PARTIE 1 - TENEUR EN MATIÈRE GRASSE DU LAIT
Les agriculteurs et les consommateurs
s'intéressent de plus en plus à la composition et à la
valeur nutritive du lait.
Les consommateurs sont assaillis quotidiennement
par des annonces, des articles et des ouvrages qui leur indiquent ce qu'ils
doivent manger et boire et ce qu'ils doivent éviter. Aucun produit
alimentaire n'y échappe, et la couverture de certains médias a
été défavorable aux produits laitiers.
Même les producteurs laitiers recourent aux
moyens publicitaires et éducatifs pour tenter d'influencer les actions
et les attitudes des consommateurs à l'égard du lait et des
produits laitiers. Ces efforts ne sont pas vains, mais les agriculteurs
commencent à se dire qu'il faudra peut-être modifier la
composition du lait pour préserver la part du marché qui
appartient aux produits laitiers.
Il est certainement possible de modifier
considérablement le lait et ses produits secondaires au stade de la
transformation, mais le présent article traite de certains moyens pour
modifier la composition du lait à la ferme.
La première partie de l'article porte sur
l'élément nutritif du lait qui a toujours attiré le plus
d'attention, c'est-à-dire sa teneur en matière grasse. Cet
élément sera peut-être considéré un jour
comme un facteur négatif pour l'établissement des prix et la
vente du lait, mais les producteurs du Nouveau-Brunswick doivent encore
accorder de l'importance au taux de matière grasse du lait, pour un
certain temps du moins. Il s'agit également d'un facteur sur lequel les
agriculteurs peuvent exercer un contrôle considérable.
ÉCART ENTRE LES RACES
D'ANIMAUX
Il existe de grands écarts dans la
composition du lait d'une race par rapport à une autre, et surtout dans
le taux de matière grasse.
Les données suivantes s'appliquent aux
races de vaches laitières les plus connues.
ÉCART AU SEIN D'UNE MÊME
RACE
En plus des écarts enregistrés dans
la composition du lait d'une race à l'autre, il se présente des
écarts considérables au sein d'une même race. La teneur en
matière grasse est la composante du lait la plus variable, suivie par
la teneur en protéines et par la teneur en lactose.
Comme la proportion des solides du lait tend à
diminuer à mesure que le rendement augmente, il arrive souvent que
la proportion d'une composante soit moins
que le rendement total des solides ou des composantes individuelles
qui constituent les solides).
Il appert donc que le rendement de l'ensemble des
solides ou d'une de leurs composantes constitue le facteur le plus important.
Par conséquent, les données sur le rendement du lait sont
souvent établies en fonction d'une base standardisée,
d'où le terme lait standardisé.
Taux moyen selon la race - Teneur du
lait en protéines grasses et en lactose
|
COMPOSANTE
|
HOLSTEIN
|
JERSEY
|
AYRSHIRE
|
GUERNSEY
|
MATIÈRE GRASSE (%)
|
3.6
|
4.8
|
3.9
|
4.6
|
PROTÉINES (%)
|
3.2
|
3.8
|
3.3
|
3.6
|
LACTOSE (%)
|
4.7
|
4.9
|
4.9
|
4.9
|
Le potentiel génétique de la vache détermine la limite
supérieure de la teneur en matière grasse du lait, et la
modification du programme d'alimentation ou des méthodes de gestion ne
peut être d'aucun secours lorsque la teneur en matière grasse du
lait est limitée à un taux inférieur par les
caractéristiques génétiques de l'animal.
FACTEURS AUTRES QUE NUTRITIFS OU GÉNÉTIQUES
Certains facteurs autres que nutritifs ou génétiques peuvent
varier la teneur en matière grasse du lait, et les plus importants sont
les suivants.
MATIÈRE GRASSE ET RÉGIME
ALIMENTAIRE
Le taux de matière grasse du lait varie considérablement en
fonction du régime alimentaire de l'animal. Une grande partie de cette
variation peut être attribuée aux modifications survenues dans
les acides gras produits par la fermentation dans le rumen. Précisons
que plus le rapport acétate/proprionate est élevé dans le
rumen, plus la teneur en matière grasse du lait est
élevée. Pour un grand nombre des éléments du
régime alimentaire traités ci-après, au moins une partie
de leur effet consiste à modifier le rapport des acides gras.
Proportion de fourrage dans la ration
La cause la plus répandue d'une faible teneur en matière grasse
est le régime qui renferme une faible proportion de fourrage et un taux
élevé de concentré. Il arrive souvent que l'on tire des
conclusions erronées dans ce cas en raison du fait que les rations
pauvres en fourrage sont fréquemment associées à une
production élevée de lait, et qu'une production
élevée contribue en soi à réduire la teneur en
matière grasse du lait.
Un grand nombre des règles empiriques utilisées pour
établir la bonne proportion du fourrage dans l'alimentation ont pour
but de favoriser le type de fermentation dans le rumen qui permet d'obtenir
une teneur normale en matière grasse. On s'entend à dire que la
matière sèche de la ration doit renfermer au moins 35 % de
fourrage, ou encore que la consommation quotidienne de matière
sèche du fourrage doit correspondre à 1,5 % du poids corporel de
la vache.
Effet de certains facteurs autres que
nutritifs ou génétiques sur la teneur en matière
grasse du lait
|
Stade de lactation
|
Diminution de la teneur en
matière grasse pendant les deux premiers mois de la lactation,
suivie d'une augmentation.
|
âge de la vache
|
La teneur en matière grasse
décroît avec l'âge.
|
Saison
|
La teneur en matière grasse est
généralement plus basse en été et plus
élevée en hiver.
|
Intervalle de la traite
|
Le lait obtenu après la plus
brève période comporte une teneur plus
élevée.
|
Le régime qui maintient une teneur normale en matière grasse
sans réduire la production est généralement
considérée comme bénéfique et souvent comme le plus
économique. Il est donc fréquent que la teneur en matière
grasse serve de baromètre pour déterminer l'état
nutritionnel d'un troupeau. Comme il s'agit d'un facteur très variable
d'une vache à l'autre, il faut être attentif lorsqu'on utilise
les données relatives à chaque vache pour évaluer la
ration, et la moyenne d'un groupe ou d'un troupeau d'animaux donne toujours un
tableau plus précis de la situation.
Fibre présente dans le régime
Le fourrage est souvent considéré comme l'élément
alimentaire qui permet de maintenir la teneur en matière grasse du
lait, mais la fibre joue véritablement un plus grand rôle
à cet égard. Ce facteur est généralement
désigné sous le nom defibre au détergent acide (ADF) ou
de fibre au détergent neutre (NDF), et il indique le plus exactement la
mesure dans laquelle un régime peut maintenir un taux de matière
grasse acceptable.
Comme la plupart des aliments qui entrent dans la ration de la vache
libèrent une certaine quantité de fibre, on doit évaluer
le taux de fibre présent dans la ration totale, et pas seulement le
taux attribuable au fourrage. Une autre recommandation pour le régime
des vaches laitières est de servir quotidiennement un taux minimal de
NFD représentant de 1,1 à 1,2 % du poids corporel.
Malheureusement, le taux de fibre seul ne permet pas toujours d'établir
l'aptitude du régime à maintenir la teneur en matière
grasse du lait. Une bonne longueur de coupe du fourrage (c.-à-d. la
longueur de la fibre) constitue aussi un important facteur. L'ensilage d'un
fourrage haché finement et celui haché grossièrement
renferment le même taux de fibre sur le plan chimique, et le fourrage
entreposé sous forme de foin renferme également le même
taux de fibre, mais le foin est plus efficace pour maintenir le teneur en
matière grasse. Une grande partie de cet écart réside
dans le fait qu'un long fourrage (longue fibre) favorise la rumination et la
salivation. La grande capacité protectrice de la salive de la vache
contribue à maintenir les taux d'acétate et de pH du rumen. On
utilise parfois la valeur du fourrage aggloméré pour
décrire le caractère fibreux (longueur de coupe) du fourrage.
On peut faire une comparaison semblable entre un mélange de
céréales grossières et un mélange similaire de
granules. L'analyse chimique peut indiquer une composition semblable, mais les
aliments grossiers constituent une meilleure source de fibre et contribuent
probablement davantage à maintenir la teneur en matière grasse.
Type de céréale
Le type de céréale offerte a également un effet sur la
fermentation dans le rumen et sur la teneur en matière grasse du lait.
Par exemple, l'amidon présent dans le mais se dégrade
très lentement dans le rumen et tend à maintenir des taux de pH
du rumen plus élevés et plus uniformes ainsi que des taux
d'acétate du rumen plus élevés et une plus grande teneur
en matière grasse, comparativement à un amidon qui se
dégrade plus rapidement comme celui de l'orge.
Toutefois, la fermentation dans le rumen est un processus tellement dynamique
et complexe que certains facteurs comme le taux de fibre et le genre
d'alimentation peuvent être imprévisibles, et l'on obtient
souvent des effets positifs, négatifs et neutres. Les principaux
facteurs responsables de ces irrégularités manifestes sont le
type et la proportion de gras dans l'alimentation.
Les gras insaturés (qui existent généralement sous forme
d'huile à la température de la pièce) nuisent à la
fermentation dans le rumen et à la digestion de la fibre, en plus de
réduire souvent la consommation d'aliments par la vache. La teneur en
matière grasse du lait diminue fréquemment lorsqu'on sert ce
type de gras aux animaux, surtout quand il n'est pas incorporé à
une graine comme le soja entier.
Par contre, les gras saturés comme le suif n'ont pas les mêmes
effets négatifs que les huiles insaturées, et ils augmentent
souvent la teneur en matière grasse lorsqu'ils sont servis en
quantité modérée.
Les éléments expulsés du rumen (gras inerte du rumen),
comme le produit commercial Megalac, peuvent également accroître
la teneur en matière grasse, surtout chez les génisses à
leur premier vêlage.
Les gras inertes du rumen ont également la propriété de
modifier la composition de la matière grasse du lait plutôt que
le taux de matière grasse. Une grande partie de ce type de gras peut
être transféré sans dégradation dans le lait et
varier la composition de la matière grasse, et surtout
l'équilibre entre les gras saturés et les gras insaturés.
Cette caractéristique pourrait constituer un moyen important de
modifier la composition de la matière grasse du lait pour
répondre à certaines demandes du marché.
Produits tampons
Certains produits tampons servent d'additifs alimentaires dans les
régimes des vaches laitières depuis des années, comme le
bicarbonate de soude et l'oxyde de magnésium. Ils peuvent contribuer
à maintenir le bon pH du rumen et à atténuer la
réduction de matière grasse. Toutefois, ils n'améliorent
pas la teneur en matière grasse, à moins que cette
dernière ait été réduite par une trop grande
acidité dans le rumen. Tout comme d'autres éléments, les
produits tampons n'améliorent pas une teneur normale en matière
grasse ou une teneur réduite par des facteurs génétiques.
Calendrier et séquence d'alimentation
Certains problèmes associés à une faible teneur en
matière grasse peuvent être réduits en modifiant le
calendrier, la séquence ou le système d'alimentation.
Par exemple, le mélange total de la ration est une méthode qui a
été recommandée et utilisée en vue de
réduire au minimum les effets négatifs sur le pH causés
par une alimentation riche en céréales.
Une autre méthode populaire pour protéger le rumen consiste
à servir du fourrage avant les céréales, afin de
stabiliser le pH du rumen et de maintenir la teneur en matière grasse
du lait.
Les recherches sur l'alimentation multiple ne sont pas considérables,
mais les résultats obtenus jusqu'à présent indiquent que
ce genre d'alimentation aurait probablement comme principal avantage
d'augmenter la matière grasse du lait.
Niacine
La niacine est une vitamine B importante dans le métabolisme du gras.
Les vaches grasses augmentent souvent leur production de lait lorsqu'on leur
sert un supplément de niacine en début de lactation. Les
résultats de recherches ne sont pas concluants ni spectaculaires, mais
cette hausse de production est souvent accompagnée d'une augmentation
de matière grasse.
CONCLUSIONS
Depuis de nombreuses années, l'alimentation et la gestion des vaches
laitières visent surtout à maximiser la production de
matière grasse du lait. Ce but était principalement
motivé par les formules utilisées pour l'établissement
des prix du lait et par le désir d'augmenter le revenu mensuel pour la
vente de lait, mais il était également accompagné
d'effets secondaires bénéfiques.
Le taux de matière grasse du lait est un critère de longue date
pour vérifier rapidement l'état nutritionnel du cheptel laitier.
Un régime favorable au maintien de la matière grasse du lait est
généralement accompagné d'une meilleure fermentation dans
le rumen qui améliore la digestion du fourrage, par une
réduction des problèmes de refus d'alimentation par l'animal et
des problèmes de pieds et de pattes, et par une diminution
générale du stress chez les vaches.
L'effet considérable du régime sur le taux de matière
grasse du lait a suscité particulièrement l'intérêt
des producteurs laitiers. Dans l'éventualité où les
prochains systèmes d'établissement des prix du lait seraient
moins axés sur le taux de matière grasse, on perdrait là
un important facteur incitatif d'une bonne alimentation pour les animaux. Dans
ce cas, il faudra souligner davantage les nombreuses autres raisons d'offrir
un taux de fibre suffisant et d'observer un calendrier d'alimentation
convenable et compatible.