Affaires étrangères et du Commerce internationalGouvernement du Canada
Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international

Affaires étrangères et Commerce international Canada

Nos bureaux

Le Canada à l’étranger

Services aux voyageurs canadiens

Services aux entreprises

Le Canada dans le monde

En manchette


Politique internationale


Discussion sur la politique gouvernementale


Programmes


Ressources


Recherche sur le site Web

À propos du Ministère

0
Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
Discussion sur la politique gouvernementale


Compte rendu des documents de proposition de politique sur les États fragiles et en déroute
Direction de la recherche sur les politiques, Affaires étrangères Canada
Le 9 décembre 2005

VERSION PDF

 

Groupe de discussion | Réponse à la discussion Ressources pour les discussions 

 

Du 26 septembre au 2 décembre 2005, Affaires étrangères Canada a invité les étudiants des niveaux collégial et universitaire à présenter des documents de proposition de politique sur le problème des États fragiles et en déroute. Pour stimuler et éclairer le débat, le Ministère a présenté des entrevues avec plusieurs spécialistes sur le site Web consacré à la politique internationale du Canada. En tout, 18 documents de proposition de politique ont été présentés par des étudiants issus de 13 universités.

 

Tous les participants s’accordent pour dire que le Canada a un rôle important à jouer dans la lutte contre la fragilité et la déroute étatiques. Ainsi, le débat a surtout porté sur la meilleure voie à suivre pour atteindre cet objectif.

Vous trouverez ci-dessous le résumé des principales questions, divergences et recommandations que ces documents ont permis de dégager.

 

Conditions d’intervention

 

En matière d’intervention gouvernementale dans les États fragiles et en déroute, les points de vue divergent. Par exemple, dans un document présenté par des étudiants de l’Université de la Colombie-Britannique, il est souligné que la décision du Canada ne doit pas se fonder sur des considérations stratégiques liées à l’intérêt national. Cela serait contraire à nos objectifs de « Responsabilité de protéger » et à nos efforts visant à promouvoir la sécurité humaine. Par ailleurs, d’autres estiment que comme le Canada ne peut déployer des effectifs dans tous les États fragiles et en déroute, l’intérêt national doit être l’un des critères qui président à la décision d’intervention et au choix de l’endroit pour le faire. Outre ce débat, un certain nombre de participants plaident pour que l’action du Canada se réalise en fonction de ses capacités et de ses avantages comparatifs et soit adaptée à chaque cas particulier.

 

Les participants conviennent que compte tenu de son manque de ressources, le Canada ne doit pas agir unilatéralement. Il serait préférable de déployer nos efforts par la voie des organisations multilatérales afin de tirer parti des avantages du codéploiement. Les auteurs de plusieurs documents estiment que le multilatéralisme et une coopération vigoureuse entre le gouvernement canadien et les organisations non gouvernementales (ONG) doivent faire partie intégrante d’un engagement accru en faveur de la prévention et de la reconstruction. Qui plus est, de nombreux participants proposent que le Canada tire parti de son influence dans des instances internationales telles que l’ONU pour amener la communauté internationale à agir de façon préventive face au problème des États fragiles et en déroute.

 

Dans trois documents, les auteurs invoquent la nécessité d’adopter des lignes directrices strictes et une stratégie gouvernementale cohérente. En outre, il est indiqué que les critères d’intervention doivent prendre en compte non seulement la capacité d’action du Canada (en fonction de la facilité d’accès, des compétences et des ressources disponibles), mais aussi le niveau de soutien de l’opinion publique nationale face aux efforts entrepris pour faire respecter les droits humains et remédier aux problèmes de gouvernance dans l’État concerné.

 

Politique d’engagement

 

L’implication du Canada dans les pays dont le régime politique actuel ne respecte pas les règles démocratiques a suscité la controverse. Plus précisément, les points de vue divergent quant à la nature et aux priorités de l’intervention canadienne dans des États fragiles et en déroute. Trois possibilités ont été répertoriées : le Canada devrait favoriser l’instauration immédiate de la démocratie; le Canada devrait travailler à garantir la stabilité pour créer les conditions propices à la démocratie ou le Canada devrait oeuvrer à la promotion de la stabilité comme une fin en soi, afin d’éviter l’imposition de valeurs libérales ou démocratiques. À défaut d’un consensus à ce sujet, il est généralement admis qu’à court terme, il est plus important d’oeuvrer pour la stabilité que pour la démocratie.

 

Une fois que la stabilité est assurée, l’importance de répondre aux besoins de base tels que la sécurité et de fournir des produits de première nécessité tels que la nourriture et l’eau potable a été reconnu par tous. De même, on estime que lorsque l’État visé ne peut fournir ces biens de première nécessité, il incombe au Canada d’en prendre la responsabilité. De plus, selon les participants, le Canada doit collaborer étroitement avec les ONG puisque celles-ci peuvent fournir des services de base lorsque les gouvernements locaux en sont incapables. Enfin, selon certains, cette collaboration pourrait éventuellement conduire à une plus grande prise en charge des efforts et des responsabilités  par les ONG.

 

Dans presque tous les documents de réflexion, les auteurs insistent sur le fait que la stratégie canadienne face au problème des États fragiles et en déroute devra s’inscrire sur le long terme. À titre d’exemple, dans le document présenté par les étudiants de l’Université Mount Allison, on indique qu’ « au moment d’entreprendre une action, le Canada doit s’être fixé des objectifs clairs, et être prêt à poursuivre ses efforts jusqu’à l’atteinte des objectifs en question. »

 

Prévention et alerte rapide

 

Outre des politiques ciblées en matière d’intervention dans les États fragiles et en déroute, les participants ont indiqué que le Canada devait absolument se concentrer sur la prévention des conflits et le développement de dispositifs d’alerte rapide. Les étudiants de l’Université St. Mary’s proposent de mettre davantage l’accent sur le rôle de l’éducation pour empêcher la faillite des États. Ils soutiennent ainsi que l’éducation est essentielle puisqu’elle permet de contrer l’intolérance et, à ce titre, elle peut jouer un rôle important dans la prévention des génocides, la lutte à la propagation du sida et le développement économique.

 

Ces mêmes étudiants soulignent également qu’il est primordial de focaliser notre attention sur les principes sous-jacents à la « Responsabilité de protéger ». Pour eux, il s’agit du mécanisme le plus important et le plus efficace pour protéger les populations civiles. Pour leur part, les étudiants de l’Université de la Colombie-Britannique font valoir l’importance d’améliorer la capacité d’action et les mécanismes d’alerte rapide des Nations Unies, notamment par la participation canadienne aux groupes des « Amis du déploiement rapide » et aux travaux du « Secrétariat de l’information et de l’analyse stratégique des Nations Unies ».

 

Les participants déplorent qu’il ne soit pas suffisamment question de développement économique dans l’Énoncé de politique internationale (ÉPI) du Canada. Pour amener le Canada à déployer davantage d’efforts dans ce domaine, les auteurs de plusieurs documents proposent d’allouer 0,7 % de notre PNB en aide publique au développement d’ici 2015.

 

Par ailleurs, le développement socio-économique est considéré comme une dimension cruciale des efforts visant à remédier aux crises et à empêcher l’émergence de d’autres problèmes. Dans leur document, les étudiants de l’Université de Calgary soutiennent que toute politique canadienne relative aux États fragiles et en déroute doit s’intéresser au développement économique local, notamment par le développement des mécanismes de micro-crédit et le renforcement du secteur privé.

 

De plus, dans ce même document, les auteurs critiquent la stratégie économique suivie par le Canada dans les États fragiles et en déroute. Selon eux, le régime d’allègement de la dette pénalise les pays qui gèrent bien leurs créances, puisque l’aide n’est alloué qu’aux pays confrontés à un fardeau intenable. En conséquence, les auteurs estiment que l’aide canadienne devrait bénéficier non seulement aux États fragiles et en déroute, mais aussi aux États stables.

 

Diplomatie ouverte

En règle générale, les participants ont fait valoir la nécessité de sensibiliser le public, notamment pour favoriser la compréhension des phénomènes à l’origine de l’effondrement des États, influencer l’opinion publique et obtenir son soutien. À titre d’exemple, dans le document présenté par l’Université Wilfrid Laurier, on souligne que  « le public est disposé à apporter son soutien à des programmes de longue durée si le gouvernement présente des arguments clairs, cohérents et convaincants en faveur de ces efforts ». Les auteurs estiment que pour obtenir le soutien du public, il est essentiel que le gouvernement du Canada appuie des projets concrets disposant d’objectifs simples et compréhensibles. Dans plusieurs documents de proposition de politique, il est également recommandé que les acteurs de la société civile, notamment les diasporas, jouent un rôle plus actif. À cet égard, les auteurs de deux documents proposent de faire participer la société civile haïtienne et afghane afin de remédier à l’effondrement de leur État respectif. Cette tâche pourrait ensuite être confiée aux communautés locales, conformément au principe du développement durable.

Il a en outre été proposé que le Canada renforce ses efforts en matière de diplomatie ouverte en créant des réseaux de communications dans le cadre du « quatrième bloc »1. Cela permettrait de faire connaître les objectifs internationaux du Canada aux citoyens canadiens : « Les Canadiens doivent savoir pourquoi nos diplomates sont déployés à l’étranger […] et connaître les stratégies que ceux-ci utilisent et les raisons qui s’y rattachent » (Collège militaire royal du Canada). Dans ce document, les auteurs expliquent qu’il est nécessaire de mettre l’emphase sur la fierté nationale, les intérêts nationaux et l’éducation. À cela s’ajoute l’importance d’adopter une stratégie de communication plus énergique.

Tendance générale

 

Les auteurs des documents de réflexion se sont montrés en grande partie favorables aux idées et aux initiatives présentées dans l’ÉPI (tels que le GTSR, la Responsabilité de protéger et le Programme de la sécurité humaine), notamment en ce qui concerne les États fragiles et en déroute. En revanche, ils émettent tous des réserves sur l’absence de mesures efficaces pour les concrétiser. Selon les étudiants de l’Université Wilfrid Laurier, « l’ÉPI consiste en une déclaration de portée générale, qui ne renferme pas suffisamment de mesures concrètes […]. Or, il ne suffit pas d’avoir une bonne stratégie, encore faut-il la concrétiser ». Plusieurs participants plaident en faveur de l’élaboration d’une stratégie plus détaillée pour faire face aux États fragiles et en déroute. Ils invoquent d’ailleurs la nécessité d’adopter des indices précis pour déterminer si une situation spécifique concorde avec la définition d’un État fragile ou en déroute. L’un des participants propose que le gouvernement dresse une liste de ces États et que celle-ci serve à éclairer les décisions sur l’attribution des ressources et les orientations politiques.

Par ailleurs, il est généralement admis que les villes fragiles et en déroute jouent un rôle dans la stabilisation ou la déstabilisation des États. Dans un document présenté par l’Université de Winnipeg, on souligne qu’il existe des villes en proie à l’anarchie dans des États qui se portent pourtant bien, tout comme il existe des centres urbains prospères dans des États en déroute. Certains participants estiment que de nouvelles méthodes doivent permettre de promouvoir le développement des villes fragilisées. À titre d’exemple, il est recommandé de créer deux groupes de travail chargés d’identifier des solutions aux problèmes distincts auxquels sont confrontés les habitants des régions rurales et urbaines susceptibles d’être fragilisées ou de tomber dans l’anarchie. Les participants font également observer que la sécurité en milieu urbain est inextricablement liée à la sécurité en milieu rural et que de nombreuses solutions aux problèmes de sécurité humaine à dimension urbaine se trouvent à l’extérieur des villes. En effet, on explique que les bidonvilles urbains sont souvent le résultat d’un exode rural massif vers les villes, les populations désirant quitter la campagne pour améliorer leur situation économique. En conséquence, le développement rural est considéré comme un élément crucial pour la promotion de la sécurité humaine dans les villes surpeuplées.

Réponse du Ministère des Affaires étrangères

Affaires étrangères Canada a reçu un compte rendu des points de vue exprimés dans les documents de proposition de politique. Les documents sont actuellement étudiés par les planificateurs de politiques.

 

Leurs conclusions seront publiées sur le site consacré à la politique internationale du Canada en février 2006. Les auteurs des documents pourront ainsi connaître l’accueil réservé à leurs idées et consulter de l’information générale sur la stratégie actuelle et émergente du Canada face au problème des États fragiles et en déroute.


1 La notion de « quatrième bloc » fait référence au concept de « guerre à trois volets », expression utilisée pour la première fois par le général Charles Krulak, le 31e commandant en chef de la marine américaine. Ce concept prend en compte la complexité des enjeux auxquels est confronté le soldat sur le champs de bataille moderne. À titre d’exemple, dans le monde d’aujourd’hui, un soldat peut être appelé à nourrir et vêtir des réfugiés déplacés dans un camp ou à fournir de l’aide humanitaire (premier volet); à participer à des missions de stabilisation ou à des opérations de paix (deuxième volet); à participer à des combats de haute intensité (troisième volet). Plusieurs pays ont désormais adopté cette perspective à trois volets.