|
Divulgation proactive Version imprimable | Impacts et adaptation liés aux changement climatique : perspective canadienne Étude de la vulnérabilité
"L'analyse de la vulnérabilité sert de point de départ pour trouver des moyens efficaces de promouvoir des mesures correctives susceptibles de limiter les impacts, en appuyant des stratégies d'atténuation et en facilitant l'adaptation."(13) ENCADRÉ 1: Définitions des principaux termes (d'après la référence 14)
La plupart des études réalisées à ce jour au sujet des impacts du changement climatique et de l'adaptation partent de scénarios de changement climatique pour déterminer les impacts possibles sur les écosystèmes et les activités humaines et évaluer les mesures d'adaptation. Par exemple, plusieurs des études citées dans le présent rapport emploient un scénario de doublement des concentrations de CO2 dans l'atmosphère pour évaluer les impacts potentiels du changement climatique. S'il est vrai que ces travaux ont jeté un éclairage utile et nous ont permis d'améliorer nos connaissances sur les interactions du changement climatique, des écosystèmes et des systèmes humains, il n'en demeure pas moins qu'ils comportent plusieurs lacunes, à plus forte raison s'ils ont pour but de faciliter la prise de décisions en matière d'adaptation. Par exemple, les résultats des études basées principalement sur les extrants des modèles climatiques sont généralement entachés d'une grande incertitude et tombent dans une grande fourchette, ce qui rend difficile l'estimation du risque.(15) En outre, comme les systèmes climatiques, écologiques et socio-économiques que les chercheurs s'emploient à modéliser sont complexes, la validité des résultats des scénarios est inévitablement l'objet de critiques constantes. Par exemple, des rapports récents indiquent que le fait de ne pas prendre en compte les changements d'affectation des terres et les effets biologiques de l'augmentation des concentrations de CO2,(16) ainsi que la piètre représentation des événements extrêmes(17) limitent l'utilité de plusieurs scénarios d'emploi courant. Ce n'est pas la valeur des scénarios que l'on conteste - en fait, il n'existe aucun autre outil pour modéliser des conditions à venir. Ces critiques, toutefois, mettent en évidence la nécessité de fonder les scénarios sur des bases suffisamment solides pour permettre de gérer les risques en dépit des incertitudes associées au changement climatique. Ces bases nous sont fournies par le concept de vulnérabilité. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat définit la vulnérabilité comme le « degré par lequel un système risque de subir ou d'être affecté négativement par les effets néfastes des changements climatiques, y compris la variabilité climatique et les phénomènes extrêmes ».(14) La vulnérabilité est fonction de l'exposition du système aux impacts du climat, de sa sensibilité à ces impacts et de sa capacité de s'adapter.(18) Il est important de distinguer la vulnérabilité de la sensibilité, qui se définit comme le « degré d'affectation positive ou négative d'un système par des stimuli liés au climat ».(14) La sensibilité fait abstraction de l'effet modérateur des stratégies d'adaptation, tandis que la vulnérabilité renvoie aux impacts qui restent après que les mesures d'adaptation ont été prises en compte.(13) En conséquence, un système considéré comme très sensible au changement climatique ne sera pas nécessairement vulnérable. Des facteurs économiques et sociaux jouent un rôle important dans la vulnérabilité d'un système ou d'une région. La méthode fondée sur la vulnérabilité, que l'on utilise dans la recherche sur les impacts du changement climatique et l'adaptation, comporte cinq grandes étapes (voir la figure 1). Une étude de l'état actuel du système permet aux chercheurs d'effectuer une première évaluation de la vulnérabilité indépendamment des changements climatiques futurs. Les chercheurs peuvent ainsi améliorer leurs connaissances sur le système dans son ensemble et estimer de façon plus réaliste la faisabilité de chaque mesure d'adaptation. En outre, l'examen des conditions actuelles favorise la participation des intervenants (voir l'encadré 2) et facilite la mise en oeuvre de stratégies d'adaptation « sans regret ». Les chercheurs évaluent les vulnérabilités futures à partir des connaissances acquises au sujet des vulnérabilités actuelles, auxquelles ils appliquent des projections socio-économiques. FIGURE 1: Étapes de l'approche fondée sur la vulnérabilité. À noter que la recherche ne suit pas nécessairement une courbe de progression linéaire. Le processus devrait être itératif et certaines étapes devraient être réalisées simultanément.
La méthode fondée sur la vulnérabilité a pour objectif général de faire en sorte que la recherche contribue à la prise des décisions en matière d'adaptation, en posant les balises nécessaires pour que l'on puisse établir des priorités malgré les incertitudes qui subsistent au sujet du changement climatique. ENCADRÉ 2: Participation des intervenants
Facteurs influant sur la vulnérabilité actuelle La vulnérabilité actuelle d'un système est déterminée par plusieurs facteurs interreliés, soit la capacité d'adaptation, la fourchette d'adaptation et les seuils critiques. Le GIEC définit la capacité d'adaptation comme « la capacité d'ajustement d'un système face aux changements climatiques (y compris à la variabilité climatique et aux extrêmes climatiques) afin d'atténuer les effets potentiels, d'exploiter les opportunités, ou de faire face aux conséquences. »(14) Plus simplement, la capacité d'adaptation mesure la capacité d'un système à s'adapter au changement. Un système doté d'une forte capacité d'adaptation peut composer avec le changement climatique et peut-être même le faire tourner à son avantage, alors qu'un autre doté d'une faible capacité d'adaptation sera plus susceptible d'en souffrir. L'amélioration de la capacité d'adaptation est une stratégie sans regret qui est souvent recommandée, car elle apporte à la fois des avantages immédiats et des avantages à long terme. Beaucoup de recherches ont été faites pour déterminer les facteurs qui influent sur la capacité d'adaptation (voir le tableau 2). Elles ont fourni des indicateurs utiles, mais l'évaluation quantitative de la capacité d'adaptation demeure problématique. En fait, les chercheurs ne s'entendent pas sur les critères à utiliser pour évaluer les déterminants ni sur les variables à employer.(8) Certaines caractéristiques, comme le revenu par habitant, le niveau d'instruction et la densité de la population, ont été utilisées en lieu et place de quelques-uns de ces facteurs.(21) Souvent, on évalue la vulnérabilité actuelle d'un système d'après la façon dont il a réagi à la variabilité climatique par le passé. Un système ayant une capacité avérée à s'adapter à des fluctuations et sollicitations climatiques est généralement considéré comme moins vulnérable. Aussi les chercheurs sont-ils d'avis que la littérature sur les risques naturels peut être riche d'enseignements.(22) Si nous savons comment les collectivités ont, par le passé, réagi socialement, économiquement et politiquement aux désastres naturels, nous aurons une meilleure idée des solutions pouvant être adoptées pour faire face à d'éventuels événements catastrophiques. D'autres chercheurs, cependant, nous mettent en garde contre l'observation des réactions aux événements du passé, qui peuvent, à leur avis, nous induire en erreur et nous entraîner sur une fausse piste.(23) Il est important de tenir compte de la capacité d'une région ou d'une collectivité à tirer des leçons de l'expérience et à appliquer des stratégies permettant d'atténuer les conséquences d'événements semblables à ceux qui se sont produits par le passé. Par exemple, depuis la tempête de verglas de 1998, le Québec a pris des mesures importantes pour renforcer sa préparation et son dispositif d'intervention en cas d'urgence, de sorte qu'il est aujourd'hui beaucoup mieux armé pour faire face à des événements extrêmes.(24) Tableau 2 : Principaux déterminants de la capacité d'adaptation (d'après la référence 8).
En examinant la réponse des systèmes à la variabilité climatique, il est possible de délimiter la fourchette d'adaptation d'un système donné (voir l'encadré 3). La fourchette d'adaptation se définit comme la « fourchette des conditions dans laquelle aucune conséquence importante n'est observée en raison de la résilience du système ».(21) Les seuils critiques correspondent aux limites supérieure et inférieure de la fourchette d'adaptation(21) et varient habituellement selon le lieu considéré.(25) Des impacts importants se produiront vraisemblablement lorsque les changements dépasseront les seuils critiques. Voici des exemples de seuils critiques : la température atmosphérique maximale à laquelle une culture donnée peut se développer, le niveau minimal qu'un cours d'eau doit avoir pour que les poissons puissent survivre et l'intensité maximale des précipitations qu'un réseau d'égout pluvial peut absorber. Les seuils critiques ne sont pas toujours des valeurs absolues; il peut parfois s'agir du rythme d'un changement.(25) Certains systèmes réagiront bien à des changements qui s'opèrent lentement sur de longues périodes, mais seront incapables de s'ajuster à des changements plus rapides, qui auraient donc des impacts importants. ENCADRÉ 3: Fourchette d'adaptation et seuils critiques
Il est important de connaître dès le départ la fourchette d'adaptation et les seuils critiques d'un système pour être en mesure d'évaluer les impacts probables du changement climatique et d'estimer le rôle que peuvent jouer les mesures d'adaptation. La fourchette d'adaptation, cependant, peut dépendre d'une foule de facteurs physiques, sociaux et politiques, et c'est pourquoi il n'est pas toujours aisé de la définir. Dans certains cas, les connaissances traditionnelles peuvent apporter un complément important à d'autres données pour améliorer la connaissance des fourchettes d'adaptation et de la vulnérabilité générale au changement climatique (voir, p. ex., les références 26, 27). Évaluation de la vulnérabilité future Afin d'évaluer la vulnérabilité future d'un système, les chercheurs appliquent des scénarios (projections des conditions climatiques et socio-économiques) aux connaissances qu'ils ont au sujet de la vulnérabilité actuelle du système. Plusieurs facteurs importants doivent être pris en compte, notamment la nature et le rythme du changement climatique à venir, les variations des conditions climatiques extrêmes et l'influence des changements qui surviennent dans des conditions socio-économiques. Une fois la fourchette d'adaptation d'un système définie, on peut utiliser des scénarios climatiques comme point de départ pour déterminer la probabilité de dépassement des seuils critiques.(25) Considérons un exemple simplifié du débit d'un cours d'eau, présenté par Yohe et Tol.(21) Il est possible de définir les seuils critiques supérieur et inférieur d'après un examen des données actuelles et historiques concernant la rivière. Par exemple, le seuil supérieur pourrait correspondre au débit de crue avant qu'une inondation sérieuse se produise, tandis que le seuil inférieur pourrait représenter le débit d'étiage nécessaire pour répondre sans interruption à la demande d'eau dans la région (voir l'encadré 4, graphique A). On peut déterminer combien de fois ces deux seuils ont été dépassés; aux yeux des gestionnaires de l'eau et des autres intervenants, ce résultat donne la mesure des risques auxquels on s'expose en vivant dans la région. À l'aide des données fournies par les scénarios climatiques, les chercheurs peuvent estimer les variations possibles des débits dans l'avenir et leur effet sur la probabilité de dépassement des seuils critiques (voir l'encadré 4, graphique B). Soulignons qu'avec cette approche, il n'est pas nécessaire de dresser des prévisions exactes étant donné que l'on se contente d'estimer des probabilités.(25) En outre, comme cette information s'appuie sur les connaissances que nous avons déjà au sujet du réseau fluvial et qu'elle est présentée dans un langage familier aux gestionnaires des ressources en eau, il est plus facile de l'intégrer dans les cadres de gestion des risques actuellement utilisés. ENCADRÉ 4: Exemple de fourchette d'adaptation : débit d'un cours d'eau (extrait modifié de la référence 21)
Il est important de reconnaître que les fourchettes d'adaptation peuvent varier avec le temps; les changements peuvent se produire naturellement, ou être apportés délibérément par suite d'une adaptation planifiée. Dans les régions urbaines, par exemple, les collectivités peuvent être en mesure d'atténuer les effets de la chaleur sur la santé et d'augmenter la tolérance aux vagues de chaleur, en prenant des mesures d'adaptation - p. ex., en émettant des alertes de chaleur, en améliorant l'accès aux endroits climatisés et en faisant appel à des « toits frais », qui réduisent l'absorption de la chaleur par les bâtiments (voir le chapitre intitulé « Santé et bien-être humains »). Dans l'exemple du débit de cours d'eau, certaines mesures d'adaptation, comme l'ajout d'un barrage, le dragage du cours d'eau ou la construction de digues, peuvent accroître le seuil critique supérieur et permettre ainsi aux collectivités riveraines de tolérer des débits plus élevés (voir la référence 21; voir aussi l'encadré 3). Rendre compte des mesures d'adaptation "Il ne sert à rien d'étudier les conséquences du changement climatique si l'on ne tient pas compte du champ d'application des mesures d'adaptation."(29) Il est largement reconnu que des mesures d'adaptation judicieuses peuvent réduire la vulnérabilité. Pourtant, ce n'est que tout récemment que la recherche sur l'adaptation a commencé à retenir l'attention.(2) Elle consiste à étudier les processus d'adaptation à la lumière de trois questions importantes :
Pour répondre convenablement à ces questions, il faut une collaboration efficace avec les intervenants, une connaissance profonde du système et de la région à l'étude et une connaissance des mesures d'adaptation possibles. Parmi les chercheurs canadiens qui se sont récemment penchés sur la question, citons Löe et al.(28), qui ont étudié les critères à utiliser pour déterminer les mesures d'adaptation appropriées, ainsi que Smit et Skinner(31), qui ont proposé une typologie des mesures d'adaptation en agriculture. Dans une autre étude, les chercheurs ont examiné les facteurs qui influent sur les décisions d'adaptation à l'échelle municipale (voir l'encadré 5). ENCADRÉ 5: Étude des obstacles à l'adaptation à l'échelle municipale (32)
La littérature sur l'adaptation reconnaît également les difficultés à rendre compte efficacement des mesures d'adaptation dans les études de vulnérabilité. Plusieurs facteurs interdépendants conditionnent la réaction des êtres humains et des écosystèmes aux stress. L'évaluation de l'adaptation doit s'étendre au-delà de la simple question « l'adaptation est-elle possible? », pour porter également sur la probabilité de l'adaptation. Autrement dit, les gens sont-ils aptes et disposés à s'adapter? Il est recommandé de poursuivre les recherches sur les facteurs qui déterminent la faisabilité, l'efficacité, le coût et l'acceptabilité des mesures d'adaptation.(23)
|