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Impacts et adaptation liés aux changement climatique : perspective canadienne
Impacts

Foresterie Table des matières Conclusion Lacunes sur le plan des connaissances Adaptation Impacts Travaux antérieurs Introduction Références

Impacts sur la croissance et sur la santé des forêts

"Les changements de conditions climatiques influeront sur tous les indicateurs de productivité des forêts et sur leur capacité à fournir des biens et services aux économies humaines." (5)

Selon les chercheurs, même de petits changements de température et de précipitations pourraient avoir d'importantes répercussions sur la croissance et la survie des forêts,(6) surtout aux limites des écosystèmes et dans les régions limitrophes. Au cours du siècle dernier, le Canada s'est réchauffé de 1 °C en moyenne.(7) En même temps, la croissance des plantes aux latitudes moyennes et hautes (45 °N et 70 °N) s'est accélérée, et la saison de croissance s'est allongée.(8) Le réchauffement a également influé sur la phénologie des arbres. Par exemple, à Edmonton, en Alberta, le peuplier faux-tremble a commencé progressivement à fleurir plus tôt, au cours des 100 dernières années, pour atteindre une précocité de 26 jours,(9) tandis qu'en Ontario, le débourrement de l'épinette blanche semble également plus précoce.(10) Les zones de rusticité paraissent aussi s'être transformées à la suite des changements climatiques récents, principalement dans l'ouest du Canada (voir la figure 2).(11)

Figure 2 : Modifications des zones de rusticité des plantes entre 1930 et 1960, et entre 1961 et 1990 (extrait modifié tiré de la référence 11)
Figure 2 : Modifications des zones de rusticité des plantes entre 1930 et 1960, et entre 1961 et 1990 (extrait modifié tiré de la référence 11)

Les modèles climatiques prévoient que le réchauffement le plus marqué se produira pendant les mois d'hiver. Cette tendance est d'ailleurs perceptible dans l'évolution du climat de la plus grande partie du pays. Au cours du dernier siècle, par exemple, dans les montagnes Rocheuses canadiennes, la hausse des températures en hiver a doublé par rapport au même phénomène au printemps et en été.(12) Des températures plus élevées en hiver auront sur les forêts des effets positifs, comme un moindre bris des brindilles,(13) et des effets négatifs, comme un plus grand risque de dommages dus au gel.(10) Les hivers plus chauds permettront à certains insectes nuisibles d'y survivre, tandis que d'autres périront en raison de la diminution de la couverture de neige.(14) La hausse des températures hivernales augmentera peut-être la fréquence et la durée des périodes de dégel en plein hiver, ce qui aggravera les dommages aux pousses et le dépérissement terminal des arbres (voir les références 15 et 16; voir aussi l'encadré 1). La diminution de la couverture de neige activera également le dépérissement terminal des arbres à cause du déchaussage, du soulèvement des jeunes plants(17) et de l'exposition des racines à de plus nombreux cycles de gel-dégel.(18)

ENCADRÉ 1: Le dégel hivernal menace-t-il le bouleau jaune?(19)

Dans les études de la documentation sur le déclin à grande échelle du bouleau jaune constaté dans l'est du Canada, on explique partiellement ce dépérissement par le dégel hivernal et le gel tardif de printemps. Le dégel hivernal diminue la résistance au froid du bouleau, augmentant sa vulnérabilité. La photographie ci-dessous montre l'effet du dégel hivernal sur les jeunes plants de bouleau. Le dégel hivernal peut également entraîner la rupture du xylème du bouleau jaune, rendant plus difficile le cheminement de l'eau des racines jusqu'aux branches. Les futurs changements climatiques devraient entraîner des dégels hivernaux plus fréquents et plus longs, ce qui fait craindre une aggravation du dépérissement du bouleau jaune.

L'effet du dégel sur le dépérissement des pousses. La photo supérieure montre les pousses de référence (gardées à l'abri du dégel), tandis que la photo inférieure montre les jeunes plants de bouleau jaune qui ont été exposés au dégel. Photo : Gracieuseté de R.M. Cox.
L'effet du dégel sur le dépérissement des pousses. La photo supérieure montre les pousses de référence (gardées à l'abri du dégel), tandis que la photo inférieure montre les jeunes plants de bouleau jaune qui ont été exposés au dégel. Photo : Gracieuseté de R.M. Cox.

Les changements de configuration des températures et des précipitations, occasionnés par le changement climatique, auront des répercussions sur les conditions d'humidité régnant dans les forêts. Lorsque la température augmente, la perte d'eau par évapotranspiration augmente, ce qui rend les conditions plus sèches. Les températures plus chaudes tendent également à diminuer le rendement de l'utilisation de l'eau par les plantes. Dans certaines régions du Canada, l'augmentation des précipitations aiderait à compenser la sécheresse causée par les températures plus chaudes.(20) Dans d'autres régions, par contre, la diminution des précipitations accentuerait le stress hydrique causé par le réchauffement. Les changements dans le cycle saisonnier des précipitations et l'existence de phénomènes extrêmes tels que la sécheresse et les fortes pluies joueront également un rôle important. Par exemple, l'analyse dendrométrique du peuplier faux-tremble, dans l'ouest du Canada, révèle que le ralentissement de la croissance des anneaux est associé à des périodes de sécheresse, tandis que les pics de croissance sont consécutifs à des périodes froides et humides.(18)

Les caractéristiques et la structure des classes d'âge des forêts sont déterminantes dans la manière dont les forêts réagissent aux changements des conditions d'humidité. Les peuplements mûrs ont des systèmes radiculaires bien établis et sont, de ce fait, moins sensibles aux changements d'humidité que les jeunes peuplements et les peuplements qui ont eu lieu après des perturbations, du moins à court terme.(5) De plus, certaines espèces et variétés tolèrent davantage l'humidité ou la sécheresse que d'autres. Par exemple, le chêne à gros fruits et le sapin du Colorado tolèrent mieux les conditions sèches que la plupart des autres espèces.(21)

Dans de nombreuses études, on a examiné les effets des concentrations élevées de CO2 sur la croissance et la santé des forêts, mais les résultats obtenus ne sont ni clairs ni concluants.(5) Les chercheurs reconnaissent généralement que des concentrations plus élevées de CO2 améliorent le rendement de l'utilisation de l'eau par certaines plantes (dans ces circonstances, les plantes ouvrent moins grand leurs stomates et perdent donc moins d'eau par transpiration), mais les résultats obtenus varient en ce qui concerne les effets globaux sur la croissance des plantes. Par exemple, on a découvert que des concentrations plus élevées de CO2 accéléraient la croissance de différentes espèces de peupliers,(22, 23) mais qu'elles avaient peu d'effet sur la croissance du sapin de Douglas,(24) du tremble et de l'érable à sucre.(25) Cette différence dans les résultats peut provenir des espèces étudiées, de l'âge individuel des arbres, de la durée de l'étude et des différentes méthodes utilisées. Il faut également savoir que, selon certains chercheurs, la réaction positive des plantes à des augmentations de concentrations de CO2 pourrait décroître avec le temps à mesure que les plantes s'acclimateront aux concentrations élevées de CO2.(5)

Les incertitudes qui entourent la réaction des arbres aux concentrations élevées de CO2 ne facilitent pas l'intégration de ce facteur dans les évaluations d'impacts. Et la possibilité que d'autres émissions anthropiques influenceront la croissance des plantes crée d'autres complications. Par exemple, on a constaté que l'ozone (O3), un polluant qui cause des dommages visibles aux arbres,(26) annule les effets bénéfiques que peut avoir le CO2 sur la productivité des forêts.(26, 27) Par contre, certains suggèrent que les oxydes d'azote, libérés pendant la combustion des combustibles fossiles et l'agriculture intensive, peuvent favoriser la croissance des forêts,(28) surtout dans les écosystèmes faibles en azote. Une autre étude montre que ces facteurs favorables à la croissance (la fertilisation par le CO2, le dépôt d'azote) n'auraient en réalité qu'une influence minime sur la croissance des plantes, par comparaison à d'autres facteurs, en particulier l'utilisation des terres.(29)

Dans l'ensemble, il ressort que les effets du changement climatique sur la croissance et la santé des forêts varieront suivant les régions et seront influencés par la composition des espèces, les conditions de l'endroit et le microclimat local.(12) Dans les forêts de trembles de l'ouest du Canada, la productivité des forêts augmenterait peut-être, grâce à la prolongation des périodes sans gel et à l'augmentation des concentrations de CO2,(18) bien qu'une augmentation concomitante du stress de sécheresse risque de créer des problèmes. La productivité dans le nord-est de l'Ontario pourrait également augmenter sous les effets combinés de la hausse des températures, des précipitations plus abondantes et de la prolongation de la saison de croissance.(30) Par contre, quelques chercheurs croient que les écosystèmes des forêts de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent pourraient souffrir des conséquences du réchauffement climatique sur la physiologie et la santé des forêts.(31)

Impacts sur la migration des espèces d'arbres et le déplacement des écosystèmes

"Nos écosystèmes forestiers seront dans un état de transition en réaction au changement climatique, dont les impacts sont principalement négatifs." (32)

Le changement climatique pourrait engendrer des modifications subtiles et irrégulières de la distribution des espèces.(5) Les espèces d'arbres réagiraient au changement de conditions en migrant, comme ce fut le cas lors des changements climatiques antérieurs. On se demande toutefois si le taux rapide des futurs changements climatiques ne va pas contrecarrer la capacité de reproduction et de dispersion de certaines espèces.(33, 34) D'autres stress, tels que les obstacles à la dispersion (fragmentation des habitats) et la compétition des espèces exotiques,(35, 36, 37) risquent de freiner la migration, tandis que les changements de rythme et de taux de production des semences pourraient limiter les taux de migration.(34)

On émet généralement l'hypothèse qu'à mesure que le climat se réchauffera, les arbres migreront vers le nord et vers des altitudes plus élevées. Le réchauffement des 100 dernières années a déplacé en altitude la limite des arbres dans les Rocheuses canadiennes centrales.(12) Mais la température n'est pas le seul facteur à agir sur la distribution des espèces, et il ne faut pas considérer isolément les changements de température. D'autres facteurs, notamment les caractéristiques du sol, la présence d'éléments nutritifs et les régimes des perturbations, peuvent jouer un rôle plus important que la température dans la future dynamique des écosystèmes. La limite méridionale de la forêt boréale, par exemple, paraît être déterminée davantage par la compétition des espèces(38) et les conditions d'humidité(39) que par la tolérance des espèces aux températures. Et les conditions d'humidité jouent aussi un rôle important dans la distribution du peuplier faux-tremble dans l'ouest du Canada.(40)

Prévoir les futurs changements de la distribution des espèces est une tâche extrêmement ardue, et les résultats des différentes études effectuées à ce sujet varient fortement. Les prévisions auxquelles ont abouti 11 éminents écologistes qui ont étudié les taux de migration dans les forêts septentrionales varient de quatre ordres de grandeur.(41) Ces variations résultent probablement du fait que les prévisions dérivent souvent de modèles qui procèdent d'un certain nombre de suppositions. Ainsi, dans de nombreux modèles, on suppose que les semences de toutes les espèces sont uniformément réparties et que les conditions environnementales ne varient pas d'une région à l'autre, ce qui mène à des surestimations de la diversité et des taux de migration futurs des espèces.(42) Les modèles ne tiennent pas compte non plus de l'aide que les humains peuvent apporter à la migration des espèces. Il ne faut donc voir, dans les prévisions modélisées, qu'une indication des tendances, sans en tirer des conclusions chiffrées.(43)

Le tableau 1 donne la liste des principaux résultats auxquels ont abouti des recherches récentes dans lesquelles on a combiné les tendances historiques ou les simulations climatiques avec les modèles d'écosystèmes.

Tableau 1 : Résultats des récentes recherches sur la migration des forêts

Région Scénario Principales prévisions
Ouest de l'Amérique du Nord(44) Augmentation composée de 1 p. 100 par année de la concentration de CO2
  • Modification des aires de distribution dans toutes les directions (N./S./E./O.)
  • Impacts considérables sur les écosystèmes
  • Changements dans la diversité des espèces
Ontario(45) Scénario 2 x CO2
  • Les forêts de type Grands Lacs occuperont la plus grande partie du centre de l'Ontario
  • Les espèces pyrophiles (p. ex., pin gris et tremble) se répandront
  • Peu de forêts de vieux peuplements subsisteront
  • Des extinctions locales se produiront
Limite des arbres du Canada central(46) Réchauffement graduel de la température (basé sur l'analyse historique)
  • Augmentation initiale de la croissance et du recrutement
  • Délai considérable entre le réchauffement et l'expansion de la forêt boréale vers le nord
Nouvelle-Angleterre (États-Unis)(47) Scénario 2 x CO2
  • Écotone stable sans dépérissement
  • Migration vers le nord de l'écotone à un rythme de moins de 100 m par 100 ans
Nord du Wisconsin (États-Unis)(48) Réchauffement graduel au cours des 100 prochaines années
  • Perte des espèces de la forêt boréale dans 200 à 300 ans
Est des États-Unis(35) Scénario 2 x CO2
  • Changements importants dans la distribution des types de forêts
  • Disparition des forêts de type épicéa-sapin en Nouvelle-Angleterre
  • Déclin marqué des forêts de type érable-hêtre-bouleau
  • Augmentation marquée des forêts de type chêne-pin

Il importe de retenir que les espèces réagiront individuellement au changement climatique et que les écosystèmes ne se déplaceront pas comme des unités cohérentes. Les espèces les plus vulnérables seront sans doute celles qui ne tolèrent que de faibles écarts de température et qui se caractérisent par une croissance lente(49) et des paramètres de dispersion limitatifs, tels que la lourdeur de leurs semences.(45) C'est ainsi que le peuplier faux-tremble, dont les paramètres de dispersion sont meilleurs que ceux du chêne rouge et du pin gris,(50) pourrait migrer plus facilement en réaction au changement climatique. La réaction différente des espèces aux émissions anthropiques pourrait également influer sur leur capacité compétitive,(51) ce qui risque d'avoir des répercussions considérables sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers.(49)

Impacts sur les perturbations

"L'augmentation de perturbations telles que les infestations d'insectes et les incendies peuvent entraîner de rapides changements structuraux et fonctionnels des forêts."(5)

Chaque années, environ 0,5 p. 100 des forêts cana-diennes subissent d'importantes perturbations causées par les incendies, les insectes et les maladies.(1) Ces perturbations sont souvent fortement influencées par les conditions météorologiques, et on s'attend généralement à ce qu'elles s'amplifient à l'avenir sous l'effet du changement climatique prévu.(4)

Il est probable que l'interaction des perturbations produira des effets cumulatifs. Par exemple, une augmentation du stress de sécheresse pourrait augmenter la fréquence et l'ampleur des invasions d'insectes et des épidémies.(30) De même, une plus forte défoliation due à l'invasion d'insectes pourrait augmenter le risque de feux de friches.(52) Dans l'encadré 2, on décrit l'interaction de la tordeuse des bourgeons de l'épinette et des feux de friches en Ontario. En plus des dommages causés aux arbres, les changements de régime des perturbations auraient des conséquences à long terme sur les écosystèmes forestiers, comme la modification de la structure d'âge et de la composition des populations végétales.(30)

ENCADRÉ 2: Interaction de la tordeuse des bourgeons de l'épinette et des feux de friches en Ontario(53)

La prolifération de la tordeuse des bourgeons de l'épinette et les feux de friches sont deux perturbations très répandues dans la forêt boréale. Fleming et al.(53) ont examiné les données historiques en vue d'étudier l'interaction de ces perturbations en Ontario et de prévoir l'influence des futurs changements climatiques sur cette interaction. La prolifération de la tordeuse des bourgeons de l'épinette est censée augmenter la probabilité des feux de friches en augmentant le volume de matière morte provenant des arbres, qui sert de combustible aux feux de friches. Les chercheurs ont découvert qu'un nombre inhabituel de feux de friches avaient éclaté entre trois et neuf ans après des périodes de prolifération de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, la tendance étant plus marquée dans les régions plus sèches telles que l'ouest de l'Ontario, où les matières combustibles du bois ont tendance à se décomposer plus lentement. Selon les conclusions de l'étude, des conditions plus sèches résultant du changement climatique entraîneraient une augmentation des feux de friches dans les peuplements sujets à la défoliation par la tordeuse des bourgeons de l'épinette, ainsi qu'une augmentation de la fréquence et de l'intensité des périodes de prolifération de cet insecte nuisible.

La tordeuse des bourgeons de l'épinette : vue dorso-latérale d'une larve mature. Photo : Gracieuseté de T. Arcand, Centre de foresterie des Laurentides, Service canadien des forêts.
La tordeuse des bourgeons de l'épinette : vue dorso-latérale d'une larve mature. Photo : Gracieuseté de T. Arcand, Centre de foresterie des Laurentides, Service canadien des forêts.

Feux de forêt

"Il faut s'attendre à une augmentation du risque de feux de forêt dans la plupart des régions..."(5)

Le phénomène des feux de forêt est naturel et bénéfique à la santé de nombreux écosystèmes forestiers. En fait, sans feux de forêt, certaines espèces d'arbres et certains écosystèmes de la forêt boréale seraient condamnés.(54) Mais les feux peuvent également causer d'énormes dommages aux forêts et avoir d'importantes incidences matérielles; la fumée et les cendres qu'ils produisent peuvent causer des problèmes de santé, localement et même à distance, et les évacuations forcées, provoquées par les feux, entraînent une foule de répercussions sociales et économiques. En moyenne, les pertes matérielles dues aux feux de forêt ont dépassé sept millions de dollars par an entre 1990 et 2000, tandis que les dépenses de protection contre l'incendie se sont chiffrées en moyenne à 400 millions de dollars par an.(55) Dans les études qui ont été menées, on s'accorde généralement pour reconnaître que la fréquence des feux, dans la forêt boréale, et la superficie totale brûlée ont augmenté au cours des 20 à 40 dernières années.(56, 57, 58) Mais les résultats divergent dans les études qui ont porté sur de plus longues périodes, certaines concluant à des diminutions,(59, 60) d'autres à des augmentations(61) de ces paramètres, selon les périodes et les endroits étudiés et selon la méthodologie utilisée. Il faut également noter que, si les grands feux de forêt (consumant des superficies de forêts supérieures à 1 000 hectares) ne représentent que 1,4 p. 100 des feux de forêt au Canada, ils comptent pour 93,1 p. 100 de la superficie totale brûlée.(55) Il faut donc être prudent lorsqu'on essaie de comparer les études en examinant les différences de fréquence des feux et de superficie brûlée.

Dans l'ensemble, selon les prévisions, les dégâts causés par les feux de forêt devraient augmenter à l'avenir sous l'effet du changement climatique (voir le tableau 2), pour les raisons suivantes : l'allongement de la saison des feux, les conditions plus sèches et l'augmentation du nombre d'orages.(62, 63)

Fire season severity is generally projected to increase in the future due to climate change (Table 2). Reasons for the increase include a longer fire season, drier conditions and more lightning storms.(62, 63)

Tableau 2 : Prévisions des feux de forêt

Région Prévision
Forêt boréale orientale(59)
  • Diminution du nombre de feux de forêt à l'avenir
    (prévision basée sur l'analyse historique)
Canada(64)
  • Augmentation du danger de feu de forêt
  • Forte variabilité régionale
    (prévision basée sur l'indice de danger de feu de forêt)
Ouest du Canada(58)
  • Augmentation de l'intensité et de l'étendue des feux de forêt
    (prévision basée sur les prévisions du MCR1)
Amérique du Nord(65)
  • Augmentation générale de l'activité des feux de forêt
  • Peu de changements et même diminution dans certaines régions
    (prévision basée sur la prévision 2 x CO2 du MCG2)
Alberta(66)
  • Augmentation de la fréquence des feux
    (prévision basée sur la prévision 2 x CO2 du MCG)
Forêt boréale du sud-ouest du Québec(67)
  • Baisse de la fréquence des feux
    (prévision basée sur la prévision 2 x CO2 du MCG)
Ontario(68)
  • Augmentation de la fréquence et de l'intensité des feux de forêt
    (prévision basée sur l'indice de danger de feu de forêt)
Canada(62)
  • Augmentation de l'activité des feux
  • Allongement de la saison des feux
  • Agrandissement de la zone de danger extrême de feux
    (prévision basée sur la prévision 2 x CO2 du MCG)

1 MCR, modèle climatique régional
2 MCG, modèle de circulation générale

La plupart des études menées sur le changement climatique et les feux de forêt dégagent une relative incertitude, en raison surtout de notre connaissance limitée concernant les futurs changements de configuration des précipitations. Dans le cas de précipitations plus abondantes, la fréquence des feux de forêts changera peu ou pourrait même diminuer.(3) Les études montrent également que le temps chaud et la sécheresse n'impliquent pas nécessairement une saison de feux destructrice. On l'a constaté en 2001 : malgré la chaleur et la sécheresse extrêmes qu'on a connues, la fréquence des feux de friches a baissé et la superficie totale brûlée a été la moins étendue jamais enregistrée.(69) Le type de végétation influencera les changements de fréquence et d'intensité des futurs feux. Par exemple, les feux de conifères seront probablement plus intenses que ceux des forêts décidues ou des forêts mixtes. Et la migration des espèces, en réaction au changement climatique, modifiera également le comportement des feux en modifiant les types de combustibles.(70) Parmi les autres facteurs qui influeront sur les saisons des feux, citons le vent, la fréquence des éclairs, les conditions d'humidité avant les feux et les mécanismes de gestion des feux.

Prolifération des insectes

La prolifération des insectes constitue un problème majeur au Canada, où les pertes de bois d'oeuvre qui résultent de leur dévastation dépassent les pertes causées par le feu. (71)

Dans certaines régions, la défoliation opérée par les insectes nuisibles constitue le facteur de contrôle le plus important de la croissance des arbres.(72) La réaction des insectes au changement climatique sera sans doute rapide, au point que de petits changements climatiques pourront entraîner des répercussions importantes. Les insectes ont un cycle de vie court, et ils se déplacent et se reproduisent facilement, ce qui leur permet de s'adapter rapidement à de nouvelles conditions et de tirer promptement profit des nouvelles possibilités.(14)

Les températures plus élevées seront généralement bénéfiques aux insectes, car elles accéléreront leur développement, étendront leurs zones d'activité et augmenteront leur taux de survie à l'hiver.(14) Par exemple, les insectes nuisibles qui ne posent actuellement pas de problème dans la majeure partie du Canada pourront migrer vers le nord à la faveur du réchauffement du climat. Des conditions plus chaudes raccourciront sans doute les cycles de prolifération des espèces telles que la tordeuse des bourgeons de pin gris, augmentant la fréquence des infestations,(73) et elles prolongeront la survie des insectes nuisibles tels que le dendroctone du pin qui meurt, par temps très froid, à la fin de l'automne et au début du printemps.(74) Toutefois, l'augmentation de la fréquence de phénomènes météorologiques extrêmes et la diminution de la couverture de neige en hiver pourraient réduire le taux de survie des insectes.(14)

Le changement climatique se répercutera peut-être indirectement sur la perturbation des forêts par les insectes nuisibles. Par exemple, des conditions de sécheresse prolongées - tout comme l'instabilité des écosystèmes causée par la migration des espèces - accroîtront peut-être la sensibilité des arbres à la défoliation par les insectes.(3) Et les augmentations prévues des émissions anthropiques (de CO2 et d'O3, par exemple) affaibliront encore la défense des arbres contre les insectes et les maladies.(26, 75) L'incidence du changement climatique sur la prolifération des insectes se traduira par la modification de l'abondance des populations de leurs ennemis, symbiotes et compétiteurs. Par exemple, un temps plus chaud aura des répercussions différentes sur les taux de dévelop-pement des hôtes et des parasitoïdes,(34) de même que sur la gamme des prédateurs et des proies des insectes.(76) Une telle situation pourrait modifier la dynamique des écosystèmes en réduisant les contrôles biologiques qui s'exercent sur certaines populations d'insectes nuisibles.

Phénomènes météorologiques extrêmes

La fréquence et la violence des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les vents violents, les tempêtes hivernales et la foudre, devraient augmenter par suite du changement climatique.

L'impact des phénomènes météorologiques extrêmes sur les forêts et le secteur de l'aménagement forestier a été clairement démontré lors de la tempête de verglas qui a frappé l'est de l'Ontario, le sud du Québec et certaines régions des Maritimes en 1998. Les dommages causés par cette tempête, dans certaines parties du Québec, se comparent à ceux des vents violents et des ouragans les plus destructeurs enregistrés n'importe où dans le monde.(77) Les impacts économiques à long terme de cette tempête sont manifestes dans l'industrie du sucre d'érable, car presque 70 p. 100 de la région productrice cana-dienne a souffert de cette tempête.(78) Les chercheurs en sont encore à quantifier les coûts réels de cette catastrophe.(79) Les tempêtes de verglas ne sont pas des phénomènes rares, mais l'intensité, la durée et l'étendue de celle de janvier 1998 sont exceptionnelles.(78) Quoi qu'il en soit, ces tempêtes risquent d'être de plus en plus fréquentes à l'avenir si les hivers s'adoucissent.(3)

Des phénomènes ponctuels tels que les tornades et les rafales descendantes, ou des vents violents accom-pagnant les tempêtes peuvent également causer des dommages. Dans la région des Grands Lacs, les rafales descendantes engendrent des perturbations importantes qui peuvent s'étendre sur des milliers d'hectares, entraînant des impacts immédiats et à long terme.(80) Les chablis peuvent être causés par des vents violents, capables de détruire des forêts à grande échelle. C'est ainsi qu'une tempête violente qui a eu lieu en 1994 au Nouveau-Brunswick a fauché 30 millions d'arbres, causant des pertes de 100 millions de dollars.(81) Le fait qu'un arbre soit cassé net ou qu'il soit complètement déraciné par les vents violents dépend de paramètres tels que sa hauteur, le fait qu'il est vivant ou mort à ce moment-là et la densité de la forêt.(82) Les phénomènes éoliens font parfois subir d'autres dommages aux forêts, comme les feux et la prolifération des insectes. Ainsi, les chercheurs ont trouvé que les zones de chablis favorisent la reproduction du dendroctone de l'épinette.(83)

Le réchauffement du climat peut favoriser les phéno-mènes éoliens violents, mais il existe une grande incertitude à cet égard.(84) Vu que ces phénomènes sont locaux et que les phénomènes éoliens sont généralement mal connus, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de modélisation prospective fiable de la fréquence des événements de cette nature.(80)

Impacts sociaux et économiques

Les impacts biophysiques du changement climatique sur les forêts se traduiront par de nombreux effets sociaux et économiques (voir le tableau 3) qui toucheront les entreprises forestières, les propriétaires terriens, les consommateurs, les gouvernements et l'industrie touristique.(85)

Tableau 3 : Exemples d'impacts socio-économiques du changement climatique(85)

Impacts physiques Impacts socio-économiques
Changements dans la productivité des forêts Changements de la production de bois d'oeuvre et de la valeur locative
Augmentation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère Introduction de politiques d'atténuation du crédit-permis de carbone qui créent un marché de séquestration du carbone
Augmentation des perturbations Perte de produits forestiers et de biens non commerciaux
Déplacement des écozones vers le nord Changements dans la valeur des terres et dans les options d'utilisation des terres
Changements climatiques et écosystémiques Restructuration économique engendrant des tensions sociales et individuelles et d'autres pathologies sociales
Changements des écosystèmes et des espèces spécialisées Changements dans les valeurs non commerciales
Changements des écosystèmes Désintégration des parcs et des réserves naturelles, accroissement des différends sur l'utilisation des terres

L'importance des impacts socio-économiques tels que ceux mentionnés dans le tableau 3 dépendra de la nature et du rythme du changement climatique; de la réaction des écosystèmes forestiers; de la sensibilité des collectivités aux impacts du changement climatique et des politiques d'atténuation implantées en réaction au changement climatique; des caractéristiques économiques des collectivités concernées; et de la capacité d'adaptation du groupe concerné.(86)

Les exportations forment une partie importante de l'industrie forestière canadienne; elles se sont chiffrées à 47,4 milliards de dollars en 2001.(1) Le changement climatique pourrait toucher plus fortement la productivité des forêts canadiennes que celle de nombreux autres pays si un réchauffement plus important se produisait dans les régions à haute latitude.(87) Mais étant donné l'incertitude qui entoure l'amplitude et même le sens de ces impacts, il est extrêmement difficile d'évaluer la future capacité concurrentielle du Canada sur les marchés internationaux. Si la croissance des forêts canadiennes devait s'accélérer et la production de bois augmenter,(88) et si une pénurie mondiale de bois d'oeuvre devait se faire sentir comme prévu, à cause de la croissance démographique et économique,(89) l'industrie forestière canadienne pourrait en tirer profit. Le changement climatique suscitera peut-être le besoin de modifier les politiques commerciales internationales et les prix des produits forestiers(90) qui, à l'heure actuelle, sont généralement basés sur l'a priori d'un climat stable.

Les Premières nations sont très préoccupées par les impacts du changement climatique sur les forêts canadiennes.(91) Étant donné que plus de 90 p. 100 des réserves sont situées dans des régions boisées, les forêts jouent un rôle économique et culturel essentiel pour plusieurs collectivités des Premières nations.(1) Les impacts prévus du changement climatique sur les forêts - particulièrement en ce qui concerne l'augmentation des perturbations et la migration des espèces - pourraient menacer la pérennité de certaines de ces collectivités.

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2006-10-06Avis importants