DISCOURS
Le 23 octobre 2006
TORONTO (Ontario)
2006/16
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DU MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
L’HONORABLE DAVID L. EMERSON,
À L’OCCASON DU 75e ANNIVERSAIRE
DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DES IMPORTATEURS
ET EXPORTATEURS
« LA STRATÉGIE DE COMMERCE INTERNATIONAL DU CANADA
ET LA PORTE D’ENTRÉE DU PACIFIQUE »
Je voudrais féliciter l’Association ainsi que tous ses membres, actuels et passés, à
l’occasion de ce 75e anniversaire, qui, de l’avis général, constitue une étape marquante.
Pendant 75 ans, votre organisme et ses membres ont joué le rôle important de porte-parole sur la fonction du commerce dans la vie des Canadiens.
Il n’y a pas une personne ici présente qui ne comprenne pas que le Canada est une
nation commerçante.
Notre économie, notre prospérité, nos emplois sont tributaires du monde qui existe au
delà de nos frontières, et de nos relations avec ce monde extérieur.
En tant que dirigeants du monde des affaires et dirigeants politiques, il est de notre
devoir de faire preuve de prévoyance en anticipant ce qui est à venir, menaces et
débouchés, et de prendre les mesures nécessaires.
Votre thème de cette année, « Tirer profit des changements qui se produisent à
l’échelle mondiale », exprime bien cette idée.
Il nous rappelle les vagues massives de changements que les entreprises canadiennes
ont connues et auxquelles elles ont dû s’adapter au fil des décennies.
Il nous rappelle aussi la nécessité de nous livrer à une évaluation réaliste :
• Dans quels domaines n’avons-nous pas atteint notre objectif?
• Quelles mesures devons-nous prendre pour obtenir de meilleurs résultats?
Je voudrais commencer par vous exposer brièvement notre situation actuelle.
Nous jouissons d’une économie vigoureuse :
• une croissance soutenue (sans interruption depuis près de 10 ans),
• un faible taux d’inflation,
• un taux de chômage peu élevé.
Notre succès repose dans une large mesure sur les produits de base, grâce à nos
ressources naturelles et à notre statut de « superpuissance dans le domaine de
l’énergie ».
Il ne fait aucun doute que la première décennie de l’ALENA [Accord de libre-échange
nord-américain] explique une bonne partie de notre succès commercial.
Notre économie est aussi en train de se diversifier :
• des exemples de réussites technologiques extraordinaires,
• une prédominance mondiale dans quelques sous-secteurs des services
financiers (assurances, certaines activités bancaires),
• la situation relativement bonne de sous-secteurs manufacturiers :
• les matières plastiques,
• l’automobile (en dépit de rajustements difficiles),
• l’aérospatiale.
Certes, nous avons profité énormément de l’ALENA et du succès croissant des
produits de base, mais la politique gouvernementale a aussi joué un rôle :
• les réductions d’impôt,
• la réduction de la dette,
• une saine gestion budgétaire.
Néanmoins, la conjoncture actuelle présente des signes préoccupants, qui sont
apparus depuis un certain temps.
Au cours des cinq dernières années, la croissance de nos exportations est tombée à
1,9 p. 100, alors qu’elle était en moyenne de 8,5 p. 100 entre 1997 et 2001. Si l’on fait
abstraction des ressources énergétiques et naturelles, notre croissance est négative!
Au chapitre de l’investissement, notre part de l’IED [investissement étranger direct]
mondial diminue. Près de la moitié de la croissance en IED entrant au Canada se situe
dans les secteurs des ressources et de l’énergie.
Si l’on parle de dépendance, qu’en est-il des États-Unis? Sur le plan du commerce et
de l’investissement, les relations commerciales canado-américaines demeurent
l’élément central de notre succès.
Mais un regard plus attentif révèle quelques tendances inquiétantes. D’autres pays,
comme l’Australie, établissent des liens avec le marché américain, ce qui est
susceptible de menacer notre présence commerciale là-bas.
La Chine nous talonne de près au deuxième rang des exportateurs aux États-Unis et
elle nous supplantera probablement comme principal exportateur sur le marché
américain en 2007.
Qu’en est-il de nos relations commerciales avec d’autres pays que les États-Unis?
Nous savons que pour bâtir une économie concurrentielle, il faut également être plus
présent dans davantage de pays et de secteurs et établir plus de liens canadiens dans
les chaînes de valeur mondiales.
Là encore, nous perdons du terrain.
Nous n’avons pas déployé d’efforts aussi constants, ou fructueux, que nos concurrents
pour conclure des accords commerciaux. Je ne parle pas seulement ici d’accords de
libre-échange de grande envergure, mais aussi d’accords aériens, d’accords de
protection des investissements étrangers et d’autres mécanismes d’intensification du
commerce.
Le Cycle de Doha de l’OMC [Organisation mondiale du commerce] étant au « point
mort », pouvons-nous vraiment nous permettre de nous désintéresser des nombreuses
petites initiatives en matière de commerce et d’investissement qui offrent des
retombées bénéfiques au Canada?
Dans son livre intitulé The World is Flat, Thomas Friedman s’inquiète des perspectives
d’avenir dont bénéficieront ses enfants dans un monde où la concurrence devient si
féroce.
Il se demande si les économies bien établies comme celles des États-Unis, et je suis
sûr qu’on peut ajouter le Canada à cette liste, ne sont pas devenues trop sûres
d’elles-mêmes, trop habituées à occuper la première place pour rivaliser avec des pays
comme la Chine, l’Inde et le Brésil.
Dans une économie internationale de chaînes de valeur mondiales, où l’on peut
desservir efficacement différents maillons de la chaîne à partir de régions éloignées du
globe, ceux qui réussiront seront les plus avides, les plus déterminés, les plus
ambitieux.
À mesure que les chaînes d’approvisionnement et de valeur se transforment en
« réseaux » d’approvisionnement et de valeur, un nombre croissant de nos activités
seront exposées à la concurrence, à une concurrence sans précédent. On ne pourra
pas l’éviter.
Notre gouvernement estime qu’il est temps, depuis longtemps en fait, de faire le point
sur notre position concurrentielle et de prendre des mesures fermes et de grande
ampleur pour assurer la prospérité future du Canada.
Comme il a toujours été vrai pour le Canada, et le sera toujours, l’accès aux marchés
constitue l’élément essentiel pour soutenir la concurrence et assurer notre prospérité.
C’est justement l’objet de l’Initiative de la porte d’entrée et du corridor de l’Asie-Pacifique.
Elle vise à renforcer nos relations commerciales, et notre position concurrentielle, en
établissant des liens de compétitivité à l’échelle mondiale entre l’Amérique du Nord et
l’Asie dans les domaines du transport et de la logistique.
Les fondements de l’Initiative sont déjà en place. En effet, le Canada dispose d’un
accès privilégié au vaste marché nord-américain.
Nous nous trouvons plus près que nos concurrents d’un bon nombre de ports
asiatiques clés. Nous disposons d’un système intégré de ports, d’aéroports, de routes
et de voies ferrées sur la côte ouest qui traverse l’Ouest canadien et pénètre au cœur
de l’Amérique du Nord.
L’Initiative consiste en un ensemble intégré de mesures en matière d’investissement et
de politiques qui vise à accroître l’efficacité de la porte d’entrée et à placer le Canada
dans une meilleure position pour en tirer profit.
L’Initiative offre un nouvel investissement public de 591 millions de dollars, dont
321 millions pour des projets immédiats.
Elle comprend un processus « accéléré » pour déterminer les secteurs où il convient
d’affecter les fonds au cours de la prochaine année.
L’Initiative déclenche également un processus visant à formuler une vision à long terme
pour la croissance de la porte d’entrée au Canada.
Soyons clairs. L’Initiative de la porte d’entrée de l’Asie-Pacifique n’est pas un projet de
600 millions de dollars. Il s’agit de milliards de dollars en infrastructure, d’une série
d’initiatives frontalières, d’un cadre réglementaire favorable, d’une démarche ciblée
pour intégrer les centaines d’éléments disparates d’un système efficace de transport et
de logistique à une stratégie concrète et cohérente.
Puisque la porte d’entrée crée une richesse concrète, le gouvernement ne devrait pas
avoir besoin de tout faire. Des capitaux privés ont déjà été investis massivement.
Beaucoup d’autres vont suivre.
Notre travail consiste à mettre en place le cadre qui favorisera l’investissement d’autres
capitaux privés, à collaborer avec les gouvernements et le secteur privé pour assurer la
bonne mise en œuvre de l’Initiative de la porte d’entrée et du corridor de l’Asie-Pacifique.
Nous avons pour objectif des mesures et des résultats concrets dans les délais requis.
L’accès aux marchés concerne aussi le cadre juridique et réglementaire qui nous unit à
nos partenaires commerciaux, par exemple :
• les accords de libre-échange,
• les accords de protection des investissements étrangers,
• les ententes bilatérales sur le transport aérien,
• le règlement des différends.
À cet égard, nous avons pris du retard sur nos concurrents : les États-Unis, le Mexique,
le Japon et l’Australie, pour ne citer que ceux-là.
Chaque accord signé par nos concurrents leur procure un avantage dont sont privés
nos exportateurs.
Il en résulte que nous perdons des marchés.
Dans un monde de cycles de l’OMC fructueux, nous pourrions atténuer le problème.
Or, le Cycle de Doha est maintenant au point mort.
Nous avons beaucoup de travail à faire!
Nous pouvons commencer par consolider les assises de notre position concurrentielle :
l’Amérique du Nord.
Grâce à l’ALENA, nous avons réalisé d’immenses progrès dans l’établissement d’un
continent prospère, compétitif et sûr.
Au fil des ans, nous avons déployé tous nos efforts pour favoriser les partenariats
transfrontaliers en matière d’investissement, d’innovation et de technologie, afin de
renforcer notre économie en tant que pays et en tant que partenaire d’un monde nord-américain.
Cela dit, l’essor des économies asiatiques et l’intégration croissante des économies
européennes exigent que nous augmentions nos avantages concurrentiels, et de le
faire à titre de continent.
Si vous pensez que nous allons avoir du mal à affronter la Chine en comptant sur nos
seules ressources, vous avez parfaitement raison.
Toutefois, nous pouvons constituer des réseaux d’approvisionnement à l’échelle de
l’Amérique du Nord qui atteindront des niveaux d’efficacité et de compétitivité
mondiaux, comme nous avons commencé à le faire notamment dans les secteurs de
l’automobile, de l’acier et des nouveaux médias.
En dépit de la prétendue « élimination des distances », les regroupements et la
proximité géographique peuvent créer et créent effectivement d’énormes avantages
concurrentiels, même les regroupements transfrontaliers.
Nous avons cependant beaucoup plus à faire.
Nous devons continuer à rendre nos règles, nos cadres réglementaires et nos
systèmes d’investissement plus compatibles. Il nous faut mettre fin à la « tyrannie des
petites différences ».
Quant à nos frontières, nous avons besoin qu’elles soient à la fois protégées contre les
risques pour la sécurité et « fluides », pour ne pas gêner le commerce et
l’investissement.
La sécurité et la prospérité doivent aller de pair. C’est pour cette raison que nous avons
mis en place une initiative pour la sécurité et la prospérité, et c’est ainsi que nous
abordons l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental.
Nous devons collaborer étroitement avec les États-Unis en nous appuyant sur une
solide assise nord-américaine.
Nous avons besoin d’une stratégie beaucoup plus dynamique pour le commerce et
l’investissement.
Nous devons élargir :
• nos accords commerciaux,
• nos accords de protection de l’investissement,
• nos ententes bilatérales sur le transport aérien,
• nos partenariats dans des domaines comme la recherche scientifique ainsi que
l’application et la commercialisation de la technologie.
L’Asie sera essentielle pour nous à mesure que le « centre de gravité économique »
international se déplacera vers cette région au cours des prochaines années.
La Chine, le Japon, la Corée, l’Inde, Singapour et l’Indonésie doivent devenir des points
de concentration plus actifs de la politique commerciale.
Nous devons également accorder la priorité aux Amériques, où se trouvent des
gouvernements « réceptifs » et des gains potentiels pour les entreprises canadiennes.
Il reste encore d’importantes occasions à saisir en ce qui a trait à l’intensification du
commerce et de l’investissement en Europe, en Russie et au Moyen-Orient.
Cet automne, nous procéderons à un examen des nouvelles priorités importantes
tandis que nous accélèrerons la conclusion des négociations déjà en cours.
Il est essentiel d’ouvrir les marchés et de protéger l’investissement, mais ce n’est pas
suffisant.
Les entreprises canadiennes auront besoin de soutien pour forger des liens afin de
pénétrer le marché mondial.
Parfois, il s’agit de repérer un débouché et de vous aider à conclure une vente.
Toutefois, le soutien dont vous aurez besoin pour vous intégrer aux réseaux de valeur
mondiaux revêtira une bien plus grande importance :
• Où se trouvent les possibilités de mettre à profit vos atouts?
• Où sont les sources de capitaux nécessaires?
• Où se trouve la technologie dont vous avez besoin?
• Qui sont vos partenaires stratégiques et où sont-ils?
• Quelles autres portes devons-nous ouvrir?
• Quels types de renseignement et de surveillance des marchés avez-vous
besoin?
Dans l’économie internationale d’aujourd’hui, le commerce suit l’investissement.
L’investissement doit se faire dans les deux sens.
Les investissements seront destinés en grande partie à nouer des liens essentiels dans
les réseaux de valeur mondiaux.
On procédera à des impartitions. On investira dans la capacité de production à
l’étranger ainsi que dans des coentreprises et des partenariats stratégiques.
Si nous n’y participons pas, nous nous ferons évincer par ceux qui y prennent part.
Mon ministère intensifiera ses efforts pour vous aider.
Nous avons mis en place une bonne base. Nous sommes très fiers du travail que notre
équipe de délégués commerciaux réalise ici, au Canada, et dans les marchés du
monde entier.
Cependant, nous devons engager plus de ressources, nous devons exploiter
davantage de compétences du secteur privé.
Les délégués commerciaux travaillent d’arrache-pied pour faire connaître à nos
entreprises les débouchés qui existent dans le monde et pour aider les petites
entreprises à se développer et à réussir sur la scène mondiale.
L’économie mondiale d’aujourd’hui en évolution rapide nous oblige à redéfinir la
manière dont le gouvernement et les entreprises collaborent en vue de créer ensemble
une valeur commerciale.
Il nous faut donc élargir notre centre d’intérêt au-delà de l’aide traditionnelle liée aux
exportations.
Nous devons améliorer notre position d’intermédiaire pour les entreprises canadiennes
et les aider à ouvrir des portes qui restent fermées à d’autres. Comme nous le faisons,
par exemple, par l’intermédiaire de la Corporation commerciale canadienne.
Nous devons collaborer avec des partenaires comme EDC [Exportation et
développement Canada] et la Banque de développement du Canada pour apporter des
crédits-relais.
Nous devons consolider la grande « écologie du soutien » qui existe pour les
entreprises canadiennes et faire en sorte que nos exportateurs sachent ce que nous
avons à leur offrir, et qu’ils puissent y accéder sans un laborieux processus complexe
qui détruit la valeur même que nous tâchons de créer.
Le Canada a clairement besoin d’un programme de commerce et d’investissement
dynamique et ciblé, d’une stratégie.
Nous avons tant à gagner. Les entreprises, les investisseurs et les pays qui assureront
leur prospérité sont ceux qui prendront part à la nouvelle économie mondiale.
Toutes les mesures que nous prenons pour accroître cette participation — chaque
entreprise canadienne dans le monde, chaque dollar canadien investi — resserrent nos
liens avec les réseaux de valeur et d’approvisionnement qui stimulent le commerce
mondial.
Les enjeux sont considérables. Les jeunes d’aujourd’hui, les dirigeants de demain,
comptent sur nous pour rendre le Canada plus concurrentiel et plus informé des
possibilités énormes que l’avenir nous réserve.
Le premier ministre et tout son gouvernement sont fermement résolus à atteindre ce
but.
Toutefois, le gouvernement ne peut pas, seul, atteindre ce but.
Nous avons besoin de vous, de vos conseils et de votre capacité d’agir et de réussir.
Je vous remercie.
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