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le 16 mai 2005

Place à la créativité sur nos ondes

Notes pour une allocution de M. Robert Rabinovitch, président-directeur général de CBC/Radio-Canada, à la Conférence de la NABA, Toronto

Mesdames et Messieurs, bonsoir et bienvenue au Canada, ainsi qu'à cette assemblée générale annuelle de la NABA et au Centre canadien de radiodiffusion, qui est la Maison de Radio-Canada à Toronto.

Cette ville possède de nombreux atouts qui ont contribué à sa renommée. L'un d'entre eux se trouve juste en face d'ici. Je parle bien sûr de la Tour du CN, la plus haute structure autoportante au monde. Érigée il y a 29 ans, elle est aussi l'emplacement choisi par CBC/Radio-Canada pour installer ses premiers émetteurs numériques de télévision haute définition.

Si vous êtes observateur, vous aurez aussi constaté la présence à tous les coins de rue dans un rayon d'environ un mille d'une tradition qui a survécu aux progrès technologiques. Il s'agit bien sûr de toutes ces distributrices de journaux que l'on trouve à Toronto. Le fait que Toronto compte quatre grands quotidiens de langue anglaise n'est pas étranger à la présence de ces boîtes en si grand nombre. Toronto est en effet, et de loin, le marché où la concurrence est la plus vive en Amérique du Nord dans le secteur de la presse écrite de langue anglaise.

Si je parle de journaux dans une allocution de bienvenue s'adressant à un groupe de hauts dirigeants d'entreprises de radiodiffusion, c'est que j'estime qu'il existe un parallèle intéressant avec l'idée que se fait notre réseau, et que je me fais en tant que dirigeant de ce réseau, de l'un des plus graves problèmes auquel se heurtent aujourd'hui les entreprises de radiodiffusion.

Je parle ici de la fragmentation des auditoires.

Depuis plus de quatre décennies, notre modèle commercial repose sur la diffusion de messages publicitaires de 30 secondes et sur notre capacité d'offrir aux annonceurs un auditoire qui regardera ces messages. Ce modèle a bien servi les radiodiffuseurs comme les annonceurs tant que les choix proposés aux téléspectateurs en matière de divertissement et d'information étaient limités. Il fut en effet un temps où les réseaux de télévision représentaient la seule solution viable pour les annonceurs désireux de s'adresser à un auditoire important et réceptif.

Par contre, la situation est bien différente aujourd'hui. Bob Jeffrey, président et chef de la direction de J. Walter Thompson, a d'ailleurs déclaré ceci : « Il ne fait plus aucun doute qu'à défaut de changer de modèle commercial, les réseaux de télévision conventionnels sont condamnés au déclin. »

Nos auditoires ont aujourd'hui le choix et c'est justement cette multiplicité des options qui réduit nos auditoires, quand elle ne les pulvérise pas carrément. Comme si ce n'était pas suffisant, les téléspectateurs qui nous restent ont de plus en plus recours à la technologie pour éviter nos messages publicitaires de 30 secondes.

Les annonceurs se tournent donc vers ces mêmes médias qui, lentement mais sûrement, nous subtilisent la prochaine génération de téléspectateurs. Chez les jeunes de 18 à 24 ans, les jeux vidéo, Internet, les audioblogues et d'autres technologies l'emportent sur la télévision comme média de choix. J'avais toujours cru que les jeux vidéo s'adressaient avant tout aux enfants jusqu'à ce que je lise que 16 % des hommes de 18 à 34 ans considèrent ces jeux comme un de leurs loisirs préférés. J'ai aussi été sidéré de constater au fil de mes rencontres le grand nombre de titulaires de MBA qui souhaitent faire carrière dans le secteur des jeux vidéo.

Récemment, l'Interactive Advertising Bureau de New York et la société Pricewaterhouse Coopers ont publié un rapport indiquant que les recettes publicitaires sur Internet avaient augmenté de près de 33 % en 2004, pour atteindre plus de 9,6 milliards de dollars US. La confiance des spécialistes en marketing à l'endroit de ce média est donc à la hausse. On prévoit aussi que la publicité intégrée aux jeux vidéo, communément appelée advergaming, se répandra pour atteindre une valeur de plus d'un milliard de dollars US au cours des cinq prochaines années. Ces chiffres témoignent des efforts déployés par les annonceurs pour atteindre les auditoires qui boudent la télévision.

Est-ce à dire que la publicité est menacée? À cette question, Linda Kaplan Thaler aurait semble-t-il répondu ce qui suit : « Ce sera le cas uniquement si les gens continuent de voir la publicité de manière aussi étroite, c'est-à-dire de la limiter à ce qu'on peut voir à la télévision ou dans la presse écrite. »

Devrions-nous nous inquiéter? Assurément! Ce virage de la publicité annonce t-il la fin de la télévision comme nous l'avons toujours connue? Seul le temps et notre capacité de résilience nous permettront de répondre à cette question.

Notre situation actuelle ressemble à s'y méprendre à celle qu'ont vécu les grands journaux dans les années 1920, au moment de l'apparition d'une nouvelle technologie envahissante appelée « radio ». Bien des gens ont alors cru que les journaux étaient voués à la disparition et que du coup, nos forêts étaient sauvées!

Pourtant, je suis convaincu que vous avez lu vos journaux ce matin, et que vous avez probablement écouté la radio aujourd'hui et peut-être même la télévision! Et Internet, cette technologie qui arrivera bientôt à l'adolescence, est plus présente que jamais dans nos vies.

S'il est tentant de présenter les nouveaux médias et les nouvelles technologies comme des prédateurs qui menacent de disparition les médias traditionnels, l'histoire nous enseigne qu'il faut se méfier des conclusions trop hâtives. Au contraire, ces nouveaux venus pourraient renforcer leurs prédécesseurs en les obligeant par leur concurrence agaçante et incessante à devenir plus lestes et plus créatifs. On se trouverait donc dans un état de transition perpétuel.

C'est souvent sous l'effet de la pression qu'émergent les meilleures solutions. Ces jours-ci, nous sommes soumis aux pressions exercées par les nouvelles technologies qui grugent nos parts d'auditoire et par conséquent, nos recettes publicitaires.

Nous sommes tous confrontés à une certaine ambivalence. D'un côté, nous jugeons que la technologie est mauvaise parce qu'elle aide nos téléspectateurs à zapper à l'infini. D'un autre côté, nous pressentons qu'elle est pourtant bonne, car elle nous fait épargner de l'argent et réaliser des prouesses qui étaient tout simplement impensables il y a cinq, voire deux ou trois ans.

Ici même à CBC/Radio-Canada, cette ambivalence est omniprésente.

La « bonne » technologie a fait de CBC/Radio-Canada le premier réseau au monde à adopter la technologie de modulation 8PSK qui nous permet d'acheminer 16 signaux de qualité sur un seul répéteur de satellite, un avantage indéniable lorsque votre réseau compte des stations de radio et de télévision réparties sur un territoire d'une longueur de 4 000 milles traversant cinq fuseaux horaires et demi dans certaines des contrées certes les plus belles, mais aussi les plus inhospitalières sur terre.

La « bonne » technologie met à notre disposition des méthodes de production à distance qui nous ont été fort utiles pour nos reportages en provenance des Jeux olympiques d'été de 2004 à Athènes et des Championnats mondiaux de patinage artistique de 2005 à Moscou. L'efficacité des nouvelles technologies de compression, la disponibilité à peu de frais de fibres optiques à haute vitesse et à débit élevé et l'utilisation de serveurs possédant une capacité de stockage en ligne importante ont permis, notamment, de monter et de produire la plus grande partie de nos reportages en provenance de Moscou non pas sur place, mais ici même dans nos centres de production de Montréal et Toronto. Nous sommes donc arrivés à couvrir ces événements avec un nombre restreint d'employés et moins d'équipement sur place, d'où des économies significatives. Nous pensons maintenant utiliser cette méthode de production pour nos reportages en provenance des Championnats 2005 de l'IAAF à Helsinki et pour les Jeux olympiques d'hiver de Turin en 2006.

Par contre, la « mauvaise » technologie a peu à peu grugé nos auditoires au cours de la dernière décennie, comme ce fut le cas pour pratiquement tous les radiodiffuseurs conventionnels. Ici, à CBC/Radio-Canada, radiodiffuseur public national du Canada, cette baisse des auditoires a coïncidé avec une diminution graduelle (en dollars réels) des crédits accordés par le gouvernement du Canada et avec une baisse de nos recettes publicitaires.

Je pense donc que le temps est venu de recentrer le débat sur la technologie.

La technologie a toujours été un outil plutôt qu'une fin en soi. Pour les radiodiffuseurs, la course à la technologie a toujours eu pour but de faire les choses plus rapidement, mieux, plus près, à moindre coût et de manière plus cohérente. Pour les auditoires, la technologie a toujours servi et sert encore à obtenir des choses plus rapidement, mieux, plus près, à moindre coût et de manière plus cohérente.

Dans les deux cas, il est bien sûr question de contenu.

Des émissions, voilà ce que les gens attendent de nous. Il leur importe peu que ce contenu soit accessible sur un Blackberry (une autre technologie canadienne) ou qu'il leur soit offert dans les profondeurs du métro de Montréal, où ils peuvent lire les plus récentes manchettes et nouvelles de CBC/Radio-Canada en attendant de monter dans leur train.

Dans les deux cas, la technologie permet d'offrir du contenu dans un contexte novateur et lucratif.

Les audioblogues, ou le podcasting comme on l'appelle aussi, constituent un exemple particulièrement pertinent du syndrome de « la saveur du mois ».

La technologie des audioblogues est présentée aussi bien comme une technologie rédemptrice que comme une menace pour la radio traditionnelle. Nous, à CBC/Radio-Canada, sommes résolument engagés dans le processus consistant à offrir à nos auditoires le contenu de nos services radio par le truchement de nouveaux moyens. Chaque jour qui passe, nous nous efforçons de placer notre contenu là où les auditoires qui n'écoutent plus la radio peuvent le trouver.

Ainsi, en décembre dernier, CBC Radio a lancé deux projets pilotes d'audioblogue en offrant deux émissions sous ce format : notre émission à succès de longue date sur les sciences et la médecine, Quirks & Quarks, et l'émission /Nerd, une chronique audio hebdomadaire qui présente les nouvelles technologies aux auditeurs. /Nerd est écoutée par un million de personnes par semaine sur le réseau national de CBC Radio One. L'audioblogue /Nerd est quant à lui écouté par environ 5 000 personnes, ce qui peut sembler un faible auditoire. Cependant, de semaine en semaine, cet auditoire augmente de 15 %, ce qui n'est pas rien, surtout si l'on tient compte qu'il est constitué de représentants d'une clientèle très recherchée : les jeunes branchés qui sont presque totalement absents de l'auditoire traditionnel de CBC Radio.

L'avènement d'une nouvelle technologie suscite presque immanquablement le même genre de commentaires et les audioblogues n'y échappent pas. Certains experts affirment que les audioblogues vont sauver la radio et qu'ils vont devenir la version audio de TiVo et des RVP, tandis que d'autres affirment qu'au contraire, ils sonnent le glas de la radio.

Il importe donc de répéter que le débat ne devrait pas porter sur le caractère rédempteur ou démoniaque de la technologie ni sur ses effets possibles sur un média établi. Demandons-nous plutôt comment nous pourrions mettre cette technologie au service de notre contenu en le rendant accessible au moment, à l'endroit et de la manière choisis par l'auditoire.

Ce principe s'applique aussi à la télévision. Grâce à la technologie, nous pouvons distribuer notre contenu actuel d'une manière qui nous permettra de tisser des liens avec de nouveaux auditoires. La technologie nous permet aussi de créer du contenu d'un genre entièrement nouveau et d'atteindre des auditoires peu intéressés par notre offre traditionnelle.

L'émission ZeD de CBC Television est aussi novatrice. On diffuse dans le cadre de celle-ci les meilleurs courts métrages, vidéos, films d'animation, œuvres d'art visuelles, spectacles et concerts venant du Canada et de partout dans le monde. Par le truchement du site Web ZeD, les téléspectateurs désireux de diffuser leurs propres œuvres peuvent les présenter. Depuis son lancement en 2002, ZeD – dont la formule évolue selon nos besoins – a diffusé plus de 3 000 œuvres d'artistes de la relève ou d'artistes populaires. Encore là, le chiffre peut paraître insignifiant en comparaison des autres publiés dans les rapports des radiodiffuseurs. Pourtant, le nombre 46 000 est déjà un peu plus intéressant et c'est là justement le nombre de jeunes Canadiens qui régulièrement, se rencontrent, collaborent et téléchargent leurs œuvres par l'entremise du site Web ZeD.

Ces références à l'émission de télévision ZeD et aux audioblogues ne sont pas fortuites. En effet, ce sont à notre avis des modèles du comportement que tous les radiodiffuseurs, et encore plus les radiodiffuseurs publics, devront de plus en plus adopter.

Ils devront avoir plus d'appétit pour le risque et démontrer une grande capacité de résilience.

Compte tenu de la diminution déjà amorcée de nos auditoires et du rétrécissement sans précédent de nos marges bénéficiaires, le contexte peut sembler peu propice aux risques, et les conditions plutôt de nature à nous inciter à la prudence.

Les radiodiffuseurs privés, dont la survie même est liée aux recettes publicitaires, doivent absolument conquérir des auditoires suffisants, afin de générer des recettes publicitaires qui justifieront leurs investissements. Les radiodiffuseurs publics doivent quant à eux attirer des auditoires assez importants pour démontrer leur pertinence. L'érosion des auditoires entraîne un abandon progressif des annonceurs, qui à l'heure actuelle, monopolisent pourtant 16 minutes par heure de radiodiffusion pendant les périodes de grande écoute en Amérique. Or, cette érosion n'est pas uniquement imputable aux nouvelles technologies et aux nouvelles formes de divertissement. Un autre facteur contribue aussi au lent déclin de la télévision : le manque d'audace et le refus de prendre des risques dans le domaine de la programmation.

Il est pourtant clair qu'il peut être très payant de prendre des risques en matière de programmation.

Et qui donc peut se permettre de prendre ce genre de risques?

Les radiodiffuseurs publics le peuvent, surtout ceux qui comme CBC/Radio-Canada tirent presque les deux tiers de leurs crédits annuels des fonds publics. Nous disposons en effet de la marge de manœuvre nécessaire pour prendre des risques que les radiodiffuseurs privés doivent éviter. Mais de cet atout dont nous disposons découle aussi notre plus grand défi. En contrepartie de cet avantage, nous assumons une responsabilité qu'aucun radiodiffuseur privé ne serait même tenté d'accepter : être le miroir qui renvoie aux citoyens de ce pays le reflet de ce qu'ils sont et des régions qu'ils habitent. Il nous incombe aussi d'offrir à nos auditoires des émissions différentes qu'ils ne trouveront nulle part ailleurs.

En vertu de la Loi sur la radiodiffusion du Canada, notre mandat consiste à éclairer, informer et divertir. Je souligne que nous devons nous acquitter de ce mandat en français, en anglais et dans huit langues autochtones parlées dans le Nord du Canada, tout cela avec un budget qui ne cesse de diminuer.

Cette mission, nous nous en acquittons sur un des marchés les plus exigeants qui soit. En effet, lutter quotidiennement avec la plus grosse machine médiatique au monde constitue en soi un défi de taille. Pour garantir que les Canadiens disposeront toujours d'un espace de radiodiffusion bien à eux, le Canada doit maintenir un radiodiffuseur public doté de moyens financiers suffisants vers qui les Canadiens peuvent se tourner pour entendre des histoires et des nouvelles les concernant, et qui leur sont présentées dans une perspective typiquement canadienne.

La protection de cet espace n'est pas une mince tâche. Outre les défis technologiques, l'obtention de ressources financières suffisantes demeure l'un des principaux problèmes auxquels est confrontée CBC/Radio-Canada. Je sais parfaitement qu'aucun radiodiffuseur public n'est actuellement riche et ne compte sur des fonds de développement illimités. Il suffit pour s'en convaincre d'analyser la situation de la BBC, d'ABC en Australie ou encore, de PBS qui est confrontée à une compression prochaine de 15 % de son enveloppe budgétaire. CBC/Radio Canada est donc constamment à la recherche de nouvelles méthodes de travail qui lui permettront de réaliser des gains d'efficacité et des économies, et de générer des revenus qui sont ensuite investis dans la programmation.

Nous sommes arrivés à dégager une somme annuelle récurrente de 65 millions de dollars, mais ce ne sera pas suffisant pour combler tous nos besoins. En fait, même si l'appui que nous donne la population canadienne ne fléchit pas, et augmente à certains égards, nos crédits parlementaires sont actuellement inférieurs de 400 millions de dollars (en dollars réels) à ce qu'ils étaient en 1990.

Certaines personnes pourraient être portées à croire que cette situation est justifiée dans le contexte actuel de multiplication des chaînes. Pourtant, la plupart des gens reconnaissent le rôle crucial de la culture dans le processus identitaire d'une société et la télévision est l'un des médias culturels les plus puissants qui soit pour permettre aux citoyens d'une même nation de partager leurs expériences communes. Une chose est claire : pour assurer leur survie, tous les radiodiffuseurs, publics comme privés, doivent maintenir leur pertinence.

Pour justifier les investissements que les Canadiens font dans leur radiodiffuseur public, CBC/Radio-Canada doit leur offrir des services, des histoires, des points de vue et des émissions qu'ils ne trouveront pas ailleurs, et elle doit le faire de la manière la plus efficace possible. Ce qui nous ramène à la nécessité de prendre des risques et qui explique nos expériences dans le domaine des audioblogues. Voilà aussi pourquoi nous nous intéressons au potentiel de la radio par satellite et nous nous sommes associés avec SIRIUS et Standard Radio pour offrir cette nouvelle technologie aux Canadiens.

Voilà également pourquoi nous disposons du plus important service de nouvelles radio et télévision au Canada. Et voilà aussi pourquoi nous avons des journalistes en poste dans 70 collectivités d'un bout à l'autre du pays, et que nous comptons 13 bureaux à l'étranger.

C'est également la raison pour laquelle il y a deux ans, la Télévision de Radio-Canada a lancé un programme de repositionnement qui l'a amenée à diffuser des émissions un peu plus audacieuses qu'aucune autre chaîne ne voulait diffuser. Les résultats sont éloquents : Tout le monde en parle est l'émission par excellence sur le marché francophone, attirant près de deux millions de téléspectateurs toutes les semaines, tandis que Les Bougon, une satire qui dépeint sur un ton humoristique les stéréotypes les plus répandus sur les assistés sociaux, attire plus de 1,5 million de téléspectateurs toutes les semaines sur un auditoire possible de seulement sept millions de personnes. Après la diffusion du premier épisode de cette série, des critiques ont affirmé qu'aucun radiodiffuseur privé n'aurait pris le risque de diffuser une émission comme celle-là. En fait, celle-ci avait même été offerte aux réseaux privés. Aujourd'hui, elle est si populaire que les réseaux anglais du Canada et des états-Unis discutent avec les producteurs afin d'en développer une version anglaise.

Cependant, le goût du risque n'est pas une garantie de succès. Parfois, de nouvelles émissions ou de nouvelles plateformes technologiques fonctionneront à notre avantage, et d'autres fois, elles nous nuiront. Dans le premier cas, non seulement en tirerons-nous des revenus, mais, ce qui est tout aussi important, nous serons en mesure de tisser des liens avec les auditoires attirés par ce genre d'émissions.

Rechercheriez-vous à inclure à votre auditoire les 46 000 artistes de la relève sans le sou qui ont collaboré à ZeD? Probablement pas.

Et nous à CBC/Radio-Canada, le voulons-nous? Tout à fait! Nous le voulons parce que ces artistes sont des citoyens au même titre que les 30 millions d'autres Canadiens. Nous nous intéressons aussi à eux parce qu'ils appartiennent à la génération dite « perdue ». Ils ne nous ont pas vraiment abandonnés, ils font tout simplement autre chose. Ils surfent sur Internet, ils jouent à des jeux vidéo, ils utilisent leur téléphone cellulaire comme un outil de divertissement, ils louent des films, etc. Si nous voulons que la prochaine génération s'intéresse à nous, nous devons nous préparer à la divertir. Cette génération ne déteste pas plus la publicité et la télévision que les précédentes. En revanche, elle déteste la médiocrité dans la publicité et à la télévision, et elle regarde la télévision uniquement quand elle aime ce qui y est présenté. Si nous offrons à nos auditoires ce qu'ils veulent voir au moment où ils le veulent et là où ils le veulent, ils nous reviendront. Nous devons les confronter, les divertir et leur proposer des défis.

Comme vous pouvez le constater, notre plus grand adversaire est non pas la technologie, mais plutôt le manque de créativité. Pourquoi dans une industrie née de la créativité est-il si difficile de relever ce défi? Voilà la question primordiale.

Toute la créativité du monde ne servira cependant à rien si elle ne peut compter sur des ressources financières suffisantes. Le marché publicitaire de la télévision gratuite est, dans le meilleur des cas, en stagnation. Nous devons trouver de nouvelles sources de financement qui nous permettront d'améliorer la programmation et de laisser la créativité s'exprimer à l'écran. L'industrie de la publicité n'est pas inerte. Dans notre société axée sur la consommation, les annonceurs s'efforcent de mettre au point de nouvelles techniques et de trouver de nouveaux moyens pour influer sur les goûts et sur les achats. Nous devons nous associer à eux. Nous devons étudier le potentiel des émissions commanditées. Nous devons envisager le placement de produits dans nos émissions, en prenant soin cependant de protéger l'intégrité et le contenu de nos émissions. Nous devons envisager les promotions croisées entre les différentes plateformes et entre les divers moyens d'atteindre les auditoires. Nous devons améliorer nos méthodes de marchandisage afin de mieux exploiter nos marques les mieux cotées comme celle de Hockey Night in Canada, dans notre cas bien particulier.

Et, j'ose le dire, nous devons nous mettre carrément à la recherche de nouvelles sources de revenus. Pourquoi, par exemple, les chaînes spécialisées comme ESPN peuvent-elles percevoir des droits d'abonnement pour certains produits exclusifs comme les matches de football de la NFL tandis que les radiodiffuseurs conventionnels, qui produisent la plus grande partie des émissions originales à la télévision, donnent leurs produits gratuitement aux câblodistributeurs et aux distributeurs de signaux par satellite qui se servent d'eux comme épine dorsale de leurs bouquets de chaînes? Tout comme le modèle publicitaire et la technologie évoluent et changent, il nous semble que le modèle financier devrait lui aussi évoluer. Internet nous a enseigné que la gratuité est rarement une source de bénéfices, et les sociétés présentes sur Internet ont modifié leur offre et leur mode d'établissement des prix en conséquence.

Les sociétés de services sans fil n'offrent pas des services vidéo gratuits par pure philanthropie, mais plutôt parce que ces services créent une demande qui accroît le taux d'utilisation et par voie de conséquence, augmente leurs bénéfices. Maintenant que les émissions de la télévision conventionnelle sont acheminées à plus de 85 % des nord-américains par le câble et par satellite, un service pour lequel la population paie des frais importants, il est permis de se demander si le temps n'est pas venu de modifier le système de paiement et de reconnaître concrètement que ce contenu possède une valeur intrinsèque.

La créativité ne peut s'exprimer que lorsqu'elle en a les moyens. Dans la mesure où les recettes publicitaires ne suffisent plus à payer la programmation, nous devons, en tant que radiodiffuseurs conventionnels, nous interroger sur le bien-fondé d'offrir notre contenu gratuitement aux distributeurs. Nous devrions exiger notre part de cette source de revenus afin de générer les liquidités dont nous avons besoin pour financer les créateurs.

Avec l'aide des annonceurs, nous avons l'obligation d'offrir des signaux de télévision sur ondes hertziennes gratuitement. Dans la mesure où la population choisit de recevoir ces émissions de télévision par le câble, par satellite ou au moyen d'autres systèmes de distribution pour lesquels elle est disposée à payer des droits d'abonnement importants, il nous paraît évident qu'au moins une partie de cet argent devrait nous revenir et servir à financer la création d'émissions.

En terminant, j'espère que vous passerez tous de bons moments à l'assemblée générale annuelle de cette année et je vous souhaite un agréable séjour à Toronto et au Canada.

Je vous remercie de votre attention.

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