Les Canadiens sont très préoccupés par ce qu'ils perçoivent
comme un accroissement de la violence et de l'agressivité
dans notre société. Lorsque des jeunes sont en cause, l'inquiétude
et la crainte augmentent et les gens ont l'impression que
l'on ne parvient plus à endiguer la criminalité violente.
Il est vrai que l'accroissement de la violence des comportements
s'est accompagnée d'une diminution de l'âge moyen des délinquants
qui commettent des infractions violentes mais il est également
vrai que les victimes de la violence exercée par les jeunes
sont habituellement d'autres jeunes. Pour prévenir la violence
chez les jeunes et réduire le taux de criminalité violente,
nous devons nous concentrer sur les signes précoces de comportements
antisociaux. L'intimidation peut être l'un de ces comportements
précoces qui contribuent au développement de structures de
comportement antisocial.
Le Comité des six-douze du Conseil national
de prévention du crime a élaboré une stratégie visant
à offrir de meilleures perspectives aux enfants.
Les chances qu'ont les enfants de réussir dans la
vie et de ne pas devenir des victimes ou des délinquants
seront d'autant plus grandes Si, pendant leur enfance,
ils peuvent bénéficier d'une éducation constante
et de grande qualité tout en évoluant dans un milieu
sûr, tant sur le plan physique qu'affectif.
Le modèle de prévention de la petite enfance
intitulé «Prévenir le crime en investissant dans
les familles : promouvoir des apports positifs pour
les enfants de six à douze ans» est maintenant disponible.
Il s'agit d'une publication qui vient s'ajouter
à celles déjà publiées par le Conseil national de
prévention du crime; elle traite des besoins des
enfants de l'âge prénatal à six ans.
Pour de plus amples renseignements, prière
de communiquer avec le
Conseil national de prévention
du crime
Tél. : Région de la capitale nationale
: (613) 941-9306
Extérieur (sans frais) : (877) 302-6272
Téléc. : (613) 952-3515
C.É. : info@prevention.gc.ca
|
L'intimidation est un problème pour les petits durs,
les victimes et les collectivités. Dans le cas des petits
durs, l'agressivité peut persister à l'âge adulte sous forme
de criminalité, de violence conjugale, de violence à l'égard
des enfants et de harcèlement sexuel (Farrington, 1993; Olweus,
1991). Dans le cas des victimes, l'intimidation à répétition
peut être source de détresse psychologique et de nombreuses
difficultés connexes (Besag, 1989; Olweus, 1993). L'impact
de l'intimidation s'étend au-delà du petit dur et de la victime
pour toucher le groupe de pairs, l'école et la collectivité.
Au cours d'une vie, l'intimidation contribue largement à la
création d'un climat de crainte et de victimisation. Si nous
comprenons les facteurs associés à l'intimidation, nous serons
en mesure de concevoir des moyens de prévention et d'intervention
qui réduiront l'intimidation et accroîtront la probabilité
que les enseignants, les parents et les autres enfants interviennent
en cas d'intimidation.
Qu'entend-on par intimidation?
L'intimidation est une affirmation de pouvoir par
l'intermédiaire de l'agressivité. Sa forme varie selon l'âge
: intimidation dans la cour de récréation, harcèlement sexuel,
attaques en bande, violence contre la petite amie, voies de
fait, violence conjugale, violence à l'égard des enfants,
harcèlement en milieu de travail et violence à l'égard des
personnes âgées (Pepler et Craig, 1997). Les petites durs
acquièrent du pouvoir sur leurs victimes de bien des façons
grâce à leur stature et à leur force, à leur statut au sein
du groupe de pairs, à leur connaissance des faiblesses de
la victime ou à l'appui d'autres enfants, comme c est le cas
dans l'intimidation de groupe. L'intimidation peut être physique
ou verbale. Elle peut être directe (face à face) ou indirecte,
comme dans le commérage ou l'exclusion (Olweus, 1991). À force
d'intimider sa victime, le petit dur établit sa domination
sur elle et celle-ci devient de plus en plus bouleversée et
craintive.
Jusqu'à quel point l'intimidation est-elle répandue?
D'après les enquêtes canadiennes menées auprès de
4 743 enfants de la première à la huitième année, 6 p. 100
des enfants ont admis avoir intimidé d'autres personnes «
plus d'une ou deux fois » au cours des six dernières semaines,
tandis que 15 p. 100 d'entre eux ont indiqué qu'ils avaient
été victimes à la même fréquence. Très peu d'enfants (2. p.
100) ont indiqué qu'ils avaient été à la fois petits durs
et victimes (petits durs / victimes) (Pepler et al., 1997).
Ces données sont assez semblables à celles d'autres enquêtes
canadiennes (Bentley et Li, 1995) et à celles provenant de
Scandinavie d'Irlande et d'Angleterre (Olweus, 1991; O'Moore,
1989; Boulton et Underwood, 1992). Les chercheurs qui ont
observé les enfants dans la cour de récréation et en classe
confirment que l'intimidation se manifeste fréquemment: toutes
les sept minutes dans la cour de récréation et toutes les
25 minutes en classe (Craig et Pepler, 1997).
Pour comprendre le problème de l'intimidation, nous
devons tenir compte des caractéristiques des enfants agressifs
et de celles de leurs victimes. Nous devons également examiner
les contextes sociaux dans lesquels l'intimidation se produit,
comme la famille, le groupe de pairs, l'école et la collectivité.
On trouvera dans les sections suivantes un résumé des travaux
ayant trait aux petits durs et à leurs victimes.
Qui sont les petits durs?
Il existe plusieurs types de petits durs. Les caractéristiques
suivantes se dégagent surtout des travaux consacrés aux garçons
qui se livrent à l'intimidation. Nous savons peu de choses
à propos des filles qui intimident les autres.
- Le sexe. D'après les enquêtes, un plus grand
nombre de garçons que de filles déclarent se livrer à l'intimidation,
mais l'écart entre les taux d'intimidation chez les garçons
et les filles n'est pas aussi grand dans les observations
faites dans les cours de récréation (Craig et Pepler, 1997).
Les garçons font davantage état de formes physiques d'intimidation;
les filles, elles, ont tendance à intimider les autres de
manière indirecte, notamment par le commérage et l'exclusion.
- L'âge. Dans les enquêtes canadiennes, les
écoliers de 11 à 12 ans déclarent intimider les autres plus
souvent que leurs cadets (9 à 10 ans) ou que leurs aînés
(13 à 14 ans) (Pepler et al., 1997).
- Le tempérament. Les petits durs ont tendance
à être hyperactifs, perturbateurs et impulsifs (Lowenstein,
1978; Olweus, 1987).
- L'agressivité. Les petits durs sont généralement
agressifs : à l'égard de leurs pairs, de leurs enseignants,
de leurs parents, de leurs frères et soeurs et des autres
(Olweus, 1991). Les petits durs ont tendance à faire preuve
d'assurance et à être facilement provoqués. Ils sont attirés
par les situations à contenu agressif et ont des attitudes
positives à l'égard de l'agressivité (Stephenson et Smith,
1989).
- La force physique. Les garçons qui recourent
à l'intimidation sont physiquement plus forts que les autres
et ressentent le besoin de les dominer (Olweus, 1987). Par
contre, les filles qui se livrent à l'intimidation ont tendance
à être physiquement plus faibles que les autres filles de
leur classe (Roland, 1989).
- Le manque d'empathie. Les petits durs n'ont
guère d'empathie pour leurs victimes et ils ne démontrent
peu ou pas de remords pour avoir fait de l'intimidation
ou n'en démontrent guère (Olweus, 1987).
Qui sont les victimes?
Comme dans le cas des petits durs, les enfants deviennent
des victimes pour quantité de raisons différentes, et il n'existe
pas qu'un seul type de victimes. Chez certains enfants, les
caractéristiques suivantes peuvent être présentes avant que
l'intimidation ne survienne, alors que chez d'autres, elles
peuvent en être le résultat.
- Le sexe. Dans les enquêtes, les garçons
risquent autant que les filles de déclarer qu'ils ont été
victimes (Charach et al., 1995; Pepler et al.,
1997).
- L'âge. La victimisation décroît avec le
niveau de scolarité : 26 p. 100 des élèves de la 1re à la
3e année indiquent qu'ils ont été victimes, contre 15 p.
100 chez les élèves de la 4e à la 6e année et 12 p. 100
chez ceux de la 7e et de la 8e année (Pepler et al.,
1997). Les enfants des niveaux inférieurs courent davantage
le risque d'être victimes de petits durs plus âgés qu'eux,
alors que les enfants de niveau scolaire plus élevé risquent
plus d'être victimes de petits durs de leur âge. L'intimidation
directe s'exerce davantage à l'endroit des écoliers plus
jeunes, et l'intimidation indirecte, à l'endroit des écoliers
plus âgés (Olweus, 1993).
- Le tempérament. Certains enfants victimisés
ont tendance à être anxieux et renfermés. Les données à
l'appui de cette affirmation sont plus nombreuses au sujet
des enfants âge préscolaire que des enfants âge scolaire.
- L'apparence physique. Les recherches ne
confirment pas le stéréotype populaire selon lequel les
victimes ont des traits physiques inhabituels (Olweus, 1991).
- L'estime de soi. Les victimes font souvent
état d'un faible niveau d'estime de soi vraisemblablement
parce qu'elles sont exposées à être victimes de manière
répétée (Besag, 1989).
- La dépression. Les garçons aussi bien que
les filles qui sont victimes font état de symptômes de dépression,
comme la tristesse et le manque d'intérêt pour les activités
(Slee, 1995; Craig, 1997).
- L'anxiété. Les garçons et les filles qui
sont victimes font état de symptômes d'anxiété, comme la
tension, les craintes et les soucis (Neary et Joseph, 1994;
Slee, 1995).
Qui sont les petits durs / victimes?
Les enfants qui sont à la fois de petits durs et des
victimes ont reçu le nom de petits durs / victimes. Il existe
une controverse quant à savoir Si cette classification est
justifiée. Dans les enquêtes, un petit groupe d'enfants admettent
être à la fois de petits durs et des victimes (2 et 6 p. 100
des échantillons canadiens et britanniques, respectivement)
(Pepler et al., 1997; Stephenson et Smith, 1989). Par
contre, selon les évaluations des pairs et les observations
faites dans le cadre de recherches, près de la moitié des
enfants qui sont victimes sont également des petits durs et
vice versa. Il y a peu de recherches sur les caractéristiques
des petits durs / victimes.
- Ces enfants sont les plus anxieux, les moins sympathiques,
et ceux qui réussissent le moins bien en classe (Stephenson
et Smith, 1989).
- Les petits durs / victimes sont souvent forts et
ils se laissent facilement provoquer (Besag, 1989).
- Les petits durs / victimes semblent être les enfants
qui risquent le plus d'éprouver des difficultés d'ajustement
(Craig et Pepler, 1995).
Il faudra effectuer des recherches pour déterminer
comment les enfants deviennent de petits durs victimes. La
colère et la frustration peuvent pousser certaines victimes
à recourir à l'intimidation; inversement, certains petits
durs peuvent devenir les victimes de leurs pairs.
Le rôle des pairs
Habituellement, il n'y a pas que le petit dur et sa
victime qui soient impliqués dans l'intimidation - 85 p. 100
des scènes d'intimidation se produisent dans le cadre d'un
groupe de pairs (Atlas et Pepler, 1997; Craig et Pepler, 1997).
Bien que 83 p. 100 des élèves déclarent que le fait d'être
témoins de scènes d'intimidation les rende mal à l'aise (Pepler
et al., 1997), les observations indiquent que les pairs
jouent des rôles multiples dans les scènes d'intimidation
: ils se mettent de la partie, ils applaudissent, ils observent
passivement et interviennent à l'occasion.
Les pairs qui sont témoins de scènes d'intimidation
peuvent avoir des réserves à la commencer et à l'appuyer.
- Les pairs ont tendance à accorder une attention
positive au petit dur plutôt qu'a la victime. Leur renforcement
du petit dur peut servir à maintenir le pouvoir du petit
dur sur la victime et à l'intérieur du groupe de pairs.
Le petit dur peut également influer sur les pairs qui l'observent.
- Les pairs qui observent des scènes d'intimidation
peuvent devenir excités et sont plus susceptibles de se
mettre de la partie.
- Comparativement aux filles, les garçons ont plus
de chances d'être attirés par des scènes d'intimidation
et à prendre part activement à l'intimidation (Craig et
Pepler, 1997; Salmivalli et al., 1996).
Grâce à leur intervention, les pairs peuvent également réduire
l'intimidation voire l'arrêter.
- Dans les observations faites dans les cours de
récréation, les pairs interviennent dans des scènes d'intimidation
nettement plus que les adultes 11 p. 100 des scènes par
opposition à 4 p. 100) (Craig et Pepler, 1997).
Le rôle de la famille
Les structures de comportement des enfants se mettent
en place à la maison d'abord. Il est important que les parents
créent un environnement domestique qui décourage le comportement
intimidant et offre un appui aux enfants qui sont victimes.
- Les petits durs proviennent souvent de foyers négligents,
hostiles, qui ont recours à des punitions sévères (Olweus,
1993). Ils peuvent apprendre à recourir à l'intimidation
par l'observation de niveaux élevés de conflit entre leurs
parents. Les parents doivent veiller à ne pas servir de
modèles d'intimidation pour leurs enfants.
- L'interaction entre frères et soeurs peut également
constituer un terrain d'apprentissage de l'intimidation
(Patterson, 1986). L'agressivité entre frères et soeurs
est la forme de violence familiale la plus répandue (Straus
et al., 1981).
- Les parents peuvent, par inadvertance appuyer l'intimidation
en l'acceptant simplement comme un élément normal de la
croissance et en laissant les enfants régler leurs propres
problèmes.
Julie, une fille de 6ième année, redoute
de se rendre à l'école chaque jour. Pour une raison
qu'elle n'est pas encore arrivée à comprendre, plusieurs
filles de sa classe se retournent contre elle depuis
maintenant quelques semaines. Elles chuchotent dans
son dos, l'ignorent quand elle parle, s'éloignent
d'elle quand elle s'assoit, lui laissent des notes
déplaisantes et l'excluent de toutes leurs activités.
Julie a essayé de leur parler mais ça n'a pas marché.
Elle se demande si elle porte de la mauvaise sorte
de vêtements ou si elle se comporte de la mauvaise
façon. Plus elle essaie de s'intégrer, plus l'intimidation
semble empirer. Julie a peur de le dire à son enseignante
ou à ses parents, de crainte qu'ils ne disent qu'elle
est ridicule, qu'elle exagère et qu'elle devrait
essayer de résoudre elle-même ses problèmes. Si
elle en parle, les filles vont devenir furieuses
et encore plus mesquines!
Éric est en 4ième année et il a de la difficulté
en classe. Il a du mal à se concentrer et il n'a
pas vraiment envie d'être là. Le vrai problème,
c'est Jean. Celui-ci a commencé à s'en prendre à
Éric l'année dernière et n'a pas cessé depuis. Éric
essaie maintenant de rester à l'intérieur pendant
les récréations. Lorsqu'il sort, Jean est toujours
là à le guetter et à surveiller s'il n'y aurait
pas des enseignants qui pourraient l'observer. Jean
le malmène, au grand plaisir de plusieurs autres
garçons. Parfois, les autres se joignent à lui,
donnent des coups de pied à Éric, le poussent et
l'encerclent. Éric essaie de ne pas pleurer, il
essaie de se sauver, il a même tenté de dire à Jean
d'arrêter, mais Jean et les autres ne font que rire.
L'enseignant d'Éric ne sait rien de ça, mais Éric
a parlé à ces parents de l'intimidation qu'il subit.
Ces derniers sont vraiment inquiets et ils veulent
aviser l'école, mais Éric les supplie de ne pas
le faire. Jean lui a dit que si jamais il le fait,
il s'attirera certainement des ennuis.
Ces esquisses de caractère illustrent l'impuissance
des victimes. Au début, celles-ci peuvent réussir
à dissuader un petit dur en ayant recours à l'humour,
en s'affirmant ou en l'évitant. Une fois qu'un jeune
a réussi à en intimider un autre, cependant, la
victime ne peut pas faire grand chose parce que
le petit dur détient le pouvoir et il a l'appui
de ceux qui l'observent. Le code du secret qui entoure
l'intimidation sert le petit dur et non la victime.
Par égard pour les victimes comme pour les petits
durs, les adultes doivent intervenir pour mettre
un terme à cette forme de mauvais traitements auxquels
se livrent les pairs.
|
- Les victimes gardent souvent le secret sur leurs
problèmes : elles estiment qu'elles doivent s'occuper elles-mêmes
de l'intimidation; elles s'inquiètent de la revanche du
petit dur ou de la désapprobation des autres enfants et/ou
considèrent que les adultes ne peuvent pas faire grand chose
pour les aider (Garfalo et al., 1987; Olweus, 1991).
- Quand elles sont assez courageuses pour en parler,
les victimes s'adressent plus souvent à leurs parents qu'a
leurs enseignants. À titre de principaux défenseurs de leurs
enfants, les parents doivent appuyer leurs enfants victimisés
en travaillant avec l'école à assurer la sécurité de leurs
enfants.
Le rôle de l'école
L'école joue également un rôle important dans le développement
de l'enfant. Comme la famille, l'école doit établir un équilibre
entre la discipline claire et cohérente et les relations chaleureuses
et positives. Nombreuses sont les caractéristiques du milieu
scolaire qui influent sur l'intimidation.
- Le directeur d'école. Le directeur d'école
donne le ton à son école. Si celui-ci est déterminé à se
pencher sur le phénomène de l'intimidation, il y aura moins
d'intimidation (Charach et al., 1995). Voici quelques-unes
des stratégies utilisées par les directeurs d'école : suites
cohérentes et formatrices pour les petits durs, politique
de la porte ouverte pour les victimes assortie de réactions
emphatiques par rapport à leurs préoccupations, collaboration
avec les enseignants en matière de gestion des classes et
stratégies à l'endroit des enfants perturbés, fiches de
signalement des problèmes qui surviennent dans la cour de
récréation pour s'assurer qu'on les règle.
- Les relations entre les élèves et le personnel.
L'intimidation est moins répandue dans les écoles où
les relations entre les employés sont positives, où les
relations entre ces derniers et les élèves sont chaleureuses
où les décisions sont prises en commun entre les employés
et les élèves, et où les adultes ne servent pas de modèles
d'intimidation aux élèves (Olweus, 1987).
- La politique de l'école. Pour réduire l'intimidation
à l'école, la clé consiste à se doter d'une politique claire
en matière d'intimidation assortie de suites appliquées
uniformément (Olweus, 1991).
- L'organisation de l'école. L'intimidation
a tendance à se manifester davantage dans les écoles qui
insistent sur le succès scolaire sans respecter les forces
et les faiblesses des élèves (Tattum, 1982).
- La supervision des cours de récréation.
Les élèves indiquent que l'intimidation s'exerce surtout
dans la cour de l'école (Olweus, 1991; Pepler et al.,
1997). L'intimidation se produit lorsque la supervision
est réduite ou lorsque de grands groupes d'enfants s'engagent
dans des jeux désordonnés ou des sports de compétition (Murphy
et al,1983). L'intimidation s'exerce souvent à
l'insu des enseignants, car les petits durs sont bien conscients
que ceux-ci la désapprouvent. Les observations faites dans
les cours de récréation au cours desquelles les enseignants
sont intervenus pour mettre fin à une seule scène d'intimidation
sur 25 (4 p. 100) révèlent l'inconscience des enseignants
(Craig et Pepler, 1997).
Les programmes de médiation des conflits accroissent
la supervision des cours de récréation en faisant appel à
des pairs entraînés comme médiateurs (Cunningham, 1997; Fine
et al., 1995). Avec ces programmes, tous les enfants
dans une école sont exposés aux importantes connaissances
de base de la résolution des conflits. À titre d'exemple,
l'école primaire William King, à Herring Cove, en Nouvelle-Écosse
favorise un climat de paix et d'harmonie dans les salles de
classe. Le programme de médiation par les pairs enseigne aux
étudiants comment résoudre les conflits avec leurs pairs.
Parmi les moyens pris pour réduire l'intimidation, ces programmes
sont nécessaires mais ils ne suffisent pas. Bien que les pairs
qui servent de médiateurs dans les conflits puissent découvrir
les problèmes d'intimidation et les signaler aux enseignants,
la différence de pouvoir entre le petit dur et la victime
exige souvent l'intervention d'un adulte.
Le rôle du contexte social en général
Les problèmes d'intimidation reflètent peut-être une
tolérance culturelle et sociale à l'égard de l'agressivité.
Bon nombre de ces attitudes sont véhiculées par I' intermédiaire
des médias populaires, notamment la télévision, le cinéma,
la musique et les jeux vidéo. Le message uniforme transmis
par les représentations de la violence dans les médias est
que l'agressivité est une solution efficace aux problèmes
sociaux. Les enfants agressifs risquent plus que ceux qui
ne le sont pas d'être attirés par la violence dans les médias
et de l'imiter (Huesmann et al., 1984). Les petits
durs, par conséquent, sont peut-être prédisposés à exprimer
les comportements agressifs qu'ils voient dans les médias.
Dans le contexte de diversité culturelle du Canada,
les enfants peuvent être intimidés à cause de leur race ou
de leur origine ethnique. À Toronto, 14 p. 100 des enfants
déclarent qu'ils ont été intimidés en raison de leur race
(Pepler et al., 1997). En milieu scolaire, les mesures
de lutte contre le racisme et le sexisme sont souvent regroupées
avec les programmes de lutte contre l'intimidation, sous la
bannière de l'équité.
Au seuil de l'adolescence, l'intimidation diminue
quelque peu et le harcèlement sexuel augmente, entre garçons
et filles aussi bien qu'entre groupes du même sexe. Quarante-huit
pour cent des enfants de 12 ans font état de harcèlement sexuel
non recherché, sous forme de commentaires, de regards, de
gestes, d'injures (McMaster et al., 1997). Bien qu'un
nombre égal de garçons et de filles déclarent avoir fait l'expérience
de cette forme d'intimidation un plus grand nombre de garçons
que de filles reconnaissent avoir harcelé sexuellement d'autres
élèves.
Que faire pour réduire l'intimidation?
Pour être efficace, les interventions contre l'intimidation
doivent porter au-delà de l'enfant agressif et de la victime
pour inclure les pairs, le personnel de l'école, les parents
et la collectivité en général. Bien qu'il y ait des différences
substantielles entre les écoles, on peut réduire l'intimidation
grâce à une perspective globale de lutte contre l'intimidation
(Olweus, 1991; Pepler et al., 1996). L'élément essentiel
de l'intervention est un code de conduite clairement défini,
que l'on applique jusqu'au bout avec cohérence et de façon
très positive. Il faut énormément de temps pour amener des
changements d'attitude et de comportement parmi les employés,
les élèves et les parents d'une école. Les sections suivantes
donnent un bref aperçu des éléments d'un programme de lutte
contre l'intimidation.
- Le personnel de l'école. La motivation et
l'appui du personnel de l'école sont essentiels. Tous les
employés de l'école devraient participer à des séances d'information.
Ils devraient, avec les représentants des parents et des
élèves, être responsables de la mise à jour du code de conduite
et des conséquences qu'il entraîne. Les attitudes des enseignants
se reflètent dans leur comportement. Quand des adultes reconnaissent
le problème de l'intimidation et le rôle capital qu'ils
jouent dans sa réduction, ils supervisent activement et
interviennent pour arrêter l'intimidation.
- Les parents. Les réunions de parents et
les bulletins devraient informer les parents au sujet des
problèmes liés à l'intimidation. Les parents devraient parler
à leurs enfants de l'intimidation et être sensibles aux
signes de victimisation possible. La communication entre
les parents et l'école est essentielle, étant donné que
les parents sont souvent les premiers à savoir que leurs
enfants ont été victimisés.
- Les pairs. Les pairs jouent un rôle essentiel
dans l'intimidation. Les interventions doivent viser à changer
les attitudes, les comportements et les normes à l'égard
de l'intimidation de tous les enfants d'une école. Sous
l'égide des enseignants, les élèves peuvent reconnaître
le problème de l'intimidation et les contributions qu'ils
peuvent apporter. Avec l'appui des enseignants, ils peuvent
élaborer des stratégies pour intervenir eux-mêmes ou chercher
l'aide des adultes pour arrêter l'intimidation. Le fait
de promouvoir, dans le groupe de pairs, des attitudes qui
appuient l'empathie à l'endroit de la victime et condamnent
l'agressivité réduira l'intimidation.
- Les petits durs et les victimes. Les enfants
impliqués comme petits durs ou comme victimes requièrent
une attention individuelle. Dans les conversations avec
les petits durs, on met l'accent sur l'inadmissibilité de
l'intimidation et sur les suites établies dans le code de
conduite. Si un groupe d'enfants est impliqué dans l'intimidation,
le petit dur et ceux qui l'observent sont réprimandés. Des
interventions de groupe portant spécifiquement sur l'intimidation
ont été mises au point en Angleterre et en Scandinavie (Maines
et Robinson, 1992; Pikas, 1989). Dans les entretiens avec
les victimes, on encourage ces dernières à s'exprimer et
on confirme l'intention de l'école de veiller à les protéger
contre de nouvelles manifestations de harcèlement. Dans
les conversations avec les parents, on informe ces derniers
des difficultés de leurs enfants et on s'assure de leur
coopération pour punir les comportements d'intimidation
et ou surveiller les nouveaux cas d'intimidation ou de victimisation.
Conclusion
Le compte rendu que nous venons de dresser ne constitue
pas une description exhaustive de tous les facteurs liés à
l'intimidation et à la victimisation, mais il tente de saisir
les facteurs dont il est le plus souvent question dans la
documentation sur le sujet. Les enfants visés par l'intimidation,
soit comme petits durs soit comme victimes, peuvent avoir
des attitudes négatives une sociabilité déficiente et des
difficultés émotives qui ont leur origine à la maison. Ces
problèmes sont transférés en milieu scolaire et dans le groupe
de pairs, où ils peuvent s accentuer. L'apparition de problèmes
de comportement antisocial dépend de l'interaction de caractéristiques
individuelles et de l'exposition à des facteurs de risque
à des périodes critiques du développement. Certains facteurs
à l'intérieur de l'enfant (p. ex., le leadership, l'intelligence,
la souplesse) ou à l'intérieur du système social (p. ex.,
un adulte empathique ou qui donne du soutien) peuvent protéger
les enfants des expériences négatives. Les problèmes d'intimidation
et de victimisation sont extrêmement complexes. Par conséquent,
les interventions relatives à ces problèmes sont également
complexes et devraient s'étendre à toutes les personnes concernées
: les petits durs, les victimes, les pairs, le personnel de
l'école, les parents et la collectivité en général.
Ce feuillet d'information a été préparé par le Conseil
national de prévention du crime de concert avec Debra J. Pepler
et Jennifer Connolly du LaMarsh Centre for Research on
Violence and Conflict Resolution et Département de psychologie,
Université York et Wendy M. Craig du Département de psychologie,
Université Queen's.
Ressources choisies
Voici une liste sélective de ressources à l'intention
des éducateurs et des parents que l'intimidation préoccupe.
Garrity, C., Jens, K., Porter, W., Sager, N., et Short-Camilli,
C. (1995). Bully-Proofing Your School: A Comprehensive
Approach for Elementary Schools. Sopris West Publishers,
1140 Boston Avenue, Longmont (Colorado) 80501, tél. : (303)
651-2829. Cet excellent guide présente une perspective d'ensemble
et des lignes directrices concernant la formation du personnel,
l'enseignement aux élèves, le soutien des victimes, l'intervention
auprès des petits durs et le travail avec les parents.
Maines, B., et Rohinson, G. (1992). The No Blame
Approach. Bristol, Lame Duck Publishing, 10 South Terrace,
Redland, Bristol, U.K. BS6 6TG. Cette bande vidéo et ce guide
fournissent aux enseignants une méthode pour traiter de l'intimidation
quand plusieurs enfants sont en cause, soit directement comme
petits durs soit comme témoins.
Miller, S., Brodine, J., et Miller, T. (sous la direction
de). Safe by Design: Planning for Peaceful School Communities.
Seattle (Washington), Committee for Children, 2203 Airport
Way South, Suite 500, Seattle (Washington) 98134-2027. Ce
livre fournit aux écoles des lignes directrices pour l'établissement
de liens avec les collectivités, la création d'un climat positif,
l'établissement de politiques, l'enseignement de la sociabilité
et la promotion de la participation des parents.
Ross, D. M. (1996). Childhood Bullying and Teasing:
What School Personnel, Other Professionals, and Parents Can
Do. Alexandria, American Counselling Association. Ce livre
fournit des méthodes particulières et des lignes directrices
sur le programme d'études pour le travail auprès des petits
durs et des victimes. Il énumère des livres à l'intention
des enfants selon leur niveau de scolarité.
Sharp, S., et Smith, P. (1994). Tackling Bullying
in Your School: A Practical Handbook for Teachers.
Londres, Routledge. Ce livre s'inspire d'évaluations approfondies
d'interventions qui ont eu lieu en Angleterre pour fournir
des orientations en vue de la mise en application de programmes
efficaces dans les écoles.
Stones, Rosemarv. Don't Pick on Me: How to Handle
Bullying. Pembroke Publishers Ltd. 538 Hood Road, Markham
(Ontario). Ce livre destiné aux enfants les aide à faire face
aux petits durs.
Toronto Board of Education et King Squire Films. Bullying
at School: Strategies for Prevention. Cet excellent film
destiné à la fois aux éducateurs et aux élèves illustre les
principaux éléments du programme de lutte contre l'intimidation
mis sur pied par le Conseil scolaire de Toronto. On arrive
à comprendre l'intimidation par la voix des enfants. On peut
se le procurer au Canada auprès de King Squire Films, 94,
avenue Borden, Toronto (Ontario) M5S 2N1, tél. (416) 922-65O9.
Zarzour, K. Battling the School-Yard Bully: How
to Raise an Assertive Child in an Aggressive World. Toronto,
Today's Parent Harper Collins. Ce livre, qui s'adresse aux
parents, leur permet de comprendre l'intimidation et leur
offre des stratégies en vue d'aider leurs enfants.
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of bullying in the classroom". LaMarsh Centre for Research
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