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le 14 avril 1999

La radiodiffusion dans une économie fondée sur le savoir - Table ronde sur l'innovation

Allocution de Perrin Beatty

Depuis l'invention de la presse à imprimer jusqu'à la création de la puce électronique, la technologie a toujours suscité de fortes émotions humaines qui vont de la peur d'être esclave de la machine, à la joie de maîtriser un domaine sans limites. Au début du XIXe siècle en Grande-Bretagne, les membres de guildes de journaux ont tenté en vain de détruire les machines qui menaçaient leur gagne-pain. Le mois dernier, durant la grève des techniciens de Radio-Canada, les mêmes inquiétudes ont été exprimées par certains employés qui se sont demandés si la technologie avancée du XXIe siècle allait finir par rendre leurs emplois obsolètes. L'un d'eux a noté dans un courrier électronique que leurs sept semaines de grève n'avaient eu qu'un effet limité sur la Radio de Radio-Canada, puisqu'il avait été possible, grâce à la nouvelle technologie conviviale, de maintenir une présence, même réduite, à l'antenne. Le même technicien a néanmoins très astucieusement souligné sa propre importance en rajoutant que : «Les idées n'ont aucune valeur sans le support de bonnes images, et une radio convenable n'est qu'un pauvre substitut à une excellente radio.» En fin de compte, nous devons tous nous adapter. Mais ce sont les gens, non pas les machines, qui font la différence entre un bon produit et un produit excellent.

L'un des grands défis de Radio-Canada sera de rassurer les peureux et de convaincre les incrédules que les importants bonds en avant de la technologie sont des progrès qu'il faut apprivoiser, et non pas rejeter. Il ne fait nul doute que la technologie est en train de transformer nos méthodes de travail, notre mode de vie et nos loisirs. Il suffit de regarder autour de nous pour constater les effets profonds et spectaculaires de l'informatisation, depuis le microprocesseur qui nous permet de faire nos achats et nos transactions bancaires sans quitter le confort de nos foyers, jusqu'à la magie de la fibre optique à haute vitesse qui pourrait nous permettre de créer un jour des empires dans l'espace. Malgré l'ampleur de ces percées scientifiques, il y aura toujours de la place pour l'intervention humaine dans cette nouvelle économie fondée sur le savoir. Après tout, les machines ne pourront jamais remplacer le talent artistique, la créativité et les réalisations des êtres humains qui les font fonctionner.

Mais c'est dans le secteur des communications que les changements entraînés par la révolution technologique au cours de ces 10 dernières années se sont avérés les plus spectaculaires. Les technologies de l'information se développent à un rythme et avec des effets potentiels jamais vus auparavant. Le monde confortable que nous connaissions est de moins en moins certain, et de plus en plus changeant.

Les entreprises de presse familiales et les stations de radio et de télévision indépendantes ont succombé devant les gros conglomérats comme Time Warner, Disney Capital City-ABC et NewsCorp de Rupert Murdoch. De fait, toute l'industrie de la radiodiffusion est en train de se restructurer autour de chaînes complexes de services réunis au sein de grandes organisations qui n'ont pas peur de solliciter de nouveaux auditoires en mettant en oeuvre des moyens nouveaux et audacieux.

Quoi qu'il en soit, l'univers morcelé des communications mondiales ne peut être contrôlé par une seule personne, ou une seule organisation. Les monopoles de distribution, par exemple, sont en train de devenir des reliques d'un autre âge. Il y a à peine 20 ans, la câblodistribution avait surtout pour but de distribuer la programmation des réseaux américains aux téléspectateurs canadiens. Dans un univers multichaîne, les chaînes de télévision spécialisée et payante — plus de 50 ont été créées seulement au Canada depuis une dizaine d'années — se sont approprié des parts d'auditoires aux créneaux de grande écoute qui rivalisent avec celles des réseaux établis. La technologie numérique non seulement transmet des sons et des images de qualité supérieure, mais sa largeur de bande considérablement accrue offre une multitude de nouvelles chaînes.

Le réseau Internet a également ouvert un territoire illimité aux médias, aux entreprises et aux consommateurs, en faisant jaillir une explosion de nouvelles, d'informations et autres contenus divertissants par l'entremise d'une plate-forme défiant le temps et la distance.

Mais malgré tous ces progrès, il est peut-être trop tôt encore pour prédire où cette révolution qui façonnera le XXIe siècle va nous mener. Certains commentateurs, comme le lauréat du Prix Pulitzer, Edward O. Wilson, un pionnier de la sociobiologie et de la biodiversité, pense que le fusionnement entre les sciences naturelles et les sciences humaines à l'ère de la technologie fera renaître ce que le Siècle des lumières avait de meilleur. Cette opinion fait écho à celle de l'auteur canadien Don Tapscott, qui avançait, en 1997, dans son livre intitulé Growing Up Digital: The Rise of the Net Generation, que nos enfants, la «génération Internet», subissent, sous l'influence des ordinateurs et de l'Internet, une transformation qui ne peut être que favorable au progrès personnel, social et économique. Car la connaissance est stimulée, non pas étouffée, par la technologie qui n'est ni plus ni moins qu'une clé qui nous ouvre de nouvelles portes.

D'autres, moins enthousiastes, estiment que cette voie mène tout droit à Hollywood. Dans un ouvrage publié récemment sous le titre de The Entertainment Economy: How Mega-Media Forces Are Transforming Our Lives, l'écrivain américain Michael J. Wolf affirme que la technologie a engendré une ère du divertissement, ce qu'il appelle le facteur-d, qui a envahi tous les aspects de nos vies et est devenu le principal moteur du commerce moderne. Il n'est donc pas étonnant que la très grosse majorité de ces produits ludiques qui envahissent notre planète non seulement proviennent des états-Unis, mais en reflètent les valeurs. Desservir une société axée sur les loisirs a ses avantages. Wolf cite des statistiques qui révèlent, par exemple, que pour chaque emploi perdu dans l'industrie aérospatiale en Californie après la fin de la Guerre froide, l'économie locale en a gagné deux dans le secteur du divertissement, qui s'est accru de 83% aux états-Unis depuis 1988.

Les inconvénients d'un tel raz-de-marée dans les communications sont évidents, surtout chez nous. Tout au long de notre histoire, notre pays a toujours dû se battre pour protéger et accroître sa souveraineté culturelle.

D'ailleurs, Radio-Canada a été créée par une loi du Parlement, en 1936, pour servir de rempart culturel contre le tintamarre des ondes américaines qui menaçaient d'étouffer notre propre voix distinctement canadienne. Cet impératif n'a pas changé en 1999. Au contraire, dans cet univers de la radiodiffusion qui s'étend à toute vitesse, la présence d'un système de radiodiffusion public s'impose plus que jamais. Si Radio-Canada ne s'en charge pas, qui parlera au nom des Canadiens, pour leur conter leurs propres histoires avec leurs propres voix? Qui se chargera de promouvoir les valeurs canadiennes dans un spectre de radiodiffusion encombré ou de refléter la riche mosaïque d'une population typiquement canadienne et unique au monde?

Bien sûr, la défense de la radiodiffusion publique va au-delà du patriotisme. Elle témoigne d'une disposition à écouter toutes les voix en ayant l'assurance qu'il y aura un endroit où notre propre voix sera non seulement entendue, mais reconnue.

Les éléments combinés des nouvelles technologies de l'information permettent pour la première fois aux consommateurs de contrôler le flot de matériels à leur disposition en choisissant ce qu'ils veulent voir et entendre, quand, comment et où. Cette dimension égalitariste et décentralisée de l'Internet, par exemple, est ce qui fait à la fois son charme et sa frustration.

Les consommateurs d'informations ont désormais accès à un éventail potentiellement illimité de ressources. Or la difficulté est de faire le tri dans toute cette information, et de savoir ce qui est utile et valable. Radio-Canada n'a pas la prétention d'être omnisciente, mais les Canadiens ont néanmoins l'assurance que nous allons utiliser nos compétences et notre intégrité journalistique pour agir dans leur meilleur intérêt.

À cet égard, tout débat sur la nature de la radiodiffusion canadienne dans une économie fondée sur le savoir devra tenir compte du rôle que le radiodiffuseur public national a joué dans l'histoire du Canada. Mais surtout, pour être utile, la discussion devra porter sur l'avenir de cette institution tout à fait unique — de même que sur les outils dont elle aura besoin pour s'acquitter de son mandat. Le rôle fondamental de Radio-Canada est d'être le miroir du Canada et des Canadiens.

Radio-Canada étant la plus grande institution culturelle du Canada, et de fait le meilleur outil dont le gouvernement canadien dispose pour protéger un précieux héritage culturel, elle existe pour desservir ses actionnaires, les contribuables canadiens. Les diffuseurs du secteur privé, par contre, sont tenus avant toute chose de dégager des bénéfices s'ils veulent survivre.

Mais si la mission de Radio-Canada demeure essentiellement la même, les moyens mis en oeuvre pour s'en acquitter doivent évoluer au même rythme que l'industrie de la radiodiffusion et que les Canadiens eux-mêmes. Faute de quoi, Radio-Canada risque de devenir une organisation anachronique marginalisée, qui pourrait finir par être inutile. Les grands conglomérats mondiaux ne regroupent pas leurs services uniquement parce que leurs livres comptables leur disent que c'est la façon la plus rentable de fonctionner. Ils réagissent également aux tendances du marché et aux exigences des consommateurs. La BBC n'investit pas 50 millions de dollars par an dans ses services Internet tout simplement parce qu'elle a envie d'étaler son nom dans le cyberespace. Si la BBC est là, c'est parce que, de plus en plus, c'est là que se trouvent ses auditoires — et donc là que les auditoires veulent trouver leur diffuseur public.

Dans une économie axée sur le savoir, tout plan d'entreprise qui veut avoir des chances de réussir doit comporter deux éléments essentiels : l'efficacité et l'innovation. Radio-Canada vient de ressortir allégée et assouplie de 10 années de compressions, à la suite notamment d'une coupe de quelques centaines de millions de dollars dans ses crédits parlementaires annuels. Compte tenu de qui nous sommes et de ce que nous représentons, nous n'avons pu nous permettre de sabrer dans des services que les Canadiens veulent avoir en échange de leurs impôts durement gagnés. Et d'ailleurs nous ne voulons pas le faire : nous avons promis d'être le conteur national du Canada, dans les meilleures et les pires des conditions. Nous avons choisi au contraire de nous attaquer de front à notre avenir, en nous disant que s'il est vrai que la technologie nous façonne, nous aussi nous pouvons la façonner.

Le mois prochain, Radio-Canada se présentera devant le Conseil canadien de la radiodiffusion qui examinera ses demandes de renouvellement de licences, et ces audiences détermineront bien plus que notre propre avenir. C'est un élément crucial de la politique culturelle du Canada qui est en jeu, et il ne saurait être question de le mettre en suspens pendant que les décideurs du Canada essaient de démêler les ramifications de cet environnement en pleine ébullition.

Nous ne demandons pas d'exclure d'autres intervenants ou de recevoir des privilèges spéciaux. Radio-Canada ne demande que trois choses afin de pouvoir profiter pleinement des possibilités qui s'offrent. Nous avons besoin que soit réaffirmée l'importance de la radiodiffusion publique au cœur d'un système de radiodiffusion canadien prospère. Nous avons besoin d'un financement stable, pas simplement prévisible, pour pouvoir faire des projets d'avenir en toute confiance. Et troisièmement, nous avons besoin d'avoir les mains libres afin de pouvoir acquérir les outils qui nous permettront de nous débarrasser de carcans structurels qui ne fonctionnent plus.

Notre plan stratégique est axé sur la création d'une constellation de nouveaux services qui nous permettront de nous acquitter de notre mandat de manière plus large, et de mieux répondre aux besoins des Canadiens. Les services de Radio-Canada de demain devront être mis à la disposition de tous les Canadiens de sorte qu'ils puissent y accéder aux moments et aux endroits qui leur conviendront. C'est pourquoi nous avons demandé l'année dernière au CRTC, l'autorisation d'exploiter deux nouvelles chaînes spécialisées en anglais et quatre en français. Et nous sommes loin d'être gourmands — au cours des 15 dernières années, Radio-Canada n'a eu que deux des 60 chaînes spécialisées approuvées par le CRTC.

Tout comme le RDI et Newsworld avant elles, chacune de ces chaînes sera financièrement autonome. Elles ne coûteront pas un sous de plus aux contribuables.

Conformément à la tendance qui prévaut dans l'industrie, Radio-Canada s'est lancée dans ces projets dans le cadre d'alliances stratégiques conclues avec de nombreux partenaires, notamment des diffuseurs privés, des maisons de production, l'Office national du film et une entreprise de câblodistribution par satellite. De tels partenariats étaient rares et peu fréquents auparavant. Mais petit à petit, ils sont devenus la norme dans notre environnement fondé sur le savoir qui offre toutes sortes de possibilités économiques et hautement rémunératrices pour aller chercher des auditoires plus vastes tout en améliorant la qualité des produits.

Nos demandes de licences ne constituent pas des incursions au hasard dans des domaines que certains considèrent comme la chasse gardée du secteur privé. Elles visent à combler de réelles lacunes dans la programmation de notre pays. Mais bien sûr, plus nous travaillerons avec le secteur privé, plus nous aurons besoin de souplesse pour répondre aux exigences de ces partenariats.

La Société Radio-Canada est préparée et tout à fait apte à exercer son rôle de chef de file.

De fait, nous sommes déjà bien implantés dans des secteurs de croissance clés de notre société de l'information et du savoir. Nos activités menées en collaboration avec nos collègues du secteur privé ont préparé le terrain pour opérer une transition à la technologie numérique aussitôt que possible. Le dynamisme dont nous avons fait preuve pour nous positionner rapidement sur le marché d'Internet a permis d'établir une présence canadienne sur le Web dont on ne devrait plus nous déloger. Les sites de Radio-Canada, dont CBC4Kids et Infoculture, notre magazine culturel et artistique en ligne font l'objet de plus d'un million de consultations de page par mois, ce qui étend notre portée bien au-delà de celle de nos émetteurs. Il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de nos réalisations car nous n'aurons jamais moins de concurrence que nous n'en avons en ce moment.

En fait, il est tout à fait possible de passer une journée entière sur Internet sans jamais rencontrer le mot Canada, sauf peut-être dans des sujets et des potins sur Céline Dion ou Wayne Gretzky. Un grand nombre de Canadiens qui se sont présentés devant le CRTC au mois de mars se sont dit inquiets de cet état de chose, et ils ont raison. Nos sites Web ont fait une percée dans cette toile uniforme.

Et puisque Radio-Canada met avant tout l'accent sur le contenu, nous offrons le même genre de nouvelles, d'informations et de divertissements fiables et professionnels que sur nos quatre services de radio et de télévision de base, et des rubriques que les Canadiens ne peuvent trouver nulle part ailleurs. Les forums de discussion permettent aux auditeurs et téléspectateurs de communiquer directement avec Radio-Canada. Plusieurs sites indépendants que Radio-Canada a conçus en collaboration avec des partenaires internes et externes, utilisent des contenus, des compétences et des ressources existants pour offrir de nouveaux services à de nouveaux utilisateurs. Notre engagement dans le secteur des nouveaux médias est si sérieux que nous avons consacré 2% de notre budget total à la réalisation de nos objectifs stratégiques. Si nous pouvions faire davantage, nous le ferions. Car il ne fait pas le moindre doute que Radio-Canada a sa place — et réussira — dans ce nouveau média.

La voie que Radio-Canada s'est tracée est parfaitement adaptée aux conditions économiques et sociales de notre époque. Notre plan précise notre mission, établit nos priorités de base et s'appuie sur nos atouts.

Notre important capital de créativité garantira notre succès; notre détermination à ouvrir notre culture institutionnelle au nouvel environnement compétitif nous aidera à réaliser les économies indispensables qui permettront à Radio-Canada de croître.

Un jour, et peut-être plus tôt que nous ne l'imaginons, nous nous retournerons pour jeter un coup d'œil sur cette fin de millénaire, et nous nous demanderons comment nous avons pu nous passer de choses qui seront devenues courantes au XXIe siècle. Les tragédies sont souvent le résultat d'occasions manquées, et les leaders se perdent dans des rêves sans envergure. Radio-Canada est en train de répertorier et de préserver plus de 60 années de documents radiophoniques et télévisuels, un héritage qui représente les archives audiovisuelles les plus importantes au Canada. Ce sont les mémoires de tout un pays, à travers les périodes de boom économique et de dépression, les histoires de succès personnels et de désespoirs collectifs, qui sont ainsi immortalisées sur bandes magnétiques et celluloïde. Il est sans doute approprié de se préparer à affronter notre avenir tout en prenant soin de bien préserver notre passé. Il y a des enseignements à tirer de notre histoire. Mais nous avons également toutes les raisons d'aller de l'avant.

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