DISCOURS
M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION DES CONSULTATIONS AVEC LES ONG EN PRÉVISION DE LA 54E SESSION DE LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU - OTTAWA (ONTARIO)
98/11 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION DES
CONSULTATIONS AVEC LES ONG EN PRÉVISION DE LA 54e SESSION
DE LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU
OTTAWA (Ontario)
Le 19 février 1998
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Je vous remercie tous de vous joindre à moi pour ces consultations préparatoires à
la 54e session de la Commission des droits de l'homme [CDH] de l'ONU. Je n'ai pas à
vous rappeler que l'on célébrera cette année le cinquantenaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme. Ce qu'on sait peut-être moins, toutefois, c'est
que 1998 est aussi l'anniversaire d'un autre événement : les consultations
concernant la CDH telles qu'on les connaît aujourd'hui ont débuté entre les ONG
[organisations non gouvernementales] du secteur des droits de la personne et le
ministère des Affaires extérieures, comme il s'appelait alors, en 1988.
À bien des égards, ces consultations étaient en avance sur leur époque. L'idée
même de ce type d'échanges intensifs et de vaste portée avec des experts non
gouvernementaux était plutôt radicale -- du moins pour les gouvernements. En fait,
bon nombre de pays considèrent encore cette pratique comme étant très innovatrice.
Pour nous, ces réunions annuelles sont inestimables. Grâce à elles, nous sommes
exposés chaque année à des perspectives différentes sur des tendances et des
événements familiers, des perspectives qui nous mettent au défi de prouver la
valeur de nos politiques, ou de les changer. Selon moi, elles constituent un très
bon exemple de la façon dont la diplomatie sera conduite, de plus en plus, dans
les années à venir.
Le visage de la diplomatie se transforme, alors que la technologie, la
mondialisation et la reconfiguration dramatique de l'environnement politique
international se conjuguent pour diluer le pouvoir de l'État-nation classique. À
mesure que croît l'importance des multinationales et des organisations non
gouvernementales internationales sur la scène mondiale et que se forme un réseau
sans cesse plus puissant d'organisations supranationales, il devient de moins en
moins possible pour les pays d'agir seuls.
À mon avis, le paradigme des relations internationales en viendra à ressembler à
ces consultations : ce sera un partenariat dynamique qui favorise le consensus
entre les États et la société civile, qui exploite les technologies de
communication modernes pour partager ce consensus avec un auditoire plus vaste et
maximiser le soutien du public, et qui génère une action concertée au service
d'objectifs communs. Les États qui demeureront influents seront ceux qui excellent
dans ce volet du « pouvoir doux » consistant à développer des consensus et à
former des coalitions qui transcendent les frontières traditionnelles.
Le Canada est bien positionné pour s'épanouir dans ce monde nouveau de la
diplomatie « douce ». Il est depuis longtemps considéré comme un rassembleur, son
intégrité est largement acceptée du reste de la communauté internationale et son
adhésion aux instances multilatérales mondiales et régionales est sans égale. La
campagne contre les mines terrestres est un exemple de ce qui peut être accompli
quand tous ces avantages naturels sont exploités à fond. Il ne sera évidemment pas
toujours possible de mobiliser l'incroyable soutien public qui a été au coeur de
cette campagne, mais le processus pourra néanmoins servir de guide dans l'avenir.
Par ailleurs, cette campagne renferme un enseignement d'une pertinence
particulière dans le domaine des droits de la personne : l'action des
gouvernements et des ONG a un impact beaucoup plus grand lorsqu'elle est
concertée. Le tout est clairement plus grand que la somme de ses parties.
Il existe certainement une longue tradition de coopération entre le gouvernement
canadien et les ONG à la Commission des droits de l'homme. La CDH est aussi une
instance où le Canada maintient un profil très élevé. Nous jouons un rôle de
premier plan dans la négociation de presque tous les textes importants et, cette
année, nous nous attendons à piloter plus de résolutions que tout autre pays. Cela
illustre à la fois l'engagement du Canada à l'égard de la promotion des droits de
la personne, et l'importance particulière qu'il attache à la Commission. En tant
qu'organisme primordial responsable des droits de la personne dans le monde, la
Commission est investie d'un mandat vraiment planétaire et d'une autorité morale
sans égal. Elle est en mesure d'élaborer des normes applicables mondialement, et
de suivre leur application sans le parti pris inhérent à tout examen purement
national.
À la CDH, le Canada continue de mettre l'accent sur les questions qui reflètent
ses priorités nationales. De nouveau, nous piloterons deux résolutions sur les
droits des femmes et une résolution sur le projet de déclaration sur les droits
des populations autochtones. Comme je l'ai annoncé le 9 janvier 1998, M. Blaine
Favel a été nommé conseiller aux affaires autochtones internationales et, à ce
titre, il participera à Genève au débat sur les questions autochtones à la
Commission.
Nous serons étroitement impliqués dans la négociation d'une résolution omnibus sur
les enfants. Tout au cours de l'année, nous avons aussi pris une part active à
l'élaboration de deux ébauches de protocoles facultatifs concernant les enfants.
Cette année, pour la première fois, la Commission sera saisie d'une résolution
traitant de l'impunité et du fait que, très souvent, ceux qui violent les droits
de la personne ne sont pas tenus de rendre des comptes. La communauté des ONG a
indiqué clairement que cette question doit faire l'objet d'une attention
internationale plus grande, et nous espérons que cette nouvelle résolution aidera
à mettre en place un mécanisme efficace à cet égard.
Notre objectif ultime restera le même, mais dans notre action à la CDH comme dans
la conduite de l'ensemble de notre politique relative aux droits de la personne,
nous devons nous montrer ouverts aux solutions novatrices. Les pratiques établies
souvent ne conviennent pas pour régler des problèmes de plus en plus complexes. En
Colombie, par exemple, le refus du gouvernement d'appuyer la création d'un poste
de rapporteur spécial a amené la CDH à établir un nouveau mécanisme -- le bureau
permanent du haut commissaire aux droits de l'homme. Au cours de l'année écoulée,
ce bureau a été très actif et il a pu compter sur une bonne collaboration de la
part du gouvernement colombien. Sa présence permanente lui permet de s'acquitter
de tâches qu'un rapporteur spécial n'aurait jamais pu envisager d'assumer. Ce type
de flexibilité et d'innovation est d'une grande importance pour assurer
l'efficacité de la CDH.
La flexibilité et l'adaptabilité sont aussi des éléments essentiels de la
politique internationale du Canada relative aux droits de la personne. Nous devons
toujours être ouverts aux solutions créatrices et conscients de la nécessité
d'élaborer une approche adaptée à chaque situation.
L'appui que nous accordons aux solutions novatrices à la Commission des droits de
l'homme a son écho dans l'approche créatrice que nous pratiquons au plan
bilatéral. L'an dernier, le Canada a conduit une variété de stratégies-pays
basées, en grande partie, sur la volonté des pays concernés de collaborer avec lui
de façon constructive. Nous avons utilisé des moyens inventifs afin d'exercer
l'influence la plus positive et la plus efficace possible. L'éventail des moyens
mis en oeuvre a été très varié, allant de l'encouragement à la coopération entre
les institutions nationales s'occupant des droits de la personne à l'imposition de
mesures économiques sélectives.
Les dialogues bilatéraux avec la Chine et Cuba sur la question des droits de la
personne et la place privilégiée donnée aux droits de la personne dans notre
dialogue global avec l'Indonésie sont des exemples notables de cette innovation.
Dans chacun de ces dialogues, il y a eu des améliorations mesurables de notre
capacité d'engager nos vis-à-vis sur des questions de plus en plus sensibles. Il
ne s'agit pas seulement de discussions sans lendemain. À mon avis, des discussions
fouillées sur des questions qui font problème sont essentielles si on veut jeter
les bases d'une action coopérative.
À cet égard, je suis heureux d'annoncer aujourd'hui que les 2 et 3 mars 1998, nous
parrainerons, avec la République populaire de Chine, une réunion en Colombie-Britannique sur les droits de la personne et les questions juridiques, à laquelle
ont été invités une douzaine d'autres pays de l'Asie-Pacifique. La Chine n'aurait
jamais accepté de parrainer ce genre de réunion multilatérale avec le Canada si
nous n'avions pas d'abord établi une relation de travail privilégiée grâce au
dialogue bilatéral entre nos deux pays.
Une politique des droits de la personne qui adapte nos actions aux situations
individuelles exige des mises au point constantes, tant pour aligner nos
stratégies sur les situations nationales que pour développer les nouvelles options
de politique requises. Dans l'année qui vient, nous procéderons à une évaluation
de notre politique des droits de la personne pour répondre à deux questions
fondamentales :
Avons-nous les outils de politique étrangère nécessaires pour promouvoir et
protéger les droits de la personne au plan international?
Comment pouvons-nous mieux utiliser les outils que nous avons déjà?
Une évaluation continue de notre rendement est essentielle si nous voulons que le
Canada maximise son impact en concentrant son action dans les secteurs où il a un
avantage comparatif.
Le gouvernement canadien collaborera de façon particulièrement étroite avec les
ONG en 1998, année du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de
l'homme et du cinquième anniversaire de la Conférence mondiale de Vienne sur les
droits de l'homme. Nous avons prévu de nombreuses activités pour marquer ces deux
anniversaires, mais j'aimerais vous en signaler une ou deux qui revêtent une
importance particulière.
Du 22 au 24 juin 1998, le gouvernement parrainera, en collaboration avec un
consortium d'organisations non gouvernementales, une conférence à l'intention
d'ONG de partout au monde pour mesurer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre
de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. Notre objectif est d'assurer
la plus grande participation possible de la société civile à l'examen quinquennal
que l'ONU doit faire de la Déclaration et du Programme d'action. Cette conférence
marquera aussi le lancement officiel d'une importante initiative canadienne -- un
rapport sur les droits de la personne dans le monde basé sur des sources de l'ONU.
Nous sommes convaincus que ce rapport se révélera un outil précieux pour la
communauté des droits de la personne.
J'ai également le bonheur d'annoncer aujourd'hui que Mary Robinson, haut
commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, effectuera une visite
officielle au Canada dans la dernière semaine de novembre 1998. Nous
privilégierons le rôle et la participation des ONG à cette occasion.
Le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme est un
moment de réflexion privilégié. C'est une étape qui est à la fois un jalon et une
charnière. Au cours des cinq dernières décennies, nous avons développé un arsenal
impressionnant d'instruments internationaux des droits de la personne. Et
pourtant, dans un monde où nous vivons de plus en plus proches les uns des autres,
nous savons plus que jamais combien souvent ces droits sont bafoués. Le 50e
anniversaire est une occasion de faire le bilan de nos réalisations -- et elles
sont nombreuses -- mais c'est aussi l'occasion d'affirmer notre engagement pour la
deuxième étape. Maintenant que les normes ont pour la plupart été établies, il
nous faut nous attaquer à la tâche cruciale de leur mise en oeuvre.
La Commission des droits de l'homme a un rôle essentiel à jouer à cet égard. Son
mandat de surveillance des violations des droits de la personne est une composante
essentielle des mesures internationales de mise en oeuvre des engagements pris au
chapitre des droits de la personne. Les opérations menées par la Commission sur le
terrain ces dernières années et son implantation de bureaux extérieurs illustrent
très bien ce que veut dire en termes pratiques la transition à l'étape de la mise
en oeuvre. Nous reconnaissons que les ONG ont joué un rôle vital dans la promotion
de ce genre d'innovations à la Commission. Un des objectifs prioritaires du Canada
est d'assurer une participation et un accès maximum des ONG, tant au niveau de la
Commission qu'à la grandeur du système de l'ONU.
Nous vivons une époque trépidante dans les relations internationales, tout
particulièrement au chapitre de la promotion et de la protection des droits de la
personne à l'échelle internationale. Si nous voulons non pas seulement participer
au processus mais aussi être partie prenante aux décisions concernant l'ordre du
jour dans cette période de changement, nous devons nous associer de façon étroite
et efficace. Mes fonctionnaires et moi-même comptons beaucoup sur les échanges que
nous aurons avec vous au cours des deux prochains jours, alors que nous nous
préparons pour Genève et ce qui suivra. J'espère avoir l'occasion de m'entretenir
personnellement avec beaucoup d'entre vous au déjeuner aujourd'hui. Je sais que
votre programme est chargé et c'est pourquoi je vais conclure en vous souhaitant
des discussions fructueuses. J'attends avec impatience de connaître le résultat de
vos travaux.
Merci.
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