu'on m'indique
clairement où, dans le projet de loi, on touche les têtes dirigeantes.
Par la suite, j'aurai peut-être une autre question à lui poser.
M. Rock: Monsieur le Président, je ne prétends pas que ce projet
de loi représente tout ce dont nous avons besoin pour contrer le
crime organisé. C'est seulement un premier pas. C'est un projet de
loi pour entame l'effort. C'est la première phase de notre travail. Il
reste beaucoup à faire, mais c'est un très bon début, un début très
valable.
Le député a demandé quel article s'applique aux dirigeants du
crime organisé. Comme je l'ai dit, il est possible d'utiliser tout le
projet de loi contre les dirigeants, dont l'écoute électronique, les
mandats de perquisition, les changements aux règlements pour les
mandats de perquisition, l'accès aux renseignements fiscaux-c'est
très important contre les dirigeants-les produits et instruments de
la criminalité, les sentences plus sévères, le renversement du
fardeau de la preuve pour le cautionnement, et les ordonnances de
ne pas troubler la paix. Il est possible d'utiliser tout cela
directement contre les dirigeants. Comme je l'ai dit, ceux qui sont
responsables sur le terrain, c'est-à-dire les forces policières, sont
d'accord pour dire que ces mesures sont très efficaces et valables
pour cet objectif.
Deuxièmement, un point d'importance aussi, on peut utiliser ces
mesures indirectement contre les dirigeants, c'est-à-dire que si on
peut trouver, avec ces moyens d'enquête, une personne qui a
travaillé avec un groupe dans un acte de gangstérisme, qui est
associée à un gang, si on peut accuser une telle personne d'une
infraction selon le projet de loi, avec une peine sévère de 14 ans à
être purgée de façon consécutive avec toutes les autres peines, on a
un moyen indirect d'obtenir la preuve contre les dirigeants. Les
forces policières m'ont dit qu'avec un tel outil, elles pourront
demander l'information d'une telle personne accusée, en échange
pour une entente de réduire les conséquences pour ceux qui sont
capables d'aider les forces policières dans leur enquête.
Directement et indirectement, avec ce projet de loi, on peut
trouver les moyens concrets et efficaces pour enquêter et pour
mettre un terme aux actes de gangstérisme par le crime organisé.
M. Bellehumeur: Monsieur le Président, ce que le ministre vient
de dire en ce qui concerne les peines plus sévères, les
cautionnements, les ordonnances de ne pas troubler la paix, c'est
vrai que cela peut s'appliquer aux têtes dirigeantes, mais là n'est pas
la question.
La question est la suivante: où dans le projet de loi donne-t-on des
moyens supplémentaires aux policiers, aux forces de l'ordre pour
atteindre les têtes dirigeantes de ces groupes de motards, ou de ces
groupes criminalisés?
Ça fait mal, de l'autre côté, puisque ça réagit. D'habitude, c'est
quand on touche un bon point que ça réagit.
(1545)
Une fois qu'on les a «grabbés», comme on dit dans le langage
policier, une fois qu'on leur a mis la main au collet, c'est sûr que les
têtes dirigeantes seront touchés par les peines plus sévères, le
cautionnement et l'ordonnance de ne pas troubler la paix. J'en
conviens, et j'en suis fort aise comme diraient certains écrivains.
Cependant, rien dans le projet de loi ne nous permet de dire que les
policiers ont plus d'éléments, plus de force pour aller chercher ces
têtes dirigeantes.
J'en reviens toujours à l'exemple que le ministre lui-même a cité
tantôt, le cas du petit Desrochers. Ce ne sont pas les têtes dirigeantes
qui sont allés installer la bombe sous l'automobile qui a explosé. La
tête dirigeante a fait une commande; elle a dit: «Toi-là, Jos. Bleau,
M. X commence à me tomber sur les nerfs; il faut qu'il parte.
Organise-toi pour qu'il parte.» Il dit cela à des hommes de main et
les hommes installent une bombe. Mais avec cette législation, c'est
la personne qui installe la bombe qui aura une peine plus sévère, un
cautionnement plus difficile à obtenir, une ordonnance de ne pas
troubler la paix ou quoi que ce soit; ce ne sont pas les têtes
dirigeantes.
Je pose ma question une troisième fois et je vous promets que ce
sera la dernière. Si le ministre ne m'indique pas l'article précis,
c'est parce qu'il n'en existe pas, j'en aurai la conviction hors de tout
doute raisonnable. Est-ce que le ministre peut m'indiquer, dans le
projet de loi, où exactement on donne plus de pouvoirs aux policiers
pour toucher les têtes dirigeantes? Si on ne touche pas aux têtes
dirigeantes, si on ne leur fait rien, on va peut-être avoir plus
d'hommes de bras en prison, mais il va toujours y avoir les têtes
dirigeantes pour trouver d'autres personnes qui vont faire le job à
leur place.
Pour la dernière fois, je pose la question au ministre: Où, dans le
projet de loi, touche-t-on vraiment les têtes dirigeantes? Si on lit
tout ce qui se rapporte aux infractions, il est bien stipulé «qu'on doit
avoir commis l'infraction». Donc, avant que le ministre me dise
quel est l'article du projet de loi et l'endroit où on le retrouve, il y a
une question à laquelle il doit me répondre: Convient-il avec moi
que ceux qui commettent les infractions, ce ne sont pas les têtes
dirigeantes, mais qu'habituellement, ce sont les hommes de bras?
S'il répond affirmativement, par la suite, il pourra peut-être me
répondre où dans le projet de loi on trouve une disposition
particulière s'adressant aux têtes dirigeantes.
M. Rock: Monsieur le Président, on a répété la question, on doit
répéter la réponse. J'ai déjà répondu que toutes les mesures sont
disponibles pour lutter contre les dirigeants. Même dans la question
posée par l'honorable député, on peut en trouver un exemple. Il a dit
que les explosifs ne sont pas placés par les têtes dirigeantes, mais
par ceux qui aident les gangs.
Comme l'honorable député le dit, il faut que les têtes dirigeantes
communiquent avec d'autres pour demander qu'on dépose les
explosifs dans un endroit particulier. On doit donc communiquer
entre dirigeants et membres, ou ceux qui sont associés avec les
gangs.
Nous avons amélioré les articles du Code criminel concernant
l'écoute électronique, afin de rendre le système plus efficace pour
les forces policières qui désiraient faire de l'écoute électronique
pour pouvoir enregistrer la communication entre les dirigeants et
les membres. C'est le premier point. Alors, on peut utiliser les
changements concernant l'écoute électronique pour se saisir des
dirigeants.
De plus, on a une ordonnance de ne pas troubler la paix qui
indique qu'il est défendu à un dirigeant de communiquer avec un
autre. Si le dirigeant le fait, alors, on pourra l'accuser d'infraction,
car il aura transgressé l'ordonnance. Dans une telle situation, le
projet de loi impose une peine d'emprisonnement. Alors, on peut
utiliser tous les articles et tous les aspects de cet éventail de mesures
contre les dirigeants.
10004
(1550)
Il n'est pas nécessaire d'avoir seulement un article s'adressant
aux dirigeants. Tout le projet de loi donne des pouvoirs à la police
pour agir. Alors, je dois répéter ma réponse parce que, comme je l'ai
déjà dit, c'est la même question, alors je dois donc donner la même
réponse.
[Traduction]
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
président, juste avant la période des questions, j'ai posé une
question au ministre, ce qui est probablement une erreur classique,
puisque le ministre et les agents de son ministère ont ainsi eu le
temps de préparer une longue réponse à saveur politique, dans
laquelle le ministre s'attaquait aux réformistes et leur reprochait de
ne pas s'intéresser aux propositions précises. Le ministre sait
pourtant fort bien que, si le Parti réformiste avait refusé d'étudier le
projet de loi en comité plénier aujourd'hui, s'il avait refusé de
l'adopter rapidement, ce projet de loi n'aurait aucune chance de
devenir loi.
Nous nous intéressons aux propositions précises, c'est bien
évident. Le ministre en est conscient. Je voudrais savoir pourquoi le
ministre a choisi ce projet de loi plutôt qu'un autre.
La mesure législative dont nous sommes saisis entrera
probablement en vigueur ce soir. Le processus suivi ne m'enchante
guère. En fait, je le trouve nul, parce qu'il ne nous accorde même
pas un jour ou deux pour étudier le projet de loi en comité, entendre
des témoins et examiner des amendements.
Cela étant dit, je voudrais savoir comment le ministre a choisi de
faire adopter à toute vapeur ce projet de loi en particulier. Il le fait
avec notre consentement. Nous sommes ici aujourd'hui pour
adopter le projet de loi. Pourquoi, par exemple, le ministre n'a-t-il
pas décidé de faire adopter rapidement le projet de loi sur les
empreintes génétiques en même temps que celui-ci ou à sa place?
Sur quel critère s'est-il fondé pour décider qu'il lui fallait
absolument faire adopter ce projet de loi avant le déclenchement des
élections?
M. Rock: Premièrement, je promets que les réponses que je
donnerai ne seront pas plus à saveur politique que les questions que
me posent les gens d'en face. Avant 14 heures, on m'a posé une
question imbue de préjugés et qu'il me fallait, par conséquent,
répondre en rétablissant les faits.
La mesure législative n'entrera pas en vigueur ce soir,
puisqu'elle doit être renvoyée à l'autre endroit. Elle pourrait être
adoptée à la Chambre aujourd'hui. Si c'est le cas, nous aurons
rendu, je crois, un grand service à la population.
Le député veut savoir comment est établi l'ordre de priorité des
projets de loi et pourquoi le projet de loi sur les empreintes
génétiques n'est pas étudié à la même vitesse. Comme l'a précisé le
solliciteur général lorsqu'il a présenté le projet de loi C-94 sur les
empreintes génétiques, cette mesure législative aborde des
questions qui sont encore très controversées. La meilleure solution
à adopter dans ce domaine fait toujours l'objet de grands débats en
matière de politique et de droit. Le solliciteur général a décidé de
demander au comité d'étudier le projet de loi après la première
lecture, avant l'adoption du principe par la Chambre, pour que les
parlementaires puissent remettre en cause l'approche fondamentale
proposée pour les principaux éléments du projet de loi.
L'Association canadienne des policiers a son point de vue sur les
modalités d'application, sur le moment où les échantillons doivent
être prélevés et les règles régissant l'accès aux profils conservés
dans la banque de données. Les défenseurs des libertés civiles et les
groupements féminins ont des réactions très différentes. Des
questions ont surgi dès le dépôt du projet de loi, ce qui montre bien
jusqu'à quel point ces questions peuvent soulever la controverse. Il
reste encore d'importantes questions de politiques à discuter et à
régler dans le projet de loi C-94 sur les empreintes génétiques.
En ce qui concerne le projet de loi à l'étude, les propositions sont
d'un autre ordre. Nous sommes ici en présence de modifications
précises, concrètes et pratiques au Code criminel qui permettront de
recourir, dans les circonstances particulières aux enquêtes sur le
gangstérisme, à des techniques d'enquête qui font partie de notre
droit pénal depuis des générations.
Nous avons aussi une définition du gangstérisme qui a été
soigneusement étudiée pour englober les crimes les plus graves
commis pendant une période prolongée et les groupes qui
commettent ces crimes graves.
Nous avons eu recours aux techniques ordinaires du droit pénal
comme l'augmentation des peines, et stipulé que l'appartenance ou
l'association à un gang est une circonstance aggravante aux fins de
la détermination de la peine.
(1555)
À l'article 810.3 du projet de loi, on propose aussi d'améliorer
une disposition qui existe déjà quant à l'engagement de ne pas
troubler l'ordre public, en tablant sur des dispositions qui sont déjà
prévues dans le Code criminel et qui ont fait leurs preuves depuis un
certain temps. On peut dire la même chose des produits et
instruments de la criminalité.
Alors que les tests d'ADN sont un domaine qui est complètement
nouveau pour nous et qui, à notre connaissance, n'existent que dans
trois autres pays, avec le projet de loi C-95, nous misons, au
contraire, sur des mécanismes et des lois déjà en place, nous les
améliorons en réponse à une menace particulière, celle du crime
organisé.
À mon avis, c'est un problème avec lequel la Chambre peut
composer plus facilement. Il se pourrait fort bien que l'autre endroit
tienne des audiences. Je pense que c'est son intention. Si le député
veut entendre d'autres sons de cloche, je crois que c'est l'autre
endroit qui lui en donnera la possibilité.
M. Strahl: Monsieur le président, j'ai une question fort simple à
poser au ministre.
D'aucuns diront qu'en présentant ce projet de loi, le ministre vise
encore à faire les manchettes: «Les libéraux attaqués sur la question
du Québec». Ils doivent réagir et présentent donc aujourd'hui un
projet de loi qui ne s'adresse qu'au Québec. Et c'est pourquoi le
projet de loi est présenté maintenant, dans sa présente forme.
Qu'en pense le ministre? Pense-t-il que son projet de loi
s'adresse uniquement au Québec? Pense-t-il que c'est un projet de
loi qui s'adresse au Code criminel? Je lui mets pratiquement les
mots dans la bouche. Est-ce que c'est cela la réponse? Est-ce que
c'est un projet de loi s'adressant au Québec ou un projet de loi dont
le temps est venu?
10005
M. Rock: Monsieur le Président, la meilleure façon de répondre
à la question du député consiste peut-être à utiliser un exemple lié à
sa propre expérience.
Il y a trois semaines, j'ai parlé au chef de police et au maire de
Vancouver. Je leur ai dit que nous redoublions d'efforts pour rédiger
une loi qui leur permettrait de mieux lutter contre les gangs et le
crime organisé. Le chef Canuel et le maire Owen de Vancouver
m'ont appuyé avec enthousiasme et m'ont demandé de leur donner
l'occasion de faire des observations sur les propositions que nous
étions en train d'étudier.
Le chef Canuel m'a parlé d'incidents survenus à Vancouver et
impliquant des gangs et des organisations criminelles. Il m'a
rappelé que ce projet de loi était aussi nécessaire, voire davantage,
dans d'autres régions du pays, outre le Québec. Le maire de
Vancouver était du même avis. Il a été des plus constructives et des
plus enthousiastes lorsque j'ai parlé au procureur général de la
Colombie-Britannique, l'honorable Ujjal Dosanjh. Il m'a
encouragé dans ce travail. Il m'a demandé de travailler rapidement,
tout comme l'ont fait les procureurs généraux d'un bout à l'autre du
pays.
J'ai reçu une lettre du service de police de Vancouver dans
laquelle ce dernier propose des mesures particulières à inclure dans
le projet de loi. Nous avons pu inclure cinq ou six propositions que
le chef de police de Vancouver a dit trouver très importantes dans
son travail.
Ce projet de loi ne concerne pas une province en particulier. Il ne
concerne pas un endroit en particulier. Il cherche à régler un
problème qui peut prendre diverses formes dans notre grand pays.
C'est un problème avec lequel nous sommes aux prises dans
chacune des provinces et chacun des territoires. L'un des avantages
de ce projet de loi, c'est qu'il fournira des outils utiles à tous les
corps de police du pays.
Laissons les journaux faire les manchettes qu'ils voudront. Les
gouvernements sont là avant comme après les élections. S'ils
prennent une mesure six mois avant les élections, on les accuse
d'électoralisme. Quant à moi, je préfère garder présente à l'esprit
l'image de la mère que j'ai rencontrée la semaine dernière à
Montréal et qui a perdu un fils à cause de la guerre des gangs. Elle
m'a dit: «Mettez de côté la politique. Adoptez ce projet de loi.
Fournissez à la police les outils dont elle a besoin, car je veux
qu'elle trouve ceux qui sont responsables de la mort de mon fils.»
(1600)
Cela n'a rien à voir avec les élections. Il s'agit simplement de
faire en sorte que le droit pénal aide les victimes et la police, et
d'atteindre notre objectif commun, qui consiste à débarrasser le
pays du crime organisé.
M. Strahl: Monsieur le président, je dirai, comme le ministre,
que le projet de loi doit être adopté. Il est évident que nous allons
l'appuyer. Le ministre le sait. Nous serons heureux de l'appuyer, en
dépit des quelques réserves que j'ai mentionnées.
Cependant, je m'intéresse à la motion sur la société distincte
adoptée à la Chambre des communes il y a plus d'un an. On pourrait
l'appeler la motion sur la société distincte. Toutes les institutions du
pouvoir législatif doivent traiter le Québec comme une société
distincte et tenir compte de ce statut dans la rédaction des lois. Ce
sont là les instructions qui ont été données par la Chambre des
communes. En tout cas, il s'agissait de quelque chose du genre.
Lorsqu'il rédige un projet de loi, le ministre tient-t-il compte de
la motion sur la société distincte? Y pensait-il pendant qu'il
rédigeait le projet de loi? Le ministre a reçu instruction d'en tenir
compte. J'aimerais savoir quelles répercussions la motion a eu sur
le projet de loi.
M. Rock: Il n'est pas ici question d'un des traits qui rend le
Québec distinct au sein du Canada. Le problème n'est pas
particulier au Québec. Il se retrouve partout au Canada. Le projet de
loi porte sur un problème qui afflige l'ensemble du Canada.
J'aimerais parfois que le problème du crime organisé soit limité à
une seule région, mais ce n'est pas le cas.
En février 1996, les corps policiers nous ont rencontrés, le
solliciteur général et moi, et nous ont parlé pendant pratiquement
toute une journée du crime organisé. Nous avons entendu le Service
canadien des renseignements criminels, la GRC et le comité des
chefs de police sur le crime organisé. Ils nous ont parlé des
différentes formes que prend le crime organisé, que ce soit dans le
Canada atlantique, en Ontario, dans les Prairies ou sur la côte ouest.
Le nombre de secteurs où on trouve de la corruption, de
l'intimidation et de la violence à seule fin de tirer de l'argent
d'innocentes victimes est ahurissant.
Ce n'est pas quelque chose que l'on retrouve plus dans une
province que dans une autre, mais un problème qui touche tout le
Canada et qui appelle une solution pancanadienne. C'est pourquoi
le projet de loi en est un d'application générale.
Je me suis entretenu avec les chefs de police de Halifax, de
Toronto, d'Ottawa et de Winnipeg. J'ai parlé avec les procureurs
généraux du Manitoba et de l'Ontario. Dans toutes ces
conversations, j'ai été encouragé à aller dans le sens du projet de loi.
Les mesures proposées ont été très bien accueillies parce que tous
ces gens responsables de l'application de la loi savent que nous
parlons pas du caractère distinct du Québec, mais bien d'un fléau
qui frappe tout le Canada.
M. Strahl: Monsieur le président, je ne nie pas ce fait. Je suis
d'accord avec le ministre. Je suis certain qu'il a tout l'appui
nécessaire.
J'essayais simplement de déterminer si la disposition sur la
société distincte adoptée il y a plus d'un an pouvait avoir une
incidence sur la rédaction des mesures législatives, spécialement
lorsque celles-ci sont rédigées à la demande du gouvernement du
Québec. Je suis d'accord avec le ministre pour dire que c'est un
problème qui touche l'ensemble du pays et que, comme la plupart
des problèmes que nous avons, il n'a rien à voir avec le caractère
distinct d'une province. Il faut une solution pancanadienne.
10006
Dans la question que j'ai posée au ministre juste avant la période
des questions, je demandais des éclaircissements sur la partie de la
définition d'un gang où l'on dit qu'il s'agit d'un groupe d'au moins
cinq personnes. Si j'ai bien compris ce que le ministre a dit avant la
période des questions, le mot «personne» désigne toute personne
âgée de plus de 12 ans. Est-ce bien le cas ou quand une personne
est-elle considérée comme une personne aux termes de cette loi?
M. Rock: Le mot «personne» aura sa signification habituelle.
(1605)
Comme je l'ai dit dans la première partie de cette séance de
comité, la définition et les mesures contenues dans le projet de loi
C-95 s'appliquent à tout groupe d'au moins cinq personnes dont les
membres ou certains d'entre eux ont commis des actes criminels
graves au cours des cinq dernières années et dont l'une des
principales activités consiste à commettre de tels actes criminels. Il
n'y aura aucune exception à cette définition en raison de l'âge.
Les critères sont fondés sur les actes criminels passibles d'un
emprisonnement maximal de cinq ans ou plus. Cela n'exclut pas les
jeunes contrevenants. Quiconque satisfait aux critères établis dans
la définition sera assujetti à la loi. Comme je l'ai dit en réponse aux
questions posées par le député de Crowfoot, il se peut que, dans un
cas particulier, un accusé soit visé par la règle interdisant les
déclarations de culpabilité multiples aux termes de la Loi sur les
jeunes contrevenants. Cela ne veut cependant pas dire que le projet
de loi C-95 ne s'applique pas.
M. Strahl: Voilà ce que les Canadiens veulent savoir. Les jeunes
contrevenants servent de passeurs de drogue, et cela se fait
couramment dans l'Ouest. Les gens veulent des garanties à cet
égard. Le groupe peut être formé de cinq personnes dont une aurait
l'âge de la majorité. Or, cette personne serait visée par la définition.
Nous la considérerions comme un gang. L'individu qui vit des
profits d'actes criminels et corrompt ces jeunes pourrait être accusé
sous divers chefs. Même si le gang ne comptait aucun membre
majeur, cette loi pourrait tout de même être utilisée à des fins
d'écoute électronique, d'accessibilité et à plusieurs autres fins
utiles dont le ministre a parlé.
Je sais que les gangs dans l'Ouest sont souvent constitués de
mineurs, et c'est le côté honteux de la chose. Ces groupes sont
souvent dirigés par deux ou trois barons du crime parce que les
jeunes contrevenants s'en tirent avec des sentences plus légères ou
avec l'immunité s'ils sont suffisamment jeunes. On a vu des cas
semblables sur la côte ouest et sûrement ailleurs au Canada.
La population veut être sure que la définition de gang
s'appliquera à ces groupes, même s'ils sont constitués de mineurs.
M. Rock: C'est précisément notre but. Pour ce qui est de mon
interprétation de la loi, j'invite le député à lire l'article 20 de la Loi
sur les jeunes contrevenants pour comprendre ce dont je parle. Cet
article vise les jeunes contrevenants trouvés coupables d'infractions
punissables de l'emprisonnement à vie en vertu du Code criminel
ou d'une autre loi.
Autrement dit, l'article 20 de la Loi sur les jeunes contrevenants
vise les infractions pour lesquelles le Code criminel prévoit des
sentences plus lourdes que celles qui peuvent être imposées en vertu
de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce qui ne veut pas dire que
ces infractions ne s'appliquent pas à des jeunes contrevenants. Au
contraire. Cela signifie simplement qu'un mineur qui est accusé
sera transféré et que la peine maximale prévue dans la Loi sur les
jeunes contrevenants s'appliquera.
Je sais que la situation dont parlait le député est réelle. J'ai passé
des semaines à me promener avec la section des gangs de jeunes du
service de la police de Winnipeg. Je les ai accompagnés alors qu'ils
patrouillaient les rues en voiture, j'ai écouté les explications qu'ils
m'ont données à propos des infractions sur lesquelles ils
enquêtaient. J'ai accompagné des agents de la police d'Edmonton
dans leurs rondes. J'ai passé une soirée à patrouiller en voiture et à
pied les rues et les ruelles de Vancouver avec des membres de la
police de Vancouver. J'ai vu de mes propres yeux des jeunes
entraînés dans des crimes, trop souvent sous la direction de
personnes plus âgées.
J'ai passé du temps en voiture avec la police de Calgary à
patrouiller les rues, à voir des jeunes se livrant à des activités
illégales, trop souvent sous la direction ou avec l'encouragement de
personnes plus âgées.
Je reconnais que l'on pourrait dire la même chose au sujet de
Toronto, de Halifax, de Québec et, en fait, d'Ottawa. J'ai aussi
patrouillé ces villes avec des policiers pour les voir au travail et pour
constater de mes propres yeux des situations fort troublantes et
graves.
(1610)
Le but de cette mesure législative est justement de donner à la
police les moyens d'attraper ces gens, d'enquêter sur les groupes de
jeunes de moins de dix huit qui se livrent à des infractions pouvant
faire l'objet de sanctions prévues dans le Code criminel. C'est
l'intention du projet de loi et, dans sa forme actuelle, c'est le résultat
recherché.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le président, nous
parlons d'infractions graves, d'infractions qui entraînent une peine
minimale de plus de cinq ans.
Comme le ministre a prévu ce genre de peine dans le projet de loi
C-68. Cela signifie qu'un groupe de chasseurs ou d'agriculteurs ou
tout autre groupe de personnes qui possèdent des armes à feu de
calibre .22 et qui ne veulent pas les enregistrer tombent dans cette
catégorie. Je suppose qu'on pourrait les qualifier de membres d'un
gang s'ils étaient au nombre de cinq.
Si leur activité première pouvait être considérée comme le refus
d'enregistrer leurs armes à feu et la contestation de la loi sur les
armes à feu devant les tribunaux, on pourrait dire qu'il s'agit d'une
10007
série d'infractions. Est-ce que ces gens seraient considérés comme
des membres d'un gang?
M. Rock: Monsieur le président, peu importe le sujet, le député
trouve toujours un lien à faire avec le dossier des armes à feu tant il
est passionnément engagé dans la lutte contre le contrôle des armes
à feu au Canada. C'est regrettable.
Je crois que le député est déphasé par rapport à la majorité des
Canadiens qui souhaitent voir disparaître de nos rues toutes les
armes à feu de type militaire. À mon avis, la vaste majorité des
Canadiens sont heureux que nous ayons interdit toute vente ou
importation de ces armes de poing de piètre qualité que l'on appelle
les «armes du samedi soir» et qui ont tué tant de policiers aux
États-Unis. Nous ne voulons pas de ces armes au Canada.
La majorité des Canadiens appuient le contrôle des armes à feu,
qui donne aux policiers les outils nécessaires pour retirer les armes à
ceux qui ne devraient pas en posséder. Il est regrettable de voir que,
quel que soit le sujet, le projet de loi, la mesure ou l'objectif en
cause, le député trouve toujours le moyen de tout ramener à son
ardente opposition au contrôle des armes à feu, une mesure pourtant
largement appuyée partout au pays. C'est là une réalité bizarre et
insolite à laquelle je dois m'adapter. Je vais donc tenter de répondre
de la meilleure façon possible à cette question que le député est
parvenu à formuler en mêlant les armes à feu à la loi anti-gang.
Je ne crois pas que l'exemple du député soit possible. Je suppose
qu'on pourrait inventer des faits de cet ordre, mais il parle de
particuliers qui agissent ponctuellement en ne respectant pas les lois
promulguées par le Parlement. J'espère que tous les Canadiens
respectent les lois du Parlement. Il connaît peut-être des gens qui
dérogent ou dérogeront aux lois. C'est très intéressant.
Revenons à l'essence du projet de loi C-95. Revenons à l'objectif
de ce projet de loi sur le crime organisé. Il vise ceux qui se
réunissent en groupes ou en gangs pour consacrer implacablement
leur vie et leurs efforts aux gains réalisés aux dépens d'autrui et
parfois même au prix de la vie des autres.
Il s'agit de donner à la police les outils dont elle a besoin pour
s'attaquer à ceux qui mettent en péril la vie de familles ou d'enfants
parce qu'ils se battent pour le contrôle de la distribution de drogues.
Il s'agit de trouver un moyen de vaincre des criminels endurcis qui
ont fait carrière dans le crime et qui, au cours des cinq dernières
années, ont commis une série d'infractions criminelles et
continuent de commettre des crimes punissables d'une peine de
cinq ans de prison ou plus.
Il s'agit du noyau dur du crime organisé au Canada. Ils sont
actuellement en guerre au Québec. Le coût de cette guerre se mesure
en vies humaines et en tranquillité d'esprit dans les collectivités.
J'ai rencontré des gens de certaines villes du Québec qui sont
incapables de se promener sur la rue avec leurs enfants et qui ont
peur d'aller dans les parcs de leur ville; ils ont l'impression que leur
collectivité est assiégée.
(1615)
[Français]
Ils ont peur de vivre dans leur communauté. C'est inacceptable
au Canada, absolument inacceptable de tolérer les conditions
décrites par ces gens qui habitent des villages et des villes du
Québec. J'ai rencontré et j'ai parlé à des maires de ces
communautés. Ils ont dit directement que ces conditions étaient
inacceptables, et je suis d'accord avec eux. Alors, nous avons agi;
nous avons maintenant fait notre part pour changer le Code criminel
en proposant des mesures permettant aux forces policières de lutter
contre ces délits.
[Traduction]
C'est là-dessus que porte le projet de loi. Le député utilise sa
créativité pour imaginer des façons de relier son opposition au
contrôle des armes à feu au projet de loi sur le crime organisé; c'est
intéressant, créatif et un peu amusant. C'est même charmant en un
sens, car le député en a fait une carrière. Toutefois, cela n'a pas
réellement de rapport, cela n'aide pas et on peut dire que c'est hors
sujet.
M. Ramsay: Monsieur le président, ce qui est regrettable c'est
que, en créant ce projet de loi, le ministre de la Justice y ait prévu
une peine maximale de 10 ans de prison pour quiconque refuse
d'enregistrer sa 22. C'est ça qu'il a fait. Dans sa réponse, il s'est
évertué à prouver que ce n'est pas une question qu'on devrait
soulever et il oublie qu'il a créé une peine si lourde qui fait que
quiconque décide de contester cette loi devant un tribunal, comme
le font trois provinces et les territoires, risque de tomber sous le
coup de cette loi.
C'est ça qui est regrettable dans la réponse du ministre de la
Justice. Certains articles parus dans les journaux ont fait état de
craintes que le projet de loi soit utilisé à des fins autres que celles
prévues par le ministère de la Justice ou par le ministre. Nous
savons que c'est ce qui est arrivé à plusieurs projets de loi que la
Chambre a approuvés et le C-41 en est un bon exemple. Il a
lui-même admis à la Chambre qu'il ne s'attendait pas que les
condamnations avec sursis permettraient aux violeurs d'échapper à
la prison.
Il faut suivre le raisonnement du ministre lorsqu'il nous dit que
nous n'avons pas à nous inquiéter. Peut-être qu'il n'a pas à
s'inquiéter lui, mais en tant que représentants de nos concitoyens et
qu'en tant que défenseurs de leurs droits, quand on nous propose
une telle mesure législative, il est tout à fait approprié que nous
examinions, non seulement le projet de loi, mais aussi ses
ramifications en ce qui concerne l'interprétation éventuelle de ses
diverses dispositions et des conditions qui ne sont pas précisées.
J'aimerais poser la question suivante au ministre de la Justice.
Entre octobre 1994 et 1995, il y a eu au Québec plus de 60 meurtres
liés à la guerre des gangs. Quelque 80 membres de gangs ont été
arrêtés et accusés d'environ 200 infractions. À part l'élargissement
de la législation régissant l'écoute électronique, ce qui pourra aider
les agents de police à enquêter sur les meurtres, en quoi ce projet de
10008
loi va-t-il les aider à arrêter les responsables de ces meurtres, y
compris ceux qui ont fait sauter la bombe qui a tué ce jeune de11 ans? Si on omet les dispositions sur l'écoute électronique, en
quoi ce projet de loi va-t-il les aider?
M. Rock: Monsieur le président, le député m'a dit que ses
collègues réformistes et lui appuyaient le projet de loi. J'espère
qu'il comprend mieux qu'il a laissé voir la façon dont le projet de loi
va aider à remédier à la situation.
Lorsqu'on a un problème de santé, on s'adresse à un médecin.
Lorsqu'on a un problème juridique, on consulte un avocat.
Lorsqu'on veut savoir ce qui va aider les policiers dans le cadre de
leur lutte contre la criminalité dans les rues, on s'adresse aux
policiers. C'est ce que nous avons fait. Nous avons consulté les
policiers.
(1620)
[Français]
J'ai parlé avec le chef Duchesneau, directeur de la police de la
Communauté urbaine de Montréal. J'ai aussi rencontré le chef
Richard Renaud, du Québec. J'ai rencontré une douzaine de chefs
de police et directeurs des forces policières ici, à Hull, il y a trois
semaines. J'ai discuté directement avec les forces policières de
leurs besoins et ce qu'on peut inclure, dans les modifications au
Code criminel, pour augmenter les mesures disponibles, les
techniques, pour les policiers, de lutter contre le crime organisé. Ce
sont les policiers qui ont suggéré, pour la plupart, les mesures qu'on
trouve dans le projet de loi C-95. Ce sont les forces policières qui
ont travaillé avec nous depuis des mois pour trouver des mesures
concrètes.
Les policiers eux-mêmes sont d'avis qu'avec ce projet de loi,
avec ces mesures, il sera possible d'améliorer la loi, d'arrêter et
d'accuser ceux qui sont responsables des meurtres dont parle le
député.
[Traduction]
Nous n'avons pas élaboré ces propositions en vase clos. Nous ne
l'avons pas fait sans tenir compte des conseils pratiques des
policiers qui travaillent dans nos rues. Nous avons collaboré très
étroitement avec les policiers pour établir ces mesures. Nous leur
avons donné des outils qui devraient leur être utiles.
Le député veut savoir comment et il a parlé de l'écoute
électronique. Ce projet de loi fait beaucoup plus que cela. Il permet
d'interdire l'accès à l'information sur laquelle les mandats sont
basés pour cacher l'identité des informateurs et les protéger, de
façon à aider la police à obtenir de tierces parties des
renseignements qui lui seront utiles dans sa lutte contre le crime
organisé.
On prévoit que, dans certaines circonstances, avec une
ordonnance de la cour, les enquêteurs peuvent avoir accès aux
renseignements concernant l'impôt sur le revenu d'un individu dans
le cadre de leur enquête sur des gangs. C'est rare. Jusqu'à
maintenant, du fait de la confidentialité reconnue des
renseignements sur l'impôt sur le revenu, les ministères du Revenu
et des Finances n'ont donné accès à ces renseignements que dans un
nombre limité de cas. Nous proposons d'étendre cela aux individus
trouvés coupables d'actes de gangstérisme.
Cette loi permettra de saisir non seulement les produits de la
criminalité, mais également tout bien utilisé en vue de faciliter la
perpétration d'actes de gangstérisme, y compris les biens
immeubles s'ils ont été construits ou ont subi d'importantes
modifications en vue de faciliter la perpétration de ces actes.
La loi prévoit des peines d'emprisonnement sévères pour ceux
qui participent aux activités d'un gang. Permettez-moi de souligner
ce point pour que le député voie bien tous les effets des dispositions
en question.
Ce ne sera pas seulement aux chefs de gangs, comme le demande
le député du Bloc, mais également à leurs membres et même aux
étrangers qui, alléchés par l'argent, transportent, entreposent ou
posent des explosifs au nom d'un gang que seront infligées ces
peines très rigoureuses, en un mot, à quiconque se fait complice du
crime organisé.
On renverse le fardeau de la preuve dans les cas de demandes de
libération sous cautionnement présentées par des individus qui sont
arrêtés pour des actes de gangstérisme. Les tribunaux, lorsqu'il
s'agit d'actes de gangstérisme et d'usage d'explosifs au nom du
crime organisé, sont non seulement tenus d'imposer la peine
rigoureuse prescrite, ils doivent aussi faire en sorte que cette peine
soit purgée consécutivement à toute autre peine que le coupable
purge actuellement ou qu'il pourrait devoir purger pour d'autres
infractions.
On donnera à la police, avec l'autorisation du procureur général
de la province, le puissant instrument que constitue une ordonnance
d'interdiction judiciaire qui s'applique quand un juge estime qu'il y
a des motifs raisonnables de craindre qu'une personne va
commettre une infraction liée au crime organisé.
(1625)
C'est établi selon la prépondérance des probabilités, comme le
veulent les procédures au civil, sans qu'il faille que la culpabilité ait
été prouvée hors de tout doute raisonnable, selon le droit pénal. Le
tribunal sera habilité à émettre une ordonnance restreignant la
liberté de cette personne, exigeant que cette personne respecte
certaines conditions, telle l'interdiction pour un membre du groupe
de communiquer avec d'autres membres.
Il s'agit là de moyens puissants et importants que les services de
police accueillent favorablement. Si les chefs de police estiment
que ces moyens les aideront à lutter contre le crime organisé, si les
policiers qui sont sur le terrain pour s'attaquer à ces problèmes jour
après jour et qui ont acquis des compétences et qui possèdent de
l'expérience, estiment que ces moyens sont puissants et utiles, qu'il
s'agit d'un premier pas, dont la première étape consiste assurément
à élaborer un cadre auquel nous devrons ajouter des éléments au
cours des mois et des années à venir, il faut en conclure, non
seulement de notre propre chef, mais également sur la foi de ceux
qui ont de l'expérience dans ce domaine, que ce projet de loi
changera les choses là où cela compte, dans le monde réel.
10009
Avant de conclure, je voudrais répondre à la question du député
au sujet de l'enregistrement des armes à feu. Le député a eu la
fâcheuse tendance au fil des années à s'opposer farouchement,
comme il le fait aujourd'hui, à toute forme de contrôle des armes à
feu. Il cherche à susciter une réaction hystérique chez les Canadiens
en exagérant son argument.
Le député sait fort bien que, si une personne néglige d'enregistrer
une arme à feu de calibre .22, la Loi sur le contrôle des armes à feu,
et non le Code criminel, prévoit un recours dont la sévérité est loin
de se rapprocher des conséquences draconiennes dont il a parlé. Le
député évoque un cas hypothétique et y prête les conséquences les
plus extrêmes.
Je crois que les Canadiens ont maintenant découvert son jeu.
Juste au cas où des Canadiens n'auraient pas déjà vu le député à
l'oeuvre dans ce dossier, il convient de faire remarquer aux fins du
compte rendu qu'il a encore une fois rapporté incorrectement les
faits pour susciter une réaction exagérée envers un projet de loi
auquel il s'oppose depuis le début parce que le contrôle des armes à
feu ne lui plaît pas.
Il est regrettable qu'il soit aussi déphasé par rapport à la vaste
majorité des Canadiens. Je présume qu'il devra se résigner à son
sort.
[Français]
M. Bellehumeur: Monsieur le Président, je tiens, en tout
premier lieu, à rassurer les réformistes. Tout le monde sait dans
cette Chambre que la motion sur la société distincte qui a été
adoptée n'a jamais été utilisée pour adopter quelque législation que
ce soit. C'est une motion qui ne veut absolument rien dire, et dans le
projet de loi C-95, il n'est aucunement question de la société
distincte du Québec. À ce niveau-là, je dois dire que le ministre a
effectivement raison. Le problème de gangs n'est pas seulement un
problème qui existe au Québec, mais il s'étend et il est très présent
également en Ontario et dans les autres provinces du Canada
anglais.
Cela étant dit, mon autre remarque porte sur les réponses que le
ministre a données à plusieurs questions. Il a dit, à plusieurs
reprises, qu'il était inacceptable que des gens aient peur de se
promener, au Québec, dans des villages et qu'au Canada, que des
mères de famille aient peur d'envoyer leurs enfants dehors, etc.
Je suis bien heureux que le ministre dise cela en cette Chambre et
qu'il avoue également qu'il y avait urgence d'agir dans un cas
semblable, compte tenu que, je vous le répète, ça fait deux ans qu'on
talonne le ministre sur cette question. Je le félicite d'avoir compris
le bon sens des revendications du Bloc québécois et d'avoir proposé
une législation dans la direction qu'on lui indique depuis au moins
deux ans.
Mais ce que je retiens, c'est que le ministre ait dit à plusieurs
reprises que c'était un premier pas. C'est un pas qu'on fait dans le
sens des remarques et des revendications des forces policières, des
policiers. C'est un premier pas. Il l'a répété au moins à dix reprises
depuis la période de questions.
Ma première question, et par la suite j'en aurai une autre, c'est
que pendant qu'on élaborait un projet de loi semblable, pourquoi le
ministre n'a-t-il pas fait plus que ce pas-là?
(1630)
Pourquoi le ministre n'a-t-il pas poussé davantage en ce qui trait
aux têtes dirigeantes, entre autres, et au niveau des revendications
que Québec et certains maires ont faites au ministre lorsqu'il les a
rencontrés? Je suis fort heureux qu'il les ait rencontrés. Mais
encore-là, c'est le Bloc québécois qui l'a poussé dans son dernier
retranchement et alors, il s'est décidé à aller à Québec. L'air de
Québec lui a fait du bien, parce que lorsqu'il en est revenu, il y avait
urgence. Avant de partir pour Québec, il n'y avait pas d'urgence.
Donc, c'est un point extrêmement important. L'air de Québec a été
très bénéfique au ministre de la Justice.
Compte tenu qu'il avoue lui-même que c'est un premier pas, ça
semble être un petit pas, parce qu'il l'a dit tellement souvent,
pourquoi n'a-t-il pas décidé d'en faire davantage pour lutter contre
la criminalité?
M. Rock: Monsieur le Président, tout d'abord, je voudrais
souligner que nous avons, comme gouvernement, agi de façon
rapide et efficace aux demandes, pas seulement du gouvernement
du Québec, mais également des forces policières partout au Canada,
en ce qui concerne le crime organisé.
Nous n'avons pas seulement agi avec le projet de loi C-95
présentement à l'étude devant nous, mais nous avons également
adopté le projet de loi C-17. Quand j'étais à Québec il y a quelques
semaines, mon homologue, Paul Bégin, le ministre de la Justice et
procureur général du Québec, m'a demandé d'agir pour lutter
contre le crime organisé dans le Code criminel et également
d'adopter rapidement le projet de loi C-17. Ce que nous avons fait.
Ce projet de loi est maintenant à l'autre endroit.
Nous avons également adopté le projet de loi C-8 pour lutter
contre ceux qui font le trafic de drogues et de stupéfiants. Ce sont
des mesures très valables pour les forces policières, y compris
celles qui luttent contre le crime organisé au Canada.
Mais avec le projet de loi C-95, nous avons décidé de ne pas
retenir l'option selon laquelle le seul fait d'appartenir à une
organisation constituerait une infraction criminelle. Cette
proposition avait été faite par M. Bégin et le gouvernement du
Québec. Il a demandé une modification au Code criminel pour
rendre criminelle la seule appartenance à une organisation
criminelle. Il a eu l'idée d'inclure une annexe à la loi pour identifier,
je suppose, les noms des groupes et gangs criminels.
Nous avons sérieusement envisagé cette option. Nous avons
étudié les conséquences et avons conclu qu'une telle approche serait
inconstitutionnelle; il n'était pas souhaitable ni nécessaire d'aller en
dehors de la loi ou du cadre juridique pour avoir un projet de loi
efficace et durable. Alors, nous avons choisi d'autres mesures qui
sont présentement dans le projet de loi C-95.
Nous sommes convaincus que notre approche est valide et
constitutionnelle. Pour moi, il est très important d'éviter de donner
de faux espoirs. Pour nous, adopter une mesure comme celle
proposée par M. Bégin, pour que les cours la rejettent ou l'annulent
après six mois, ce serait une approche qui donne de faux espoirs aux
Québécois et aux Canadiens. Alors, nous avons trouvé une réponse
ou une approche valable à cette situation.
10010
(1635)
L'honorable député a demandé pourquoi nous ne sommes pas
allés plus loin. À mon avis, nous avons commencé avec ce projet de
loi, la première phase de notre réponse législative au crime
organisé. Nous allons sans doute trouver d'autres approches au
cours des mois et des années à venir. Mais, pour l'instant, les
mesures devant la Chambre sont valides, constitutionnelles et,
également je crois, efficaces.
M. Bellehumeur: Monsieur le Président, là, je viens de
comprendre qu'on nous présente la première phase, parce qu'ils ne
savent pas quoi présenter dans les phases subséquentes. Le ministre
vient de le dire. Je peux comprendre.
Ce que je ne comprends pas, c'est lorsqu'il dit que c'était rapide
et efficace. Encore une fois, je vous rappelle que cela fait deux ans
qu'on réclame ce projet de loi du gouvernement.
Il a parlé du projet de loi C-17; ça fait trois ou quatre fois qu'il
parle du projet de loi C-17. Je rappelle également au ministre que ce
projet de loi était déposé depuis 1994. Il a fallu que le Bloc
québécois menace de le modifier pour mettre des dispositions
anti-motards dans ce projet de loi pour que le ministre se décide de
le rappeler à la Chambre et de l'adopter.
Il y a un autre point au sujet duquel j'aimerais entendre le
ministre. Le gouvernement du Québec et le Bloc québécois sont
revenus à la charge, à plusieurs reprises, sur le sujet du fruit de la
criminalité vis-à-vis du blanchiment d'argent qui se fait au Canada.
Encore aujourd'hui, dans un journal, on fait état que les lois sur le
blanchiment de l'argent sont très difficiles à appliquer tellement il y
a de trous. On parle des policiers canadiens; ce doit être les mêmes
que ceux que le ministre se vante d'avoir rencontrés à plusieurs
reprises. Moi aussi, j'ai rencontré plusieurs chefs de police et
policiers québécois et ils sont venus me dire un peu l'inverse de ce
que le ministre nous rapporte depuis tantôt en cette Chambre, mais
surtout au niveau de la loi sur le blanchiment d'argent, où ils sont
pratiquement unanimes. J'ai même parlé à des juges et à des
procureurs généraux du Canada. Alors, ce journal de ce matin
disait: «Les policiers canadiens rêvent d'obtenir la moitié, ou même
le quart des dispositions des lois semblables aux États-Unis.»
On sait que toute la question des lois anti-motards, des lois
antigangs ou quoi que ce soit, des lois pour lutter contre la
criminalité, on a dit à plusieurs reprises, nous, du Bloc québécois,
qu'il fallait avoir une législation plus sévère en ce qui concerne le
blanchiment d'argent.
Je comprends que dans le projet de loi C-95, on a des dispositions
en ce qui concerne la saisie pour aller chercher certains biens
immobiliers, et biens meubles également, selon certaines
dispositions. Je sais qu'on fait un pas en avant avec le projet de loi
C-95. Cependant, ce n'est rien comparativement à ce que les chefs
de police réclament depuis des années, c'est-à-dire une loi sur le
blanchiment de l'argent.
Pendant que le ministre y était, pendant qu'il avait les deux mains
dedans, je demande au ministre pourquoi il n'a pas apporté de
modifications en ce qui touche le blanchiment d'argent, afin de
rendre la possibilité de blanchir de l'argent au Canada plus difficile.
On nous l'a dit, maintenant, on a même le titre de paradis pour le
trafic de la drogue. On savait déjà que le Canada était un paradis
fiscal pour le blanchiment de l'argent. Je vais le répéter pour le
ministre, il y a urgence dans ce cas-là aussi, et nous aurions aimé, au
Bloc québécois, qu'il légifère en ce sens.
En ce qui a trait au blanchiment de l'argent, si on parle avec les
policiers, c'est entre 20 et 30 milliards de dollars qui sont blanchis
annuellement. Un juge de la Cour supérieure du Québec m'a même
dit que cela pouvait aller chercher jusque dans les 50 ou 60 milliards
de dollars de blanchiment d'argent annuellement au Canada.
Une fois de plus, vu l'urgence que, je pense, on a démontrée hors
de tout doute raisonnable au gouvernement, la même urgence qu'on
démontrait au gouvernement sur le fait de légiférer quant aux gangs
criminalisés, je demande au ministre pourquoi, dans ce projet de loi,
pendant qu'il avait les deux mains dedans, il n'a pas présenté de
législation pour durcir, pour compliquer, pour tenter d'interdire le
plus possible toute la question du blanchiment d'argent qui est
néfaste aujourd'hui pour l'économie, mais qui, demain, sera encore
plus désastreux pour le Québec, un Québec souverain, et également
pour le Canada?
(1640)
M. Rock: Monsieur le président, l'honorable député a mentionné
son intérêt sur la question du blanchiment d'argent. Comme je l'ai
dit, nous avons déjà adopté le projet de loi C-17. Dans ce projet de
loi C-17, les articles 27 à 39 traitent de la question du blanchiment
d'argent. Pour la plupart, les améliorations mentionnées par
l'honorable député ont déjà été adoptées dans le projet de loi C-17.
Bien sûr, nous avons besoin des autres. Et comme je l'ai dit, nous
avons maintenant, ici à la Chambre des communes, le projet de loi
C-95 qui constitue, non pas la dernière partie de nos efforts, mais un
premier pas. Alors, commençons avec le premier pas, et au cours
des mois et des années à venir, nous proposerons d'autres mesures.
Mais avec ce projet de loi, on aura un cadre juridique permettant de
traiter de la question du crime organisé, et ce, pour la première fois.
[Traduction]
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président,
j'aimerais proposer un amendement à l'article 1. Je propose:
Que le mot «cinq» soit remplacé par le mot «trois», à la ligne 16, page 2.
Le vice-président: Le comité est-il prêt à se prononcer sur
l'amendement?
Des voix: Le vote.
(1645)
(L'amendement est rejeté par 22 voix contre 4.)
Le vice-président: Je déclare l'amendement rejeté.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 1 est adopté.)
Article 2
10011
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le président, il y a
une autre expression qui n'est pas définie. Le ministre de la Justice
peut-il nous dire ce qu'il entend par l'expression «substance
explosive» à l'article 2?
M. Rock: Monsieur le président, sauf erreur, la disposition
pertinente du code est l'article 82, qui porte sur l'infraction le code
contient aussi la définition de ce terme. Cela s'entend, notamment,
de toute chose destinée à être employée dans la fabrication d'une
substance explosive; de toute chose, ou partie d'une chose,
employée ou destinée à être employée pour causer ou aider à causer,
ou adaptée de façon à causer ou aider à causer, une explosion dans
une substance explosive ou avec une telle substance; d'une grenade
incendiaire, d'une bombe incendiaire, d'un cocktail molotov ou
d'une autre substance ou d'un mécanisme incendiaire semblable ou
d'une minuterie ou d'une autre chose utilisable avec l'une de ces
substances ou l'un de ces mécanismes.
Cette définition figure dans le code depuis un certain nombre
d'années. Il y a de la jurisprudence là-dessus. C'est une expression
que les tribunaux connaissent bien. Nous l'avons utilisée en lui
donnant le même sens qu'il a toujours eu durant toutes ces années.
Le vice-président: L'article 2 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 2 est adopté.)
(L'article 3 est adopté.)
[Français]
Le vice-président: L'article 4 est-il adopté?
Des voix: Avec dissidence.
(L'article 4 est adopté.)
Le vice-président: L'article 5 est-il adopté?
Des voix: Avec dissidence.
(L'article 5 est adopté.)
[Traduction]
Le vice-président: L'article 6 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 6 est adopté.)
Le vice-président: L'article 7 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 7 est adopté.)
[Français]
Le vice-président: L'article 8 est-il adopté?
(L'article 8 est adopté.)
Le vice-président: L'article 9 est-il adopté?
Des voix: Avec dissidence.
(L'article 9 est adopté.)
Le vice-président: L'article 10 est-il adopté?
Des voix: Avec dissidence.
(L'article 10 est adopté.)
[Traduction]
Le vice-président: L'article 11 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 11 est adopté.)
Le vice-président: L'article 12 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 12 est adopté.)
Le vice-président: L'article 13 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 13 est adopté.)
[Français]
Le vice-président: L'article 14 est-il adopté?
Des voix: Avec dissidence.
(L'article 14 est adopté.)
[Traduction]
(L'article 15:)
M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de
la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, je pense que vous constaterez qu'il y a consentement
unanime à l'égard de deux amendements de forme. Je propose:
Que le projet de loi C-95, à l'article 15, soit modifié par substitution, dans la
version française, à la ligne 36, page 10, de ce qui suit:
«les biens infractionnels soient confis. . . »
Je propose également:
Que le projet de loi C-95, à l'article 15, soit modifié par substitution, dans la
version française, à la ligne 15, page 12, de ce qui suit:
«juge doit ordonner la contestation des»
Le vice-président: Les amendements proposés par le secrétaire
parlementaire sont-ils acceptables?
Des voix: D'accord.
(Les amendements sont adoptés.)
Le vice-président: L'article 15 tel qu'amendé est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 15 tel qu'amendé est adopté.)
10012
[Français]
Le vice-président: L'article 16 est-il adopté?
Des voix: Avec dissidence.
(L'article 16 est adopté.)
[Traduction]
Le vice-président: L'article 17 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 17 est adopté.)
(L'article 18 est adopté.)
Le vice-président: L'article 19 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 19 est adopté.)
(1650)
Le vice-président: L'article 20 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 20 est adopté.)
(Les articles 21 et 22 sont adoptés.)
Le vice-président: L'article 23 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 23 est adopté.)
Le vice-président: L'article 24 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 24 est adopté.)
Le vice-président: L'article 25 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 25 est adopté.)
Le vice-président: L'article 26 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
(L'article 26 est adopté.)
(Les articles 27 et 28 sont adoptés.)
(Le préambule est adopté.)
(Le titre est adopté.)
(Il est fait rapport du projet de loi.)
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi modifié soit
agréé.
(La motion est adoptée.)
Le président suppléant (M. Milliken): Quand le projet de loi
sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec le consentement de la
Chambre, maintenant?
Des voix: D'accord.
[Français]
Le président suppléant (M. Milliken): Il est de mon devoir,
conformément à l'article 38 du Règlement, de faire connaître à la
Chambre la question qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement, ce
soir, à savoir: l'honorable député de Davenport-La protection
d'espaces maritimes.
[Traduction]
M. Rock propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième
fois et adopté.
* * *
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, j'invoque brièvement le Règlement à propos de quelques
questions que je propose de régler dès maintenant, si la Chambre y
consent à l'unanimité. Je propose:
Que, au plus tard quinze minutes avant l'expiration du temps prévu pour l'étude
des Ordres émanant du gouvernement le 22 avril 1997, toutes les questions
nécessaires pour faire franchir au projet de loi C-93 l'étape de la troisième lecture,
aux projets de loi C-37, C-39 et C-40 les étapes du rapport et de la troisième lecture
et au projet de loi C-75, l'étape de la deuxième lecture, soient mises aux voix sans
débat ni amendement.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre
consent-elle à ce que le secrétaire parlementaire présente la motion
maintenant?
Des voix: D'accord.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre a entendu
les termes de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai une autre motion à proposer, si la Chambre est
favorablement disposée:
Que, le vendredi 25 avril 1997, la Chambre, jusqu'au retour des députés après la
sanction royale d'un ou de plusieurs projets de loi, ne s'ajourne pour aucun motif
sinon aux termes d'une motion présentée par un ministre, étant entendu que, si
aucune sanction royale n'a eu lieu à l'heure normale de l'ajournement, la séance soit
suspendue jusqu'à l'appel de la présidence, les députés pouvant n'être rappelés qu'à
seule fin d'assister à la sanction royale, après quoi la Chambre s'ajournera jusqu'au
prochain jour de séance.
10013
(1655)
Le président suppléant (M. Milliken): Le secrétaire
parlementaire a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour
présenter cette motion?
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): Il n'y a pas
consentement unanime.
______________________________________________
10013
AFFAIRES COURANTES
[
Traduction]
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, vous constaterez, je crois, qu'il y a consentement
unanime à l'égard de la motion qui suit. Je propose:
Que, conformément au paragraphe 54(3) de la Loi visant à compléter la
législation canadienne en matière d'accès à l'information relevant de
l'administration fédérale, chapitre A-1 des Lois révisées du Canada (1985), cette
Chambre approuve la reconduction de la nomination de John Grace, à titre de
Commissaire à l'information, jusqu'au 31 décembre 1997.
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, le
Parti réformiste est disposé à accepter la motion du secrétaire
parlementaire dans la mesure où le commissaire à l'information est
approuvé non seulement par la Chambre des communes, mais aussi
par le Sénat. Cette démarche qui est mise en place constitue un bon
précédent pour d'autres personnes qui sont nommées à divers postes
par le gouvernement.
M. Grace a été nommé le 2 juillet 1990 et son mandat prendra fin
le 1er juillet 1997. Il serait donc certainement avantageux de
prolonger ce mandat jusqu'à la fin de l'année.
Nous estimons que les 2 000 autres nominations qui sont
souvent considérées comme des nominations partisanes de la part
du gouvernement devraient en principe être soumise comme
celle-ci à un certain examen. Cela entraînerait certes une meilleure
compréhension chez la population en général et fort probablement
la nomination de personnes de meilleure qualité.
L'actuel commissaire à l'information, John Grace, est
extrêmement juste et diligent et sert bien les Canadiens. Nous
sommes disposés à proposer et à appuyer la prolongation de son
mandat de six mois.
Le président suppléant (M. Milliken): Le secrétaire
parlementaire a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour
proposer la motion?
Des voix: D'accord.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre a entendu
les termes de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
______________________________________________
10013
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Français]
La Chambre reprend l'étude de la motion.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais tout
d'abord remercier tous les députés de la Chambre des communes,
mes collègues de tous les partis, qui ont donné leur consentement
aujourd'hui pour adopter ce projet de loi. Les réformistes, les
bloquistes et tous les députés ont coopéré pour permettre au
gouvernement d'adopter ce projet de loi aujourd'hui.
[Traduction]
Cela montre bien l'importance que tous les députés attachent aux
efforts que nous faisons pour donner aux forces policières les outils
importants dont ils ont besoin pour lutter contre le crime organisé.
La Chambre s'est en effet ralliée aujourd'hui pour lever tous les
obstacles à l'adoption du projet de loi qui, je le crois et le soutiens,
constituera un moyen valable et efficace d'aider la police à atteindre
les objectifs que nous partageons tous.
[Français]
Enfin, nous croyons que l'ensemble des mesures que nous
proposons aidera les agents de police à atteindre leur objectif de
mettre les criminels hors d'état de nuire.
(1700)
[Traduction]
Nous croyons que les mesures proposées pour combattre le crime
organisé aideront la police à réduire à la faillite ceux dont la
principale activité consiste à commettre des actes criminels au
Canada.
[Français]
Nous avons proposé une nouvelle approche à la répression des
activités des gangs en rendant criminels les actes de gangstérisme et
en ajoutant au Code criminel une nouvelle définition d'organisation
criminelle. Cette nouvelle infraction ne vise toutefois pas
l'appartenance à un gang. En fait, avec la nouvelle définition, elle
jette les assises de l'utilisation prévue des nouvelles méthodes
d'enquête et des dispositions du Code criminel.
[Traduction]
Nous proposons cette nouvelle façon de lutter contre le crime
organisé en créant le délit de participation aux activités d'un gang.
Nous ne criminalisons pas le simple fait d'être membre d'un gang;
nous créons plutôt un nouveau cadre d'action en établissant une
nouvelle catégorie de crime, en donnant aux policiers luttant contre
cette catégorie de crime l'accès à des méthodes exceptionnelles de
détection et d'enquête, en prévoyant des peines plus sévères et en
faisant comprendre que nous consacrons des efforts spéciaux à la
lutte contre le crime organisé.
10014
[Français]
Nous avons proposé de conférer de nouveaux pouvoirs à la police
pour qu'elle puisse saisir les produits de la criminalité tirés du
gangstérisme et, sur autorisation judiciaire, avoir accès aux
renseignements fiscaux concernant les activités de gangs.
Nous ajoutons au Code criminel de nouvelles infractions et
peines concernant l'utilisation d'explosifs dans le cadre des
activités des gangs.
Nous ajoutons au Code criminel de nouvelles dispositions en
matière de détermination de la peine, notamment en ce qui touche la
période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle applicable à
certains actes de gangstérisme.
Nous permettrons l'adoption de mesures pour soutenir la
surveillance que la police exerce à l'égard des gangs.
Nous avons créé, à l'égard des chefs de gangs, un nouveau
pouvoir pour les cours de prononcer des ordonnances de ne pas
troubler la paix qui visent à les empêcher de se livrer à leurs
activités malhonnêtes.
Pour nous, il s'agit simplement d'un premier pas dans la bonne
direction, et il faudra se remettre à la tâche pour enrayer le crime
organisé et les activités des gangs.
Je tiens à souligner que, même si le rythme des travaux a été
accéléré ces quatre dernières semaines au ministère de la Justice,
ces propositions sont en réalité le fruit de près de deux années
d'étude et de préparation. Tout au long de l'année dernière, le
solliciteur général et moi avons consulté les milieux policiers et
nous avons tenu un forum national sur le crime organisé, il y a huit
mois. Ces propositions sont l'aboutissement de ce travail minutieux
et méthodique.
Je tiens également à souligner que, même si c'est au Québec que
les guerres de gangs ont surtout fait rage, ce phénomène n'en
constitue pas moins un problème dans les autres régions du pays.
Selon la GRC, les bandes de motards sont actives partout au pays.
J'ai longuement discuté avec les chefs de police de diverses
villes canadiennes, avec les représentants de l'Association
canadienne des chefs de police et avec mes collègues, les procureurs
généraux des provinces du Canada. À mon avis, les propositions
contenues dans le projet de loi C-95 sont le premier engagement
d'une lutte contre le crime organisé dans l'ensemble du pays et pas
seulement au Québec.
[Traduction]
Dans les entretiens que j'ai eus auparavant avec les chefs de
police et avec les procureurs généraux de tout le pays et plus
spécialement pendant l'élaboration et la rédaction du projet de loi
C-95, j'ai été impressionné par l'unanimité avec laquelle les
responsables de l'application de la loi partout au Canada
reconnaissaient la nécessité d'une loi spéciale pour combattre le
crime organisé.
(1705)
Je me suis entretenu avec le président de l'Association
canadienne des policiers, qui m'a pressé d'apporter à ce problème
national une solution nationale. J'ai discuté avec le chef de la police
de Vancouver, qui m'a dit qu'il y avait dans sa ville des gangs de
motards qui se livraient à des activités criminelles. J'ai aussi eu des
échanges avec les chefs de police de Halifax, d'Ottawa, de
Winnipeg et de Toronto, et ils m'ont demandé de faire adopter ce
projet de loi pour qu'ils aient en main ces outils pour faire face aux
problèmes qui surgissent dans leurs propres villes.
J'ai aussi discuté de ces mesures avec le maire de Vancouver,
avec celui de Winnipeg, avec les procureurs généraux de la
Colombie-Britannique et du Manitoba, ainsi qu'avec le procureur
général et solliciteur général de l'Ontario. Tous m'ont encouragé
avec enthousiasme à poursuivre dans cette voie.
Le problème n'est pas limité à une seule province. Le
gangstérisme est un fléau qui afflige notre pays d'un bout à l'autre.
Nous devons, par des moyens législatifs et par tous les autres
moyens à notre disposition, traiter le problème avec tout le sérieux
qu'il mérite.
[Français]
Naturellement, l'amélioration des lois n'est qu'une arme dans
tout l'arsenal que nous devons déployer pour faire échec à la
violence liée au gangstérisme et au crime organisé. Toutes les
provinces ont un important rôle à jouer, puisque l'administration de
la justice est de leur ressort, en vertu de la Constitution. Elles
doivent y consacrer suffisamment de ressources pour que les
policiers puissent faire leur travail et que, lorsque des gens sont
arrêtés, les poursuites soient menées par des procureurs de la
Couronne spécialisés qui y soient spécialement affectés.
Au niveau du gouvernement canadien, il y a aussi place pour un
travail de coordination de la lutte menée par les policiers à l'échelle
nationale. Le crime organisé est une préoccupation canadienne qui
exige des mesures pancanadiennes. C'est pour cette raison que le
solliciteur général a accepté de présenter chaque année au
Parlement un bilan sur la répression du crime organisé, et sur l'état
de ce fléau dans l'ensemble du pays. De plus, le solliciteur général a
annoncé qu'il établira un comité national et cinq comités régionaux
de coordination, afin d'apaiser les craintes de la police au sujet de la
nécessité de coordonner les mesures d'application de la loi.
[Traduction]
Je dois dire que je suis très redevable à ceux qui ont participé aux
consultations et collaboré avec nous pour préparer cette loi. Je
songe tout d'abord aux maires de municipalités québécoises qui
m'ont rencontré.
[Français]
Durant les trois dernières semaines, j'ai rencontré directement
les maires du Québec pour entendre leurs inquiétudes, pour discuter
de diverses approches, et pour les assurer que nous avions
l'intention d'agir au niveau fédéral.
J'ai rencontré également les chefs de police du Québec qui ont
travaillé avec nous pour identifier des mesures concrètes et effica-
10015
ces que nous avons incluses dans le projet de loi C-95. Je voudrais
mentionner également le Barreau du Québec qui a travaillé avec
nous pour étudier ce projet de loi, pour signaler leur inquiétude en
ce qui concerne certains articles. Nous avons entendu, et nous avons
modifié notre approche de temps en temps pour traiter de leur souci.
Également, je voudrais remercier les représentants de la Société
des avocats de la défense de Montréal et, finalement, mes
homologues du Québec, c'est-à-dire M. Paul Bégin, et M. Robert
Perreault, ministre de la Sécurité publique.
(1710)
J'ai trouvé très agréable notre collaboration avec les ministres
québécois et leurs fonctionnaires. Nous avons travaillé d'une façon
constructive et nous avons reçu des idées et des propositions. Nous
en avons accepté plusieurs, mais il nous était impossible d'accepter
tout ce que M. Bégin a proposé. Cependant, nous avons travaillé
ensemble, les différents niveaux de gouvernement, pour faire en
sorte d'avoir des mesures législatives qui aideront les forces
policières dans leur travail.
Je voudrais souligner que la province a également la
responsabilité d'agir, comme je l'ai dit plus tôt, pour s'assurer que
les ressources sont fournies aux policiers et à la Couronne dans les
cours.
[Traduction]
Je dois aussi remercier l'Association du Barreau canadien, les
représentants de la Criminal Lawyers' Association et ceux de
l'Association canadienne des libertés civiles, qui ont travaillé avec
nous lors de l'élaboration du projet de loi.
Je ne prétends pas que nous sommes venus à bout de toutes les
préoccupations qu'ils ont exprimées. Je sais que, parmi les groupes
que j'ai mentionnés, il y en a un bon nombre qui ont des réserves par
rapport à certains aspects du projet de loi. Ils ont eu l'amabilité de
nous faire part de leurs observations, de réagir à certaines
propositions que nous envisagions et d'enrichir ainsi notre étude. Je
leur suis reconnaissant du temps qu'ils ont consacré à cette
consultation.
Je recommande à la Chambre d'adopter ce projet de loi qui, de
l'avis du gouvernement, améliorera le Code criminel du Canada et
donnera aux corps policiers les outils dont ils ont besoin pour lutter
contre un fléau particulièrement terrible, celui du crime organisé.
C'est un milieu où il est difficile d'enquêter et d'intenter des
poursuites, mais l'un des défis les plus grands que doit relever notre
système de justice pénale, c'est de s'attaquer sérieusement au crime
organisé. Le projet de loi à l'étude constitue un premier pas dans
cette direction. Je recommande son adoption à la Chambre et
remercie les députés d'avoir épaulé le gouvernement dans cet effort.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur
le Président, j'ai vraiment le sentiment que nous vivons aujourd'hui
le parlementarisme britannique dans ce qu'il a de plus intéressant,
c'est-à-dire une opposition qui collabore et un gouvernement qui
agit.
Vous vous rappellerez que, pas plus tard qu'il y a deux ans, suite
aux événements dramatiques qui sont survenus dans le comté
d'Hochelaga-Maisonneuve, alors qu'au mois d'août personne ne
s'y attendait, évidemment il n'y avait aucun signe précurseur, un
jeune enfant de 11 ans, qui arrivait de La joujouthèque, un
organisme très sollicité dans ma communauté, a été victime d'un
accident qui lui a coûté la vie, puisqu'il était à la mauvaise place au
mauvais moment.
Je dois vous dire que depuis cet événement, il y a eu une
mobilisation extraordinaire, tout d'abord de ma communauté, puis
cette mobilisation a fait boule de neige au Québec et au Canada. Je
suis extrêmement reconnaissant envers le ministre, puisque je sais
combien, lorsqu'il est question, comme député, de parler d'un
dossier comme celui-là, il n'y a pas de place pour la partisanerie.
Je remercie le ministre de la Justice et son adjoint, David Rodier,
ainsi que M. Yvan Roy, qui ont vraiment tout fait en leur possible
pour que nous puissions maintenir un dialogue constant sur un
certain nombre de mesures législatives qui nous apparaissaient
devoir être proposées, de telle sorte qu'il y ait des solutions
concrètes au crime organisé.
Avant d'aller un peu plus en détail, je veux aussi remercier, au
sujet du projet de loi, mon collègue, le député de
Berthier-Montcalm et porte-parole de la justice, qui a, à l'intérieur
de notre parti, été extrêmement soutenant, extrêmement actif et
extrêmement lucide quant à la nécessité d'avoir un projet de loi
antigangs.
Il faut qu'on soit très clair avec nos concitoyens. Personne en
cette Chambre ne prétend que l'adoption du projet de loi C-95 va
régler tous les problèmes. Personne parmi nous ne pense que, suite à
l'adoption d'une mesure comme celle-là, le crime organisé va
s'estomper. Ce que l'on dit, par exemple, c'est qu'aujourd'hui, nous
envoyons un signal extrêmement clair à l'ensemble de la
communauté à l'effet que nous n'accepterons pas, ni comme
opposition officielle, ni comme gouvernement, de démissionner
face à ce qui est un fléau considérable.
(1715)
On pourrait se demander ce qu'est le crime organisé, comment il
se fait qu'un phénomène comme celui-là puisse connaître
l'importance et l'ampleur qu'il a depuis un certain nombre
d'années. Je voudrais proposer une définition qui est couramment
admise par les corps policiers, en rappelant à nos téléspectateurs
que lorsqu'on parle du crime organisé, on fait référence
principalement à quatre éléments.
On fait référence à des bénéfices. Le crime organisé est
évidemment une activité d'enrichissement. On fait référence à un
pouvoir, à un contrôle sur un territoire spécifique. On fait bien sûr
référence à la question de la peur, de l'intimidation et, dans un
quatrième temps, on fait référence à la question de la corruption.
Vous pourrez me dire que ce ne sont pas toutes les sociétés qui
connaissent le crime organisé, et vous avez raison. Il y a des
conditions spécifiques, particulières, pour que le crime organisé
puisse proliférer dans une société. Il y en a au moins quatre qui font
que des sociétés comme Montréal, Toronto, Calgary, Winnipeg et
les Maritimes sont des endroits où le crime organisé a une emprise.
Pour que le crime organisé puisse proliférer, il faut un milieu
riche, où il y a un potentiel de faire des bénéfices. C'est pour ça que
dans le tiers monde, on parle de corruption, mais le crime organisé
n'a pas la même facette, la même réalité et les mêmes
caractéristiques que celles qu'on connaît en milieu urbain.
10016
Pour que le crime organisé puisse s'installer, il faut un milieu où
il y a évidemment des axes de communication. Le crime organisé a
un commerce d'import-export et ce n'est pas étranger au fait que le
crime organisé, dans sa manifestation canadienne, soit le lot des
grandes villes à travers le pays. Pour que le crime organisé prolifère,
il faut un milieu libre, un milieu qui est exempt de dictature et
d'oppression.
La quatrième caractéristique, qui est sans doute la plus
importante pour que le crime organisé prolifère et s'installe, c'est
qu'il faut un milieu où il y a des droits, des chartes, de la
bureaucratie. On sait très bien-c'est ce que les policiers m'ont dit,
mais je suis convaincu qu'ils l'ont également dit au ministre de la
Justice-que le plus grand allié, ce qui a permis une certaine
immunité au crime organisé, c'est bien sûr la Charte des droits de la
personne qui, dans un certain nombre de ses manifestations, a été un
puissant outil pour le crime organisé.
Une fois qu'on a ces conditions, on sait que le crime organisé
procède par phase. Il y a trois grandes phases dans la façon dont le
crime organisé et ses représentants conduisent leurs opérations. Il y
a une première phase où on contrôle un territoire. On contrôle un
territoire au moyen de l'intimidation, de la peur et ça devient
généralement la chasse gardée d'un groupe particulier.
Une fois qu'on a procédé au contrôle d'un territoire, on procède
au blanchiment d'argent. On aura l'occasion de revenir un petit peu
plus tard sur la raison de l'importance du blanchiment d'argent pour
le crime organisé. Je vous signale que le blanchiment d'argent au
Canada représente à peu près 20 milliards de dollars qui sont
investis par le biais du blanchiment d'argent dans des activités
légales et illégales.
Une fois qu'on a blanchi l'argent, il y a tout un cycle
d'investissements qui se fait. On sait, par ailleurs, qu'à Montréal,
pour vous donner l'exemple d'une communauté que je connais bien,
le crime organisé a surtout investi dans la restauration, les bars et je
ne crois pas que ce soit une caractéristique qui soit propre à
Montréal. Je sais bien que c'est également une caractéristique
d'autres communautés.
Alors, on salue le projet de loi du ministre. On est d'accord avec
le fait que ce n'est pas possible comme députés et comme Parlement
que nous démissionnions, que nous ne prenions pas nos
responsabilités et que nous n'intervenions pas comme législateurs
sur un sujet d'importance comme celui-là.
Bien sûr, nous aurions souhaité avoir été saisis du débat beaucoup
plus rapidement que nous ne l'avons été, puisque s'agissant du Bloc
québécois, ça fait quand même deux ans que nous réclamons du
ministre de la Justice que nous puissions nous pencher sur une
situation comme celle qui sévit dans de grandes villes canadiennes.
Le fait est qu'aujourd'hui, nous avons un projet de loi auquel
nous allons collaborer. Je dis au ministre de la Justice que si je puis
être utile, peu importe la tribune qu'il voudra bien me confier, pour
quelque représentation qu'il voudra bien que je fasse, je lui offre
toute ma collaboration, parce que, encore une fois, dans des
questions comme celles-là, il ne s'agit pas de partisanerie.
(1720)
Je veux porter à votre connaissance un fait extrêmement
troublant. Nous savons maintenant depuis trois mois que le crime
organisé a changé radicalement ses façons de faire. Il ne faut pas
sous-estimer le crime organisé, c'est un milieu intelligent, organisé,
un milieu qui a énormément de moyens pour faire valoir son action.
Autrefois, le crime organisé avait l'habitude de circonscrire son
action sur 60 jours. Ces gens-là faisaient de la contrefaçon, de la
contre-écoute et ils savaient, lorsqu'ils étaient mis sous écoute, que
la possibilité d'avoir un mandat ne pouvait pas dépasser plus de60 jours.
En ce sens, je trouve extrêmement pertinente la mesure que
propose le ministre dans le projet de loi selon laquelle on pourra
maintenant, non seulement obtenir des mandats d'autorisation
d'écoute plus facilement, mais ce ne sera pas nécessaire de
démontrer que c'est en dernier ressort et que c'est la seule technique
d'enquête qui est à la disposition des corps policiers. Ce sera
beaucoup plus fluide, plus facile d'obtenir un mandat d'écoute.
Mais je dois vous dire que la façon dont on monte maintenant les
bombes, la façon dont les explosifs sont manipulés par l'un ou
l'autre des grands gangs en présence, et je parle bien sûr des Rock
Machine ou des Hell's Angels, fait en sorte que ces gens mettent
maintenant des dispositifs pour s'assurer que les bombes puissent
éclater. Parce que c'était une façon pour la police d'identifier à qui
appartenait l'arsenal, et on savait que la façon dont l'explosif était
monté, la façon dont tout cela était assemblé nous révélait un peu
l'appartenance à l'un ou l'autre des groupes.
Pour contrer cette façon de faire, le monde interlope s'est
organisé pour ajouter une minuterie sur les explosifs de telle sorte
que plus aucune bombe ne résiste.
La raison pour laquelle je vous dis cela, ce n'est évidemment pas
dans un souci d'apeurer les gens; c'est dans un souci de faire
comprendre que le phénomène du crime organisé et les différentes
manifestations qu'on lui connaît n'est pas un phénomène transitoire
qui va s'estomper et pour lequel on n'aura pas à se préoccuper d'ici
à quelques semaines. Le ministre de la Justice a raison de nous
proposer un projet de loi parce que le crime organisé est une réalité
permanente.
On a beau avoir adopté le projet de loi C-61 sur le recyclage des
produits de la criminalité, il n'empêche que le crime organisé a
gagné en importance.
Je crois que les mesures qui nous sont proposées seront des outils
pertinents, efficaces, inéluctables qui seront à la disposition de l'un
ou l'autre des corps policiers et que cela permettra non seulement
des enquêtes qui se feront plus rapidement, mais des enquêtes qui
seront beaucoup plus documentées, étayées. Et, en bout de ligne,
cela voudra dire que les différents procureurs généraux qui sont
concernés pourront déposer des dossiers et enclencher des
procédures, faisant en sorte que les procès se tiendront et qu'on
pourra démanteler ou, à tout le moins, ébranler des maillons
importants de la chaîne du crime organisé.
Je crois qu'il y a dix dispositions particulières de ce projet de loi,
et je voudrais un peu les décrire pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent.
D'abord, et c'est certainement l'essentiel du projet de loi, on crée
une nouvelle infraction, celle d'appartenir à un gang. On crée donc
une infraction de gangstérisme. On dit: «sera considérée comme
une infraction de gangstérisme toute activité criminelle [. . .] qui est
punissable de plus de cinq ans de prison.» Donc, c'est vrai que le
ministre en fauche large; cela concerne à la fois les stupéfiants, le
recel, le trafic d'influence, finalement, cela concerne l'ensemble
des infractions de criminalité organisée.
10017
C'est une mesure sage, parce qu'elle dit «quiconque appartiendra
à un groupe de plus de cinq personnes»; et je suis plutôt d'accord
avec ce chiffre cinq. Je sais que les collègues réformistes ont
suggéré qu'on l'abaisse à trois. Mais je crois que la réalité, la façon
dont fonctionne le crime organisé nous permet d'atteindre les
objectifs fixés dans le projet de loi en maintenant l'infraction à
hauteur de cinq individus concernés.
(1725)
Donc, on crée une nouvelle infraction. Le ministre ne s'est pas
rendu à la revendication du gouvernement du Québec de créer un
crime d'association. Je sais que depuis le début du débat, le ministre
a été extrêmement perplexe, extrêmement hésitant face à
l'éventualité de créer un crime d'association. Je respecte le
raisonnement juridique qui est derrière cela.
Je crois qu'on aurait pu créer un crime d'association et que cela
aurait pu résister à la fois à l'article 1 de la Charte et à la fois aux
garanties juridiques que sont les articles 7 à 14 que l'on retrouve
dans la même Charte. Cependant, pour moi, l'important n'est pas de
savoir si j'avais raison ou si le ministre avait raison ou si le
gouvernement du Québec avait raison, l'important, c'est de
démanteler les chaînes qui existent concernant le crime organisé.
On crée donc une nouvelle infraction. On ajoute également des
dispositions concernant les explosifs. C'était une revendication du
gouvernement du Québec. On dit que lorsqu'une personne sera
trouvée coupable de possession, d'utilisation, de maniement
d'explosifs, si c'est fait au profit, en totalité ou en partie, d'un gang,
ce sera une circonstance aggravante et cela fera en sorte que
l'individu sera sanctionné, punissable en fait pour 14 ans de prison.
Je crois que c'est extrêmement important de bien voir jusqu'à
quel point cette disposition est centrale, puisqu'on le sait très bien,
particulièrement pour le cas des gangs de motards criminalisés, on
sait très bien que les choses, les opérations se font beaucoup par le
biais d'explosifs.
On reconnaît également que ce sera une circonstance aggravante.
Alors, l'idée de circonstance aggravante est quelque chose, quand
même, qui existe déjà dans le Code criminel, puisqu'on a amendé, il
y a quelques années, son article 718.9, en ajoutant un certain
nombre de facteurs qui, lorsqu'ils sont pris en considération par la
magistrature, par les juges, amènent des sanctions plus sévères.
On dit que lorsqu'une infraction de criminalité aura été produite
pour le cas d'un gang organisé, ce sera une circonstance aggravante,
particulièrement lorsqu'il y aura détention d'explosifs. Je crois que
c'est une mesure extrêmement positive.
On va également reconnaître la possibilité pour un juge de
différer, de retarder, de rendre plus difficile l'admission à la
libération conditionnelle. On dit qu'il sera possible-et c'est très
clair dans le projet de loi-à ce moment-là, lorsqu'un individu sera
condamné pour gangstérisme, le juge pourra lui commander, dans
son ordonnance, de purger 50 p. 100 de sa peine avant d'être
admissible à une libération conditionnelle.
Je crois que c'est une mesure très, très importante, parce qu'elle
favorise la délation. Une des façons extrêmement moderne,
extrêmement contemporaine de lutter contre le crime organisé,
c'est de permettre la délation. Il n'y a personne qui évolue dans le
milieu du crime organisé qui fera des aveux, qui acceptera de
témoigner, de collaborer si cette personne sait que dans trois, quatre
ou cinq mois, la personne qu'elle a dénoncée se retrouvera libre et
pourra lui fera du trouble.
Une mesure comme celle de différer la libération conditionnelle,
des mesures comme les circonstances aggravantes, ce sont des
mesures importantes parce qu'elles favorisent la délation qui est
une façon centrale, une façon extrêmement répandue de remonter et
de tracer la généalogie du crime organisé.
Une autre mesure extrêmement importante, et j'en ai parlé tantôt,
on dit qu'il sera possible d'obtenir plus facilement des mandats
d'écoute électronique. Aujourd'hui, l'écoute électronique est
quelque chose de dernier ressort. Il faut avoir fait la démonstration,
il faut donner satisfaction à un juge et lui démontrer que c'est une
façon ultime de faire des investigations et de conduire des enquêtes.
Avec les dispositions du projet de loi, on pourra obtenir plus
facilement l'autorisation de faire de l'écoute électronique, mais non
seulement on pourra écouter plus facilement, on pourra également
prolonger le mandat, tant et si bien que ce sera possible d'aller
jusqu'à concurrence d'une année. C'est quelque chose
d'extrêmement important.
(1730)
Une autre disposition du projet de loi, c'est qu'on va faire en
sorte que ce soit plus facile, plus fluide, plus diligent d'obtenir des
mandats de perquisition, tout cela, toujours évidemment,
conditionnel à une preuve. Il faudra toujours donner satisfaction à la
magistrature. Une disposition extrêmement inédite, originale et
intéressante, c'est celle qui permettra de confisquer, non seulement
les produits de la criminalité, mais également les véhicules qui ont
servi à perpétrer l'infraction. Alors, cela veut dire que si on utilise
un camion, ce camion pourra être saisi ultimement. Si on utilise un
immeuble-ça peut aller jusqu'aux immeubles-l'immeuble
pourra être saisi.
Présentement, il existe des dispositions dans un certain nombre
de lois qui permettent la confiscation de biens, mais c'est toujours
avec une ordonnance de la cour et ce sont toujours des biens qui sont
réputés avoir été en lien avec le recyclage. Maintenant, ce sera non
seulement en lien avec le recyclage de la criminalité, avec le
recyclage des produits de la criminalité, mais on pourra également
saisir des biens que l'on croit liés, que l'on croit être un véhicule
important pour la commission d'actes de criminalité organisée.
Une autre disposition extrêmement intéressante, c'est cette
possibilité que pourra obtenir un juge d'émettre une ordonnance de
garder la paix, une ordonnance judiciaire qui fera en sorte que si on
fait une bonne démonstration et que l'on anticipe-c'est donc une
mesure préventive-la perpétration d'un crime en lien avec
l'infraction de gangstérisme, il sera possible d'obtenir une
ordonnance judiciaire en vertu de laquelle un suspect sera tenu de
tenir la paix, de ne pas fréquenter certaines personnes, d'être hors
territoire. Le prix de ces conditions de garder la paix pourra
entraîner une infraction qui sera punissable soit d'amende, soit
d'une peine de prison.
La dernière mesure à laquelle le ministre a fait référence est cette
mesure d'information en vertu de laquelle le solliciteur général
déposera annuellement un rapport qui fera un peu le bilan de ce
qu'est le crime organisé, où on en est rendu, quelles sont ses
manifestations, et je l'espère évidemment, un certain nombre de
suggestions pour contrer le crime organisé.
10018
Alors, au total, c'est un projet de loi intéressant. C'est un projet
de loi qui combine un certain nombre de mesures qui avaient été
réclamées par le gouvernement du Québec, particulièrement au
niveau des explosifs, et un certain nombre de mesures qui avaient
été demandées par les corps policiers.
On doit quand même se rappeler aujourd'hui que si nous avons
été sensibles, comme parlementaires, à la réalité du crime organisé,
c'est parce qu'il y a des gens qui se sont mobilisés. Il y a bien sûr
certains de mes concitoyens d'Hochelaga-Maisonneuve et je
pense également à la mère du jeune Daniel Desrochers, Josée-Anne,
qui a fait signé une pétition et qui a profité de toutes les tribunes
publiques pour sensibiliser les parlementaires.
Je crois que tous, autant que nous sommes, de quelque côté de la
Chambre que nous appartenions, nous devons aujourd'hui être
reconnaissants à Mme Josée-Anne Desrochers. Il y a également les
corps policiers qui se sont mobilisés, qui se sont regroupés dans ce
qu'on a appelé le CAPLA, le Comité d'action politique pour une loi
antigangs. Donc, c'est l'ensemble de ces pressions. Il y a bien sûr
mon collègue, le député de Berthier-Montcalm, qui a été un
précurseur en la matière et qui a interpellé très tôt le ministre à
plusieurs occasions. Il a été très têtu, obsessionnel, opiniâtre, je
dirais. Cela nous sert bien parce que ses efforts n'ont pas été vains et
la preuve en est qu'aujourd'hui, nous avons des mesures
législatives.
(1735)
Je voudrais vous donner un certain nombre d'indications qui
révèlent bien l'ampleur du crime organisé et à quel point le crime
organisé est un phénomène tentaculaire, qui concerne toutes les
facettes de la vie dans la société, combien il est important que nous
soyons extrêmement vigilants comme législateurs.
Je veux vous dire qu'en 1992, on estimait que l'économie
clandestine représentait 5,2 p. 100 du produit national brut, à peu
près 36 milliards. Ce sont des estimations qui remontent à 1992. On
peut penser que, chemin faisant, si nous avions des chiffres
actualisés, ils seraient beaucoup plus considérables.
Le Bureau d'assurance du Canada estime que les pertes reliées
aux véhicules volés-c'est aussi une facette du crime
organisé-non retrouvés s'élèvent à 293 millions de dollars par
année; 293 millions de dollars par année pour des véhicules volés,
ça commence quand même à être considérable.
En 1994, les banques à charte canadienne estiment avoir perdu
143 millions de dollars à cause de la fraude. Vous savez qu'à
l'intérieur du crime organisé, il y a comme une spécialisation du
travail. Il y a des groupes qui ont développé beaucoup d'expertise
sur ce qu'on appelle la contrefaçon, la façon de reproduire et de
monnayer de faux billets de banque. Je crois que c'est une spécialité
des groupes asiatiques qui ont développé énormément d'expertise
en la matière. En 1994, les banques révélaient avoir perdu143 millions à cause de la fraude.
La statistique la plus intéressante, elle nous vient de gens très
autorisés en la matière, puisque je parle des corps policiers, estime
que les revenus générés par le crime organisé s'élèvent à 20
milliards de dollars. Les revenus générés par le crime organisé sont
à peu près l'équivalent du déficit canadien. Le déficit canadien est
de combien? Mon collègue de Berthier-Montcalm qui suit ces
questions avec beaucoup d'intérêt pourra me donner le chiffre juste,
mais je crois que c'est 19 milliards, si je ne me trompe pas. Vous le
savez, le déficit canadien est à peu près de 19 milliards de dollars, et
pensez que les revenus illicites par année, c'est l'équivalent de 20
milliards de dollars. Est-ce qu'on peut, comme législateurs,
demeurer inactifs, demeurer insensibles à cette réalité? Je crois que
non.
Cependant, malgré toutes les bonnes choses que j'ai dites à
l'endroit du gouvernement, et je vous prie de constater que cela a un
caractère extrêmement circonstanciel, il reste que le gouvernement
aurait pu aller beaucoup plus loin. Je crois que nous avons fait des
représentations auprès du gouvernement. D'autres en ont fait
également, comme les corps de police, et d'autres personnes dans le
système également. Nous savons bien que le prochain pas, la
prochaine étape qu'il nous faudra franchir sera bien sûr la question
du blanchiment de l'argent. C'est un fait qui est connu, c'est un fait
qui est reconnu: le Canada est une terre d'asile pour le blanchiment
de l'argent. Le Canada est extrêmement libéral en la matière. Cela
ne pourra pas demeurer.
Je veux vous dire qu'il y avait une revendication très importante
de la part de la communauté policière. Cette revendication, c'est
l'obligation de la part des grandes banques à charte de signaler
toutes les transactions douteuses de plus de 10 000 $. C'est
extrêmement important, lorsqu'on fait des enquêtes, de pouvoir
retracer la généalogie des transactions douteuses. En ce moment,
l'obligation faite par les grandes banques à charte est celle de tenir
un registre. Elles doivent consigner les opérations, noter ce qu'elles
estiment être des opérations douteuses. Mais il n'y a pas obligation
de les signaler.
Je crois que cela aurait été une mesure extrêmement intéressante
que cette obligation inscrite dans une loi, pour laquelle le défaut de
la signaler aurait pu être une infraction punissable. J'en suis
convaincu, les banques auraient collaboré parce qu'il y a
présentement, à l'interne, l'Association canadienne des banquiers
qui a pris des mesures pour détecter les transactions douteuses, mais
tout cela doit prendre un caractère d'obligation.
(1740)
Il y avait également cette revendication de la part des policiers de
retirer de la circulation les billets de 1 000 $. Est-ce qu'il y a
quelqu'un d'assez naïf en cette Chambre pour penser que le
commun des mortels se promène sur la rue avec un billet de 1 000 $
en poche? Si je vous demandais de mettre aux voix tous ceux qui ont
1 000 $ dans leurs poches aujourd'hui, y compris vous-même, les
pages, les députés de cette Chambre et les gens dans les tribunes, je
suis convaincu qu'il s'en trouverait bien peu qui aient un billet de
1 000 $ dans les poches.
On sait très bien que le billet de 1 000 $ est une façon d'avoir des
sommes importantes dans les poches en prenant le moins d'espace
et on sait de manière certaine que le billet de 1 000 $ profite au
crime organisé. C'est une revendication de l'Association des
policiers du Canada de retirer le billet de 1 000 $ de la circulation et
c'est quelque chose qui devra être envisagé.
Voici une autre revendication extrêmement importante: je vous
parlais tantôt de la nécessité d'obliger les banques à déclarer les
transactions douteuses de plus de 10 000 $ et je crois que cela ne
doit pas être limitatif aux banques. Les casinos pourraient
également être inclus dans cette liste, tout comme les agences de
voyage et tous ceux qui font le commerce avec des objets de luxe
qui peuvent un jour ou l'autre faire l'objet d'infiltration et qui
peuvent nous aider à retracer la filière du crime organisé.
10019
Ce sont là des mesures que nous proposons. Je crois que ces
mesures devront trouver un écho favorable auprès du ministre de la
Justice. Je veux lui rappeler que la réalité du crime organisé n'est
pas une réalité transitoire; c'est une menace qui est extrêmement
lourde, extrêmement grande et considérable. Jusqu'à présent, le
crime organisé a réussi à gangrener la vie entière de communautés,
et je pense bien sûr à l'est de Montréal, avec ce qui s'est passé dans
le comté d'Hochelaga-Maisonneuve. Mais ce n'est pas seulement
dans l'est de Montréal où cette réalité a été extrêmement difficile à
vivre.
C'est une réalité quotidienne aussi pour les gens de
Saint-Nicolas, où il y a une mobilisation extrêmement importante.
Est-ce qu'on peut tolérer que dans des milieux urbains, à proximité
de zones résidentielles, des bunkers puissent être établis, que des
gens puissent, au vu et au su de tous, s'enrichir de façon illicite et
troubler la quiétude des communautés? Je pense que non. On a la
responsabilité, comme parlementaires, de faire tout ce qui est en
notre pouvoir pour ébranler, pour faire en sorte que ces gens doivent
s'expliquer, qu'ils puissent être incarcérés et que des enquêtes
soient déclenchées.
Au cours des dernière années, j'ai trop souvent entendu dire:
«Oui, mais c'est parce que les policiers montent mal les dossiers.»
J'ai participé à des débats publics, des tribunes téléphoniques et des
émissions de télévision où l'argument facile qui nous était servi,
c'était de dire: «Oui, mais si les policiers faisaient mieux leur
travail, ce serait beaucoup plus facile de lutter contre le crime
organisé.»
Je crois que c'est un argument qui ne résiste pas à l'analyse, parce
qu'il faut savoir qu'à chaque fois qu'il s'agit, pour un corps policier,
de porter des accusations, il y a des procureurs et des avocats qui
voient à ces dossiers et qui estiment jusqu'à quel point la preuve est
irréfutable, jusqu'à quel point la preuve pourrait faire l'objet d'une
réfutation ou pas, et jusqu'à quel point cette preuve serait solide
devant un juge. Ce n'est pas juste une question de ressources
policières, c'est aussi une question de Code criminel et de donner
des outils d'interprétation à la magistrature.
Je ne suis pas en train de dire que l'ajout de ressources pour les
corps policiers n'est pas quelque chose de positif. On pense bien sûr
à Carcajou à Montréal, on pense à GRICO. Oui, c'est quelque chose
de positif. Quand, dans une escouade spécialisée, vous avez les
moyens de prendre les gens en filature, plus vous avez de personnes
qui se rattachent à votre escouade, plus c'est facile de monter des
dossiers solides et plus c'est facile, non seulement de monter des
dossiers solides, mais d'agir avec diligence.
(1745)
Il y a quelque chose qu'il ne faut jamais oublier. Vous savez
combien le milieu du droit est quelque chose de sournois. Vous
savez combien, au niveau de la jurisprudence, un jugement peut
influencer et changer le cours du droit. Je sais que mon collègue de
Berthier-Montcalm, qui est avocat, un des meilleurs, je me
permets de le dire, mais ce n'est pas un criminaliste, n'est pas sans
savoir qu'il y a eu, en 1992, l'arrêt Stinchcombe. Qu'est-ce que cela
a permis dans la jurisprudence? Cela a fait en sorte qu'en ce qui
concerne la divulgation de la preuve, le ministère public est obligé,
avant un procès, de déposer tous les éléments ayant concouru à la
preuve.
Cela veut dire qu'à la fois les éléments de filature, les notes
personnelles, les éléments de vidéo, tout ce qui a concouru à la
preuve doit être remis à la partie défenderesse. C'est quelque chose
qui est extrêmement lourd de conséquences puisque, de procès en
procès, d'enquête en enquête, cela oblige les gens qui montent des
dossiers à être extrêmement imaginatifs, extrêmement innovateurs
pour déjouer les gens qui vont constituer la partie adverse.
Au total, je crois que c'est un projet de loi qui mérite notre appui.
Nous allons collaborer comme opposition. Nous l'avons fait
aujourd'hui. Nous avons agi avec beaucoup de diligence.
Je répète au ministre que tout ce que nous pouvons faire pour
assurer qu'avant le délai imminent des élections, qui vont nous
reconduire comme opposition officielle, vous le savez, tous autant
que nous sommes, je dis au ministre que tout ce que nous pouvons
faire, à toutes les tribunes qu'il voudra bien nous confier, dans
toutes les manifestations que nous pourrons bien vivre pour faire en
sorte que ce projet de loi soit adopté, nous allons collaborer.
Si le ministre veut que nous fassions des représentations auprès
de l'autre Chambre pour être sûrs que les choses suivent un cours
diligent, nous sommes prêts à le faire parce que nous savons bien,
depuis plusieurs mois, que ce dossier du crime organisé n'est pas un
dossier qui peut souffrir quelque élément de partisanerie. Tous mes
collègues du Bloc québécois sont d'accord avec moi pour dire que
lorsque la sécurité publique est en jeu, lorsque la quiétude de pans
entiers de la communauté sont menacés, on a le devoir d'agir
rapidement, on a le devoir de ne pas être complaisants.
C'est ce que nous avons fait comme opposition officielle et c'est
ce que nous allons continuer de faire dans les prochains jours.
[Traduction]
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, il a
été quelque peu question de ce projet de loi aujourd'hui en comité
plénier. J'aimerais insister sur un aspect qui n'a pas été abordé. Ce
qui est sous-tend à toute la question des nouvelles attributions et des
nouveaux pouvoirs qui sont conférés dans ce projet de loi, c'est que
le gouvernement actuel et son système de justice ont été incapables
de lutter efficacement contre le trafic des stupéfiants. Ils ont échoué
lamentablement dans leur mission, au point où cette activité est
devenue si lucrative que les gangs de motards se font la guerre pour
s'en assurer le contrôle.
Que s'est-il passé ces 30 dernières années? Nos lois sont
devenues presque sans portée. On a privé les forces de l'ordre des
outils qui leur étaient nécessaires, tant et si bien que le trafic des
stupéfiants est aujourd'hui une activité à ce point lucrative que des
gangs se livrent une guerre sans merci pour en détenir le monopole.
C'est en effet l'objectif de leur guerre territoriale: disposer du droit
de contrôler le trafic des stupéfiants.
Quel est le message ici? C'est un aspect qui n'a pas été abordé.
Cela illustre l'échec du système de justice qui est incapable de
protéger nos familles et nos enfants, de protéger tout citoyen
canadien contre ce genre d'activité.
10020
(1750)
Il suffit de se rendre dans n'importe quelle école publique,
surtout dans les écoles secondaires, pour se rendre à l'évidence que
le système de justice a failli à sa mission, qui est de protéger nos
enfants contre des individus qui sont prêts à tuer pour faire de
l'argent en faisant le commerce des stupéfiants. Ils ont chambardé
notre société de fond en comble.
Il se fait du trafic de stupéfiants à Camrose, ma petite ville. Les
jeunes qui fréquentent les écoles secondaires s'adonnent aux
stupéfiants parce que le gouvernement actuel et ceux qui l'ont
précédé ont miné le système de justice pénale. Les lois ont été
modifiées. On a privé nos forces de l'ordre des instruments qui leur
étaient nécessaires, tant et si bien que, loin de mener le bon combat,
nous sommes confrontés au fait que deux groupes de criminels se
battent pour savoir lequel des deux va contrôler l'industrie des
stupéfiants qui représente 20 milliards de dollars au Canada.
C'est une honte. Nous n'avons pas abordé cette question dans le
cadre de ce débat. C'est une chose dont les gens de tout le pays sont
au courant. Ils en parlent. Ils envoient des pétitions à leurs députés à
ce sujet. Ils nous écrivent au sujet du climat général au Canada qui
explique que les organisations criminelles sont florissantes.
Lorsqu'on a présenté le projet de loi, nous savions qu'on ne
pouvait l'adopter à l'approche des élections. Nous savions qu'on ne
pouvait le renvoyer au comité et entendre les témoins en faveur de
cette mesure et contre elle pour que nous puissions comprendre si ce
projet de loi renferme des lacunes et des faiblesses. Ainsi, ce projet
de loi ne donne peut-être pas assez de pouvoirs aux policiers, mais,
par contre, il risque d'empiéter sur les droits de gens innocents.
Nous savions que nous n'aurions pas le temps de faire cela et nous
avons donc voulu nous entendre pour faciliter, dans une certaine
mesure, les opérations policières contre les criminels. Nous avons
été forcés d'adopter ce projet de loi rapidement.
J'ai parlé à certains chefs de police et à d'autres personnes qui
travaillent dans le milieu de l'application de la justice pénale. Ils
m'ont dit qu'ils avaient besoin de ce projet de loi non pas parce qu'il
renferme des outils puissants pour eux, mais parce que, pour la
première fois, nous introduisons dans le système de justice pénale
des lois sur la criminalité organisée.
Je leur ai demandé si cette mesure législative leur donnerait la
possibilité de mettre un terme aux attentats à la bombe et aux
meurtres auxquels on assiste. Ils n'en étaient pas certains. En fait,
lorsque je leur ai posé cette question, au moins l'un d'eux a changé
rapidement de sujet et m'a signalé certains des aspects positifs du
projet de loi avec lesquels je suis d'accord.
On aurait pu adopter les mesures sur l'écoute électronique il y a
deux, trois, quatre ou cinq ans. On aurait dû le faire il y a dix ans. On
aurait pu alors procéder à des enquêtes sur le trafic de stupéfiants et
le crime organisé. Cela aurait donné à la police les outils dont elle a
besoin pour empêcher que le trafic de stupéfiants ne prenne trop
d'ampleur.
L'ordonnance de bonne conduite est une bonne idée. On aurait pu
y avoir recours il y a des années également. On aurait pu introduire
cela pour s'attaquer au crime organisé pour les raisons mêmes pour
lesquelles on met en oeuvre cette mesure maintenant. On ne l'a pas
fait. Pourquoi? Je l'ignore.
On aurait pu, il y a des années, donner accès aux dossiers fiscaux
pour lutter contre le crime organisé.
Il y a ensuite les biens infractionnels. En d'autres termes, nous
accroissons le pouvoir des corps policiers et de l'État de saisir les
produits de la criminalité, mais cela ne se produit que lorsqu'un
accusé est reconnu coupable d'un acte de gangstérisme. Examinons
donc la possibilité qu'une personne soit trouvé coupable de cette
nouvelle infraction et que la police et l'État veuillent confisquer les
produits de la criminalité. Avec quelle facilité y parviendront-ils?
(1755)
D'abord, la personne doit être trouvée coupable d'une infraction
passible au moins d'une peine d'une peine maximale de cinq ans.
Ensuite, la poursuite doit déterminer que l'accusé fait partie d'un
gang. Quatre autres malfaiteurs devront comparaître devant le
tribunal, et la poursuite devra prouver qu'ils font partie du même
gang dont les principales activités consistaient à commettre ce
genre de crime et qu'un membre du gang ou plus ont commis une
série de crimes.
Monsieur le Président, étant vous-même avocat, vous connaissez
la loi. Vous savez exactement de quoi je parle quand je dis aux
Canadiens de ne pas s'attendre à ce que ces criminels soient trouvés
coupables de cette nouvelle infraction, car cela n'arrivera pas.
J'espère que je me trompe. Cela me rappelle un peu le projet de
loi C-27 qui est censé décourager les pédophiles d'aller dans
d'autres pays pour avoir des relations sexuelles avec de jeunes
enfants. Comment allons-nous faire respecter le projet de loi sur le
tourisme sexuel?
De beaux esprits ont comparu devant le comité chargé d'étudier
le projet de loi C-27 et ont dit que c'était un merveilleux projet de
loi qui allait régler le problème des pédophiles canadiens se livrant à
leurs activités à l'étranger. Mais comment allons-nous faire
respecter une telle loi?
Quand je pense à l'applicabilité de la nouvelle disposition, je me
pose de sérieuses questions. Les conversations que j'ai eues avec
des chefs de police n'ont pas du tout calmé mes craintes. Ceux-ci
ont souligné d'autres aspects du projet de loi et m'ont fait remarquer
que c'était la première fois que des dispositions sur le crime
organisé étaient introduites dans le Code criminel. Ils ont dit espérer
que ces dispositions seraient renforcées au cours des prochaines
années.
Les gouvernements précédents étaient censés protéger le Canada,
comme nous le chantons tous les mercredis dans notre hymne
national.
Mais l'ont-ils fait? Non. Il ont échoué lamentablement. Comme
je le disais plus tôt, les corps policiers sont maintenant incapables
de lutter contre le trafic de la drogue, qui est extrêmement répandu
au Canada. Nous attendons les lois qui permettront de remédier aux
conséquences de notre laxisme dans ce domaine. Des crimes sont
commis, des gens se font assassiner, des innocents meurent et les
criminels s'entretuent pour s'accaparer le contrôle d'un trafic
illégal qui n'aurait jamais dû prendre les proportions qu'il a prises.
Mais c'est ainsi, et nous devons maintenant faire face à la situation.
J'ai suivi le débat, très court, sur le projet de loi. Ni le ministre de
la Justice ni aucun autre député ministériel ni le Bloc québécois n'a
parlé des causes sous-jacentes à la situation qui rend le projet de loi
C-95 nécessaire. Pourquoi cela?
10021
Avons-nous accepté ce phénomène? Avons-nous renoncé à la
lutte? La prochaine étape sera-t-elle la légalisation des drogues
dures? Nous voyons des personnes faire campagne pour la
décriminalisation des drogues douces. Est-ce ce vers quoi nous nous
dirigeons? Au fil des ans, nous avons diminué le pouvoir des forces
policières et amoindri les infractions. Pourquoi? Il y en a qui disent
que nous incarcérons trop de gens au Canada. Nos prisons sont
pleines.
Le ministre de la Justice nous attaque et nous critique parce que
nous n'avons pas appuyé certains projets de loi. Nous appuyons le
projet de loi à l'étude. Nous ne savons pas tout ce que nous devrions
savoir sur ce projet de loi, mais nous l'appuyons. Nous appuyons les
bonnes initiatives du gouvernement, celles qui sont intelligentes.
(1800)
Nous appuyons cette mesure législative comme nous avons
appuyé d'autres projets de loi par le passé. Le ministre de la Justice
nous a attaqués et nous a reprochés de ne pas appuyer certains de ses
projets de loi comme le projet de loi C-41.
Nous dirons aux Canadiens, durant la prochaine campagne
électorale, pourquoi nous n'avons pas appuyé le projet de loi C-41.
Nous leur dirons que c'est à cause des nouvelles dispositions prises
à l'endroit des délinquants violents, à cause de la condamnation
avec sursis à laquelle les juges peuvent avoir recours pour permettre
à des violeurs et à des délinquants violents de circuler en liberté.
C'est pour cette raison que nous n'appuyons et n'appuierons pas
le projet de loi C-41. Nous n'arrêtons pas de demander au ministre
de la Justice d'apporter au projet de loi un simple changement qui
ôterait aux tribunaux le pouvoir, les moyens de permettre que des
délinquants violents puissent circuler librement grâce à cette
disposition sur la condamnation avec sursis. Il refuse de le faire.
Nous ne soumettrons donc pas la question aux gens durant la
prochaine campagne électorale. Nous la leur soumettons
maintenant et leur montrons clairement que nous sommes prêts à
appuyer une bonne mesure législative, mais non pas, comme le fait
le Bloc, une mesure législative qui permet aux délinquants violents
de circuler en liberté. Nous ne le ferons pas.
Un gouvernement réformiste abrogera cette loi et empêchera que
les tribunaux ne remettent les violeurs en liberté après que ceux-ci
aient détruit la vie de leur victimes. Regardons ce projet de loi,
regardons l'ensemble du système judiciaire, regardons où nous en
sommes; le ministre de la Justice a fait preuve de tant de parti pris
dans ses réponses aujourd'hui que je n'ai pas cru bon d'aller plus
loin.
Aux prochaines élections, les gens analyseront ses lois. Ils
analyseront son attitude. Ils analyseront sa réponse aux victimes et
ils voteront en conséquence.
La population jugera le gouvernement et constatera qu'il n'en a
pas fait assez. Quiconque examine les projets de loi qui ont été
étudiés à la Chambre au cours des 25 ou 30 dernières années voit
bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas. On n'a même pas besoin
d'examiner les projets de loi, il suffit de voir leurs conséquences
pour la société, qui est terrorisée par deux bandes de bandits se
disputant le marché des drogues illicites.
Notre système de justice pénale a permis que ce genre de choses
se produise. Si cela ne s'était pas produit, nous ne réclamerions pas
un tel projet de loi. Notre police aurait dû avoir le droit d'utiliser ces
moyens il y a des années. Nous avons adopté une charte des droits et
libertés que bon nombre d'individus, dans ces réseaux de trafic de
drogues, peuvent maintenant invoquer pour se protéger, ces mêmes
individus qui tuent nos enfants et détruisent les fondements de la
société.
Nous avons donc demandé au ministre de la Justice et au
gouvernement de protéger les droits des victimes, de protéger la vie
de nos enfants, en adoptant des lois qui soient raisonnables, qui
donnent à la police les outils et le pouvoir de discrétion dont elle a
besoin pour s'employer à servir les intérêts de la société dans la
mesure de ses moyens.
Je ne sais pas pourquoi le gouvernement libéral et le ministre de
la Justice ne nous donnent pas la réponse que nous attendons, ou du
moins une meilleure réponse. Je ne comprends pas. Quand nous
sommes arrivés à la Chambre, en 1993, le gouvernement avait
promis qu'il allait rechercher davantage le travail en collaboration.
Il devait changer la manière dont on travaille ici, permettre plus de
votes libres, ainsi de suite. Nous étions disposés à lui donner une
chance, et nous avons appuyé toutes les mesures que nous croyions
être dans l'intérêt de la société. Pourtant, le ministre de la Justice
vient nous accuser de ne pas appuyer un projet de loi comme le
C-41, qui permet aux violeurs de se promener en liberté.
Je n'arrive pas à saisir cela. Il me semble que certains députés
d'en face comprennent ni l'une ni l'autre des deux langues
officielles. Le seul message qu'ils comprennent est le X tracé sur le
bulletin de vote. Nous verrons bien.
Nous laisserons la population déterminer si la sécurité s'est
améliorée ou détériorée, si notre situation économique s'est
redressée et si le gouvernement mérite un autre mandat. Nous
verrons bien. Le verdict appartient à la population.
(1805)
Je ai entendu aujourd'hui le premier ministre à la télévision, le
ministre de la Justice, et cela m'agace terriblement de les entendre
prétendre qu'ils ne savent pas à quelle date les élections seront
déclenchées.
Si nous n'étions pas à la veille des élections, nous ne serions pas
forcés d'étudier ce projet de loi à la hâte, sans entendre de témoins.
Nous aurions dû recevoir le témoignage de tous ceux que le ministre
de la Justice dit avoir consultés. Nous aurions dû les entendre. Par
l'intermédiaire de notre comité, les députés à la Chambre auraient
dû avoir le temps de consigner l'opinion de ces gens pour
déterminer ensuite si le projet de loi devait être amendé et, si oui,
quels articles devaient être corrigés. Nous aurions dû avoir cette
possibilité.
Le ministre de la Justice prétend qu'il ignore à quel moment on
va déclencher les élections. Les libéraux ont déjà loué leurs
quartiers généraux qui fonctionnent dès à présent et mis en branle
tout le processus, et il affirme à la Chambre, comme le premier
ministre l'a déclaré à la télévision il y a deux jours, qu'il ignore la
date du déclenchement des élections. Cela ressemble à la promesse
des libéraux au sujet de la TPS.
Dans le cadre des élections qu'on va déclencher d'ici une
semaine environ, on va demander aux Canadiens d'évaluer la
législation et leur propre situation pour voir s'ils se sentent plus en
sécurité dans la société, si leur situation économique s'est
améliorée ou s'est détériorée. S'ils jugent que les ministériels ont
fait de l'excellent
10022
travail, ils méritent alors qu'on les réélise pour un autre mandat.
Dans le cas contraire, nous demandons alors clairement aux gens
d'envisager une autre solution, de penser à élire un autre parti qui
écoutera les Canadiens, qui sera guidé par la volonté de la majorité
pour que notre ministre de la Justice puisse se rendre en
Saskatchewan et parler aux propriétaires d'armes à feu, aux
contribuables laborieux et honnêtes, qui peut s'adresser à eux
directement sans être inquiet.
Il peut venir à Dauphin, au Manitoba, où j'étais samedi dernier et
où 450 personnes se sont présentées pour apprendre quoi? On a
parlé à nouveau du projet de loi C-68. Imaginez cela, après deux
ans. Les gens sont encore furieux là-bas au sujet de ce qu'ils
considèrent être une terrible injustice. C'est une mesure législative
dirigée contre eux plutôt que contre l'utilisation criminelle d'armes
à feu.
Nous allons appuyer ce projet de loi. J'espère que nous ne
manquons rien. Le ministre de la Justice a écouté le point de vue de
personnes qui sont en faveur ou contre cette mesure. J'espère qu'il
ne nous cache rien au sujet de leurs préoccupations ou de leurs
inquiétudes. J'espère fortement que ce projet de loi donnera les
résultats escomptés.
Il est vraiment regrettable qu'on ait laissé au Canada le trafic de
stupéfiants prendre tant d'ampleur. Nous avons le sentiment que
c'est un problème qui touche maintenant toutes les écoles. Il se fait
sentir dans toutes les collectivités du pays. Cela prouve, sans aucun
doute, qu'il y a maintenant deux bandes rivales de criminels qui se
font la guerre pour contrôler ce marché.
J'impute clairement la responsabilité aux anciens ministres de la
Justice, sous les gouvernements libéraux et conservateurs, qui
avaient l'occasion de prendre des mesures pour remédier à cette
situation et qui n'en ont rien fait. Nous sommes maintenant
confrontés à ce problème et nous pensons que ce projet de loi va le
résoudre. Je l'espère, mais je ne m'attends pas à ce qu'on obtienne
toutes sortes de condamnations aux termes de ce nouveau projet de
loi.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ):
Monsieur le président, il me fait extrêmement plaisir d'intervenir à
ce stade-ci du projet de loi C-95. Comme mon collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve l'a dit tout à l'heure, on a collaboré
tout au cours de la journée et c'est à la suite des propositions du Bloc
québécois qu'on a accéléré le processus afin d'adopter le plus
rapidement possible le projet de loi C-95 intitulé Loi modifiant le
Code criminel (gangs) et d'autres lois en conséquence.
(1810)
On se souviendra que pour nous, le Bloc québécois, ce n'est pas
seulement un sujet dont on débat ici depuis une semaine, c'est un
sujet fort important. Dès le début, le Bloc québécois a été
sensibilisé, parce que le problème était très présent au Québec. On a
tenté de convaincre le ministre, dès 1995, de l'importance de
légiférer dans le domaine des gangs pour avoir une législation
anti-motards, pour avoir une législation afin de contrer le fléau
qu'étaient les crimes d'organisations criminalisées.
Vous vous souviendrez qu'il a fallu que le Bloc québécois
questionne le gouvernement à plusieurs reprises depuis 1995, qu'on
fasse, nous, du Bloc québécois, l'opposition officielle, des
déclarations à la Chambre pour convaincre le ministre. Il a fallu
qu'on tienne des conférences de presse.
À plusieurs reprises, le député d'Hochelaga-Maisonneuve a
rencontré les chefs de police. Il a même été un des membres très
importants d'une organisation pour faire pression, pour faire du
lobby auprès du gouvernement pour qu'il agisse enfin dans ce
domaine, pour présenter une législation anti-motards.
Vous vous souviendrez également qu'on a même fait une
demande au Président de la Chambre pour tenir un débat d'urgence
sur toute la question anti-motards, de gangs, de crime organisé, de
blanchiment d'argent. Vous vous souviendrez qu'on nous a dit qu'il
n'y avait pas urgence. Mais le Bloc québécois, comme on l'avait
promis en 1993 à nos électeurs et électrices dans nos comtés, on leur
promettait d'avoir le vrai pouvoir, on leur promettait de défendre
leurs intérêts, cela ne nous a pas empêchés de continuer à réclamer
du gouvernement fédéral qu'il agisse, qu'il fasse quelque chose
pour mettre un terme à ce fléau.
Bien que ce ne soit pas à nous à faire la législation, à rédiger les
projets de loi, ou quoi que ce soit, on n'a pas les millions de dollars
et les centaines d'avocats qui travaillent au ministère de la Justice,
on a des moyens très restreints, on a proposé, dès 1995, et par la
suite avec un projet de loi privé, des définitions, une façon de faire
pour véritablement toucher le crime organisé, toucher les têtes
dirigeantes des bandes de motards criminalisées. On a proposé cela
en toute bonne foi au gouvernement, pour tenter de le pousser à bout
pour qu'il fasse le travail auquel on s'attendait de lui, c'est-à-dire
qu'il légifère dans le domaine de sa juridiction.
Mais ce n'était pas assez. Il a fallu des bombes. Combien de
bombes ont explosé au Québec avant que le ministre ne se décide
d'agir? Il a fallu avoir des attentats. Il a fallu qu'il y ait des
découvertes de dynamite un peu partout à travers le Québec. Il a
fallu qu'il y ait des meurtres. Il y a eu des marches à Saint-Nicolas,
des manifestations de maires, la pression populaire. Il y a eu des
innocents de blessés. Même, on s'en souvient, le jeune Daniel
Desrochers a été tué dans cette guerre de motards.
Je me souviens très bien d'avoir posé une question au ministre un
jour, pour lui demander ce qu'il attendait avant de légiférer.
Qu'attendait-il pour se décider à présenter une législation? Il me
répétait qu'il n'y avait pas urgence, qu'il n'y avait pas besoin de
faire de législation. Alors que dans la même journée, il y avait eu six
incidents reliés à la guerre de motards: des bombes avaient sauté,
quelqu'un avait été tué, un cocktail Molotov avait été tiré dans un
restaurant à Québec, on avait découvert de la dynamite à Longueuil,
il y avait eu un attentat dans le coin de Saint-Nicolas. Et le ministre
disait qu'il n'y avait pas d'urgence.
Savez-vous ce qui l'a convaincu, le ministre, que peut-être il
devrait faire quelque chose? C'est quand on l'a menacé de modifier
le projet de loi C-17 qui traînait à la Chambre depuis au moins deux
ou trois ans, en y apportant des modifications qui iraient dans le sens
d'une loi anti-motards. Là, le ministre a décidé d'agir.
Plus que cela, à la suite de nos questions répétées en Chambre, le
ministre a décidé de bien vouloir se déplacer pour aller constater par
lui-même les problèmes qu'il y avait à Québec. Fort heureusement,
le vent de Québec et l'air de Québec ont été très productifs pour le
ministre de la Justice, puisqu'il nous est revenu en disant qu'il y
avait urgence. Certains sont tombés en bas du cheval de Damas pour
réaliser certaines choses, d'autres ont été à Québec pour réaliser
qu'il y avait urgence d'agir dans tout ce dossier de la guerre de
motards criminalisés au Québec.
10023
(1815)
Ceci a fait en sorte que le ministre est revenu de Québec en disant
qu'effectivement, cela n'avait pas d'allure, cela n'avait pas de bon
sens, que des gens s'empêchaient de sortir de chez eux parce qu'ils
avaient peur d'un attentat, parce qu'ils avaient peur de la guerre des
motards qui sévissait dans plusieurs municipalités du Québec.
Ce n'est pas un problème qui est récent. Dès 1982, une
municipalité, je pense que c'est Sorel ou Tracy, demandait aux deux
paliers de gouvernement d'intervenir, de légiférer pour les aider à
combattre ce qui commençait à fomenter, c'est-à-dire tous les
bunkers qui s'érigeaient et toute l'organisation criminelle que l'on
retrouvait autour de cela.
Le gouvernement de l'époque n'a pas agi et le gouvernement
d'aujourd'hui, le gouvernement libéral d'en face, n'agissait pas non
plus. Il a fallu que des députés du Bloc québécois, des députés qui
sont ici uniquement pour défendre les intérêts du Québec, leur
fassent comprendre qu'il y avait un problème et qu'ils devaient agir
immédiatement.
Comme je l'ai dit plus tôt, on a collaboré pour aider le
gouvernement à adopter le projet de loi le plus rapidement possible,
étant donné que tout le monde sait que les élections sont
imminentes, elles s'en viennent, on a juste à entendre le premier
ministre et sa femme pour s'en convaincre. Mais ce qui me surprend
aujourd'hui, c'est que le ministre de la Justice nous dise bien
candidement que c'est un premier pas.
On le dit, on est bien contents que le ministre de la Justice ait pris
cette direction, car c'est une direction qu'on lui indique depuis
1995. On aurait souhaité que ce projet de loi soit plus poussé, qu'on
aille un peu plus loin pour combattre la criminalité, mais on accepte
le projet de loi tel qu'il est. On l'adopte tel quel en espérant pouvoir
un jour le modifier comme on le veut pour aller chercher l'objectif
qu'on s'est donné.
Le ministre de la Justice dit aujourd'hui que c'est un premier pas,
une première phase. J'ai demandé au ministre: «Compte tenu que
vous dites que c'est une première phase, un premier pas, que c'est
un essai, pourquoi n'avez-vous pas tenté d'aller plus loin?» Tout
candidement, il me répond que c'est parce qu'il va continuer à
étudier et il verra ce qu'il peut faire. Finalement, il ne sait pas quoi
faire comme deuxième, troisième ou quatrième phase.
Je l'invite à relire au complet le projet de loi privé que mon
collègue, le député d'Hochelaga-Maisonneuve a déposé. Je
l'invite également à relire les lettres que je lui ai écrites en 1995
pour lui donner certaines définitions pour toucher véritablement les
têtes dirigeantes et peut-être qu'à ce moment-là, le ministre de la
Justice va comprendre, et qu'en deuxième étape, nous aurons
prochainement, dans une autre législature, et j'ose espérer que le
Bloc québécois sera aussi fort ici pour défendre les intérêts du
Québec, le ministre ira ou va continuer d'aller dans le sens des
revendications que nous avons déposées, que nous avons réclamées
dans ce dossier.
Immédiatement, je peux vous signaler deux points sur lesquels le
ministre devrait se pencher dans sa deuxième phase. C'est toute la
question des têtes dirigeantes et du blanchiment d'argent. À trois
reprises aujourd'hui, j'ai demandé au ministre de la Justice, lui qui
dit que son projet de loi touche directement les têtes dirigeantes:
«Monsieur le ministre, voulez-vous m'indiquer, dans votre
législation, dans le projet de loi C-95, où exactement se trouve
quelque chose qui touche directement les têtes dirigeantes?» Il m'a
répondu à trois reprises que c'est de façon globale, qu'il fallait
examiner la loi de façon globale, que c'était global dans la loi, etc.
Jamais le ministre ne m'a indiqué un point précis, et je vais vous
dire pourquoi. C'est parce qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui
touche véritablement les têtes dirigeantes. Oui, c'est un pas en
avant, oui, ça donne des pouvoirs supplémentaires aux policiers,
oui, ce sont des choses que nous avons réclamées, nous, du Bloc
québécois, oui, nous sommes satisfaits et nous sommes contents,
mais ce projet de loi ne va pas aussi loin qu'on aurait voulu.
Surtout, j'invite le ministre à ne pas faire de la désinformation,
mais à dire véritablement ce qui se trouve dans le projet de loi, et s'il
y a quelque chose qui ne s'y trouve pas, ce sont des mesures qui
s'adressent directement aux têtes dirigeantes.
(1820)
Parmi les définitions que le ministre donne dans ce projet de loi,
c'est sûr et certain qu'il y en a de belles et bonnes. C'est la première
fois qu'on définit ce qu'est un gang et une association. Ce sont des
choses qu'on plaide ici depuis 1995 et on nous disait que ce n'était
pas correct, que cela ne se faisait pas.
C'est sûr qu'on est très heureux de retrouver cela dans un projet
de loi. C'est un pas en avant. Le Bloc québécois a aidé le
gouvernement, a contribué à la rédaction d'une nouvelle disposition
qui ne s'est jamais vue au Canada. C'est grâce au Bloc québécois et
à ses interventions répétées qu'on a convaincu le gouvernement
d'aller dans cette direction. À ce titre, on est bien heureux.
Cependant, la façon dont c'est rédigé, bien qu'on ait défini ce
qu'étaient un gang et une association, c'est toujours relié à
l'individu, à la perpétration d'un crime. On sait fort bien que ce ne
sont pas les têtes dirigeantes qui font le job de bras. Ce ne sont pas
les têtes dirigeantes qui ont installé les bombes qui ont explosé. Ce
ne sont pas les têtes dirigeantes qui ont descendu un individu. Ce ne
sont pas les têtes dirigeantes qui ont envoyé le cocktail Molotov
dans le restaurant à Québec ou qui ont caché les bâtons de dynamite
à Longueuil. Ce ne sont pas les têtes dirigeantes, ce sont les gens qui
travaillent pour les têtes dirigeantes, qui ont reçu des ordres des
têtes dirigeantes. Comment voulez-vous qu'on mette la main sur les
têtes dirigeantes si le projet de loi ne nous aide qu'à mettre la main
sur ceux qui exécutent les coups et non ceux qui les commandent?
À trois reprises, le ministre a été incapable de répondre à cette
question, tout simplement parce que le Bloc québécois a raison. Ce
projet de loi ne va pas jusqu'aux têtes dirigeantes et il faudra, dans
un avenir très rapproché, y voir. Si on veut mettre un terme à ce
fléau, ce n'est pas seulement la base de la pyramide qu'il faut
attaquer, c'est la tête qu'il faut véritablement toucher.
Le deuxième point qui aurait été très facile pour le ministre de la
Justice, alors qu'il avait les deux mains dans le projet de loi, et alors
qu'on a réclamé à plusieurs reprises des modifications en ce sens,
c'est la question du blanchiment d'argent. Le Canada a un titre peu
enviable, celui d'être le pays du G-7 dans lequel on blanchit le plus
gros montant d'argent annuellement.
10024
Avec les statistiques que nous avons et avec les commentaires
que certains juges et certains policiers m'ont faits, on peut dire qu'il
se blanchit annuellement au Canada entre 30 et 60 milliards de
dollars. Certains juges parlaient de 60 milliards de dollars par
année, alors que les policiers disaient qu'il s'agissait de 30 ou 40
milliards, compte tenu des saisies qu'ils font et qui représentent à
peu près 10 p. 100 de ce qui se fait au Canada. Les saisies se situent
autour de 3,5, 4 ou 5 milliards de dollars par année. Donc, ils
évaluent le blanchiment autour de 30, 40 ou 50 milliards de dollars.
Mais quel que soit le montant précis, ne serait-ce que 20 milliards
de dollars par année comme le disait mon collègue plus tôt, cela
représente à peu près le déficit annuel du Canada. C'est un montant
extrêmement considérable.
On aurait pu, dans le projet de loi C-95, afin de faire un tour de
piste et d'avoir une solution globale aux problèmes de bandes de
motards criminalisées, de crime organisé et de blanchiment
d'argent, avoir des dispositions beaucoup plus pointues au niveau
de ce fléau. On aurait pu interdire, entre autres, la distribution et la
fabrication des billets de 1 000 $. Ce n'est qu'au Canada qu'il y a
des devises aussi élevées, à travers le monde, semble-t-il. Selon nos
informations, il n'y a aucun pays à travers le monde qui a des
devises aussi élevées qu'un billet de 1 000 $, alors qu'on sait que ce
n'est pas M. Tout-le-Monde qui se promène avec une liasse de
billets de 1 000 $ dans ses poches.
Vous savez, mon calepin, ici, a moins de 30 pages. Mais si c'était
une liasse de billets de 1 000 $, j'aurais 30 000 $ dans mes mains.
C'est facile à véhiculer, à changer de main. Il est facile de faire du
blanchiment d'argent. On pourrait tout simplement interdire cela. Il
aurait été très facile, dans le projet de loi C-95, d'avoir une
disposition touchant cela. Comme il aurait été facile, dans le projet
de loi C-95, d'inclure des dispositions pour demander aux
institutions financières de déclarer toute transaction douteuse de
10 000 $ et plus. Comme il serait facile également de demander aux
casinos, aux agences de voyage ou à d'autres groupes qui sont payés
ou qui voient des sommes d'argent considérables, de 10 000 $ et
plus, être véhiculées, de déclarer ces transactions.
(1825)
Un juge me disait que selon la législation actuelle, il lui avait été
impossible de trouver un individu coupable, bien que la banque ait
collaboré pour le rendre coupable d'une fraude, alors que l'individu
était venu déposer un sac de hockey rempli d'argent. Il a pris son sac
de hockey, il l'a déposé sur le comptoir en disant qu'il s'en venait
faire un dépôt. Ce sac contenait quelque un million de dollars en
coupures de 50 $, de 100 $ et de 1000 $.
Selon les dispositions canadiennes, bien que la banque ait
collaboré, bien que les policiers aient fait leur travail, il y a assez de
trous dans cette législation que le juge n'a pas été capable de trouver
cet individu coupable. Mais tout le monde se promène avec un sac
de hockey rempli de billets de banque, n'est-ce pas, tout le monde
fait ça au Canada!
Mais non, ça n'a pas d'allure. Cela n'a tellement pas d'allure que
même dans les journaux d'aujourd'hui-et c'est quand même
curieux que cela arrive la même journée qu'on étudie le projet de loi
C-95-on peut lire Un paradis pour le trafic à cause de la faiblesse
de nos lois. Dans cet article de journal, on dit ce qu'on répète depuis
au moins deux ou trois ans, c'est que la législation, à l'heure
actuelle, est inefficace.
On dit ceci: «Les lois sur le blanchiment de l'argent au Canada
sont très difficiles à appliquer tellement il y a des trous. Les
policiers canadiens-les mêmes que ceux que le ministre de la
Justice se vante d'avoir rencontrés à une, deux et trois
reprises-rêvent d'obtenir la moitié ou même le quart des
dispositions des lois semblables aux États-Unis.»
Ici, il faut prouver hors de tout doute que l'argent provient du
crime, alors qu'aux États-Unis, c'est à l'accusé de le prouver.
Pourquoi le ministre n'a-t-il pas profité de l'occasion pour modifier
la loi par l'intermédiaire du projet de loi C-95, alors que le
gouvernement a la collaboration de tous les partis à la Chambre
pour avoir une législation avec des dents, pour avoir une législation
conforme aux revendications, autant des partis politiques, comme le
Bloc québécois, que des chefs de police ou d'autres?
Je terminerai ainsi: oui, c'est une bonne direction, mais j'aurais
aimé que le ministre écoute davantage l'opposition officielle, le
Bloc québécois. Je comprends qu'il n'ait pas donné raison à 100 p.
100 au Bloc; en cette période électorale, cela aurait été difficile pour
lui. Mais je pense que le Bloc québécois a fait un gain extrêmement
considérable, qu'on va continuer la bataille et que le lendemain de
l'élection, on sera ici encore pour réclamer du gouvernement des
modifications à cette législation pour répondre aux besoins et aux
revendications des Québécois en cette matière.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Avec dissidence.
Le vice-président: Je déclare la motion adoptée avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième
fois, est adopté.)
* * *
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 18 avril, de la
motion: Que le projet de loi C-92, Loi modifiant la Loi de l'impôt
sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le
revenu et une loi liée à la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la
troisième fois et adopté.
Le vice-président: Comme il est 18 h 30, la Chambre passe
maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion de
troisième lecture du projet de loi C-92.
Convoquez les députés.
(1855)
(La motion, mise au voix, est adoptée.)
10025
(Vote no 327)
POUR
Députés
Adams
Alcock
Anderson
Assad
Assadourian
Augustine
Barnes
Beaumier
Bélair
Bellemare
Bertrand
Bethel
Blondin-Andrew
Boudria
Brushett
Bryden
Caccia
Calder
Catterall
Chamberlain
Chan
Collins
Comuzzi
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Duhamel
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gallaway
Gerrard
Goodale
Graham
Guarnieri
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lincoln
Loney
Maloney
Marleau
McCormick
McGuire
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mitchell
Murphy
Murray
O'Brien (London-Middlesex)
Parrish
Peters
Peterson
Phinney
Pillitteri
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
St. Denis
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Wood
Young
Zed-99
CONTRE
Députés
Ablonczy
Asselin
Bellehumeur
Benoit
Brien
Crête
de Savoye
Epp
Fillion
Gagnon (Québec)
Gilmour
Guay
Guimond
Hanrahan
Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hermanson
Johnston
Langlois
Laurin
Marchand
Ménard
Meredith
Morrison
Nunez
Picard (Drummond)
Ramsay
Sauvageau
Solberg
Speaker
Strahl
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
White (Fraser Valley West/Ouest)
White (North Vancouver)-35
DÉPUTÉS «PAIRÉS»
Anderson
Arseneault
Bachand
Bakopanos
Bélisle
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brown (Oakville-Milton)
Campbell
Canuel
Cauchon
Chrétien (Frontenac)
Cohen
Collenette
Crawford
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
Dion
Dubé
Duceppe
Dumas
Dupuy
Easter
Finestone
Gagliano
Gauthier
Godfrey
Godin
Gray (Windsor West/Ouest)
Lalonde
Landry
Lebel
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manley
Marchi
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
Mercier
O'Reilly
Pagtakhan
Paré
Patry
Pomerleau
Proud
Rocheleau
Rock
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rosemont)
Vanclief
Venne
Walker
Whelan
Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.
(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)
* * *
La Chambre reprend l'étude de la motion.
M. Kilger: Monsieur le Président, je pense que vous constaterez
qu'il y a consentement unanime pour appliquer les résultats du vote
qui vient de se tenir à l'étape du rapport et à la deuxième lecture du
projet de loi C-93.
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
[Note de l'éditeur: Voir liste sous vote no 327.]
Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.
(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
______________________________________________
10025
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi
C-250, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi
électorale du Canada (votes de confiance), soit lu pour la deuxième
fois et renvoyé à un comité.
10026
Le vice-président: La Chambre procédera maintenant aux votes
par appel nominal différé concernant le projet de loi C-250.
(1900)
(La motion, mise aux voix, est rejetée.)
(Vote no 328)
POUR
Députés
Ablonczy
Bellehumeur
Benoit
Brien
Crête
de Savoye
Epp
Fillion
Gagnon (Québec)
Gilmour
Guay
Guimond
Hanrahan
Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hermanson
Johnston
Langlois
Laurin
Meredith
Morrison
Nunez
Picard (Drummond)
Ramsay
Sauvageau
Solberg
Speaker
Strahl
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
White (Fraser Valley West/Ouest)
White (North Vancouver)-32
CONTRE
Députés
Adams
Alcock
Anderson
Assad
Assadourian
Asselin
Augustine
Barnes
Beaumier
Bélair
Bellemare
Bertrand
Blondin-Andrew
Boudria
Brushett
Bryden
Caccia
Calder
Catterall
Chamberlain
Chan
Collins
Comuzzi
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Duhamel
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gallaway
Gerrard
Goodale
Graham
Guarnieri
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lincoln
Loney
Maloney
Marleau
McCormick
McGuire
McWhinney
Ménard
Mifflin
Milliken
Mitchell
Murphy
Murray
O'Brien (London-Middlesex)
Parrish
Peters
Peterson
Phinney
Pillitteri
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Simmons
St. Denis
Steckle
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Wood
Young
Zed-97
DÉPUTÉS «PAIRÉS»
Anderson
Arseneault
Bachand
Bakopanos
Bélisle
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brown (Oakville-Milton)
Campbell
Canuel
Cauchon
Chrétien (Frontenac)
Cohen
Collenette
Crawford
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
Dion
Dubé
Duceppe
Dumas
Dupuy
Easter
Finestone
Gagliano
Gauthier
Godfrey
Godin
Gray (Windsor West/Ouest)
Lalonde
Landry
Lebel
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manley
Marchi
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
Mercier
O'Reilly
Pagtakhan
Paré
Patry
Pomerleau
Proud
Rocheleau
Rock
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rosemont)
Vanclief
Venne
Walker
Whelan
Après le vote:
Le vice-président: La présidence suppose que le député de
Carleton-Gloucester n'a pas voté des deux façons et qu'il a
l'intention de se prononcer la deuxième fois.
M. Bellemare: Monsieur le Président, comme d'habitude, je vais
voter avec le gouvernement.
M. le vice-président: Je déclare la motion rejetée.
(1905)
M. Strahl: Monsieur le Président, le député de
Carleton-Gloucester a mentionné qu'il votait avec le
gouvernement mais comme de toute évidence il s'agit d'un vote
libre, il comprendra que, dans un tel cas, chacun vote comme il
l'entend.
______________________________________________