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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Jocelyn Coulon
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Jocelyn Coulon discute l'implication historique du Canada dans les domaines du désarmement, le contrôle des armes et la non-prolifération, le statut de la non-prolifération dans le monde et les risques reliés au terrorisme.

 

Jocelyn Coulon est le directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, un groupe de recherche situé à l’intérieur de l’Université de Montréal et affilié à son Centre d’études et de recherches internationales (CÉRIUM).

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Entrevue vidéo

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

 Introduction2 min 49 secWindows Media l QuickTime

 

 L'implication historique du Canada

 

5 min 32 sec

 

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 La différence entre les mines anti-personnel et les armes légères

 

4 min 00 sec

 

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 Où en sommes-nous avec la non-prolifération nucléaire ?

 

3 min 18 sec

 

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 Les mythes entourant la possession d'armes nucléaires par des groupes terroristes

 

4 min 49 sec

 

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(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTime Windows Media)

Transcription:

 

Introduction

 

Je suis Jocelyn Coulon, le directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix qui est un groupe de recherche situé à l’intérieur de l’Université de Montréal et affilié à son Centre d’études et de recherches internationales, le CÉRIUM, qu’il a créé il y a deux ans. Ce CÉRIUM, donc ce centre de recherche-là, rassemble aussi 13 autres unités d’études et de recherches sur les questions internationales. Donc, le réseau que je dirige n’est qu’une des entités du CÉRIUM.

 

Au jour le jour, qu’est-ce que ça veut dire? Le réseau tente de rassembler les chercheurs, les praticiens, les diplomates, les journalistes et autres spécialistes des opérations de paix qui travaillent en français sur ces questions-là parce qu’on s’est rendu compte que le monde anglo-saxon était assez bien organisé, mais que dans le monde francophone, il se fait des choses sur les opérations de paix, mais qu’il manquait un lieu où tous ces gens peuvent se réunir, discuter et échanger. Et une des façons qu’on a trouvée pour permettre ces rencontres, discussions et échanges, c’est de créer le réseau bien entendu, mais de lui donner une figure vivante qui est la mise en ligne d’un site Internet; site Internet qui diffuse de l’information quotidienne sur toutes les opérations de maintien de la paix dans le monde que ces opérations-là soient de l’ONU, de l’OTAN ou de toutes autres organisations. Donc, ça c’est pour vous situer un peu mes fonctions.

 

Bien entendu, je suis aussi commentateur de politique internationale pour le quotidien La Presse et pour les médias électroniques, que ce soit Radio-Canada ou d’autres médias. Si je suis ici aujourd’hui, c’est pour parler bien sûr du désarmement et de la non-prolifération. Ce ne sont pas des champs de spécialisation pour moi, mais comme je suis impliqué, depuis je dirais 1984 dans l’observation, l’écriture et l’explication des questions de paix et sécurité, c’est évident que depuis plus de 20 ans, j’ai couvert ces aspects particuliers de la politique étrangère canadienne, mais de la politique mondiale aussi.

 

L’implication historique du Canada

 

La question du désarmement, contrôle des armements et non-prolifération est une question qui préoccupe la diplomatie canadienne depuis la Seconde Guerre mondiale et je pense que le livre fondamental là-dessus a été écrit par Michel Fortmann et Albert Legault qui ont ciblé leur étude sur les années essentielles, les grandes années du désarmement et du contrôle des armements, c’est-à-dire de 1950 à 1960 ou jusqu’au milieu des années 70. Donc, ils ont fait une étude fondamentale là-dessus et ils ont constaté que le Canada avait toujours été préoccupé par ces questions-là.

 

Pourquoi? Parce qu’on était dans une période de l’histoire, la guerre froide, où vraiment les deux camps, l’Est et l’Ouest, se regardaient en « chiens de faïence », parfois même s’affrontaient à un point où nous étions sur le bord de la catastrophe nucléaire. On l’a vu d’ailleurs avec la crise des missiles à Cuba en 1960. Donc, le Canada a toujours voulu ralentir cette course aux armements, atténuer la prolifération des armes de destruction massive et en particulier le nucléaire, mais pas uniquement le nucléaire, le chimique, le bactériologique aussi. Et tout au long de ces 40 ou 50 dernières années, cela a été la préoccupation essentielle de la politique étrangère canadienne, en dehors bien sûr de nos relations avec les États-Unis parce que c’est notre grande action sur la scène internationale. Donc, le Canada a participé à la Conférence sur le désarmement à Genève, a soumis les propositions dans le cadre du désarmement, de la limitation des armes nucléaires, chimiques et bactériologiques.

 

Le Canada s’est aussi associé à ce que l’on appelle le non-armement de l’espace – on a d’autres expressions françaises pour cela – mais au moins s’assurer que dans l’espace, on ne lance pas et ne mette pas en orbite des armes qui pourraient menacer la sécurité d’abord de nos systèmes de communication, mais en plus la sécurité internationale. Parce que si l’on place des armes nucléaires ou autres dans l’espace, et bien ça peut avoir des conséquences tragiques pour la planète.

 

Alors on peut dire que depuis 1945, mais surtout depuis les années 50 et 60, le Canada a fait des propositions, a joué un rôle essentiel et a toujours accompagné ces processus de contrôle des armements, non-prolifération et  désarmement.

 

Là où le Canada s’est illustré le plus, c’est évidemment dans des initiatives disons plus personnelles et on prend ici l’exemple de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel. Là vraiment, le Canada a joué un rôle de leadership premier pour deux raisons essentielles.

 

 D’abord, le Canada s’est rendu compte que les négociations au sein de la Conférence sur le désarmement à Genève ne menaient nulle part sur cet aspect particulier du désarmement et qu’il était donc nécessaire de sortir du cadre des Nations Unies ou du cadre très balisé de la Conférence sur le désarmement pour tenter de relancer cet aspect-là du débat, c’est-à-dire l’élimination des mines antipersonnel. Ça s’est fait par la diplomatie personnelle de Lloyd Axworthy, mais aussi du gouvernement canadien qui a joint sa voix à d’autres pays et aussi à des ONG qui étaient très impliqués dans la lutte contre les mines antipersonnel. Et cela a débouché en 1997 par la signature de la Convention sur les armes antipersonnel. Donc, cela a été une belle victoire de la diplomatie canadienne. Et on croit, et on espère, que tous les signataires et tous ceux qui ont ratifié ensuite la Convention vont la respecter, c’est-à-dire éliminer complètement les mines antipersonnel mais aussi ne plus en fabriquer et ne plus en commercialiser. Bon, il reste encore des grands États qui n’ont pas adhéré à la Convention, mais c’est un premier pas significatif.

 

La différence entre les mines antipersonnel et les armes légères

 

La difficulté ici, c’est que les mines antipersonnel ne se promènent pas comme ça dans les villes ou dans la nature pour, je ne sais pas moi, lancer des mines antipersonnel et en installer sur les routes etc. Les mines antipersonnel sont souvent déployées par des corps reconnus, des armées, des militaires, des guérilleros, qui ont décidé de les installer à des points essentiels pour leur défense.

 

En ce qui concerne les armes légères et les armes de poing, c’est plus compliqué parce que les armes légères ou de poing sont légales, en tout cas jusqu’à ce qu’on les déclare illégales. Et elles sont légales parce qu’elles sont utiles pour la défense des États et souvent pour la sécurité intérieure : la police doit détenir un certain nombre d’armes de poing ou légères pour pouvoir maintenir l’ordre et la paix sur le territoire, les armées doivent avoir des armes légères pour pouvoir défendre la souveraineté de leurs États. Donc, on ne pourra jamais, à mon avis, se rendre vers une interdiction totale des armes légères.

 

Ce qu’il faut essayer de faire, c’est d’empêcher leur prolifération à n’importe quels groupes illégaux qui donc n’ont pas le monopole légal de la violence – puisque la communauté internationale reconnaît qu’il y a des États et des groupes à l’intérieur d’un État qui ont le monopole légitime de la violence et d’autres qui ne l’ont pas. Et là est la toute première difficulté. La deuxième difficulté, c’est que des groupes illégaux s’emparent d’armes de poing ou d’armes légères et en font un trafic à l’échelle d’un continent entier.

 

On n’a qu’à penser ici à l’Afrique, mais il n’y a pas seulement l’Afrique, mais enfin, les frontières en Afrique sont certainement plus poreuses que dans bien d’autres régions à travers le monde. Et là, on a de grandes difficultés : comment empêcher ces groupes de se procurer ces armes légères-là? Comment s’assurer que les armes ne circulent pas facilement d’un pays à un autre et comment contrôler cette circulation? Est-ce que c’est par un système de marquage, d’enregistrement des armes? Puis ensuite, est-ce que l’on pourrait récupérer ces armes facilement et les détruire pour essayer d’en limiter le nombre? Ça reste encore difficile. Et j’ai l’impression que toutes les campagnes et toutes les mesures qui ont été prises en Afrique depuis, je dirais une dizaine d’années, ont donné quelques résultats mais les résultats sont quand même limités.

 

Après tout, dans le cas des armes légères, la meilleure façon de lutter contre leur prolifération serait d’abord de lutter contre les causes profondes des conflits. À partir du moment où vous réglez les conflits, vous réglez certainement une partie de la prolifération de ces armes légères.
 
Où en sommes-nous avec la non-prolifération nucléaire?


Je pense que d’un point de vue philosophique, les grandes puissances devraient montrer le chemin du désarmement et de la non-prolifération. Or, à quoi assistons-nous depuis une dizaine d’années? D’abord, à l’amélioration des capacités nucléaires et conventionnelles des grandes puissances.

 

C’est vrai que sur le côté nucléaire, il y a une diminution du nombre d’armes. On a parlé tout à l’heure que le nombre d’ogives serait passé de 70 000 à 25 000; c’est un pas. Mais tout le monde reconnaîtra que d’avoir 25 000 ogives c’est déjà énorme. Et ce qui est le plus troublant, c’est que maintenant les grands États améliorent et perfectionnent les ogives nucléaires pour qu’elles soient de plus en plus précises ce qui veut dire qu’on est encore loin du désarmement nucléaire à proprement dit. Et en plus, ça envoie un message à ceux qui ont signé le Traité de non-prolifération nucléaire ou à ceux qui sont à l’extérieur du Traité que les grandes puissances se réservent le droit non seulement de raffiner et d’améliorer leurs stocks d’armes nucléaires, mais peut-être même d’utiliser les armes nucléaires. Parce que plus on raffine et plus on améliore les ogives et les vecteurs qui les transportent, par exemple les missiles et les avions, plus on se donne la capacité, la flexibilité d’utiliser ces armes-là lors de conflits ce qui n’était pas le cas il y a 30 ou 40 ans, où alors l’arme nucléaire était utilisée en dernier recours pour terroriser et détruire des populations entières. Mais avec les raffinements technologiques, cette fois-ci, l’arme nucléaire risque d’être une arme du champ de bataille et là ça devient dangereux. Ça c’est pour le nucléaire.

 

Sur le côté conventionnel, on s’aperçoit que les budgets militaires sont en hausse, en tout cas du côté américain, ils sont en hausse, peut être pas en proportion du produit national brut, mais lorsque l’on regarde les chiffres, on voit bien que les États-Unis, mais aussi d’autres États, dépensent de plus en plus pour leur appareil militaire et sont redevenus des commerçants actifs de la vente d’armes. Et là, encore une fois, le message est envoyé que le désarmement c’est pour les autres et l’armement c’est pour les grandes puissances pour maintenir leur pouvoir sur la société internationale; et ça, c’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas une prise de conscience là-dessus.

 

Les mythes entourant la possession d’armes nucléaires par des groupes terroristes
 

Toute l’attention est monopolisée par la prolifération de ce que l’on appelle les armes de destruction massive mais surtout par la prolifération nucléaire parce que la possession d’une arme nucléaire a des répercussions énormes. Les bombes conventionnelles peuvent tuer un certain nombre de personnes, mais ça n’a aucune commune mesure avec une arme nucléaire. Donc, les grands États sont préoccupés par la prolifération des armes nucléaires auprès d’États qu’ils considèrent comme voyous, ou d’États défaillants, ou même de groupes terroristes. Alors là, il faut faire les distinctions : les armes nucléaires ne sont pas transférables facilement. On n’acquiert pas le potentiel de créer des armes nucléaires du jour au lendemain.

 

Je pense que l’expérience iraquienne a bien montré que, malgré les milliards de dollars investis par Saddam Hussein, en 1991, lorsque les inspecteurs de l’UNSCOM sont arrivés sur place, oui, ils ont découvert de multiples filières de production d’armes nucléaires dont aucune n’avait donné de résultats probants. Peut-être que l’Iraq en continuant d’investir des milliards de dollars aurait obtenu l’arme nucléaire mais on se rend compte que ce n’était pas le cas.

 

Est-ce que c’est le cas pour l’Iran? Sans doute. Après tout, l’Inde et le Pakistan ont effectivement développé des armes nucléaires à partir de leurs filières civiles et en investissant massivement dans ce type d’armes-là. Mais on se rend compte que la prédiction de John F. Kennedy dans les années 60 lorsqu’il disait : « Je crois que dans les années 70 il y aura 25 puissances nucléaires » ne s’est pas réalisée puisqu’il y a en ce moment huit puissances nucléaires déclarées si on considère qu’Israël a la bombe (elle ne l’a pas déclarée mais tout le monde estime qu’elle a la bombe). Donc, on est quand même loin du compte.

 

Maintenant, est-ce qu’on peut transférer le nucléaire à des terroristes? Bien, j’imagine qu’on pourrait toujours le faire, mais est-ce qu’un État qui possède la bombe nucléaire va transférer une arme nucléaire à un groupe terroriste qui pourrait demain se retourner contre lui? Ça me semble totalement absurde et lorsque j’entends des politiciens occidentaux ou autres dire que cette possibilité existe, je crois qu’ils se livrent là à une propagande qui consiste uniquement à faire peur aux gens parce que ce n’est pas raisonnable et ça n’a pas de fondements logiques. Le nucléaire lorsqu’il est aux mains d’un État reste aux mains d’un État.

 

Troisièmement, si c’était si facile de construire une bombe atomique, certains disent que l’on peut construire ça pratiquement dans un sous-sol, et bien comment se fait-il que les groupes terroristes qui possèdent des millions de dollars ne l’aient pas fait? Donc, à l’évidence, la construction d’armes nucléaires n’est pas si simple que cela. Donc, la communauté internationale a raison de se préoccuper de la prolifération des armes nucléaires, mais on doit ramener les choses à leurs justes proportions.

 

Moi, ce qui me semble le plus préoccupant, c’est la propagation des armes chimiques et bactériologiques parce que ça c’est bien plus facilement disponible. À partir du moment où vous avez une industrie chimique civile pour produire des engrais, produire des médicaments, etc., vous êtes bien engagés dans la possibilité de construire des armes chimiques et bactériologiques. Maintenant, ces armes-là sont également très fragiles; on ne peut pas les utiliser comme ça n’importe comment. Mais la menace est là et elle est plus sérieuse que la menace nucléaire. Donc, il faudrait certainement s’en préoccuper tout autant que de la non-prolifération.