Agriculture, Pêche et Aquaculture
 
Ministère de l'Agriculture et de l'Aquaculture
New Brunswick's Provincial Flower:  The  Violet  (Viola  cucullata) New Brunswick's Provincial Bird:  The  Chickadee  (Parus  atricapillus)
  Production de pommes de terre biologiques - lutte contre les insectes





Lorsque je me promène dans les allées du supermarché, je suis toujours surpris par la si grande variété de produits certifiés biologiques. On peut trouver tout aussi bien des mélanges à gâteau que des biscuits, de l'huile d'olive et de la nourriture pour bébé biologiques. Les comptoirs de fruits et légumes ont maintenant des sections réservées aux produits biologiques, y compris la pomme de terre.

Compte tenu de cet intérêt croissant pour les aliments biologiques, un grand nombre de producteurs songent aux possibilités qu'offre la culture de produits biologiques sur leur ferme. Même si la pomme de terre est l'un des produits les plus difficiles à cultiver de façon biologique, la présence de pommes de terre cultivées biologiquement sur les étagères des épiceries témoigne de cette possibilité bien réelle.

Comme il en va de la production de la plupart des produits biologiques, une gestion efficace est essentielle. Puisque les pesticides conventionnels et les produits génétiquement modifiés sont à écarter, la lutte antiparasitaire fait intervenir un large éventail d'options qui ne sont pas généralement envisagées dans la production conventionnelle de pommes de terre.

Un des plus importants insectes ravageurs qui s'attaquent aux cultures de pommes de terre dans les Maritimes est le doryphore de la pomme de terre. Cet insecte a une formidable capacité d'adaptation et a pu acquérir une résistance contre le DDT en aussi peu de temps que six ans. L'insecte a développé la même résistance à d'autres pesticides.

La rotation est la première méthode antiparasitaire à envisager dans la lutte contre le doryphore de la pomme de terre. Il s'agit de prévoir une rotation de façon à ce que les champs de pommes de terre de l'année courante se trouvent aussi loin que possible des champs de pomme de terre de l'année précédente, y compris de ceux du voisin. Les insectes passent habituellement l'hiver dans le sol, dans des haies ou des zones protégées, à proximité du champ de pomme de terre où ils se sont nourris pendant l'été. Lorsque les insectes émergent du sol au printemps, ils peuvent se déplacer ou voler sur une courte distance jusqu'à leur source de nourriture. Si un nouveau champ de pommes de terre se trouve à proximité, les insectes le trouveront immédiatement, commenceront à manger et à pondre leurs oeufs. Plus les insectes sont éloignés du champ, moins grand sera le nombre de doryphores qui pourront le trouver et plus ils y arriveront tard. Selon certaines études, seulement 20 % des doryphores réussiront à trouver un nouveau champ situé à 800 mètres, et 50 % trouveront un champ à 300 mètres. Une certaine distance, quelle qu'elle soit, offre toujours une protection, même s'il ne s'agit que de la largeur d'un autre champ, de céréale ou d'une autre culture.

À défaut de pouvoir situer votre champ à une distance suffisante du champ de l'année précédente, vous noterez probablement que les infestations débuteront en bordure du champ se trouvant le plus près du lieu d'hibernation des insectes. Il est possible de planter quelques rangs de pommes de terre, de s'en servir comme appât et de détruire ensuite les doryphores qui s'y trouvent. En règle générale, cette mesure ne suffira pas. Il a été établi que 70 % des insectes adultes qui émergent du sol au printemps passent moins de 24 heures dans les trois premiers rangs d'appât.

Si vous observez des migrations massives et régulières d'insectes dans vos champs au début du printemps, vous pouvez aménager des tranchées revêtues d'une pellicule plastique. Peu après sa mise en place, le plastique épousera le contour de la tranchée. Les insectes qui se rendent sur le sol jusqu'au champ tomberont dans la tranchée et ne pourront s'échapper, car les particules de poussière chargées d'électricité sur la surface de plastique se colleront aux pattes des insectes et les empêcheront de s'enfuir. Il a été établi que cette technique peut amener une réduction de 50 % de la présence d'adultes et de masses d'oeufs.

Il est également possible de recourir aux minitunnels flottants, mais il faut absolument s'assurer que les doryphores ne passent pas l'hiver dans le champ. Le cas échéant, vous vous exposerez à de très sérieux problèmes.

D'autres méthodes de lutte ont aussi été mises à l'essai. Une machine appelée la " dévoreuse d'insectes " a été fabriquée au Nouveau-Brunswick pendant un certain temps. Cette machine utilisait simultanément de l'air pulsé pour déloger les doryphores et une forte succion pour les attraper en vol, pour ensuite les pulvériser. Un des problèmes de cette méthode tenait à ce que les doryphores ont un mécanisme de défense naturel qui les incite à replier leurs pattes et à tomber au sol dès qu'ils perçoivent un danger imminent. On peut sans peine imaginer que le passage d'un gros tracteur au-dessus des insectes pouvait les préoccuper quelque peu. Pour contrer cette défense naturelle, la " dévoreuse d'insectes " a été installée sur le devant du tracteur. Il faut néanmoins une grande puissance pour déloger de grosses larves et les résultats n'ont pas été aussi concluants qu'on l'espérait. Bien que la machine ait réussi à déloger 48 % des insectes adultes, elle n'a réussi à déloger que 39 % des petites larves et 27 % des grosses larves. Les larves sont généralement responsables de la majeure partie des dommages dans les champs de pommes de terre, car elles attaquent la plante pendant sa phase de croissance critique, qui survient habituellement au stade de la floraison.

Le brûleur au propane est un autre moyen de lutter contre le doryphore. Il a été très populaire chez les producteurs conventionnels pendant les années 1990, à un moment où les doryphores étaient difficiles à éradiquer par les produits chimiques offerts sur le marché. Le brûleur est toujours fabriqué au Nouveau-Brunswick. Par un seul passage bien planifié au printemps, cet appareil peut tuer 80 % des insectes adultes. Il s'ensuit qu'il y aura 80 % moins de masses d'œufs et de larves dans le champ au cours de l'été. Le taux de succès du brûleur est en étroite relation avec une planification judicieuse et précise de son application. Il faut utiliser le brûleur très tôt le matin par une journée ensoleillée, lorsque l'on peut apercevoir les insectes adultes en grand nombre sur les plants, dont la hauteur ne dépasse pas alors six pouces. L'effet initial sur la culture de pommes de terre peut de prime abord sembler préoccupant. Les plants prendront immédiatement une teinte grisâtre et, dans les jours qui suivent, ils auront la même réaction que pendant une sécheresse très prononcée. Les plants reviendront à la normale après une semaine et il sera alors difficile de détecter quelque dommage que ce soit. Le rendement et la qualité des pommes de terre ne sont aucunement mis en cause par un seul passage du brûleur alors que les plants ont moins de six pouces de hauteur. Il y a une tubérisation accrue après un seul passage du brûleur, accompagnée d'une légère réduction de la taille des tubercules.

Les prédateurs naturels ne suffisent pas à réduire les populations de doryphores dans les champs, mais la lutte biologique n'en est pas moins possible. Il a été établi que la libération successive de plusieurs cohortes de pentatomes au début de la ponte des oeufs peut se révéler tout aussi efficace que l'emploi d'un pesticide chimique. Dans le cadre d'essais effectués récemment au Nouveau-Brunswick, on a pu réduire de 50 % les masses d'oeufs et de 90 % les larves, grâce à la libération de cohortes successives de pentatomes. Il est malheureusement difficile de trouver des quantités suffisantes de pentatomes pour lutter contre le doryphore et les coûts sont prohibitifs.

Le producteur peut aussi encourager la propagation de maladies naturelles qui s'attaquent à cet insecte. Le champignon entomopathogène de l'espèce Beauvaria est une maladie fongique qui attaque les individus adultes et les larves du doryphore. La version commerciale du champignon est homologuée aux États-Unis sous le nom de Mycotrol. Dans des expériences sur la pomme de terre, on a observé que ce champignon offre une certaine protection, mais que son efficacité laisse souvent à désirer.

Les biopesticides à base de Bt comme Novodor (Bacillus thuringiensis subsp tenebrionis ) sont très efficaces contre la larve du doryphore. Une première application bien planifiée au moment où 10 % des œufs sont pondus, suivie de deux autres applications après cinq à sept jours d'intervalle pourront offrir une efficacité égale à celle des insecticides conventionnels.

L'emploi de variétés résistantes est une des méthodes de lutte antiparasitaire de prédilection en agriculture biologique. Malheureusement, toutes les variétés de pommes de terre commerciales sans OGM sont considérées comme vulnérables au doryphore. Pour développer une variété de pomme de terre résistante, les chercheurs croisent la pomme de terre avec des espèces de solanum sauvages. Il y a plusieurs mécanismes de résistance offerts par ces espèces. L'un d'entre eux est la présence de trichomes ganglionnaires. Ce sont de petits poils dont l'extrémité collante contient des produits chimiques naturels qui découragent l'ingestion et ont un effet sur le processus digestif de l'insecte.

Pour obtenir une variété de pomme de terre qui offre à la fois une résistance suffisante et une qualité acceptable, il faut un certain temps. Mais on dispose déjà de variétés sélectionnées qui sont actuellement à l'essai et qui présentent une résistance accrue au doryphore, tout en offrant un rendement et une qualité acceptables. Au cours des essais, pour certaines des sélections, il n'y a eu que 50 % des dommages subis par la variété Russet Burbank dans le même champ. Il s'agit bien sûr d'une résistance qui demeure partielle, mais en complément des autres méthodes de lutte contre le doryphore, l'emploi de variétés résistantes peut aider à réduire les dommages à un niveau acceptable.

Au fil des ans, divers autres produits ont été employés contre le doryphore. La roténone, un produit naturel extrait de la derris, est homologuée au Canada pour l'emploi contre les insectes ravageurs de la pomme de terre. Je ne peux me prononcer sur son efficacité. Nous avons utilisé Neem, un produit dérivé d'un arbre tropical, ainsi que Trounce, un savon insecticide qui contient 20 % de sels de potassium d'acides gras. Il a été observé que ces produits réduisent le nombre de larves de manière très efficace. Par contre, à la concentration utilisée, le produit Trounce s'est révélé très phytotoxique. Le produit Neem n'est pas homologué au Canada.

Nous avons aussi essayé un extrait d'ail concentré fabriqué par la firme Guardian et avons observé aussi peu d'effet que de l'eau pure aspergée sur les larves et les individus adultes des doryphores.

L'altise de la pomme de terre est un autre insecte qui peut occasionner des problèmes aux producteurs de pommes de terre biologiques. L'altise pond ses oeufs au printemps à la base des plants et la petite larve qui émerge ensuite se nourrit pendant un certain temps des petits poils de racines. La métamorphose survient dans le sol et les adultes émergent vers le 1er août. Les dommages ne sont habituellement pas sérieux au printemps, car le plant est vigoureux, mais ils peuvent cependant être plus graves à l'automne, surtout si le plant est déjà affaibli par un manque d'humidité.

Les populations peuvent être extrêmement élevées à l'automne et nous avons observé la destruction de champs en une semaine. Pour empêcher que cela ne se produise, les producteurs biologiques pourraient se servir d'un brûleur de propane au printemps. Cette mesure réduira de 80 % le nombre d'altises pendant le reste de la saison.

Les pucerons sont une autre espèce d'insectes ravageurs dans les champs de pommes de terre. En production conventionnelle de pommes de terre, les pucerons deviennent souvent problématiques après l'emploi d'insecticides contre d'autres insectes ravageurs, les prédateurs naturels du puceron étant alors éliminés. Dans la production biologique, les prédateurs abondent et les champignons qui attaquent les pucerons ne sont pas détruits par des produits chimiques. Les pucerons ne seraient donc pas en principe un sujet de grande préoccupation pour la production de pommes de terre. En cas d'infestation localisée, l'emploi d'un savon ou d'un agent de lutte biologique comme la coccinelle peut aider à lutter avec efficacité contre les pucerons.

En ce qui concerne la production de pommes de terre de semence, les pucerons sont un agent de transmission important des maladies virales. En raison de ce facteur, on pourrait croire que la production de pommes de terre de semence biologique se révélerait très difficile, mais il n'en est rien. Pour prévenir les maladies virales, la meilleure méthode consiste à utiliser des pommes de terre de semence saines, l'épuration, et le défanage précoce, plutôt que des pesticides.

Un autre insecte est par ailleurs préoccupant, à savoir la cicadelle de la pomme de terre. Cet insecte arrive chaque année au Nouveau-Brunswick par vol en provenance d'endroits situés plus au sud. Les individus adultes et les nymphes peuvent inoculer une toxine aux plants de pomme de terre. La circulation de la sève est alors réduite et il s'ensuit un dépérissement graduel des feuilles. Les chutes de rendement peuvent être très importantes. Pour lutter contre cet insecte, un mélange de roténone et de poudre de pyrèthre a été suggéré. Heureusement, les infestations massives de cicadelles ne se produisent pas à chaque année.

Il n'y a aucune méthode de lutte biologique garantie à 100 % contre les insectes ravageurs de la pomme de terre. Il existe cependant de nombreuses options qui peuvent offrir un certain degré de protection. La recherche qui se poursuit et l'expérience sur le terrain continueront à améliorer et à élargir la gamme de solutions disponibles et rendront plus efficaces et plus économiques les méthodes de lutte biologiques.

NOTE: Il est important de noter que les produits anti-parasitaires mentionnés dans cette publication ne sont pas nécessairement permis par toutes les agences de certification. Il est donc recommandé de vérifier auprès de votre agence avant d`utilizer ces produits.

Mars 2002

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