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le 29 mars 2001

Allocution de Harold Redekopp aux étudiants de la Faculté des affaires, University of Alberta

Allocution de Harold Redekopp, Vice-président, Télévision anglaise de Radio-Canada, aux étudiants de la Faculté des affaires, University of Alberta, Edmonton (Alberta)

Bonsoir à tous. En premier lieu, je tiens à remercier Stuart McFadyen de m'avoir invité à m'adresser à vous ce soir. Je suis né et j'ai grandi à Winnipeg, et j'ai vécu plusieurs heureuses années ici même à Edmonton, lorsque j'étais directeur régional de Radio-Canada en Alberta, et c'est donc toujours un plaisir pour moi de retrouver mes racines dans les Prairies.

J'ai l'intention de m'adresser à vous ce soir pendant environ la moitié du temps qui m'est imparti, et de lancer ensuite une discussion d'ordre général sur mes propos, ou sur n'importe quel autre sujet que vous souhaitez aborder, surtout s'il concerne Radio-Canada et la question de la radiodiffusion publique au Canada.

J'ai résumé mes réflexions en un document d'une page, afin de vous permettre de suivre plus facilement. Comme vous pouvez le constater, mes propos s'articulent en quatre grandes parties.

  • Dans un premier temps, j'aimerais vous parler de la nécessité d'avoir un service de radiodiffusion public national vigoureux au Canada.
  • Deuxièmement, j'aimerais vous présenter certaines initiatives actuellement en cours à la Télévision anglaise de Radio-Canada qui visent à harmoniser plus étroitement nos activités avec notre vision d'un réseau de télévision public canadien.
  • Troisièmement, j'aimerais vous décrire certains des premiers indicateurs qui laissent entrevoir que nous sommes sur la bonne voie.
  • Et pour finir, je mentionnerai une tâche importante qui reste à accomplir et à laquelle j'estime que nous devons nous atteler de manière urgente.

Tout au long de mon allocution, je m'efforcerai, chaque fois que cela est possible, d'établir un lien entre mes observations et certains des thèmes traités dans votre manuel de cours, Global Television and Film.

I
LA NÉCESSITé D'UNE SOCIÉTé RADIO-CANADA FORTE

Commençons par la nécessité d'avoir une Société Radio-Canada forte.

J'ai été soulagé de constater que, malgré un grand scepticisme, votre manuel conclut qu'il y a lieu de défendre l'intervention de l'état dans le domaine de la radiodiffusion et que l'une des formes d'intervention les plus efficaces consiste à financer directement un radiodiffuseur public national.

Pour résumer ce que je comprends des chapitres 7 et 8 de votre manuel : De tous les arguments possibles en faveur de l'intervention du gouvernement, l'argument qui s'appuie sur les « avantages extérieurs » ou les répercussions sociales généralement jugées souhaitables serait le plus crédible. La notion d'« échec du marché » signifie que ces avantages ne peuvent pas être réalisés en laissant agir sans entraves les lois du libre marché. À l'inverse, la notion d'« échec du gouvernement » signifie qu'ils ne peuvent pas être réalisés au moyen d'autres formes d'ingérence dans les activités du secteur privé, comme la réglementation du contenu et les conditions d'octroi de licences, ni de mesures d'incitation sous forme de concessions fiscales. D'où la nécessité d'un radiodiffuseur public financé par l'état.

J'aimerais pousser ce raisonnement plus loin et répondre que, malgré la prolifération des services spécialisés de télévision, la nécessité d'un système de radiodiffusion public national vigoureux est plus grande aujourd'hui que jamais auparavant. Permettez-moi de suggérer trois des nombreuses raisons qui justifient cette situation; à savoir, la domination culturelle étrangère, la fragmentation régionale du pays et les effets conjugués de la mondialisation et de l'intégration des médias.

Commençons par le plus ancien argument de tous, que Graham Spry définissait déjà, il y a plus d'un demi-siècle, comme un choix que nous devons faire entre « l'état et les états-Unis ». Nous vivons dans un pays qui, d'une certaine façon, ressemble au Chili, mais sur une bande horizontale; de par notre géographie, notre démographie et notre économie, nous subirons toujours l'assaut de fortes influences culturelles du sud de la frontière. Si je ne me trompe, 80 % des échanges commerciaux en Alberta suivent un axe nord-sud. Cette tendance se vérifie à différents degrés dans toutes les régions du Canada.

Si nous croyons que notre pays doit continuer d'exister en tant qu'entité indépendante, alors nous devons sans cesse nous efforcer de découvrir de nouvelles façons d'utiliser le pouvoir inégalé de la télévision pour raconter des histoires qui nous concernent, qu'elles relèvent de la réalité ou de la fiction, dans nos propres mots. Face à la disponibilité croissante de sources d'information et de divertissement non canadiennes, il devient d'autant plus difficile, mais d'autant plus important, de relever ce défi.

Deuxièmement, nous devons tenir compte du caractère régional de plus en plus marqué du Canada, qui constitue certes l'une de nos grandes qualités, mais représente également une menace réelle et croissante pour la survie à long terme du pays. Les élections fédérales de l'automne dernier ont une fois de plus mis en lumière le fractionnement régional du vote des Canadiens et des Canadiennes, notamment la prédominance de l'Alliance dans l'Ouest, des libéraux en Ontario, etc.

À la lumière de ce clivage, il va sans dire que nous avons besoin d'une institution qui s'efforce de rassembler tous les Canadiens et Canadiennes, en soulignant autant nos différences régionales que nos valeurs communes : une institution ancrée dans chaque région du pays, dont elle est représentative, un forum qui laisse la place à des discussions et à des débats, qui en bout de ligne, contribuent à mieux informer les citoyens.

Enfin, il faut continuer de surveiller de près la tendance à la concentration des médias. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les bienfaits des synergies économiques escomptées. En revanche, il est certain que la motivation de les réaliser est forte, afin d'alléger les énormes fardeaux de la dette résultant des acquisitions, et d'améliorer les résultats pour les actionnaires. Ces motivations sont parfaitement légitimes. Mais je doute fort qu'elles soient compatibles avec la volonté de préserver la multiplicité des voix et des opinions vitales indispensables dans une société civile. Dans ces conditions, j'estime qu'il est impératif de préserver un espace public réservé au dialogue public — comparable aux espaces publics que nous nous efforçons de protéger au cœur des grands centres urbains, dominés par les gratte-ciel.

En résumé : influence étrangère, divisions régionales et concentration des médias. Dans de telles circonstances, je ne pense pas que nous puissions compter sur le secteur privé — même s'il est réglementé et stimulé par l'état — pour atteindre les objectifs d'intérêt public dans le domaine culturel. À l'appui de cette affirmation, permettez-moi de vous donner une rapide leçon d'économie de la télévision — plus précisément, des émissions dramatiques télévisées aux heures de grande écoute.

Aux états-Unis, la production d'une heure d'émission dramatique, telle que The West Wing, ER, Ally McBeal ou Law and Order, coûte de trois à cinq millions de dollars canadiens. Les producteurs recouvrent environ la moitié des coûts sous forme de droits de licence versés par les réseaux qui auront la primeur de ces émissions. Mais les producteurs en demeurent les propriétaires, et ils savent que même une émission tièdement accueillie par le public finira par atteindre son seuil de rentabilité grâce aux ventes à l'étranger, aux rediffusions et à la souscription d'émissions. Dans le cas d'une émission à grand succès, un producteur américain peut s'attendre à réaliser un rendement du capital investi de l'ordre de plusieurs centaines de points de pourcentage.

Les radiodiffuseurs américains tirent également leur épingle du jeu. S'il est vrai qu'ils paient des droits de licence élevés, d'un million et demi de dollars canadiens par heure ou plus, les recettes provenant de la vente de temps publicitaire sont trois à quatre fois supérieures. Jusqu'à présent, aucune ombre au tableau. Tout le monde gagne de l'argent et tout le monde est content.

Penchons-nous à présent sur la situation canadienne. Les réseaux canadiens peuvent acheter les droits de diffusion simultanée des émissions dramatiques américaines moyennant environ 100 à 125 mille dollars par heure, soit moins de 5 % du coût de production initial. Et elles bénéficient en outre de deux avantages supplémentaires non négligeables. Le premier avantage résulte d'une politique gouvernementale appelée la « substitution de signaux identiques », qui confère au radiodiffuseur canadien un monopole efficace sur l'émission, lui permettant ainsi d'en maximiser la valeur. Le deuxième avantage émane de la publicité indirecte diffusée par les grands réseaux américains, qui assure la promotion de ces séries auprès des spectateurs canadiens sans aucuns frais pour les radiodiffuseurs canadiens.

Il n'est donc pas surprenant que les émissions populaires américaines de grande qualité attirent un vaste auditoire et dictent les tarifs de publicité de forte écoute au Canada. Les émissions les plus populaires permettent de réaliser des recettes de l'ordre de 350à 450 mille dollars par heure : soit trois à quatre fois leur coût d'achat. En termes de rentabilité, rien ne peut surpasser la diffusion simultanée d'émissions américaines. Il n'est donc pas surprenant que ces émissions dominent les grilles horaires de grande écoute des réseaux privés canadiens.

Étudions à présent l'économie de la diffusion d'émissions canadiennes. Nos producteurs indépendants réalisent des émissions qui souffrent fort bien la comparaison avec leurs équivalents américains — et généralement, pour la moitié des coûts initiaux par heure. En réalité, selon les lignes directrices établies par le Fonds canadien de télévision, les coûts de production d'une émission dramatique d'une heure oscillent généralement aux environs de un million de dollars par épisode. Mais ces émissions sont produites dans un pays qui compte environ le dixième de la population des états-Unis. Et comme elles ne bénéficient pas des avantages de la diffusion simultanée et de la promotion gratuite, elles attirent généralement un auditoire inférieur à celui des émissions américaines au Canada, et par conséquent, les recettes publicitaires sont également inférieures.

Comment les producteurs d'émissions télévisées canadiennes réussissent-ils à survivre? Grâce aux subventions publiques et aux ventes à l'étranger. En règle générale, un producteur recouvre 25 % des coûts sous forme de droits de licence de radiodiffusion nationale. Le Fonds canadien de télévision peut subventionner jusqu'à 40 % des coûts de production, et 20 % peuvent provenir de crédits fiscaux, des bureaux de cinéma provinciaux et des fonds privés du CRTC, soit un total de fonds publics ou semi-publics pouvant atteindre jusqu'à 60 % des coûts de production. Le solde doit provenir des ventes à l'étranger. Ainsi, même si les divers organismes publics défraient plus de la moitié des coûts, les incitations économiques favorisent la production d'émissions qui ne sont pas trop ouvertement canadiennes, afin qu'elles puissent se tailler une place sur les marchés étrangers. En d'autres termes, le système favorise la production d'émissions canadiennes industrielles plutôt que nationales.

Et qu'en est-il des radiodiffuseurs canadiens? La réglementation exige qu'ils diffusent un certain nombre d'émissions canadiennes. Mais d'un point de vue économique, aucun stimulant ne les y incite. Souvenez-vous, le rendement du capital investi réalisé grâce à la diffusion simultanée d'émissions américaines est d'environ 300 à 400 pour cent. En revanche, les droits de licence d'émissions canadiennes s'élèvent à environ 200 à 250 mille dollars — soit le double des droits d'une émission américaine. En outre, cette même émission canadienne permet de réaliser des recettes publicitaires de l'ordre de 65 à 90 mille dollars — soit, dans le meilleur des cas, le quart des recettes provenant d'une émission américaine. Ce qui ne constitue pas vraiment l'option la plus rentable. Au contraire, malgré les fortes subventions, les recettes publicitaires des émissions canadiennes ne suffisent pas à compenser les droits de licence. Par conséquent, les radiodiffuseurs privés canadiens ont tout intérêt à se contenter de répondre aux exigences minimales du CRTC pour obtenir et conserver une licence de radiodiffusion, motivation parfaitement compréhensible et légitime. La diffusion simultanée d'émissions américaines constitue le seul élément réellement lucratif d'une telle licence. Le reste s'inscrit dans le prix à payer pour rester en affaires.

Poussons un cran plus loin et voyons quels sont les résultats de cette situation économique en termes d'écoute réelle des émissions canadiennes par l'auditoire canadien — résultats qui permettent avec plus de certitude de conclure au succès ou à l'échec. En réalité, les montants que dépensent les radiodiffuseurs canadiens pour produire des émissions canadiennes ou le nombre d'heures prévues dans leur grille horaire n'ont aucune importance. Ce qui importe réellement, c'est le nombre de téléspectateurs que ces émissions attirent. (En passant, toutes les statistiques que je suis sur le point de citer concernent la télévision de langue anglaise au Canada et les heures de grande écoute, soit de 19 h à
23 h.)

Les Canadiens et les Canadiennes regardent-ils davantage d'émissions canadiennes à la télévision grâce aux politiques gouvernementales instaurées au cours de la dernière décennie? Souvenez-vous, en raison de ces politiques, Radio-Canada a subi des compressions budgétaires représentant plus de 400 millions de dollars de son pouvoir d'achat annuel, et le versement de 200 millions de dollars par année au Fonds canadien de télévision, dont environ les trois-quarts sous forme de subventions publiques directes, et le reste sous forme d'une sorte de « taxe » imposée aux câblodistributeurs et aux distributeurs par satellite.

La triste réalité est que la part d'auditoire des émissions canadiennes aux heures de grande écoute à la télévision de langue anglaise a pour ainsi dire stagné du début à la fin des années 90, aux alentours de 25 %. Autrement dit, malgré les licences octroyées aux nouvelles chaînes et aux nouveaux réseaux canadiens, malgré tous les fonds publics dépensés et malgré toutes les mesures d'incitation et les dégrèvements fiscaux, les réglementations du contenu, les exigences en matière d'octroi de licence et les programmes d'avantages publics, nous en sommes toujours au même point qu'avant. À mes yeux, ce résultat constitue une combinaison classique de l'« échec du marché » et de
l'« échec de l'état », pour reprendre les termes de votre manuel.

Seuls la Télévision anglaise de Radio-Canada et CBC Newsworld ont affiché une augmentation de l'auditoire d'émissions canadiennes au cours des années 90. CTV, Global et les services de câblodistribution spécialisés ont en réalité accusé une baisse de l'auditoire d'émissions canadiennes. Les émissions canadiennes accaparent actuellement 95 % de l'écoute aux heures de pointe à la Télévision anglaise de Radio-Canada, contre 12 % à CTV et 9 % à Global.

En bout de ligne, la question qui se pose est la suivante : Qui engendre la plus grande part d'écoute d'émissions canadiennes? Réponse : la Télévision anglaise de Radio-Canada et CBC Newsworld représentent à elles deux 42 % de l'écoute totale des émissions canadiennes aux heures de grande écoute, tous les réseaux de télévision de langue anglaise confondus au Canada. Il s'agit sensiblement de la même proportion qu'au début de la décennie : j'insiste sur la stabilité de cette performance, compte tenu du nombre largement supérieur de radiodiffuseurs aujourd'hui par rapport à il y a dix ans. Comparons maintenant avec CTV. Au début des années 90, elle accaparaît 16 % de l'écoute totale des émissions canadiennes aux heures de grande écoute. À la fin des années 90, cette proportion avait fondu de moitié, à 8 %.

À mon sens, une conclusion s'impose : Radio-Canada constitue l'instrument le plus efficace de diffusion des émissions canadiennes. Vous estimez peut-être que le contenu canadien n'a pas lieu d'être une priorité d'intérêt public. Mais aussi longtemps qu'il en sera ainsi, la meilleure manière de répondre à cette obligation consistera à « déréglementer la télévision privée et à verser l'argent à Radio-Canada », comme l'a souligné récemment Matthew Fraser, ce chroniqueur du National Post plutôt favorable au secteur privé.

Et il ne suffit pas d'assurer un financement suffisant. Il faut également permettre à Radio-Canada de se mesurer sur un pied d'égalité pour qu'elle puisse accéder à un plus grand nombre de plates-formes et de débouchés afin d'accroître les occasions de présenter son contenu aux Canadiens et aux Canadiennes — seule ou en collaboration avec des partenaires du secteur privé, comme dans le cas des chaînes spécialisées numériques Canadian Documentary et Land & Sea, que nous détenons conjointement avec Corus Entertainment, division de Shaw Cable, et qui ont obtenu récemment leur licence d'exploitation.

II
LA TRANSFORMATION DE LA TÉLÉVISION ANGLAISE DE RADIO-CANADA

Permettez-moi à présent d'aborder le deuxième sujet dont je voulais vous parler : la transformation de la Télévision anglaise. Car je ne voudrais pas vous donner l'impression qu'il suffit d'être Canadien ou Canadienne pour être à la hauteur du défi. Au contraire, je suis convaincu qu'être Canadien ou Canadienne constitue une condition nécessaire, mais non suffisante en soi pour bâtir un radiodiffuseur public national vigoureux. De nombreux défis nous attendent, et au moment même où je vous parle, nous sommes déjà en train de les attaquer de front.

Quand j'ai lu dans vos manuels la description d'une « crise de la radiodiffusion publique », j'ai immédiatement songé à la situation dans laquelle se trouvait la Télévision anglaise il y a un ou deux ans. Nos budgets ne cessaient d'être comprimés. Notre auditoire ne cessait de diminuer. Avec la prolifération des chaînes spécialisées, nous avions perdu notre monopole historique dans le domaine des émissions dédiées aux sciences, à l'histoire, aux arts et bien d'autres encore. Plus important et plus inquiétant encore : aux yeux d'un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes, la Télévision anglaise ne se distinguait pas suffisamment des autres radiodiffuseurs et elle était trop motivée par des impératifs commerciaux. Par conséquent, de plus en plus de personnes se demandaient si nous étions dignes de leur appui, voire remettaient en cause notre raison d'être.

Ce diagnostic plutôt déprimant a donné matière à réflexion. Plutôt que de désespérer, nous avons préféré reconnaître qu'un changement radical s'imposait : rien de moins que ce que nous avons baptisé la « transformation » de la Télévision anglaise de Radio-Canada. Notre objectif visait (et vise toujours) à accroître la valeur réelle et perçue de la Télévision anglaise aux yeux des Canadiens et des Canadiennes. Littéralement, nous luttons pour notre survie.

Le processus de la transformation de la Télévision anglaise repose sur trois piliers. Il va sans dire que la programmation, sujet sur lequel j'élaborerai bientôt, se situe au premier plan. L'efficacité opérationnelle et financière constitue le deuxième pilier. Nous devons mieux gérer les fonds publics — et être perçus comme tels — et montrer un plus grand esprit d'initiative dans le but de conclure de nouveaux partenariats d'affaires avec des entreprises animées des mêmes sentiments que nous, autant dans le secteur public que privé. Et le troisième pilier consiste à consolider notre relation avec les auditeurs et avec tous les Canadiens et Canadiennes, en renforçant notre image de marque et en améliorant nos relations avec les parties intéressées. Nous devons affirmer clairement qui nous sommes et nous devons rendre davantage de comptes à nos actionnaires et être à l'écoute de ces derniers — qui, somme toute, sont les contribuables canadiens.

Nos aspirations se résument simplement en trois mots : télévision publique canadienne. Nous avons en grande partie réalisé le volet de notre mandat portant sur le « contenu canadien » au cours des années 90, même si nous subissions en même temps les pires compressions budgétaires de toute notre existence. Nous avons augmenté le contenu canadien à la Télévision anglaise de plus de 90 % aux heures de grande écoute et de 80 % de la grille quotidienne. Comme je vous l'ai déjà mentionné, la Télévision anglaise représente plus de 40 % de l'écoute des émissions canadiennes. Nous diffusons neuf des dix séries de divertissement canadiennes les plus populaires. Au même moment où CTV diffuse simultanément Who Wants To Be a Millionaire et The West Wing, la Télévision anglaise de Radio-Canada présente Royal Canadian Air Farce, the fifth estate, The Nature of Things et Da Vinci's Inquest.

Mais comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, il ne suffit pas d'être Canadien ou Canadienne. C'est pourquoi nous mettons actuellement davantage l'accent sur le deuxième volet de notre mandat : un service public.

À nos yeux, il est essentiel que la Télévision anglaise s'acquitte de son mandat de « service public » — et soit perçue comme telle. Nous devons retourner aux origines de la radiodiffusion publique et regagner notre place dans la conscience du public, un peu comme l'a fait la Radio anglaise : nous devons nous distinguer clairement des autres sur le spectre et nous affirmer clairement comme un service digne d'être apprécié et soutenu.

À titre de radiodiffuseur public national, nous devons représenter toutes les régions du pays et favoriser la compréhension nationale. Nous devons être moins motivés par des considérations commerciales. Si nous y parvenons, nous sommes convaincus que nos auditoires, nos principales parties intéressées et nos groupes d'intérêts, nos meneurs d'opinion, ainsi que le grand public nous témoigneront davantage de reconnaissance, de valeur, de loyauté et de soutien.

La transformation se poursuit. Nous avons mis en œuvre les premiers changements concrets à notre grille horaire l'automne dernier, suivis par d'autres au début de 2001. La prochaine grande initiative sera annoncée en juin et entrera en vigueur à la saison de programmation de 2001-2002.

Les caractéristiques de la nouvelle grille de la Télévision anglaise, telles que nous les avons définies, s'apparentent beaucoup au rôle et à la programmation d'un radiodiffuseur public tels que décrits dans le chapitre 8 de votre manuel.

En premier lieu, la question du journalisme. Nous avons renouvelé nos émissions d'information phares de 18 h et de 22 h et réduit leur contenu publicitaire de 50 %. Nous avons entrepris de revitaliser notre programmation d'émissions d'actualités et de journalisme d'enquête. Nous comptons tirer parti du succès du projet Histoire afin d'élargir la production de documentaires maison et indépendants. Et dès la prochaine saison, nous lancerons un nouveau bloc d'émissions d'« affaires publiques » diffusé le dimanche matin, traitant en profondeur de la politique, de la spiritualité et des médias.

Deuxièmement, nous élargissons la programmation destinée aux jeunes et à leurs parents. Nous avons augmenté d'environ un tiers le nombre d'émissions pour les enfants et les jeunes — toutes sans aucune publicité. Nous avons créé deux nouveaux concepts puissants : Get Set For Life, à l'intention des enfants d'âge préscolaire et CBC4Kids, à l'intention des enfants d'âge scolaire. Notre objectif consiste à offrir un « refuge » aux enfants et à leurs parents, où ils peuvent croître et s'épanouir, apprendre et s'amuser, autant devant le petit écran que sur le Web.

Troisièmement, nous élargissons notre programmation dans le domaine des arts et de la culture. Nous avons créé une nouvelle émission hebdomadaire de deux heures, diffusée en période de grande écoute, sans publicité, consacrée aux arts de la scène, intitulée Opening Night. L'émission est diffusée chaque jeudi soir. Elle a récemment présenté des prestations du ténor canadien Ben Heppner, de l'Orchestre du Centre national des arts, du Ballet national du Canada et de la chanteuse Diana Krall dans le cadre du Festival de jazz de Montréal.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour vous rappeler que Radio-Canada continue de jouer un rôle essentiel en matière de soutien des talents canadiens. L'année dernière, nous avons versé 36 millions de dollars en cachets à des créateurs et à des interprètes et envoyé plus de 40 mille feuillets T-4.

Il va sans dire que notre émission culturelle Opening Night n'est pas de celles qui attirent les plus vastes auditoires. En moyenne, elle attire environ 150 mille spectateurs, contre plus d'un million pour nos émissions les plus populaires, comme Royal Canadian Air Farce ou Hockey Night in Canada. Mais il faut mettre ces chiffres en perspective. Il faudrait donner près de cent représentations à guichet fermé au Jack Singer Hall de Calgary pour attirer un public équivalent à l'auditoire d'une seule représentation à la Télévision anglaise. C'est ce que j'appelle avoir de l'impact. Le courrier passionné que nous recevons de nos téléspectateurs constitue une autre façon de mesurer cet impact. L'une de nos tâches les plus urgentes consiste à regagner le soutien de nos principales clientèles, et il va sans dire que des émissions comme celle-ci y contribuent. Je reviendrai sur la question de l'impact sur l'auditoire tout à l'heure.

Dans l'immédiat, permettez-moi de présenter un quatrième domaine d'émissions sur lequel nous concentrons nos efforts, soit les émissions dramatiques canadiennes. Votre manuel distingue les émissions dramatiques produites au Canada, mais qui pourraient être situées dans n'importe quel autre pays, des émissions dramatiques qui ont une marque canadienne indiscutable. À la Télévision anglaise de Radio-Canada, nous nous concentrons sur cette deuxième catégorie d'émissions. Et notre stratégie semble porter ses fruits. L'action de notre émission Da Vinci's Inquest est clairement située à Vancouver. Elle est présentement diffusée le mardi soir, en même temps que The Associates à CTV, dont l'intrigue se déroule dans un cabinet d'avocats de Toronto qui pourrait être aussi bien situé à Cleveland.
Da Vinci's Inquest attire au-delà de 200 000 téléspectateurs de plus par épisode, et j'en conclus que les Canadiens et les Canadiennes veulent voir des histoires canadiennes.

Au cours des prochaines saisons, la Télévision anglaise diffusera davantage d'émissions dramatiques inspirées de la littérature canadienne; des thèmes basés sur l'actualité et des questions au cœur des nouvelles, comme notre récente émission Scorn; des productions qui transcendent la culture francophone et anglophone, comme la dramatisation de la vie de Pierre Elliot Trudeau que nous préparons actuellement, sans compter des émissions à saveur plus régionale, y compris une nouvelle série policière intituléeTom Stone, dont l'intrigue se déroule ici même, en Alberta.

Nous nous concentrons également sur un cinquième domaine, qui consiste à mettre davantage en valeur le sport amateur, par opposition au sport professionnel. J'aimerais profiter de cette occasion pour discuter de la question des sports professionnels qui, selon votre manuel, ne devraient plus relever du domaine de la télévision publique. Je ne partage pas ce point de vue. Il est vrai que je suis très préoccupé par la trop forte dépendance à l'égard des sports professionnels, même si je tiens à préciser qu'ils sont loin d'occuper 37 % de notre grille de grande écoute, comme l'affirme votre manuel. Plus exactement, ils représentent 25 % de la grille de grande écoute et 15 % de la grille quotidienne.

Les répercussions qu'ont certains événements sportifs, comme les séries éliminatoires de la LNH et les Jeux olympiques, sur les autres émissions, en particulier sur les nouvelles, me préoccupent tout particulièrement. Néanmoins, je suis convaincu qu'un radiodiffuseur public national a un rôle important à jouer en matière de présentation de grands événements sportifs, qui constituent un aspect important de la culture d'un pays.

En termes purement pratiques, je tiens à vous dire ceci. Lorsque la Télévision anglaise de Radio-Canada a mis un terme à la diffusion simultanée d'émissions de divertissement américaines, nous avons remplacé notre dépendance économique à ce type d'émissions par une dépendance à l'égard des sports de masse. Les sports professionnels représentent actuellement plus de la moitié de nos recettes publicitaires. Par conséquent, ils nous procurent les sommes dont nous avons besoin pour produire d'autres émissions, qu'il s'agisse d'émissions de nouvelles ou d'émissions dramatiques.

Remplacer ce type de programmation canadienne de grande portée par des émissions à contenu non sportif entraînerait un coût net largement supérieur à nos moyens, compte tenu de nos crédits parlementaires. Nous n'avons pas encore trouvé de solution à cette énigme. En attendant, nous avons commencé à prendre des mesures visant à réduire la part des sports professionnels dans notre grille et à accorder davantage de temps aux sports amateurs, ainsi qu'à diversifier les sports que nous couvrons. Notre couverture des Jeux olympiques tous les deux ans ne constitue pas un événement isolé, mais marque le point culminant de l'attention constante que nous portons aux athlètes amateurs canadiens. Au début du mois, la Fédération canadienne du sport amateur a décerné une récompense spéciale à la Télévision anglaise de Radio-Canada pour le travail que nous effectuons en leur nom. Vous pourrez voir un exemple concret de cet engagement lorsque nous couvrirons en détail les Championnats du monde d'athlétisme qui se dérouleront ici même, à Edmonton, au mois d'août.

La question des sports peut être considérée comme un sous-ensemble d'un autre enjeu critique auquel nous devons faire face, comme tout radiodiffuseur public qui tire une grande partie de son budget de la publicité commerciale et des commandites. Là encore, votre manuel aborde la question de front. Je cite : « Il n'est pas souhaitable d'exiger qu'un radiodiffuseur public réalise des recettes publicitaires, ni de l'y autoriser, étant donné que cette situation nuit à l'offre d'émissions de service public ». J'aimerais reformuler légèrement ce problème de la manière suivante : notre défi consiste à faire en sorte que les considérations d'ordre commercial aient moins de poids sur les décisions de programmation et de diffusion.

Permettez-moi de mettre ce problème en perspective. Ces dernières années, les recettes publicitaires de la Télévision anglaise sont demeurées relativement constantes, aux alentours de 200 millions de dollars par année. Mais au cours de cette même période, nos crédits parlementaires n'ont cessé de chuter. Par conséquent, la part totale des recettes provenant de la publicité a augmenté, au point qu'elle représente actuellement près de 40 % du budget d'exploitation total de la Télévision anglaise, dont je suis responsable à titre de vice-président.

Nous sommes confrontés au dilemme suivant. Nous souhaitons réduire notre dépendance à l'égard des recettes publicitaires. Mais en l'absence d'autres sources de financement, chaque mesure que nous prenons contribue à diminuer les sommes que nous pouvons consacrer à des émissions canadiennes de grande qualité. Nos coûts ne cessent d'augmenter, notamment en raison de l'inflation et des augmentations de salaires négociées. Le financement public n'augmente pas au même rythme que les coûts. Chaque année, l'écart ne cesse de se creuser. Cette année seulement, j'ai été contraint de réduire les coûts de plus de 8 % de notre budget total, juste pour nous tenir à la hauteur. D'un point de vue strictement financier, les réductions des recettes publicitaires ne font qu'aggraver le problème.

Malgré tout, nous avons pris des mesures que je qualifierai d'audacieuses pour réduire notre dépendance à l'égard des recettes publicitaires. J'en ai déjà cité certaines. Nous avons réduit de moitié la publicité dans le cadre de nos émissions d'information de 18 h et de 22 h, et nous l'avons complètement supprimée dans notre bloc d'émissions consacrées aux arts du jeudi soir, et nous avons considérablement augmenté le temps réservé aux émissions pour enfants, qui ne comportent aucune publicité. Par conséquent, nos recettes publicitaires ont chuté de plusieurs dizaines de millions de dollars par année. Nous pouvons seulement espérer que nos téléspectateurs, ainsi que l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, réagiront favorablement à ce changement et considéreront qu'il s'inscrit dans le cadre de notre transition vers un service public plus prononcé.

Mais d'une certaine façon, ces mesures font de la vertu une nécessité. La réalité est que le téléspectateur moyen prend déjà des mesures pour éviter environ les deux tiers des publicités télédiffusées auxquelles il est potentiellement exposé. Les annonceurs commencent à reconnaître que les courtes annonces ne constituent pas un moyen très efficace d'atteindre leurs clients, et qu'elles le deviendront de moins en moins à mesure que de nouvelles technologies de programmation, comme les magnétoscopes, seront utilisées à grande échelle dans les foyers. Les téléspectateurs commencent à se rebeller contre l'encombrement.

Nous espérons que la grille distinctive d'un radiodiffuseur public, qui attire un public loyal et dévoué ayant tendance à regarder très peu les autres chaînes télévisées, conjuguée à la diminution du nombre de publicités disponibles dans cette grille, permettra de demander un tarif supérieur à des annonceurs éclairés. Nous nous efforçons de remplacer les publicités ordinaires par des associations à valeur ajoutée, comme les commandites. Mais je dois vous avouer que compte tenu de la dure réalité financière, nous ne pouvons pas pousser plus loin les mesures de réduction de la publicité que nous avons prises jusqu'à présent.

Ultimement, nous souhaitons réduire le nombre total d'annonces publicitaires dans notre grille à la moitié du maximum admissible. Certains suggèrent que nous pourrions aller encore plus loin, et éliminer complètement la dépendance de la Télévision anglaise à l'égard des recettes publicitaires. Manifestement, des mesures aussi radicales nécessiteraient de repenser le mode de financement de Radio-Canada. Au fil des ans, certains ont suggéré, à plusieurs reprises, que si le secteur privé était libéré d'un grand nombre de ses obligations réglementaires —— et que si les chaînes privées pouvaient disposer de centaines de millions de dollars de recettes publicitaires supplémentaires pour la simple raison que Radio-Canada se retirait de la course — il serait alors avantageux pour elles de contribuer au financement de Radio-Canada à titre de véritable service public de télévision. Nous sommes encore loin d'une solution aussi radicale — mais il serait intéressant d'y songer.

En attendant, permettez-moi de revenir à la réalité et de dresser rapidement la liste de quelques-unes des principales caractéristiques d'un service de télévision public canadien une fois que la transformation sera complétée.

  • Il accordera une plus grande place à des événements percutants, à des émissions spéciales prestigieuses, et à des moments de rassemblement, comme le projet Histoire.
  • Il consacrera davantage de temps et de ressources à l'innovation, à l'expérimentation et aux nouveaux talents. Nous mettons actuellement au point une proposition de créneau d'émissions de fin de soirée, qui s'intitule provisoirement The Innovation Zone.
  • Il se distinguera par son approche de la présentation et la programmation, grâce à une organisation thématique des émissions et une animation interactive. Cette approchera sera mise en oeuvre dès l'automne prochain à la Télévision anglaise de Radio-Canada.
  • Il rétablira l'équilibre entre les émissions que nous produisons à l'interne et celles que nous commandons et achetons aux producteurs indépendants, afin que nous puissions assurer une offre constante d'émissions originales et réutiliser et adapter ce contenu à l'avenir, plutôt que de nous contenter d'en « louer » une ou deux diffusions.
  • Il sera plus solidement implanté dans toutes les régions du Canada, et présentera toutes sortes d'émissions produites à l'extérieur de Toronto. J'ai déjà mentionné la nouvelle série d'émissions dramatiques situées en Alberta que nous préparons actuellement; nous travaillons également sur une nouvelle émission d'actualités en coproduction entre Toronto et Winnipeg, et nous ferons appel à des collaborateurs dans tout le pays.
  • Et la Télévision anglaise lancera davantage d'initiatives multimédia et transculturelles en collaboration avec la Télévision française, ainsi que la Radio et les Nouveaux Médias dans le but de tirer parti de la totalité des ressources en matière de contenu dont dispose Radio-Canada et d'enrichir la programmation de chacune de nos divisions de médias.

III
PREMIERS INDICATEURS DE SUCCèS

Ainsi, quels sont les résultats de notre stratégie de transformation? Jetons un coup d'œil à certains des premiers indicateurs — en commençant par le plus important, la réaction du public. Votre manuel reformule le dilemme classique que pose l'auditoire aux radiodiffuseurs publics : s'il est trop vaste, les radiodiffuseurs risquent d'être accusés de profiter de leur financement public pour faire concurrence au secteur privé. Mais s'il est trop petit, les radiodiffuseurs risquent alors d'être perçus comme insignifiants, indignes des fonds publics.

Lorsque nous avons mis en œuvre le processus de transformation de la Télévision anglaise, nous savions que nous devions définir dès le départ une image de notre succès. Nous avons déclaré que la fréquentation demeurerait un critère de la plus grande importance. Par « fréquentation », j'entends les mesures traditionnelles, comme la portée et la part d'auditoire : combien de gens regardent nos émissions, à quelle fréquence, et pendant combien de temps. . . et comment se portent nos statistiques en matière de fréquentation par rapport aux concurrents?

Mais nous avons également affirmé que la fréquentation à elle seule ne constituait pas un indicateur suffisant du succès d'un radiodiffuseur public. Si elle veut réaliser ce que votre manuel désigne par « avantages externes », la Télévision anglaise de Radio-Canada doit être perçue comme une chaîne qui offre une valeur supplémentaire qui ne se retrouve nulle part ailleurs — et (ce qui suit est très important) que cette valeur soit perçue autant par les téléspectateurs que par les non téléspectateurs, c'est-à-dire, par tous les contribuables qui soutiennent le service. Par conséquent, le succès de la transformation de la Télévision anglaise de Radio-Canada se mesure au moyen d'une combinaison de la fréquentation et de la valeur perçue.

La première saison régulière depuis la mise en œuvre de notre initiative de transformation tire à sa fin. Je peux déjà vous indiquer que sur le plan de la fréquentation, notre part d'auditoire, pour le moins, se maintient. (Elle est même en hausse d'un point, mais cette progression est en grande partie attribuable à la diffusion des Jeux olympiques de Sydney l'automne dernier.) Si nous faisons abstraction des Jeux olympiques, notre part d'auditoire est de 8,5 % aux heures de grande écoute et de 6,5 % pour la grille quotidienne — des résultats identiques à ceux de l'année précédente à la même période.

Compte tenu de la fragmentation croissante et de la concurrence accrue dans le secteur de la télévision, conjuguées à certaines des mesures que nous avons prises en vue d'offrir une programmation répondant davantage aux exigences d'un « service public », je considère sincèrement que le fait de maintenir notre position constitue un triomphe éclatant. J'aimerais également souligner que c'est la première fois depuis longtemps que nous constatons autre chose qu'une chute de notre part d'auditoire d'une année à l'autre.

Quels sont maintenant les résultats du côté de la « valeur perçue »? Là encore, la bonne nouvelle est que les récentes tendances à la baisse semblent cesser, voire se renverser. Un récent sondage d'opinion public effectué par Pollara, sur l'« attitude des Canadiens et des Canadiennes à l'égard de Radio-Canada » a révélé que neuf Canadiens et Canadiennes sur dix estiment que la présence d'un radiodiffuseur public vigoureux est importante. Huit personnes sur dix pensent que Radio-Canada s'est améliorée par rapport à il y a cinq ans. Sept personnes sur dix pensent que la Télévision anglaise de Radio-Canada est la chaîne qui reflète le mieux la culture et les valeurs canadiennes, tandis que six personnes sur dix pensent que nous offrons les meilleures émissions canadiennes à la télévision. Seulement deux personnes sur dix estiment que Radio-Canada bénéficie d'un financement public trop élevé.

En complément à ces constations générales, Radio-Canada commande chaque année une étude de recherche quantitative. Il semble que nous réussissions plutôt bien au chapitre de certains des indicateurs clés que nous avons cernés au cours du processus de transformation — et que votre manuel considère également comme la pierre angulaire du mandat de tout radiodiffuseur public.

Par exemple, dans le domaine des émissions journalistiques crédibles et percutantes, plus de Canadiens et de Canadiennes affirment être davantage portés à croire Radio-Canada que toute autre source de nouvelles télévisées. De même, dans le domaine de la programmation canadienne, la moitié des Canadiens et des Canadiennes affirment que la Télévision anglaise offre les meilleures émissions canadiennes : soit trois fois plus que notre plus proche rival. Dans l'ensemble, 94 % des téléspectateurs de la Télévision anglaise sont satisfaits des émissions que nous offrons, et 21 % se disent très satisfaits.

Et je pourrais continuer de citer d'autres émissions en exemple. . . l'auditoire du journal télévisé The National, en hausse de 11 % à l'échelle du pays, et d'un remarquable 25 % dans les Prairies depuis que la partie consacrée aux nouvelles ne contient plus de publicité et que nous avons intégré toute l'heure de l'émission. . . ou encore, notre bloc d'émissions jeunesse, diffusé sans publicité les matins de semaine, Get Set For Life, qui nous a valu la première place parmi les jeunes de deux à 11 ans, avec une part de 25 % à l'échelle du pays et une part surprenante de 41 % dans l'Ouest du Canada.

Mais je préfère plutôt me concentrer sur un succès de programmation en particulier qui, à mon sens, incarne la combinaison idéale du succès sur les deux fronts : la fréquentation et la valeur perçue. Je veux parler de notre série phare, Le Canada : Une histoire populaire. Mark Starowicz a dirigé une équipe de professionnels de CBC et de Radio-Canada dans le but de produire trente heures de documentaire télévisé innovateur, en français et en anglais. La première moitié de la série a été diffusée au cours de la saison dernière, et elle a clairement touché une corde sensible et profonde chez les Canadiens et les Canadiennes. La qualité et l'originalité de l'émission ont été louées par les spécialistes, autant dans le domaine de la production télévisée que dans celui de l'histoire didactique. Elle a été acclamée par la critique et a fait la une des magazines et des journaux dans tout le pays et à l'étranger. Elle a fait parler les gens. Près de 95 % des écoles canadiennes ont fait l'acquisition des cassettes vidéo. Et elle a attiré près de 15 millions de personnes lors de la première saison, autant sur le réseau de télévision française qu'anglaise. Ce qui signifie qu'approximativement un Canadien sur deux a regardé au moins une partie de ce grand projet Histoire. À la Télévision anglaise seulement, en moyenne 1,2 million de Canadiens et de Canadiennes ont regardé chaque nouvel épisode de la série, à un moment donné. Pendant de nombreuses fins de semaines, Le Canada : Une histoire populaire a attiré un plus grand nombre de téléspectateurs que Hockey Night in Canada. Voilà ce que j'appelle avoir de l'impact. Je ne m'attends pas à ce que chaque projet que nous entreprenons remporte un tel succès. Mais je suis convaincu que de temps à autre, un radiodiffuseur public national doit être en mesure de rassembler un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes afin de partager une expérience spéciale et puissante, à l'échelle du pays.

À l'heure actuelle, nous disposons seulement de quelques premiers indicateurs qui montrent que notre initiative de transformation est sur la bonne voie. Manifestement, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche — et il nous reste encore au moins une tâche cruciale à laquelle nous devons nous atteler. Il s'agit de mon quatrième et dernier sujet, que j'aimerais à présent aborder brièvement.

IV
GAGNER LE SOUTIEN DE TOUT LE PAYS

Au début de mon allocution, je vous ai dit que le but de la transformation de la Télévision anglaise de Radio-Canada visait à augmenter notre valeur réelle et perçue auprès des Canadiens et des Canadiennes. Permettez-moi de modifier légèrement ces propos en ajoutant : de tous les Canadiens et Canadiennes. Je pense qu'il est de la plus haute importance pour nous de gagner un soutien solide dans toutes les régions du Canada. Or, ce n'est pas encore chose faite.

Pour m'exprimer de manière peut-être plus négative : je considérerai que nous avons atteint les objectifs de la transformation le jour où aucun parti politique de ce pays n'osera inclure la privatisation de la Télévision anglaise dans sa plate-forme électorale. Telle est, comme vous le savez sans doute, la position officielle actuelle de l'Alliance canadienne. (Ce qui n'est guère surprenant, compte tenu du point de vue des habitants de l'Ouest du Canada, bastion de l'Alliance.)

Selon le dernier sondage de fin d'année de Maclean's, un Canadien sur trois estime qu'il faut vendre Radio-Canada au secteur privé — ce qui, à mon sens, est encore trop élevé. Dans les Prairies, ce chiffre dépassait le cap des 40 %.

Je pense qu'il existe plusieurs explications à cette situation. En premier lieu, au fil des ans, les pressions financières ont contraint la Télévision anglaise (contrairement à la Radio anglaise) à se retirer d'un grand nombre d'activités de programmation locales dans de nombreuses collectivités partout au pays. Nous nous sommes coupés de nos racines locales. Ici même, en Alberta, nous avons combiné les émissions de début de soirée d'Edmonton et de Calgary en une seule émission provinciale, que nous avons par la suite scindée de nouveau en deux heures d'émissions distinctes, avant de les réduire à une demi-heure. Ce type de mesures ne contribuent pas à renforcer la loyauté de l'auditoire — même si je suis heureux de signaler que, du moins à Calgary, l'auditoire de notre nouvelle émission de 18 h, Canada Now, a presque doublé depuis l'automne dernier.

Cette situation s'explique également, en partie, par le fait que Radio-Canada est considérée comme une institution du Canada central, dirigée à partir d'Ottawa et de Toronto, qui se soucie peu des besoins, des intérêts et des aspirations de l'Ouest canadien. Une fois encore, cette perception repose sur une certaine vérité — même si, là encore, nous nous efforçons de changer les choses. J'ai été heureux de constater qu'au cours de la première semaine de diffusion de l'émission The National, nouvelle formule, on a présenté deux longs reportages sur l'aliénation de l'Ouest, qui, à mon sens, traitaient le sujet avec un tact et une sensibilité sans précédent. J'ai mentionné nos projets de nouvelles émissions d'actualités ainsi que d'émissions dramatiques diffusées à l'antenne produites dans l'Ouest du Canada, et reflétant ses préoccupations. Manifestement, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir dans ce domaine.

Nous devons aller plus loin et nous poser une question légitime, à savoir si certains des thèmes et des initiatives qui sous-tendent notre projet de transformation — un service public moins commercial qui accorde plus de temps aux arts, aux documentaires et aux autres émissions d'intérêt particulier — même s'ils plaisent à certaines de nos principales parties intéressées et à nos meneurs d'opinion, plus particulièrement dans le Canada central, ne suscitent peut-être pas une réaction aussi positive dans l'Ouest du Canada. J'aimerais connaître votre opinion sur cette question. Car je suis prêt à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour m'assurer que la Télévision anglaise l'emporte autant dans l'Ouest que dans le reste du Canada.

Je pense qu'il est temps de m'arrêter et de laisser la place à la discussion. J'aimerais résumer mes propos en quatre points :

  • Je suis convaincu que le Canada a autant besoin d'un radiodiffuseur public national que par le passé, voire davantage encore.
  • Nous consacrons de nombreux efforts à la transformation de la Télévision anglaise pour qu'elle devienne une télévision de service public digne de ce nom.
  • Certains premiers indicateurs laissent entendre que nous sommes sur la bonne voie.
  • Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir — notamment, pour prouver notre valeur et gagner le soutien des Canadiens et des Canadiennes dans toutes les régions du Canada, y compris ici, dans l'Ouest.

Je vous remercie de votre temps et de votre attention.

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