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Conservation

Un restaurateur au travail

Un restaurateur au travail

La plupart des grands musées possèdent un atelier de restauration chargé d’assurer la remise en état, la réparation, la préservation et la conservation des pièces de leurs collections. Ce travail, certes des plus intéressants, est généralement soustrait aux regards du grand public, bien que des articles paraissent de temps à autre sur la restauration de certains objets particuliers. Pour des raisons tout aussi nombreuses que valables, il est normalement impossible de montrer aux visiteurs le déroulement d’un projet de restauration.

Chaque musée s’efforce d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour restaurer les objets dont il fait l’acquisition. Ainsi, tel musée se spécialisera dans la remise en état de peintures, tel autre dans la restauration des amphores et des statues, ou encore dans la réfection des navires à coque de bois enfouis ou engloutis depuis des centaines d’années. L’aéronautique est une science encore jeune, puisque la première ascension d’un ballon sans équipage date de 1782. Pourtant, les pièces de cette époque glorieuse sont très rares, et dans la majorité des collections, les plus anciennes ne remontent qu’à l’avènement des plus lourds que l’air au début du siècle. Comme les objets aéronautiques sont relativement récents, on pourrait croire que leur restauration pose peu de problèmes. Mais tel n’est pas le cas, car s’ils sont extrêmement résistants pour avoir pu supporter les forces aérodynamiques engendrées par le vol, ils sont également légers et particulièrement fragiles, surtout dans les mains d’un profane. Ainsi, peu de pièces ont survécu au ravage du temps et celles qui subsistent nécessitent un travail considérable avant de pouvoir être exposées.

La restauration du Nieuport 17

La restauration du Nieuport 17

La restauration des objets aéronautiques présente des difficultés très particulières. En premier lieu, aucun objet manufacturé ne comporte autant de matériaux différents que les avions. Presque toutes les essences de bois jamais travaillées par l’homme ont été utilisées pour la construction des cellules. Généralement de première qualité, il est souvent très difficile de se les procurer de nos jours, dans la dimension et la longueur voulues. Les avionneurs et les motoristes ont eu recours à presque tous les métaux et aux alliages les plus perfectionnés du moment. Une grande diversité de toiles a servi au revêtement, y compris le lin, le coton, la soie et des tissus synthétiques. Les finitions présentent presque tous les types de vernis, de peinture et d’émaux ainsi qu’une grande variété de liants et d’adhésifs.

Pour restaurer un avion correctement, il faut connaître les caractéristiques de tous ces matériaux ainsi que leur mise en oeuvre et leur conservation. L’atelier de restauration du Musée est normalement en mesure de fabriquer ou de réparer la plupart des pièces. Toutefois, comme il serait onéreux de pourvoir l’atelier d’outils spécialisés qui pourraient ne servir qu’à l’occasion, le Musée confie parfois la fabrication de pièces à des ateliers indépendants.

Il est généralement possible, au prix d’un travail méticuleux, de restaurer, de réparer ou, au besoin, de remplacer les composants d’une vieille cellule, mais le plus difficile est de trouver les pièces d’origine qui manquent, ou qui ont été remplacées au fil des ans par des pièces plus modernes. Le cas échéant, le seul recours consiste à entreprendre de minutieuses recherches.

La plupart des musées sont toujours heureux de recevoir en don des pièces d’appareils désuets, car elles finissent toutes par trouver un usage dans la collection. Les pneus, par exemple, sont particulièrement difficiles à remplacer. Dans bien des cas, les moules d’origine n’existent plus et la confection de nouveaux moules pour couler un seul jeu de pneus est très souvent prohibitive. En général, les pneus équipant les appareils anciens, dont ceux du Musée de l’aviation du Canada ne peuvent plus supporter le poids de l’appareil et doivent être exposés séparément.

L'habitacle du JN-4

L'habitacle du JN-4

Les principes de base établis par le Musée pour son programme de restauration ont guidé la conduite de son premier projet, la remise en état du Curtiss JN-4(Can.) de 1962 à 1964. En bref, ces principes sont les suivants : les pièces doivent être préservées plutôt que restaurées, restaurées plutôt que remplacées et remplacées en dernier recours seulement. Dans toute la mesure du possible, on garde les pièces d’origine, notamment celles en bois. Parfois, pour qu’une pièce d’origine reste utilisable, il faut la renforcer ou la compléter en pratiquant une enture avec un matériau moderne. S’il faut prévoir une pièce de remplacement, celle-ci est réalisée dans le matériau employé à l’origine, suivant un procédé de fabrication rigoureusement conforme à celui de l’époque, même si les techniques modernes faciliteraient bien sûr les choses. L’entoilage des plans et des empennages se fait avec du lin ou du coton, comme sur les originaux; les tissus synthétiques modernes ne sont pas employés.

A.E.A Silver Dart

A.E.A Silver Dart

Une seule dérogation à la règle est admise : les pare-brise et les hublots destinés aux appareils anciens sont réalisés en méthacrylate de méthyle, un produit moderne, plutôt qu’en celluloïd ou en pyraline. On a en effet constaté que ces derniers matériaux ont tendance à jaunir et à s’opacifier très vite, tandis que le plastique moderne conserve sa transparence et donne le même aspect. Autre exception, les surfaces de l’A.E.A. Silver Dart étaient recouvertes de toile caoutchoutée, tandis que les reproductions du Musée, construites par l’ARC, ont un entoilage enduit.

La plupart des projets de restauration exigent un travail de recherche considérable pour préserver le caractère authentique de l’objet. Les difficultés peuvent être nombreuses: l’exemplaire est endommagé; il manque certaines pièces ou composants; l’exemplaire a été modifié en service; la couleur et les marquages d’origine sont inconnus; la construction comporte des techniques et procédés qui ne sont plus utilisés. Réunir les renseignements voulus peut s’avérer long et ardu. Souvent, les dessins originaux n’existent plus. Fort heureusement, le Musée possède une bibliothèque et une collection de photographies qui prennent alors une valeur inestimable.

Avant d’entamer ses projets de restauration, le Musée a jugé indispensable d’établir certains critères pour garantir l’authenticité du produit final. Le premier critère prévoit de noter la nuance exacte de chaque couleur entrant dans la finition d’origine, de même que le style, la dimension et l’emplacement du marquage, afin de parvenir à une reproduction exacte. Les inscriptions, dates et autres trouvées sur différentes pièces doivent être notées, car elles permettront d’établir l’identité et les antécédents de l’appareil. Toute pièce mise de côté doit être conservée pour fins de référence. La toile primitive doit être entièrement retirée en pans de grandes dimensions et soigneusement conservée : elle servira par la suite à déterminer les méthodes d’entoilage, le type de couture et autres aspects à retenir pour la reproduction. La disposition des assemblages un tant soit peu compliqués est scrupuleusement relevée, le plus souvent par photographie, afin qu’on puisse les refaire comme à l’origine sans risque d’erreur. Enfin, dans la limite du possible, un dossier photographique est établi pour chaque composant, tant pour garder trace des travaux effectués que pour relever la structure interne d’origine de l’appareil, aux fins d’archivage. Ce dossier est très important, car les appareils restaurés sont généralement très rares, voire uniques.