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aude
n'avait que neuf ans lorsqu'elle s'est sentie pour la première
fois angoissée à l'idée d'aller à l'école.
À la naissance de ses sœurs jumelles six ans auparavant,
sa mère avait décidé de laisser son emploi
pendant quatre ans pour élever sa famille. Son père
était travailleur autonome à domicile et un couple
de grands-parents vivaient avec eux. « Il y avait toujours
quelqu'un à la maison » se rappelle Éric,
le père de Maude. « C'était un environnement
très stable. » Il y a trois ans, sa femme a décidé
de reprendre le travail. C'est alors que tout a changé. Les
trois enfants ont ressenti l'angoisse de la séparation,
mais c'est Maude qui en a le plus souffert.
Les choses ont empiré lorsque la famille a déménagé
au cours de l’été 2002 et que les enfants ont
changé d’école. Jusque-là, Maude avait
fréquenté une petite école privée, près
de la maison, et n’avait eu que des enseignantes. À
dix ans, elle entamait sa 4e année dans une école
publique au sein d’une classe de 34 élèves, dont
les deux-tiers étaient des garçons. Pour couronner
le tout, son enseignant, pour la première fois un homme,
mesurait 1,88 mètre et avait la tâche peu enviable
d’imposer la discipline.
Environ quatre semaines après la rentrée, Maude
a commencé à se plaindre de maux de tête et
de ventre. Au début, ses parents pensaient qu’il
s’agissait de troubles physiques et l’ont amenée
voir le médecin. Tous les tests se sont avérés
négatifs. À la mi-octobre, l’école appelait
régulièrement Éric en plein jour pour lui demander
de venir chercher sa fille parce qu’elle se plaignait de maux
de tête. Un soir de semaine, elle a fait une crise. Éric
vit alors sa fille, jusque-là plutôt réservée,
se déchaîner. « Nous lui disions qu’elle
devait aller à l’école. Elle s’est jetée
par terre, en grinçant des dents et en criant. Nous étions
complètement estomaqués. Le lendemain, nous avons
demandé de l’aide. »
Angoisse démesurée
Qui d'entre nous ne se rappelle pas d'avoir vécu des périodes
stressantes à l'école? Bien évidemment, nous
ne nous rendions pas compte à l'époque qu'un très
grand nombre de nos pairs vivaient exactement la même chose.
Il a en effet été confirmé que certaines situations
scolaires particulièrement stressantes touchent les enfants
à des stades prévisibles. Il arrive cependant que
certains jeunes soient si angoissés qu'ils développent
une peur de l'école au point de refuser d'y aller. Dans de
tels cas, on recommande aux parents de solliciter l'aide d'un spécialiste.
Stades prévisibles
Bien que les jeunes puissent être angoissés à
tout moment au cours de leur vie scolaire, certaines périodes
semblent poser plus de difficultés que d’autres
En première année, par exemple, l’enfant trouve
parfois difficile de faire la transition de la demi-journée
à une journée complète et d’avoir à
s’asseoir sagement à un pupitre. On a constaté
que les élèves de première année sont,
pour un certain temps, déboussolés, désordonnés
et d’humeur grincheuse.
L’entrée au secondaire peut être également
problématique. À ce stade, les problèmes
sont plutôt d’ordre social que scolaire. « Dans bien des cas, explique Janet Morrison, psychanalyste pour enfants
à Toronto, les problèmes sont reliés à
un événement désagréable, pas nécessairement
à de l’intimidation mais au rejet, aux taquineries,
au fait de ne pas être accepté ou encore d’avoir
été lésé profondément par un
copain ou une copine. Les enfants de 12 et 15 ans sont terriblement
gênés. Ils s’imaginent qu’ils sont constamment
jugés par les autres et que le monde entier les scrute à
la loupe. »
Mme Morrison connaît des enfants qui ne sont pas allés
à l’école des jours durant parce qu’ils
avaient un bouton ou parce que les vêtements qu’ils portaient
n’étaient pas suffisamment à la mode. « Les règles changent, ajoute-t-elle. Il ne s’agit plus
tout simplement de faire ce que disent les parents ou les enseignants,
mais plutôt justement de ne pas faire ce qu’ils disent.
Le jeune croit sincèrement qu’il ne peut plus compter
sur la famille, qu’il ne peut compter que sur lui-même. » Le défi, et il est énorme lorsqu’on a
12 ou 13 ans, est de se forger une personnalité unique et
d’arriver à se distinguer de la bonne façon.
Selon Mme Morrison, c’est le jeune de 14 ans qui
a le plus grand nombre de problèmes à surmonter. C’est
le point culminant de la conscience de soi et c’est
à cet âge qu’il doit avoir l’air « cool »
et commencer à fréquenter le sexe opposé. « Ils
se sentent tous obligés d’embrasser quelqu’un,
de fumer un joint, de boire de la bière, etc., ajoute Mme Morrison. Les jeunes qui ont beaucoup d’activités arrivent
à ignorer ces pressions pendant quelques années, mais
à 14 ans, c’est carrément impossible. »
En plus des pressions sociales, les jeunes ont bien d’autres
tracas souvent difficiles à cerner. Sharon Dembo, directrice
d’un programme de psychanalyse infantile à Toronto,
a récemment rencontré une adolescente très
performante pour qui le simple fait d’aller à l’école
était devenu quasiment insoutenable. Elle n’arrivait
plus à terminer ses travaux et risquait d’échouer
son secondaire. « Je ne pouvais vraiment pas la catégoriser
d’angoissée, déclare Mme Dembo. J’ai alors
compris qu’à son âge, il s’agissait plutôt
d’un refus ou d’une peur de vieillir, de devenir
indépendante. »
En fait, le refus d’aller à l’école trahit
souvent l’angoisse que ressent un enfant à l’égard
d’un problème familial. Le jeune hésite à
quitter la maison à cause d’un divorce ou de la maladie
d’un parent, d’une longue période de solidarité
familiale qui suit les vacances d’été par exemple,
ou encore à la suite d’un changement stressant comme
un déménagement ou un changement d’école. Mme Dembo a récemment traité un adolescent qui se
sentait écrasé sous le poids des travaux scolaires.
« Il peut s’agir de jeunes très, très
intelligents; ils sont tout simplement débordés et
ils n’arrivent plus à terminer quoi que ce soit, explique-t-elle.
Et si on ne leur prête pas main forte, ils risquent de
décrocher. ». Bien sûr, l’angoisse
peut également être causée par l’intimidation.
Pour bon nombre de jeunes, la transition ultime s’effectue
entre l’école secondaire et l’université. Mme Morrison ajoute que ce sont souvent les enfants les plus « sages »
et qui ont passé à travers l’école secondaire
sans problèmes qui ont le plus de difficultés à
effectuer le changement. « Ils n’ont développé
aucune forme d’indépendance, déclare Mme Morrison.
Ils ne se sont pas rebellés. Ils n’ont aucune idée
de qui ils sont. » Ils sont seuls pour la première
fois et cela peut être très stressant, particulièrement
pour ceux qui n’ont pas établi leur propre identité,
distincte des parents.
Quand l'angoisse devient-elle problématique?
Les signes et symptômes suivants peuvent laisser présager
des problèmes d'angoisse :
- des maux de tête et de ventre répétitifs;
- des plaintes vagues, le désir de rester à la maison,
surtout pour les enfants de 5 à 7 ans et de 11 à
14 ans. Le « malaise » disparaît mystérieusement
dès que l'enfant a la permission de rester à la
maison et réapparaît soudainement le lendemain matin;
- la régression, le fait de s'accrocher, la peur de rester
seul dans une chambre, la peur du noir;
- les cauchemars et la difficulté à s'endormir;
- les crises de colère lorsque l'enfant se rend compte
qu'il ne peut rester à la maison;
- la fatigue;
- l'humeur grincheuse;
- l'indécision;
- une crainte excessive qu'on leur fasse du mal ou qu'on attaque
un être cher.
Que peuvent faire les parents?
Les parents ont parfois de la difficulté à parler
des problèmes sociaux et scolaires avec leurs enfants car
ces conversations peuvent leur rappeler de mauvais souvenirs. Ils
perdent patience, se fâchent et leur disent à la fin
de ne pas faire de montagnes avec des grains de sel. Ils sont tout
simplement mal à l'aise. La première chose à
faire est d'éviter d'exprimer ses propres sentiments
et de se mettre plutôt à la place de l'enfant.
- « Ayez confiance, les problèmes s’estomperont.
Soyez à l’écoute, conseille Mme Morrison. Les
angoisses des enfants sont tout aussi réelles que celles
qu’éprouvent les adultes au sujet de leur carrière
ou de ce que pensent leurs collègues de travail. »
- Si un jeune refuse d’aller à l’école,
encouragez-le à y retourner le plus tôt possible.
Plus l’absence est longue, plus le retour est difficile.
Les jeunes enfants en particulier ont besoin de parents attentionnés
pour les diriger sur le bon chemin. « Certains parents transmettent
le message Je suis certain que tout va bien aller alors que d’autres
laissent transparaître leur incertitude, de dire Mme Dembo.
Les enfants savent très bien interpréter le langage
corporel. »
- Ne minimisez pas les symptômes; attaquez-vous au
problème. Si cela signifie investir un peu d’argent
dans des vêtements ou trouver un bon maquillage pour couvrir
une imperfection, faites-le.
- Aidez-les à trouver des choses qui les intéressent
ou les réconfortent, comme la musique, l’art ou l’exercice.
« Les jeunes qui développent des talents dans les
toutes premières années d’école sont
avantagés, dit Mme Morrison. Si votre enfant a appris à
jouer de la flûte, il aimera faire partie de l’ensemble
musical de l’école. C’est alors son talent qui
sera mis en valeur et non son bouton ou sa coupe de cheveux ».
- Si un enfant croule sous les devoirs, demandez de l’aide
des enseignants. En renseignant l’école sur les efforts
qu’il fait, vous évitez que ses actions soient mal
interprétées.
- Lorsque vous avez éliminé le problème
d’intimidation de l’équation et que votre enfant
n’arrive plus à faire ses devoirs, qu’il ne veut
pas aller à l’école, qu’il se sent étouffé
et que la peur prend le dessus, n’hésitez pas à
demander de l’aide d’un spécialiste.
- Prenez le temps de discuter régulièrement
avec votre enfant de l’école et de ses amis. Non seulement
vous pouvez ainsi l’aider à résoudre les problèmes
au fur et à mesure qu’ils se présentent mais
vous lui transmettez également un important message : vous
lui laissez savoir que la communication est toujours ouverte entre
vous et lui.
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