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Juges de la Cour
Notes d'allocution de la très honorable Beverley McLachlin, C.P.
Conseil de l'Association du Barreau canadien
Le 14 août 2004
Bonjour mesdames et messieurs! C’est avec grand plaisir que je m’adresse
aujourd’hui au Conseil de l’Association du Barreau canadien. Il
s’agit pour moi d’un moment privilégié où il
m’est permis de passer en revue l’année écoulée
et de faire état de certains des principaux défis qui se posent à la
Cour.
Au cours des douze derniers mois, il s’est passé bien des choses à la
Cour suprême du Canada, et comme tout cela a été rapporté,
analysé et étudié en profondeur, je crains de ne pouvoir
vous annoncer rien qui pourrait vous surprendre. Je pense pouvoir affirmer à juste
titre que la Cour, ses juges et le rôle de la Cour dans la vie publique
au Canada ont attiré l’attention cette année plus que jamais
auparavant.
Deux de mes collègues ont maintenant quitté la Cour. On ne
saurait dire que malgré le départ de personnes aussi extraordinaires
que le juge Frank Iacobucci et la juge Louise Arbour, la vie continue tout
comme avant. Tous deux apportaient aux travaux de la Cour une contribution
inappréciable, et leur absence est très perceptible. Certes,
leur remplacement est une des principales questions qui ont capté l’attention
du public, et vous me permettrez d’aborder brièvement ce sujet.
Dans l’ensemble, les membres de la magistrature n’ont pas participé au
débat public au sujet de la meilleure façon de procéder
aux nominations à la Cour suprême. Les juges sont restés
silencieux, ou peut-être prudents, mais ce n’est pas par manque
d’intérêt. Il s’agit d’une question qui nous
touche de très près, qui tient à l’essence même
de l’indépendance de la magistrature. Je ne dis pas que les juges
s’opposent à toute réforme du mode actuel de nomination à la
magistrature. Pour les juges canadiens, la nomination de nouveaux juges à la
Cour suprême doit avoir comme objectif le plus important de veiller à ce
que seules les personnes les plus méritoires soient choisies, indépendamment
de toute considération politique ou idéologique. Cette condition
est essentielle pour maintenir la confiance du public. Cette confiance repose
sur la conviction que seuls les juristes les plus compétents et les
plus farouchement indépendants sont appelés à siéger à la
Cour suprême du Canada. Quel que soit le mode de nomination des juges,
cette fin doit être la seule recherchée.
Au cours de l’année écoulée, je suis intervenue à l’occasion
dans le débat, en ma qualité de Juge en chef du Canada, pour
réaffirmer le principe que les nominations doivent continuer à reposer
uniquement sur le mérite, d’une manière qui ne laisse aucun
doute au sujet de l’indépendance et du rôle distinct de
la magistrature dans notre démocratie constitutionnelle. À mon
avis, dès lors que ce principe essentiel est respecté, il appartient à l’ensemble
des citoyens canadiens, représentés par leurs députés,
d’examiner et de fixer dans le détail le mode de nomination à la
magistrature.
Incidemment, je tiens à signaler ici la contribution remarquable de
l’Association du Barreau canadien à cet important débat.
L’ABC et son président, M. William Johnson, ont travaillé sans
relâche pour proposer des réformes novatrices, pour corriger des
hypothèses erronées concernant le rôle de la Cour suprême,
et pour appuyer le principe d’une magistrature indépendante du
Parlement et du Cabinet. Ce débat a fait ressortir le rôle unique
que joue votre Association dans la vie politique de notre pays, et je vous
encourage à poursuivre vos efforts en ce sens.
Partout au Canada, le débat public sur cette question a progressé dans
un sens qui me rassure, car je constate l’émergence d’un
vaste consensus selon lequel la nomination des juges à la Cour suprême
ne doit pas devenir un prolongement de la politique partisane. Un des aspects
positifs de toutes ces discussions est que maintenant, les Canadiens comprennent
mieux le rôle de la Cour et la responsabilité qui lui incombe
de donner un sens concret à nos droits constitutionnels abstraits. Et
je pense que dans l’ensemble, ces Canadiens mieux informés reconnaissent
qu’il est nécessaire de confier à une institution distincte
la tâche d’assurer le respect de la Constitution et d’évaluer
les choix politiques de notre nation en regard de ses valeurs les plus fondamentales.
Le débat continue d’avancer. Je suis reconnaissante aux partis
politiques du Canada qui, dans leur démarche, continuent d’agir
de façon responsable en affirmant que la Cour suprême est une
institution essentielle dans notre pays démocratique. Je souhaite ardemment
que nous puissions accueillir sous peu deux juges éminents comme membres
de la Cour. Au vu des différentes étapes préalables à ces
nominations, les Canadiens auront la certitude que la Cour suprême demeure
le défenseur indépendant du droit et de la Constitution au pays.
Avant de terminer, je tiens à exprimer encore une fois ma préoccupation,
et la préoccupation de bien des juges, au sujet de l’état
actuel de notre système de justice pénale. Lors de notre rencontre
l’an dernier, j’ai abordé un certain nombre d’aspects
de la justice pénale qui deviennent de plus en plus inquiétants.
L’arriéré et la lenteur du système nous préoccupent
toujours, et la procédure du procès devant jury, une des pierres
angulaires de notre tradition juridique, continue de susciter la discussion
au Canada, tout comme c’est le cas dans les pays du Commonwealth et partout
aux États-Unis. Vous savez déjà que le Conseil canadien
de la magistrature a publié cette année des Modèles de
directives au jury rédigées en langage clair qui peuvent servir à diverses étapes
des procès criminels, et il est tout disposé à collaborer à toute
activité visant à améliorer l’administration de
la justice pénale au Canada. Les Canadiens continuent à évaluer
la plupart des éléments de notre système de justice à partir
de ce qu’ils lisent dans les journaux et de ce qu’ils voient à la
télévision, et la santé de notre système de justice
pénale est un des principaux facteurs du maintien de la confiance du
public.
Je vous remercie.
Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, C.P.
Juge en chef du Canada
Conseil de l'Association du Barreau canadien
Winnipeg, Manitoba
Le samedi 14 août 2004
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