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le 23 octobre 2003

Pour un autre journalisme au Canada

Notes d'allocution - Carole Taylor, O.C., présidente du Conseil d'administration, et Robert Rabinovitch, président-directeur général de CBC/Radio-Canada, au Comité des transports et des communications du Sénat Ottawa (Ontario)

[Madame Taylor]

Honorables sénatrices et sénateurs,

C'est un grand plaisir pour nous d'aborder devant vous un sujet si important, qui nous touche tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel.

Vous avez pu entendre dans le cadre de ces auditions, et vous avez constaté par vous-mêmes, que l'industrie des médias au Canada est en train de vivre une transformation rapide, du point de vue de la technologie, de la propriété et de la convergence.

Les radiodiffuseurs privés affirment qu'ils ont besoin de la convergence pour être forts, mais l'industrie canadienne de la radiodiffusion n'est pas uniquement composée d'entreprises privées. Si nous voulons un secteur solide, c'est toute l'industrie qui doit être solide, du privé au public.

Pourquoi est-ce important? Parce que la vitalité de l'industrie médiatique repose sur la multiplicité des voix et la variété des opinions. C'est l'un des aspects des médias dont les gens de ce pays ont toujours tiré une grande fierté. Lorsque les Canadiens ont accès à la gamme la plus diversifiée de thèmes et de sujets d'intérêt, abordés selon différents points de vue, ils peuvent juger par eux-mêmes ce qui est important pour eux et avoir une opinion sur les enjeux qui touchent leur vie. Sans une représentation équilibrée des divers points de vue - présentés par des institutions tant publiques que privées - les Canadiens n'ont plus confiance en ce qu'on leur dit; ils ne se fient plus à leurs institutions.

En tant qu'ancienne journaliste, je suis très fière du journalisme de grande qualité que CBC/Radio-Canada offre aux Canadiens et qui constitue sa marque de commerce. Chaque jour ou presque, l'actualité me rappelle à quel point ce type de journalisme est important.

J'en veux pour preuve les événements qui se sont déroulés depuis un an : les guerres en Afghanistan et en Irak, le SRAS, la panne d'électricité qui a paralysé une partie de l'Amérique du Nord cet été, la maladie de la vache folle, les incendies de forêt en Colombie-Britannique et le virus du Nil occidental. Plus que jamais, les Canadiens ont besoin des meilleures sources d'information qui soient…

… de sources fiables et diversifiées, émanant des radiodiffuseurs publics ET privés.

Nous ne parlons pas toujours des mêmes sujets et nous ne les traitons pas de la même manière, et il faut qu'il en soit ainsi. C'est cet équilibre entre secteur public et privé, et les choix que nous offrons, qui ont fait de l'industrie médiatique au Canada, en particulier le secteur de l'information, l'une des références dans le monde. Je crois toutefois que nous tenons cet équilibre un peu pour acquis.

Près de 15 ans de compressions dans le milieu de la radiodiffusion publique ont laissé des traces, en particulier dans les régions. Et ce n'est pas terminé. Au printemps, le financement du Fonds canadien de télévision a été amputé de 50 millions de dollars sur deux ans, une semaine avant que CBC/Radio-Canada ne mette la dernière main à son budget pour l'exercice. Le mois dernier, des compressions supplémentaires de 10 millions de dollars ont été annoncées pour CBC/Radio-Canada. Cette situation dramatique ne peut pas durer, surtout si nous voulons répondre aux attentes des Canadiens.

Les enjeux sont les suivants. CBC/Radio-Canada représente une source qui leur rend des comptes par l'entremise du Parlement, d'un Conseil d'administration, de deux ombudsmans et en appliquant un ensemble strict de normes et de pratiques journalistiques. Le public a donc accès à une source d'information exempte de toutes pressions commerciales ou liées à la propriété, sans lien de dépendance avec le gouvernement. Ce qui signifie que les Canadiens savent qu'ils peuvent se fier à CBC/Radio-Canada pour couvrir les événements qui sont importants pour eux, d'une manière qui satisfait aux normes les plus élevées d'excellence et d'intégrité.

CBC/Radio-Canada n'est pas seulement l'organisme d'information le plus important du pays, mais c'est aussi le seul à avoir une présence pan-nationale dans les deux langues officielles… ainsi que dans huit langues autochtones. La carte que vous avez entre les mains vous donnera une idée de notre présence. La Radio anglaise a des journalistes dans 48 communautés, dont 6 bureaux dans le Nord. La Radio française a des journalistes dans 33 communautés. Les réseaux français et anglais de Télévision ont chacun des journalistes dans 33 et 40 communautés du pays.

Aucun autre radiodiffuseur canadien n'a autant de bureaux journalistiques et de journalistes à l'extérieur des grandes villes. Nous sommes présents dans des endroits comme Kelowna, en Colombie-Britannique, qui a été dévasté récemment par des incendies de forêt, Saguenay, au Québec, où l'un des grands employeurs du Canada, Alcan, est en train de réaliser un investissement sans précédent, Brandon au Manitoba où la sécheresse persistante menace le gagne-pain des gens et Goose Bay, où CBC/Radio-Canada a attiré l'attention du public sur la misère des communautés autochtones.

Leur communauté et leur région, voilà ce qui compte au dire des Canadiens. Je suis fière d'affirmer que la moitié de notre programmation canadienne, dans tous les services de la Société, comporte un volet régional. En effet, près de 40 % de notre budget d'exploitation total est dépensé dans les régions ou pour financer des activités régionales. Dans le cas de la Radio, nous dépensons plus de 60 % dans les régions, dans les deux langues officielles. Ce qui représente environ 2 000 heures de programmation par semaine.

Nous ouvrons une fenêtre canadienne sur le monde. Les correspondants à l'étranger de la Société en poste à New York, à Washington et à Rio de Janeiro couvrent le continent américain, du Nord au Sud; ceux qui sont en poste à Londres, à Paris et à Moscou couvrent l'Europe. Le correspondant de Dakar couvre l'Afrique tandis que d'autres correspondants sont en poste à Jérusalem, au Caire, à Amman, à Bangkok et à Pékin pour témoigner de l'actualité du Proche-Orient et de l'Extrême-Orient.

Nous possédons 12 bureaux à l'étranger. Aucun autre radiodiffuseur canadien ne consacre autant de ressources et n'envoie autant de journalistes sur le terrain que CBC/Radio-Canada. Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de cette présence internationale. Nous ne pouvons tout simplement pas compter sur les reportages des autres pays pour assurer la couverture que les Canadiens exigent, que ce soit en Irak ou à New York. Lorsque les journalistes de CBC/Radio-Canada couvrent des événements internationaux importants, les Canadiens sont assurés d'avoir une perspective canadienne et une qualité journalistique à toute épreuve.

CBC/Radio-Canada engage ces ressources journalistiques essentielles parce que c'est là son mandat : être une source indépendante d'information…offrir une tribune pour les débats et l'analyse… un forum permettant l'échange des idées.

Selon moi, cette entité DOIT être indépendante, et n'obéir à aucune considérations politiques, financières ou personnelles. Cette entité doit être le radiodiffuseur public…

Nous pouvons donner aux nouvelles et à l'actualité une place de choix dans nos grilles de programmation. Nos services nationaux de Télévision diffusent des émissions de nouvelles et d'information aux heures de grande écoute, notamment Le Téléjournal et The National, présentés à 22 heures chaque soir. Nous devons cela en grande partie aux contribuables canadiens. L'accès aux crédits parlementaires signifie que nos grilles de télévision ne sont pas tributaires de la programmation venue des états-Unis. La Première Chaîne et Radio One sont exclusivement financées par les contribuables et peuvent donc privilégier les émissions d'information. Le financement public nous permet d'échapper à certaines pressions qui pèsent sur les autres entreprises médiatiques.

Ainsi, lorsque des événements importants font la manchette au pays, CBC/Radio-Canada peut interrompre sa programmation régulière pour offrir des reportages en direct et en continu à tous les Canadiens. C'est ce que nous avons fait pour la visite du pape Jean-Paul II en juillet 2002, à l'occasion de la Journée mondiale de la jeunesse, ainsi que pour la visite de la reine. La priorité que nous donnons à l'information fait en sorte que les Canadiens se tournent vers CBC/Radio-Canada pour la couverture et l'analyse des grands événements nationaux.

Aujourd'hui, plus de quatre Canadiens sur cinq pensent que les nouvelles télévisées de Radio-Canada et de CBC sont fiables et exhaustives. Lorsqu'on a demandé aux Canadiens de dire quel réseau de télévision de langue anglaise avait présenté la meilleure perspective sur la guerre en Irak. Deux fois plus d'entre eux ont cité CBC/Radio-Canada comme étant le radiodiffuseur de choix, que tout autre radiodiffuseur.

Quoi qu'il arrive dans l'industrie des médias canadiens, les Canadiens savent qu'ils peuvent se fier à CBC/Radio-Canada pour avoir accès à des opinions canadiennes indépendantes et à des thèmes canadiens uniques qui ne sont présentés nulle part ailleurs. Dans l'univers multichaînes d'aujourd'hui, c'est ce qui fait que la radiodiffusion publique est plus importante que jamais.

[M. Rabinovitch]

Les membres de ce Comité se sont inquiétés de la concentration croissante des médias au Canada. Nous pensons que les changements récents qui ont remodelé le paysage médiatique canadien justifient encore davantage de maintenir un radiodiffuseur public national solide et dynamique. Le journalisme de grande qualité coûte cher et n'attire pas souvent un auditoire suffisamment vaste et n'engendre pas de revenus publicitaires assez importants pour s'imposer aux yeux des entreprises médiatiques axées sur le profit et les résultats. C'est la réalité qui prévaut dans l'industrie de l'information aujourd'hui.

Un exemple : Alors que les diverses sociétés du portefeuille de Quebecor Media se concentraient sur l'émission de télé-réalité Star Académie au réseau principal TVA, CBC/Radio-Canada couvrait la guerre en Irak. TVA avait un seul correspondant sur place. Nous en avions envoyé près de 40 dans toute la région… à Amman, à koweït, au Qatar, à Jérusalem, à Tel Aviv, dans le Nord de l'Irak, en Turquie, au Caire et, bien sûr, à Londres, à Paris, à Washington et à Bagdad. Notre objectif était simple : fournir une interprétation canadienne des événements au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. Nous ne pouvions et ne devions pas, en tant que pays, compter sur les réseaux américains ou même la BBC pour recueillir l'information. En tant que nation, nous ne participions pas à cette guerre. Les Canadiens méritaient qu'on leur présente les événements selon une perspective canadienne.

Soyons clairs : Je ne blâme aucunement les radiodiffuseurs privés pour ces choix. Star Académie pourrait bien être la première véritable réussite canadienne de la convergence, et on devrait féliciter les auteurs de ce succès pour avoir réussi là où tant d'autres ont échoué. Mais cette conjoncture unique d'événements nous a montré à quel point le secteur privé doit faire face à des intérêts conflictuels et quel pouvoir promotionnel extraordinaire ces vastes conglomérats médiatiques possèdent. Tous les francophones du Québec ont dû entendre parler de Star Académie, qui a été regardée par la moitié de la population de la province.

Chose certaine, les bouleversements sans précédent qui agitent le paysage médiatique nous obligent à réexaminer le rôle de CBC/Radio-Canada dans le système canadien de radiodiffusion afin de chercher les moyens de consolider les services que nous offrons.

Ainsi, plusieurs de nos correspondants à l'étranger font des reportages en français et en anglais; les autres font leurs reportages pour la Radio et la Télévision. Cela signifie que nous pouvons étendre notre couverture en envoyant des correspondants dans d'autres endroits du globe. Comme je l'ai déjà indiqué, nous avons déployé 40 correspondants au Proche-Orient pendant la guerre en Irak. Nous avons ainsi pu présenter aux Canadiens une plus vaste gamme de reportages et de points de vue pendant le conflit. Cela aussi, c'est l'histoire d'une convergence réussie.

Le gouvernement a reconnu le travail que nous faisons en attribuant à CBC/Radio-Canada un financement additionnel pour chacun des trois derniers exercices. Ces ressources complémentaires ont été directement injectées dans la programmation et, combinées aux économies réalisées à l'interne, nous ont permis d'améliorer le journalisme que nous offrons, tant sur le plan de la qualité que de la quantité, et d'éliminer ou de réduire les pauses publicitaires d'importantes sections de notre grille. Étant donné le succès de ces initiatives, nous espérions que l'enveloppe de 60 millions de dollars ferait partie de notre budget permanent cette année, mais cela n'a pas été le cas.

Certains ont proposé de changer le modèle de financement de CBC/Radio-Canada et d'adopter celui de PBS, qui est fondé sur les dons. En fait, PBS bénéficie d'un financement considérable de la part du gouvernement fédéral, des états et des gouvernements locaux aux états-Unis, et moins d'un tiers de son budget est constitué de dons du public. Le Canada, dont la population représente environ 10 % de celle des états-Unis, ne peut prétendre à un modèle de financement fondé sur les dons publics, comme PBS. Quand bien même ce modèle serait adopté, il faut savoir que PBS ne présente qu'une seule émission de nouvelles et dans une seule langue. Au Canada, cela est inconcevable.

Ce dont CBC/Radio-Canada a maintenant besoin, c'est un financement accru, stable et pluriannuel. Sans cela, il est difficile de planifier et de concevoir une programmation distincte et fiable de nouvelles et d'actualités. Nous pensons qu'un cycle de financement de cinq ans nous permettrait de financer notre programmation pendant tout le cycle de production, de la conception à la diffusion, ce qui peut prendre plusieurs années. Cela nous permettrait aussi d'avoir moins recours à la publicité dans nos grilles. Sans un financement adéquat, assurer un service sans publicité relève de l'impossible. Comme l'a indiqué Mme Taylor, nous avons des journalistes aux quatre coins du Canada. Malgré nos ressources constamment mises à mal, nous avons ouvert, au cours des deux dernières années, une vingtaine de nouveaux bureaux journalistiques. Par ailleurs, l'ajout cette année de 18 nouvelles fréquences nous a permis de parfaire La Chaîne culturelle.

Nous aimerions en faire plus pour les Canadiens. Grâce à un financement adéquat, nous sommes convaincus que CBC/Radio-Canada continuera d'être la référence en matière de journalisme au Canada et contribuera à ce que ce secteur demeure un symbole de dynamisme.

Nous aimerions aussi mettre davantage l'accent sur la programmation locale et régionale. Le fait de refléter la riche variété de nos communautés est l'un des rôles essentiels d'un radiodiffuseur public. C'est aussi ce que les Canadiens attendent de nous, et cela exigera un réinvestissement dans la radiodiffusion publique.

Dans son récent rapport sur la radiodiffusion au Canada, le Comité permanent du patrimoine canadien a reconnu que CBC/Radio-Canada avait besoin d'un financement accru pour remplir son mandat, et il a proposé que la Société présente au Parlement un plan stratégique ainsi que les coûts associés à cette stratégie. Nous appuyons sans réserve la recommandation à l'effet que la Société fournisse un plan stratégique assorti d'un budget complet, lui permettant d'expliquer comment elle compte augmenter la part de la programmation locale et régionale. Nous pourrions ainsi établir un nouveau " contrat avec les Canadiens ", qui énoncera clairement ce à quoi ils peuvent s'attendre de leur radiodiffuseur public en ce qui a trait à la programmation locale et régionale, et ce que cela leur en coûtera.

Le secteur privé des médias est en train d'évoluer; il en va de même pour CBC/Radio-Canada. De concert avec un secteur privé sain et concurrentiel, nous croyons que CBC/Radio-Canada garantit aux Canadiens un véritable choix en matière de nouvelles et d'information, mais il ne faut jamais tenir ce choix pour acquis.

Nous vous remercions encore une fois de nous avoir permis de faire cette présentation. Nous attendons vos questions et vos réactions.

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