Discours et interviews
le 3 avril 1998
Discours prononcé devant le Ticker Club
Guylaine Saucier à Toronto (Ontario)
Merci beaucoup pour cette présentation si élogieuse.
C'est avec plaisir que je me retrouve aujourd'hui au cœur du milieu
des affaires de Toronto. Maintenant que j'en suis au troisième jour de mon
deuxième mandat à la présidence de Radio-Canada, je pense que je suis prête — et qualifiée — pour m'adresser à un groupe aussi
illustre que le vôtre. Je voudrais vous entretenir aujourd'hui des activités
de la Société Radio-Canada, des valeurs qui la guident et des défis qu'elle
doit relever. Radio-Canada est un reflet de la société canadienne, et ne serait-ce
qu'à ce titre, elle mérite notre attention.
Quiconque évolue aujourd'hui
dans le monde des affaires doit sans relâche mener un combat de Titans. Les enjeux
ont pris des proportions mythiques. Dans pratiquement toutes les entreprises,
chaque secteur doit composer avec des problèmes qui lui sont propres. Toutefois,
en s'accordant un peu de recul, on se rend compte que les défis qui se posent
à Radio-Canada ne sont pas tellement différents de ceux d'une autre entreprise
dont je suis membre du conseil d'administration : la Banque de Montréal.
Il se pourrait très bien aussi qu'ils ressemblent énormément aux défis que
vous-mêmes devez relever quotidiennement.
Au plan strictement commercial,
Radio-Canada est :
- une société d'une valeur d'un milliard de
dollards,
- qui compte 10 mille employés, syndiqués pour la plupart,
- qui est régie par un organisme sans lien de dépendance,
- et
qui mène ses activités à partir d'installations fixes comme d'installations
mobiles,
- d'un bout à l'autre du pays et à l'étranger.
Pour
mener ses activités, Radio-Canada utilise des techniques de pointe dans le domaine
de l'information. Nous créons nos propres émissions, nous acquérons des produits
de fournisseurs indépendants, et nous utilisons des moyens traditionnels et d'autres,
moins traditionnels, pour distribuer nos produits et nos services au public.
Bien
sûr, Radio-Canada se distingue des banques et des entreprises privées en bien
des points. C'est une société d'état chargée d'exécuter un mandat
public. Pour l'aider à y parvenir, le gouvernement du Canada lui alloue des
fonds substantiels. Par ailleurs, Radio-Canada poursuit des objectifs commerciaux.
Nous devons lutter dans un marché ouvert pour vendre nos émissions et susciter
des revenus publicitaires. Alors que nos concurrents, au pays comme à l'étranger,
ont moins d'obligations sociales à satisfaire, Radio-Canada mesure son succès
tant sur le plan social que sur le plan commercial. La Société s'attire des
auditoires, jouit d'une reconnaissance mondiale et gagne des prix pour les
émissions et les services qu'elle offre.
Lorsque vous ouvrez votre
radio à CBC Radio One, 740 AM ou CBC Radio Two, 94,1 FM, ici, à
Toronto, ou que vous regardez au poste 6 CBLT-TV, ou Newsworld, c'est probablement
pour écouter ou voir les nouvelles, pour suivre un feuilleton comme Black Harbour
ou pour vous tenir au courant des actualités commerciales en regardant Business
Report. Je doute que vous vous préoccupiez alors du médium, du radiodiffuseur
ou de toutes les opérations nécessaires pour acheminer l'émission jusqu'à
votre voiture, votre maison ou votre bureau. Peut-être ne sommes-nous pas incrits
à la bourse de Toronto. Et à ce jour, nous n'avons pas fait l'objet
de prises de pouvoir hostiles. Néanmoins, nous sommes soumis aux mêmes courants
de changements globaux que les autres entreprises exploitées au Canada.
Nous
devons composer avec des défis que vous connaissez bien, notamment :
- le changement technologique,
- la concurrence accrue,
- la mondialisation,
- les exigences réglementaires,
- les facteurs humains.
À
l'instar des entreprises du secteur privé, Radio-Canada a subi des changements
structurels considérables en très peu de temps. Ces changements lui ont été imposés
par des restrictions budgétaires sans précédent et par l'évolution rapide
de la technologie et de la réglementation. Aujourd'hui, nous sommes un organisme
fort, responsable et sensible, qui répond de ses activités au public.Nous avons
suivi le même cheminement que l'économie, et nous nous tournons maintenant
vers un avenir prometteur.
Radio-Canada est un microcosme du Canada. En
vertu de son mandat, elle doit renvoyer au pays une image fidèle de sa réalité.
Ses actions ne sont pas négociées sur les marchés boursiers. Au contraire, elles
demeurent entre les mains de tous les Canadiens.
À titre d'institution
nationale, Radio-Canada joue un rôle étendu et exhaustif dans l'évolution
de la société et du système de radiodiffusion au Canada. Tout en conservant l'essentiel
du mandat qui lui avait été confié à sa création, en 1936, la Société a redéfini
celui-ci et l'a élargi au fil des décennies.
L'évolution du contexte
et de la situation financière a forcé Radio-Canada à s'adapter pour continuer
de desservir les Canadiens d'un bout à l'autre du pays ——
même à Toronto. Elle offre ses services en français et en anglais, à la radio
et à la télévision, son Service du Nord diffuse dans plusieurs langues autochtones,
et Radio Canada International et Newsworld International rejoignent les auditeurs,
canadiens et autres, à l'étranger.
Pour transformer Radio-Canada en
une institution plus transparente et plus à l'écoute de son public, branchée
sur notre époque et fidèle à notre mandat actuel, nous nous sommes inspirés de
cinq grands principes.
Le premier principe veut que le
Conseil d'administration de Radio-Canada et l'organisme lui-même répondent
entièrement de leurs activités aux actionnaires : les citoyens canadiens. Nous
devons être à leur écoute pour maintenir et améliorer nos niveaux de service,
pour assurer la qualité et l'originalité de nos émissions et pour promouvoir
le talent et la culture au Canada.
Le deuxième principe
veut que Radio-Canada s'affiche et s'identifie comme société canadienne
pour pouvoir survivre et prospérer. Ce principe reconnaît les responsabilités
uniques conférées à Radio-Canada au sein du système de radiodiffusion canadien,
tout en la distinguant du secteur privé.
Le troisième principe
veut que Radio-Canada reconnaisse que son auditoire ne lui est pas acquis et qu'elle
doit par conséquent le cultiver et en mériter la loyauté en misant sur l'efficacité
de «l'image de marque» Radio-Canada.
Au fil des décennies, Radio-Canada
s'est bâti une réputation de créativité, de perspicacité et d'audace
avec des émissions de radio et de télévision comme As It Happens, The National,
Air Farce, the REZ, The fifth estate et This Hour has 22 Minutes.
Alors
que les nouvelles entreprises déploient encore bien des efforts pour établir leur
image, celle de Radio-Canada est déjà un sceau de qualité et d'originalité.
Il s'agit d'un symbole éternel de l'excellence et de l'intelligence
des Canadiens, d'un phare pour les nouvelles générations d'artistes
canadiens.
Ceci m'amène à notre quatrième principe
directeur. Nous devons encourager le talent des artisans qui sont l'essence
même de Radio-Canada. Ils sont le cœur et l'âme de la Société. Sans
leur imagination, leurs compétences techniques et leur confiance, nous serions
incapables de poursuivre nos activités. Notre talent ne réside pas seulement dans
nos créateurs. C'est en grande partie grâce aux efforts déployés par nos
gestionnaires que nous voyons maintenant poindre la lumière au bout du tunnel.
Notre
cinquième et dernière stratégie est un engagement à évoluer. Peu de Canadiens
ont échappé aux gigantesques transformations qu'a subies notre société au
cours des 10 dernières années. Les produits de l'évolution électronique tels
que le télécopieur, le magnétoscope, la boîte vocale, le courrier électronique,
Internet, les caisses enregistreuses automatiques et les transactions commerciales
électroniques, ont rejoint les collectivités les plus éloignées.
Dans le
monde des affaires, les règles ont été bouleversées. Dans le domaine des médias,
nous sommes très conscients de ces changements profonds. Nous les documentons,
et en tant qu'acteur du secteur de l'information électronique, nous
nous tenons dans l'œil de la tempête. Cette turbulence nous a incités
à soutenir nos ressources humaines pour pouvoir assumer nos responsabilités sociales
tout en satisfaisant nos actionnaires.
Rendez-vous compte : nous n'avons
plus le luxe d'offrir un produit exclusif. Dans un secteur où nous exercions
jadis un monopole réglementé, nous sommes maintenant devenus une industrie qui
suscite la concurrence sur tous les fronts. Les changements survenus sur le plan
de la technologie et de la réglementation ont aplani, comme l'a été le mur
de Berlin, les énormes barrières qui se dressaient autrefois aux portes de cette
industrie.
La Société Radio-Canada, avant la création du Bureau des gouverneurs
de la radiodiffusion, avait le pouvoir de réglementer elle-même sa concurrence.
Bien sûr, les joueurs étaient peu nombreux, comme pour une partie de bridge. Depuis
1984, au Canada, 50 chaînes payantes et chaînes spécialisées ont obtenu leur licence,
et des douzaines attendent toujours qu'on leur délivre un permis. L'univers
des 500 chaînes n'attend plus qu'une unité de compression vidéonumérique!
Le
consommateur d'aujourd'hui a des attentes de plus en plus grandes et
manifeste de moins en moins de loyauté envers une marque; en outre, il tient à
faire lui-même ses choix.
Le changement technologique estompe les distinctions
qui démarquent les concurrents, à l'extérieur du studio. Et à l'interne,
il nous amène à redéfinir les responsabilités de nos différents services.
Les
occasions avantageuses sont innombrables, mais parallèlement, les coûts de mise
en oeuvre peuvent paraître prohibitifs. Ceci m'amène à aborder l'aspect
politique de notre situation à tous : nous ne serons pas tirés d'affaire
par les gouvernements. Ceux-ci imposent en effet une charge fiscale plus lourde
que jamais au secteur public comme au secteur privé.
Ce scénario de changement
impitoyable pourrait donner lieu à un documentaire sur l'évolution de Radio-Canada
et de la radiodiffusion ou — avec quelques retouches — sur l'évolution de votre propre secteur
d'activité, j'en suis certaine.
Pour relever tous ces défis sur
les plans de la technologie, de la concurrence, de la réglementation et de la
politique, Radio-Canada a entrepris un énorme remue-ménage.
Voulant s'assurer
de maintenir le leadership éclairé et responsabilisé de la Société, notre Conseil
d'administration s'est penché sur lui-même et sur sa façon de gouverner.
Bien
qu'il y ait matière à amélioration, les femmes occupent le quart des sièges
au Conseil d'administration de Radio-Canada. Ceci dit, le Conseil a été critiqué,
récemment, parce qu'on le juge non représentatif des groupes minoritaires
ou des régions autres que les régions du centre du Canada. En outre, j'encouragerais
Ottawa à rechercher, pour les nominations au sein du Conseil d'administration,
des personnes qui ont l'expérience à laquelle on peut s'attendre de
la part de ceux qui sont à la barre d'une Société d'un milliard de dollars.
La
sélection des membres du Conseil n'est que le point de départ. Ces trois
dernières années, le Conseil d'administration de Radio-Canada a amélioré
sensiblement sa manière de gouverner. Nous nous employons activement à définir
notre orientation stratégique et notre plan d'entreprise. Nous avons entrepris
de cerner les principaux risques qui nous attendent et d'élaborer des méthodes
nous permettant d'évaluer le rendement des membres de la haute direction
en regard des tâches et des objectifs qui leur sont assignés.
Cet exercice
a été entrepris en pleine période de compression des effectifs. Nos crédits parlementaires
ont diminué de 30% au cours des trois dernières années. Cette diminution de l'apport
gouvernemental fait que nous recevons maintenant un peu plus de sept cents par
Canadien par jour.
Aujourd'hui, notre Société est plus petite. Nous
avons aboli plus de 3 000 postes. En outre, en collaboration avec nos syndicats,
nous avons réduit le nombre d'unités de négociation, passant de près de 30
à huit.
Nous avons vendu l'édifice de notre siège social d'Ottawa
et réduit le personnel de l'administration nationale de moitié. Nous avons
confié à l'extérieur des tâches secondaires, telles l'entretien des
immeubles. Et là où nous le pouvions, nous avons adopté des technologies nouvelles
pour maintenir notre niveau de qualité tout en réduisant encore davantage les
coûts. Toutes ces mesures ne nous ont pas empêchés de maintenir fermement notre
engagement à offrir une programmation accessible.
Témoignant de la confiance
d'Ottawa en notre démarche, nous entamons cette semaine la première année
d'un plan quinquennal sans compressions.
Tous ces changements font
de nous un candidat idéal pour une prise de contrôle, n'est-ce pas? Annulez
votre promesse de financement stable, Madame la Ministre, et privatisez Radio-Canada.
Est-ce vraiment là ce que vous voulez?
Je ne saisis tout simplement pas.
Partout dans le monde, et plus particulièrement ici, au pays, pour Radio-Canada,
les radiodiffuseurs publics ont plus que jamais un rôle important à jouer. Un
rôle qu'aucun radiodiffuseur privé ne serait prêt à assumer, croyez-moi.
Seule une institution publique, jouissant du soutien du public, peut offrir
à l'ensemble des Canadiens l'accès aux valeurs qu'ils ont en commun,
aux rêves qu'ils partagent. Seul un radiodiffuseur public national est en
mesure de fournir le fil pouvant relier les Canadiens d'un océan à l'autre.
Nombre de radiodiffuseurs privés présentent d'excellentes émissions, mais
il ne s'agit pas là de leur priorité : leur rôle premier est plutôt de réaliser
des profits pour leurs propriétaires et leurs actionnaires.
Notre raison
d'être est bien différente. Radio-Canada a pour rôle d'articuler l'identité
culturelle distincte du Canada et de renforcer le sentiment d'appartenance
nationale chez les Canadiens.
En dépit des économies d'échelle croissantes
générées par la consolidation de l'industrie de la radiodiffusion, maintenant
parvenue à maturité, aucun radiodiffuseur privé n'a cherché à satisfaire
les besoins des Canadiens vivant dans les régions éloignées, ni ceux des francophones
à l'extérieur de la belle province. En effet, quel intérêt revêtrait pour
le secteur privé des parts de marché aussi infimes, dispersées sur un territoire
si vaste et si coûteux à desservir? Une telle perspective ne saurait résister
aux considérations rigoureuses qui guident habituellement le secteur privé.
Radio-Canada
rejoint plus de Canadiens que tout autre radiodiffuseur. Le contenu de notre programmation
est presque entièrement canadien.
Nous recherchons de nouveaux talents.
Nous faisons connaître aux Canadiens leurs propres richesses en matière de compositeurs,
de symphonies, de ballets et de groupes rock. Nous percevons cela comme notre
vocation : découvrir de nouveaux talents, embaucher de jeunes journalistes, leur
fournir un auditoire et des occasions de se faire valoir et les inciter à rester
au Canada pour s'y épanouir.
Nous prenons des risques que les autres
refusent de prendre, tant dans le domaine de l'information que dans le secteur
du divertissement, en adoptant de nouveaux médias et en offrant de nouveaux services.
Nous bravons la colère du Sénat et les critiques de la télévision. Parce que si
nous ne le faisons pas, qui d'autre le fera?
Que nous valent tous ces
efforts? Un succès mesurable à l'attention que nous suscitons, aux auditoires
que nous attirons, aux prix que nous recevons, aux annonceurs qui s'associent
à nous et aux émissions que nous vendons à l'étranger.
Sachez que nous
avons récolté plus de prix que tout autre réseau aux Gémeaux, cette année. Nous
avons augmenté le contenu canadien de la programmation de nos réseaux de télévision,
et nous maintenons nos auditoires.
Nous jouons un rôle sans égal lorsque
vient le moment d'assurer une couverture qui fait autorité à l'occasion
d'événements majeurs se tenant ici comme à l'étranger. Au cours des
Jeux olympiques de 1998, à Nagano, au Japon, nous avons attiré des auditoires
allant de 850 000 téléspectateurs en moyenne le jour, à près de 1,8 million aux
heures de grande écoute, ce qui représente près du tiers des Canadiens qui suivaient
les compétitions à la télévision. Le jour des élections fédérales, l'année
dernière, notre couverture à la Télévision française s'est facilement démarquée
de la concurrence et nos cotes d'écoute à la Télévision anglaise ont atteint
2,8 millions de téléspectateurs, soit un million de plus que pour tout autre radiodiffuseur!
Trève
de vantardise. Radio-Canada établit des ententes de collaboration avec le secteur
privé. Non seulement les deux secteurs se complètent-ils dans leurs différences,
mais leur partenariat leur permet de mettre les Canadiens en évidence.
Il
me vient immédiatement à l'esprit deux exemples de cette collaboration entre
les deux secteurs. Comme vous en avez peut-être entendu parler, Radio-Canada et
Netstar, propriétaire de TSN et de RDS, les deux grands réseaux de câblodistribution
spécialisés dans le domaine des sports au Canada, ont obtenu les droits de diffusion
pour les Jeux olympiques de 2000, 2002, 2004, 2006 et 2008.
Par ailleurs,
peut-être avez-vous suivi Traders, un feuilleton hebdomadaire dont le personnage
principal est un spécialiste des services de banque d'investissement de Bay
Street, Gardner Ross. Traders est la première émission dans toute
l'histoire de la radiodiffusion canadienne à être présentée en début de semaine
par le radiodiffuseur privé qui l'a commandée, et plus tard à Radio-Canada.
Cette entente améliore le rendement financier de la série et offre aux Canadiens
plus d'occasions de voir une série véritablement canadienne.
Peut-être
faut-il l'apport d'un village entier pour élever un enfant américain,
mais il faut une armée pour créer une émission de télévision canadienne. Traders,
à l'instar de nombreuses autres séries canadiennes, existe essentiellement
grâce à une coalition complexe d'intervenants du secteur privé et du secteur
public.
Ainsi, tout en étant fière de certaines réalisations et en adhérant
aux principes qu'elle s'est fixés, Radio-Canada est toujours en devenir.
Durant
mon deuxième mandat, je suis déterminée à rapprocher encore davantage Radio-Canada
de son mandat. Nous avons réduit nos coûts, nous nous sommes restructurés, et
maintenant, le moment est venu de réorienter nos efforts afin que nous puissions
mieux jouer notre rôle de service public. L'identité culturelle du Canada
est fragile et en constante évolution.
Pour assurer la survie et la continuité
de cette culture, il est indispensable que Radio-Canada soit un radiodiffuseur
vigoureux, nettement orienté vers l'essence même de son mandat, qui est de
refléter l'identité canadienne, de l'alimenter et de la renforcer.
Je
pense qu'en tant que radiodiffuseur public national, Radio-Canada se doit
de relier les Canadiens d'un océan à l'autre en transcendant la distance,
la géographie, le fossé des générations et les barrières linguistiques.
Radio-Canada
est l'un des principaux véhicules de notre culture. Nous en avons quelques
autres, il est vrai, mais il importe de nous demander comment nous pouvons rejoindre
des artistes et des auditoires plus jeunes ainsi que les Canadiens des régions
encore mal desservies.
Les Canadiens jouissent-ils tous d'un traitement
égal de la part de leur radiodiffuseur public ? Alors que nous sollicitons des
licences en vue d'offrir de nouveaux services, ne visons-nous pas simplement
les mêmes auditoires, ceux qui ont déjà accès à tous nos services? Je suis encouragée
par les nouveaux liens qu'Internet offre au monde rural et aux collectivités
nordiques, mais la pénétration de cette ressource est loin d'être complète,
et nous commençons à peine à offrir des émissions conçues pour ce médium.
Ceci
nous amène à nous interroger sur la façon de nous y prendre pour offrir à chaque
région un reflet adéquat des autres régions, comme le veut notre mandat. Nos émissions
actuelles peuvent avoir un sens pour une région, mais permettent-elles vraiment
à un Albertain de saisir pleinement la réalité du Nouveau-Brunswick?
Nous
sommes également incités à nous demander comment faire pour proposer un choix
de services aux Canadiens qu'il est difficile d'atteindre pour d'autres
raisons ——
par exemple, les jeunes si séduits par la radio commerciale, ou les groupes minoritaires.
Lorsque
nous examinons les possibilités que nous offrent les nouveaux médias, faisons-nous
de notre mandat la même interprétation que dans le cas des médias traditionnels?
La
moitié des réponses reposent sur notre programmation. Nous devons veiller à ce
que celle-ci offre une véritable alternative et nous assurer qu'elle ne soit
pas axée sur le plus petit dénominateur commun. Bien sûr, il faut équilibrer ces
objectifs et éviter d'être élitistes. On nous demande d'éclairer nos
auditoires, mais dans quelle mesure notre mandat est-il assorti d'un volet
éducationnel ?
Pour terminer, je vous exposerai un autre aspect sur lequel
nous nous penchons présentement : comment Radio-Canada se définit-elle dans le
monde du journalisme parlé? Nous avons récolté d'innombrables prix pour nos
émissions de nouvelles et d'actualités. Nos nouvelles sont celles qui ont
la cote de crédibilité la plus élevée auprès des Canadiens. Malgré tout, alors
qu'autour de nous (en particulier chez nos voisins du Sud), on tend à relâcher
la qualité des émissions de nouvelles, nous devons déterminer et formuler clairement
ce que nous désirons que les nôtres représentent. Nous devons aussi veiller à
ce que nos émissions de nouvelles continuent d'épouser les valeurs mises
de l'avant par la Loi sur la radiodiffusion ——
couverture géographique pénétrante et globale, communications entre les régions,
nouveaux médias, nouveaux auditoires, nouvelle programmation, normes journalistiques
distinctives ——
ce ne sont là que quelques-uns des aspects dont il faudra débattre. Tous s'inscrivent
dans notre mandat actuel. Radio-Canada compose avec les mêmes défis qui se posent
à toutes les entreprises d'aujourd'hui. Dans les efforts que nous déployons
pour relever ces défis, nous sommes animés d'une perspective renouvelée.
La perspective d'un organisme fermement axé sur son mandat à l'égard
des Canadiens. D'un organisme déterminé à faire plus avec moins de ressources.
Comme
vous l'aurez peut-être maintenant deviné, nous ne résistons pas au changement.
Mais nous ne pouvons ni ne voulons tourner le dos à un passé dont nous pouvons
nous enorgueillir et qui nous a valu de nous tailler une place privilégiée dans
les foyers canadiens.
Nous avons été mandatés pour fournir aux Canadiens
un service unique et essentiel. Un service que Radio-Canada seul peut offrir en
tant que radiodiffuseur public national.
Qui plus est, nous comptons plusieurs
réseaux qui exportent nos émissions pour en faire profiter les Canadiens vivant
à l'étranger. Ainsi, nous nous hissons au rang des ambassadeurs qui aident
les entreprises canadiennes à l'étranger.
Cet élargissement de notre
rôle s'inscrit dans notre évolution.
Si nous nous livrions maintenant
à un petit sondage, j'espère qu'il révélerait que depuis que vous avez
pris place dans cette salle, cet après-midi, vous avez appris à apprécier à sa
juste valeur le rôle joué par Radio-Canada.
Nombre d'entre vous avez
probablement des anecdotes à raconter sur la place que Radio-Canada en est venue
à occuper dans vos vies. J'ai hâte de les entendre durant la période de questions.
Je
vous remercie.
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