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M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION DE LA CONFÉRENCESUR LES DROITS UNIVERSELS ET LES VALEURS HUMAINES« UN PLAN POUR LA PAIX, LA JUSTICE ET LA LIBERTÉ » - EDMONTON (ALBERTA)

98/79 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

NOTES POUR UNE ALLOCUTION

DE

L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,

MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

À L'OCCASION DE LA CONFÉRENCE

SUR LES DROITS UNIVERSELS ET LES VALEURS HUMAINES

« UN PLAN POUR LA PAIX, LA JUSTICE ET LA LIBERTÉ »

EDMONTON (Alberta)

Le 27 novembre 1998

(16 h 15 HNE)

Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :

http://www.dfait-maeci.gc.ca

Les droits de la personne ont fait la manchette à maintes reprises dernièrement. Au cours de sa visite en Asie ce mois-ci, le premier ministre Chrétien a mis l'accent sur l'importance de ces droits dans notre politique étrangère et fait valoir les préoccupations du Canada face aux gouvernements répressifs. La visite au Canada, cette semaine, du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, est venue encore faire ressortir les défis que posent les droits de la personne à la communauté internationale. Il y a deux jours, la Chambre des lords britannique a refusé au général chilien Augusto Pinochet le privilège d'immunité au regard des procédures pénales dont il pourrait être saisi pour motifs de graves violations des droits de l'homme. C'est une décision qui fait date. Elle nous permet de franchir une étape importante dans la lutte contre l'impunité et d'imprimer une nouvelle impulsion en vue de la création d'une Cour criminelle internationale.

Voilà pourquoi la conférence d'aujourd'hui vient à point nommé. Elle nous donne l'occasion d'envisager ces faits nouveaux dans la perspective de l'évolution des droits de la personne dans le monde au cours des cinquante dernières années, depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Le monde n'est plus ce qu'il était il y a 50, 25 ou même 10 ans. Au cours des 10 dernières années, des bouleversements à l'échelle mondiale ont balayé l'atmosphère confinée de la guerre froide et nous ont placés sur la voie nouvelle, changeante et encore incertaine qui nous conduira au XXIe siècle.

La nature des guerres a changé. De plus en plus, ce sont les civils, surtout les plus vulnérables, qui sont les principales cibles et victimes des conflits violents. Bon nombre des défis auxquels nous sommes confrontés -- la protection des enfants, la prolifération des armements et les drogues illicites -- sont de nature transnationale. Ces problèmes ne connaissent pas de frontières et, pourtant, ils ont des conséquences directes sur notre vie de tous les jours. Dans cet univers branché, où la communication est instantanée et l'économie, mondiale, nos vies sont plus que jamais interreliées.

Nous continuons de tâtonner à la recherche de méthodes pour faire face à ces changements. Toutefois, une chose est certaine : ces nouvelles réalités placent l'individu et sa sécurité au coeur même de nos préoccupations. Par voie de conséquence, la promotion d'objectifs humanitaires -- qu'il s'agisse de mieux protéger les personnes contre les abus, de réduire les dangers physiques ou d'améliorer la qualité de la vie -- et le développement d'instruments qui permettront d'atteindre ces objectifs impriment aujourd'hui un nouvel élan en vue d'une action mondiale concertée.

C'est dans cet esprit que le Canada a reformulé et réorienté ses priorités en matière de politique étrangère. De plus en plus, nous nous intéressons aux problèmes qui touchent directement l'individu et nos relations internationales sont davantage axées sur la sécurité humaine.

En cette année jalonnée d'événements marquants pour les droits de la personne, il convient de souligner le rôle que jouent ces droits dans le programme de la sécurité humaine et la façon dont les droits de la personne peuvent le faire avancer.

En fait, la protection des êtres humains et la sauvegarde de leur dignité sont à la base de la sécurité humaine, et aussi de notre politique évolutive en matière de sécurité humaine.

Notre feuille de route dans le domaine des droits de la personne est impressionnante. Depuis que le Canadien John Humphrey a rédigé la première ébauche de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, notre pays a joué un rôle de premier plan pour l'avancement, la défense et l'expansion des droits de la personne, tant aux Nations Unies qu'ailleurs sur la scène internationale.

En premier lieu, nous avons déployé des efforts considérables pour renforcer le système de défense des droits de la personne, notamment par la création du poste de haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et par le soutien accordé aux organes de droits de l'homme créés en vertu de traités. Au sein des Nations Unies, nous avons proposé et fait en sorte que soient établis des rapporteurs spéciaux chargés de problèmes précis, comme les entraves à la liberté d'opinion et d'expression, et la violence envers les femmes. Nous avons préconisé la prise en compte des droits des femmes en tant qu'élément majeur du programme mondial en matière de droits de la personne. Enfin, nous avons suscité un consensus international sur une convention contraignante visant à protéger les défenseurs des droits de la personne.

Certes, ces réalisations sont le fruit d'un partenariat. Cependant, il y a tout lieu d'être fier de la contribution du Canada, qui a donné forme et vie aux grands principes de la Déclaration universelle. Ces principes témoignent d'un penchant pour la tolérance, la démocratie et le respect d'autrui -- traits de caractère importants chez les Canadiens. Ils traduisent aussi notre foi en des valeurs et des normes communes, tout comme le sentiment d'appartenir à une seule et même collectivité.

La Déclaration universelle a servi de modèle à un réseau en pleine expansion de normes et de mécanismes favorisant le respect des droits de la personne dans le monde. L'affirmation de la souveraineté étatique, qui a si longtemps servi à dissimuler les violations des droits de la personne, perd de sa force et de sa crédibilité. Depuis peu, certains États sont plus disposés à laisser la communauté internationale examiner leur bilan en matière de droits de la personne. Les organisations internationales trouvent désormais le courage de mener des enquêtes, notamment en dépêchant des observateurs et des rapporteurs spéciaux, et en établissant sur place des bureaux de surveillance des droits de la personne.

Il est incontestable que les choses ont progressé depuis l'adoption de la Déclaration universelle. Et tout porte à croire que cette tendance se poursuivra. Cependant, notre manière d'envisager les droits de la personne doit évoluer. Les changements qui surviennent autour de nous doivent se refléter dans nos activités. Comme le faisait observer récemment le premier ministre Chrétien, partout, le respect des droits de la personne est une condition de plus en plus essentielle à la stabilité, à la sécurité et à la bonne gestion des affaires publiques, dont dépend notre mieux-être.

C'est pourquoi nous devons nous efforcer d'élargir la portée des initiatives qui touchent aux droits de la personne. Autrement dit, il faut soutenir les efforts en cours aux Nations Unies, tout en déployant de nouveaux moyens à l'échelle régionale et bilatérale. Il faut intégrer les droits de la personne à tous les aspects de nos activités dans le monde. Il faut étendre les partenariats avec la société civile et en conclure de nouveaux. Finalement, il faut concevoir des outils innovateurs propres à faire avancer nos objectifs dans ce domaine.

Cette année, le Canada est membre du bureau de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. À ce titre, il collabore avec le haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Il s'assure que les mécanismes qui garantissent le respect des droits de la personne sont suffisamment solides pour remplir le rôle que nous leur avons assigné. Cette semaine, le Canada a annoncé le versement d'une contribution de 500 000 dollars pour épauler le haut commissariat en Colombie, où il s'emploie à instaurer une paix durable en favorisant un plus grand respect des droits de la personne. Nous maintiendrons un engagement actif au sein des Nations Unies pour que les décisions qui touchent aux droits de la personne soient mises en œuvre efficacement.

Nous devons également nous fixer des objectifs régionaux. Dans les Amériques, notamment, nous faisons en sorte que les droits de la personne et la démocratie servent de pivot aux travaux du Sommet des Amériques et à ceux de l'OAS [Organisation des États américains]. Lors du Sommet de l'APEC à Kuala Lumpur, nous avons proposé d'inclure une dimension humaine dans nos délibérations. Nous poursuivrons nos efforts en ce sens. Pour ce qui est du Commonwealth, nous travaillons à faire progresser la démocratie au Nigéria et en Sierra Leone, de concert avec d'autres membres du GAMC [Groupe d'action ministériel du Commonwealth].

Nous avons étendu nos activités au niveau bilatéral également. Nous avons repensé notre approche auprès d'un certain nombre de pays, la réorientant vers l'élaboration d'initiatives au profit de la société civile, la mise en place d'institutions démocratiques et l'ouverture d'un dialogue sérieux sur les droits de la personne. C'est là l'objectif qui sous-tend la création de mécanismes bilatéraux dans le domaine des droits de la personne avec des pays comme la Chine, Cuba et l'Indonésie.

De tels accords permettent un engagement constructif dans le dossier des droits de la personne. Ils donnent l'occasion d'investir dans la création de groupes et d'institutions de défense des droits de la personne dans ces pays. Par exemple, avec la Chine, nous avons mis sur pied une Commission mixte des droits de la personne, qui s'est réunie récemment à Winnipeg et à Whitehorse pour un large échange de vues. Nous avons aussi organisé des symposiums multilatéraux sur les droits de la personne, auxquels ont participé des organismes indépendants de défense des droits de la personne de cette région. De plus, nous travaillons actuellement à des projets consacrés à la réforme de l'appareil juridique ainsi qu'aux droits économiques, sociaux et culturels.

Comme nous élargissons la portée géographique de nos initiatives en matière de droits de la personne, nous devons aussi nous donner les moyens de les mener à bien -- en intégrant les questions relatives aux droits de la personne à d'autres domaines de la politique étrangère, notamment la paix et la sécurité, le désarmement, le développement et le commerce.

Le respect des droits de la personne est une condition importante pour l'instauration de la sécurité et d'une paix durable. En janvier, le Canada siégera au Conseil de sécurité. Cette semaine, j'ai examiné avec le haut commissaire Robinson des moyens d'amener le Conseil à se préoccuper davantage de l'aspect humain dans l'exercice de son mandat en faveur de la paix et de la sécurité. Les inquiétudes relatives aux droits de la personne et aux questions humanitaires, devraient être mieux intégrées dans ses activités -- en portant, par exemple, une plus grande attention aux répercussions des conflits sur les populations civiles.

Ailleurs, nous nous appuyons sur notre traditionnel engagement en faveur du maintien de la paix pour faire des droits de la personne et de l'aide humanitaire des composantes des opérations de paix. La Mission de vérification de l'OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] au Kosovo, à laquelle doivent participer conjointement des militaires, des éléments de la police civile et des observateurs ayant pour fonction de veiller au respect des droits de l'homme, n'en est que le plus récent exemple.

Le traité d'interdiction des mines antipersonnel établit une nouvelle norme pour les efforts mondiaux dans le domaine du désarmement. La crainte de l'effet dévastateur de ces armes sur la sécurité humaine a été le principal moteur de l'action internationale. Pour la première fois, des préoccupations touchant le contrôle des armements s'alliaient à des éléments de droit humanitaire et de défense des droits de la personne.

Le Canada considère l'aide au développement international sous l'angle des droits de la personne. Notre aide au développement offre aux gouvernements qui respectent la primauté du droit et les droits de la personne un vaste éventail de programmes -- 62 millions de dollars répartis entre 460 projets l'an dernier -- propres à appuyer les objectifs en matière de droits de la personne et de développement démocratique -- l'apparition de sociétés coopératives et pluralistes --, de même que des activités qui favorisent les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les droits civils et politiques.

Le secteur peut-être le plus litigieux quant à l'intégration des droits de la personne est la relation entre le commerce et ces derniers. Il ne s'agit pas d'un choix catégorique entre la promotion du commerce et le respect des droits de la personne. L'une n'exclut pas l'autre; bien au contraire, les deux se renforcent mutuellement. La meilleure garantie de voir s'instaurer un développement économique durable qui soit profitable pour tous consiste à promouvoir la saine gestion publique, la démocratie et les droits de la personne. Juste retour des choses, la prospérité permet d'accroître les chances de parvenir à une stabilité des sociétés qui permette l'épanouissement des droits de la personne. Nous voyons à l'exemple tragique de la crise asiatique ce qui peut arriver lorsque cette équation vient à être déséquilibrée.

Il y a près de trois ans, en m'adressant pour la première fois aux ONG [organisations non gouvernementales] réunies à l'occasion de nos consultations annuelles, j'avais souligné la nécessité d'intégrer la dimension humaine aux questions commerciales et financières. Aujourd'hui, cette intégration reste nécessaire, mais nous avons fait des progrès. Nous nous sommes employés à établir des règles qui renforcent les liens entre le commerce et le respect des droits de la personne. À l'OIT [Organisation internationale du travail], le Canada a travaillé activement pour que soit adoptée la Déclaration sur les principes et les droits fondamentaux au travail. Nous soutenons également les efforts de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] pour étudier des codes d'entreprises afin que ces dernières aient un comportement éthique lorsqu'elles traitent des affaires à l'étranger, tout en collaborant avec les entreprises canadiennes pour faciliter l'élaboration de codes de conduite volontaires.

J'ai déjà évoqué les efforts que nous avons consentis au sein de l'APEC pour nous intéresser à la dimension humaine de la crise et pour faire en sorte que la mondialisation marche mieux. Qu'il s'agisse de crises financières ou de libéralisation du commerce, leur impact sur l'être humain ne saurait être négligé. Pas plus tard que cette semaine, je me suis entretenu avec les directeurs canadiens des IFI [institutions financières internationales] sur les moyens à prendre pour faire de la saine gestion publique et de la démocratie des critères plus importants à considérer dans leur prise de décisions en matière d'octroi de prêts. Nous devons faire mieux et intégrer plus activement les préoccupations humaines dans les délibérations des instances internationales s'intéressant au commerce et à l'investissement. Cela n'a rien d'utopique c'est, bien au contraire, faire tout simplement preuve du sens des affaires.

Les droits de la personne débordent de leur cadre traditionnel. À mesure que nous intégrons les questions de droits de la personne aux autres secteurs d'activités internationales, nous devons également élargir nos horizons en matière de coopération.

Les acteurs sur la scène internationale augmentent. Les États partagent maintenant la scène avec un nombre croissant d'organisations non gouvernementales, d'associations de gens d'affaire et de particuliers. Tous peuvent jouer un rôle positif, en apportant des ressources, de l'expérience ou des outils nouveaux. Il faut des partenariats nouveaux et créatifs avec la société civile pour faire progresser les objectifs en matière de sécurité humaine, y compris le programme international des droits de l'homme.

Quelques exemples viennent à l'esprit. Dans les régions où il n'existe aucune infrastructure intergouvernementale dans le domaine des droits de la personne l'Asie, par exemple , des réseaux régionaux de défenseurs de ces droits peuvent créer un espace de discussion à cet égard. Sous des régimes isolationnistes, où les violations des droits de la personne pourraient autrement passer inaperçues la Birmanie, par exemple, ou bien le Nigéria sous l'ancien régime , ce sont les ONG qui oeuvrent dans le domaine des droits de la personne qui transmettent les informations à la communauté internationale et insistent sur la nécessité d'agir. Et, à Cuba, nous nous employons à faire en sorte que les ONG locales aient davantage la possibilité de faire avancer les objectifs du domaine des droits de la personne.

Dans de nombreux cas, les voies officielles sont encore le meilleur moyen d'aborder les préoccupations concernant les droits de la personne et de faire pression pour que ces thèmes soient inscrits à l'ordre du jour international. Cependant, dans d'autres circonstances, les ONG sont mieux placées que les gouvernements pour ouvrir la voie et créer des capacités locales en faveur des droits de la personne.

L'expérience acquise nous a permis de tirer de précieux enseignements pour la création ultérieure de partenariats efficaces. L'un des plus importants de ces enseignements est qu'il faut faire participer de près les principaux intéressés. Les voix qui en ont imposé le plus pendant la campagne pour l'interdiction des mines ont été celles des survivants de ce fléau. Les plaidoyers les plus puissants contre le travail des enfants sont ceux des enfants qui en ont fait la douloureuse expérience.

C'est pour cette raison que le Canada est résolu à travailler au renforcement des capacités dans le domaine des droits de la personne; il veut que les personnes vulnérables et privées de leurs droits puissent prendre leur destinée en main et se faire entendre. En Indonésie, par exemple, grâce à la Commission canadienne des droits de la personne, nous avons favorisé le développement d'une institution indépendante pour la défense des droits de l'homme.

Mais il nous faut aussi renforcer les capacités au Canada même, ce que nous faisons par la voie du programme de stages pour les jeunes et de CANADEM, notre force en attente, composée d'experts des droits de la personne et prête à être déployée où que ce soit dans le monde.

Les droits fondamentaux des populations des pays qui sortent d'un conflit ou de ceux où risque d'en éclater un sont particulièrement menacés. C'est pourquoi nous avons lancé en 1996 l'Initiative canadienne de consolidation de la paix. Cette initiative a permis de soutenir plus de 40 projets menés dans des endroits aussi divers que l'Amérique centrale, la région des Grands Lacs africains et l'Asie de l'Est, le but étant de reconstruire institutions et sociétés pour permettre aux pays de régler un conflit avant que n'apparaissent la violence et les violations des droits de la personne.

De nouveaux instruments mondiaux qui élargissent la portée du droit pénal international permettront également de faire avancer le droit international humanitaire et la législation en matière de droits de la personne. Le sens des responsabilités est une mesure de la sécurité humaine.

La situation du général Pinochet a ravivé l'attention portée au problème de l'impunité au regard de graves violations du droit international humanitaire. L'impunité empêche la réconciliation, condition préalable à une paix durable. Tôt ou tard, les dossiers non résolus referont surface. De plus, l'espoir d'impunité encourage les transgresseurs. L'impunité est le talon d'Achille pour ce qui est des efforts visant à promouvoir les droits de l'homme. La décision de la Chambre des lords met en lumière la dimension internationale du défi qu'elle pose aussi bien que notre responsabilité collective de chercher à apporter une solution au problème.

C'est précisément dans cet esprit que le Canada travaille à la création d'une Cour criminelle internationale. Le temps est venu de nous doter d'une institution permanente pour dissuader les auteurs de certaines des violations les plus extrêmes du droit humanitaire. La Cour aidera à assurer le respect des normes fondamentales minimales pour l'humanité, et elle constituera un outil efficace pour faire rendre des comptes à ceux qui commettent des abus. La décision Pinochet réaffirme la nécessité de doter le monde d'une cour internationale, de manière à disposer d'un cadre juridique pour la collaboration avec les systèmes judiciaires nationaux.

Nous reconnaissons la nécessité de réévaluer et d'adapter constamment nos approches. À cette fin, j'ai annoncé un examen de notre stratégie des droits de la personne en décembre dernier. L'objectif n'était pas d'établir un autre rapport, mais bien d'engager un dialogue soutenu, notamment avec la communauté des ONG, afin de maintenir un processus ouvert nous permettant de reformuler et d'affiner nos approches quant aux droits de la personne. Voilà qui m'amène à évoquer les domaines qui réclament, à notre avis, plus d'attention et de détermination :

1) Les droits des enfants. Dans un monde incertain, ce sont les plus vulnérables, en particulier les enfants, qui sont les plus menacés et qui paient le tribut le plus lourd. Il faut donc leur porter une plus grande attention. Trois questions sont particulièrement inquiétantes : l'exploitation sexuelle, le travail des enfants et les enfants touchés par la guerre. Nous travaillons en vue de la conclusion d'un Protocole à la Convention relative aux droits de l'enfant qui portera sur l'exploitation sexuelle, tout en nous efforçant d'améliorer l'application de nos propres lois en la matière. S'agissant du travail des enfants, des efforts sont déployés actuellement à l'OIT afin d'établir une nouvelle convention qui éliminerait les formes les plus extrêmes de ce problème. Parallèlement, nous poursuivrons les initiatives visant à faire participer plus activement le secteur privé à l'élaboration de codes de conduite. Notre approche du problème des enfants victimes de la guerre comporte plusieurs volets, l'accent étant mis toutefois sur les questions relatives aux enfants soldats. Par ailleurs, dans tous les domaines, des projets de consolidation de la paix et de développement sont menés actuellement pour répondre aux besoins des enfants victimes de ces abus et traumatisés par ceux-ci.

2) La liberté religieuse. Face aux pressions d'un univers en transition, certains se réfugient dans des valeurs traditionnelles, parfois extrêmes, qu'ils utilisent pour affirmer leur identité. La liberté du culte semble particulièrement vulnérable dans de telles situations. Aucune confession n'est à l'abri de cette tendance. Nous devons contrer l'intolérance religieuse quel que soit le pays où elle se manifeste, pour ne citer que quelques exemples récents : l'Indonésie, la Russie, l'Inde ou l'Iran.

Nous travaillons pour faire avancer ce dossier sur plusieurs fronts. Celui-ci sera l'un des sujets prioritaires que nous aborderons dans nos consultations avec les ONG, en février prochain, en préparation de la session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Au cours des prochains moins, le Centre canadien pour le développement de la politique étrangère fournira un soutien pour la tenue d'un certain nombre de tables rondes auxquelles participera la société civile pour examiner différents aspects des sujets considérés. Dans le cadre du suivi de la déclaration interconfessionnelle d'Oslo, nous examinons au niveau du gouvernement aussi bien que de la société civile les possibilités de conclure un partenariat en matière de liberté religieuse avec la Norvège. Mentionnons, enfin, que le sujet est débattu dans le cadre du programme de nos dialogues bilatéraux avec la Chine, l'Indonésie et Cuba. Nous nous employons à favoriser le dialogue entre des groupes de société civile chinoise et canadienne. À Cuba, les progrès de l'Église catholique notamment la récente autorisation de recruter 40 travailleurs religieux étrangers résulte en grande partie de l'importance accordée par le Canada à cette question.

3) La liberté de la presse. La presse est toujours menacée, soit qu'on l'utilise pour semer la haine et la discorde, soit qu'on tente de la bâillonner. Il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour trouver des exemples. En effet, la semaine dernière en Colombie-Britannique, la rédactrice en chef d'un journal, Tara Singh Hayer, ardente promotrice de la liberté de la presse, a été assassinée ici même, au Canada. Nous devons continuer d'être vigilants et d'exposer les violations, tout en agissant pour défendre le principe de l'indépendance des médias et garantir la sécurité des personnes en danger. C'est précisément dans ce but que les Nations Unies ont créé le poste de rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression. Il faut greffer à ces efforts une aide concrète pour favoriser la liberté et l'indépendance des médias. C'est pourquoi nous avons appuyé des projets dans le cadre de l'Initiative canadienne de consolidation de la paix en Bosnie, en Afrique du Sud et, récemment, en marge de l'APEC, mécanisme au sein duquel nous appuyons la mise en place en Asie-Pacifique d'un réseau de journalistes pour défendre et promouvoir la liberté de la presse dans la région.

S'il est vrai que le « médium est le message », il faut assurer la diversité des médias. Or, dans un univers où l'interconnexion gagne sans cesse du terrain, le nombre de propriétaires d'organes de presse va en diminuant. Nous devons donc veiller à ce que la diversité de l'information, des opinions et des points de vue, c'est-à-dire des messages, ne diminue pas pour autant.

4) Les défis des nouvelles technologies de l'information. Si l'autoroute de l'information peut véhiculer ce qu'il y a de mieux, on y trouve aussi le pire. Internet diffuse des propos haineux, de la pornographie juvénile et de la prostitution enfantine. Il faut l'en débarrasser. Le but n'est pas de contrôler Internet comme tel, mais de cibler ceux qui s'y livrent à des activités criminelles et illicites susceptibles de blesser ou de causer du tort.

Il y a quelques mois, Phil Fontaine, chef de l'Assemblée des Premières Nations du Canada, m'a fait cadeau d'un bâton d'orateur. Produit d'une technologie millénaire, ce merveilleux objet est censé conférer courage, honnêteté et sagesse aux propos de celui qui le possède. Nous devons poursuivre nos efforts pour que la cybernétique et Internet, équivalents modernes du bâton d'orateur, servent à défendre l'intérêt commun et les droits de la personne, tout en faisant échec à quiconque s'est donné comme mission de fomenter la haine, le crime et l'exploitation. Le site Web sur les droits de la personne créé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et notre nouveau rapport intitulé Le système des droits humains à l'ONU : bilan 1997, établi avec Internet des droits humains, contribuent à ces efforts.

Depuis 50, le Canada demeure ferme et constant dans sa détermination à défendre les droits de la personne aux quatre coins du globe. Nos nombreuses réalisations à cet égard nous ont permis de doter notre politique étrangère d'une dimension de sécurité humaine. La politique du Canada en matière de droits de la personne est l'un des moteurs indispensables du programme d'action en matière de sécurité humaine. Nous devons maintenant actualiser notre politique pour ne pas nous laisser dépasser par les événements et tirer le meilleur parti possible du contexte mondial en évolution. J'ai donné un aperçu de certains des défis naissants et des moyens que nous mettons en oeuvre pour les relever.

Le Canada a un rôle spécial à jouer. Nos antécédents nous permettent de compter sur les effets multiplicateurs du pouvoir discret -- c'est-à-dire d'infléchir les événements en lançant des idées intéressantes et de faire appel aux valeurs communes et aux partenariats -- pour promouvoir le respect des droits de la personne partout dans le monde.

« Ce sera là une grande aventure. » Telles sont les paroles qu'on a adressées à John Humphrey pour le convaincre de travailler sur les droits de la personne à l'ONU. Le 50e anniversaire de ce document inspiré est une bonne occasion de réfléchir sur les réalisations, sur les luttes et sur les enseignements tirés de l'avancement des droits de la personne. Et sur la façon de continuer la « grande aventure ».

Merci.


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Dernière mise à jour : 2006-10-30 Haut de la page
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