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Juges de la Cour
Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, C.P.
À l’occasion de la 2e Conférence internationale
sur la formation de la magistrature
Le 1er novembre 2004
Chers consœurs et confrères, Mesdames et Messieurs,
Aujourd’hui même, quelque part au Canada, une nouvelle juge revêt
la toge de magistrat pour la première fois. Elle s’apprête à gagner
son siège pour entendre sa première cause. Elle éprouve
une immense fierté. Il y a quelques semaines, à l’annonce
de sa nomination, elle a reçu des lettres et des coups de téléphone
d’amis, de parents, de collègues. Tous tenaient à la féliciter, à lui
offrir leurs meilleurs vœux pour cette nouvelle étape de sa vie.
Mais aujourd’hui, en gravissant les marches de la tribune, peut-être
se sent-elle un peu dépassée par l’ampleur de la tâche
qui l’attend. Tout à coup, ses compétences juridiques,
son expertise, les années où elle a exercé la profession
d’avocate, tout cela ne lui semble peut-être pas suffisant. Elle
est désormais juge — autrement dit, elle doit porter un jugement
sur d’autres personnes, et c’est tout simplement la chose la plus
difficile à faire.
Décider du sort d’autrui n’a assurément rien d’ardu
en soi. Des milliers de gens prennent sans éprouver le moindre doute
des décisions fondées sur des préjugés et des convictions
non éprouvées, et il est on ne peut plus facile de rendre des
décisions arbitraires. Le premier imbécile venu est en mesure
de trancher des litiges en ne s’appuyant sur aucune règle, aucun
principe, ou sans tenir compte de la situation véritable des personnes
dont il scelle le destin.
Mais de telles décisions n’ont aucun rapport avec la fonction
de juge. Elles ne constituent pas des jugements au sens où les juges
l’entendent. Rendre jugement, porter un jugement sur autrui, cela revêt
une signification bien particulière pour nous. Rendre jugement, ce n’est
pas aussi simple que prendre une décision. Juger est un geste significatif,
qui exige une attention particulière, et un respect des règles
et des principes du droit. C’est un geste qui exige des qualités
d’humanité et de compassion. Il faut se défaire de ses
préjugés, de ses convictions non éprouvées. Consciente
de cette responsabilité écrasante, notre nouvelle juge ne peut
s’empêcher, pendant un moment, de se demander si elle sera en mesure
de répondre à toutes ces attentes.
Être juge, c’est aussi faire partie d’une institution qui
revêt une importance incalculable pour la liberté et le bien-être
des citoyens. C’est participer à quelque chose de plus vaste,
et donner forme à une institution porteuse de promesses de justice et
de liberté. Les juges, sur le plan individuel, et les tribunaux, en
tant qu’institutions, jouent un rôle central dans la vie publique.
L’existence d’institutions judiciaires fortes et indépendantes
garantit que le pouvoir gouvernemental est exercé en conformité avec
le droit. Elles symbolisent la neutralité de l’État et
sa capacité à rendre la justice sans égard à la
race, à la religion ou aux croyances. Des institutions judiciaires empreintes
de sagesse forment un espace commun accessible à tous, un lieu où les
gens peuvent régler paisiblement leurs conflits, où les mots,
les règles et les idées se substituent aux poings, aux armes, à la
violence. C’est à cette aune qu’on apprécie un système
de justice authentique. Et chaque nouvelle juge se demande inévitablement,
au moment de sa nomination, dans quelle mesure elle pourra contribuer à la
réalisation de cet objectif fondamental.
La nouvelle juge dont je parlais il y a un instant, cette femme qui préside
maintenant un tribunal quelque part au Canada, a des consœurs et des confrères,
non seulement dans les institutions judiciaires de son propre pays, mais aux
quatre coins du monde — de nouveaux juges comme elle, qui ressentent
la même fierté, les mêmes appréhensions. Certains
d’entre eux doivent relever des défis bien plus redoutables que
les juges canadiens. Leurs connaissances en droit sont peut-être limitées,
ou encore ils n’ont pas accès aux livres et autres outils d’apprentissage.
Ou bien ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour assurer le fonctionnement
correct d’une salle d’audience. D’autres vivent dans une
société marquée par l’oppression, sous le joug de
gouvernements désireux de contrôler leurs décisions ou
de remettre en cause leur autorité. Mais où qu’ils travaillent
et quelle que soit leur situation, tous et toutes ont une chose en commun avec
la nouvelle juge canadienne : partout dans le monde, les juges ne peuvent éviter
de se fixer un programme de formation continue. Ceux et celles qui font partie
de cette communauté des juges, où qu’ils se trouvent de
par le monde, partagent cette soif d’apprendre. Chaque juge reconnaît
la nécessité de bâtir sa carrière à partir
d’un véritable programme d’apprentissage. La formation des
juges constitue, dans tous les pays, un élément essentiel à la
qualité des institutions judiciaires.
Ce matin, j’aimerais parler du rapport entre la formation des juges
et quelques-uns des grands défis de gouvernance auxquels nous faisons
collectivement face, en tant qu’êtres humains. Loin de moi l’idée
qu’il suffirait d’améliorer cette formation pour mettre
un terme aux conflits mondiaux, éradiquer la pauvreté, stopper
la propagation de maladies mortelles, restaurer notre environnement. Mais à mon
sens, la formation judiciaire est susceptible de promouvoir et de favoriser
le respect de la primauté du droit, et de permettre une compréhension
mutuelle entre des gens qui se rencontrent dans un monde de plus en plus diversifié.
Tels sont les principaux défis de la gouvernance aujourd’hui.
J’aborderai chacun d’eux, puis j’essaierai de voir quel peut être
l’apport de la formation des juges à cet égard.
Le premier défi auquel nous sommes confrontés est celui d’assurer
le respect de la primauté du droit, dans nos pays respectifs et à l’échelle
mondiale. La primauté du droit est une notion polymorphe, dont les définitions
sont nombreuses. Ici, au Canada, on a pu la définir comme «un
sens de l'ordre, de la sujétion aux règles juridiques connues
et de la responsabilité de l'exécutif devant l'autorité légale».1 Cela
signifie qu’il existe un seul et même droit pour tous, et que toute
la puissance publique doit trouver sa source ultime dans une règle de
droit. Cela signifie aussi que toute action gouvernementale doit être
conforme au droit, y compris à la Constitution. Cela signifie, enfin,
que les détenteurs de la puissance publique doivent rendre des comptes à un
ordre judiciaire indépendant et impartial. Des institutions judiciaires
efficaces, réceptives et indépendantes qui contrôlent l’exercice
du pouvoir étatique, des autorités étatiques qui se conforment
aux décisions judiciaires, voilà des composantes essentielles
d’un pays où règne la primauté du droit.
Quelle que soit la forme de nos systèmes de gouvernement respectifs,
le respect de la primauté du droit et de l’autorité de
juges solides et indépendants est une caractéristique indispensable
d’une gouvernance légitime. Aucun compromis n’est admissible à ce
chapitre, et ce principe doit être constamment réaffirmé.
Là où il est menacé, il faut chercher à asseoir
la primauté du droit; là où il est bien établi,
il faut le protéger jalousement. Mais dans les deux cas, les juges sont
les principaux défenseurs de la primauté du droit, et leur formation
est la meilleure ressource dont nous disposions pour nous soutenir les uns
les autres dans ce rôle.
Le deuxième grand défi lié à la gouvernance, s’agissant
des juges, est celui du pluralisme. À l’aube du 21e siècle,
maints pays ont connu de profondes transformations démographiques. Le
Canada, par exemple, est devenu une société multiethnique et
pluraliste. Un Canadien sur cinq est né dans un pays étranger.
Près de la moitié des habitants de centres urbains comme Toronto
et Vancouver sont arrivés au Canada comme immigrants. Le pourcentage
des minorités visibles au Canada a triplé au cours des vingt
dernières années.
Le Canada n’est pas le seul pays où l’on observe ce phénomène. À une époque
pas si lointaine, la vaste majorité des gens finissaient leurs jours
là où ils étaient nés. Tel n’est plus le
cas. Avec la mondialisation, les déplacements entre pays sont devenus
courants. Et du fait de l’accélération des changements
démographiques, un grand nombre de gens se retrouvent installés
dans des pays et des collectivités tout à fait différents
de ceux où ils avaient vu le jour. C’est ainsi qu’un grand
nombre d’entre nous appartenons à des collectivités culturellement
hétérogènes.
Dans bien des pays, la diversité ethnique est un résultat de
l’histoire. Sur le continent africain, des tribus différentes
coexistent à l’intérieur de frontières géographiques
tracées au fil du temps, parfois au mépris des réalités
démographiques. En Asie, la présence de plusieurs groupes ethniques
au sein du même pays est courante. Partout, de l’Amérique
du Nord et de l’Amérique du Sud à l’Australie et à la
Nouvelle-Zélande, les premières nations et les populations autochtones
partagent la terre avec des colons d’origine européenne. Et pour
compliquer encore la donne, la facilité des communications à l’échelle
du globe a facilité la diffusion des idées, superposant la diversité indigène
et ethnique à des valeurs religieuses et culturelles mondiales.
C’est un monde où l’on se trouve quotidiennement face à la
différence, un monde dans lequel on est constamment mis en présence
de l’autre, différent par la race, le sexe, la religion ou les
croyances. Pour reprendre les mots de Kofi Annan, Secrétaire général
des Nations Unies, [Traduction] «Chacun de nous a le droit d’être
fier de sa foi et de la culture à laquelle il appartient. Mais l’idée
selon laquelle ce qui est nôtre est nécessairement en conflit
avec ce qui est [différent] est fausse et dangereuse. Elle a été la
cause d’innombrables hostilités et conflits, conduisant les hommes à commettre
les pires crimes au nom d’une puissance supérieure». Kofi
Annan met ensuite en lumière ce qui constitue à mon avis la solution
de ce deuxième défi de la gouvernance, celui du pluralisme et
de la diversité. Je cite :
«Aujourd’hui, même au milieu des conflits ethniques qui
continuent de sévir un peu partout, il est de mieux en mieux compris
que la diversité humaine est tout à la fois la réalité qui
rend nécessaire le dialogue, et le fondement même de ce dialogue.
Nous comprenons, comme jamais auparavant, que chacun mérite pleinement
le respect et la dignité essentiels à notre humanité commune.
Nous reconnaissons que nous sommes les produits de nombreuses cultures, traditions
et mémoires; que le respect mutuel nous permet d’étudier
d’autres cultures et d’en tirer des enseignements; et que nous
devenons plus forts en alliant l’étranger et le familier.»2
J’ai évoqué deux grands défis auxquels nous faisons
face en tant qu’êtres humains : la promotion et la défense
de la primauté du droit, l’adhésion à la diversité.
Permettez-moi maintenant de revenir au rôle du juge, à la fonction
consistant à rendre jugement et à la formation judiciaire.
La nouvelle juge canadienne dont je parlais tout à l’heure exerce
un rôle qui comporte à la fois une dimension personnelle et une
dimension institutionnelle, reliées l’une à l’autre.
La formation des juges, du fait qu’elle porte sur ces deux aspects, peut
favoriser la primauté du droit et une diversité culturelle paisible.
Je m’intéresserai pour commencer à la dimension personnelle
de la formation des juges.
L’objet le plus évident de la formation est la transmission de
connaissances et d’informations. On attend des juges qu’ils connaissent
le droit — ils doivent en fait être des experts en la matière.
Pour de nombreux juges de compétence générale, cela signifie
qu’ils doivent devenir des experts dans tous les domaines du droit. Il
y a bien des années, dans des pays comme le Canada, on croyait que les
nouveaux juges pouvaient se passer de formation. La plupart étaient
des avocats en exercice au moment de leur nomination. Et la plupart, sinon
tous, jugeaient leur expérience d’avocat suffisante pour leur
permettre d’assumer leurs nouvelles fonctions. Ils pensaient aussi que
la sagesse et les compétences requises leur viendraient sans efforts.
Plus personne aujourd’hui ne croit vraiment qu’il est possible
de devenir juge, et de continuer de siéger, sans une formation adéquate.
Nous avons appris combien il peut être ardu de trancher des litiges en
fonction de nouvelles lois sans une compréhension adéquate de
leur objectif et de leur économie. Nous avons appris que les juges peuvent être
appelés à jouer de nouveaux rôles — comme la médiation
et le règlement de différends — qui supposent la maîtrise
de mécanismes et de compétences complexes. Nous avons appris
que les juges peuvent rédiger plus efficacement, et se montrer plus
sensibles aux besoins des parties dans la communication des motifs de jugement.
Nous avons appris que le juge doit être bien au fait des dimensions psychologiques
de la situation de témoin, de partie au litige ou d’avocat dans
l’atmosphère très particulière de la salle d’audience.
En résumé, nous avons appris que, sur le plan des connaissances
et des compétences, être juge n’est pas la même chose
qu’être avocat.
En ce sens, la formation des juges vise à les tenir au courant de l’évolution
du droit, du point de vue de celle ou de celui qui doit donner corps et signification à ces
changements. Dans les pays où il y a des juges non professionnels, il
s’agit de donner une formation juridique de base aux magistrats qui rendent
la justice dans des zones reculées. La formation judiciaire concerne
la transmission de connaissances juridiques distinctives et de compétences
uniques. Le produit de cette formation, le juge formé, celui qui statue
en vertu de la loi, est au service de la primauté du droit. Le juge
formé, celui qui rend la justice rapidement et efficacement, est aussi
au service de la primauté du droit.
Mais la formation judiciaire, comme projet personnel, est loin de se limiter à cela.
Rendre une décision en conformité avec la loi, dans un délai
raisonnable et selon les procédures prévues par la loi, n’est
qu’un aspect de la fonction de juge. La justice doit aussi être
rendue avec réceptivité, en tenant compte du contexte social
et des différents points de vue des parties concernées. Elle
doit en plus être rendue avec impartialité, sans préjugés
ni fausses hypothèses ayant trait à des différences culturelles.
Car dans un monde caractérisé par le pluralisme, dans des collectivités
où la diversité est si répandue, le juge doit se faire
l’interprète de la différence. Il doit devenir celui qui
comprend chaque voix.
Parvenir à cette ouverture d’esprit et la maintenir exige un
effort constant de la part du juge. Toutes et tous, lorsque nous accédons à la
charge de juge, nous avons un passé, un bagage de croyances et d’idées
préconçues, une expérience de vie qui nous est propre.
Nous devons prendre conscience de ces racines, de cette expérience,
de ces idées préconçues, et y prendre garde. La juge doit
apprendre à reconnaître ses propres préjugés et
veiller à ce qu’ils n’interviennent pas dans ses décisions. À l’inverse,
il lui faut aussi apprendre à discerner chez les autres leurs préjugés,
leurs idées préconçues et orientations culturelles, leur
voix particulière et leur façon de voir les choses. Ces éléments,
et d’autres aspects du contexte social, constituent maintenant un volet
important de la formation judiciaire dans bien des pays. Et la juge qui, grâce à cette
formation, est mieux en mesure de bien saisir le contexte social, est une juge
sensible à la différence. C’est une juge au service de
notre projet d’adhésion à la diversité.
Permettez-moi maintenant de passer aux dimensions institutionnelles de la
formation des juges.
J’ai dit tout à l’heure qu’être juge c’est
faire partie de quelque chose de plus important, d’une institution. Selon
moi, la formation des juges devrait aussi jouer un rôle sous ce rapport,
nourrir ce lien avec l’appareil judiciaire au sens large, et avec sa
fonction sociale. Et cela, de deux façons.
En premier lieu, la formation doit favoriser une éthique d’indépendance à l’égard
des pouvoirs politiques, et donner aux juges le courage et les ressources nécessaires
pour exercer le pouvoir qui leur est conféré conformément
au principe de la primauté du droit. Elle devrait leur faire comprendre
clairement leur rôle distinctif de gardiens de cette primauté,
de décideurs impartiaux et objectifs exerçant une autorité différente
de celle dont les autres pouvoirs de l’État sont investis. Et
pour cette raison, la formation des juges devrait relever du judiciaire et
disposer d’un budget indépendant.
En second lieu, cette formation devrait inspirer une éthique de neutralité culturelle.
Les tribunaux doivent être des lieux neutres, des symboles visibles d’une
interaction pacifique. Des lieux où l’on respecte et fait prévaloir
la dignité de chaque être humain, indépendamment de la
race, du sexe ou de la religion. Les tribunaux devraient constituer un espace
commun où l’on peut rencontrer la différence sans risquer
de perdre son identité distinctive. Pour qu’ils soient en mesure
de jouer ce rôle symbolique, chaque juge doit apprendre à accepter
pleinement la diversité, et la formation relative au contexte social
doit faire partie intégrante de tout programme de formation judiciaire.
Pour cette raison, la formation elle-même devrait prendre en compte la
diversité sociale, et le pouvoir judiciaire lui-même devrait refléter,
en gros, la diversité de la collectivité.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons disposer de programmes dynamiques
de formation des juges dans nos pays respectifs. Ici au Canada, nous avons
eu la chance d’obtenir l’appui de divers paliers de gouvernement
dans le cadre d’initiatives de formation. Au cours des 18 dernières
années, l’organisation que je préside, l’Institut
national de la magistrature, est devenu la principale source pour la coordination,
l’élaboration et la réalisation de programmes de formation
destinés à tous les juges canadiens. Il a ainsi acquis une expertise
remarquable en matière de droit substantiel, d’aptitudes judiciaires
et de contexte social, et travaille en ce moment à des idées
novatrices touchant la formation à distance et par ordinateur. Le corps
judiciaire canadien a réservé un accueil enthousiaste à ces
programmes, et chaque juge reçoit maintenant en moyenne 10 jours de
formation par année.
Partout dans le monde, les programme de formation judiciaire se multiplient.
La présence ici de représentants de 90 pays (soit près
de la moitié de la totalité des États de la planète)
montre bien que cette formation est un objectif important. Ces dernières
années, mon poste de juge en chef du Canada m’a conduite dans
bien des pays. Et partout où je vais, une des priorités des projets
de réforme du droit consiste dans la mise sur pied d’une formation
professionnelle efficace pour les juges. Partout, les juges réaffirment
l’urgence d’établir des structures appropriées dans
ce domaine. Et je suis frappée de voir apparaître des solutions
novatrices et des idées originales dans des pays aux ressources limitées.
Partout dans le monde, des juges continuent, malgré les embûches, à travailler à l’essor
de leur système de justice, à travers de multiples initiatives
de formation.
Cet intérêt croissant pour la formation doit être soutenu.
Votre présence ici et votre participation ne doivent pas rester lettre
morte. Ce que j’ai constaté en observant des programmes de formation
judiciaire à travers le monde, c’est que nous avons beaucoup à apprendre
les uns des autres. Cette conférence est donc une occasion unique pour échanger,
nouer des liens. On ne reverra pas souvent réunis ainsi les principaux
responsables de la formation judiciaire, venus des quatre coins du monde. Je
vous invite instamment à en profiter, pendant les cinq prochains jours,
pour former des partenariats, établir des liens entre tribunaux, entre
organisations et entre pays.
Et surtout, je vous engage à nouer des liens et des amitiés
avec vos consœurs et confrères rassemblés ici. Je reviens,
en terminant, à cette nouvelle juge qui commence aujourd’hui à exercer
ses fonctions et qui doit pour la première fois siéger, entendre
des témoins et des avocats. Sans doute ressent-elle de la fierté,
peut-être aussi a-t-elle un peu d’appréhension. Mais jamais
elle ne devrait éprouver un sentiment de solitude. Car tous et toutes,
d’où que nous venions, nous avons des choses en commun. Nous avons
tous et toutes senti le poids de la fonction judiciaire, compris le privilège
et la responsabilité inhérents au fait de travailler au service
du bien public. Apprenons les uns des autres à mettre à profit
notre savoir collectif pour que la prochaine génération puisse
compter sur de meilleurs juges.
_____________________
Notes
1. Renvoi relatif à la sécession du
Québec [1998] 2 R.C.S. 217, par. 67.
2. Kofi Annan, lauréat du prix Nobel de la Paix
en 2001, discours du prix Nobel, 10 décembre 2001.
Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, C.P.
Juge en chef du Canada
2e Conférence internationale
sur la formation de la magistrature
Ottawa, Ontario
Le lundi 1er novembre 2004
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