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Principes du régime des garanties :
une perspective canadienne
Notes pour une allocution de
Linda J. Keen
Présidente et première dirigeante
Commission canadienne de sûreté nucléaire
devant le International Safeguards
Symposium on Addressing Verification Challenges
Vienne, Autriche
Le lundi 16 octobre 2006
L'énoncé fait foi
Introduction
Bon après-midi, mesdames et messieurs.
Je souhaite, avant tout, remercier l’Agence internationale
de l’énergie atomique d’avoir organisé ce symposium, et souligner
la coopération de la European Safeguards Research
and Development Association et de l’Institute of Nuclear
Materials Management dans l’organisation de l’événement.
Le symposium se tient à un moment important de la vie de l’AIEA,
dont nous célébrerons, en juillet 2007, le 50e anniversaire.
Durant toutes ces années, l’Agence a assumé de nombreuses responsabilités.
Une de ces responsabilités – la vérification – intéresse tout
particulièrement notre assemblée aujourd’hui. L’AIEA est chargée
de vérifier que les États se conforment à leurs obligations
respectives en matière de garanties, pour être en mesure d’offrir à la
communauté internationale une conclusion indépendante sur l’utilisation
pacifique de l’énergie nucléaire.
Gros titres
Le contexte des garanties et de la vérification évolue constamment.
Le symposium se déroule au moment où la communauté internationale
doit faire face aux défis que pose, notamment, la République
populaire démocratique de Corée, et qui suscitent des questions
sur le mandat de l’AIEA en matière de garanties.
Aperçu
Cet après-midi, je vais interpréter, d’un point de vue canadien,
la situation des garanties et de la vérification, et le travail
qui nous attend. Je parlerai également de l’engagement ferme
du Canada à l’égard du Traité sur la non-prolifération
des armes nucléaires et de l’Accord relatif aux garanties,
y compris le Protocole additionnel, que le Canada
a signés.
Je vais débuter par quelques réflexions sur les garanties
internationales, compte tenu des enjeux soulevés par l’essai
nucléaire de la Corée du Nord.
Je ferai ensuite des observations sur l’application de pratiques
exemplaires dans le régime des garanties, à l’échelle mondiale
et étatique.
Tout en gardant à l’esprit l’objet du symposium, j’aborderai
ensuite les trois principes indispensables au succès du régime
: l’efficacité, l’efficience ainsi que l’ouverture/la transparence.
En dernier lieu, je parlerai de la conclusion récente concernant
le respect du régime des garanties au Canada et des prochaines
mesures que nous prendrons.
Je terminerai par quelques réflexions sur la nécessité de
poursuivre l’amélioration du régime des garanties.
Un régime des garanties qui fonctionne
J’estime que le régime des garanties fonctionne. Mais qu’est-ce
qui me porte à le croire dans la situation actuelle?
Afin de poursuivre ses ambitions nucléaires, la Corée du Nord
a délibérément choisi de quitter le régime des garanties, tourné le
dos à la communauté internationale, et rejeté les grands principes
du régime des garanties – l’engagement, la comptabilité et
la transparence. C’est un point important, car on laisse souvent
entendre que le régime est inefficace parce qu’il ne peut faire
de choses pour lesquelles il n’est investi d’aucune capacité ni
de pouvoir.
En adhérant au régime et en respectant les obligations qu’il
leur impose – notamment la déclaration de leurs matières nucléaires – les États
démontrent qu’ils utilisent de façon pacifique l’énergie nucléaire.
S’ils choisissent de mettre fin à ces obligations, ils le font
au grand jour, devant l’ensemble des nations.
Le régime des garanties, en général – et le fait d’agir sous
les yeux du monde entier – font que la communauté internationale
est alertée en cas de problèmes éventuels et de situations
méritant une attention et une analyse plus étroites.
Grâce au régime des garanties, l’information – et parfois
même l’absence d’information – se révèle. Il revient alors
aux autorités compétentes d’utiliser cette information pour établir
la meilleure façon de réagir.
Suivre les pratiques exemplaires
Je sais que je n’ai pas à vous décrire en détail le régime
des garanties, mais je veux souligner des aspects clairement
liés à nos discussions.
Grâce au régime des garanties, la communauté internationale
et les États individuels ont un moyen d’établir et de démontrer
que les matières nucléaires servent à des activités pacifiques – et
d’être alertés en cas d’activités douteuses ou lorsque des
lacunes apparaissent.
Ces dernières années, le régime a subi une évolution importante,
suscitée par l’émergence de la perspective d’État dans la mise
en œuvre et l’évaluation des garanties. C’est là un excellent
exemple d’innovation.
En s’appuyant sur une perspective d’État pour dégager ses
conclusions, l’AIEA reconnaît que plusieurs États se sont dotés
de régimes cohérents pour les questions nucléaires – et qu’une
approche étatique peut être à la fois plus efficace et plus
efficiente.
C’est ce même esprit novateur qui nous porte à étudier avec
attention les pratiques exemplaires qui permettent à l’AIEA,
ou aux organismes de réglementation nationaux, d’atteindre
leurs buts de façon plus efficace et efficiente, et avec ouverture
et transparence.
Pour cette raison, la CCSN est déterminée à mettre en place
des techniques ou de l’équipement perfectionnés visant à rendre
plus efficace et efficiente la mise en œuvre du régime des
garanties, en général, et à améliorer l’application des garanties
au Canada, en particulier.
Je vais maintenant présenter des observations détaillées sur
chacun des trois principes.
L’efficacité
L’efficacité, qui consiste à faire ce qu’il faut, et à bien
le faire, est le premier principe.
Cela s’applique plus particulièrement au régime des garanties
parce que nous souhaitons tous qu’il soit efficace – et parce
qu’il est important pour nous tous qu’il le soit. Sans oublier
qu’il y a place à l’amélioration constante. Nous savons, par
exemple, qu’il est nécessaire de décrire les processus qui
sont utilisés pour dégager les conclusions. Des processus clairs
doivent présider à l’établissement de plans annuels assurant
la mise en œuvre efficace des garanties, l’évaluation de l’efficacité du
régime par les États et la diffusion des résultats sur tous
les aspects.
Nous reconnaissons que le régime des garanties doit demeurer
efficace, au sein de l’AIEA, en général, et dans le Département
des garanties, en particulier, et c’est pourquoi nous devons
maintenir notre recherche de l’efficacité. Je note que le Groupe
consultatif permanent sur la mise en œuvre des garanties du
directeur général a beaucoup fait pour promouvoir l’utilisation
de principes de gestion de la qualité au sein du Département
des garanties, un élément crucial d’une action efficace.
L’efficience
L’efficience est le deuxième principe d’un système doté d’intégrité,
dont je vais parler par rapport au régime des garanties.
Comme le savent ceux d’entre nous qui travaillons pour un
organisme de réglementation, nous ne pouvons être partout à la
fois. Une organisation efficiente est une organisation qui, éclairée
par le risque, répartit ses ressources et établit ses priorités
en conséquence.
Cela s’impose davantage encore pour les organismes de réglementation
nucléaire, amenés par leurs préoccupations croissantes au sujet
des possibilités d’attentats terroristes à prêter une attention
bien plus grande à la sûreté et à la sécurité nucléaires.
Sur le plan national, les États doivent disposer de cadres
de réglementation efficaces, mieux adaptés aux risques associés à l’utilisation
de matières nucléaires particulières, à des emplacements particuliers.
Toutes les situations ne sauraient être abordées de la même
façon.
L’ampleur et la fréquence des activités de réglementation
doivent être fonction du niveau de risque, et c’est le cas
au Canada. L’AIEA doit faire de même si elle souhaite réaliser
avec efficacité et efficience son mandat de vérification. Ce
n’est pas chose nouvelle pour l’Agence. L’évaluation des risques était
inhérente aux approches traditionnelles en matière de garanties.
Les évaluations de la nature et de la quantité de matières
nucléaires ont influé sur la fréquence et l’envergure des vérifications.
Les évaluations faites par les États réclament la même réponse
de l’AIEA. Celle‑ci dispose d’un niveau relativement
fixe de ressources pour ses activités de garanties. Il convient
donc d’appliquer les concepts de différentiation et d’adaptabilité à l’établissement
d’approches vraiment éclairées par le risque pour faire le
meilleur usage possible de ces ressources. L’AIEA doit, logiquement,
montrer à la communauté internationale que ses activités de
vérification ciblent les situations où les risques potentiels
sont les plus grands.
Cela est d’autant plus crucial que, partout dans le monde,
le secteur nucléaire est sur le point de prendre de l’expansion.
Plusieurs pays prévoient construire de nouvelles installations
pour la production d’électricité. Il est donc temps de s’assurer
que les propriétaires et les exploitants de ces installations
savent ce qu’on attend d’eux. Nous devons communiquer clairement
nos attentes aujourd’hui pour que, demain, ces exploitants
répondent bien à nos attentes et à celles de l’AIEA.
L’ouverture et la transparence
Le dernier principe dont je parlerai cet après-midi consiste
en deux concepts allant de pair – l’ouverture et la transparence.
Au Canada, la CCSN s’efforce de réglementer, avec toute l’ouverture
et la transparence possibles, le secteur nucléaire canadien.
L’ouverture et la transparence aident le public à bien comprendre
le processus décisionnel, ce qui importe beaucoup dans le domaine
nucléaire.
Une approche ouverte et transparente démontre la nature non
discriminatoire du processus décisionnel, et favorise l’acceptation
des décisions et des conclusions des organismes de réglementation.
Cela vaut également pour l’AIEA.
L’ouverture et la transparence sont des ingrédients nécessaires
au succès du régime des garanties de l’AIEA. Tout le monde
doit comprendre sur quoi se base l’Agence pour dégager ses
conclusions en matière de garanties.
Il faut également que les processus utilisés pour parvenir à ces
conclusions ne soient pas discriminatoires. Cela importe d’autant
plus que l’AIEA utilise de plus en plus de facteurs qualitatifs
dans le processus d’évaluation.
Nous constatons avec plaisir les progrès régulièrement accomplis
en ce sens, et en particulier l’évolution du Rapport sur la
mise en œuvre des garanties, et l’accent mis par l’AIEA sur
la nécessité, de la part des États, d’agir avec ouverture et
transparence pour que l’Agence puisse mettre en œuvre avec
efficacité son régime des garanties et dégager ses conclusions.
Mais entendons-nous bien : la nécessité d’agir avec ouverture
et transparence ne se limite pas aux organismes de réglementation
ou à l’AIEA. Le secteur nucléaire lui-même doit être disposé à agir
de manière ouverte pour répondre aux attentes des citoyens
et des collectivités.
Approche canadienne de la réglementation
Les trois principes que je viens de décrire – l’efficacité,
l’efficience ainsi que l’ouverture/la transparence – sont des
objectifs stratégiques de la Commission canadienne de sûreté nucléaire,
l’organisation que je dirige.
Le Canada est doté d’un vaste programme nucléaire dont la
CCSN réglemente de nombreux aspects. Le gouvernement du Canada
a confié un mandat à quatre volets à la CCSN :
- En premier lieu, réglementer le développement, la production
et l’utilisation de l’énergie nucléaire au Canada.
- En deuxième lieu, réglementer la production, la possession,
l’utilisation et le transport des substances nucléaires,
et la production, la possession et l’utilisation de l’équipement
et des renseignements réglementés.
- En troisième lieu, mettre en œuvre les mesures pour le
respect des engagements internationaux du Canada dans le
domaine nucléaire; cette mise en œuvre se fait en collaboration
avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce
international du Canada – et comprend la responsabilité de
mettre en œuvre les accords relatifs aux garanties entre
le Canada et l’AIEA.
- En quatrième lieu, informer le public – sur les plans scientifique,
technique et en ce qui concerne la réglementation de l’énergie
nucléaire – sur les activités de la CCSN et sur les substances
nucléaires.
Ce vaste champ d’action et notre rôle à titre de seul organisme
de réglementation nucléaire au Canada signifient que nous sommes
en mesure d’adopter une approche holistique pour la réalisation
de notre mandat.
Pour accomplir notre vision d’être l’un des meilleurs organismes
de réglementation nucléaire au monde, nous nous appuyons également
sur un cadre législatif et réglementaire moderne, la Loi sur
la sûreté et la réglementation nucléaires, qui est entrée
en vigueur en 2000 et qui traite précisément des garanties.
La nouvelle législation a été adoptée en temps opportun, compte
tenu de l’essor de tous les secteurs du domaine nucléaire canadien,
qui prévoit construire de nouvelles centrales nucléaires, ouvrir
de nouvelles mines, peut-être même de nouvelles raffineries
et de nouvelles installations pour stocker les déchets nucléaires.
Une conclusion canadienne
Nous avons tous à assumer maintes responsabilités, mais je
vais m’arrêter à notre responsabilité spécifique de mettre
en œuvre les accords relatifs aux garanties entre le Canada
et l’AIEA.
En septembre 2005, le Canada a obtenu de l’AIEA une conclusion élargie
sur les garanties, à l’effet que toutes les matières nucléaires
au Canada étaient consacrées à des activités pacifiques. Il
y a de quoi être fier! Le principal défi du Canada consiste
maintenant à veiller à ce que l’AIEA maintienne cette conclusion
tous les ans. Nous ne savons pas clairement quels efforts nous
devrons déployer pour ce faire. La CCSN, l’AIEA et le secteur
nucléaire canadien ont obtenu cette conclusion élargie en raison
de l’effort considérable qu’ils ont consenti pendant cinq ans.
Mais nous savons que l’effort nécessaire pour la maintenir
ne sera pas le même.
Le travail à faire pour mettre en œuvre une approche étatique
et intégrée en matière de garanties au Canada est considérable
et exigera l’action concertée de la CCSN, de l’AIEA et du secteur
nucléaire canadien. Cette importante entreprise se fera étape
par étape, selon les priorités établies et en fonction des
ressources disponibles.
La CCSN estime que le Canada doit faire davantage pour renforcer
sa capacité à convaincre l’Agence et à assurer aux Canadiens
que les matières nucléaires au Canada sont bien comptabilisées
et servent uniquement à des fins pacifiques. La création de
la Direction générale de la sécurité et des garanties est un
pas en avant sur la voie de l’intégration des divers éléments
de notre mandat concernant la sécurité dans notre programme
opérationnel.
Dans le cadre de ce travail, qui constitue déjà une priorité pour
le pays, la CCSN doit être mieux placée pour contribuer à la
sécurité nationale. Des initiatives comme le nouveau règlement
sur la sécurité des installations nucléaires et notre travail
de contrôle des sources radioactives nous y aident.
Conclusion : Un pas en avant
Permettez-moi de terminer par quelques observations finales.
Comme je l’ai déjà noté, l’AIEA fêtera, l’an prochain, son
50e anniversaire.
Nous savons tous que l’important travail d’assurer l’utilisation
pacifique de l’énergie nucléaire se déroule maintenant dans
un monde plus complexe que celui de 1957. Les technologies
sont plus complexes, et le nombre d’installations à réglementer
est bien plus grand. De plus, ce travail va bien au-delà de
situations comme celle de la Corée du Nord, aussi grave soit-elle.
En 1957, on s’inquiétait peu de la possibilité de menaces nucléaires
de la part d’acteurs non étatiques.
On ne saurait trop souligner l’importance et la pertinence
du régime des garanties dans le monde complexe et changeant
d’aujourd’hui.
L’amélioration du régime des garanties ne doit pas reposer
uniquement sur les épaules de l’AIEA. Les États doivent faire
leur part et améliorer constamment leurs cadres de réglementation,
d’une part, pour faire preuve d’efficacité, d’efficience ainsi
que d’ouverture et de transparence devant leurs populations,
et d’autre part, pour démontrer leur engagement et leur soutien
au régime des garanties.
Des progrès doivent être accomplis, et de meilleurs résultats
obtenus, autant sur le plan national qu’international. L’AIEA
et les États doivent être en mesure de réagir en appliquant
les leçons apprises lors des vérifications antérieures et en
se dotant de nouvelles technologies.
Je peux vous assurer que le Canada s’attache à renforcer sa
propre capacité nationale de vérification. La Commission canadienne
de sûreté nucléaire veut que le Canada dispose d’une solide
approche intégrée de vérification de la conformité, comprenant
un système national de vérification.
Le bon fonctionnement de cette approche, dans un pays ou sur
le plan international, repose sur un processus décisionnel
objectif et éclairé par le risque, sur des démarches efficaces,
transparentes et bien définies, permettant de dégager des conclusions,
et sur la diffusion régulière des résultats aux parties intéressées.
Une plus grande transparence ne peut que nous aider à cet égard.
Les organismes de réglementation nationaux qui sont responsables
de l’application des garanties et de la vérification doivent
agir de façon efficace et efficiente.
Nous pouvons procéder de différentes façons. Nous disposons,
par exemple, de deux moyens qui donnent de bons résultats :
l’analyse comparative des pratiques exemplaires auxquelles
ont recours d’autres pays, et l’autoévaluation par rapport
aux lignes directrices de l’AIEA concernant le système de comptabilité et
de contrôle des matières nucléaires de l’État – qui est la
norme internationale pertinente.
De plus, le Service consultatif sur les systèmes nationaux
de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires, récemment établi
par le Secrétariat, représente un pas important sur la voie
de l’amélioration. Ce nouveau processus international d’examen
par les pairs permet aux organismes concernés de recevoir des
conseils d’experts et des recommandations sur la façon d’améliorer
les systèmes. Le Canada se prévaudra de ce service en temps
voulu.
Grâce aux progrès accomplis, à cet égard et à tant d’autres,
l’AIEA sera davantage en mesure de faire plus et mieux au service
des citoyens du monde, alors qu’elle se prépare à assurer,
pendant les cinquante prochaines années, l’utilisation pacifique
de l’atome. Merci.
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