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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Andrew Mack
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Le Dr. Andrew Mack discute de la diminution de la violence politique à l’échelle internationale depuis la guerre froide, du risque de guerre nucléaire, et de la réalité de la demande d’armes légères.

Dr.  Mack dirige le Centre de la sécurité humaine de l’Institut Liu pour les questions mondiales de l’Université de Colombie-Britannique. Avant de créer le Centre de la sécurité humaine, il était professeur invité au Programme sur la politique humanitaire de l’Université Harvard (2001) et a occupé pendant deux ans et demi les fonctions de directeur de la Planification stratégique au sein du Bureau exécutif du Secrétaire général Kofi Annan, aux Nations Unies (1998-2001). 

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Entrevue vidéo
  (en anglais avec transcription en français)


Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

 Diminution de la violence2 min 02 sec  Windows Media | QuickTime

 Un grand égalisateur

2 min 20 sec
 

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 Les accidents sont un des principaux risques

3 min 11 sec
 

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 Plutôt rouge que mort

2 min 27 sec

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 Mettre l’accent sur la demande

2 min 44 sec

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(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription

Diminution de la violence

Quand nous avons publié le rapport sur la sécurité humaine, nous avons surpris beaucoup de gens parce nous en arrivions essentiellement à deux conclusions contradictoires. Premièrement, nous avons démontré hors de tout doute que la violence politique dans le monde a diminué radicalement depuis la fin de la guerre froide. Nous parlons d’une diminution de 40 p. 100 des guerres et une diminution beaucoup plus importante du nombre de personnes tuées dans les guerres; une diminution des coups militaires, des crises internationales et du commerce des armes — une diminution sur tous les plans. C’était la première surprise. La plupart des gens ne le savaient pas, y compris de nombreux décideurs.

 

La seconde surprise, c’était que nous avons constaté que la meilleure explication, la plus convaincante, de ce phénomène était l’explosion d’activisme international qui a suivi la fin de la guerre froide. À la fin de la guerre froide, l’Organisation des Nations Unies est soudainement sortie de la stagnation dans laquelle se trouvait la politique entre l’Orient et l’Occident, pendant laquelle rien ne se passait au Conseil de sécurité. Soudainement, le Conseil de sécurité s’est mis à collaborer. Nous avons assisté à une explosion d’opérations de paix, et des missions diplomatiques préventives, de rétablissement de la paix (pour essayer d’endiguer des guerres qui ont dégénéré) et d’assistance électorale de l’ONU. On peut constater une très grande augmentation de toutes les dimensions de l’activisme international lié à la sécurité.

 

Nous croyons que cette augmentation, malgré toutes les erreurs, malgré les fiascos (Srebrenica, Rwanda, Somalie), fait tout de même une différence énorme. Même si seulement 30 à 40 p. 100 de ces opérations onusiennes ont réussi, c’est tout de même 30 à 40 p. 100 des situations où il ne se passait absolument rien avant. Nous croyons que c’est la meilleure explication. Nous avons étudié les autres explications possibles, comme la démocratisation accrue dans le monde et l’augmentation du développement économique, et elles sont toutes importantes à long terme, mais elles n’expliquent pas cette diminution majeure depuis la fin de la guerre froide.


 

Un grand égalisateur

 

Je crois que je ne suis ni particulièrement optimiste, ni particulièrement pessimiste. Je crois que les pessimistes, qui, il y a 20 ou 30 ans croyaient que 20 ou 30 pays posséderaient l’arme nucléaire, comme l’avait prédit le président Kennedy, avaient tort. En revanche, je crois que les optimistes ont également tort. Il y a quand même de gros problèmes et je crois qu’une des difficultés fondamentales est le fait que les armes nucléaires sont réellement utiles pour certains pays. Les gens se demandent pourquoi la Corée du Nord hésite à abandonner ses armes nucléaires. Eh bien, personne au monde ne prendrait la Corée du Nord au sérieux si elle ne possédait pas d’armes nucléaires. Si elle abandonnait ses armes nucléaires, elle craindrait grandement une attaque probable des États‑Unis ou de la Corée du Sud. Cela ne se produira pas nécessairement, c’est peut-être une crainte injustifiée, mais il n’en demeure pas moins que c’est ce que les Nord-Coréens craignent.

 

Pourquoi les États-Unis étaient-ils prêts à utiliser la force militaire contre l’Iraq mais pas contre la Corée du Nord? Parce que la Corée du Nord possède des armes nucléaires.

 

La réaction différente des États-Unis envers les deux pays envoie le message suivant : si vous êtes un petit pays en développement et que vous craignez une attaque par les États-Unis, acquérez des armes nucléaires. Je crois que ce raisonnement sera toujours là. Si vous êtes Israël, vous n’abandonnerez jamais vos armes nucléaires, du moins pas tant que le climat n’aura pas changé radicalement au Moyen-Orient, et pour longtemps, parce que pour Israël, les armes nucléaires sont un grand égalisateur. Si vous prenez d’autres pays — l’Inde, par exemple, voudra toujours des armes nucléaires, en partie pour des raisons de prestige, en partie à cause de la Chine, et en partie à cause du Pakistan. Le Pakistan veut des armes nucléaires parce que l’Inde a des armes nucléaires.

 

Je ne crois pas que nous pourrons éviter que ces pays possèdent des armes nucléaires dans un avenir rapproché. Il y a des raisons d’espérer que la prolifération ne s’étendra pas à un grand nombre d’autres pays. Le Brésil a abandonné l’idée, de même que l’Argentine, l’Afrique du Sud et la Libye. En fait, les armes nucléaires n’ont pas vraiment d’autre utilité que la dissuasion. Je crois que beaucoup de pays qui ne craignent pas d’être attaqués en sont conscients et qu’ils comprennent que les dépenses et la réprobation générale associées aux armes nucléaires n’en valent tout simplement pas la peine.
 

Les accidents sont un des principaux risques

 

L’Agence internationale de l’énergie atomique, une institution hautement technique, accomplit un travail très utile. Par le passé, son mandat n’étant pas suffisant, elle n’a inspecté que les installations déclarées et n’a pas effectué d’inspections surprises. Bien sûr, cela signifie que de nombreux pays ayant un programme clandestin d’armes nucléaires ne l’exécutent pas dans les installations qui sont susceptibles d’être inspectées, pour des raisons évidentes.

 

L’Agence joue un rôle relativement utile. La Conférence sur le désarmement, l’entité de négociation multilatérale des Nations Unies, est complètement inutile. Elle devrait être fermée; elle ne sert absolument à rien. Elle est inactive depuis plus de cinq ans et n’a aucun programme de travail. C’est une perte de temps et d’espace.

 

Les Américains ne s’intéressent visiblement pas au désarmement nucléaire. Pourtant, de tous les pays, on aurait pu croire qu’ils auraient été le premier à souhaiter le désarmement nucléaire total, parce que si les États-Unis pouvaient être certains que personne d’autre ne possède d’armes nucléaires, ils seraient la superpuissance militaire incontestée et incontestable. Il suffirait qu’un seul pays possède une centaine d’armes nucléaires cachées dans un sous-sol pour que les États-Unis soient vulnérables à ce pays, alors qu’ils ne le seraient pas à des armes militaires conventionnelles.

 

Je le répète, il est peu probable que la situation change dans un avenir rapproché. Je crois que les opérations les plus utiles en ce moment sont les différents programmes visant à éliminer certains des risques associés à la conservation de stocks d’armes nucléaires. L’ensemble de programmes de l’ancienne Union soviétique qui s’appelait Nunn‑Lugar et qui s’appelle maintenant Programme de réduction concertée des menaces, vise essentiellement à envoyer le message suivant : « Il y a beaucoup d’armes nucléaires, il y a beaucoup de matériel nucléaire, il y a beaucoup de personnes ayant des connaissances spécialisées en nucléaire. Nous devons mettre en place de meilleures mesures de sécurité pour ce genre de choses. » Bien sûr, les États-Unis reconnaissent que c’est grandement dans leur intérêt d’essayer d’aider les Russes à contrôler ces activités, parce que ces derniers n’ont pas très bien réussi à le faire eux-mêmes.

 

Toutes ces mesures sont certes utiles, bien que modestes, mais en fait, je ne crois pas que beaucoup de pays envisagent d’utiliser des armes nucléaires contre un autre pays. Cela ne serait pas tellement logique. Même si vous utilisez des armes nucléaires — en principe, vous pourriez utiliser des armes nucléaires contre un pays qui n’en possède pas, mais pourquoi le feriez-vous? Vous imaginez facilement que la dernière chose qu’Israël ferait avant d’être envahi par les armées arabes serait d’utiliser ses armes nucléaires, mais les chances qu’Israël soit défait par les armées arabes aujourd’hui sont nulles. La plupart des gouvernements arabes ont abandonné l’idée de faire la guerre à Israël. Parce que c’est trop cher, qu’on perd toujours, etc.

 

Je ne crois donc pas que c’est vraiment un problème. Je crois que les accidents nucléaires posent un plus grand risque. C’est pourquoi je pense que les Américains font des progrès en vue de faire comprendre aux Indiens qu’ils savent qu’ils ne pourront rien y faire, mais qu’ils pourraient collaborer afin de réduire les risques de déclencher une guerre par inadvertance, ce qui est beaucoup plus probable que d’en déclencher une délibérément.

 

Plutôt rouge que mort

 

Si je devais demander à différentes personnes quel est le problème… Rappelez‑vous les arguments qu’on entendait pendant la guerre froide : que les armes spatiales étaient hautement déstabilisantes parce que si un côté croyait qu’il pouvait se défendre contre une attaque de l’autre côté, il aurait alors une incitation pour attaquer son ennemi. Tout le monde dirait que ce n’est pas un problème aujourd’hui, qu’il ne faut pas s’inquiéter à ce sujet.

 

Prenons maintenant la Chine. Les Chinois possèdent… je ne connais pas les derniers chiffres, mais il y a quelques années, c’était 18 missiles balistiques intercontinentaux en alerte. Les Américains prévoyaient un système spatial qui, selon eux, servirait à se protéger des États voyous comme la Corée du Nord, mais qui pourrait arrêter peut-être 100 missiles. Quand les Chinois voient cela, ils se disent que si ce système permet d’arrêter 100 missiles, il pourrait probablement en arrêter 18 assez facilement. Donc, de notre point de vue, en Chine, c’est déstabilisant. C’est le genre de chose qui, advenant un conflit entre les États-Unis et la Chine (Taïwan en serait évidemment l’objet), quoique ce soit peu probable, les Chinois pourraient craindre que les Américains les attaquent, et pourraient donc lancer une attaque anticipée contre les États‑Unis. Est-ce probable? Non, pas du tout. Mais c’est un risque. Et c’est le genre de risque improbable mais tout de même possible couru quand des pays possèdent des armes nucléaires.

 

De même, si on prend l’Inde et le Pakistan, nous savons qu’il y avait un risque de guerre entre ces deux pays il y a quelques années. Selon moi, lors de la dernière analyse, à la dernière minute, ils se seraient retenus. C’était très intéressant pendant la guerre froide, quand on faisait jouer les commandants de l’OTAN à des jeux de guerre avec l’Union soviétique. Lors des mises en situation, il était presque impossible pour les commandants de l’OTAN de donner le signal du lancement d’une attaque nucléaire, parce qu’ils savaient qu’une fois qu’ils l’auraient fait, ils seraient effacés de la carte. Pourquoi voudriez-vous vous suicider? À certains égards, il vaut mieux être rouge que mort. Si vous êtes rouge, au moins vous avez été envahis par les Russes et vous avez l’occasion de riposter. De plus, voyez ce qui est arrivé à l’ancienne Union soviétique : elle n’a pas été défaite par des chars et des fusils ou des armes nucléaires, mais elle a été défaite de l’intérieur.

 

Mettre l’accent sur la demande

 

Personne ne le sait exactement, mais on estime qu’il y a environ 600 millions d’armes petites et légères dans le monde aujourd’hui, dont probablement le tiers aux États‑Unis, ce qui constitue une grave menace pour les autres Américains, mais pas nécessairement pour les autres dans le monde. Une très grande proportion de ces armes se trouve dans les pays en développement, particulièrement dans les zones de conflit. Presque tous ces pays sont maintenant en mesure de fabriquer des munitions sur place. Cela signifie que même si vous pouviez arrêter chaque fusil de traverser une frontière, — ce qui dépasse actuellement les rêves les plus fous des coalitions s’efforçant de réduire et de contrôler le commerce des armes légères — il y aurait quand même assez d’armes dans les zones de conflit pour que les gens continuent de se battre encore très longtemps.

 

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la position de la National Rifle Association — soit que ce ne sont pas les fusils qui tuent les gens, mais les gens qui tuent les gens — mais elle a un certain sens. En réalité, à moins que nous ne nous attaquions aux raisons qui font qu’il y a une demande d’armes, soit pourquoi les gens veulent se battre en premier lieu, se concentrer sur l’aspect matériel du problème sera une perte de temps.

 

Cela s’applique aussi aux armes nucléaires. Je crois qu’à bien des égards, il est bien plus pertinent aujourd’hui de se concentrer sur les raisons pour lesquelles les gens veulent avoir accès à des armes nucléaires en premier lieu que d’essayer de trouver des moyens techniques pour les empêcher d’en acquérir, parce que, comme je l’ai dit plus tôt, dans le monde actuel, il est difficile d’empêcher les gens d’avoir accès à la technologie nucléaire.

 

De nos jours, ce sont donc les petites armes qui sont les armes de destruction massive. Elles tuent beaucoup plus de personnes que toute autre forme d’artillerie, même les armes nucléaires — il n’y a pas de guerre nucléaire en cours. Il est tout simplement impossible de prévenir leur commerce. Même si on pouvait le faire, il resterait le problème des armes qui existent déjà. L’ONU entreprend constamment ce qu’elle appelle des opérations de DDR : désarmement, démobilisation et réintégration. Elles peuvent avoir une certaine utilité, ce n’est pas une mauvaise chose, mais la partie désarmement est plus un exercice de renforcement de la confiance qu’autre chose. Tous ces programmes se heurtent à un problème fondamental : personne ne sait exactement combien d’armes il y a en premier lieu. Si vous prétendez vous être désarmé et que vous avez rendu 10 000 armes, mais que vous en avez 5 000 de cachées à quelque part, personne ne le sait. C’est donc purement un geste de confiance.