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Poissons et vies aquatiques

Le monde sous-marin

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La plie canadienne

Bien que le flétan soit aujourd'hui le plus prisé des poissons plats du nord-ouest de l'Atlantique, il fut un temps où il était peu en demande, et même considéré comme une espèce nuisible.

Avant le début du 19e siècle, les flétans étaient très abondants dans certains secteurs de l'Atlantique nord-ouest. À ces endroits, les pêcheurs en attachaient souvent à une ligne qui pendait à la poupe du bateau, afin de décourager les autres flétans de manger les appâts accrochés à leurs hameçons, puis ils les rejetaient habituellement à la mer lorsque le bateau rentrait au port.

La situation a cependant changée entre 1820 et 1825, lorsqu'un marché a commencé à se développer à Boston. Les taux de capture de nos jours se chiffrent à environ 2,000 tonnes métriques (t) de flétan par année.

Description générale

Le flétan de l'Atlantique (Hippoglossus hippoglossus) est le plus gros des poissons plats, atteignant une longueur de 2,5 m et un poids de plus de 300 kg. Il appartient à la famille des pleuronectes, dont les individus ont habituellement les yeux du côté droit du corps, le côté gauche étant complètement aveugle. C'est un poisson fortement comprimé (aplati d'un côté à l'autre), qui nage le côté gauche face au fond et le côté droit, ou côté oculaire, tourné vers la surface. Le flétan n'est coloré que de ce côté et sa teinte varie du brun verdâtre au marron très foncé. Le côté aveugle est habituellement blanc chez les jeunes, mais devient tacheté de gris ou même de rouge cerise chez les spécimens plus âgés et plus gros. La bouche, très grande, s'étend jusque vis-à-vis du milieu des yeux et est pourvue de nombreuses dents incurvées et bien affilées. Outre sa taille, le flétan de l'Atlantique se distingue de la plupart des autres poissons plats par sa queue concave. La seule autre espèce de l'Atlantique nord-ouest pourvue de cette caractéristique est le flétan du Groenland (Reinhardtius hippoglossoides); cependant, la ligne latérale de ce dernier est plus droite, sa bouche plus grande et ses dents plus puissantes. On trouve un très proche parent de ces espèces, le flétan du Pacifique (Hippoglossus stenolepis), le long de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord, du sud de la Californie jusqu'à la mer de Béring, et jusqu'au nord-est de l'île Sakhaline (URSS), dans la mer d'Okhotsk, et au nord du nord-est du Japon.

Distribution et migrations

Le long de la côte est de l'Amérique du Nord, on trouve le flétan de l'Atlantique depuis la Virginie et le New Jersey jusqu'à la hauteur de la baie Disko et du Groenland, soit plusieurs degrés à l'intérieur du cercle arctique. On a observé peu de spécimens à ces latitudes extrêmes, et il ne s'agit probablement que de quelques individus égarés. La plupart des flétans vivent à l'intérieur de ces limites, avec des concentrations dignes de mention le long du banc de Georges, du banc de l'île de Sable, du banc Banquereau, du Grand banc, du Bonnet flamand et de l'île d'Anticosti. On trouve des concentrations côtières à la hauteur de l'île Cap-de-Sable (Nouvelle-Écosse), autour de l'île Grand-Manan, située à l'entrée de la baie de Fundy, et même dans le bassin des Mines, au fond de cette même baie.

Dans l'Atlantique nord-est, on peut observer le flétan du golfe de Gascogne, au sud, jusque dans les eaux du Spitzberg, de l'île de l'Ours et de la mer de Barents, au nord. Dans les limites de ces eaux, les plus grands bancs de flétan se trouvent près des îles Feroe, vis-à-vis de la cote sud-ouest de l'Islande et dans les eaux froides de la Norvège.

Les observations menées dans le nord-ouest de l'Atlantique indiquent que le flétan passe les mois d'hiver en eaux profondes et migre dans des eaux moins profondes durant l'été. Les études réalisées au cours des années 50 près de l'île d'Anticosti (golfe Saint-Laurent) et au large du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse ont montré qu'il y avait plus de spécimens en eaux profondes durant l'hiver et que leur nombre augmentait dans les eaux moins profondes en été. Deux expéditions de recherche sur les pêches, menées en mars et en novembre 1982 dans les eaux profondes bordant le plateau continental Scotian, corroborent les résultats susmentionnés. On a pris beaucoup plus de flétan durant l'expédition du printemps que durant celle de la fin de l'automne. Ces résultats portent à croire encore une fois que le flétan entre dans ces eaux profondes et en ressort de façon saisonnière. Les enquêtes menées par des Européens montrent que le flétan effectue des migrations semblables dans le nord-est de l'Atlantique. Dans ce secteur, le poisson pénètre dans les fiords profonds (300 m à 700 m) à l'approche de l'hiver. Certains indices donnent à penser que le poisson qui passe les mois d'été dans la mer du Nord, la mer de Barents et la région de l'île de l'Ours migre dans les fiords profonds de la côte norvégienne durant l'hiver.

Toute l'année, des deux côtés de l'Atlantique, le flétan préfère les secteurs dont le fond relativement dur est fait de roches, de sable, d'argile ou de gravier. On a trouvé des spécimens dans des eaux de température inférieure à 1 °C et dans d'autres pouvant atteindre 15°C, mais ils semblent préférer les températures variant entre 3°C et 9°C. Les individus qui ont été étiquetés, relâchés, puis recapturés montrent qu'ils sont capables de couvrir de grandes distances. On a souvent enregistré des distances de 800 km dans le cadre de plusieurs expériences; le record va cependant à un flétan étiqueté le 24 juin 1946 près de l'île d'Anticosti. II fut repêché sept ans plus tard, le ler décembre 1953, sur la côte ouest de l'Islande, après avoir parcouru plus de 2,500 km.

Cycle biologique

Le flétan fraie entre février et mai dans des eaux dont la profondeur varie entre 700 m et 1,000 m, sur un fond composé d'argile ou de boue molle. Ces caractéristiques se retrouvent habituellement dans les secteurs profonds bordant les bancs et le talus continental ainsi que dans certains fiords. Les femelles matures de grande taille peuvent pondre plusieurs millions d'oeufs durant la saison du frai. Il n'existe pas beaucoup d'études sur la fécondité du flétan (production d'oeufs), mais on rapporte le cas d'une femelle de 91 kg contenant plus de deux millions d'oeufs. Ces derniers, lorsqu'ils ne sont pas fertilisés, ont un diamètre de 3 à 4 mm, sont de couleur rose, et contiennent un vitellus incolore. Une fois fertilisés, les oeufs grossissent quelque peu, mais conservent la même apparence générale. On n'a pas encore observé en détail le comportement du flétan au temps du frai. Les oeufs fertilisés et en croissance flottent librement dans l'eau; on les trouve le plus souvent à des profondeurs de 300 m à 400 m, bien qu'on en ait cueilli dans aussi peu que 50 m d'eau et à des profondeurs de 700 m.

Les oeufs éclosent en 16 jours environ (à une température d'incubation de 6°C), donnant naissance à une larve (poisson nouvellement éclos) mesurant de 6 mm à 7 mm de longueur. Au fur et à mesure que les larves croissent, elles semblent se diriger vers les côtes, les oeufs et les plus petites larves se trouvant à des profondeurs de 400 m à 1,600 m, et les larves de plus grande taille, au-dessus des bancs. Au moment de l'éclosion, la larve est pourvue d'un très gros sac vitellin qui lui sert de source de nourriture jusqu'à ce qu'elle commence à se nourrir d'elle-même. Durant cette période, la larve n'a pas de couleur. Les yeux sont les premiers à devenir pigmentés, et cela se produit lorsqu'elle atteint environ 10 mm. Selon la température de l'eau, la bouche ne commence à s'ouvrir que deux ou trois semaines après l'éclosion et ne devient fonctionnelle (peut s'ouvrir et se fermer) qu'environ une semaine plus tard. Par conséquent, la larve du flétan ne peut se nourrir avant quatre ou cinq semaines. Durant cette période, sa seule source de nourriture est le vitellus. Après ce premier stade de croissance, la larve commence à se nourrir de petites organismes planctoniques.

Jusqu'à ce qu'elle atteigne une longueur de 16 mm à 20 mm, la larve du flétan ressemble assez aux larves de la plupart des autres poissons marins, c'est-à-dire qu'elle nage le ventre face au fond et a un oeil de chaque côté de la tête. C'est à ce stade cependant que l'oeil gauche commence à se déplacer vers le côté droit, en passant par le sommet de la tête. Cette migration se poursuit jusqu'à ce que l'oeil se trouve complètement du côté droit, au moment où la larve mesure environ 44 mm. Durant cette période, la pigmentation s'intensifie et se limite de plus en plus au côté droit du corps. Lorsque les jeunes atteignent une longueur de 50 mm ou plus, ils semblent vouloir vivre sur le fond, comme les poissons adultes, nageant avec le côté aveugle et incolore face au fond, et le côté oculaire colore, tourné vers la surface. Après s'être adaptés au fond, ils commencent une lente migration des eaux peu profondes de bancs aux eaux plus profondes du talus continental ou des fiords.

À partir du moment où il s'établit sur le fond marin jusqu'à celui où il atteint la maturité sexuelle, le flétan passe d'une longueur de moins de 10 cm à environ 1 m. Durant cette période de croissance relativement rapide, nous savons qu'il traverse plusieurs phases d'alimentation distinctes. Jusqu'à 30 cm, il se nourrit presque exclusivement de vers et de crustacés. Par la suite et jusqu'à environ 80 cm, son régime se compose d'un mélange d'invertébrés et de poisson. Le flétan supérieur à 80 cm se nourrit presque exclusivement d'autres poissons, notamment de sébaste, de morue, d'aiglefin et de poule de mer. Le type de poisson consommé varie probablement selon les saisons, étant donné qu'il habite des profondeurs différentes en divers temps de l'année. Dans les eaux canadiennes, la femelle atteint la maturité entre 70 cm et 115 cm, et le mâle, entre 66 cm et 100 cm. Ces longueurs correspondent à environ 10 ou 12 ans pour les femelles et à 7 ou 11 ans pour les mâles.

Histoire de la pêche

Avant la fin du 19e siècle, la chair du flétan de l'Atlantique n'était pas très estimée des pêcheurs canadiens. L'histoire de son exploitation avant cette époque est principalement liée aux pêcheurs des États-Unis et, même dans ce pays, ce n'était pas un poisson populaire avant le premier quart du 19e siècle. Après des rapports anciens, il est évident que le flétan suscitait peu d'intérêt aux 17e et 18e siècles.

Suite à la demande du marché de Boston, au début des années 1820, l'exploitation du flétan a commencé pour de bon dans la région de Cape Cod et de la baie de Massachussetts. Les taux de capture étaient très élevés au début mais, dans les années 1830, le nombre de flétan pris dans ce secteur a rapidement diminué. Cette époque a donc vu les débuts de la pêche du flétan en haute mer, avec l'exploitation du banc de Georges et des hauts-fonds de Nantucket, jusqu'à ce que les prises commencent à décroître dans les années 1850. De là, la pêche s'est étendue dans les eaux canadiennes, d'abord dans le secteur du banc de Brown puis, graduellement, dans d'autres régions. Dès les années 1860, les pêcheurs de flétan des États-Unis et du Canada exploitaient divers bancs du plateau continental Scotian, les bancs de Terre-Neuve et les bancs du Groenland occidental. Au cours des années 1870, la pêche du flétan s'est poursuivie dans le golfe Saint-Laurent, particulièrement autour des Îles-de-la Madeleine puis, la décennie suivante, elle se déplaçait vers l'île d'Anticosti. À cette époque, déjà, on se rendait même pêcher jusqu'en Islande.

On a peu de renseignements sur les toutes premières étapes de la participation du Canada à la pêche du flétan; par contre, on possède des écrits datant du début des années 1900 jusqu'à nos jours. Depuis 1910, les prises de flétan des pêches canadiennes atteignent une moyenne d'environ 2,000 t par année. Dans les années 1940, ces prises ont diminué en raison d'un effort réduit. Certains chercheurs croient que cette pause a permis le rétablissement des stocks, donnant lieu à des prises élevées au début des années 1950. Depuis cette époque, les prises ont diminué et sont actuellement égales à la moyenne historique de quelque 2,000 t par année.

Méthodes de pêche du flétan

Au début, on pêchait le flétan dans des eaux relativement peu profondes (40 m à 135 m), au moyen de lignes à main. Ces lignes étaient pourvues d'un hameçon unique, de poids leur permettant d'atteindre le fond et de morceaux de hareng, d'aiglefin ou de morue qui servaient d'appâts. On estimait alors que l'aiglefin était le meilleur des appâts. Les pêcheurs promenaient, sur le fond ou juste au-dessus, les lignes placées sur le côté du bateau afin que les minces bandes d'appât aient l'air de poissons vivants. Certains pêcheurs, après avoir observé des flétans mordant à un appât dans des eaux peu profondes, ont rapporté que ces poissons se tenaient souvent à une courte distance dudit appât et paraissaient l'observer avant de se jeter dessus pour l'avaler. On croyait que le fait de faire bouger l'appât incitait le poisson à attaquer. Une fois le flétan accroché à l'hameçon, il était souvent difficile de le hisser à bord et beaucoup de poissons réussissaient à se libérer. On rapporte l'histoire d'un pêcheur qui, ayant pris un gros flétan, avait réussi, après un long combat, à amener le poisson à côté de son bateau. Il croyait alors que sa prise, épuisée, se laisserait hisser à bord au moyen d'une gaffe; cependant, lorsqu'il fut piqué, le poisson donna un tel coup qu'il arracha la gaffe des mains du pêcheur, et la lutte reprit de nouveau. Lorsqu'il eut ramené le flétan au bateau (sans la gaffe), le pêcheur se servit des crochets de son ancre de recharge pour essayer de le soulever hors de l'eau. Le poisson donna alors un autre coup et lui arracha l'ancre des mains, réussissant à briser la ligne et à s'échapper. Ce témoignage nous aide à comprendre pourquoi les pêcheurs assomment habituellement le poisson avant de le hisser à bord.

Lorsque l'exploitation du flétan devint une entreprise plus profitable, on remplaça la ligne par la palangre, laquelle est plus efficace. La méthode fondamentale de pêche du flétan à la palangre n'a pas beaucoup changé depuis ses débuts, dans les années 1840 et 1850. La palangre consiste en une grosse ligne de fond comportant des lignes secondaires un peu plus légères, appelées "avançons", attachées à plusieurs mètres d'intervalle. Chaque avançon est muni d'un gros hameçon à flétan et de morceaux d'appât. Les avançons appâtés sont fixés à la ligne de fond de façon permanente ou accrochés à des émerillons lorsqu'on prépare la ligne maîtresse pour la pêche. La palangre entière, qui comprend plusieurs sections, peut avoir un mille de longueur ou plus. Lors du mouillage, l'engin est ancré à chacune de ses extrémités, et l'on place une balise à l'un des bouts. Après plusieurs heures (ou même quelques jours, selon le temps qu'il fait), on lève l'ancre balisée et l'on hisse la ligne. Au 19e siècle et au début du 20e, le mouillage et le relevage des palangres se faisaient à la main par des équipes de deux hommes pêchant à partir de petits doris appartenant à des bateaux-gigognes.

Chaque poisson était remonté du fond, souvent après un dur combat, assommé avec un gourdin et placé au fond du doris. Étant donné que, dans les années 1870, la pêche s'était déplacée vers le large, en des eaux plus profondes (300 m à 500 m), il ne fait aucun doute que les pêcheurs de flétan devaient fournir un effort considérable. Une fois à bord du bateau-gigogne, le poisson était placé dans des compartiments, sur le pont, jusqu'à ce qu'on puisse le nettoyer et le mettre en cale avec de la glace. Nettoyer le poisson consistait à lui enlever les ouïes et les organes internes, à vider la cavité abdominale à l'aide d'une brosse spécialement conçue à cet effet et à la remplir de glace concassée avant d'entreposer la prise sous le pont. Les cales remplies à capacité, les bateaux rentraient vite au port, tentant d'être les premiers à débarquer le poisson sur le marché. En effet, les premiers arrivés obtenaient habituellement les meilleurs prix pour leurs prises, car il y avait alors suffisamment d'acheteurs. Les bateaux qui arrivaient plus tard faisaient souvent face à une demande réduite car le marché était déjà congestionné. Au débarquement, le poisson était retiré des cales au moyen de palans, pesé, puis classé selon sa taille. Il était ensuite étêté, empaqueté par catégories dans des caisses en bois remplies de glace et envoyé sur divers marchés.

Les palangriers modernes sont équipés de machines qui réduisent le besoin de main-d'oeuvre pour ce qui est du mouillage et du relevage des lignes. Les treuils hydrauliques ont remplacé la force musculaire lorsqu'il s'agit de remonter le poisson de fond, et des matériaux synthétiques plus forts et plus durables ont pris la place du cordage en manille. Toutefois, la flottille de palangriers faisant actuellement la pêche sélective du flétan a diminué. Seulement un petit nombre, rattaché à quelques ports des Maritimes, poursuit cette pêche de façon active. Beaucoup de flétans constituent maintenant des prises accidentelles ramenées par des bateaux exploitant d'autres espèces au chalut (chaluts à panneaux). Les pêcheurs s'inquiètent du fait que ces filets capturent beaucoup de jeunes poissons, ce qui réduit les possibilités de reproduction des stocks de flétan. Le problème est d'autant plus aigu que l'espèce est la plus prisée parmi les poissons plats de l'Atlantique nord-ouest. II n'y a, à l'heure actuelle, aucun plan de gestion visant précisément le stock de flétan des eaux canadiennes de l'Atlantique nord-ouest. Ce stock tombe dans la catégorie générale des poissons plats, qui comprend un certain nombre d'espèces pour l'ensemble desquelles on établit chaque année un seul total des prises admissibles. Il n'y a pas de restriction quant à la taille du flétan débarqué.

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Dernière mise à jour : 2006-06-06

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