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M. KILGOUR - ALLOCUTION - POUR UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE À L'ÉGARD DE L'AFRIQUE FONDÉE SUR DES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES

SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

NOTES POUR UNE ALLOCUTION

DE

L'HONORABLE DAVID KILGOUR,

SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE)

POUR UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE À L'ÉGARD DE L'AFRIQUE

FONDÉE SUR DES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES

OTTAWA (Ontario)

Le 14 décembre 1999

Notre pays entre dans le XXIe siècle et est décrit, selon l'indice du développement humain des Nations Unies, comme l'un des pays où il fait le mieux vivre au monde. Il a beaucoup à offrir tant aux pays développés qu'aux pays en voie de développement, que ce soit comme principal fournisseur de technologies de l'information ou de biens manufacturés ou comme diffuseur de savoir-faire pour l'exploitation des ressources naturelles. Non seulement notre pays enregistre maintenant de bons résultats économiques, mais il est aussi considéré comme un modèle de tolérance et de dynamisme quant à sa société civile.

Pourtant, nous devons aspirer à mieux encore pour le prochain siècle, ne jamais oublier les disparités qui existent dans notre monde. Le Canada est dans une situation favorable pour prendre l'initiative de réduire l'écart entre le Nord et le Sud. Cet écart semble s'élargir à l'heure actuelle au lieu de s'amenuiser, du fait notamment que les pays n'ont pas tous le même accès à la nouvelle économie du savoir et aux technologies de pointe. La mondialisation doit par essence profiter à l'ensemble de l'humanité, faute de quoi elle risque d'accroître l'inégalité déjà révoltante qui a si bien caractérisée l'économie du siècle qui se termine. Il est révélateur que l'actif combiné des trois plus grands milliardaires au monde soit supérieur au PIB global des pays en développement les moins avancés, avec leurs 600 millions d'habitants. Lorsqu'on constate que 3 milliards d'individus dans le monde vivent avec moins de 2 dollars par jour, on en déduit qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire.

L'Afrique, berceau de l'humanité, lutte continuellement contre la guerre et la pauvreté. Personne d'entre nous ne peut décliner la responsabilité de la souffrance et de la violence qui ont assailli ce continent au cours de ce siècle. Je n'insisterai pas ici sur les cicatrices et l'héritage du colonialisme occidental. Le maintien au pouvoir de régimes dictatoriaux durant la Guerre froide, tant par l'Est que par l'Ouest, a peu contribué à inculquer les valeurs de liberté et de démocratie que nous épousons. En tant que « terrain d'essai » des superpuissances dans leur confrontation perpétuelle, le continent africain a été déstabilisé par l'entrée massive de matériel militaire sur son territoire. Cecil Rhodes et d'autres ont envahi le continent dans l'espoir de faire fortune avec le diamant, l'or, le cuivre et le pétrole, et ils se préoccupaient bien peu du développement local ou des normes de travail.

Les Africains eux-mêmes reconnaissent qu'ils ont une part de responsabilité dans les événements survenus au cours de ce siècle. Des leaders qui étaient considérés comme l'espoir du continent ont dilapidé les ressources nationales et placé au rang des pays les plus pauvres du monde des pays qui avait une capacité d'enrichissement et d'innovation. La corruption sévit toujours dans certaines parties du continent, mais, grâce à des efforts soutenus localement, des mesures de responsabilisation sont mises en train progressivement.

L'Afrique compte parmi les régions qui souffrent le plus de la mondialisation. Depuis l'accession à l'indépendance, les leaders africains ont lutté contre la marginalisation de leur peuple dans l'arène économique mondiale et les hautes sphères de la politique internationale. Toutefois, le rêve d'hommes d'État comme Kwame Nkrumah, du Ghana, et Julius Nyerere, de Tanzanie, reste à réaliser.

Une nouvelle génération de leaders, notamment Olesegun Obasanjo, du Nigéria, et Thabo Mbeki, d'Afrique du Sud, définissent une nouvelle vision pour l'Afrique, celle de la renaissance. Les 53 États africains chercheront à créer de nouvelles alliances significatives avec des pays comme le Canada dans le but d'appuyer cette renaissance. L'Afrique ne devrait donc plus être considérée par le reste du monde comme un problème à résoudre, mais comme une multitude de voix à écouter.

La récente visite du premier ministre Chrétien en Afrique est la preuve de notre engagement à resserrer les liens avec les pays africains. Cette visite a renforcé les relations au niveau politique, relations qui méritent d'être entretenues. Il est essentiel que nous développions un nouveau partenariat avec l'Afrique. La politique étrangère du Canada doit accorder une plus grande importance aux relations avec l'Afrique, mais ce ne sera pas facile. Un trop grand nombre de Canadiens se demandent pourquoi leur pays devrait s'intéresser à l'Afrique alors qu'il y a selon eux suffisamment de problèmes à résoudre ici!

Pour beaucoup, le Canada connaît une période de prospérité. Nous vivons présentement l'une des plus longues périodes de croissance continue de l'histoire : huit années de croissance ininterrompue et, maintenant, un excédent budgétaire. N'avons-nous pas la responsabilité de promouvoir la paix, le développement et la sécurité humaine sur le continent africain? Nous ne pouvons rester indifférents lorsque des millions de civils subissent des conflits armés et vivent dans des conditions sordides. La réussite de l'Afrique créera un monde plus sûr et plus respectueux de l'environnement, réduira les budgets de l'aide extérieure et ouvrira des marchés lucratifs.

L'Afrique va devenir un marché important pour le Canada. Les investissements canadiens en Afrique ont triplé au cours des 10 dernières années et le commerce bilatéral s'élève actuellement à plus de 2 milliards de dollars. Tandis que le gros de l'investissement étranger direct est dirigé actuellement vers l'Asie et l'Amérique latine, l'Afrique supplantera éventuellement ces deux continents, car elle sera devenue la région à plus forte croissance au monde. L'Angola, l'Ouganda et le Botswana comptent déjà parmi les 10 pays qui connaissent le plus fort taux de croissance économique au monde. Au moment où il a obtenu son indépendance, le Botswana figurait parmi les pays les plus pauvres de la planète. Or, depuis 1965, il connaît la plus forte croissance économique de toute le communauté internationale, avec un taux de croissance annuelle du PIB de 13 p. 100. Le Mozambique et le Ghana ont eux aussi enregistré des taux de croissance enviables ces dernières années.

L'Afrique offre des débouchés considérables aux commerçants et aux investisseurs canadiens. Les débouchés sont immenses dans le seul secteur des télécommunications; le continent compte 750 millions d'habitants, mais seulement 14 millions d'entre eux ont un téléphone à la maison. Les marchés ne manquent pas non plus pour les produits d'enseignement canadiens, et le Canada devrait justement saisir l'occasion avant que d'autres n'établissent leur domination. Les entreprises spécialisées dans Internet et les compagnies de téléphonie cellulaire prévoyantes ont pris conscience du potentiel des marchés d'Afrique et jouissent actuellement d'un énorme succès. On voit plus de personnes munies d'un téléphone cellulaire dans les rues de Johannesburg que dans celles de Milan, Paris ou Toronto.

L'exploitation des ressources naturelles demeurera une branche importante du commerce avec l'Afrique. En effet, l'exploitation des réserves pétrolières sur le continent ne fait que débuter. L'Afrique domine le secteur mondial du diamant et on y trouve environ 54 p. 100 des réserves d'or mondiales. Les pays d'Afrique devront compter non seulement sur la production de produits primaires, mais également sur leur capacité de diversifier leurs exportations et d'assurer la croissance du secteur manufacturier par les exportations, s'ils veulent connaître une croissance soutenue à long terme. Par ailleurs, il faut garantir aux pays africains l'accès aux marchés des pays développés et éliminer les barrières commerciales qui s'appliquent aux produits d'Afrique. Les États-Unis ont pris des mesures dans ce sens en promulguant le Africa Trade Bill. La suppression de droits de douane et de contingents donne aux pays africains un meilleur accès au marché américain du vêtement.

Est-il normal que les échanges commerciaux entre le Canada et l'Afrique pour une année équivalent aux échanges entre le Canada et les États-Unis pour un peu plus de deux jours? Si le Canada doit développer de nouveaux marchés, c'est à l'extérieur du continent nord-américain qu'il doit le faire. À l'heure actuelle, le Canada ne compte que quatre délégués commerciaux en Afrique, c'est-à-dire pour 47 pays, et il a affecté seulement 13 spécialistes politiques à ce continent.

Le Canada doit faire la promotion de ses capacités dans le domaine de la communication du savoir à l'échelle mondiale et, de façon plus urgente, en Afrique. Nos établissements d'enseignement ont la réputation de figurer parmi les meilleurs au monde. L'Ontario compte à lui seul 19 établissements universitaires de haut calibre sur son territoire. L'Université de l'Alberta a reconnu qu'il était souhaitable de commercialiser ses services à l'étranger, et elle est en train de recruter quelque 1 000 étudiants étrangers. Nous avons une industrie de haute technologie florissante ici même à Ottawa, et les initiatives privées dans le domaine du téléapprentissage se font de plus en plus nombreuses. Nous ne pouvons rester indifférents aux critiques de la presse à l'égard du Canada, selon lesquelles notre pays perd du terrain dans le domaine de la formation à l'étranger -- nous devons saisir l'occasion qui s'offre à nous.

Les besoins en éducation sont on ne peut plus criants sur un continent où les manuels scolaires datent de 20 ans -- lorsqu'il y en a. On ne trouve qu'un petit nombre d'ordinateurs dans les bibliothèques des universités régionales. L'Afrique est le seul continent où il y a une dégradation des normes générales en éducation. Les Africains eux-mêmes réclament à grands cris des services d'éducation. Lorsque seulement 0,1 p. 100 de la population de l'Afrique subsaharienne a accès à Internet, il est urgent de combler l'écart pour les besoins du développement mondial. Comment un étudiant universitaire en Ouganda, qui est privé d'Internet, peut-il rivaliser avec un étudiant en Grande-Bretagne qui utilise quotidiennement un ordinateur portatif?

Nous pouvons contribuer à réduire cet écart. Au Canada, toutes les écoles sont maintenant branchées à Internet. Les ONG [organisations non gouvernementales] canadiennes tentent maintenant d'y brancher les écoles d'Afrique, tandis que le secteur privé fournit gracieusement des ordinateurs. Je veux encourager d'autres initiatives de ce genre, et c'est pourquoi je dirigerai une mission en Afrique du Sud en mars 2000 pour parler d'éducation. Durant une semaine, des éducateurs de premier plan, des dirigeants d'entreprises et des spécialistes de la formation en ressources humaines tenteront d'établir des liens de partenariat avec leurs homologues sud-africains. Leur objectif est d'établir une stratégie à long terme pour la création de capacités en éducation. Des missions semblables seront organisées pour l'Afrique orientale et l'Afrique occidentale -- le Canada ne doit pas manquer à ses engagements.

De la même manière, le Canada doit faire plus d'efforts pour juguler la pandémie du sida qui balaie l'Afrique, faisant des millions de morts sur son passage. C'est en Afrique que vivent 70 p. 100 de toutes les personnes infectées par le VIH dans le monde. Le sida fait plus de victimes que les guerres parmi les Africains et cause en moyenne 5 500 décès par jour. On estime à 30 millions le nombre d'Africains qui mourront du sida dans les 5 prochaines années. Les dirigeants africains ont fini par reconnaître que le sida représente une crise nationale dans beaucoup de pays. Il menace le développement économique et social de tout le continent. L'ACDI [Agence canadienne de développement international] réagit à cette crise en injectant un montant additionnel de 50 millions de dollars dans des projets visant à combattre le sida dans chaque région de l'Afrique.

Il est primordial d'ouvrir des centres d'éducation et de traitement pour le sida, mais il est également urgent d'engager de nouvelles recherches qui porteront sur des méthodes de prévention et de traitement. Par ailleurs, il faut absolument que les Africains victimes de cette maladie puissent se procurer à un coût plus abordable l'AZT -- ce médicament utilisé pour lutter contre le sida et qui réussit à empêcher la transmission d'une mère à son enfant. Pourquoi l'industrie pharmaceutique canadienne ne travaillerait-elle pas en collaboration avec les pays africains et l'Organisation mondiale de la santé pour trouver des moyens de réduire le prix de ces médicaments? Ou mieux encore, pourquoi ne pas offrir gratuitement des lots de médicaments aux régions les plus gravement touchées?

Le virus du sida prend de l'ampleur au moment où les gouvernements des pays africains sont très limités dans leur capacité de dépenser au titre des soins de santé et du développement en général. Cette incapacité est largement imputable à la dette démesurée que doivent supporter les pays africains. Pour s'acquitter correctement du service de la dette, ces pays doivent verser plus de 60 p. 100 du produit de leurs exportations aux subventionneurs et aux prêteurs commerciaux étrangers. Le Ghana est un des pays qui offrent le plus de potentiel économique sur le continent; or, il est incapable de faire les investissements nécessaires dans la santé, l'éducation et l'infrastructure tant et aussi longtemps qu'il consacrera une part aussi élevé de ses recettes d'exportation au service de la dette. Même les créanciers reconnaissent maintenant que le fardeau de la dette est insoutenable.

Les responsables du programme de réduction de la dette des pays pauvres fortement endettés ont identifié 29 pays pour lesquels ils proposent un allégement de la dette; 24 d'entre eux sont des pays africains. Seulement quatre pays ont profité jusqu'à maintenant de ce programme. Il faudrait que l'allégement de la dette soit plus généreux, qu'il s'applique à un plus grand nombre de pays et qu'il se fasse plus rapidement. Ainsi, les pays visés auraient plus d'argent à consacrer à des mesures de réduction de la pauvreté, à la santé et à l'éducation. Le Canada a radié une créance de 39 millions de dollars au total pour le Sénégal, le Bénin, le Mali, le Mozambique et le Burkina Faso. C'est un début, mais ne devrait-on pas aller plus loin, compte tenu de ce que certains pays africains sont aux prises avec des dettes de l'ordre de 20 milliards de dollars? Le Nigéria, par exemple, croule sous une dette extérieure de 32 milliards de dollars, ce qui est supérieur à son PIB.

D'aucuns prétendent que le Canada ne devrait pas se sentir obligé d'alléger la dette des pays africains, étant donné que leurs dirigeants détournent des sommes faramineuses au profit du secteur militaire ou à leur profit personnel. Pour résoudre ce problème, il faudra peut-être intégrer plus explicitement les facteurs de pauvreté et de développement dans les programmes de réduction de la dette sans pour autant surcharger ces programmes de conditions. Nous devons aussi nous rappeler que pendant la Guerre froide, les prêts consentis aux pays africains servaient à financer des dépenses militaires imposantes. Les gouvernements de ces pays étaient parfois forcés d'accepter des prêts de tous genres dont ils n'avaient pas besoin ou qu'ils ne pouvaient utiliser de manière productive. Plus souvent qu'autrement, ces gouvernements n'étaient pas tenus de rendre compte des dépenses qui avaient été engagées par suite de ces prêts.

Le produit des emprunts extérieurs et les achats d'armes alimentent les conflits qui continuent d'embraser le continent. Trop souvent des entreprises occidentales entretiennent des conflits dans des pays africains déchirés par la guerre en soutenant des régimes dictatoriaux avec des sources de revenus substantiels. Honte à nous tous de la communauté internationale qui, devant les conflits en Afrique, n'avons pas réagi aussi vigoureusement que pour les conflits en Europe -- notamment au Kosovo -- ou en Asie -- au Timor-Oriental par exemple.

Le génocide au Rwanda illustrera pour notre génération les conséquences de l'inaction devant un assassinat collectif. L'époque où l'on pouvait prétendre ne pas savoir ce qui se passait en Afrique ou ne pas connaître les solutions de paix pour ce continent est révolue depuis longtemps. Plus de la moitié de tous les décès causés par les guerres sont survenus en Afrique, et ce continent est aux prises avec plus de 8 millions de réfugiés.

De tous les pays membres des Nations Unies, le Canada est celui qui jouit d'une grande réputation pour sa contribution au maintien de la paix internationale et au règlement des conflits et pour ses talents de médiateur. C'est à un premier ministre canadien, Lester B. Pearson, que l'on doit la notion de maintien de la paix : ce n'est donc pas un hasard si le Canada est le pays qui participe le plus souvent aux opérations de maintien de la paix.

Quand éclate un conflit en Afrique, les pays africains ne devraient pas avoir à se demander s'ils pourront compter sur l'aide du Canada. Nous avons manifesté dernièrement notre intention de travailler pour la paix sur ce continent en participant, comme seul pays non africain, à la force de maintien de la paix déployée en République centrafricaine. Par ailleurs, nous étions prêts à diriger une mission de maintien de la paix au Zaïre avant le coup d'état de Kabila.

Maintenant que le conflit en République démocratique du Congo menace de se transformer en un conflit régional capable de dévaster de larges pans du continent, pouvons-nous ne rien faire? Si le Protocole de Lusaka est sérieusement menacé d'échec -- certains diront même qu'il est déjà sans valeur --, nous nous devons d'intervenir. Nous n'avons peut-être pas des ressources considérables à consacrer aux efforts de paix, mais cela n'est pas une raison pour rester indifférents. Ainsi, l'une des premières mesures que nous allons prendre l'an prochain sera d'envoyer une mission d'enquête dans la région des Grands Lacs afin d'évaluer les possibilités d'un accord de paix au Congo et de déterminer quel rôle pourrait jouer le Canada dans l'instauration de la paix dans le plus grand pays d'Afrique. Cette fois, le Canada doit adopter une stratégie proactive, non pas répressive -- c'est un des enseignements qu'il faut tirer de l'histoire récente.

L'ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies, M. Robert Fowler, mérite des félicitations pour le travail qu'il a accompli en Angola, notamment en ce qui a trait à la mise en application du régime de sanctions de l'ONU. On attendait depuis longtemps un geste de la communauté internationale pour empêcher les factions impliquées dans le conflit angolais d'utiliser à leurs fins le produit de la vente des diamants. Le drame de l'Angola est que ce pays, qui compte parmi les 15 plus pauvres au monde, est en même temps une importante source de diamants de première qualité; en outre, il produira 2,5 millions de barils de pétrole par jour en l'an 2015. C'est plus que la production quotidienne du Koweït. Avec de telles perspectives d'avenir, il est terrible de penser que 200 personnes meurent chaque jour en Angola, ce qui fait du conflit angolais la guerre la plus meurtrière au monde.

Sur le plan économique, il faut pousser plus loin l'analyse pour comprendre ce qui sous-tend et entretient les nombreux conflits en Afrique. Nous voyons les chefs de guerre courtiser la paix tout en renforçant leur arsenal dans le seul but de garder le contrôle des lucratifs gisements diamantifères et pétrolifères de même que des champs aurifères. On pense ici à des pays comme le Libéria, la Sierra Leone, le Soudan, le Congo et l'Angola. Les multinationales étrangères contribuent à perpétuer un grand nombre de ces conflits en engageant des mercenaires pour protéger leurs concessions et en renforçant ou en renversant des régimes politiques. Si nous souhaitons travailler à l'établissement de la paix sur le continent africain, nous devrons nous attaquer à la source même du conflit et nous concerter pour former des civils et des officiers de l'armée en Afrique qui travailleront à l'établissement de cette paix.

En tentant de résoudre les problèmes avec lesquels l'Afrique sera aux prises dans le prochain siècle, nous devons nous rappeler par ailleurs les aspects positifs de l'évolution de ce continent et les progrès accomplis. Il y a moins de 50 ans s'amorçait le mouvement d'indépendance et d'émancipation des pays africains; c'est peu comparativement aux siècles durant lesquels se sont développés les systèmes politiques des pays d'Europe et d'Asie. Depuis la période de décolonisation, on n'a jamais vu autant de nouveaux partis politiques qu'au cours de ces 10 dernières années. La démocratie a pris racine au Botswana, au Mali, au Mozambique, en Tanzanie, en Afrique du Sud et à Maurice, pour ne nommer que ceux-là. Ces pays sont des exemples à suivre au point de vue de la liberté politique. Dans leur quête de la démocratie, des pays comme l'Afrique du Sud ont surmonté des obstacles qui semblaient de prime abord infranchissables et ils ont réussi à le faire sans effusion de sang, contrairement à ce qui caractérise de nombreuses transformations politiques. Si l'Afrique du Sud a réussi à passer d'un régime d'oppression pratiquant l'apartheid à un régime politique aussi ouvert que le régime actuel, caractérisé par la liberté des médias, une constitution des plus progressistes au monde et un appel à la réconciliation, il n'y a pas de raison de croire que ce scénario ne puisse pas se répéter dans d'autres pays africains. Des élections auront lieu en l'an 2000 en Égypte, en Côte d'Ivoire, au Ghana, au Sénégal et en Tanzanie. Le Canada pourrait aider les futurs parlements de ces pays par des programmes d'orientation, des échanges parlementaires et des programmes de saine gestion publique. La mise en oeuvre de ces initiatives axées sur l'avenir sera laissée aux bons soins de notre société civile.

Permettez-moi une dernière réflexion à la veille de ce nouveau siècle. Si, au nom de l'amitié qui le lie aux pays en développement et en particulier à l'Afrique, le Canada doit mettre en oeuvre dans l'année qui vient une politique étrangère fondée sur des considérations éthiques, il devra tenter de corriger le déséquilibre de pouvoir qui existe aux Nations Unies. En effet, au sein de cet organisme international, le pouvoir réel est concentré entre les mains d'un petit nombre de pays qui furent les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale et qui exercent encore aujourd'hui une influence prédominante sur les affaires internationales.

Les réalités de la politique internationale ont changé. La grande majorité des 186 pays qui forment aujourd'hui l'assemblée des Nations Unies n'étaient pas des États souverains au moment de la création de l'organisme. Si l'organe chargé d'examiner les questions de paix et de sécurité internationales doit résoudre sa crise de légitimité, il devra laisser une plus grande place aux pays en voie de développement dans le processus décisionnel du Conseil de sécurité. Puisqu'il siégera au Conseil dans l'année qui vient, le Canada est dans une position favorable pour piloter un programme de réforme des Nations Unies.

Faisons en sorte que le prochain siècle soit porteur d'avenir non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour les peuples africains. Travaillons de concert les uns avec les autres dans l'espoir d'éradiquer la pauvreté, le sida, la guerre et l'endettement. Faisons de l'éducation et du commerce les thèmes clés de notre plan d'action pour le prochain siècle. Et à ceux qui mettent en doute nos intentions nous répliquons que « l'humanité, après tout, est indivisible ».

Je vous remercie.


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Dernière mise à jour : 2006-10-30 Haut de la page
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