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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Entrevue vidéo
Jutta Brunnée
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Le Dr. Jutta Brunnée discute de "la responsabilité de protéger"

Le Dr. Brunnée est professeur de droit à l'Université de Toronto. Ses travaux récents ont porté sur l'élaboration du droit international, les questions de respect du droit international et les normes internationales régissant l'usage de la force.

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Entrevues vidéo:
(en anglais avec transcription en français)

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

"La responsabilité de protéger" 2 minutes Quicktime


 La motivation pour ce rapport


4 minutes

Quicktime

 Un changement dans le débat du
droit d'intervenir à la responsabilité
de protéger

3 minutes

Quicktime

 Les États-Unis et "La responsabilité de protéger"

2 minutes

Quicktime

 Les paramètres de l'intervention
humanitaire

1 minute

Quicktime

(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription

"La responsabilité de protéger"- Introduction

Je m'appelle Jutta Brunnée et j'enseigne le droit international et le droit international de l'environnement à l'Université de Toronto.

Depuis deux ou trois ans, il y a de nombreux débats très animés et controversés quant à savoir si notre cadre sur l'utilisation de la force répond toujours à nos besoins. Les arguments - mis de l'avant surtout par les États-Unis - selon lesquels le cadre ne permet plus aux États de se défendre contre les nouvelles menaces en matière de sécurité ont surtout retenu l'attention. On a exercé des pressions aux Nations Unies pour prouver que c'est encore pertinent. Cette question a suscité beaucoup de vives discussions.

Ce que je trouve intéressant, c'est qu'il y a un autre élément, au sujet de ce cadre, qui traite précisément de ce qui était appelé auparavant une intervention humanitaire. Dans ce contexte particulier, c'est en fait le Canada qui a été beaucoup moins remarqué, mais qui a été un intervenant très actif, faisant avancer le débat sur la pertinence de permettre une telle intervention et sur les conditions dans lesquelles elle devrait l'être.

En somme, le cadre actuel sur le recours à la force vise à limiter le plus possible tout recours unilatéral à la force militaire. Pour cette raison, l'utilisation de la force est essentiellement interdite sauf dans les cas de légitime défense - c'est en quelque sorte la dimension de sécurité de l'État. Toutes les autres décisions sur la paix et la sécurité relèvent du Conseil de sécurité. On pourrait donc dire que le débat sur la nécessité de rénover le cadre refait surface quand on estime, à certains moments, que le Conseil de sécurité ne fonctionne pas aussi efficacement qu'il le devrait.


La motivation pour "La reponsabilité de protéger"

Dans un contexte d'intervention humanitaire, les opinions varient beaucoup sur la pertinence de permettre un jour l'intervention humanitaire en vertu du droit international; il y a ceux qui disent que nous devrions fixer les paramètres de façon à limiter les conditions extrêmes dans lesquelles cela pourrait être permis; d'autres qui ont des opinions plus libérales et qui semblent indiquer qu'il devrait y avoir beaucoup plus de circonstances où il serait justifié d'intervenir dans des pays qui ont des régimes abusifs, un piètre bilan au chapitre des droits de la personne, etc.

En ce qui me concerne, ce qui est intéressant, c'est que j'ai toujours été du côté de ceux qui ont dit que ce n'est pas une bonne idée de retoucher le cadre et de créer de nouvelles exceptions aux limites apportées au recours à la force - pour diverses raisons liées au risque d'abus et à la perception que cette idée pourrait s'étendre à de nombreuses parties du monde. 

Les débats sur l'après-11 septembre et notamment les débats entourant l'intervention en Iraq m'ont fait changer d'avis pour un certain nombre de raisons. En partie parce que le point de vue international sur la véritable signification de la souveraineté a changé et par conséquent la signification du principe de la non intervention. La notion de la souveraineté a évolué. Elle est passée du droit d'un pays d'être laissé en paix à la notion de responsabilité, surtout dans le contexte des droits de la personne. Par conséquent, on estime maintenant que le principe de non-intervention ne peut servir de rempart absolu à l'intervention extérieure dans les cas de violations des droits de la personne.

Le deuxième point est que nous en sommes réellement à une étape où, en un sens, il est théorique de débattre si nous devrions ou non permettre une intervention humanitaire. Il me semble que cela se fait déjà au fur et à mesure de la réforme du droit. L'approche la plus réaliste est de chercher à s'entendre sur des paramètres pour que non seulement ce type d'intervention soit limité à très peu de conditions extrêmes, mais qu'il y ait aussi des critères qui nous permettront d'évaluer quand une intervention fera vraisemblablement plus de bien que de mal.

La dernière raison, qui a retenu un peu moins l'attention, a trait au contexte de l'après-Iraq. Il est ressorti clairement dans une grande partie de la justification publique de l'intervention en Iraq, que les arguments en faveur de la sécurité  côtoyaient les arguments en faveur de la libération, des droits de la personne et selon lesquels le régime de Saddam était un régime abusif. Il n'y a pas de doute que toutes ces questions sont reliées, mais quand vient le temps de donner au droit international la possibilité de créer un cadre efficace sur le recours à la force, il est crucial que nous ayons un cadre qui ait la capacité de cibler la justification. Donc, dans mon esprit, il y a le risque que quand nous permettons aux questions de droit de la personne et d'intervention humanitaire d'entrer dans le débat des menaces à la sécurité de l'État, ils ne deviennent qu'un facteur utilisé pour justifier qu'une intervention soit de nature défensive quand un argument de défense légitime ne tient pas.


Un changement dans le débat du droit d'intervenir à la responsabilité de protéger

Ce qui a motivé en partie ce rapport - qui, je pense, est une trouvaille importante - est que, pendant de nombreuses années, le débat a porté sur l'intervention humanitaire et le droit des États ou de la communauté internationale d'intervenir dans les crises internes. Cela soulevait toute une série de questions difficiles parce que le principe de la non-intervention semblait la pierre angulaire de l'ordre international et est particulièrement important pour bien des pays dans le monde en développement.

Le rapport La responsabilité de protéger a continué le travail amorcé et a fait passer le débat, du droit d'intervenir à la responsabilité de protéger. C'est important parce que cela a de nombreuses implications, l'une étant de commencer à créer un consensus sur le fait que la souveraineté n'est pas seulement le droit d'un pays d'être laissé en paix mais aussi, entre autres choses, une responsabilité envers ses propres citoyens. Par conséquent, si un gouvernement donné ne peut s'acquitter ou ne s'acquitte pas de cette responsabilité, il en découle que le principe de non-intervention ne peut servir de rempart à toute intervention extérieure.

D'autre part, il se dégage du rapport que la responsabilité de protéger incombe au pays concerné. Mais il y a une responsabilité internationale d'intervenir si le pays concerné ne peut s'acquitter ou ne s'acquitte pas de cette responsabilité. Ce que cela signifie, et je pense que c'est très important de le comprendre, c'est que le rapport La responsabilité de protéger met beaucoup l'accent sur toute une gamme de mesures préventives au regard d'une intervention extérieure. Quand je parle d'intervention extérieure, ce peut être un renforcement des capacités, la mise en place de systèmes juridiques, diverses formes d'aide gouvernementale, etc. Il y aurait donc tout un ensemble de mesures d'aide préventives qui idéalement empêcheraient les États d'échouer ou les sauveraient de la catastrophe.

Si l'on poursuit parmi toutes les mesures possibles, il y a les diverses formes de pressions qui pourraient être exercées sur le pays, s'il en est à une étape où cela pourrait être utile.

À l'extrémité complète de la gamme, il y aurait des situations où il pourrait être nécessaire d'intervenir militairement. Je pense qu'il est important de comprendre cela, car le débat sur l'intervention militaire et humanitaire a été très controversé et à juste titre. C'est la partie du rapport qui a retenu le plus l'attention, précisément pour cette raison, mais elle s'inscrit dans un contexte beaucoup plus vaste. 


Les États-Unis et "La responsabilité de protéger"

Les États-Unis sont manifestement moins en faveur de critères concernant la « responsabilité de protéger », mais il me semble qu'il y aurait peut-être là une occasion de jeter des ponts. Je dis cela autant d'un pont de vue légal que du point de vue de ce cadre de justification, nous devrions faire attention de ne pas fusionner la sécurité et l'intervention humanitaire. Manifestement, les deux sont liées dans un contexte d'établissement de politiques. Progresser du côté de la  « responsabilité de protéger » a des avantages à long terme pour la sécurité. Il me semble que le Canada peut faire appel au bon sens de divers intervenants. Il peut faire valoir auprès de ceux qui s'inquiètent d'un interventionnisme accru que si nous pouvons nous entendre concernant les critères, nous aurons renforcé le cadre conçu, en définitive, pour limiter tout recours à la force militaire.

En même temps, je pense que le Canada pourrait aussi essayer de tabler sur l'intérêt manifesté par les Américains à l'égard des racines profondes du terrorisme, la dimension de prévention de la « responsabilité de protéger ».Tout ce que nous pouvons faire avant d'en arriver à une intervention militaire devrait intéresser les États-Unis, à savoir une stratégie à long terme pour lutter contre les menaces à la sécurité mondiale. De plus, la politique américaine cherche, en grande partie, à favoriser la démocratie et la primauté du droit dans le monde. Le vaste ensemble de mesures préventives associées à cette idée de la « responsabilité de protéger » cadre aussi parfaitement avec ce programme.


Les paramètres de l'intervention humanitaire

Un autre motif, selon moi, de bien établir les paramètres de l'intervention humanitaire est qu'en créant un cadre de justification distinct, nous aurions un cadre qui forcerait les partisans d'une intervention militaire à justifier leur position en fonction des termes qui sont derrière l'intervention. Le besoin de justifier la nécessité de mesures de légitime défense demeurerait. Et par ailleurs, si les motifs sont véritablement d'ordre humanitaire, la justification devrait se faire en ces termes. En un sens, en définissant la « responsabilité de protéger », nous pourrions créer un rempart contre le mélange d'arguments que je considère dangereux car il pourrait, selon moi, finir par nuire à la capacité du droit international d'imposer la justification. C'est là que réside selon moi sa force principale.