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le 21 avril 1999

La télévision publique au Canada : un outil essentiel de promotion culturelle

Allocution de Madame Guylaine Saucier, Président du conseil d'administration de Radio-Canada devant la Chambre de commerce de Montréal

(Priorité au discours prononcé)

Mesdames et messieurs,

C'est un privilège pour moi de me retrouver parmi les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Je remercie la Chambre de m'avoir fourni l'occasion de m'adresser à vous, au moment où Radio-Canada s'emploie à revoir sa mission et sa stratégie de service aux Canadiens.

Dans quelques semaines, Radio-Canada se présentera devant le CRTC pour faire renouveler les licences de ses réseaux français et anglais de radio et de télévision, de Newsworld, du RDI et de la plupart de ses stations régionales de télévision. Fait sans précédent, toutes les licences seront examinées en même temps. Il s'agit d'une occasion tout à fait unique de se questionner sur la raison d'être de Radio-Canada, sur son rôle et sur la stratégie à déployer pour remplir sa mission.

Dans le cadre de cet exercice, le Conseil d'administration et la direction de Radio-Canada se sont donc engagés dans une réflexion commune sur les orientations à donner à la Société.

Le fruit de cet exercice est un plan stratégique qui a été rendu public il y a quelques semaines. Il propose des priorités et une stratégie pour Radio-Canada, en tenant compte de sa mission de base.

Aujourd'hui, je vous propose de faire l'exercice avec moi. D'abord en examinant la mission de Radio-Canada, pour en évaluer l'actualité et la pertinence; ensuite en établissant des grandes lignes de notre stratégie de développement; en conclusion, j'aborderai avec vous quelques conditions de succès de cette stratégie.

La mission : Radio-Canada est toujours aussi essentielle

La mission de Radio-Canada a la simplicité des choses qui durent. Depuis 1936, en effet, elle tient aux trois mêmes mots : informer, éclairer, divertir. Qu'il s'agisse de radio, de télévision ou d'Internet, notre mission est toujours aussi simple. Toujours aussi exigeante. Toujours aussi essentielle.

Essentielle, en effet — Radio-Canada l'est au moins autant aujourd'hui que lors de sa création il y a 62 ans. On cherchait alors à créer un lieu où les Canadiens de toutes régions et de toutes tendances pourraient se raconter à tous les autres Canadiens; un lieu où on pourrait également faire découvrir le monde à tous les Canadiens. Bref, le miroir de ce que nous sommes, et une fenêtre sur le monde.

Radio-Canada a ainsi pu accommoder l'expression des uns et des autres, de façon fort diverse. On a pu y voir et y entendre Les Plouffe, Lorne Greene, Albert Millaire; Bobino et The Friendly Giant; Louis Quilicot ou Anne Murray; Gordie Howe ou Maurice Richard; on y a suivi tous les grands conflits depuis la Seconde Guerre mondiale; on y a vu et analysé la révolution tranquille, la crise d'octobre 70, la rivalité entre messieurs Trudeau et Lévesque, deux des leaders les plus charismatiques de l'histoire de notre pays; on y a appris les préoccupations des pêcheurs de Terre-Neuve et de la Côte-Nord, pendant que les Albertains tentaient de comprendre les aspirations des Québécois.

Plus récemment, Radio-Canada a fait vibrer tous les Canadiens au rythme des exploits de nos athlètes à Nagano; et a été un rempart, souvent le seul, contre l'isolement des familles victimes de la crise du verglas de l'an dernier.

Bref, pour chacun d'entre nous, depuis notre naissance, ou notre arrivée au Canada, Radio-Canada a contribué à faire de nous ce que nous sommes collectivement — et même ce que nous sommes en chacun de nous : des Canadiens, des Québécois, des Montréalais qui viennent du Plateau, du bas du Fleuve ou du Nord de l'Ontario.

Aucun de nous ne serait tout à fait le même si Radio-Canada n'avait pas existé.

Bien sûr, le monde a changé depuis 1936 — Radio-Canada a souvent été la première à nous en informer! Bien sûr, Radio-Canada n'est plus le seul producteur et diffuseur canadien — il demeure toutefois le seul qui desserve toutes les régions du Canada dans les deux langues.

La technologie a permis une prolifération de canaux de diffusion. Cela ouvre aux Canadiens des perspectives extraordinaires. Dans tous les domaines, les auditeurs et les téléspectateurs ont maintenant un choix sans précédent. Des émissions d'actualités britanniques, françaises ou belges, des chaînes spécialisées en jardinage ou en cuisine, tout ça côtoie des chaînes généralistes qui occupent une part de moins en moins importante du marché — et tout ça permet au téléspectateur de se composer un menu quotidien à la carte.

De leur côté, les producteurs de contenus canadiens ont accès à un marché mondial et toute l'industrie de la création en profite. Les Américains viennent tourner à Vancouver, Toronto et Montréal, pendant que les Alliance et les Coscient produisent pour les marchés internationaux ce que les marchés internationaux réclament — c'est-à-dire des produits qui, tout en étant de qualité, sont culturellement neutres.

Fort bien. Mais nous avons toujours besoin — en fait, nous avons besoin plus que jamais — d'un lieu où les Canadiens parlent aux Canadiens; où ils partagent ce qui, en même temps, les rassemble et les distingue des autres; et où ils se racontent leurs différences. D'une institution assez solide pour prendre des risques, pour transcender les seules cotes d'écoute, pour répondre à d'autres impératifs que la rentabilité financière, et pour donner de l'espace à la relève, aux voix nouvelles.

Bref, autant, sinon plus qu'en 1936, nous avons besoin d'une institution qui incube, qui produise et qui diffuse la culture canadienne, au sens le plus large de cette expression.

Nous ne sommes pas uniques dans cette situation. Des pays comme la France, l'Allemagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande partagent avec nous cette nécessité de s'assurer un lieu d'expression qui leur soit propre. Et ils répondent tous par une télévision publique. Même Margaret Thatcher, qui a privatisé nombre de services publics, y compris la distribution télévisuelle, a conservé à la BBC, le producteur, son caractère public. Or aucun de ces pays ne partage comme nous l'espace hertzien avec les états-Unis. S'ils éprouvent le besoin de se doter d'un radiodiffuseur public, je crois qu'a fortiori, nous sommes justifiés de ressentir le même besoin.

Cela étant dit, il est indéniable que les télédiffuseurs privés ont accru la qualité de leurs émissions; cette tendance se poursuit. On dit volontiers que certaines émissions diffusées sur les chaînes privées sont «aussi bonnes» que celles de Radio-Canada. Mais justement : on dit ça parce que Radio-Canada demeure la norme en matière de qualité.

À ce sujet, une étude toute récente de McKinsey and Company, réalisée dans 20 marchés télévisuels répartis sur quatre continents, conclut la chose suivante : dans un monde de canaux multiples, un radiodiffuseur public fort hausse les exigences des téléspectateurs et, ainsi, crée un cercle vertueux qui se traduit par une hausse des standards de qualité qui prévalent sur le marché.

Sans compter qu'il y a des émissions que le secteur privé n'aborderait même pas, parce que leur rendement financier est soit trop aléatoire, soit trop éloigné, soit les deux. Par exemple, la série historique en préparation, l'Histoire populaire du Canada, qui sera diffusé en heures de grande écoute ne pourrait être entreprise par nos collègues du secteur privé. Ce projet, réalisé en français et en anglais, est trop lourd et trop risqué pour eux. Non plus qu'elle n'assurerait un service de radio francophone dans toutes les régions du pays.

Ainsi, dans la prolifération de canaux de distribution, la mission et le rôle de Radio-Canada demeurent uniques et, je le répète, essentielles.

Une stratégie adaptée au contexte actuel

Si notre mission demeure la même, son articulation doit s'adapter au contexte actuel. Tel est l'objet du plan que nous avons déposé récemment au CRTC. Je vous en épargne les détails. Mais je tiens à en énumérer les grandes lignes de force. Toutes, elles misent sur ce que nous avons de distinctif.

Il y en a cinq.

D'abord, maintenir, et même renforcer nos assises régionales.

Cet axe de développement découle d'un de nos traits les plus caractéristiques : nous apportons le Canada et le monde à chacune des régions du pays, mais surtout, nous donnons à chacune des régions du pays une voix pour se faire entendre des autres. Notre pays est pluriel. Notre télévision publique doit l'être également.

En dépit des compressions budgétaires, nous n'avons fermé aucune station régionale. Nous avons plutôt cherché à rationaliser la programmation et à renforcer les services. Au mois de septembre dernier, nous avons ouvert une station de radio à Victoria, la seule capitale provinciale qui n'avait pas encore son propre service local. Nous avons ouvert des bureaux à Sherbrooke et Trois-Rivières, ainsi qu'à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, à Cambridge Bay et à London en Ontario.

Actuellement, plus de 50 % de nos émissions sont produites en région ou traitent de sujets qui reflètent la réalité des régions. Par exemple, les séries de télévision dont l'action et le tournage ont lieu dans les régions, comme Bouscotte, à Trois-Pistoles, ou Da Vinci's Inquest, à Vancouver, connaissent un grand succès.

Radio-Canada demeure l'outil par excellence pour relier les Canadiens entre eux. Avec RDI et Newsworld, nous mettrons davantage l'accent sur la diffusion nationale des nouvelles régionales. La Télévision anglaise mettra davantage d'heures de grande écoute à la disposition des régions et injectera des fonds dans la production d'émissions régionales; la Télévision française augmentera sa présence régionale dans les émissions d'information et contribuera au développement de producteurs indépendants dans les régions.

La télévision et la radio francophones, en particulier, offrent des services vitaux pour la promotion de la langue et de la culture françaises au Canada.. Les succès remportés par les émissions de langue française en termes d'auditoires sont tout simplement remarquables. Dans le contexte actuel de mondialisation, où les produits culturels en langue anglaise dominent le marché, Radio-Canada continuera de préserver le caractère distinct de la langue et de la culture françaises en diffusant des émissions qui se démarquent à la fois par leur qualité et par leur succès d'écoute. En 1998-1999, quatre des cinq émissions francophones les plus regardées au Canada étaient des émissions de Radio-Canada. Il y aura d'autres Filles de Caleb, d'autres Omertà.

Sur l'Internet aussi, Radio-Canada est à l'origine d'une production francophone de qualité, dans un marché largement dominé par la langue anglaise.

Deuxième ligne de force : revitaliser la télévision anglaise.

Pas besoin d'être un expert pour comprendre que la Télévision anglaise de Radio-Canada est, davantage que sa sœur française, soumise aux pressions concurrentielles venant du Sud. La raison d'être de Radio-Canada n'est justement pas d'être compétitif dans le créneau surpeuplé de la télévision conventionnelle américaine. Nous devons offrir aux Canadiens quelque chose de différent — où ils se reconnaissent. Il y a déjà quelques années que nous avons entrepris de canadianiser la grille horaire de notre Télévision anglaise. Les émissions étrangères n'occupent plus que 10 % de la grille horaire de la Télévision anglaise aux heures de grande écoute, alors que cette proportion était de 24 % en 1985. Durant la saison 1998-1999, neuf des 10 séries canadiennes les plus populaires au Canada anglais ont été présentées par nous.

Nous sommes persuadés que c'est en nous distinguant que nous fidélisons nos auditoires et accomplissons notre mission. Pas en faisant comme tous les autres.

Troisième priorité : continuer de faire en sorte que nos émissions de nouvelles et d'informations établissent la norme dans le milieu journalistique canadien.

Radio-Canada occupe une position de chef de file dans le domaine journalistique. Elle est le plus grand organisme de presse au pays. On parle de 800 personnes en poste au pays et à l'étranger. Elle est le seul organisme de presse à avoir une présence partout au Canada, en français et en anglais. Elle est le seul qui puisse organiser, comme elle l'a fait avant-hier et hier, des assemblées publiques bilingues, réunissant des Canadiens des quatre coins du pays, pour discuter de la position canadienne face à la question du kosovo.

Ses activités dans ce domaine doivent avant tout se caractériser par le respect des normes d'équilibre, de crédibilité, de qualité et d'accessibilité, que ce soit à la radio, à la télévision ou dans les nouveaux médias.

C'est pourquoi l'indépendance de son service de nouvelles et d'information est fondamentale, ce que lui garantit la Loi sur la radiodiffusion. La capacité de Radio-Canada de présenter les événements et les grands sujets d'actualité sans crainte d'intervention apporte une contribution vitale à la démocratie canadienne, même si, liberté journalistique oblige, des tensions peuvent parfois se produire avec le gouvernement à la suite de la diffusion de certains reportages sur les ondes de la Société.

Notre stratégie en matière de nouvelles est quadruple :

  • premièrement, fournir aux Canadiens un menu équilibré d'informations sur leur région, sur leur pays et sur le monde;
  • deuxièmement, offrir des reportages et des analyses sur des grands enjeux concernant le Canada et les Canadiens — que ces sujets soient commercialement rentables ou non;
  • troisièmement, renseigner les citoyens des diverses régions du Canada sur les préoccupations et les opinions des autres régions afin de favoriser une meilleure compréhension mutuelle des divers points de vue; et enfin, viser la pertinence en tout temps, de manière à atteindre un auditoire suffisamment important — faute de quoi nous faillirons à notre mission d'informer et d'éclairer les Canadiens.

Quatrième priorité : offrir une programmation pancanadienne.

En termes de production et de distribution, Radio-Canada est le seul diffuseur dont l'infrastructure lui permet d'être présent partout au pays, qui assure des services en français, en anglais et en huit langues autochtones. Aucun autre diffuseur n'a bâti les ponts dont notre pays a besoin pour se développer. Aucun autre diffuseur n'a consacré autant de ses ressources à offrir aux Canadiens et au reste du monde un reflet de ce que nous sommes et de ce qui nous fait vibrer.

Une télévision publique populaire est essentielle pour atteindre la masse critique nécessaire à la diffusion efficace de notre culture. Les émissions sportives, les comédies, les fictions, les nouvelles, les émissions culturelles, toutes ont leur place sur nos ondes et visent à atteindre autant d'auditoires qu'il faut chercher à fidéliser.

Radio-Canada doit demeurer une radio et une télévision généralistes dans ses services de base pour rejoindre le plus grand nombre de Canadiens possible en assurant une couverture et un rayonnement partout au pays. Mais notre mission de rejoindre tous les Canadiens ne peut plus s'incarner comme avant — avant la fragmentation de l'univers audiovisuel. Nous devons utiliser les outils à notre disposition pour rejoindre des Canadiens que nos activités de diffuseur généraliste ne rejoignent pas. C'est dans cet esprit que nous avons demandé au CRTC l'autorisation d'offrir de nouvelles chaînes spécialisées en français, ainsi qu'une troisième chaîne de Radio anglaise, destinée celle-là à rejoindre les jeunes et une pour la Radio française, une troisième chaîne entièrement consacrée à la diffusion de nouvelles.

La cinquième priorité — mais non la moindre, est de moderniser encore davantage notre culture d'entreprise, et de la rendre plus ouverte.

Dans un contexte actuel de concurrence exacerbée, Radio-Canada doit devenir une organisation véritablement souple, réceptive et résolument tournée vers l'avenir.

En cette matière, nous n'en sommes pas à nos débuts. En trois ans à peine, nous avons coupé notre budget de 30 %, notre effectif de 25 %. Nous avons allégé notre structure administrative, et nous sommes à intégrer notre système de gestion de l'information.

Et en fin de compte, nous offrons maintenant plus de services qu'auparavant. Je crois que tous les artisans de Radio-Canada ont raison d'être fiers.

Nous avons déjà mis en place des pratiques afin d'assurer la promotion d'un cadre de gestion qui favorise l'efficacité, la transparence et la communication. Radio-Canada continuera de se montrer sensible aux besoins des Canadiens en se dotant d'un éventail de mécanismes de responsabilisation. Dans le secteur de la production et de la distribution, la Société se tournera davantage vers la constitution d'alliances et intensifiera sa collaboration avec les producteurs indépendants.

Radio-Canada aborde donc son avenir en relevant avec confiance les défis posés par les courants qui secouent nos organisations. Tout comme elle a relevé le défi qu'a représenté la période d'austérité financière que nous avons tous vécue.

Aujourd'hui, alors que nous sommes aux portes de l'an 2000, nous offrons toujours une palette de services qui fait de nous une institution unique et essentielle. Faisant écho à l'étude de McKinsey, je dénombre quatre facteurs essentiels à notre succès futur comme télédiffuseur public :

En premier lieu, nous devrons maintenir une programmation variée, de grande qualité, qui rejoigne l'ensemble des Canadiens, soit par millions, soit par auditoires plus spécialisés. Nous le faisons déjà, et notre volonté d'ajouter des canaux de diffusion vise à satisfaire cette condition de succès dans l'environnement numérique qui se fait jour.

Deuxième condition de notre succès : demeurer pertinents, ce qui s'exprime par une part de marché significative — eu égard aux auditoires visés, au type d'émissions et au canal de diffusion. Notre stratégie de développement y pourvoit.

En troisième lieu, nous devons continuer de tirer le meilleur parti de nos ressources — d'être efficaces, j'allais dire frugaux. Le chemin parcouru en ce sens depuis quelques années est tout simplement remarquable, je ne crains pas de le dire. Nous entendons demeurer vigilants et créatifs.

Quatrième condition identifiée par McKinsey : un financement substantiel et prévisible, qui nous permette de jouer pleinement notre rôle de diffuseur public, sans être astreint à la pure logique commerciale qui motive nos concurrents privés, et à l'abri d'interventions ponctuelles des gouvernements. Je ne suggère pas que Radio-Canada ne doit pas être imputable de sa gestion. Mais les règles d'imputabilité doivent être claires et stables, et porter sur des objectifs convenus au préalable.

C'est ainsi que Radio-Canada s'engagera dans le nouveau millénaire et dans le nouveau monde de la radiodiffusion avec la confiance de demeurer un radiodiffuseur public pertinent, populaire et authentiquement canadien.

Je vous remercie de votre attention.

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