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Poissons et vies aquatiques

Le monde sous-marin

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Le calmar

Les calmars constituent une ressource halieutique importante largement répandue dans tous les océans du monde. Parmi les plusieurs centaines d'espèces pêchées dans le monde entier, seul le calmar à courtes nageoires (Illex illecebrosus) a eu une grande importance sur le plan commercial pour les pêcheurs de l'Atlantique canadien. Cette espèce est répandue dans tous les secteurs des Provinces maritimes et de Terre-Neuve . On rencontre également le calmar à longue nageoires (Loligo pealei), mais seulement en très petits nombres dans les eaux canadiennes de l'Atlantique. On en capture parfois au sud-ouest de la plate-forme Scotian et dans la baie de Fundy, mais plus fréquemment sur le banc de Georges.

Jusqu'au début des années 1970, on pourchassait le calmar dans une large mesure pour la "boëtte", principalement autour de Terre-Neuve. Néanmoins, une pêche internationale du calmar du genre Illex a vu le jour au large de la côte de l'Amérique du Nord dans les années 1970. Le Japon, qui est le plus grand pays pêcheur et consommateur de calmar, a mené cette activité, suivi de l'Union soviétique et d'un certain nombre d'autres pays.

Les débarquements du calmar en provenance des eaux canadiennes ont grimpé rapidement jusqu'à ce qu'ils atteignent un sommet en 1979, alors qu'on en capturait environ 162 000 tonnes. Puis, ils ont baissé de façon spectaculaire à mesure que le calmar disparaissait des zones de pêche jusqu'à ce qu'on n'en ramène plus, en 1984, que 409 tonnes (tableau ).

Prises (en tonnes métriques) de calmar à courtes nageoires dans les eaux canadiennnes et américaines entre 1971 et 1983.

Année  Terre-Neuve
Sous-zone 3
Plate-forme Scotian
Sous-zone 4
E.-U.
Sous-zone 4
E.-U.
Sous-zone 6
Total
1971 1,607 7,299 11,368 - 20,274
1972 26 1,842 26,111 22,579 50,558
1973 620 9,239 5,646 3,235 18,740
1974 17.0 385 4,927 10,373 15,702
1975 3,751 13,945 6,966 7,979 32,641
1976 11,257 30,510 13,945 10,991 66,703
1977 32,748 50,726 3,265 21,618 108,357
1978 41,369 52,688 4,332 13,236 111,625
1979 88,832 73,259 2,091 15,250 179,432
1980 34,779 34,826 632 17,232 87,469
1981 18,061 14,142 1,978 13,569 47,777
1982 11,164 1,744 517 17,671 31,096
1983 - 422 329 10,428 11,179
1984 5* 404* - - -

* provisoire

La caractère très cyclique de cette ressource et ses fortes répercussions sur les pêches, a rapidement fait ressortir les problèmes de biologie et de gestion, et suscité un certain nombre de recherches gouvernementales et non gouvernementales.

Description

Le calmar appartient à la classe des céphalopodes de l'embranchement des mollusques. Il existe environ 650 espèces reconnues de céphalopodes, dont plus de 10 000 formes fossiles. Le terme "céphalopode" se traduit littéralement par "tête munie de pieds", ce qui explique l'appellation donnée au calmar, de même qu'au nautile, à la seiche et à la pieuvre pour n'en nommer que quelques-uns, dont les bras et les tentacules sont fixés directement à la tête.

Les gens sont souvent surpris d'apprendre que le calmar, qui est un nageur rapide et ne possède aucune carapace externe, est apparenté aux mollusques tels que les palourdes, les huîtres et les escargots. En réalité, le calmar possède une petite coquille interne appelée "plume" qui longe le dos et sert de support au corps mou et musclé.

Chez le calmar à courtes nageoires, dont la longueur totale dépasse 60 cm, le corps ou "manteau" atteint une longueur de plus de 30 cm. Le corps en forme de cigare porte deux nageoires triangulaires à l'arrière et, à l'autre extrémité, un siphon et une tête distincte garnie de huit bras munis de ventouses et deux tentacules. Les yeux sont gros et bien développés et le bec, qui ressemble à celui d'un perroquet, est fort. Le calmar utilise ses nageoires pour nager à peu près de la même façon que le poisson, et son siphon pour le propulser très rapidement vers l'avant ou l'arrière. La capacité du calmar de nager longtemps lui permet de parcourir de grandes distances et de se déplacer verticalement dans des centaines de mètres d'eau au cours de sa quête quotidienne de nourriture.

De façon générale, le calmar à courtes nageoires a une coloration irisée blanc laiteux mêlée de brun rouille. La couleur change rapidement lorsque le calmar s'allonge ou lorsqu'il contracte les chromatophores de sa peau pour se camoufler ou répondre à une attaque.


Distribution et migration

L'aire de répartition du calmar à courtes nageoires va du Groënland à la Floride et on le trouve en concentrations exploitables depuis le golfe du Saint-Laurent et Terre-Neuve jusqu'au Cap Hatteras. Il y a de très grandes variations dans l'abondance et la distribution, d'une saison ainsi que d'une année à une autre.

D'avril à juin, le jeune calmar quitte les eaux du talus continental situées au-delà de la bordure de la plate-forme continentale sur les Grands bancs, la plateforme Scotian, le banc de Georges et le secteur de la plate-forme de la "mid-Atlantic Bight". On estime que le calmar alors est âgé de 3 à 6 mois.

En juin, les plus fortes concentrations se trouvent en bordure de la plate-forme Scotian, généralement entre les bancs Emerald et LaHave et, certaines années, sur toute la bordure de la plate-forme. On les rencontre également en bordure du banc de Georges et du côté sud-ouest des Grands bancs.

En juillet, août et septembre, l'aire de dispersion s'étend pour couvrir de vastes secteurs de la plate-forme continentale et, certaines années, jusqu'au golfe du Saint-Laurent.

On croit que les conditions environnementales, dont la température de l'eau qui constitue un facteur important, influent fortement sur la distribution aussi bien dans les secteurs côtiers qu'hauturiers. Des indications portent à croire que les plus fortes concentrations se rencontrent dans les secteurs où la température sur les fonds marins dépasse 6°C. Il semble faire peu de doutes que les températures à des profondeurs intermédiaires de même que d'autres facteurs biologiques, comme l'abondance des proies et des prédateurs ainsi que leur distribution, jouent également un rôle important.

La population atteint un maximum en septembre, puis baisse considérablement en octobre et en novembre au moment où le gros calmar en période de maturation commence à quitter la plateforme. En automne, l'aire de dispersion rétrécit pour revenir à peu près à ce qu'elle était au début de l'été.

L'information obtenue par étiquetage montre que le calmar à courtes nageoires qui quitte la zone de la plate-forme se dirige vers le sud-ouest (selon le programme de récupératon des étiquettes, la plus longue distance parcourue par un calmar est de 2 000 km et a été effectuée par un spécimen étiqueté dans la baie Notre-Dame, à Terre-Neuve et capturé 107 jours plus tard au sud-ouest du Maryland).

On croit que les adultes se dirigent vers une aire de frai située près du cap Hatteras ou même plus au sud sur le plateau Blake, au large de la côte sud-est des États-Unis. Bien que l'on ait déjà trouvé des larves et des jeunes de petite taille sur le plateau de Blake et dans le secteur de la "mid-Atlantic Bight", ce n'est qu'en 1979 qu'une équipe de chercheurs canadiens et soviétiques a trouvé quelques larves et de grandes quantités de jeunes sur des centaines de kilomètres entre le rebord de la plate-forme Scotian et le front du Gulf Stream. Depuis lors, des recherches effectuées conjointement par le Canada, le Japon et l'Union soviétique ont démontré la présence à chaque année de larves et de jeunes sur plus de 1 500 km le long de la région frontale du Gulf Stream et vers la côte dans les eaux du talus continental situées au-delà du rebord de la plate-forme. Il semble que le Gulf Stream, qui coule comme une rivière sinueuse à une vitesse atteignant parfois 5 à 7 km/h (de 120 à 170 km par jour), les transporte rapidement vers le nord-est à partir des aires de frai du sud.

À la fin du printemps et en été, ces jeunes calmars complètent le cycle en se dirigeant vers la côte et la plate-forme continentale.

Cycle vital

On croit que le calmar à courtes nageoires ne vit que de 12 à 18 mois, se dirigeant vers le sud-ouest à partir des aires d'alimentation des adultes vers une aire de ponte qu'on ne connaît pas avec précision où il meurt après avoir frayé.

OeufsLa femelle en phase de frai forme de grosses masses translucides d'oeufs à flottabilité presque neutre en libérant, en même temps que les oeufs fécondés, une substance gélatineuse. Le colloïde réagit avec l'eau de mer pour former une masse globulaire d'oeufs pouvant atteindre un mètre de diamètre, et contenir environ 100 000 oeufs qui mesurent environ 1 mm. Le moment de l'éclosion varie selon la température, mais prend en général deux semaines environ. Les larves qui sortent sont à peu près de même dimension que les oeufs et appelées "rhyncoteuthion" à cause de la trompe qui apparaît distinctement sur la tête et à partir de laquelle se développent les tentacules. Après une période de croissance et de développement, la larve devient un jeune calmar dont le manteau mesure environ 6 mm et qui a les caractéristiques de l'adulte. À ce moment-là, la trompe s'est divisée pour former deux tentacules alors que les huit autres bras sont devenus plus gros.

Le jeune Illex vit dans la région frontale du Gulf Stream et les eaux du talus continental au-delà du rebord de la plateforme jusqu'à ce que le manteau atteigne environ 10 cm, puis se rend dans les aires d'alimentation des adultes situées sur la plate-forme. On sait peu de chose sur le rythme de croissance des jeunes, mais les adultes se développent rapidement, le manteau croissant de 1,5 mm par jour, pour atteindre une taille maximale de 25 à 30 cm en octobre ou novembre.

Les adultes se nourrissent avec voracité, et consomment diverses sortes de crustacés, mollusques et poissons. Le petit calmar a tendance à se nourrir davantage de petits crustacés comme les euphausiacées, se rabattant davantage sur les poissons et ses congénères lorsqu'ils deviennent adultes. On ne connaît pas avec certitude l'importance du cannibalisme chez le calmar, mais il semblerait que les plus gros mangent de préférence les petits de leur propre espèce.

Le calmar constitue également une source de nourriture pour divers poissons, oiseaux et mammifères marins. Parmi les prédateurs les mieux connus, mentionnons les globicéphale, dauphin, puffin, fulmar, fou de Bassan, goéland, thon, espadon, aiglefin, morue, goberge et requins.

Les calmars passent les heures de clarté près du fond de l'océan, semblant préférer les endroits où la température du fond est de 6 à 7°C ou plus. Lorsque vient la nuit, il a tendance à se disperser vers le haut, comportement caractéristique qui permet de le pêcher à la turlutte au large. De façon générale, le pêcheur localise sa zone de pêche, commence à pêcher à la turlutte au début de la soirée et continue jusqu'au petit matin.

Le calmar voyage en bancs, formés souvent dans une large mesure d'individus du même sexe. Par exemple, on a découvert que certains bancs côtiers étaient constitués à 95 pour cent de femelles. Une tendance générale de changement semble également se dessiner dans le rapport entre les sexes auprès de la population dans son ensemble: les mâles sont plus nombreux à la fin du printemps et au début de l'été, tandis que les femelles le sont à l'automne. Cela pourrait être attribuable au cannibalisme des femelles, plus grosses en général que les mâles, et au départ des mâles, qui arrivent plus tôt à la maturité, de la plate-forme vers les aires de frai.

Exploitation

Plate-forme ScotianLa pêche du calmar dans l'Atlantique canadien se pratique aussi bien près des côtes, surtout à l'aide de trappes ou de turluttes à partir de petits doris au large de Terre-Neuve qu'en pleine mer, surtout par des chalutiers étrangers sur la plate-forme Scotian. La pêche côtière du calmar pour la boëtte à Terre-Neuve, a fonctionné pendant plus de 100 ans et jusqu'au milieu des années 1960, et justifié d'au moins 90 pour cent des prises de calmar dans l'Atlantique canadien. En 1970, l'URSS et le Japon ont signalé les premières prises internationales de calmar sur la plate-forme Scotian. Depuis ce temps, le tableau d'ensemble de la pêche du calmar dans l'Atlantique canadien a commencé à changer. De 1970 à 1974, les prises annuelles moyennes se sont chiffrées à environ 4 500 tonnes métriques; vers 1979, elles avaient atteint 162 000 tonnes. Cependant, depuis lors, les prises ont diminué constamment, passant à 422 tonnes en 1983 et à 409 tonnes en 1984.

L'augmentation rapide des prises au cours des années 1970 était due en partie à la forte concentration des flottilles de pêche étrangères et à l'abondance du calmar dans les eaux canadiennes de l'Atlantique. Les marchés florissants au Japon et en Europe ont également encouragé l'expansion de la pêche côtière à Terre-Neuve qui, jusqu'à ce moment-là, se pratiquait en grande partie pour la boëtte. La baisse ultérieure des prises est attribuable manifestement à un nombre moins grand d'Illex dans les eaux canadiennes.

On ne connaît pas la raison de cette baisse, mais ces fluctuations annuelles sont chose courante chez les espèces ayant une faible espérance de vie. Des rapports subjectifs tirés de la pêche côtière pour la boëtte à Terre-Neuve remontant à 1879 montrent qu'il y a eu une série ininterrompue de ces changements annuels et pluriannuels importants. Il n'y a pas de tendance manifestement évidente mais il y a eu quelques périodes de forte ou de faible abondance pouvant persister jusqu'à cinq ans.

Bien que la surexploitation doive être considérée comme cause possible du déclin survenu après 1979, la forte capacité de reproduction de l'Illex et les faibles niveaux de capture par rapport à la population totale rendent cette possibilité peu vraisemblable. Il est plus probable que les changements dans l'abondance soient le reflet de changements biologiques ou environnementaux qui influent sur la mortalité naturelle et la distribution aux premiers stades de développement.

Recherches et gestion des ressources

Contrairement à d'autres espèces de poisson rentables sur le plan commercial, chaque génération de calmar n'apparaît qu'une fois sur les lieux de pêche, ce qui rend impossible l'évaluation et la prévision de la taille probable des populations ultérieures. (Pour d'autres espèces de poisson, cela peut se faire en déterminant le nombre de petits poissons capturés dans les prises commerciales et dans les levés de recherche qui vont être recrutés en partie ou en totalité pour la pêche dans les années à venir. En évaluant les taux actuel et futur de mortalité, tant naturelle que celle liée à la pêche, il est possible de prévoir les niveaux admissible des prises futures. Vu que le calmar connaît une croissance rapide et que son espérance vie est courte, cela ne peut s'appliquer à la pêche du calmar).

Par conséquent, la gestion de la ressource en calmar s'est faite surtout dans le but de s'assurer que l'exploitation atteigne pas des niveaux qui compromettraient trop la capacité reproductrice du stock. De façon générale, cela s'est traduit pas la mise en application d'un total des prises admissibles (TPA) modéré qui ne reflète pas les changenents annuels dans le stock disponible. Cependant, ces TPA sont accompagnés de règlements sur l'effort total de pêche de façon à ce que, lors des années de faible abondance, le TPA ne soit pas prélevé.

En tenant compte de ces renseignements, la plus grande partie des recherches récentes sur le calmar au Canada a servi à en déterminer la distribution et l'abondance des stades larvaire et juvénile et à essayer de préciser le rôle joué par d'importantes entités océanographiques telles que le Gulf Stream pour influer sur ces premiers stades du cycle vital. Il se peut qu'une meilleure compréhension de ces phénomènes permette en définitive de prévoir les niveaux d'abondance futurs plusieurs mois avant la saison de pêche. Cela permettrait de rajuster le TPA avant que la pêche ne débute et d'utiliser de façon optimale cette précieuse ressource.

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Dernière mise à jour : 2006-06-06

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