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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Charles-Philippe David
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Charles-Philippe David examine le rôle du Canada dans les forums de désarmement, souligne l’importance de la diplomatie, et traite des défis qui se posent à la communauté internationale au XXIe siècle.

 

Le Dr. David est titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, ainsi que professeur au Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il a été récipiendaire d'une bourse d'études Fulbright (2002‑2003), professeur invité au Département de science politique de l’Université Duke (automne 2002) et chercheur invité au Canada Institute of the Woodrow Wilson Center, à Washington (hiver 2003). Ses principaux domaines de recherche sont la politique étrangère et de défense des États‑Unis, ainsi que les études stratégiques et de sécurité.

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Entrevue vidéo

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

 Qui était Raoul Dandurand?2:46Windows Media l Quicktime

 Le rôle du Canada sur le plan diplomatique

4:48

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 La diplomatie face aux acteurs non-étatiques

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 Les défis pour la diplomatie

 

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Transcription

 

Qui était Raoul Dandurand?

Mon nom est Charles-Philippe David. Je suis présentement titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques ici-même à l’Université du Québec à Montréal. Je suis sans doute ici et je contribue à cette entrevue parce que d’une part la chaire que je dirige depuis 10 ans maintenant – donc c’est le dixième anniversaire cette année en 2006 – porte le nom de Raoul Dandurand. Et s’il y a bien quelqu’un qui correspond aux valeurs que promeut aujourd’hui et qu’a promu depuis longtemps le ministère des Affaires étrangères, c’est bien Raoul Dandurand. Je le rappelle pour tout le monde, il était le président de l’Assemblée générale de la Société des Nations en 1925. Je dis toujours, pour faire court et simple, aux étudiants et aux gens qui ne connaissent pas Raoul Dandurand que M. Dandurand était une sorte de Pearson avant Leaster Pearson. Et ils se seraient très bien entendu sans doute, tous les deux libéraux d’ailleurs. M. Dandurand était sénateur pendant très longtemps. Il a négocié le Statut de Westminster accordant l’indépendance à la politique étrangère canadienne en 1932. Il a fondé le Collège Stanislas à Montréal, une œuvre assez remarquable. Alors sur le plan diplomatique et stratégique sa contribution correspond aux valeurs canadiennes : résolution pacifique des conflits, promotion d’une vision de la sécurité qui soit élargie aux considérations par exemple humaines (à cette époque-là, on appelait cela les préoccupations face à l’influence grandissante des minorités dans les pays européens), l’arbitrage, l’utilisation des institutions internationales (à l’époque c’était les cours de justice comme à La Haye ou encore la Société des Nations). Donc, il y a une vision quand même très humaine et humanitaire déjà que l’on retrouve chez Dandurand.

 

Et l’autre raison j’imagine pour laquelle je suis ici c’est que cette chaire travaille depuis 10 ans très activement dans plusieurs domaines, mais notamment le domaine des missions de paix. Et, on a créé d’ailleurs en novembre dernier un observatoire sur les missions de paix ici-même à l’UQAM, cet observatoire dont je suis membre. Il y a environ une dizaine de personnes qui sont membres de cet observatoire et nous avons organisé déjà plusieurs conférences. Nous avons reçu Mme Louise Fréchette, nous avons organisé un colloque en mars dernier sur la responsabilité de protéger. Alors vous voyez déjà des sujets qui sont de préoccupation directe pour les orientations de la politique canadienne.

 

 

Le rôle du Canada sur le plan diplomatique

 

Le Canada a toujours rempli un rôle extrêmement important dans les forums de désarmement à l’ONU et plus particulièrement dans les institutions techniques qui sont rattachées à l’ONU; on pense évidemment à l’Agence internationale de l’énergie atomique. D’autres exemples aussi où le Canada a joué un rôle très actif, continue de jouer un rôle très actif et, bien sûr que la diplomatie a une place très importante. Et on le voit quand la diplomatie ne fonctionne pas : les coûts, les conséquences de cet échec sont toujours, dans tous les cas, très élevés. Pensons au cas iraquien au début des années et pendant la plus grande partie des années 1990 : la diplomatie n’a pas vraiment donné les résultats escomptés et finalement tout ça a abouti à une invasion – et un faux prétexte sans doute – mais quand même le problème de prolifération nucléaire, même s’il était fictif, s’est soldé par l’utilisation de la force. Et donc on aurait souhaité que la diplomatie puisse triompher en lieu et en place de cet usage de la force.

Et je dis ça parce qu’on a des exemples tout autres. On pense à l’Iran et à la Corée du Nord où là, la diplomatie, bon an mal an, donne encore des résultats et on a bon espoir que la diplomatie puisse fonctionner. Dans le cas de la Corée du Nord, ça fait quand même au moins 10 ans, si ce n’est pas 12 ans, que cela dure. Le Canada appuie vigoureusement les efforts multilatéraux dans ce domaine, parce que nous sommes une puissance certes atlantique, mais nous sommes aussi une puissance pacifique dans les deux sens du terme et notre regard est donc tourné vers les enjeux comme celui de la Corée du Nord. Pensez aussi à l’Iran : on appuie bien qu’on ne soit pas directement impliqués dans les négociations entre les pays européens, les États-Unis et l’Iran. Nous appuyons vigoureusement les efforts qui sont fait là parce que, encore une fois, on ne voit pas comment ou par quelle issue autre que diplomatique on va véritablement résoudre le problème de fond de la prolifération nucléaire dans le cas de l’Iran.

 

Et si la diplomatie ne marche pas ou ne fonctionne pas dans le cas de la Corée du Nord ou de l’Iran, c’est le problème alors que vous évoquez, plus large, de la prolifération nucléaire. Combien de pays à ce moment-là pourraient être tentés par l’aventure nucléaire militaire si la diplomatie ne fonctionne pas? C’est dans l’intérêt du Canada que la diplomatie fonctionne et c’est le meilleur moyen par lequel le Canada peut affirmer son intérêt, peut affirmer sa doctrine de sécurité, car vraiment c’est l’un des plus gros défis du XXIe siècle. Parce qu’il y a, comme j’ai dit, effectivement la prolifération nucléaire des États mais il y a aussi le problème du terrorisme nucléaire ou du terrorisme qui pourrait acquérir des armes de destruction massive, radiologiques, bactériologiques ou chimiques. Dans tous ces domaines-là, il n’y a que la coopération entre les pays qui peut fonctionner. Il y a évidemment des initiatives plus musclées ou plus militaires : l’initiative de contre-prolifération, par exemple, qu’ont mise sur pied les Américains. Il y a bien sûr les plans d’intervention, si c’est prouvé qu’un pays ou qu’un groupe obtient illicitement de telles armes; mais dans tous les cas on sait bien que la prévention est bien plus souhaitable que l’intervention. Et donc, dans un réseau de plus en plus interdépendant, dans les frontières poreuses que l’on connaît à travers la planète, si vous voulez contrer les réseaux qui posent problème dans ce domaine, il n’y a que la coopération entre les diplomates, la sécurité, les corps policiers, le renseignement, qui peut vraiment donner des résultats.

 

Je dis aux étudiants que la plus belle réalisation probablement dans le domaine de la sécurité a été le Traité de non-prolifération nucléaire de 1968, qui est entré en vigueur en 1970. C’est donc une des plus belles réalisations de l’ONU et par voie de conséquence, puisque l’ONU n’est que la somme des pays membres, c’est l’une des plus belles réalisations du Canada parce qu’on y a contribué, on a fait en sorte que ce traité puisse être signé. Et c’est le meilleur exemple (je le dis en effet aux étudiants) de loi, de régime qui existe à l’échelle de la planète et qui, encore, est relativement une réussite. Parce qu‘au lieu d’avoir 25 puissances nucléaires comme l’annonçait le président Kennedy en 1961, on n’a, quand même, encore pas 10 puissances nucléaires déclarées et non déclarées à l’échelle de la planète. Donc il y a quand même une certaine réussite à ce niveau-là et le Canada y a contribué.

 

 

La diplomatie face aux acteurs non-étatiques

 

La place qu’occupe maintenant la privatisation de la sécurité, les milices, les groupes armés non étatiques ou intra-étatiques, voire même les groupes internationaux qui ont des assises dans plusieurs pays (on pense évidemment à la mafia parce que c’est un exemple classique, mais on pense aussi aux trafiquants de drogue, on pense aussi aux groupes qui participent au blanchiment d’argent, aux réseaux nucléaires auxquels j’ai fait allusion dans une autre réponse), tous ces acteurs-là posent des défis considérables aux États. Les États étaient habitués surtout de négocier entre eux et de pratiquer un style de diplomatie entre eux. Et maintenant, voici qu’il faut aussi pratiquer des formes de persuasion, de contrainte, vous voyez, donc de diplomatie à la fois préventive, mais aussi coercitive pour aider des États à mettre en place une sécurité qui corresponde à nos intérêts alors que ces États n’ont pas les moyens de mettre en place cette sécurité. Vous évoquez le cas du Liban par exemple. On devait normalement, en fonction d’une résolution de l’ONU, désarmer la milice de l’Hezbollah et cela n’a pas été fait. Le Liban n’a pas même la capacité comme État d’assurer la sécurité entière de son propre territoire autrement qu’en faisant affaire et en incluant le Hezbollah (comme d’autres milices). Donc ça devient compliqué. Il faut aider les États à demeurer, sinon devenir, forts et particulièrement dans le domaine de la sécurité parce que c’est le noyau dur de la responsabilité première de l’État. Mais de plus en plus on sait que les États en faillite, les États qui sont malades, les États peut-être en voie de guérison, correspondent au problème le plus grave auquel on est confrontés depuis la fin de la guerre froide. Ce sont les États faibles, les États faillis, les États en mal de gouvernance, les États qui ne sont pas capables d’assurer leur sécurité qui posent problème. Ce ne sont pas nécessairement les États forts. Et ça, je pense qu’au XXIe siècle, la santé même de l’État va être un défi colossal pour la communauté internationale. Alors s’il y a bien un État qui a de l’expérience et qui comprend ce genre de problème, c’est encore une fois le Canada, à la fois pour des raisons de politique intérieure et de politique étrangère. On est bien conscients que des États doivent être soutenus, encouragés dans leur capacité d’assurer la sécurité, dans leur capacité de résolution des conflits par des méthodes qui sont innovantes et qui correspondent peut-être à des modèles que l’on connaît très bien, comme le fédéralisme, comme un solide État de droit bien distinct de la société civile. Et ce sont là des recettes, par exemple la consolidation de la paix, la sécurité humaine, la promotion des droits de la personne, qui sont nécessaires pour la construction et la reconstruction des États. Et dans le domaine de la sécurité, ces méthodes-là vont être plus que nécessaires sinon, vous avez raison, les situations que l’on a vécues dans le passé récent, je pense à la Somalie par exemple, à l’Afrique centrale, aux Balkans et à des situations actuelles comme celle qu’on a évoquée au Liban, mais aussi à d’autres situations comme au Sri Lanka, en Colombie, en Afghanistan, risquent de proliférer grandement dans les années à venir et ça constituera le principal problème de sécurité auquel nous serons confrontés.

 

Alors je boucle la boucle en disant, là comme sur les questions de prolifération, l’intervention militaire ou les moyens coercitifs ne sont pas suffisants. La diplomatie doit pouvoir trouver les moyens, par la diplomatie publique, par des programmes soutenus d’aide à ces pays, par la promotion d’un État de droit. Bien avant, par exemple la démocratie, qu’il y ait un État de droit qui existe. Pensez à l’Iraq par exemple, à l’Afghanistan, au Liban, au Sri Lanka, à la Colombie, pour s’assurer que ces États sont en plein contrôle de leur territoire et de leur population et que, à ce moment-là, il y ait peu de danger, peu de risques que pullulent des groupes armés infra-étatiques ou interétatiques qui prennent assise dans ces pays – on pense à Al Qaïda en Afghanistan par exemple – et profitent de frontières poreuses pour menacer grandement la sécurité de ces États-là et par voie de conséquence menacer notre propre sécurité. On n’a pas besoin de démontrer pourquoi après le 11 septembre.
 


Le travail à accomplir par la diplomatie

 

Je pense que les États ont beaucoup investi dans un bon nombre d’institutions qui existent. J’ai parlé du Traité de non-prolifération nucléaire mais il y a aussi beaucoup de groupes par exemple d’exportateurs de technologie nucléaire, de comités, de groupes de pays qui surveillent particulièrement, par exemple, le trafic de matériaux fissiles. Il y a aussi des lois, des initiatives nationales. J’ai fait allusion à l’initiative américaine de contre-prolifération ou de lutte à la prolifération permettant à la marine américaine, par exemple, d’intercepter en haute mer des navires qui seraient soupçonnés de transporter et d’acheminer du matériel illicite sur le plan nucléaire mais aussi des armes chimiques, voire même peut-être des armes bactériologiques. Toutes ces initiatives sont des initiatives qui visent surtout à contrer le risque que des États deviennent proliférateurs. Mais nous avons découvert depuis peu de temps, depuis trois ans, en faisant la lumière sur le réseau du père de la bombe atomique pakistanaise, Abdul Khan, qu’il est peu probable que les États aient tout ce qu’il faut aujourd’hui pour contrer une volonté très déterminée de la part d’un réseau comme celui d’Abdul Khan d’obtenir sur le marché noir, ou profitant même de la porosité des frontières et de la résistance de la connaissance dans les pays industrialisés, les pays développés qui maîtrisent l’énergie nucléaire, d’obtenir des armes, d’utiliser ces moyens civils pour constituer des arsenaux militaires, quand ce réseau s’étend à l’échelle de la planète. Donc je dirais là-dessus : la diplomatie a un énorme travail à faire parce qu’il faut alors solliciter non plus seulement l’aide des États, mais aussi l’aide des organisations internationales, des organisations régionales pour renforcer considérablement, par toutes sortes de moyens, la coordination et l’échange d’information entre les pays. Ça, je dirais, c’est vraiment un autre grand défi qui nous guette parce qu’on a bien vu dans les dernières années que cette coordination a été largement insuffisante et a permis par exemple au Pakistan de se procurer l’arme nucléaire au vu et au su de tous les pays, dont le Canada, mais nous prenant encore par surprise quand la bombe atomique a finalement été testée en 1999. Donc cela prouve qu’on doit redoubler d’ardeur pour renforcer cette coordination.