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Ré-évaluation de la Stratégie de l’emploi de l’OCDE
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Decembre 2004 Volume 7 Numéro 2


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Ré-évaluation de la Stratégie de l’emploi de l’OCDE
Du vieux vin dans de nouvelles bouteilles ou un tout nouveau cru?

Stuart Sykes et Kaili Lévesque
Projet de recherche sur les politiquese

Par ses analyses des politiques reposant sur des données probantes, l’OCDE exerce une profonde influence sur la conceptualisation des débats sur les politiques socio-économiques dans les États membres et non membres dans le monde entier. Il importe donc de relever l’intention, dévoilée dernièrement par l’Organisation, de ré-évaluer les hypothèses et principes fondamentaux qui sous-tendent sa Stratégie de l’emploi, un document sur lequel s’appuient depuis dix ans ses Perspectives de l’emploi annuelles.

Cette ré-évaluation des hypothèses de base est essentiellement motivée par les changement d’orientation qu’ont connu les marchés de l’emploi de ses États membres. Il y a dix ans, la Stratégie de l’emploi de l’OCDE a été conçu dans le but de mettre en évidence des réformes destinées à réduire radicalement le chômage persistant au sein des États membres de l’OCDE. À l’époque, on considérait comme essentiel d’apporter d’importantes réformes structurelles concernant la législation sur la protection de l’emploi, les régimes de pension et les aides à l’emploi (comme l’assurance-emploi et les mesures d’intervention sur le marché du travail). Les Perspectives de l’emploi font annuellement le point sur la mise en œuvre de ces réformes et sur l’évolution et les tendances du marché de l’emploi au sein des États membres.

Bien que les préoccupations habituelles relatives à l’emploi, comme le chômage et la stagnation de l’économie, demeurent importantes, il faut aujourd’hui tenir compte, dans l’orientation des politiques, de nouvelles difficultés, notamment le vieillissement de la population. De surcroît, la mise en œuvre de nombreuses ripostes à des défis relevés antérieurement a donné lieu à des changements structurels qui exigent aujourd’hui qu’on les évalue. C’est pourquoi le moment est venu de moderniser la Stratégie de l’emploi de l’OCDE.

Ces revirements socio-économiques ne sont cependant pas les seuls éléments motivant le changement. Depuis des années, les analystes se préoccupent du fait que de nombreux organismes, dont l’OCDE, ne parviennent pas à combler les lacunes de leurs diagnostics ni à prendre bonne note des perturbations socio-économiques négatives pouvant résulter des politiques qu’ils prescrivent. Par ailleurs, les approches fondées sur une vue étroite des lois du marché, adoptées fréquemment par de nombreuses organisations internationales sont de plus en plus remises en cause. À mesure que le temps passe, il devient de plus en plus difficile d’ignorer ces critiques.

Des thèmes émergents à examiner

L’édition 2004 des Perspectives signale un certain nombre d’enjeux préoccupants. Une des grandes préoccupations que la Stratégie doit examiner est l’augmentation prévue des rapports de dépendance susceptibles de résulter du vieillissement de la population. Si l’urgence de cet enjeu varie d’un pays à l’autre, l’OCDE met principalement l’accent sur la hausse de l’emploi pour résoudre ce problème.

L’édition actuelle de la Stratégie de l’emploi et les éditions antérieures des Perspectives n’ont pas complètement négligé cet enjeu. Les groupes sur lesquels concentrer les réformes dans ce domaine demeurent essentiellement les mêmes, soit les personnes actuellement exclues du marché de l’emploi (les femmes, les travailleurs peu spécialisés et les jeunes), dont l’emploi pourrait compenser les coûts du vieillissement des sociétés.

Jamais auparavant, cependant, n’a-t-on donné autant de poids à cette entreprise difficile dans l’analyse. Trois autres changements de philosophie fondamentaux ressortent également des thèmes du processus de révision de l’OCDE, qui donnent à penser que la nouvelle Stratégie pour l’emploi pourrait s’écarter sensiblement du document actuel.

Une étude plus poussée des enjeux du côté de la demande

Alors que les prescriptions de politiques contenues dans l’édition actuelle de la Stratégie et les éditions antérieures des Perspectives étaient centrées sur la gestion de l’offre de main-d’œuvre (par le biais de l’éducation, d’avantages plus restreints, etc.), les auteurs de l’édition 2004 des Perspectives soutiennent qu’il faut aussi s’occuper de la qualité des emplois (les niveaux de salaires, les avantages sociaux, etc.). Cette reconnaissance des enjeux propres à la demande, qui a pour effet réel d’accroître l’attrait et la valeur de l’emploi pour les particuliers, constitue un revirement majeur par rapport aux anciennes approches.

Une meilleure compréhension de la pertinence des objectifs sociaux

Pour la première fois peut-être, l’OCDE reconnaît explicitement dans l’édition 2004 des Perspectives qu’il faut concilier les mesures visant à améliorer l’emploi avec des objectifs sociaux, liés à des préoccupations concernant la sécurité d’emploi, l’équilibre travail-famille et l’écart grandissant du revenu. Ce virage est le reflet des dilemmes auxquels font face des États aux prises avec un large éventail de problèmes sociaux et économiques. En ajoutant cette dimension, l’OCDE reconnaît également qu’une partie des recommandations de politiques qu’elle a faites dans le passé pourrait avoir des effets sociaux néfastes. Ainsi, l’OCDE note que la hausse de la précarité des emplois est en partie attribuable aux nombreuses réformes apportées à la législation sur la prestation de l’emploi dans ses pays membres au cours des années 1990.

L’accroissement de la sensibilité aux différents contextes économiques au sein des pays membres

Reflétant en partie les deux virages notés ci-dessus, l’OCDE reconnaît la nécessité de mieux comprendre les complémentarités et les interactions entre les politiques afin de comprendre pourquoi, en dépit de contextes et d’institutions politiques différents, de nombreux pays obtiennent des résultats semblables sur le plan de l’emploi. Par la suite, à l’encontre de l’édition actuelle de la Stratégie, qui propose, dans la pratique, un ensemble unique de modalités et d’objectifs institutionnels pour tous les États, on reconnaît désormais que d’autres trains de mesures tenant compte de la situation et des objectifs propres à chaque État pourraient se révéler plus efficaces.

Ces thèmes ne sont pas survenus du jour au lendemain. On y a fait brièvement allusion en 2003, ce qui semble indiquer un manque d’appréciation de leur pertinence plutôt qu’une ignorance de leur existence. Le fait que ces thèmes figurent dans l’édition 2004 des Perspectives témoigne toutefois d’une modification des critères de mesure des anciennes politiques et des propositions futures. L’édition 2004 diffère donc fortement des précédentes et renferme des analyses portant sur un certain nombre d’enjeux sociaux importants pour la question de la pauvreté, notamment, les écarts salariaux, la qualité de l’emploi et le fait de rendre le travail plus payant.

Aller de l’avant : enjeux et options

En insistant davantage sur des questions comme le vieillissement de la population et la nécessité de modalités de travail souples, l’OCDE doit décider quelles conceptualisations d’emploi demeurent appropriées et lesquelles exigent une révision en profondeur pour conserver leur pertinence. La mesure dans laquelle l’OCDE y parviendra au cours du processus de révision s’étendant sur deux ans sera déterminante pour l’originalité et la pertinence de sa nouvelle stratégie de l’emploi par rapport aux défis et enjeux décrits ci-dessus.

Dans l’édition 2004 des Perspectives, c’est l’accès au marché de l’emploi qui demeure le principal élément d’analyse. Les groupes cibles demeurent les mêmes et les politiques d’activation demeurent un élément essentiel des prescriptions de politiques visant à résoudre le problème du sous-emploi. Cette importance conférée à l’activation semble encore limitée par l’hypothèse sous-jacente selon laquelle l’exclusion du marché de l’emploi est une question de choix individuel. Les obstacles structurels à la participation, comme le manque de garderies, demeurent des éléments marginaux de l’analyse. En dépit des thèmes motivant la révision, le diagnostic fondamental et l’approche sous-jacente au rapport semblent demeurer essentiellement les mêmes.

Il existe cependant d’autres signes de l’existence de grands changements analytiques. Même si les personnes exclues du marché de l’emploi demeurent le groupe cible prioritaire, on a apporté de légères modifications à la définition des politiques de l’emploi et un changement de perspective relativement aux questions à aborder, comme l’offre et la demande d’emploi. On a aussi repensé le rôle de la formation et de l’éducation. On a repositionné le rôle de l’éducation, qui n’est plus perçue comme une solution miracle pour augmenter l’aptitude individuelle au travail, au sein d’une approche d’apprentissage permanent. Cette approche vise à contribuer à l’atténuation des effets sur le marché de l’emploi du vieillissement de la main-d’œuvre, à l’amélioration de la sécurité d’emploi (voire du maintien dans un emploi particulier), à l’atténuation de la vulnérabilité aux écueils de la précarité de l’emploi et à répondre à un certain nombre d’autres défis socio-économiques. En bref, l’éducation est désormais perçue comme une approche multidimensionnelle destinée à combler un certain nombre de besoins socio-économiques plutôt que strictement destinée à l’employabilité.

Ce sont là des virages importants, qui expliquent en partie pourquoi la perception de la version 2004 des Perspectives est si différente de celle des éditions précédentes. Toutefois, deux autres virages philosophiques méritent également qu’on s’y attarde.

La perception de la qualité de l’emploi va désormais au-delà des gains

Dans les éditions antérieures des Perspectives, la qualité de l’emploi reposait sur deux indicateurs : l’occupation d’un emploi et le niveau de revenu qu’on en tire. Il est cependant devenu évident que cette approche ne tient pas compte de facteurs comme la satisfaction à l’égard de l’emploi, l’équilibre travail-famille et le rôle de l’emploi pour atteindre des objectifs individuels et sociaux. Dans l’édition 2004 des Perspectives, on reconnaît l’existence de nombreux objectifs individuels concurrents qui ne sont pas mutuellement exclusifs, comme arriver à occuper un emploi rémunérateur tout en ayant une famille et en prenant part à des activités communautaires.

Tous ces objectifs ne sont pas quantifiables, pas plus qu’ils ne contribuent tous à la compréhension traditionnelle des avantages tirés d’un emploi. Néanmoins, ils sont désormais reconnus et l’OCDE s’est engagée à ce que sa stratégie vise partiellement à rendre le travail plus souple et attrayant pour une plus grande partie de la population, notamment les aînés.

La qualité de vie signifie davantage qu’occuper un emploi

Le rôle de l’emploi au sein de la société et dans l’existence d’une personne a connu un virage fondamental. Si, autrefois, on considérait les niveaux globaux d’emploi et les niveaux moyens de revenu comme des indicateurs valables de la performance globale du marché de l’emploi, le diagnostic posé dans l’édition 2004 des Perspectives ne va pas dans ce sens. Le marché de l’emploi est plutôt perçu comme un aspect de la structure socio-économique d’un pays parmi d’autres, et un emploi comme une partie seulement de l’existence d’une personne. Ce virage fondamental entraîne une perspective souvent entièrement nouvelle des anciennes approches des politiques.

Par exemple, bien qu’un programme de formation destiné aux parents seuls ne les amène pas directement à occuper un emploi rémunéré, on reconnaît aujourd’hui que cela peut déboucher sur des améliorations sur le plan d’objectifs sociaux plus vastes, comme des gains en matière de capital social et de participation à la vie communautaire. À l’heure actuelle, on ne peut quantifier ces objectifs de la même manière que les indicateurs traditionnels comme le revenu et l’emploi, mais l’OCDE est consciente de l’importance de comprendre que l’atteinte d’objectifs sociaux plus vastes est en soi une réussite sur le plan des politiques.

Conclusions

Il ne fait aucun doute que les nouveaux thèmes de recherche diagnostique mentionnés plus haut commencent à prendre de l’importance. On constate des changements manifestes, surtout concernant les hypothèses et approches en grande partie sous-jacentes à la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi et aux éditions antérieures des Perspectives de l’emploi. Si l’édition 2004 des Perspectives semble retenir de nombreux aspects de la Stratégie actuelle, il ne faut pas y voir une preuve concluante qu’il ne s’agit que de jeter de la poudre aux yeux. Personne ne devrait souhaiter la mise au rancart des travaux diagnostics et analytiques solides uniquement parce qu’ils sont passés de mode.

La grande difficulté de la révision résidera dans l’équilibre à trouver entre l’ancien et le nouveau. Si le document doit conserver sa cohérence, les idées retenues devront demeurer en harmonie avec les thèmes diagnostics émergents. Jusqu’à quel point l’OCDE y parviendra-t-elle? Cela déterminera si la Stratégie de l’emploi qui sera publiée dans deux ans sera véritablement un nouveau cru ou s’il ne s’agira que du même vin dans de toute nouvelles bouteilles.

Stuart Sykes et Kaili Lévesque sont agents de recherche en politique au Projet de recherche sur les politiques.

 

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Aperçu de la recherche sur les politiques publiques


 

Mis à jour:04/01/2005

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