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M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION DE LA CONFÉRENCE DIPLOMATIQUESUR LA CRÉATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE - ROME, ITALIE

98/45 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

NOTES POUR UNE ALLOCUTION

DE

L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,

MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

À L'OCCASION DE LA CONFÉRENCE DIPLOMATIQUE

SUR LA CRÉATION D'UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE

ROME, Italie

Le 15 juin 1998

Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :

http://www.dfait-maeci.gc.ca

Nous sommes en ce moment au bord de l'invention. Il nous est donné la rare occasion de créer une nouvelle institution pour répondre à un besoin mondial. Nous n'avons qu'un geste à faire pour doter le monde d'une Cour criminelle internationale [CCI]. Je viens vous dire aujourd'hui pourquoi j'estime que nous devons saisir cette occasion avec espoir et détermination.

Pour commencer, je voudrais remercier tous ceux à qui nous devons d'en être arrivés là : le gouvernement italien, qui a accepté d'être l'hôte de cette conférence, et Adriaan Bos, qui a présidé avec tant de doigté nos rencontres préparatoires. C'est avec regret que j'ai appris la mauvaise santé de M. Bos. Je suis toutefois honoré que vous ayez choisi un Canadien pour mener notre entreprise à bon port. Je remercie aussi les Pays-Bas d'avoir offert d'accueillir la Cour à La Haye, une fois qu'elle aura été instituée.

En ces temps où la nature des conflits a profondément changé, comme en témoignent les événements tragiques des dernières années en Afrique centrale et dans l'ex-Yougoslavie, la création d'une Cour criminelle internationale répond à un besoin manifeste et aigu. Nous vivons dans un monde où la plupart des conflits sont des conflits civils qui font la grande majorité de leurs victimes dans les populations civiles. Les actes de guerre sont devenus encore plus insensés, et trop souvent les atrocités commises demeurent impunies. C'est pourquoi la priorité la plus urgente des relations internationales n'est plus aujourd'hui la sécurité des États, mais celle des individus. Pourtant, les institutions, les pratiques et les codes internationaux qui régissent le droit humanitaire datent d'une époque antérieure, où la situation était différente. Le moment est venu de nous doter de nouvelles institutions qui répondent à nos nouveaux besoins.

L'existence d'une Cour criminelle internationale, à la fois indépendante et efficace, découragera certaines des violations les plus graves du droit international humanitaire. Elle viendra donner une signification nouvelle et une portée universelle à la protection des populations vulnérables et innocentes. En isolant et stigmatisant ceux qui se rendent coupables de crimes de guerre et de génocide, en les mettant à l'écart de la société, la Cour nous permettra de sortir du cercle vicieux de l'impunité et de la justice vengeresse. Sans justice, il n'y a pas de réconciliation, et sans réconciliation, il ne saurait y avoir de paix durable.

Afin de parvenir à ce résultat, nous devons unir nos efforts, non seulement pour créer la Cour, mais pour assurer son utilité. Pour être utile, la Cour doit tout d'abord avoir juridiction inhérente sur les crimes de base que sont le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Nous ne devons pas instituer un régime qui permette à des États de bénéficier du prestige que confère la signature du Statut de la CCI, sans pour autant jamais accepter la compétence de la Cour à l'égard d'un crime donné.

Ensuite, la Cour doit entretenir avec les Nations unies des rapports constructifs, propres à préserver son indépendance et son impartialité. Le Conseil de sécurité a un rôle utile à jouer à cet égard, car en renvoyant à la Cour des affaires dont il est saisi, il contribuera à accroître son efficacité. Nous ne devons toutefois pas permettre que la Cour soit dans l'impossibilité d'agir simplement parce qu'une affaire est entre les mains du Conseil de sécurité.

Les travaux de la Cour devront être financés à partir du budget ordinaire de l'ONU, comme le sont les activités des organismes de surveillance des droits de l'homme. De cette façon, la CCI bénéficiera d'un large appui international, et aucune contrainte financière ne viendra dissuader les États parties de ratifier l'accord.

Par ailleurs, la Cour doit disposer d'un procureur indépendant et hautement professionnel. Le procureur doit pouvoir engager une procédure judiciaire de par sa simple fonction. Le mécanisme de recours à la CCI ne doit pas être déclenché uniquement lorsqu'il y a plainte d'un État ou renvoi d'une affaire par le Conseil de sécurité.

Enfin, et par-dessus tout, la Cour doit pouvoir s'attaquer aux vrais problèmes sur le terrain. Cela signifie qu'elle doit non seulement s'attacher à restaurer une paix fondée sur la réconciliation, mais aussi à rendre justice aux victimes du conflit, parmi lesquelles les femmes et les enfants sont sur-représentés.

La Cour doit être sensible aux difficultés vécues par les femmes en période de conflit armé et intégrer la problématique hommes-femmes dans le courant de ses fonctions. Cela signifie qu'il faut retrouver, dans le Statut aussi bien que dans le fonctionnement quotidien de la Cour, une optique où la femme a sa place. Le viol, l'esclavage sexuel et les autres formes de violence sexuelle doivent être reconnus dans le Statut comme des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Cela rendrait compte de la décision historique prise à la Conférence sur les femmes de Beijing.

Souvent, les enfants sont doublement victimes, en particulier dans les conflits intérieurs. Ils sont victimes comme civils et victimes comme enfants soldats. La Cour devrait avoir le mandat de poursuivre les individus qui enrôlent des enfants de moins de 15 ans dans l'armée ou dans des groupes armés ou qui les utilisent dans des hostilités d'une façon ou d'une autre.

Enfin, le mandat de la Cour pour ce qui est des crimes de guerre doit s'étendre non seulement aux conflits entre États, mais aussi aux conflits intérieurs. Notre siècle a été témoin d'une augmentation spectaculaire de la fréquence et de la brutalité des conflits armés internes, dont les effets se font de plus en plus sentir sur les civils. Ce serait de l'imprévoyance que de créer une Cour qui ne tiendrait pas compte de cette réalité.

Je demande à tous les États représentés ici aujourd'hui d'unir leurs efforts dans un esprit d'ouverture, de coopération et de flexibilité pour doter le monde d'une Cour qui lui soit utile. Les États n'ont pas à craindre d'ingérence de la CCI dans leurs affaires souveraines. Le principe de « complémentarité » garantit que la Cour n'exercera sa compétence qu'à l'égard des transgresseurs que les systèmes nationaux ne pourront ou ne voudront poursuivre. Cette compétence ne s'appliquera pas lorsque l'État lui-même fera enquête et poursuivra ceux qui se rendent coupables de crimes graves. En un sens, la Cour nous offrira une instance de dernier ressort -- un recours suprême pour faire en sorte que les auteurs de crimes odieux ne demeurent pas impunis.

Le Canada s'est donné beaucoup de mal pour que les négociations visant la création de la Cour soient aussi ouvertes et inclusives que possible. Il y accueille avec plaisir la participation du plus grand nombre possible de délégations, en particulier celles des pays les moins développés. Si nous voulons créer une CCI qui soit vraiment universelle, il est essentiel que toutes les voix se fassent entendre au cours de ces négociations. Voilà pourquoi le Canada a versé une contribution de 125 000 $ afin de permettre aux pays les moins développés de participer à toutes les étapes du processus.

Dans le même esprit d'ouverture, le Canada a fait pression pour que les organisations non gouvernementales [ONG] soient admises à la présente Conférence. La société civile a contribué de façon importante et constructive au cheminement qui nous amène ici aujourd'hui, ainsi qu'à la mobilisation d'appuis en faveur de la CCI. En reconnaissance de ce partenariat, le Canada a financé la participation à la Conférence de six représentants d'ONG. De plus, deux représentants d'ONG font partie de la délégation canadienne à titre de conseillers.

Tous les acteurs sont présents. La scène est en place, grâce à vos efforts et à ceux de bien d'autres durant la phase préparatoire. Pour réussir, il nous faut maintenant deux choses : une détermination lucide et la volonté politique d'agir. De la détermination pour nous en tenir aux principes fondamentaux et ne pas nous enliser dans les détails. De la volonté pour nous doter d'un nouvel ensemble d'outils et d'institutions qui répondent aux besoins de l'ère nouvelle.

La Cour criminelle internationale occupera la place d'honneur dans cet ensemble. La communauté internationale ne doit pas attendre une autre catastrophe pour créer un organisme permanent ayant mandat de riposter aux atrocités qui accompagnent si souvent les conflits armés. Notre siècle tire à sa fin. En créant la Cour, nous léguerions à nos successeurs une digne réalisation. Saisissons cette occasion de leur donner la paix en héritage, de donner à notre village planétaire un visage humain et compatissant.

Merci.


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Dernière mise à jour : 2006-10-30 Haut de la page
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