Lien vers la page d'accueil de Civilisations.ca
Sauter les liens de navigation Lien vers Carte du site Lien vers Index du site Lien vers Écrivez-nous Link to English version
Recherche Lien vers Recherche avancée



- Page 1 -



Les musées devant le défi lancé par Trudeau :
enseigner l'histoire dans un cadre non structuré

Victor Rabinovitch
Président-directeur général
Société du Musée canadien des civilisations


Cet article a paru pour la première fois dans Canadian Issues / Thèmes canadiens (octobre 2003), publication de l'Association d'études canadiennes. Reproduction autorisée.

(Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mes collègues du Musée, notamment à Stephen Alsford, pour m'avoir aidé à préparer cet article.)





INTRODUCTION

Il est opportun de commencer en citant les propos de Pierre Elliot Trudeau écrits peu de temps après son élection à titre de premier ministre du Canada.

« L'enseignement de l'histoire fut jadis profondément empreint chez nous de traditions venues d'Europe. Or, si les annales de ce continent sont remplies du bruit des batailles et des hauts faits des héros nationaux, rares sont chez nous, combats décisifs ou personnalités transcendantes. Notre histoire est bien plus celle de la lutte engagée par la foule anonyme des Canadiens contre un milieu souvent hostile. Cette lutte pour le mieux-être n'est pas non plus dépourvue d'aventure ni d'héroïsme. Peut-être pourtant est-ce ailleurs qu'en classe qu'il faut chercher cette leçon 1. »

Il est assez ironique que les paroles de M. Trudeau aient été démenties par sa propre évolution, puisque lui-même est devenu le type de chef que, selon lui, le Canada ne produisait pas - un chef aux proportions mythiques : un héros national pour beaucoup de gens et un traître politique pour d'autres. Peu de temps après Pierre Elliot Trudeau, le premier ministre Brian Mulroney est également devenu un chef aux proportions historiques qui a marqué profondément les rapports du Canada avec le monde, surtout avec les États-Unis.

Devons-nous conclure que la version populiste exprimée par M. Trudeau sur le Canada est simplement fausse? Il est clair que le pays, comme il était durant la période précédant la Confédération ou ce qu'il est depuis ses configurations plus récentes, a été façonné par de nombreux dirigeants exceptionnels - politiques, sociaux, autochtones, militaires, syndicaux et du milieu industriel. Selon M. Trudeau, le vrai défi réside dans la manière d'apprendre notre histoire, à savoir si un tel apprentissage devrait être axé sur les héros et la place que devrait occuper l'apprentissage informel dans notre éducation.

À ce propos, M. Trudeau exprime un point de vue qui reflète fortement l'esprit des années 1960. Il croyait que le Canada s'était forgé une identité propre, dépassant la somme des valeurs et des caractéristiques dont le pays avait hérité de l'Europe. Il estimait qu'au Canada - une nation qui devait compter sur les immigrants et les pionniers plutôt que sur des aristocrates dominants et des militaires aventureux - la vie des gens du peuple était au cœur de notre récit national. Trudeau a également dénoncé la prédominance de la bonne vieille méthode d'enseignement magistral, préconisant plutôt l'apprentissage par le truchement d'expériences de terrain.

À la fin des années 1960, l'enseignement de l'histoire dans des cadres à la fois structurés et non structurés a évolué en faveur du thème des mouvements sociaux. On a minimisé l'importance des grands héros et des événements marquants pour favoriser les récits des collectivités, des conditions sociales, des personnes moins connues et des mouvements de toutes sortes. Les historiens qui ont continué d'embrasser le point de vue historique des « grands hommes » avaient parfois le sentiment de prêcher dans le désert.

On a souvent l'impression que les jeunes Canadiens connaissent mal l'histoire de leur pays (problème également signalé aux États-Unis et au Royaume-Uni). Peut-être sommes-nous confrontés non pas à un manque d'intérêt à l'égard de l'histoire, mais plutôt à un désintéressement de son apprentissage en salle de classe. Les expériences d'apprentissage informel sont de plus en plus courues, comme on peut le voir avec le foisonnement des attractions touristiques telles que les centres et parcs à caractère patrimonial. Les musées ont aussi profité de cet accroissement de l'intérêt public. Qui plus est, la concurrence des attractions commerciales et la qualité élevée des relations avec les visiteurs ont défini les nouvelles normes en matière de « service à la clientèle ». La popularité des musées auprès des Américains a augmenté de pair avec le tourisme en général; à l'heure actuelle, environ 60 p. 100 des Américains déclarent visiter un musée par année, comparativement aux 25 p. 100 du début des années 1960 2. Les musées sont perçus comme des endroits reconnus pour obtenir de l'information fiable tout en se divertissant. La croissance correspondante des techniques d'interprétation du patrimoine (comme les reconstitutions historiques, la reconstruction de lieux historiques, les présentations multimédias) suggère que Trudeau avait raison de croire que la plupart des gens préfèrent apprendre l'histoire par l'expérience et à petites doses.

L'objet du présent article est d'examiner la manière dont les musées s'y prennent pour offrir des occasions d'apprentissage de l'histoire canadienne. En particulier, que peut faire un musée national pour relever le défi d'offrir des expériences d'apprentissage de qualité à des personnes de groupes d'âge variés? Le rôle éducatif des musées est principalement informel. La visite de musées n'est ni une obligation ni une nécessité; les raisons qui poussent les gens à y venir et à y apprendre sont très différentes des raisons qui les motivent dans un contexte scolaire.

Haut




Page 2 Page 3 Page 4 Page 5 Page 6


 
Date de création : 12 décembre 2003
© Société du Musée canadien des civilisations
Avis importants
Gouvernement du Canada