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Synopsis

Sortie prévue : 20 octobre 2006

Michel (Olivier Gourmet), fils d'écrivain paralysé (Jean-Pierre Cassel), mari d'une Congolaise réfugiée (Claudia Tagbo) et père d'un futur champion de tennis (Arnaud Mouithys), est un inventeur belge erratique incompris de son employeur. À l'âge de 41 ans, il apprend qu'il est adopté et qu'il est né clandestinement dans une grange au Québec, à Sainte-Cécile. À l'été de l'an 2000, Michel se rend à Sainte-Cécile, village banal qui lui donne vite le mal du pays. Là-bas, il croise un homme (Paul Ahmarani) au volant d’une voiture électrique hybride anachronique. Sur la route qui les ramène à Montréal, un accident changera leur vie ainsi que l’avenir de l’industrie automobile.

Bienvenue dans le Congorama.

Entretien avec le réalisateur

Comment est née l'idée de Congorama ? Dans un avion. C'est-à-dire que l'idée s'est concrétisée dans un avion, mais la genèse remonte à la route des festivals qu'a suivie mon premier long métrage, La Moitié gauche du frigo. De Rouyn-Noranda en Abitibi jusqu'à Namur en Belgique, j'ai croisé par hasard des cinéastes belges drôles et attachants avec qui j'ai fraternisé. Je connaissais déjà le cinéma belge que j'aime pour son audace et son humour, mais là, je découvrais ses artisans et l'univers qui inspire leurs histoires.

En Belgique, je me suis senti un peu chez moi. Là-bas comme au Québec, il est beaucoup question d'identité, de politique, et les gens sont assez familiers. Dans l'avion qui m'a ramené du festival de Namur en octobre 2002, j'ai griffonné le synopsis de Congorama sur le napperon qui me servait de sous-verre.

Vous buviez quoi ? Un rhum and coke je pense. Il paraît que l'effet de l'alcool s'accentue en altitude, mais je ne sais pas si ça se vérifie scientifiquement.

Donc, avec cette idée, vous vous lanciez dans une coproduction. Le désir de raconter une histoire qui se passe en Europe et au Québec m'habitait depuis un moment. Après avoir travaillé à Paris en 1993 pour Surprise sur prise, je me suis toujours senti à cheval sur deux continents. C'est une réalité souvent décrite chez nous, étant donné notre situation de francophones d'Amérique à la jonction de deux mondes. Mais je trouve que le cinéma a rarement traduit cette réalité de manière naturelle. Le cinéma de coproduction est surtout une affaire de financement et de collaboration. Tel pays finance un pourcentage du film en échange de l'embauche d'un certain nombre d'artisans et de comédiens. Les histoires, quant à elles, restent souvent bien campées sur un continent.

L'histoire devait s'enraciner sur les deux continents pour des raisons dramatiques et dans une vraie perspective de dualité. Les personnages allaient se rencontrer naturellement, comme dans la vie, sans trop insister sur les différences. Quand j'ai proposé le projet à Luc Déry, mon producteur et collaborateur, ce dernier a tout de suite aimé l'idée d'une coproduction «naturelle» entre l'Europe et le Québec. C'est ainsi qu'il a défendu le projet pendant les trois années qu'il nous a fallu pour monter le film. On a rencontré Joseph Rouschop, le producteur belge, qui a embrassé et bonifié cette vision du projet.

Vous croyez avoir évité les clichés culturels ? Pas totalement. Difficile d'éviter la frite en Belgique ! Mais j'ai essayé d'éviter les gags gratuits. Avec les Belges ou les Français, on finit toujours par discuter de nos accents, de nos expressions. Parfois, l'utilisation d'un mot donne lieu à des malentendus. Ça fait partie de la réalité. J'ai voulu intégrer ça dans les dialogues, sans trop appuyer. Et puis il faut se rappeler que mon personnage principal n'est pas français. Il est belge. Si on a souvent commenté nos différences avec nos « cousins » français, on aborde rarement la question avec les Belges francophones qui, comme nous, ont un rapport particulier avec la France. Ils ont aussi un espace identitaire à protéger face aux Français qui sont beaucoup plus nombreux, beaucoup plus influents sur le plan culturel.

Maintenant, la question que tout le monde va vous poser : pourquoi Congorama ? Qu'est-ce que le Congo vient faire dans cette histoire belgo-québécoise ? Un des premiers lecteurs du scénario m'a fait remarquer que le Congo était à Congorama ce que la Chine était à Chinatown de Roman Polanski. Une sorte d'espace psychologique davantage qu'un lieu. J'ai trouvé la comparaison intéressante et flatteuse, mais elle doit s'arrêter là par respect pour l'excellent Polanski (rires). Le Congo a été la propriété personnelle du roi belge Léopold II, puis une colonie de la Belgique. Déjà là, il y a un lien implicite.

Mais pour le reste, j'ai vraiment envie que le spectateur tire ses propres conclusions sur le sens du titre, comme j'ai envie qu'il découvre le film sans trop savoir à l'avance ce qu'il va voir. Le récit se déploie au compte-gouttes et j'invite le spectateur à reconstituer lui-même les pièces du puzzle. Le puzzle de l'histoire et ses rebondissements, bien sûr, mais aussi celui du profil psychologique des personnages. Comme spectateur, je n'aime pas rester passif, j'aime travailler un peu. Et puis il est assez rare maintenant qu'on puisse aller au cinéma sans connaître l'histoire du film. Les stratégies de communication lors de la mise en marché et la multiplication des chroniques de cinéma de tout acabit désacralisent un peu les récits. On en dit trop. Je trouve ça dommage.

Vous venez d'aborder la question du puzzle dans le récit. J'aimerais justement qu'on parle de votre structure narrative assez particulière où l'histoire est... Je vous arrête ! Vous voyez ! Vous le faites. Vous vous apprêtez à dévoiler des éléments de surprise.

Ah bon ? Oui. Congorama est une comédie dramatique dont la construction ressemble un peu à un thriller. Ce n'est pas un vrai thriller, parce que l'intérêt principal du film est ailleurs que dans les rebondissements, mais bon. Pour que ça fonctionne, pour que le plaisir soit réel, il faut savoir en parler en révélant le moins possible les petits bonbons.

Alors, nous dirons que c'est un faux thriller ! Parlez-nous de votre personnage Michel Roy, un Liègeois qui apprend à l'âge de 41 ans qu'il est adopté et qu'il est né dans une grange au Québec. On peut dire ça, non ? C'est écrit dans votre résumé. Euh... Oui, je pense bien avoir écrit ça dans le résumé...

Donc, ce qu'il y a d'intéressant, c'est que Michel Roy est un ingénieur tout comme le héros de La Moitié gauche du frigo qui, lui aussi, vivait une crise identitaire. Ah ! Ça va sûrement alimenter les savantes analyses des Cahiers du Cinéma (rires). Pourquoi un ingénieur ? Bonne question ! (Il réfléchit un moment.) Je n'ai pourtant jamais rêvé faire ce métier. Mais chaque fois que je prends l'avion et que je vois les ailes s'agiter à dix mille mètres d'altitude, je remercie les ingénieurs d'avoir bien fait leurs calculs compliqués. Notre monde foisonne d'objets, de constructions et de modes de vie même issus de l'ingénierie. Quand on y pense, un monde sans ingénieur est aussi impensable qu'un monde sans médecin.

Dans Congorama, il est question en toile de fond de la voiture électrique, un mode de transport qu'on aimerait plus accessible, mais qui pose des problèmes de faisabilité et d'efficacité énergétique. Trente-sept ans après avoir été sur la Lune, on n’a toujours pas trouvé le moyen (ou la volonté) de se déplacer proprement. Depuis quelque temps, je jonglais avec l'idée de tourner un documentaire sur la voiture électrique. J'ai été un peu dépassé par l'ampleur du projet, et j'ai recyclé le sujet pour en faire le moteur de la petite intrigue de Congorama.

Mais le sujet se situe ailleurs, autour de la famille... Absolument. C'est seulement en relisant la première version du scénario que le thème du film m'est apparu plus clairement. Le rapport au père et la question de la filiation m'ont semblé s'installer en filigrane. Avant d'être ingénieur, Michel est une personne aux prises avec des questions d'identité. Il cherche à se définir à travers son travail et, plus particulièrement, ses inventions.

Alors que ses compétences professionnelles sont remises en question par son employeur, son père lui apprend qu'il est issu d'une adoption clandestine au Québec. Marié à une Congolaise et père d'un enfant aux traits africains très prononcés, Michel a du mal à composer avec cette nouvelle. Il en veut à son père. Les cartes se brouillent dans son esprit. La raison cartésienne d'un ingénieur n'est d'aucun secours pour affronter une quête identitaire et démêler les émotions. Michel va finir par s'embourber dans une succession de mauvaises décisions. C'est un égoïste un peu bougon qui génère son propre malheur.

Le rapport au père est un thème à la mode dans le cinéma québécois. Le rapport au père est un thème à la mode depuis l'homme de Neandertal. Ici, je l'aborde essentiellement de manière ludique.

C'est un sujet proche de vous ? Ce n'est pas autobiographique si c'est ce que vous voulez savoir. Mais l'idée de la paternité m'intéresse au sens large. Le film explore les liens implicites de la paternité, ce qu'un ami a qualifié de «paternité tranquille». La transmission d'une certaine connaissance ou «sensibilité génétique», mais aussi la paternité au sens figuré. Beaucoup d'hommes, dont moi, avons besoin de bâtir quelque chose de concret (une invention, un objet d'art, un chalet) pour se sentir exister.

Pourquoi Olivier Gourmet (La Promesse, Le Fils) pour incarner Michel Roy ? Pour la vérité de son jeu. Avec lui, on est tout de suite dans le vrai, le réel. Étant donné le côté parfois invraisemblable de certaines situations, je voulais à tout prix crédibiliser le personnage par le ton du jeu. Gourmet est connu pour ses rôles dramatiques. J'avais envie de lui faire jouer des situations drôles tout en conservant sa contenance dramatique pour créer un humour décalé.

On n'a pas encore parlé de votre comédien fétiche, Paul Ahmarani, que vous retrouvez pour votre deuxième long métrage. Je pense que le talent de Paul Ahmarani est encore sous-estimé. Il a une énergie particulière, un charisme différent. Son registre est plus étendu qu'on ne le croit. J'ai écrit le rôle pour lui. J'imagine mal faire un film sans lui, peu importe l'importance du rôle.

Finalement, qui vous a donné l'idée de cette fausse entrevue pour parler de votre film ? C'est vous, non ?

Propos recueillis par Philippe Falardeau entre Liège et Paris, avril 2006.