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Discours et interviews
le 5 février 1999
Une nouvelle Société Radio-Canada : Un engagement envers les Canadiens
Allocution de Guylaine Saucier Président du conseil d'administration, Société Radio-Canada devant la Chambre de commerce d'Edmonton
PRIORITé AU TEXTE LU
Il y a quelques semaines, la Radio anglaise de Radio-Canada
en Alberta lançait un concours sous le titre de Performance 99. Cette annonce
peut sembler anodine par rapport aux événements qui surviennent chaque jour dans
le monde. Mais tous les auteurs et compositeurs de l'Alberta savent comment de
petits pas peuvent un jour déboucher sur de grandes réalisations. Au mois de mai,
Radio-Canada mettra à l'honneur le meilleur talent albertain qui aura été révélé
par ce concours, à l'occasion de deux concerts, l'un à Edmonton et l'autre à Calgary.
Le gagnant sera ensuite propulsé sur la scène nationale grâce à un disque compact
enregistré par Radio-Canada. Vous me direz que tout cela ressemble à une pub pour
Radio-Canada. Vu la source, vous avez certainement raison! Mais c'est bien plus
que cela. Performance 99 symbolise les efforts que nous devons tous déployer pour
faire connaître et stimuler le bassin de créativité qui existe dans cette province,
et dans le pays.
Dans ce sens, Performance 99 est représentatif de ce qu'est
la Société Radio-Canada. Son rôle est de découvrir de nouveaux talents et de les
faire connaître. De prendre des risques pour développer de nouvelles idées, de
permettre aux artistes inconnus de s'épanouir aux côtés de vedettes confirmées.
D'offrir aux Canadiens la possibilité de se connaître les uns les autres, peu
importe où ils vivent, de conter leurs histoires à leur façon - aux autres Canadiens
et au reste du monde. Il s'agit certes de gérer une entreprise de centaines de
millions de dollars. Mais il s'agit également d'incarner un idéal.
Dans
notre monde en ébullition, bâtir des ponts pour relier les régions, les cultures
et les gens peut constituer une tâche difficile. Les géants multinationaux comme
Disney et VIACOM, ou Turner, ne frappent plus à notre porte. Ils entrent carrément.
Cet univers multichaînes a fragmenté les auditoires de télévision. Et cela signifie
que tous les diffuseurs généralistes, de Radio-Canada à CTV et à NBC, voient leurs
parts d'auditoire diminuer au profit des chaînes spécialisées. Dans le secteur
des nouveaux médias, les innovations technologiques comme Internet ont ouvert
la porte à un flot de communications qui échappent à la réglementation à laquelle
la radio et la télévision sont soumises. Le danger de cette évolution n'est pas
que nos voix ne seront plus écoutées - mais, pire, qu'elles seront perdues.
La
résistance à cette homogénéisation culturelle, qui fait que toutes les voix seront
identiques, est au coeur du rôle de Radio-Canada. La Société a été créée il y
a 62 ans pour servir de rempart au déferlement de la culture américaine qui menaçait
de nous engloutir. Aujourd'hui, nous avons le monde au bout des doigts. Il n'est
pas alarmiste de suggérer qui si nous ne nous méfions pas, c'est celui qui parlera
le plus fort qui s'imposera. Pas plus qu'il n'est fantaisiste de penser qu'il
y a de la place pour tout le monde.
Le choix est loin d'être une mauvaise
chose. C'est précisément pour donner aux Canadiens un large éventail de possibilités
que Radio-Canada a décidé, en 1994, de jalonner sans tarder son territoire sur
le Web, en français et en anglais. Aujourd'hui, nos services hors pair vont de
la radio et de la télévision au cyberespace. Ils vont de la diffusion radiophonique
de concerts à l'heure du déjeuner, comme celui qui est enregistré tous les mercredi
ici à Edmonton; au lancement de séries de télévision à grand succès comme Da
Vinci's Inquest, dont l'action et le tournage ont lieu à Vancouver; et à
la création de sites Web stimulants comme CBC4Kids, un lieu sûr et amusant
sur lequel les jeunes peuvent se brancher avec leur ordinateur. Toutes ces activités
sont logiques : un diffuseur public national doit être à la disposition de ses
auditoires - où qu'ils soient, au moment où ils ont envie d'être desservis, et
de la manière qui leur convient le mieux.
Notre engagement à offrir une
programmation canadienne originale de grande qualité demeure constant depuis plus
de 60 ans. En termes de production et de distribution, Radio-Canada est le seul
diffuseur qui soit présent partout au pays, où elle assure des services en français,
en anglais et en huit langues autochtones. Aucun autre diffuseur n'a bâti les
ponts dont notre pays a besoin pour prospérer. Aucun autre diffuseur n'a consacré
autant de ses ressources à offrir aux Canadiens un reflet d'eux-mêmes. Prenez
l'exemple des réseaux de télévision français et anglais. Le CRTC, qui réglemente
la radiodiffusion au Canada, a demandé à Radio-Canada de viser une journée de
diffusion à 90% canadienne sur ses deux réseaux. Il s'agissait de cibles établies
pour le long terme. Or nous comptons atteindre 91% de teneur canadienne aux heures
de grande écoute à la télévision anglaise cette année. Comme vous pouvez le constater,
notre engagement à offrir un contenu canadien est sans équivoque, inconditionnel
et sans égal... Aucun autre réseau de télévision ne peut en dire autant. Seule
Radio-Canada peut se permettre une telle affirmation.
Quoi qu'il en soit,
on se plaint souvent au Canada que d'être Canadien n'est pas rentable, qu'il n'y
a pas de gloire à creuser nos bancs de neige ou nos interminables chaînes montagneuses
pour y trouver des récits à conter. Permettez-nous de dire que nous ne sommes
pas d'accord. Les derniers sondages ont révélé que sept émissions de la Télévision
française figuraient au palmarès des 10 émissions canadiennes de divertissement
les plus écoutées. Dans la même catégorie à la Télévision anglaise, huit des 10
premières émissions étaient de Radio-Canada. Rien qu'en 1998, les productions
de Radio-Canada ont récolté au total 88 prix Gémeaux et Geminis. Nos documentaires
de télévision et nos concerts radiophoniques sont primés chaque année sur la scène
internationale — ils ont notamment remporté d'innombrables
prix Emmies aux états-Unis et plus de Roses d'or au Festival de Montreux que tout
autre diffuseur au monde.
Comme bon nombre d'entre vous le savez, nous
vivons des heures éprouvantes à Radio-Canada. Après tout, nous sommes le diffuseur
public national du Canada. Notre histoire est aussi largement la vôtre. Les décisions
difficiles qu'il nous a fallu prendre sont les mêmes que celles auxquelles pratiquement
toutes les entreprises du Canada ont dû faire face. Tout le monde a été touché
par la période d'austérité que nous avons vécue. À Radio-Canada, nous avons absorbé
des compressions de plus de 400 millions de dollars en l'espace de trois courtes
années. C'est 30% de notre budget annuel qui s'est envolé, pratiquement du jour
au lendemain.
Or ceux qui réussissent sont ceux qui savent s'adapter lorsque
les temps sont durs, qui parviennent à relever les défis auxquels ils sont confrontés.
Nous avons trouvé des façons moins coûteuses de produire des émissions. Nous avons
réduit l'effectif de notre siège social des deux tiers et vendu l'immeuble qui
l'abritait à Ottawa. De fait, les coûts de notre haute direction sont de l'ordre
de un cent par dollar seulement. En tant que vice-présidente de l'Ordre des comptables
agréés, je peux vous dire sans exagérer qu'un tel ratio est un vrai tour de force.
Et en tant que personne qui a derrière elle une longue carrière dans le secteur
privé, je peux également admettre ce que vous, qui êtes dans le milieu des affaires
savez déjà : la tâche n'a pas été facile.
Mais c'était hier. Radio-Canada
n'avait pas d'autre choix. Elle a fait ce que les Canadiens attendaient d'elle.
Et nous avons non seulement survécu aux compressions, mais nous avons réussi au-delà
de toute attente. Nombreux sont ceux qui pensaient que nous allions renoncer à
nos responsabilités envers les régions, or nous les avons élargies. Au mois de
septembre dernier, nous avons ouvert une station de radio à Victoria, la seule
capitale provinciale qui n'avait pas encore son propre service local. Nous avons
ouvert des bureaux à Sherbrooke, Cambridge Bay et London. En même temps, nous
avons revitalisé le réseau anglais Radio One qui diffuse désormais 24 heures sur
24. Malgré une diminution de son effectif de 3 000 personnes, Radio-Canada parvient
à maintenir les quatre principes fondamentaux qui sous-tendent son mandat de diffuseur
public du Canada : le service, le choix, un contenu canadien de grande qualité
et l'innovation.
Mais tout l'argent dépensé par les Canadiens, jusqu'au
moindre sous, a son importance. Et chaque minute d'antenne occupée par Radio-Canada
- qu'il s'agisse de la radio, de la télévision ou de l'ordinateur - doit être
à la hauteur de la qualité que les Canadiens exigent de leur diffuseur public
national. Aussi nos produits doivent-ils respecter, voire excéder, les normes
imposées à toute entreprise, publique ou privée. Pour y parvenir, nous devons
pouvoir compter sur l'appui de tous les Canadiens. Et pour réaliser nos objectifs,
nous devons gérer nos activités en ayant recours à un sain dosage de prudence
et de créativité.
Malgré les compressions, nous avons redoublé d'effort
pour répondre à vos besoins. Nous avons revu notre manière de desservir les groupes
linguistiques minoritaires afin de mieux refléter la riche mosaïque de la réalité
canadienne. Pour forger des liens encore plus forts avec les communautés, nous
diffusons désormais des bulletins de nouvelles régionaux toutes les demi-heures.
étant originaire de Noranda, dans l'Abitibi-Témiscamingue au Québec, je suis particulièrement
fière du travail que nous avons accompli pour rapprocher les talents de nos communautés
francophone et anglophone. Des émissions comme C'est La Vie, diffusée
à Radio One, donnent aux auditoires anglophones un aperçu de la vie des francophones
dans l'ensemble du pays, et la nouvelle émission du RDI et de Newsworld, intitulée
Culture Shock, s'attaque à la notion des deux solitudes. Des séries de
télévision populaires comme Omertà sont diffusées aux deux réseaux, dans
les deux langues. Certaines émissions jeunesse primées sont communes également
à nos deux réseaux de télévision français et anglais. Nos sites Web offrent le
meilleur de la radio et de la télévision, de même qu'une programmation spécialement
conçue pour Internet. Tous ces services ont un caractère distinct, et indubitablement
canadien.
Pour remplir son mandat, Radio-Canada doit être suffisamment
souple pour changer. Nous devons pouvoir rendre compte de la diversité, des valeurs
et des préoccupations de tous les Canadiens. Dans un avenir relativement proche,
lorsque la déréglementation sera chose faite, lorsque les géants médiatiques multinationaux
occuperont toute la largeur de bande dont ils ont besoin, lorsque l'univers multichaînes
aura augmenté de façon exponentielle, Radio-Canada demeurera le bastion de la
culture canadienne. Inutile de prendre une boule de cristal pour lire dans l'avenir.
Il est à nos portes.
Au printemps, le CRTC tiendra des consultations publiques
dans tout le pays pour savoir ce que les Canadiens veulent et attendent de leur
diffuseur public. En même temps, et dans le cadre de cette même démarche, Radio-Canada
se présentera devant le CRTC pour faire renouveler les licences de ses réseaux.
Fait sans précédent, toutes les licences seront examinées en même temps. Le CRTC
reverra le rôle de Radio-Canada de fond en comble, dans chacun de nos quatre grands
services et, en fin de compte, dans notre service avant-gardiste des nouveaux
médias. On connaît déjà en bonne partie nos projets. Nous partageons avec nos
concurrents et collègues l'opinion selon laquelle les nouveaux médias, en pleine
expansion, ne devraient pas être étouffés par des lois et règlements. Nous avons
demandé l'autorisation d'offrir aux Canadiens de nouvelles chaînes spécialisées
en français afin de toucher des auditoires qui nous avaient échappé jusqu'ici.
Nous avons effectué les compressions exigées. Et nous demandons à présent la possibilité
de croître aux côtés des Canadiens.
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