DISCOURS
M. AXWORTHY - ALLOCUTION - À L'OCCASION DE L'OUVERTURE DES CONSULTATIONS SUR LA CONSOLIDATION DE LA PAIX AVEC LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES - OTTAWA (ONTARIO)
99/16 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION
DE L'OUVERTURE DES CONSULTATIONS SUR LA CONSOLIDATION
DE LA PAIX AVEC LES ORGANISATIONS NON
GOUVERNEMENTALES
OTTAWA (Ontario)
Le 2 mars 1999
(12 h 45 HNE)
Je suis heureux de vous accueillir aux troisièmes consultations annuelles des ONG [Organisations non
gouvernementales] sur la consolidation de la paix. Je suis content, en outre, de reconnaître parmi vous certains
visages, et d'en découvrir de nouveaux. Mais je suis particulièrement heureux d'accueillir les gagnants du
Concours pour les jeunes sur la consolidation de la paix, dont je toucherai mot plus tard.
Pour commencer, j'aimerais saluer la présence parmi nous du directeur de la Plate-forme européenne pour la
prévention des conflits, M. Paul Van Tongeren. Sa participation illustre bien comment les membres d'organisations
non gouvernementales canadiennes réussissent à établir des rapports avec leurs collègues d'autres pays.
Je tiens également à souhaiter la bienvenue à ma collègue, la ministre de la Coopération internationale et ministre
responsable de la Francophonie, Mme Diane Marleau. Je suis heureux qu'elle soit des nôtres à l'occasion de ces
consultations, puisque nous assumons la responsabilité conjointe de l'Initiative canadienne de consolidation de la
paix.
Brève vue d'ensemble
Depuis que l'ancien ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, M. Don
Boudria, et moi-même avons annoncé sa mise en œuvre, en octobre 1996, l'Initiative canadienne de consolidation
de la paix est maintenant parvenue à une certaine maturité. À l'époque, nous cherchions des moyens de faire face
à la réalité qui succédait à la fin de la guerre froide, c'est-à-dire non pas l'avènement de la paix dans le monde,
mais une recrudescence des conflits internes, lourde de conséquences pour la vie des civils. Cette situation
s'inscrivait dans un contexte mondial en pleine évolution, qui s'accompagnait de nouveaux problèmes mettant en
péril de plus en plus d'individus, tels la criminalité, le trafic des drogues et le terrorisme à l'échelle internationale.
Cela nous a amenés à mettre en place notre stratégie de sécurité humaine, où la sécurité de l'individu sert de
point de départ à l'action internationale. Pour ce qui est des conflits et de la situation après les conflits, nous nous
sommes aperçus qu'il fallait, manifestement, nous attacher à instaurer une paix durable dans les pays sujets à des
cycles de violence périodiques.
Les chiffres demeurent accablants. Si seulement 5 p. 100 des victimes étaient des civils pendant la Première
Guerre mondiale, cette proportion est passée à près de 80 p. 100 dans les conflits actuels. Or, les conflits armés
font de plus en plus de victimes, leur nombre ayant presque doublé depuis les années 1980, pour atteindre près
d'un million par année. Il convient donc, plus que jamais, de fournir une planche de salut aux sociétés en déroute
qui s'efforcent de mettre fin au cycle de la violence, de rétablir l'ordre, et de repartir du bon pied.
Nous sommes conscients, toutefois, que le Canada possède de véritables atouts que nous pourrions mettre à
profit pour consolider la paix :
en édifiant leur propre régime démocratique, les Canadiens se sont dotés de nombreuses compétences et
institutions qui peuvent se révéler très utiles;
notre expertise très pointue en technologie de l'information;
notre longue expérience pratique du maintien de la paix, acquise en participant à des opérations de maintien de
la paix;
notre vaste expérience du développement international, grâce à laquelle les fonctionnaires, les gens d'affaires et
les membres d'ONG ont acquis des connaissances et des compétences étendues, qui leur permettent d'aider les
pays en développement à faire progresser leur économie et leur société;
la diversité des origines culturelles de nombreux Canadiens, qui fournit une connaissance de première main de
la culture et de l'histoire de nombre de pays;
même s'il s'agit désormais d'un cliché, le fait généralement reconnu qu'un passé colonialiste ou impérialiste
n'entache pas la réputation des Canadiens, de sorte que nous ne provoquons pas un vent de soupçon en
collaborant avec un autre pays ou une autre culture.
Comme je l'ai expliqué en annonçant sa mise en œuvre à l'Université York, en 1996, l'Initiative canadienne de
consolidation de la paix devait nous aider à mettre à contribution les idées, l'action et le financement canadiens.
Elle devait en outre permettre aux Canadiens d'utiliser les vastes compétences et les nombreuses institutions dont
ils se sont dotés pour édifier leur démocratie. Elle nous a en effet permis de mettre à profit ce savoir-faire et ces
connaissances. Pour cela, nous nous sommes servis de trois grands outils en particulier, à savoir le Fonds et le
Programme de consolidation de la paix, la création de véritables partenariats entre le gouvernement et les ONG,
et un processus de consultation soutenu avec d'autres gouvernements et des organismes internationaux de
première importance.
Une contribution qui compte
Depuis notre dernière rencontre, nous avons connu des réussites et fait du progrès dans la poursuite de certains
des grands volets de notre stratégie de sécurité humaine. Il suffit de penser au Traité d'interdiction des mines
antipersonnel, signé à Ottawa, à l'adoption du Statut de la Cour criminelle internationale (CCI) et à l'intégration de
la sécurité humaine aux travaux du Conseil de sécurité. Le mois dernier par exemple, nous avons organisé un
débat fructueux sur la protection des civils dans les conflits armés. Je citerai également notre rôle de chef de file
dans le dossier de la prolifération des armes légères et la mise en œuvre d'un plan d'action énergique concernant
les enfants touchés par la guerre. Je me réjouis d'ailleurs que vous traitiez de ces deux dernières questions dans
vos ateliers.
Le Fonds et le Programme de consolidation de la paix continuent de compter pour beaucoup dans l'avancement
de nos objectifs de sécurité humaine dans ces domaines, mais aussi dans d'autres dossiers. Avant tout, nous
concentrons nos efforts sur les problèmes des enfants touchés par la guerre, les difficultés vécues par les femmes,
la prolifération des armes légères, le renforcement des mécanismes multilatéraux et la coordination des
opérations de maintien de la paix.
Voici quelques-unes de nos réalisations :
L'Initiative canadienne de consolidation de la paix nous a permis d'appuyer, avec le concours de la Norvège, un
projet visant à renforcer les capacités locales en ce qui concerne le soutien aux enfants traumatisés par les
massacres en Algérie;
De plus, j'ai annoncé récemment que nous verserions une contribution de 400 000 dollars au Fonds d'affectation
spéciale du représentant spécial des Nations Unies pour la protection des enfants en période de conflit armé,
M. Olara Otunnu, pour lui permettre de remplir son mandat;
Pour ce qui est des opérations de maintien de la paix, le Canada a permis à CARE Canada de trouver les
experts civils nécessaires à la Mission de vérification au Kosovo (MVK) de l'OSCE [Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe];
Enfin, nous avons aidé le Nigéria à organiser les premières élections démocratiques à avoir lieu depuis plusieurs
années. Nous avons fourni cette aide par l'intermédiaire des Nations Unies, en coordonnant le travail
d'observateurs étrangers. Nous avons aussi aidé les ONG nigérianes, pour qu'elles puissent également surveiller
le processus électoral, et voir à ce qu'il se déroule librement et équitablement.
Notre publication intitulée Évolution de la paix renferme une description complète des activités et des projets
s'inscrivant dans l'Initiative canadienne de consolidation de la paix, et des domaines couverts par ce programme.
Faire en sorte que la consolidation de la paix interpelle davantage les Canadiens
Cette année, les consultations visent à faire en sorte que la consolidation de la paix interpelle davantage les
Canadiens. Avec deux années d'activités derrière nous, nous avons jeté des bases solides en sensibilisant les
Canadiens à l'importance de cette question. Nous nous sommes attachés, plus particulièrement, à mettre à profit
le savoir-faire et les capacités des Canadiens, et à les faire fructifier.
Le Programme de stages internationaux pour les jeunes a permis d'accroître les compétences dans le domaine
de la technologie et d'Internet. Près de la moitié des stagiaires ayant effectué un stage à l'étranger ont en effet
choisi un domaine qui se rattachait à Internet. Nous avons également fait participer un certain nombre de jeunes
Canadiens à des projets qui influaient directement sur la consolidation de la paix;
La Banque canadienne de ressources pour la démocratie et les droits de la personne (CANADEM), financée par
l'intermédiaire du Programme de consolidation de la paix, a établi une liste très complète de Canadiens qui
possèdent une expertise dans des domaines ayant trait à la consolidation de la paix. Par conséquent, le Canada a
pu combler rapidement un certain nombre de postes civils de la Mission de vérification au Kosovo (MVK), mise en
œuvre par l'OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe];
Le Concours pour les jeunes sur la consolidation de la paix, concours de rédaction que nous avons organisé
cette année, et dont nous avons récompensé les gagnants aujourd'hui, est une autre façon d'amener les jeunes à
s'intéresser à la consolidation de la paix. J'ai été vraiment impressionné par le sérieux et la motivation des
concurrents;
Les Initiatives culturelles pour les enfants en situation de guerre, un programme doté de son propre budget de
fonctionnement, a suscité l'intérêt et stimulé l'imagination de nombreux artistes canadiens et de leurs homologues
étrangers.
Selon moi, le succès du Concours pour les jeunes sur la consolidation de la paix, le grand intérêt pour le mandat
du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies, comme la contribution des Canadiens à nos forums
nationaux, montrent que, pour nos citoyens, la consolidation de la paix s'inscrit dans le prolongement de notre
vocation nationale, en aidant à promouvoir la paix et la sécurité dans le monde.
Nous devons poursuivre nos efforts de sensibilisation. Les gens concentrent très volontiers leur attention sur les
priorités nationales, oubliant les conséquences des conflits internationaux sur leur vie au Canada. C'est pourquoi je
vous invite à exprimer votre opinion sur les moyens à prendre pour que la consolidation de la paix s'impose
davantage à l'esprit des Canadiens, et pour que leur savoir-faire serve mieux nos efforts dans ce domaine.
Par exemple, prenons le besoin criant d'améliorer notre capacité de déployer des civils dans les opérations de
paix multidisciplinaires, question que vous examinerez cet après-midi dans un de vos ateliers. Certes, nous
disposons de bons mécanismes pour le déploiement des militaires et de la police civile, et d'autres programmes
pour attirer des personnes ayant d'autres compétences, comme CANADEM. Cependant, je crois que nous devons
faire davantage pour perfectionner nos méthodes.
Faire participer davantage les Canadiens à la consolidation de la paix
Certes, nous voulons que la consolidation de la paix interpelle davantage les Canadiens. Cependant, il est tout
aussi important que nous réussissions à solliciter davantage leur participation.
Nous pouvons également tirer parti de notre appartenance à des organismes internationaux pour promouvoir une
conception canadienne de la consolidation de la paix. Par exemple, au Conseil de sécurité des Nations Unies, j'ai
déjà parlé de nos travaux sur les conséquences des conflits pour les civils. En jouant un rôle très actif au sein de
l'Institut international pour la démocratie et la supervision des élections (IDEA), nous mettons également à profit
notre expertise dans des dossiers touchant à la création d'institutions représentatives.
Nous avons conclu des partenariats spéciaux avec d'autres pays pour promouvoir les objectifs du Canada en
matière de consolidation de la paix et de sécurité humaine. Notre collaboration avec la Norvège dans le domaine
de la sécurité humaine en constitue l'exemple le plus probant. Elle nous permet d'unir nos talents à ceux d'un pays
ayant des priorités semblables aux nôtres, de façon à améliorer la sécurité des personnes touchées par un conflit.
Au nord comme au sud, nous collaborons avec d'autres pays à des questions similaires, notamment avec les
Pays-Bas et la Grande-Bretagne (nos collègues au Conseil de sécurité), ainsi qu'avec l'Afrique du Sud et le Japon.
Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec la Commission européenne dans le dossier des
mines antipersonnel et celui de la prolifération des armes légères.
Enfin, nous nous employons à promouvoir une conception innovatrice des problèmes de consolidation de la paix
dans le monde. Qu'il suffise de mentionner le Colloque sur le renforcement des approches coopératives de la
prévention des conflits, notamment sur le rôle des organisations régionales et des Nations Unies, que nous avons
parrainé en mars 1998; notre appui au séminaire sur le renforcement du rôle des représentants spéciaux du
secrétaire général des Nations Unies, qui s'est tenu en juillet 1998 à New York; le symposium Canada-Japon sur
la paix et la sécurité, qui s'est tenu à Vancouver en septembre 1998. Il ne faut pas oublier le Centre canadien pour
le développement de la politique étrangère (CCDPE), qui joue un rôle si essentiel en favorisant le dialogue, la
communication des résultats d'études et les échanges de vues entre le gouvernement et les Canadiens. De plus,
nous cherchons les occasions de nous engager dans des études innovatrices sur les politiques dans ce domaine.
Je sais en outre que les fonctionnaires sont impatients de participer à l'atelier de demain sur la recherche
universitaire et les domaines de recherche.
Conclusion
Notre initiative de consolidation de la paix est bel et bien engagée. Elle est devenue une partie intégrante de notre
politique étrangère, tout en étant au cœur d'une série de partenariats avec la société civile canadienne. Tant que
nous vivrons dans un monde de conflits et de tensions, la consolidation de la paix aura sa raison d'être. De plus,
nos outils devront s'adapter au changement, parce que les meilleurs moyens d'action restent encore à découvrir, et
que les défis eux-mêmes changent. En travaillant dans ce domaine, nous devons continuer de sensibiliser les
Canadiens, d'une part pour qu'ils appuient ces efforts et, d'autre part, pour que l'immense savoir-faire dont dispose
ce pays contribue à l'établissement d'une paix durable dans le monde.
Mes fonctionnaires ont hâte de discuter avec vous au cours des deux prochains jours. Permettez-moi de saisir
cette occasion pour vous souhaiter des discussions des plus constructives. Je suis impatient de connaître les
résultats de vos travaux.
Je vous remercie.
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