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Impacts et adaptation liés aux changement climatique : perspective canadienne
Impacts sur les ressources halieutiques et les pêches

Foresterie Table des matières Adaptation Impacts sur les ressources halieutiques et les pêches Travaux antérieurs Introduction Références Conclusion Lacunes sur le plan des connaissances et besoins en matière de recherche

"La variabilité et le changement climatique ont déjà un impact sur les ressources halieutiques et les pêches au Canada, impact qui ira en s'accentuant."(2)

Les impacts du changement climatique sur les ressources halieutiques et les pêches se manifesteront par des changements biologiques et abiotiques, de même que par des transformations de l'environnement anthropique. Les variations de la température et du niveau de l'eau, les variations de la fréquence et de la gravité des événements extrêmes et des maladies ainsi que les variations de l'abondance des prédateurs et des proies auront toutes un impact sur les pêches canadiennes. Les modifications des régimes de circulation lacustres et marins ainsi que les variations du mélange vertical auront également leur importance. Cependant, il est actuellement difficile de prévoir les impacts nets du changement climatique, pour un certain nombre de raisons, notamment les limites de nos connaissances sur les mécanismes qui régissent la réaction comportementale des poissons au changement climatique,(14) les limites des données et l'inaptitude des modèles à rendre compte des effets à retardement de la variabilité environnementale.(15)

Côte du Pacifique

En Colombie-Britannique, les revenus provenant de la pêche commerciale, de la pêche récréative, de l'aquaculture et de la transformation du poisson dépassent 1,7 milliard de dollars.(16) Depuis une dizaine d'années, des changements majeurs ont été constatés dans l'écosystème marin de la Colombie-Britannique;(17) ils pourraient s'expliquer par des changements de climat, mais d'autres facteurs entrent également en ligne de compte, comme les pratiques de pêche, la culture du saumon, la destruction de l'habitat d'eau douce, de même que les installations d'approvisionnement en eau douce et d'irrigation.(18, 19)

Au cours des dernières années, une bonne partie de la recherche sur le changement climatique sur la côte du Pacifique a porté sur les espèces de saumon, en raison de leur importance pour la pêche commerciale, la pêche récréative et la pêche de subsistance dans la région, et en raison aussi de la diminution alarmante des prises de saumon observée depuis la fin des années 1980.(2, 19) La faiblesse des populations et des taux de survie de la truite arc-en-ciel et du saumon coho a entraîné d'importantes réductions d'activité et fermetures dans le secteur des pêches au cours des dernières années.(20) De plus, le saumon a besoin d'au moins deux habitats aquatiques différents (un en eau salée et l'autre en eau douce) au cours de sa vie, ce qui l'expose à un large éventail d'impacts climatiques, et les études ont permis d'établir que le forçage climatique a été un facteur déterminant de la régulation des stocks de saumon dans le nord-est du Pacifique depuis 2 200 ans.(21)

La relation entre la température de l'eau et les attributs du saumon est complexe; de nombreuses études ont été réalisées avec des résultats différents. La hausse des températures a été tour à tour associée à un ralentissement de la croissance,(22, 23) à une augmentation des taux de survie,(24) à une augmentation des vitesses de nage,(25) à une baisse de productivité(25) et à des variations de la répartition du saumon.(25) Une élévation de la température de l'eau a tendance à augmenter les besoins énergétiques du poisson, ce qui entraîne souvent une réduction de la croissance, de la productivité et, en bout de ligne, de la taille des populations.(23) Il a également été démontré qu'une eau plus chaude diminue les chances de succès du frai du saumon(26) et augmente les taux de survie en améliorant l'état physiologique du saumon.(24)

En outre, les variations de la température influent indirectement sur le poisson en modifiant les apports alimentaires et nutritifs et la dynamique prédateurs-proies. Les anomalies thermiques et les modifications des courants sont associées à des changements importants dans le type et la disponibilité saisonnière du plancton.(27) Il a aussi été démontré qu'une élévation des températures de l'eau de surface empêche les nutriants de parvenir à la surface de l'eau(28) et augmente les taux de prédation du saumon par d'autres poissons.(29)

On prévoit que le changement climatique augmentera la variabilité des débits des cours d'eau, avec des cruessoudaines plus fréquentes et un abaissement des débits d'étiage (voir le chapitre intitulé « Les ressources en eau »). Il devrait également déplacer la période des débits de pointe.(26) Ces changements auraient une influence sur la mortalité, le passage et l'habitat du saumon. Une diminution des débits pourrait avantager le saumon juvénile en réduisant les taux de mortalité et en augmentant le nombre de refuges.(30) Cependant, conjuguée à une élévation des températures à la fin de l'été et à l'automne, elle risquerait d'augmenter les taux de mortalité avant le frai.(2) Par ailleurs, une augmentation de la fréquence des cruessoudaines pourrait endommager les lits de gravier que le saumon utilise pour frayer.(31) Les inondations pourraient également causer une mortalité massive par manque d'oxygène, étant donné que davantage de matières organiques seraient évacuées dans les estuaires.(2)

D'autres facteurs climatiques peuvent exercer une influence considérable sur les populations de saumon de la côte Ouest, notamment les changements de climat à l'échelle synoptique et la fréquence des événements extrêmes. Par exemple, des études ont montré que des variations abruptes de l'indice de dépression des Aléoutiennes s'accompagnent d'une diminution généralisée des taux de survie du coho en milieu marin.(32, 33) Selon d'autres études, les récentes baisses des populations de truite arc-en-ciel du Pacifique ont un rapport avec l'augmentation de la fréquence des tempêtes hivernales et des sécheresses estivales observée dans les années 1980 et 1990.(34) Ces événements extrêmes ont peut-être eu un effet sur la survie et la production du saumon, en perturbant et en détruisant des habitats.

La littérature récente au sujet de la côte du Pacifique porte en majeure partie sur le saumon, mais il est important de mentionner que le changement climatique aurait des conséquences pour d'autres types de poisson. Les poissons de fond ainsi que les mollusques et les crustacés sont importants pour l'économie de la région; la valeur des débarquements en 1998 se chiffrait à 115,8 millions de dollars pour les poissons de fond, et à 94,9 millions de dollars pour les mollusques et les crustacés.(4) Les variations des conditions marines auront un impact sur les récoltes durables, les pratiques de pêche et la pêche de subsistance.

Côte de l'Atlantique

L'industrie des pêches conserve une très grande importance dans l'économie de la côte de l'Atlantique, même si elle n'est plus aussi dominante qu'elle l'a déjà été.(35) Les prises de mollusques et de crustacés arrivent au premier rang par la valeur des débarquements,(4) et l'aquaculture gagne rapidement en importance. On estime à 43 000 le nombre de pêcheurs dans la région de l'Atlantique, et la plupart sont très dépendants de l'industrie des pêches.(35) Comme sur la côte du Pacifique, les pêches seront affectées principalement par les variations de la température des océans, la modification des courants, du régime des vents et des conditions atmosphériques, et l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements extrêmes.(36) Les espèces les plus préoccupantes sont la morue, le crabe des neiges et le saumon. On s'inquiète également des impacts du changement climatique sur différentes variétés de plancton.(2)

D'après les tendances à long terme, le climat contribue à déterminer quelles espèces de poisson se prêtent à la récolte.(37) Depuis récemment, les pêcheurs délaissent le poisson de fond au profit des mollusques et des crustacés. Ce changement est attribué principalement aux pratiques de pêche, mais on pense que le climat a également joué un rôle. Par exemple, on croit que la réduction des taux de croissance et de la productivité qui a découlé de l'abaissement des températures de l'eau à des niveaux inférieurs à la normale, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, a contribué au déclin des stocks de poisson de fond.(38, 39)

Il est important de souligner la complexité des relations entre la température de l'eau et des facteurs tels que le taux de croissance et la productivité, les conditions thermiques optimales variant d'une espèce à l'autre. Par exemple, les chercheurs ont démontré que le crabe des neiges est particulièrement sensible aux changements environnementaux et que les variations de la température de l'eau affectent leur reproduction et leur distribution (voir l'encadré 1). On observe également que la survie des oeufs, le taux d'éclosion et la taille de la ponte de la plie rouge augmentent dans les eaux plus froides, ce qui fait dire à des chercheurs que, dans certaines régions, les récentes hausses de la température de l'eau ont contribué à la diminution observée de l'abondance du poisson.(40)

ENCADRÉ 1: Température de l'eau et crabe des neiges de l'Atlantique(41)

Le crabe des neiges, un élément important des pêches dans l'Atlantique, est sensible au réchauffement climatique, surtout dans l'est de la Plate-forme Scotian et sur les Grands Bancs de Terre-Neuve. Les chercheurs ont observé une corrélation étroite entre la température de l'eau, d'une part, et la reproduction et la répartition de cette espèce, d'autre part, bien qu'elle dépende du stade de développement du crabe. Voici ce qu'ils ont constaté principalement :

  • Les femelles incubent leurs oeufs pendant un an dans les eaux dont la température est supérieure à 1 °C, et pendant deux ans dans les eaux plus froides. On en déduit que les femelles vivant dans des eaux chaudes pourraient produire deux fois plus d'oeufs que celles qui vivent dans des eaux froides pendant toute leur période de fécondité.
  • Le taux de survivance et le taux de croissance à long terme des juvéniles ont des valeurs optimales dans les eaux à température intermédiaire (de 0 à +1,5 °C).
  • La distribution spatiale du crabe adolescent et adulte est influencée par la température de l'eau. Les eaux plus froides sont occupées par des spécimens jeunes et de petite taille, tandis que les eaux chaudes sont habitées par des individus plus âgés et plus gros. Cependant, on ne trouve aucun crabe dans des eaux de plus de 8 °C.

Le crabe des neiges de l'Atlantique (Photo : Gracieuseté de D. Gilbert).
Le crabe des neiges de l'Atlantique (Photo : Gracieuseté de D. Gilbert).

Le réchauffement de l'eau, l'élévation du niveau de la mer et les variations de la salinité sont tous des facteurs susceptibles d'influer sur les pathogènes marins(42) et de modifier la distribution et l'importance de certaines maladies marines. Cette affirmation s'appuie sur des phénomènes déjà observés, par exemple l'extension vers le nord de l'aire de propagation de la maladie de l'huître le long de la côte américaine au milieu des années 1980, par suite d'une tendance au réchauffement hivernal.(42) Par contre, des recherches ont démontré que certaines maladies du saumon diminuent ou même disparaissent avec le réchauffement.(42)

Un autre problème qui se pose dans la région de l'Atlantique est le risque d'une augmentation des proliférations d'algues.(43) Des chercheurs estiment en effet que le réchauffement climatique pourrait stimuler la croissance et étendre l'aire de dispersion des organismes responsables des proliférations d'algues toxiques, comme les eaux rouges (voir l'encadré 2). Ces efflorescences menacent les populations de mollusques et de crustacés par leurs effets mortels et leurs impacts chroniques. Les exploitations aquacoles, en raison de leur caractère sédentaire, sont particulièrement sensibles aux proliférations d'algues toxiques. Les palourdes sont généralement plus touchées que les homards, les crevettes et les pétoncles. Une exposition aux toxines risque d'affecter l'habitat du poisson, son comportement, sa vulnérabilité à la maladie, sa capacité de se nourrir et sa reproduction.(44) Une fois infectés, les mollusques peuvent constituer un danger pour la santé humaine et causer éventuellement une intoxication paralysante.

ENCADRÉ 2: Augmentation des proliférations d'algues toxiques(43)

Les efflorescences algales nuisibles (EAN) sont fréquentes dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent, dans l'est du Canada. On craint qu'elles n'augmentent en fréquence et en intensité sous l'effet du changement climatique.

Afin de déterminer le rôle du climat dans les proliférations d'algues, Weise et al.(43) ont analysé des données hydrologiques, biologiques et météorologiques recueillies sur une dizaine d'années. Ils ont constaté que les pluies, le ruissellement local et le régime des vents ont une grande influence sur le développement des efflorescences algales. Celui-ci est favorisé par un fort ruissellement provenant des tributaires locaux, combiné à de longues périodes de vents faibles. Les proliférations d'algues plus intenses sont associées à des événements climatiques extrêmes, comme des épisodes de pluies abondantes. Si de telles conditions devaient se produire plus fréquemment, nous verrions probablement se multiplier les cas de proliférations d'algues toxiques dans l'est du Canada.

Image par microsonde électronique d'Alexandrium tamarense, algue dont la prolifération donne lieu à des fleurs d'eau toxiques. (Image : Gracieuseté de Pêches et Océans Canada et de L. Bérara)
Image par microsonde électronique d'Alexandrium tamarense, algue dont la prolifération donne lieu à des fleurs d'eau toxiques. (Image : Gracieuseté de Pêches et Océans Canada et de L. Bérara)

Les effets du changement climatique sur le saumon de l'Atlantique sont semblables à ceux dont nous avons parlé dans le cas du saumon du Pacifique. Durant son séjour en eau douce, le saumon de l'Atlantique est sensible aux variations de la température de l'eau comme aux variations des débits (voir l'encadré 3). On sait que les changements de température modifient considérablement les récoltes durables et les pratiques de pêche. Par exemple, les chercheurs qui étudient l'influence des températures de l'eau sur la pêche récréative du saumon dans les cours d'eau de Terre-Neuve ont constaté qu'entre 1975 et 1999, environ 28 p. 100 des rivières ont dû être fermées temporairement chaque année à cause d'une température de l'eau trop chaude ou d'un niveau d'eau trop bas.(45) Certaines années, plus de 70 p. 100 des cours d'eau ont subi le même sort. Ces fermetures de cours d'eau ont fait perdre entre 35 et 65 p. 100 des jours de pêche potentiels dans certaines régions, la période de 1995 à 1999 ayant été la pire à cet égard. Les chercheurs ont conclu que le changement climatique pourrait augmenter la fréquence des fermetures et réduire l'importance économique de la pêche récréative à Terre-Neuve.(45)

ENCADRÉ 3: Impact du changement climatique sur le saumon de l'Atlantique juvénile(43)

Le saumon de l'Atlantique est une espèce d'eau froide. Un réchauffement de l'eau sous l'effet du changement climatique pourrait avoir un impact négatif sur la croissance du poisson, le rendre plus sujet aux maladies et aux infections, augmenter les taux de mortalité et réduire la disponibilité des habitats favorables. La rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, est située non loin de la limite sud de l'aire de répartition du saumon de l'Atlantique, et c'est pourquoi ses populations sont très sensibles aux variations de la température de l'eau et du débit. Les modèles indiquent que le changement climatique pourrait élever la température de l'eau de 2 °C, pour la porter à 5 °C, et réduire considérablement les débits d'étiage.

À l'aide de données recueillies sur une trentaine d'années, Swansberg et El Jabi(46) ont examiné les relations entre le climat, les paramètres hydrologiques et la longueur à la fourche du saumon juvénile dans la Miramichi. La longueur à la fourche est un indicateur de la croissance, dont dépendent également la concurrence, la prédation, la smoltification et la survie en mer du saumon. Les chercheurs ont observé une baisse considérable de la longueur à la fourche de l'alevin de saumon juvénile, baisse qu'ils ont associée au réchauffement enregistré pendant toute la période considérée. Ils en sont donc venus à la conclusion que le changement climatique aura un impact négatif sur la croissance du saumon juvénile dans la rivière Miramichi.

Saumon de l'Atlantique. (Photo : Gracieuseté de la Fédération du saumon atlantique et de G. van Ryckevorsel.)
Saumon de l'Atlantique. (Photo : Gracieuseté de la Fédération du saumon atlantique et de G. van Ryckevorsel.)

Il est largement reconnu qu'une variation de l'intensité et de la fréquence des événements extrêmes pourrait avoir un impact sur les pêches marines, mais les études à ce sujet sont relativement peu nombreuses. Dans une étude récente où l'on a examiné les effets des épisodes de sécheresse et d'inondation dans le réseau de la rivière Sainte-Marguerite, dans l'est du Québec, les chercheurs ont conclu que ces événements ont une incidence sur la taille moyenne du saumon à la fin de l'été, en causant une mortalité sélective chez les alevins.(47) Durant les sécheresses, les taux de mortalité étaient plus élevés chez les petits spécimens, alors que durant les inondations, ils l'étaient davantage chez les gros alevins. D'autres études, cependant, suggèrent que le saumon est plutôt résistant aux inondations.(48) Les auteurs d'une étude sur les cours d'eau du Nouveau-Brunswick ont observé que les inondations ne réduisaient pas sensiblement les valeurs moyennes des taux d'alimentation et des taux de croissance à long terme, en dépit des réductions ponctuelles des taux de croissance du saumon juvénile causées par tel ou tel épisode d'inondation.(48)

On considère généralement que l'aquaculture est relativement facile à adapter au changement climatique, même qu'on la voit comme un outil d'adaptation possible pour aider le secteur des pêches à composer avec le changement climatique. À l'échelle planétaire, la production aquacole augmente de façon soutenue depuis 1990, et on s'attend à ce qu'elle dépasse les captures en 2030.(8) L'industrie de l'aquaculture s'inquiète néanmoins de l'effet qu'une augmentation de la fréquence ou de l'intensité des événements extrêmes et les variations du régime des vents pourraient avoir sur le lessivage de déchets et de nutrients entre les installations aquacoles et les océans.(37) De plus, une élévation des températures de l'eau pourrait accroître le risque de maladies et nuire à la qualité de l'eau en modifiant les concentrations de bactéries, les concentrations d'oxygène dissous et les proliférations d'algues.(8) Le changement climatique pourrait également avoir une influence sur les types de cultures, puisque l'eau pourrait devenir trop chaude pour une espèce donnée mais convenir mieux à une autre.

Les impacts du changement climatique sur les terres humides côtières pourraient également se répercuter sur les pêches dans l'Atlantique, étant donné que les marais salants sont une importante source de matières organiques pour les pêches côtières et fournissent aux poissons un habitat essentiel. Les chercheurs estiment qu'une augmentation de la vitesse d'élévation du niveau de la mer par suite du changement climatique pourrait menacer un grand nombre de ces marais (voir la référence 49; voir aussi le chapitre intitulé « Les zones côtières »), avec les conséquences que cela aurait pour la productivité du poisson.

Côte de l'Arctique

Le changement climatique touchera plusieurs facettes de la vie dans le Nord canadien, notamment les pêches.(2) Si elles n'ont pas la portée économique des pêches pratiquées sur les côtes de l'Atlantique et du Pacifique, les pêches arctiques n'en sont pas moins importantes pour la subsistance des gens, le sport, le commerce et la conservation.(50) On reconnaît de plus en plus que les changements climatiques récents ont déjà un impact sur les poissons et les mammifères marins, impacts qui se répercutent sur les activités de subsistance et le mode de vie traditionnel des résidants. Par exemple, des rapports en provenance des Territoires du Nord-Ouest signalent des captures de saumon en dehors de l'aire de dispersion connue des espèces; le saumon rouge et le saumon rose ont été pêchés à Sachs Harbour, et le coho dans le Grand lac de l'Ours.(11) Ce sont peut-être là les premiers signes d'un changement dans la répartition des espèces.(13) À Sachs Harbour, le réchauffement récent et l'augmentation de la variabilité des conditions météorologiques printanières ont raccourci la saison de pêche en limitant l'accès aux camps, et les résidants de la localité ont observé des changements dans la disponibilité du poisson et du phoque.(51)

On croit que les variations de la couverture glacielle vont entraîner quelques-uns des changements les plus marqués dans les écosystèmes marins de l'Arctique (voir le chapitre intitulé « Les zones côtières »). Au moyen d'observations par satellite ou au sol, plusieurs études ont permis de constater une réduction appréciable de l'étendue de la couverture glacielle depuis une trentaine ou une quarantaine d'années (p. ex., référence 52), la décroissance des glaces de mer atteignant par endroits 9 p. 100 par décennie entre 1978 et 1998.(53) Des rapports(54) font état d'un amincissement considérable de la couverture glacielle de l'Arctique, de l'ordre de 40 p. 100 sur une période de 30 ans, mais certains chercheurs sont davantage enclins à attribuer ce phénomène à la dynamique et à la distribution des glaces de mer plutôt qu'à un amincissement généralisé à la grandeur du bassin.(55) Cela dit, la plupart des modèles climatiques prévoient que les glaces de mer vont diminuer en étendue et en épaisseur tout au long du siècle présent(52) et que la couverture glacielle estivale sera très limitée.(53, 56, 57)

La glace de mer est un déterminant majeur des interactions des écosystèmes terrestres et marins, et sa surface inférieure est un endroit propice à la croissance des algues et des invertébrés qui soutiennent la chaîne alimentaire marine.(58) Selon certaines études, une décroissance de la glace de mer pourrait menacer les stocks de morue polaire, dont la distribution et la diète dépendent fortement des conditions de la glace.(59) En revanche, elle pourrait aussi, à court terme, accroître le nombre et l'étendue des polinies (étendues récurrentes d'eau libre enclavées dans la glace de mer),(13) ce qui permettra à certaines espèces de bénéficier d'une augmentation des apports alimentaires. Des changements dans l'étendue, l'épaisseur et la prévisibilité de la couverture glacielle influeraient également sur les pratiques de pêche. Les variations de l'état des glaces de mer modifieraient la durée de la saison de pêche, la sûreté de la glace comme plate-forme de chasse, et peut-être aussi la composition des ressources halieutiques disponibles.

Les mammifères marins, notamment les ours polaires, les phoques et les baleines, qui contribuent largement à la diète et au revenu d'un grand nombre de résidants du Nord, sont notoirement sensibles au changement climatique. Par exemple, les variations de la température et des conditions de la glace de mer affectent les ours polaires directement et indirectement, surtout les populations qui se trouvent près de la limite sud de l'aire de distribution de l'espèce.(60) Dans la région occidentale de la baie d'Hudson, les chercheurs ont observé une détérioration de l'état de la population et une baisse du nombre de naissances chez les ours; ils associent ce phénomène aux récentes tendances au réchauffement, qui ont causé une débâcle prématurée et limité l'accès aux phoques essentiels à l'alimentation des ours.(60, 61) Le changement climatique peut aussi affecter les phoques, par une réduction de la prédation(58) de même que par une dégradation ou une perte de l'habitat.(59)

Les variations de l'état des glaces de mer auraient aussi un impact sur d'autres mammifères marins.(59) En effet, une contraction de la couverture glacielle pourrait réduire les quantités de phytoplancton, lequel se concentre en dessous et à la lisière des glaces et représente une source alimentaire essentielle pour le copépode et certaines espèces de poisson, comme la morue polaire, dont s'alimentent le narval et le béluga.(62) Par contre, une diminution de l'étendue des glaces de mer pourrait améliorer la production primaire en eau libre et, par le fait même, accroître les apports alimentaires. L'hiver, le risque que les baleines se retrouvent emprisonnées par les glaces pourrait augmenter, tandis que la diminution de la couverture glacielle dans les zones d'alevinage et d'alimentation risquerait d'accroître les taux de prédation.(63) Finalement, si l'étendue des glaces était réduite, il est probable que les chenaux seraient davantage empruntés par les navires marchands qui, par le bruit et la pollution qu'ils engendreraient, pourraient avoir un impact négatif sur les écosystèmes marins.(62)

Pêches en eau douce

Le Canada est doté du plus vaste réseau d'eau douce dans le monde, avec au-delà de deux millions de lacs et de cours d'eau couvrant plus de 755 000 kilomètres carrés.(2)

Le changement climatique aura également des impacts sur les pêches en eau douce, impacts qui se manifesteront principalement par des variations de la température de l'eau, de la répartition des espèces et de la qualité des habitats. Comme dans le cas des pêches marines, il est important de reconnaître que les contraintes non climatiques exercées sur les écosystèmes continueront de se répercuter sur les pêches, d'où l'importance de comprendre les interactions du changement climatique et des facteurs de stress, qui sont essentiellement les changements de vocation des terres, les prélèvements d'eau(64) et l'introduction d'espèces allochtones.(65) D'autres problèmes se poseront aux pêches intérieures, du fait que le changement climatique causera des déséquilibres plus fréquents entre l'offre et la demande et que les ressources en eau feront l'objet d'une concurrence plus vive entre les secteurs (voir le chapitre intitulé « Les ressources en eau »).

L'élévation des températures touchera de différentes façons les diverses espèces de poisson d'eau douce. L'ampleur des variations potentielles de la température sera beaucoup plus forte en eau douce que dans les milieux marins. Les espèces de poisson sont généralement réparties entre trois guildes (eau froide, eau tempérée et eau chaude), selon leur niche thermique optimale. Certains auteurs distinguent une quatrième guilde, celle des poissons arctiques, qui préfèrent des températures encore plus basses.(13) Autant les recherches en laboratoire que les recherches sur le terrain confirment qu'une hausse des températures est favorable aux poissons d'eau chaude, comme l'esturgeon et l'achigan, et néfaste aux poissons d'eau froide, comme la truite et le saumon (p. ex., référence 13). Ainsi, une élévation de 2 °C de la température de l'eau réduit le taux de croissance,(66) le taux de survie(67) et le succès de la reproduction(68) de la truite arc-en-ciel, alors qu'un réchauffement augmente le taux de croissance des populations d'esturgeon de lac.(69)

Le changement climatique affectera également les pêches en eau douce par les effets qu'il aura sur les niveaux d'eau (voir la référence 70; voir aussi le chapitre intitulé « Les ressources en eau »). Un abaissement des niveaux d'eau dans les Grands Lacs, par suite d'une évaporation accrue et d'une variation des régimes de ruissellement et d'écoulement des eaux souterraines, menacerait les terres humides littorales qui fournissent au poisson des habitats et des terrains d'alevinage essentiels.(71) Dans le Saint-Laurent, il mettrait à découvert un nouveau substrat et pourrait faciliter l'invasion de plantes aquatiques exotiques ou agressives.(72) La baisse des niveaux d'eau dans les lacs des Prairies a augmenté la salinité de l'eau et eu des effets appréciables sur les organismes aquatiques.(73)

Le changement climatique aurait d'autres impacts importants, comme des variations de l'étendue et de l'épaisseur des glaces saisonnières(74, 75, 76, 77) et des changements dans la fréquence et l'intensité des événements climatiques extrêmes. La couverture glacielle a une influence sur la productivité des lacs en contrôlant les apports de lumière et les concentrations d'oxygène dissous. Celles-ci diminuent progressivement tout au long de la période des glaces et peuvent chuter pour atteindre des niveaux que les poissons ne peuvent tolérer. Une diminution de la durée de la couverture glacielle pourrait donc réduire le taux de mortalité du poisson dû à l'hiver.(78) Il est démontré que les températures extrêmes, les vents violents, les très fortes précipitations et les tempêtes ont un impact sur la croissance, la reproduction et le métabolisme des espèces de poisson.(79) Une augmentation de l'intensité ou de la fréquence de ces événements par suite du changement climatique pourrait accroître considérablement la mortalité du poisson dans certains lacs.(79)

On croit que le changement déplacera les habitats favorables,(73) autant à l'intérieur des lacs que dans les bassins hydrographiques ou entre les bassins. Dans un grand nombre de lacs, la stratification saisonnière (p. ex., eaux de surface chaudes surmontant des eaux plus froides) produit une gamme d'habitats thermiques. La période et la taille des différentes zones thermiques sont fortement influencées par les conditions climatiques (voir l'encadré 4) ainsi que par les caractéristiques du lac. Par exemple, des études ont démontré que les lacs aux eaux claires sont plus sensibles au réchauffement climatique que les lacs qui laissent moins pénétrer la lumière.(80) Le changement climatique pourrait hâter la stratification saisonnière,(81) allonger la période de stratification estivale(77) et modifier le volume de chacune des couches.(73) Ces changements pourraient à leur tour modifier les espèces dominantes dans un lac et peut-être aussi faire disparaître de l'endroit certaines espèces de poisson.(82)

ENCADRÉ 4: Effet de la stratification lacustre sur la variation de la température de l'eau(82)

On prévoit que le changement climatique influera à la fois sur la taille et sur la température des différentes zones thermiques qui composent les eaux d'un lac. Les variations spatiales et temporelles de la niche thermique affecteront les habitudes d'alimentation, la productivité et la reproduction de certaines espèces, dont la perchaude et le touladi.

La couche supérieure se réchauffera sous l'action de l'élévation des températures de l'air, mais l'impact sur les strates inférieures est moins certain. Procédant par modélisation, Hesslein et al.(82) ont conclu que le réchauffement des couches profondes serait principalement la conséquence d'une augmentation de la clarté des eaux et d'un accroissement concomitant de la pénétration du rayonnement solaire. Les variations du régime des précipitations auraient un effet sur la clarté des eaux lacustres, en modifiant le ruissellement provenant des terres environnantes. Les variations de la clarté des eaux lacustres seraient vraisemblablement maximales dans les lacs peu profonds.

Schéma d'un lac stratifié.
Schéma d'un lac stratifié.

Le changement climatique entraînerait également des changements dans la distribution de certaines espèces de poisson. Des auteurs estiment que le réchauffement consécutif à un doublement des concentrations de CO2 dans l'atmosphère déplacerait la limite zoogéographique des espèces de poisson d'eau douce vers le nord sur une distance de 500 à 600 kilomètres,(70) à supposer que le poisson parvienne à s'adapter. En effet, un certain nombre de facteurs seraient susceptibles d'entraver ce changement, notamment l'absence de routes migratoires et un réchauffement des eaux qui confinerait le poisson dans les eaux d'amont.(65) Ces variations de la répartition des espèces influeraient sur l'exploitation durable du poisson dans les lacs et les rivières.

L'invasion d'espèces nouvelles et exotiques soumettrait les écosystèmes aquatiques à des stress additionnels. Par exemple, on pense que les poissons d'eau chaude migreront vers des régions actuellement occupées par des espèces d'eau froide et tempérées. Dans les Grands Lacs, on prévoit que les eaux de ballast évacuées par les cargos continueront d'introduire des espèces exotiques.(83) Or, comme la plupart de ces espèces proviennent d'eaux plus chaudes de la région pontocaspienne, l'avantage qu'elles ont par rapport aux espèces d'eau froide indigènes des Grands Lacs devrait s'accentuer à mesure que le changement climatique élèvera la température des eaux des lacs.(73) En plus d'accroître les disparitions d'espèces,(70) l'introduction de nouvelles espèces pourrait avoir des effets appréciables sur les chaînes alimentaires aquatiques et le fonctionnement des écosystèmes.(84)

Le changement climatique pourrait exacerber les problèmes actuels de qualité de l'eau, ce qui aurait aussi un impact sur les pêches (voir le chapitre intitulé « Les ressources en eau »). Par exemple, s'il est vrai que la contamination du poisson par les métaux a toujours été un sujet de préoccupation dans l'Arctique, de nouvelles données semblent indiquer que le réchauffement pourrait aggraver la situation en accentuant l'assimilation des métaux lourds par le poisson. Des accumulations élevées de cadmium et de plomb dans l'organisme de l'omble chevalier ont été attribuées à une augmentation des taux de métabolisme du poisson sous l'effet de la hausse des températures de l'eau et à un allongement de l'inter-glaciel (voir la référence 85; voir aussi le chapitre intitulé « La santé et le bien-être humains »). Une eau de piètre qualité peut affecter les pêches en déplaçant les populations de poisson, causer une mortalité massive ou rendre le poisson impropre à la consommation. Un grand nombre d'études indiquent que les facteurs climatiques, en particulier la température et la sécheresse, sont des déterminants majeurs de l'acidité de l'eau et d'un large éventail de processus biologiques et géochimiques.(75, 86, 87, 88, 89) Par exemple, on a observé qu'une élévation de la température de l'eau accroît l'activité microbiologique, qui accentue la mobilisation des métaux présents dans le substrat.(88) Comme l'adaptation du poisson est possible dans une certaine fourchette de conditions environnementales, une modification de l'un ou l'autre de ces facteurs est susceptible de causer du stress et d'augmenter le taux de mortalité chez certaines espèces de poisson.

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2006-10-18Avis importants