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Juges de la Cour
Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, C.P.
Cérémonie de prestation de serment
de l'honorable Rosalie Silberman Abella et de l'honorable Louise Charron
Le 4 octobre 2004
Distingués invités, chers amis, il me fait grand plaisir de
vous souhaiter la bienvenue ce matin à la Cour suprême du Canada.
Se sont joints à nous en cette journée très spéciale
les personnalités suivantes :
- L’honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur
général du Canada
- L’honorable Michael Bryant, ministre de la Justice et procureur
général
de l’Ontario
- Mme Susan McGrath, présidente de l’Association du
Barreau canadien
-
M. Frank Marrocco, trésorier du Barreau du Haut-Canada.
Ces personnes sont venues transmettre leurs voeux aux deux nouveaux membres
de la Cour suprême du Canada, l’honorable Rosalie Silberman Abella
et l’honorable Louise Charron.
Je voudrais souhaiter une bienvenue toute particulière aux anciens
juges de la Cour suprême du Canada qui sont parmi nous ce matin :
- Le très honorable Antonio Lamer, ancien juge en chef du Canada
et l’honorable Danièle Tremblay-Lamer
-
L’honorable Bertha Wilson et le révérend Wilson
- L’honorable Claire L’Heureux-Dubé
-
L’honorable Charles Doherty Gonthier et la docteure Mariette Morin-Gonthier
-
L’honorable Frank Iacobucci et Mme Nancy Iacobucci
Nous sommes également honorés d’accueillir parmi nous,
comme invités très spéciaux, Son Excellence David Reddaway,
le Haut-commissaire de Grande-Bretagne au Canada ainsi que le secrétaire
d’État aux Affaires constitutionnelles et lord chancelier du Royaume-Uni,
le très honorable Lord Falconer of Thoroton. Nous sommes également
très heureux d’accueillir, en cette salle d’audience exceptionnellement
comble, de nombreux juges en chef, de nombreux distingués membres de
la magistrature canadienne, des membres de la famille de la juge Silberman
Abella, des membres de la famille de la juge Louise Charron ainsi que leurs
très nombreux amis. Bienvenue à tous et à toutes.
Chers invités, permettez-moi de vous dire quelques mots en ce jour
très important dans la vie des juges Silberman Abella et Charron. Vous
qui êtes dans l’auditoire ce matin, vous partagez sans doute le
rapide battement de coeur et les papillons dans l’estomac qui accompagnent
les rituels comme celui d’aujourd’hui, ces moments chargés
de sens dans la vie d’un individu, ou dans la vie d’une institution.
Pour ceux d’entre nous qui ont vécu cette cérémonie
il y a quelques années, se retrouver vêtus de la toge de cérémonie
et assister à la prestation du serment d’office dans toute sa
solennité nous rappelle d’intenses souvenirs. Pour ma part, je
me souviens à quel point j’étais impressionnée lorsque
je suis entrée dans cette salle d’audience pour la première
fois en tant que membre de la Cour. Des jours comme aujourd’hui, je ressens
encore plusieurs des émotions que j’ai ressenties lorsque j’ai été assermentée
: un profond respect pour la sagesse des âges qui émane de cette
salle; la joie d’être honorée de la confiance des Canadiens;
le désir de répondre aux attentes des autres, et à mes
propres attentes, dans l’exécution d’une tâche difficile;
et l’anticipation de participer, durant de nombreuses années, à une
forme très spéciale de vie intellectuelle collégiale.
Je sais que madame la juge Silberman Abella et madame la juge Charron ressentent
bon nombre de ces émotions alors qu’elles prêtent aujourd’hui
le serment d’office et deviennent juges à part entière
de la Cour suprême du Canada.
Une bonne part des sentiments que nous partageons ce matin s’explique
par l’importance du rôle que joue la Cour suprême dans la
vie du droit au Canada, mais aussi dans la vie des citoyens et citoyennes de
ce pays. La Cour suprême est un acteur crucial dans le discours démocratique
au Canada. Les citoyens canadiens connaissent très bien son rôle
lorsqu’elle statue sur des questions constitutionnelles, lorsqu’elle
définit les limites des compétences respectives du gouvernement
fédéral et des gouvernements provinciaux, et lorsqu’elle
donne une forme concrète aux droits et libertés fondamentaux
garantis dans notre Charte. Cette Cour ne parle pas de sa propre initiative.
Son rôle est plus modeste et consiste à répondre aux questions
juridiques que les Canadiens lui soumettent. Toutefois, les réponses
qu’elle donne à ces questions peuvent avoir des répercussions
importantes. Répercussions sur la vie des citoyens. Répercussions
sur nos institutions publiques. Même si elle intervient peu souvent,
la Cour suprême du Canada joue un rôle essentiel dans notre système
de gouvernance démocratique. Pour toutes ces raisons, quiconque revêt
la toge rouge et devient membre de cette Cour vit une expérience mémorable
et en même temps un exercice d’humilité.
Ceci dit, on oublie parfois que cette Cour est aussi le tribunal de dernière
instance au Canada, l’institution chargée de résoudre les
problèmes les plus épineux du droit canadien, des problèmes
parfois moins médiatiques, mais non moins importants. L’essentiel
du travail de la Cour, celui qui se déroule souvent dans l’ombre,
consiste à préciser les contours de notre système juridique
sur tous les terrains : du droit criminel au droit fiscal, du droit de la famille
au droit commercial, de la régulation des nouvelles technologies jusqu’à l’interprétation
de traités anciens entre les Premières Nations et les pouvoirs
coloniaux au Canada.
Ces rôles fondamentaux de la Cour suprême du Canada, les plus
connus comme les plus obscurs, exigent que l’on nomme des personnes qui
ont fait preuve d’une grande compétence en droit, d’un soutien
indéfectible pour le principe de l’indépendance de la magistrature,
d’une profonde humilité dans l’exercice de leur fonction
judiciaire, d’une capacité d’écouter, de s’identifier
aux autres et, enfin, de décider.
Ce matin, nous sommes des plus heureux d’accueillir parmi nous non
pas une, mais deux savantes juges qui feront bénéficier la Cour
de ces qualités. En tant que Canadiens, nous leur sommes reconnaissants
d’avoir accepté de mettre leurs talents et leur humanité au
service de la Cour et au service de la gouvernance démocratique du Canada.
Nos invités ce matin parleront sans doute des talents exceptionnels
et des qualités personnelles de Rosalie Silberman Abella et de Louise
Charron. Je m’en remets à leur éloquence pour décrire
les forces que ces personnes exceptionnelles apportent à la Cour.
Qu’il me suffise de dire, au nom de mes collègues, combien nous
sommes ravis d’accueillir Rosie et Louise en tant que nouvelles amies
et nouvelles collègues.
La juge Rosalie Silberman Abella nous a montré une personnalité des
plus ouvertes et chaleureuses. Depuis son arrivée qu’elle distribue
généreusement salutations, bises et étreintes. Elle n’a
ralenti que la semaine dernière, lorsqu’elle s’est blessée à un
genou alors qu’elle installait sa photo préférée
de Fred Astaire. Même si nous ayons exhorté Rosie à plus
de prudence, nous ne sommes pas à ce point naïfs pour croire que
des conseils de prudence et une interdiction de monter sur les échelles
la ralentiront pendant très longtemps. Nous nous réjouissons à l’avance
de la grande contribution qu’elle apportera aux travaux de la Cour ainsi
qu’à la justice canadienne dans le nouveau rôle qu’elle
assume désormais.
En la personne de la juge Louise Charron, nous avons découvert une
femme simple et sans prétention, un humour empreint de délicatesse,
et surtout, un sens de l’organisation tout à fait extraordinaire.
La juge Charron a défait ses boîtes, aménagé son
bureau et acheté une maison à Ottawa en quelques jours seulement.
On dit que certains juges ont pris leur retraite de la Cour avant qu’ils
aient pu déballer tous leurs effets. D’autres le font en quelques
mois. Les quelques jours qui ont suffi à la juge Charron doivent être
le record de tous les temps. Elle se prépare maintenant à concentrer
son énergie sur les travaux de la Cour suprême et déjà,
nous avons du mal à la suivre. La semaine prochaine, par exemple, nous
la verrons siéger avec son ordinateur portable, si nous trouvons un
endroit pour le brancher. La juge Charron, par contre, n’a pas besoin
d’être branchée; elle est une source d’énergie
qui alimentera la Cour pour les années à venir.
Permettez-moi d’aborder un autre point au sujet de nos deux juges,
un point que vous avez sans doute déjà remarqué : ce sont
des femmes. Il y a quelques années, à l’occasion du 125e
anniversaire de la Cour, Postes Canada a émis un timbre représentant
les membres de la Cour, composée de cinq hommes et quatre femmes. L’artiste était
manifestement un visionnaire, et sa vision est maintenant réalité. À ma
connaissance, aucune autre cour de justice comparable, ailleurs dans le monde,
n’a autant accompli pour accorder aux femmes voix au chapitre dans ses
délibérations. Je suis fière de ce que, avec la nomination
de Rosalie Silberman Abella et Louise Charron, la composition de la Cour suprême
reflète maintenant beaucoup plus fidèlement la place des femmes
au sein de la magistrature, au sein de la profession juridique et au sein de
la société canadienne en général. Voila une autre
raison qui fait de ce jour un jour mémorable.
Aujourd’hui, le visage de la Cour change. Mais la Cour, l’institution
que mes collègues et moi avons jointe avec tant d’émotion,
se perpétue comme par le passé, transcendant chacun de ses membres.
Chacun de nous contribue par son expérience propre à donner une échelle
humaine à la Cour suprême. Mais comme le montre la cérémonie
de ce matin, les juges de la Cour suprême ne sont que les fiduciaires
du siège qu’ils occupent, chargés d’une responsabilité qui
engage la pérennité de cette institution. C’est donc avec
grand plaisir que j’accueille Rosalie Silberman Abella et Louise Charron
en tant que nouveaux fiduciaires de cette précieuse institution, la
Cour suprême du Canada.
Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, C.P.
Juge en chef du Canada
Cérémonie de prestation de serment de l'honorable Rosalie Silberman
Abella et de l'honorable Louise Charron
Ottawa, Ontario
Le 4 octobre 2004
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