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June 13, 2003

(Available in French only)

Place et vitalité de la langue française

Prononcé par Sylvain Lafrance, le vice-président de la radio et des nouveaux médias de Radio-Canada à l'occasion du grand débat de Radio France 2003 dont le thème était: Le français, dialecte régional ou langue mondiale, Paris.

Bonjour et merci de cette invitation. La question linguistique est au Canada, un véritable sport national. La défense et l'épanouissement de la langue française sur un continent très largement anglophone nous amène en effet chaque jour à développer de nouveaux outils, de nouvelles règles que ce soit en radio ou ailleurs et je suis très heureux donc de participer à ce débat.

S'interroger sur la vitalité de la langue française, c'est aussi se questionner sur la place de la culture francophone dans le monde. Car langue et culture sont naturellement très profondément liées. Cela explique d'ailleurs que le débat sur la diversité culturelle, de qui dépend la survie des différentes cultures nationales dans ce nouveau monde « mondialisé », devienne de plus en plus un enjeu fondamental pour construire le siècle qui s'amorce.

J'ai le privilège de diriger la radio publique francophone du Canada, seule de son espèce en Amérique, et de présider la communauté des Radios Francophones Publiques. C'est donc sur cette question du rôle particulier des diffuseurs publics dans la dynamique culturelle et linguistique que je veux surtout vous entretenir.

Je souhaite aussi parler de cette question de la diversité culturelle. J'adhère sur ce plan à la thèse défendue par Dominique Wolton dans son dernier ouvrage à l'effet que « la communication et l'information sont devenus des enjeux politiques majeurs et que les problèmes liés à la cohabitation culturelle doivent être abordé de front dans tout débat portant sur la mondialisation ».

D'ailleurs, l'exemple canadien me semble assez riche sur ce plan. Que ce soit par l'exemple québécois de défense d'une identité francophone dans une mer anglophone nord-américaine, ou par la défense de valeurs propres à la culture canadienne face à l'imposant voisin américain, les Canadiens connaissent bien les enjeux de la protection et de la sauvegarde des cultures face à de grands ensembles.

A l'intérieur même des frontières canadiennes, le respect de l'identité francophone, celle des peuples autochtones, celle de l'accueil de nouveaux Canadiens venus de partout, pose bien le problème du choc des identités et du besoin pressant de penser autrement la communication et les enjeux culturels.

Les médias doivent d'ailleurs occuper dans ce débat une place centrale. Il y a même une certaine urgence d'axer nos réflexions sur ces enjeux de culture, indissociables des enjeux d'épanouissement des différentes langues parlées sur la planète.

Langue, culture et identité.

Quelques réflexions d'abord sur ces liens étroits entre la langue, la culture et l'identité. Ces liens doivent être pris en compte par les radiodiffuseurs lorsqu'ils réfléchissent sur leur rôle vis-à-vis de la langue et de la culture.

S'il est vrai que la culture permet d'établir un rapport fondamental entre l'individu et le réel, la langue elle, apparaît comme le facteur d'organisation de la pensée et d'intégration sociale le plus puissant. D'ailleurs une langue vivante n'est pas qu'un outil de communication, elle est porteuse d'une certaine vision du monde, d'une façon de penser et d'organiser la société. La langue nourrit l'imaginaire, les rêves; elle identifie les héros...bref, elle tisse la culture dans un maillage serré. L'individu se définit en grande partie par sa langue. Elle lui permet d'avoir accès à son histoire, à son patrimoine. Elle lui permet d'échanger, de partager. Sur ce plan d'ailleurs, la radio, média d'intimité, de chaleur et de vérité est un outil puissant de création d'identité collective et de cohésion sociale.

Ces identités seront maintenant revisitées dans le cadre du phénomène de la mondialisation. Le risque d'uniformisation de la culture et des idées qui découle de la mondialisation est un risque réel. Nous devons apporter dès maintenant les bonnes réponses.

Rôle des médias

Pour rester vivante, une langue doit non seulement être parlée, elle doit être vécue. Elle doit faire partie du quotidien et toucher à tous les aspects de la vie. Aucune langue, aucune culture ne peut survivre sans interaction. Aussi, la vitalité d'une langue dépend de la force des institutions qui la soutiennent et la nourrissent.

A la fois lieux de production et de diffusion de la culture, les médias participent activement à la transmission des valeurs intrinsèques associées à une langue et à la culture qu'elle porte.

Au Canada, les pouvoirs publics, qui ont favorisé dès le début la cohabitation du public et du privé sur les ondes radio et télé, ont toujours réservé une place importante à la place du français. Que ce soit par l'imposition de quotas de chanson française dans les années 80 ou par le financement public de productions télévisées, par exemple, les mesures mises de l'avant ont favorisé le maintien, en Amérique du Nord, d'un espace médiatique et culturel francophone dynamique, qui rayonne largement au-delà de nos frontières.

Pour sa part, la Société Radio-Canada est extrêmement présente dans la promotion et la défense de la diffusion en français, notamment par le développement et le maintien de réseaux publics pan-canadiens de langue française en radio et en télévision, par la création récente, avec plusieurs partenaires, de la chaîne spécialisée ARTV ou encore par ses activités de diffusion internationale. Après tout, Radio-Canada demeure le seul radiodiffuseur public nord-américain et se classe parmi les plus importants dans le monde.

Par ailleurs, nous avons créé l'an dernier un Groupe de travail sur l'état de la langue française à la radio de radio-Canada et sur nos sites Internet. Les conclusions de ces travaux indiquent que Radio-Canada demeure toujours une référence au point de vue de la qualité du français au Canada. Mais ce rapport nous rappelle surtout l'importance que peut avoir un radiodiffuseur public dans la dynamique culturelle et linguistique des communautés qu'il dessert.

Nos auditeurs et nos artisans nous ont dit qu'ils considéraient Radio-Canada comme un maillon indispensable de l'évolution du français au Canada. Par exemple, on s'attend à ce que Radio-Canada crée ou popularise les nouveaux termes français qui désignent les réalités contemporaines. On souhaite parallèlement que Radio-Canada soit le reflet de la diversité linguistique du français parlé de l'Atlantique au Pacifique.

Les grandes alliances

Ce rôle de diffuseur, et particulièrement des diffuseurs publics, est de plus en plus important devant les enjeux du siècle qui s'amorce. Non seulement, les médias doivent jouer ce rôle sur leur territoire national, mais je crois que le défi est aujourd'hui de créer de grandes alliances pour jouer ce rôle fondamental à une plus grande échelle.

Depuis ses débuts, la radio a été un média de proximité. Elle l'est toujours. Mais la proximité aujourd'hui n'est pas qu'une notion territoriale. Elle est aussi une question de valeurs, d'intérêts, de mise en commun. Nous sommes proches des gens avec qui nous partageons une langue, une religion, un style de vie. Ces points communs nous permettent de transcender les frontières géographiques et présentent des opportunités de partage que nous souhaitons, et devons, enrichir. Il faut présenter au monde nos valeurs et nos choix.

L'industrie culturelle américaine est un énorme succès sur le plan économique, mais on ne peut lui laisser occuper tout l'espace de l'imaginaire et de la création. Nous devons lui opposer d'autres façons de voir, de penser, de créer. Et pour le faire, nous devons parfois sortir de nos territoires nationaux. Nous devons accélérer les échanges entre citoyens qui partagent des langues, des cultures, des valeurs. Nous devons créer des ponts. Participer à la cohésion du monde.

Les francophones sont-ils une espèce menacées ? Sans doute pas à court terme. Mais devant les défis de la mondialisation, les discussions entourant la formation de l'Europe ou les formidables outils technologiques dont disposent aujourd'hui les entreprises de communication, ce serait bien dangereux de considérer que la partie est gagnée.

Permettez-moi, comme Canadien, de vous rappeler que la lutte pour la sauvegarde des identités est une lutte quotidienne, qui doit compter sur tous les outils, sur toutes les alliances et toutes les bonnes volontés du monde. Défendre l'identité culturelle canadienne, ou l'identité culturelle francophone, sur cet immense continent américain, commande beaucoup de créativité et beaucoup d'énergie. Croyez-moi, nous sommes bien placés pour comprendre ces nouveaux enjeux de société.

Aujourd'hui, il est donc fondamental de réfléchir de façon plus globale. De penser autrement nos différents outils de communication pour présenter une alternative globale à l'envahissement de la culture américaine.

Conclusion

La vitalité de la langue française est, à mon avis, intimement liée aux enjeux de la diversité culturelle. Ensemble, nous pouvons créer un rempart efficace contre tous les mouvements ou les idéologies qui menacent les identités culturelles et qui leur oppose un aplanissement des différences.

L'actuelle surabondance d'outils et de messages ne garantit pas nécessairement une meilleure communication, une plus grande cohésion ou une meilleure compréhension entre les peuples. Elle ne génère pas forcément une plus grande cohésion. Le vrai défi est aujourd'hui de penser la communication dans le respect des identités, pour créer de véritables relations d'échange et de partage.

Diversité, cohabitation ou pluralisme culturel, nous devons faire nôtre ce projet de société qui s'esquisse et dont dépend l'équilibre international.

Au sein de la francophonie, c'est en créant de grandes alliances entre nos institutions que nous favoriserons la vitalité de notre espace et que nous participerons à la construction du monde moderne, en l'imprégnant de nos valeurs et de nos sensibilités.

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